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1 CERCLE D’INTERET SUR LE DEVELOPPEMENT RURAL (CIDR) Thème 1 : LA PROBLEMATIQUE FONCIERE AU SENEGAL SYNTHESE DES DISCUSSIONS Della Koutcho Diagne Novembre 2003

LA PROBLEMATIQUE FONCIERE AU SENEGAL · • Le droit foncier coutumier Au Sénégal, le foncier était à l’origine régi par le droit coutumier où en résumé, le droit d’appropriation

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CERCLE D’INTERET SUR LE DEVELOPPEMENT RURAL (CIDR)

Thème 1 :

LA PROBLEMATIQUE FONCIERE AU SENEGAL

SYNTHESE DES DISCUSSIONS

Della Koutcho Diagne

Novembre 2003

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SOMMAIRE

CONSTATS ET ENJEUX .............................................................................................................. 4

I. PRESENTATION DU CIDR............................................................................................ 5 A. OBJECTIFS ET PRINCIPES.................................................................................................... 5 B. RESULTATS ATTENDUS...................................................................................................... 5 C. DEROULEMENT DES ACTIVITES.......................................................................................... 5

Rencontres organisées......................................................................................................... 5 D. SUPPORTS UTILISES ........................................................................................................... 6

II. SYNTHESE DES DEBATS SUR LE FONCIER AU SENEGAL ................................ 7 A. QUI A PARTICIPE AUX DEBATS ? ........................................................................................ 7 B. SUR COMBIEN DE TEMPS ? ................................................................................................. 7 C. LES GRANDES LIGNES RESSORTIES DES DEBATS................................................................. 8

1. Rappel de l’évolution de la législation foncière au Sénégal......................................... 8 • Le droit foncier coutumier ......................................................................................... 8 • Le droit foncier sous la colonisation française .......................................................... 8 • Le régime foncier sous l’Etat sénégalais ................................................................... 9

2. Les acquis des débats.................................................................................................... 9 • La Loi sur le Domaine National (LDN) n’est pas appliquée, d’où la nécessité d’une réforme foncière ............................................................................................................... 9 • Les principales raisons de la non application de la LDN ........................................ 10 • Une tentative de réforme foncière avortée : le Plan d’Action Foncier (PAF) de 1996 12 • Qu’espérer de la Loi d’Orientation Agricole (LOA) en projet ? ............................. 12

III. ETAT DES LIEUX SUR LE FONCIER AU NIVEAU DES PRINCIPAUX ACTEURS............................................................................................................................... 14

IV. ANNEXES..................................................................................................................... 15 A. EXTRAIT DU PLAN D’ACTION FONCIER............................................................... 16 B. EXTRAIT DU PROJET DE LOI D’ORIENTATION AGRICOLE RELATIF AU FONCIER ............................................................................................................................. 29 C. BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................... 32 D. LISTE DES MEMBRES DU CIDR ............................................................................... 35

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SIGLES ET ACRONYMES ANCR Association nationale des communautés rurales CIDR Cercle d’intérêt sur le développement rural CNCR CNCAS

Cadre de concertation et de coopération des ruraux Caisse Nationale de Crédit Agricole du Sénégal

CR Communauté rurale CT Conseiller technique DSRP Document de stratégie de réduction de la pauvreté ENDA Environnement Développement du Tiers Monde ESAM-I Enquête Sénégalaise Auprès des Ménages (1994) ESAM-II Enquête Sénégalaise Auprès des Ménages (2001) FNGPF Fédération nationale des groupements de promotion féminine FONGS Fédération des ONG du Sénégal (organisation paysanne) ISRA Institut sénégalais pour la recherche agricole LDN Loi sur le domaine national LOA Loi d’orientation agricole MAE Ministère de l’agriculture et de l’élevage PAF Plan d’action foncier QUID Questionnaire Unifié des Indicateurs de Développement de l’ESAM-II

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INTRODUCTION

Constats et enjeux Le foncier est l’un des trois (3) éléments fondateurs d’une société1. A ce titre, les règles et lois régissant le foncier dans une société révèlent la nature des relations entre les différents acteurs de cette société, notamment la place accordée aux uns et aux autres. Au Sénégal, l’agriculture occupe plus de 80 % des ruraux et ces derniers représentent la majorité de la population même si cette situation tend à s’inverser.2 La terre étant le premier moyen de production, elle représente ainsi un enjeu de taille pour tous les acteurs vivant directement ou indirectement de cette ressource. A ce titre, le foncier a toujours fait l’objet de réglementation : traditionnellement par le droit coutumier, puis par le droit foncier colonial, et depuis l’indépendance par l’Etat sénégalais. Mais ces trois catégories d’acteurs, à savoir les populations, le colon et l’Etat sénégalais, n’ont pas à cherché à maîtriser l’accès au foncier pour les mêmes raisons : pour les populations locales, c’étaient essentiellement des considérations sociales (cohésion sociale) qui dominaient alors que pour le colon et l’Etat sénégalais, ce sont des raisons d’abord économiques (mise en valeur des colonies, développement de l’économie nationale) qui ont fondé les soubassements des législations foncières. En 1964, lors du vote de la Loi 64-46 sur le Domaine National (LDN), il s’agissait ainsi pour l’Etat sénégalais de lever les obstacles3 à la croissance économique du pays en créant un domaine national et en se transférant par la même occasion la maîtrise de l’espace foncier rural (la superficie du domaine national a été évaluée à environ 95 % du territoire national) et le monopole du droit de requérir l’immatriculation. Plus tard, l’attribution de la gestion des zones de terroir aux conseils ruraux correspondait à un souci de « démocratiser l’accès à la terre et en même temps favoriser sa mise en valeur ». Mais aujourd’hui, l’on ne peut constater que les prévisions sont loin d’être concrétisées : • L’accès à la terre est tout sauf démocratique (les femmes et les immigrés en sont

largement exclus) ; • Ce sont les plus nantis qui s’accaparent les terres les plus fertiles et les mieux placées,

car la mise en valeur est devenue un facteur discriminant pour les pauvres ; • Enfin, les nombreuses stratégies de contournement de la LDN développées sur le terrain

par les acteurs montrent bien que la Loi en l’état actuel n’est pas applicable car n’étant ni juste (la majorité de la population est exclue : femmes, immigrés, pauvres4), ni efficace (seul x % du territoire national est réellement mis en valeur), encore moins durable (l’accaparement des meilleures terres par une certaine élite est de conflits menaçant la paix sociale, et la tendance actuelle à la primauté de l’habitat urbain sur les terres agricoles mine l’équilibre à rechercher entre ces deux modes de mise en valeur).

1 Les deux autres étant le sang et le lait maternel (Jacques Faye). 2 En 1960, 77,1% de la population était rurale ; ce pourcentage est passé à 70% en 1970, puis à 60% en 1988, et selon le Plan d’Action Foncier, il ne serait plus que de 55% en 2006. 3 voir PAF, pages 56-57 4 Sur la base d’une ligne de pauvreté correspondant à une consommation de 2400 calories par personne et par jour, la première enquête budget consommation (ESAM-I) a permis d’évaluer la proportion des ménages en dessous du seuil de pauvreté à 57,9% en 1994. Les premiers résultats du QUID évaluent cette proportion à 53,9% en 2001. (DSRP, 2001)

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Ce sont toutes ces dérives qui ont incité le CIDR à se pencher sur la question du foncier avec pour objectif de produire à partir d’une réflexion collective, des propositions alternatives à la situation foncière actuelle. I. PRESENTATION DU CIDR Partant du constat que de nombreux acteurs du développement travaillent sur les mêmes thématiques sans forcément rechercher une articulation entre les différentes initiatives prises, Enda, dans le souci de mettre en synergie ces initiatives, a lancé l’idée d’un cadre de concertation et d’échanges d’acteurs partageant un certain nombre de points communs afin de réfléchir sur des thèmes à enjeu, et ce dans le but d’ajouter une plus value politique à leurs actions. L’espace de rencontre ainsi créé est dénommé "Cercle d'intérêt sur le Développement Rural" (CIDR) et réunit des femmes et des hommes d’horizons divers ayant en commun leur expérience en matière de développement rural et leur volonté d’y adjoindre une plus value politique.

A. Objectifs et principes Le Cidr a pour objectif de: produire un “discours alternatif” sur des questions stratégiques concernant le développement rural pouvant déboucher sur des actions communes. Le CIDR se propose de trouver des éléments d’accord commun, de convergence entre les différents acteurs impliqués, tout en respectant la spécificité et l’autonomie de chacun.

B. Résultats attendus Il est attendu des réflexions menées par le CIDR des synthèses thématiques reflétant la vision commune des acteurs concernés sur les thèmes débattus. Les produits de la réflexion collective pourront contribuer à : • la mise en place d’une stratégie commune de communication • la réorientation d’activités existantes • la mise en place de nouveaux programmes.

C. Déroulement des activités

Rencontres organisées 07 mai 2003 : lancement du CIDR Lancement du groupe avec comme personne ressource invitée Jacques Faye (expression des attentes et définition de deux thèmes : Les enjeux de la problématique foncière au Sénégal ; Approche transversale des filières à travers la question agriculture commerciale/agriculture familiale) 21 mai 2003 : cadrage méthodologique Cadrage méthodologique (élaboration d’une charte et d’un calendrier avec une identification des personnes ressources) 04 juin 2003 : débat autour des présentations de Serigne Mansour Tall (IIED) et de Florent Arragain (Enda) Début des exposés-débat avec Serigne Mansour Tall de l’Institut International pour l’Environnement et le Développement (La question foncière à la limite commune/communauté rurale, cas des villes de Mbour et Thiès), et de Florent Arragain de Enda Diapol (Le foncier dans les Niayes)

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27 juin 2003 : débat autour de la présentation de Ndiobo Diène (CT/MAE) Exposé de Ndiobo Diène, conseiller technique du ministre de l’agriculture et de l’élevage sur la politique foncière du gouvernement (avec la participation de Jacques Faye, spécialiste du foncier) 09 juillet 2003 : débat autour du film Femmes rurales et foncier Projection du film Femmes rurales et foncier, entre lois et réalités, produit par le Réseau Dimitra et Enda Pronat, avec la participation de la coopération suisse et de la FAO. Mercredi 30 juillet 2003 Synthèse sur le thème 1 : La problématique foncière au Sénégal (avec la présence de tous les exposants sur le thème et d’autres personnes ressources).

D. Supports utilisés Comme supports: • les rencontres du mercredi pour un échange direct • les échanges via le courrier électronique (un groupe de discussion a été mis en place

dont l’adresse e mail est la suivante : [email protected]). Un site web est fonctionnel, http://fr.groups.yahoo.com/group/cidevrural où vous pouvez retrouver toutes les informations relatives aux thèmes abordés (textes de loi, articles, compte rendus des réunions, etc.).

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II. SYNTHESE DES DEBATS SUR LE FONCIER AU SENEGAL A. Qui a participé aux débats ?

• Les réunions auront vu la participation d’une quarantaine de personnes avec en moyenne une dizaine de participants par rencontre. Ces personnes viennent d’horizons institutionnels divers : service étatique, organisme d’appui, organisation paysanne, consultant, chercheur, bailleur de fonds, collectivité locale, etc.

• Le groupe de discussion compte à la date du 10/11/03 cinquante trois (53) personnes inscrites dont une dizaine de femmes. On constate une majorité de membres d’ONG, suivie des membres d’organisme d’appui (OA), d’organisation paysanne (OP), de consultants, de la recherche, de l’Etat, de l’enseignement/Formation, de bailleurs de fonds (BF) et de collectivité locale (CL). (cf.Graphique en dessous)

Répartition des membres du CIDR par type d'institution

0

5

10

15

20

25

ONG OA OP

Consu

ltant

Reche

rche

Etat

Ens/Form BF CL

B. Sur combien de temps ? Cette synthèse a été réalisée essentiellement sur la base des réunions organisées et de la bibliographie collectée. • Les réunions se sont déroulé sur presque trois (3) mois, de mai à juillet 2003. • Le groupe de discussion a été créé le 21 juin 2003 et aura donc fonctionné pendant

environ un mois et demi avant la synthèse. Il a servi essentiellement à diffuser les messages de l’animation (compte rendus, invitations aux réunions), les contributions envoyées par les membres et des informations diverses (diffusion de fichiers relatifs aux questions abordées par le CIDR, information sur des rencontres pouvant intéresser les membres). Sur le site Internet, 18 messages ont été envoyés au total mettant ainsi à la disposition de tous les membres du CIDR (on y retrouve notamment les compte rendus de réunions, les contributions des membres, des textes importants comme la LOA, le PAF, le DSRP, etc.).

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C. Les grandes lignes ressorties des débats

1. Rappel de l’évolution de la législation foncière au Sénégal

• Le droit foncier coutumier Au Sénégal, le foncier était à l’origine régi par le droit coutumier où en résumé, le droit d’appropriation de la terre était généralement fondé sur la première installation (la terre appartenait au premier venu et sa propriété s’étendait aussi loin que sa force de travail le lui permettait). L’accès à la terre était garanti suivant plusieurs modalités : • Accès libre et direct par les membres du groupe détenteur • Accès gratuit à titre permanent pour des résidents alliés au groupe détenteur • Accès gratuit à titre précaire pour des immigrés anciens • Accès tributaire de servitude pour des immigrés récents et pour les résidents

temporaires, etc. Dans ce système, les redevances perçues sur la terre pouvaient l’être sous forme de cadeaux, de prestation de travail, de dîme sur les récoltes, de partage des récoltes, etc. Autre caractéristique importante du système, la terre ne pouvait faire l’objet d’un héritage, seule la fonction de « maître de la terre5 » était héréditaire. Mais progressivement, la fonction de maîtrise de la terre va se déprécier, passant du chef de clan aux chefs de lignage, puis aux chefs de segments de lignage ou familles larges pour finalement aboutir aux chefs de ménage. La terre autrefois patrimoine collectif et « sacré » devient alors bien « profane » divisible sous les régimes successoraux.

• Le droit foncier sous la colonisation française Le Sénégal sous la colonisation française va connaître un début de réglementation générale du foncier. Une série de décrets ( le décret du 20 juillet 1900 spécial au Sénégal, suivi du décret du 23 octobre 1904 organisant le Domaine dans l’AOF6, le décret du 29 septembre 1928, le décret du 15 novembre 1935, etc.), va tenter de réglementer le régime foncier dans les pays colonisés. Dans un premier temps, ignorant le droit coutumier, l’Etat colonial demanda sans succès aux colonisés de faire reconnaître leurs droits par l’obtention de titres administratifs. Il se proclame propriétaire de toutes les terres vacantes et sans maître, des terres inexploitées ou abandonnées depuis 10 ans. Dans un second temps, la légitimité des droits fonciers coutumiers est reconnue et une procédure de constatation de certains droits fonciers coutumiers est organisée. Ce régime connut un succès très limité et à l’indépendance du Sénégal, la presque totalité du territoire national était encore placée sous le régime de droit coutumier. 5 Le maître de la terre ou chef de terre est le gestionnaire et gardien du patrimoine foncier collectif au nom du groupe. Son autorité morale et spirituelle était incontestée : étant le plus âgé du groupe détenteur, il représentait l’ancêtre fondateur, intercesseur entre les génies de la terre et les membres de la communauté, intermédiaire entre les morts et les vivants, garant de l’unité, de la solidarité et de la cohésion du groupe. 6 Afrique Occidentale Française.

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• Le régime foncier sous l’Etat sénégalais A l’indépendance du pays en 1960, l’Etat sénégalais hérite d’une situation où deux modes de gestion du foncier coexistent : le droit coutumier et le droit dit moderne introduit par le colonisateur français. Face aux impératifs de développement et devant les limites du droit coutumier, le Sénégal va alors tenter d’uniformiser ces deux modes de gestion en adoptant une nouvelle législation. Ainsi intervient la Loi sur le domaine National7 (LDN) qui verse toutes les terres non immatriculées dans le domaine national sous l’autorité de l’Etat. La LDN est toujours en vigueur en 2003 même si des dispositions sont venues la modifier, principalement la création de la communauté rurale (CR) en 1972, les lois sur la Décentralisation en 1996. En 1996 toujours, une tentative de réforme de la LDN va être faite à travers l’élaboration du Plan d’Action Foncier (PAF) mais elle n’aboutira pas faute d’entente entre les principaux acteurs concernés : Etat, organisations paysannes, cabinet d’études (Panaudit-Sénégal) auquel la mission avait été confiée. Avec l’alternance politique intervenue dans le pays en l’an 2000, la nouvelle équipe gouvernementale essaie de doter le pays d’une politique agricole et a ainsi présenté un document projet de Loi d’Orientation Agricole (LOA) auquel les différentes catégories d’acteurs concernés commencent à réagir, car ce projet ne semble pas résoudre les principaux problèmes posés par la LDN.

2. Les acquis des débats

• La Loi sur le Domaine National (LDN) n’est pas appliquée, d’où la nécessité d’une réforme foncière

Un consensus général se dégage sur le fait que la LDN n’est pas adaptée, n’est pas appliquée sur le terrain et qu’il faut donc la réformer. Face à une loi qui ne prend pas en compte leurs réalités, les populations ont développé des stratégies de contournement de la Loi et ont inventé une loi intermédiaire entre le droit coutumier et la LDN, situation de fait dont devraient s’inspirer les réformateurs de la loi foncière pour être plus proche des réalités des populations. Les tentatives de l’Etat de réformer la LDN (PAF, LOA) ne semblent pas satisfaire les principaux acteurs concernés comme le montrent les nombreux amendements et critiques apportés à ces projets. Certains acteurs ,comme le CNCR, préparent même leurs propositions à soumettre au gouvernement pour une meilleure prise en compte des préoccupations des ruraux. (voir plus loin Etat des lieux de la réflexion sur le foncier au niveau des principaux acteurs).

7 L’article premier de la Loi n° 64-46 du 17 juin 1964 définit le Domaine National : il s’agit « des terres non classées dans le domaine public, non immatriculées, et dont la propriété n’a pas été transcrite à la conservation des hypothèques à la date d’entrée en vigueur de la présente loi ».

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• Les principales raisons de la non application de la LDN A titre de rappel, l’article 4 de la LDN classe les terres en quatre catégories : • les zones urbaines • les zones pionnières • les zones classées • et les zones de terroir. Les trois premières sont placées directement sous la responsabilité de l’Etat tandis que les zones de terroir relèvent du Conseil Rural.8

(1) Une Loi fondée sur des principes inacceptables « Dis moi quelle est ta politique foncière et je te dirai quelle société tu as ! ». La LDN est fondée sur des principes jugés inacceptables pour beaucoup (l’exclusion d’une frange de la population notamment). Il a été souligné notamment le caractère non constitutionnel de la Loi (en effet, la Constitution accorde à tous sans discrimination le droit à la propriété). La gestion du foncier dans une société révèle aussi comment le pouvoir y est partagé et vu sous cet angle, la LDN n’accorde pas un traitement égal à tous les citoyens, et les paysans sont particulièrement défavorisés.

(2) L’exclusion de fait d’une partie des citoyens de l’accès à la terre (non résidents de la CR, les femmes)

Dans les terroirs, l'affectation des terres peut être décidée en faveur soit d'un membre de la communauté rurale, soit de plusieurs membres groupés en association ou coopérative. Ainsi, les étrangers à savoir ceux qui sont extérieurs à la collectivité n'ont pas droit aux terres réservées à celle-ci. De même, les femmes ont d’une façon générale d’énormes difficultés à accéder à la terre, surtout dans les zones où la pression foncière est forte (bassin arachidier), alors qu’aucun texte juridique ne leur dénie le droit à la propriété. Leur non accès à la terre ne serait pas neutre selon un participant car « le foncier constitue un des leviers de contrôle des femmes par les hommes ».

(3) La notion floue de « mise en valeur » La seconde condition9 de l'affectation des terres du domaine national est l'exigence d'une mise en valeur de celles-ci. La terre est concédée à ceux qui la travaillent personnellement et matériellement10. On le voit, la question de la mise en valeur met directement en avant celles des ressources financières et matérielles dont disposent les populations rurales. Or celles ci doivent faire face à de nombreux obstacles : pauvreté grandissante, absence de politique adaptée en matière de crédit notamment (l’offre de la CNCAS étant très limitée),etc.

8 En 1980, les zones pionnières sont reversées dans les zones de terroir et passent donc ainsi sous la responsabilité du Conseil Rural. 9 La première condition étant la résidence dans la CR. 10 D’après Amsatou Sow Sidibé, « L'objectif poursuivi par la loi sur le domaine national est essentiellement de réaliser l'aménagement du territoire, la construction et la mise en valeur des zones affectées à l'habitation, à la culture, à l'élevage, au boisement, etc. L'exigence d'une mise en valeur personnelle de la terre permet ainsi d'assurer la participation de la population à l'application des plans de développement. Elle devait également contribuer à fixer les paysans travailleurs sur leurs terres, évitant ainsi l'exode rural, facteur déstabilisant de l'économie. Enfin, la mise en valeur est une preuve de l'emprise effective sur la terre, une manifestation du droit de l'occupant. Les terres peuvent être affectées aux membres de la communauté groupés ou non en association ou coopérative. Dans ces deux hypothèses, la mise en valeur peut être assurée «directement» c'est-à-dire par chaque affectataire seul, dans ce cas elle est individuelle ou bien «avec l'aide des membres de leur famille» (elle est alors collective). »

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Alors qu’aux yeux des pouvoirs publics, la mise en valeur est si déterminante que l'occupant qui n'est pas en mesure de satisfaire cette exigence est désaffecté11 des terres qui lui étaient concédées. L’ affectation ou la désaffectation des terres tourne autour de la notion de mise en valeur qui n’est explicitée nulle part dans la Loi. Un puits, ou une dizaine de pieds de manguiers installés sur une parcelle attribuée peuvent-ils être valablement considérés comme une mise en valeur ?

(4) L’absence de délimitation claire entre commune et communauté rurale

Un problème important auquel sont confrontées les populations locales est l’absence d’informations précises sur la délimitation commune/communauté rurale (le cadastre rural est quasiment inexistant, et le coût d’un lotissement trop élevé pour être pris en charge par les populations rurales). Cette situation favorise l’avancée inexorable de la ville sur les zones rurales (mitage des espaces ruraux proches des villes, avec comme conséquence la tendance à la disparition des terres agricoles périurbaines - zones de production maraîchère notamment - au profit de l’investissement immobilier perçu comme plus sécurisant et plus rentable). On assiste dans certains cas12 à une réelle prise de conscience des ruraux concernant les enjeux fonciers, cette situation se traduisant par une revendication de leur droit de propriété sur les terres de la CR (rapports de force, négociation).

(5) L’insuffisante information des ruraux par rapport aux textes de lois en général

Peu de ruraux sont suffisamment informés des textes de loi qui pourtant régissent leur vécu. Face à la pression pour la mainmise sur le foncier, les populations rurales bien informées des enjeux posent des actes allant dans le sens de la préservation de leur patrimoine ; celles qui sont plus démunies (en termes d’information, de moyens financiers), cèdent plus facilement et peuvent brader leurs terres pour des raisons de subsistance. Informées, les populations rurales mettent en place des stratégies d’anticipation, se mettant ainsi dans une meilleure position pour négocier (comme le montre l’exemple de la CR de Malicounda où les populations de la CR ont procédé à un lotissement pour limiter l’expansion de la commune de Mbour). C’est pour pallier toutes les insuffisances dont une partie a été soulignée plus haut que les autorités du pays ont tenté une réforme foncière en 1996 mais sans succès.

11 La désaffectation est réalisée de plein droit en cas de décès de l'occupant personne physique, ou de dissolution du groupement. Elle peut également être prononcée de façon totale ou partielle dans trois autres hypothèses. La première est celle où l'affectataire en fait une demande. Les deux autres hypothèses sont liées à un constat d'insuffisance, d'absence ou de cessation de la mise en valeur. Enfin, il est prévu la désaffectation pour motifs d'intérêt général auquel cas, l'affectataire dépouillé de sa parcelle en reçoit une autre équivalente à titre de compensation. Dans tous les cas, lorsque la terre dont a été désaffectée une personne a été réaffectée à quelqu'un d'autre, ce dernier est tenu de verser au prédécesseur, ou à ses héritiers, une indemnité égale à la valeur des produits laissés par la personne désaffectée. Il en est de même en cas de dissolution de l'association, la coopération affectataire . Cette solution est un moyen de réparation du préjudice subi par l'ancien affectataire, et constitue une garantie certaine pour les investisseurs et pour ceux qui travaillent la terre ssde façon générale. 12 Conflit ayant opposé la CR de Malicounda à la commune de Mbour.

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• Une tentative de réforme foncière avortée : le Plan d’Action Foncier (PAF) de 1996

En 1996, le gouvernement commandite une étude sur le foncier et confie son exécution à un cabinet privé placé sous la supervision d’un comité de pilotage. Le Plan d’Action Foncier du Sénégal est le résultat produit par le cabinet d’études et qui propose au gouvernement de choisir entre trois options dégagées à partir de la Loi sur le Domaine National : le statu quo (l’on ne change rien à la Loi de 1964), l’option libérale (favorise la propriété privée) et l’option mixte (qui essaie de concilier les deux premières options)13. Le PAF tel que présenté ne recueille pas l’assentiment des principaux acteurs : les autorités publiques estiment que les termes de référence n’ont pas été respectés. Par ailleurs, le comité de pilotage du PAF n’a pu fonctionner normalement vu la défection de certains de ses membres, notamment le CNCR.14 L’Etat se retrouve ainsi avec une Loi sur le Domaine National qui n’est pas fonctionnelle et une proposition de réforme qui ne propose aucune option satisfaisante. Le PAF a été transmis au Ministère des finances qui a désormais à charge le dossier, et depuis lors aucune information particulière n’ a été publiée quant à la suite réservée au dossier.

• Qu’espérer de la Loi d’Orientation Agricole (LOA) en projet ?15

Après l’expérience malheureuse du PAF, le gouvernement a élaboré une proposition de Loi d’orientation agricole (LOA) qui consacre un de ses chapitres au régime foncier (chapitre 4). D’aucuns voient dans ce texte une tentative inavouée de procéder à une réforme foncière devant servir à asseoir les bases de la modernisation de l’agriculture que souhaite la nouvelle équipe gouvernementale. Eu égard aux nombreuses observations faites par les différents acteurs, l’Etat16 ne peut faire l’économie de la mise en place d’une réelle réforme foncière incluant tous les principaux acteurs concernés. La question de la réforme foncière reste alors toute entière posée, d’où l’importance des propositions émanant des acteurs afin de trouver cette fois ci une réponse satisfaisante à cette question. Quelques pistes ont été dégagées par les participants aux réunions du Cidr concernant l’élaboration de la nouvelle loi foncière. Nous avons également fait le tour de quelques acteurs pour savoir comment ils préparent la réforme foncière à venir. Des réunions du CIDR, il est ressorti les propositions ci après : • Bâtir la nouvelle loi sur des principes d’équité, d’efficacité et de durabilité et prendre en

compte le contexte actuel (en 1960, il y avait trois millions de ruraux, en 2003, ils sont six millions)17.

13 En 1999, l’Association des Présidents de Communautés Rurales, APCR, publie un document qui penche pour l’option mixte. A noter que l’APCR deviendra par la suite Association Nationale des Communautés Rurales (ANCR). 14 Cadre National de Coopération et de concertation des Ruraux. 15 Les éléments exposés ici sont tirés de la conférence sur la LOA organisée en juin dernier par le Bame de l’Isra. 16 Face aux nombreuses réactions de désapprobation observées, l’Etat finalement décidera de retirer le chapitre sur le régime foncier du projet de LOA. 17 Propos de Jacques Faye.

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• Définir la notion de mise en valeur, condition d’affectation des terres dans la Loi sur le Domaine National

• Partir des pratiques foncières sur le terrain, identifier les bonnes et changer les mauvaises.

Relever le défi de la concertation en réussissant à impliquer tous les acteurs concernés par la nouvelle législation sur le foncier, à savoir organisations paysannes, services techniques étatiques, collectivités locales, organismes d’appui, secteur privé, etc. En somme, il s’agit de construire un compromis social sur le foncier pour bâtir la nouvelle Loi. Quelques pistes ont été dégagées par les participants aux réunions du Cidr concernant l’élaboration de la nouvelle loi foncière. Nous avons également fait le tour de quelques acteurs pour savoir comment ils préparent la réforme foncière à venir. Des réunions du CIDR, il est ressorti les propositions ci après : • Bâtir la nouvelle loi sur des principes d’équité, d’efficacité et de durabilité et prendre en

compte le contexte actuel (en 1960, il y avait trois millions de ruraux, en 2003, ils sont six millions)18.

• Définir la notion de mise en valeur, condition d’affectation des terres dans la Loi sur le Domaine National

• Partir des pratiques foncières sur le terrain, identifier les bonnes et changer les mauvaises

Relever le défi de la concertation en réussissant à impliquer tous les acteurs concernés par la nouvelle législation sur le foncier, à savoir organisations paysannes, services techniques étatiques, collectivités locales, organismes d’appui, secteur privé, etc. En somme, il s’agit de construire un compromis social sur le foncier pour bâtir la nouvelle Loi.

18 Propos de Jacques Faye.

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III. ETAT DES LIEUX SUR LE FONCIER AU NIVEAU DES PRINCIPAUX ACTEURS Pour finir, le tour des acteurs suivants : CNCR, ISRA, ANCR, CONGAD, etc. révèle que seul le CNCR a réellement pris à bras le corps la question de la réforme foncière en organisant une concertation méthodique et élargie à toute sa base. LE CNCR : état des lieux sur le foncier Les propositions du CNCR concernant la réforme foncière sont en cours de préparation. Un processus a débuté en janvier 2001 et devrait prendre fin en septembre/octobre 2003. Voici succinctement résumée la démarche adoptée par le CNCR : • La réflexion a commencé par un atelier des leaders du CNCR qui a permis de définir de

façon précise les justifications d’une réforme de la loi sur le domaine national et d’une nouvelle politique foncière du point de vue de l’agriculture familiale et des populations rurales.

• Treize (13) leaders paysans ont été choisis par le CNCR au niveau local et ont été formés en salle et sur le terrain à l’animation d’ateliers locaux sur le foncier.

• Les animateurs locaux ont eu à réaliser au niveau communauté rurale une cinquantaine d’ateliers. Les ateliers locaux ont regroupé des représentants paysans dont un tiers de femmes, un tiers de jeunes et des élus locaux pendant deux jours. Les participants procèdent à l’analyse de leurs pratiques foncières, des solutions concrètes apportées aux conflits fonciers qui se sont posés dans la communauté rurale et proposent des solutions aux questions foncières qu’ils n’ont pas pu résoudre. Le foncier est entendu dans sa définition la plus large qui inclut la terre et les ressources naturelles renouvelables et non renouvelables. L’animateur, assisté d’un secrétaire de séance rédige un compte rendu détaillé des débats et des propositions faites.

• A la suite des ateliers locaux, des ateliers de réflexion sur la réforme foncière au niveau des régions ont été organisés. Ils ont regroupé de deux à trois régions sur la base de similitudes dans les pratiques foncières locales (affinités agro-foncières). Au total cinq (5) ateliers inter-régionaux ont été organisés entre janvier et juin 2003 : Kolda pour les régions de Kolda, Ziguinchor et les départements de tambacounda et de kédougou ; Saint-Louis pour les régions de Saint-Louis, de Matam, le département de Bakel et l’arrondissement de Keur Momar Sarr ; Thiès pour les régions de Dakar et Thiès ; Diourbel pour les régions de Diourbel et de Louga ; et Kaolack pour les régions de Kaolack et de Fatick. Les ateliers inter-régionaux ont débattu des rapports de synthèse préparés à partir des comptes rendus des ateliers locaux.

• A la suite des ateliers inter régionaux, un document de synthèse sera préparé par les consultants. Ce rapport fera l’objet de consultations techniques avec les ministères concernés par la réforme foncière et les politiques foncières et de gestion des ressources naturelles. Il sera soumis au conseil d’administration du CNCR pour validation.

• Enfin, un séminaire national est prévu en novembre 2003 pour débattre du document de synthèse.

(Le document présenté ci dessus est téléchargeable sur le site du CIDR : http://fr.groups.yahoo.com/group/cidevrural/files)

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IV. ANNEXES

1. Extrait du Plan d’Action Foncier

2. Extrait du projet de LOA relatif au foncier

3. Liste des membres et coordonnées

4. Bibliographie

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A. EXTRAIT DU PLAN D’ACTION FONCIER CHAPITRE I. EVOLUTION DE LA LEGISLATION FONCIERE AU SENEGAL

1. Le droit foncier coutumier

Dans la conception négro-africaine, la terre représente un patrimoine sacré, collectif, inaliénable. Elle constitue un ciment d'unité pour la Communauté familiale des morts et des vivants, un moyen de subsistance qui assure l'existence et la continuité du groupe auquel elle confère une certaine puissance politique et un prestige social dans le ressort du territoire que celui-ci contrôle.

11. Les modes d'appropriation et d'accès à la terre

Les terres accaparées par un groupe social étaient connues et reconnues par tous comme étant le domaine réservé du groupe fondateur ou possesseur. Le droit d'appropriation était généralement fondé sur la première installation. L'accès à la terre était garanti suivant plusieurs modalités :

♦ accès libre et direct par les membres du groupe détenteur ; ♦ accès gratuit à titre permanent pour des résidents alliés au groupe détenteur ; ♦ accès gratuit à titre précaire pour des immigrés anciens ; ♦ accès tributaire de servitude pour des immigrés récents et pour les résidents

temporaires, etc... Les redevances perçues dans ce système peuvent l'être sous forme de cadeaux d'hommage ou de reconnaissance, de prestation de travail, de dîme sur les récoltes, de partage des récoltes, etc,...

12. La gestion des terres coutumières

A l'origine la terre ne pouvait faire partie d'un héritage. Seule était héréditaire la fonction de maître de la terre qui est gestionnaire et gardien du patrimoine foncier collectif, au nom du groupe. L'autorité morale et spirituelle du chef de terre ou maître de la terre était incontestée : étant le plus âgé du groupe détenteur, il représentait l'ancêtre fondateur, intercesseur entre les génies de la terre et les membres de la Communauté, intermédiaire entre les morts et les vivants, garant de l’unité, de la solidarité et de la cohésion du groupe. Mais avec les mutations intervenues dans l'organisation économique et socio-politique, la fonction s'est dépréciée, la terre autrefois patrimoine collectif et "sacré" devient bien «profane», divisible sous les régimes successoraux. Progressivement, la fonction de maître de la terre passe du chef de clan, aux chefs de lignage, puis aux chefs de segments de lignage ou famille larges, pour aboutir aux chefs de ménage. L'avantage de ce système coutumier, c'est de permettre à chaque individu d'avoir accès à la terre, même si pour certains, ce droit est à titre onéreux et restrictif.

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2. Le régime foncier sous la colonisation C'est le Code Civil, promulgué par un Arrêté du 15 Novembre 1830 qui a inspiré les règles du droit domanial applicable au Sénégal. L'Article 537 pose le principe d'un droit spécifique en déclarant que «les biens qui n'appartiennent pas à des particuliers sont administrés et ne peuvent être aliénés que dans les formes et suivant les règles qui leur sont particulières». Les articles 538 à 542 énumèrent les biens non soumis à appropriation individuelle, notamment du Domaine Public de l'Etat. Les articles 649 et 650 prévoient l'établissement de servitudes d'intérêt public. Les articles 713, 717 et 768 attribuent à l'Etat les biens sans maître, les épaves et les successions en déshérence. Les articles 2226 et 2227 assurent la protection des dépendances du Domaine contre les empiétements et la prescription. Par la suite, d'autres textes vinrent réglementer certaines portions du Domaine. A cet égard on peut citer :

− le décret de 1901 relatif au Domaine militaire, − le décret de 1905 relatif au Domaine maritime, − le décret de 1889 relatif à l'expropriation pour cause d'utilité publique, − les décrets de 1900 et 1901 relatifs aux forêts.

Toutefois, le premier essai de réglementation générale a été tenté par le décret du 20 Juillet 1900 spécial au Sénégal. Ce texte a été suivi par le décret du 23 octobre 1904 qui organise le Domaine dans l'ancienne A.O.F. et s'applique à la fois au Domaine Public et au régime des terres domaniales :

− un décret du 29 septembre 1928, ultérieurement complété et modifié, a réglementé le Domaine Public et les servitudes d'utilité publique ;

− le décret du 23 octobre 1904 a été abrogé et remplacé par le décret du 15 Novembre

1935. Il y a lieu de signaler qu'au total, les indigènes des pays colonisés en général, n'ont pas éprouvé le besoin de faire reconnaître leurs droits par l'obtention de titres administratifs. D'autre part l'Etat colonial, dans un premier temps, refusait de reconnaître les droits coutumiers. Il se proclame propriétaire éminent de toutes les terres vacantes et sans maître, des terres inexploitées ou abandonnées depuis dix ans. Il se donne ainsi la possibilité illimitée d'octroi de concessions à des entreprises et individus capitalistes. Dans un second temps, l'Etat colonial a reconnu de façon formelle la légitimité des droits fonciers coutumiers. Les décrets Numéros 55-580 du 20 mai 1955 et 56-704 du 10 Juillet 1956 avaient organisé une procédure de constatation de certains droits fonciers exercés selon les règles admises par la coutume. Les droits dont l'existence pouvait être constatée étaient les suivants :

♦ droit collectif d'usage ; ♦ droit individuel d'usage ne comportant pas droit de disposition ; ♦ droit individuel d'usage comportant droit de disposition ; ♦ droit individuel comportant à la fois droit de disposition et emprise évidente et

permanente, pouvant être transformé en droit de propriété par les moyens de l'immatriculation.

Ce régime était applicable à l'ensemble des terres non immatriculées à l'exception de celles placées sous le régime du Code Civil ; mais il n'a rencontré qu'un succès très limité, les

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principes d’application ayant été restreints aux procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique. Au total, au lendemain de l'accession du Sénégal à la souveraineté internationale, la presque totalité de la surface du territoire national était encore placée sous le régime du droit coutumier caractérisé en règle générale par la superposition de deux droits : ♦ un droit de caractère seigneurial, comprenant droit d'attribution et aussi, très souvent droit

de percevoir des redevances exercé par une personne, fréquemment un chef coutumier (dont le titre différait selon les régions) qualifié de «Maître de la terre» ;

♦ droit d'usage exercé par l'occupant effectif, simple détenteur précaire, pouvant être soumis

au paiement de redevances. Si le droit foncier coutumier garantissait l'accès à la terre, présentait-il néanmoins des inconvénients majeurs pouvant remettre en cause les options de l’autorité étatique en matière de croissance économique et de développement en général. C'est ainsi que par exemple : 1. Dans les zones rurales, la situation précaire des exploitants agricoles n'était pas de nature à

les encourager à accomplir des efforts soutenus pour obtenir un rendement élevé ; 2. La répartition anarchique et désordonnée de la terre venait en contradiction avec la

nécessité de mettre en place des structures agricoles modernes obéissant à des normes rationnelles et capables de favoriser le développement économique du pays ;

3. Les procédures d'expropriation des terrains ou zones nécessaires à la réalisation de grands projets d'équipement, ou de mise en valeur en général, étaient longues et compliquées. En règle générale, les terrains concernés par ces projets comprenaient des portions placées sous le régime coutumier. Or, avant que la procédure d'expropriation proprement dite ne soit engagée, il était nécessaire, conformément aux dispositions des décrets numéros 55-580 et 56-704, de procéder à la constatation d'office et systématique des droits fonciers coutumiers, opération qui demandait parfois plusieurs années. La coutume étant imprécise dans les secteurs où des indemnités pouvaient être octroyées du fait d'une expropriation, de nombreuses revendications apparaissaient, et les tribunaux avaient le plus grand mal à apprécier leur bien fondé.

4. L'expropriation des droits dont l'existence avait été constaté, entraînait des dépenses

énormes difficiles à supporter par le budget d'un jeune Etat soumis à la pression de plusieurs autres charges publiques.

5. Les opérations d'expropriation aboutissaient à une injustice dans la mesure où le véritable

occupant ne percevait le plus souvent aucune indemnité. En mesurant l'ampleur de ces inconvénients présentés par le droit foncier coutumier et conscient des blocages qu'un tel régime pouvait provoquer face aux objectifs de croissance économique, l'Etat Sénégalais opta pour leur non reconnaissance (coutumiers) en créant par la loi n° 64-46 du 17 juin 1964 un domaine national et se transféra par la même occasion la maîtrise de l'espace foncier rural et le monopole du droit de requérir l'immatriculation.

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3. La loi 64-46 relative au domaine national 31. Définition et contenu du Domaine National

C'est l'Article premier de la loi n° 64-46 du 17 juin 1964 qui définit le Domaine National. Il s’agit «des terres non classées dans le domaine public, non immatriculées, et dont la propriété n'a pas été transcrite à la conservation des hypothèques à la date d’entrée en vigueur de la présente loi». Ainsi la loi a défini le Domaine National en procédant par élimination ; toutes les terres qui n'entrent pas dans les catégories qu'elle cite, constituent «de plein droit» le Domaine national. Cette démarche permet de considérer le domaine national comme étant le statut commun auquel seront soumises les terres qui ne peuvent expressément être rattachées à une autre catégorie. La superficie des terres du Domaine National ainsi compris a été évaluée à environ 95% du territoire national. Toutefois les terres du Domaine National ne constituent pas une entité homogène : l'Article 4 de la loi n° 64-46 les classe en quatre catégories en fonction de leur destination : − les zones urbaines qui regroupent les terres que le législateur souhaite mettre en réserve

pour le développement urbain ; − les zones classées constituées par les réserves écologiques et forestières : forêts classées et

terrains mis en défens ; − les zones pionnières constituées par les terres résiduelles c'est-à-dire qui ne font partie ni

des zones urbaines, ni des zones classées, ni des zones de terroir. Elles sont destinées à accueillir des programmes d'aménagement et de développement ;

− les zones de terroir correspondent aux «terres qui sont régulièrement exploitées pour

l'habitat rural, la culture ou l'élevage». Les règles d'administration de ces terres varient en fonction de la catégorie dans laquelle elles sont classées. C'est ainsi que les zones urbaines, les zones pionnières et les zones classées relèvent des structures de l'Etat. En revanche les zones de terroirs sont gérées, sous l'autorité de l'Etat, par le Conseil rural, dans les conditions fixées par les Décrets d'application, notamment ceux n° 64-573 du 30 Juillet 1964 et n° 72-1288 du 27 octobre 1972.

32 . La gestion des zones de terroir par le Conseil Rural

Le terme de terroir, tel qu'il est utilisé par la loi n° 64-46 ainsi que les autres textes complémentaires, rejoint la notion de territoire d'une Communauté rurale. En confiant l'Administration de ces zones aux organes décentralisés que constituent les Conseils ruraux, l'Etat a voulu démocratiser l'accès à la terre et en même temps favoriser sa mise en valeur.

a) L'affectation des terres Le Décret n° 64-573 fixant les conditions d'application de la loi n° 46-64 du 17 Juin 1964, confiait en son article 14 des pouvoirs importants au Président du Conseil Rural dans la gestion des terres : «Il affecte les terres du Domaine National... prononce le cas échéant, la

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désaffectation de ces terres, contrôle l'exercice du droit d'usage et autorise l'installation d'habitations ou de campements». Les décisions prévues au présent article sont prises sous le contrôle de l'Etat et sur avis conforme du «conseil rural». Il résulte de cet article que l'avis du Conseil Rural devait précéder toute décision d'affectation ou de désaffectation faite par le Président. Mais cette exigence n'a pas été toujours respectée. C'est ainsi que le Décret n° 80-1051 du 14 Octobre 1980 donne compétence non plus au Président, mais au Conseil rural pour procéder aux affectations ou désaffectations. Il y a lieu de signaler que les délibérations du Conseil rural portant affectation ou désaffectation de terres ne sont exécutoires qu'après avoir été approuvées par le Préfet (articles 8 et 15 du Décret n° 80-1051). Aux termes de l'Article 18 du Décret n° 64-573 repris par l'Article 3 alinéa 2 du Décret n° 72-1288, l'affectation est soumise à deux conditions : • Première condition : la terre doit être affectée aux membres de la Communauté, groupés

ou non en associations. Cette condition résulte de l'idée selon laquelle les membres de la Communauté rurale sont unis par des liens de solidarité, mais également, ils partagent ensemble tous les biens du terroir. La notion de Communauté rurale renvoie donc à l'espace rural qui englobe plusieurs terroirs villageois et toute personne n'appartenant pas à cette entité territoriale ne peut disposer de la terre conçue comme support des activités de production devant assurer la subsistance de la collectivité.

Ainsi la question de l'accès à la terre des non résidents se pose et semble difficilement conciliable avec la «notion de mise en valeur» qui constitue d'ailleurs la seconde condition pour pouvoir bénéficier d'une affectation. • Deuxième condition : aux termes de l'Article 18 précité, «l'affectation est prononcée en

fonction de la capacité des bénéficiaires d'assurer directement ou avec l'aide de leur famille la mise en valeur de ces terres conformément au programme particulier du terroir ».

La précision relative à la mise en valeur «directe» ou avec « 'aide de la famille» s'inscrit dans la logique d'ensemble de la loi sur le domaine national qui veut rendre la terre disponible à tous les exploitants membres de la Communauté rurale, et éviter ainsi le recours au salariat. Ceci n'exclut cependant pas le recours à des prestataires de service, telle qu'une entreprise de constructions ou aménagements ; c'est en tout cas l'avis de la Cour Suprême qui, dans un Arrêt en date du 25 mars 1981, a estimé que «le fait de procéder par voie contractuelle de droit moderne à la mise en valeur (du terrain)... constitue une participation personnelle à la mise en valeur». b) la fin de l'affectation L'Affectation d'une terre est en principe décidée pour une durée indéterminée. Mais elle peut prendre fin en cas de faute de l'affectataire, sur sa demande, ou pour raison d'utilité publique : • la désaffectation résultant d'une décision de l'Etat : l'immatriculation d'une portion du

Domaine National au nom de l'Etat pour raison d'utilité publique a pour effet d'extraire cette portion du Domaine National et de le faire entrer dans le Domaine privé (patrimoine) de l'Etat, toutes les affectations faites sur cette terre prennent fin du fait de cette opération ;

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• la désaffectation pour motif «d'intérêt général» : elle a été prévue par l'Article 15 alinéa

2 de la loi n° 64-46 du 17 Juin 1964 ; elle peut être justifiée soit par des opérations ponctuelles, soit par la volonté de procéder à une révision générale des affectations ;

Dans la première catégorie, il faut ranger les désaffectations pour l'établissement de parcours de bétail par exemple, pour travaux hydrauliques, pour lotissements destinés à l'habitat... article 11 et 14 du Décret n° 72-1288. Par ailleurs le Conseil rural peut, aux termes de l'Article 12 du Décret n° 72-1288, demander une révision générale des affectations dans le cas où l'évolution des conditions démographiques ou culturales l'exigeraient. Dans ce cas la délibération doit être adoptée à la majorité des 3/4 de ses membres et approuvée par Décret. • la désaffectation à titre de sanction : aux termes de l'Article 20 du Décret n° 64-573, la

désaffectation est opérée d'office un an après une mise en demeure restée sans effet pour les motifs suivants :

− une insuffisance de mise en valeur résultant notamment du mauvais entretien ou

inobservation de la réglementation applicable au terrain ; − lorsque le bénéficiaire ne réside plus sur le terroir ou n'assure plus personnellement la

mise en valeur des terres qui lui sont affectées.

c) Effets de la Désaffectation L'affectataire perd le droit d'usage sur la terre qui lui était concédée suivant des cas variables. En cas de désaffectation motivée par l'intérêt général, l'affectataire dépossédé bénéficie d'une nouvelle parcelle équivalente à l'ancienne à titre de compensation. Dans l'hypothèse d'une réaffectation, le nouvel affectataire est tenu de verser à l'ancien ou à ses héritiers une indemnité égale à la valeur des constructions et de la récolte pendante estimée au jour de la nouvelle affectation. Les règles présidant à l'affectation et à la désaffectation des terres du Domaine National en zone de terroir confirme l'idée de base de la loi sur le Domaine National, à savoir que la terre ne peut faire l'objet d'occupation privative que pour les besoins de sa mise en valeur. L'occupation a alors une finalité économique. L'Etat se trouve lui-même limité dans ses prérogatives. Le Domaine National ne fait pas partie de son patrimoine. Seule la réalisation d'opérations revêtant le caractère d'utilité publique autorise l'immatriculation d'une dépendance du Domaine National au nom de l'Etat. Toutefois, bien que des organes démocratiquement élus procèdent à la distribution de sol considéré comme un outil de travail devant assurer le bien être des utilisateurs, l'expérience révèle diverses imperfections. Cette situation a été clairement résumée par Monsieur Madiodio NIASS dans sa thèse intitulée «Acteurs fonciers de l'Après-barrage» lorsqu'il souligne notamment : «...le législateur a pensé, par ces textes fondamentaux et les réorganisations entreprises, pouvoir assurer la promotion sociale du paysan, donc le «développement à la base». En réduisant les compétences prépondérantes qui étaient données au Président du Conseil rural, il a pensé mettre fin à la tendance qui consistait à détourner la loi au profit des anciennes ou des nouvelles aristocraties foncières. En augmentant le pouvoir de contrôle du Sous-préfet sur le Conseil rural, il a voulu grâce à l'arbitrage de l'Etat, assurer le fonctionnement démocratique des institutions de base».

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Mais entre la volonté politique qu'on pourrait déceler derrière les textes de la loi et le discours juridique officiel d'une part, les théories, compréhensions de théories et pratiques foncières concrètes des acteurs d'autres part, il existe bien un abîme... on s'aperçoit très vite que l'application du discours officiel révèle des dysfonctionnements de taille, capables de remettre en cause justement le «développement à la base» recherché avec la promotion sociale du producteur. CHAPITRE I. EVOLUTION DE LA LEGISLATION FONCIERE AU SENEGAL

1. Le droit foncier coutumier

Dans la conception négro-africaine, la terre représente un patrimoine sacré, collectif, inaliénable. Elle constitue un ciment d'unité pour la Communauté familiale des morts et des vivants, un moyen de subsistance qui assure l'existence et la continuité du groupe auquel elle confère une certaine puissance politique et un prestige social dans le ressort du territoire que celui-ci contrôle.

11. Les modes d'appropriation et d'accès à la terre

Les terres accaparées par un groupe social étaient connues et reconnues par tous comme étant le domaine réservé du groupe fondateur ou possesseur. Le droit d'appropriation était généralement fondé sur la première installation. L'accès à la terre était garanti suivant plusieurs modalités :

♦ accès libre et direct par les membres du groupe détenteur ; ♦ accès gratuit à titre permanent pour des résidents alliés au groupe détenteur ; ♦ accès gratuit à titre précaire pour des immigrés anciens ; ♦ accès tributaire de servitude pour des immigrés récents et pour les résidents

temporaires, etc... Les redevances perçues dans ce système peuvent l'être sous forme de cadeaux d'hommage ou de reconnaissance, de prestation de travail, de dîme sur les récoltes, de partage des récoltes, etc,...

12. La gestion des terres coutumières

A l'origine la terre ne pouvait faire partie d'un héritage. Seule était héréditaire la fonction de maître de la terre qui est gestionnaire et gardien du patrimoine foncier collectif, au nom du groupe. L'autorité morale et spirituelle du chef de terre ou maître de la terre était incontestée : étant le plus âgé du groupe détenteur, il représentait l'ancêtre fondateur, intercesseur entre les génies de la terre et les membres de la Communauté, intermédiaire entre les morts et les vivants, garant de l’unité, de la solidarité et de la cohésion du groupe. Mais avec les mutations intervenues dans l'organisation économique et socio-politique, la fonction s'est dépréciée, la terre autrefois patrimoine collectif et "sacré" devient bien «profane», divisible sous les régimes successoraux. Progressivement, la fonction de maître de la terre passe du chef de clan, aux chefs de lignage, puis aux chefs de segments de lignage ou famille larges, pour aboutir aux chefs de ménage. L'avantage de ce système coutumier, c'est de permettre à chaque individu d'avoir accès à la terre, même si pour certains, ce droit est à titre onéreux et restrictif.

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2. Le régime foncier sous la colonisation

C'est le Code Civil, promulgué par un Arrêté du 15 Novembre 1830 qui a inspiré les règles du droit domanial applicable au Sénégal. L'Article 537 pose le principe d'un droit spécifique en déclarant que «les biens qui n'appartiennent pas à des particuliers sont administrés et ne peuvent être aliénés que dans les formes et suivant les règles qui leur sont particulières». Les articles 538 à 542 énumèrent les biens non soumis à appropriation individuelle, notamment du Domaine Public de l'Etat. Les articles 649 et 650 prévoient l'établissement de servitudes d'intérêt public. Les articles 713, 717 et 768 attribuent à l'Etat les biens sans maître, les épaves et les successions en déshérence. Les articles 2226 et 2227 assurent la protection des dépendances du Domaine contre les empiétements et la prescription. Par la suite, d'autres textes vinrent réglementer certaines portions du Domaine. A cet égard on peut citer :

− le décret de 1901 relatif au Domaine militaire, − le décret de 1905 relatif au Domaine maritime, − le décret de 1889 relatif à l'expropriation pour cause d'utilité publique, − les décrets de 1900 et 1901 relatifs aux forêts.

Toutefois, le premier essai de réglementation générale a été tenté par le décret du 20 Juillet 1900 spécial au Sénégal. Ce texte a été suivi par le décret du 23 octobre 1904 qui organise le Domaine dans l'ancienne A.O.F. et s'applique à la fois au Domaine Public et au régime des terres domaniales :

− un décret du 29 septembre 1928, ultérieurement complété et modifié, a réglementé le Domaine Public et les servitudes d'utilité publique ;

− le décret du 23 octobre 1904 a été abrogé et remplacé par le décret du 15 Novembre

1935. Il y a lieu de signaler qu'au total, les indigènes des pays colonisés en général, n'ont pas éprouvé le besoin de faire reconnaître leurs droits par l'obtention de titres administratifs. D'autre part l'Etat colonial, dans un premier temps, refusait de reconnaître les droits coutumiers. Il se proclame propriétaire éminent de toutes les terres vacantes et sans maître, des terres inexploitées ou abandonnées depuis dix ans. Il se donne ainsi la possibilité illimitée d'octroi de concessions à des entreprises et individus capitalistes. Dans un second temps, l'Etat colonial a reconnu de façon formelle la légitimité des droits fonciers coutumiers. Les décrets Numéros 55-580 du 20 mai 1955 et 56-704 du 10 Juillet 1956 avaient organisé une procédure de constatation de certains droits fonciers exercés selon les règles admises par la coutume. Les droits dont l'existence pouvait être constatée étaient les suivants :

♦ droit collectif d'usage ; ♦ droit individuel d'usage ne comportant pas droit de disposition ; ♦ droit individuel d'usage comportant droit de disposition ; ♦ droit individuel comportant à la fois droit de disposition et emprise évidente et

permanente, pouvant être transformé en droit de propriété par les moyens de l'immatriculation.

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Ce régime était applicable à l'ensemble des terres non immatriculées à l'exception de celles placées sous le régime du Code Civil ; mais il n'a rencontré qu'un succès très limité, les principes d’application ayant été restreints aux procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique. Au total, au lendemain de l'accession du Sénégal à la souveraineté internationale, la presque totalité de la surface du territoire national était encore placée sous le régime du droit coutumier caractérisé en règle générale par la superposition de deux droits : ♦ un droit de caractère seigneurial, comprenant droit d'attribution et aussi, très souvent droit

de percevoir des redevances exercé par une personne, fréquemment un chef coutumier (dont le titre différait selon les régions) qualifié de «Maître de la terre» ;

♦ droit d'usage exercé par l'occupant effectif, simple détenteur précaire, pouvant être soumis

au paiement de redevances. Si le droit foncier coutumier garantissait l'accès à la terre, présentait-il néanmoins des inconvénients majeurs pouvant remettre en cause les options de l’autorité étatique en matière de croissance économique et de développement en général. C'est ainsi que par exemple : 6. Dans les zones rurales, la situation précaire des exploitants agricoles n'était pas de nature à

les encourager à accomplir des efforts soutenus pour obtenir un rendement élevé ; 7. La répartition anarchique et désordonnée de la terre venait en contradiction avec la

nécessité de mettre en place des structures agricoles modernes obéissant à des normes rationnelles et capables de favoriser le développement économique du pays ;

8. Les procédures d'expropriation des terrains ou zones nécessaires à la réalisation de grands projets d'équipement, ou de mise en valeur en général, étaient longues et compliquées. En règle générale, les terrains concernés par ces projets comprenaient des portions placées sous le régime coutumier. Or, avant que la procédure d'expropriation proprement dite ne soit engagée, il était nécessaire, conformément aux dispositions des décrets numéros 55-580 et 56-704, de procéder à la constatation d'office et systématique des droits fonciers coutumiers, opération qui demandait parfois plusieurs années. La coutume étant imprécise dans les secteurs où des indemnités pouvaient être octroyées du fait d'une expropriation, de nombreuses revendications apparaissaient, et les tribunaux avaient le plus grand mal à apprécier leur bien fondé.

9. L'expropriation des droits dont l'existence avait été constaté, entraînait des dépenses

énormes difficiles à supporter par le budget d'un jeune Etat soumis à la pression de plusieurs autres charges publiques.

10.Les opérations d'expropriation aboutissaient à une injustice dans la mesure où le véritable

occupant ne percevait le plus souvent aucune indemnité. En mesurant l'ampleur de ces inconvénients présentés par le droit foncier coutumier et conscient des blocages qu'un tel régime pouvait provoquer face aux objectifs de croissance économique, l'Etat Sénégalais opta pour leur non reconnaissance (coutumiers) en créant par la loi n° 64-46 du 17 juin 1964 un domaine national et se transféra par la même occasion la maîtrise de l'espace foncier rural et le monopole du droit de requérir l'immatriculation.

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3. La loi 64-46 relative au domaine national

31. Définition et contenu du Domaine National

C'est l'Article premier de la loi n° 64-46 du 17 juin 1964 qui définit le Domaine National. Il s’agit «des terres non classées dans le domaine public, non immatriculées, et dont la propriété n'a pas été transcrite à la conservation des hypothèques à la date d’entrée en vigueur de la présente loi». Ainsi la loi a défini le Domaine National en procédant par élimination ; toutes les terres qui n'entrent pas dans les catégories qu'elle cite, constituent «de plein droit» le Domaine national. Cette démarche permet de considérer le domaine national comme étant le statut commun auquel seront soumises les terres qui ne peuvent expressément être rattachées à une autre catégorie. La superficie des terres du Domaine National ainsi compris a été évaluée à environ 95% du territoire national. Toutefois les terres du Domaine National ne constituent pas une entité homogène : l'Article 4 de la loi n° 64-46 les classe en quatre catégories en fonction de leur destination : − les zones urbaines qui regroupent les terres que le législateur souhaite mettre en réserve

pour le développement urbain ; − les zones classées constituées par les réserves écologiques et forestières : forêts classées et

terrains mis en défens ; − les zones pionnières constituées par les terres résiduelles c'est-à-dire qui ne font partie ni

des zones urbaines, ni des zones classées, ni des zones de terroir. Elles sont destinées à accueillir des programmes d'aménagement et de développement ;

− les zones de terroir correspondent aux «terres qui sont régulièrement exploitées pour

l'habitat rural, la culture ou l'élevage». Les règles d'administration de ces terres varient en fonction de la catégorie dans laquelle elles sont classées. C'est ainsi que les zones urbaines, les zones pionnières et les zones classées relèvent des structures de l'Etat. En revanche les zones de terroirs sont gérées, sous l'autorité de l'Etat, par le Conseil rural, dans les conditions fixées par les Décrets d'application, notamment ceux n° 64-573 du 30 Juillet 1964 et n° 72-1288 du 27 octobre 1972.

32 . La gestion des zones de terroir par le Conseil Rural Le terme de terroir, tel qu'il est utilisé par la loi n° 64-46 ainsi que les autres textes complémentaires, rejoint la notion de territoire d'une Communauté rurale. En confiant l'Administration de ces zones aux organes décentralisés que constituent les Conseils ruraux, l'Etat a voulu démocratiser l'accès à la terre et en même temps favoriser sa mise en valeur.

a) L'affectation des terres Le Décret n° 64-573 fixant les conditions d'application de la loi n° 46-64 du 17 Juin 1964, confiait en son article 14 des pouvoirs importants au Président du Conseil Rural dans la gestion des terres : «Il affecte les terres du Domaine National... prononce le cas échéant, la

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désaffectation de ces terres, contrôle l'exercice du droit d'usage et autorise l'installation d'habitations ou de campements». Les décisions prévues au présent article sont prises sous le contrôle de l'Etat et sur avis conforme du «conseil rural». Il résulte de cet article que l'avis du Conseil Rural devait précéder toute décision d'affectation ou de désaffectation faite par le Président. Mais cette exigence n'a pas été toujours respectée. C'est ainsi que le Décret n° 80-1051 du 14 Octobre 1980 donne compétence non plus au Président, mais au Conseil rural pour procéder aux affectations ou désaffectations. Il y a lieu de signaler que les délibérations du Conseil rural portant affectation ou désaffectation de terres ne sont exécutoires qu'après avoir été approuvées par le Préfet (articles 8 et 15 du Décret n° 80-1051). Aux termes de l'Article 18 du Décret n° 64-573 repris par l'Article 3 alinéa 2 du Décret n° 72-1288, l'affectation est soumise à deux conditions : • Première condition : la terre doit être affectée aux membres de la Communauté, groupés

ou non en associations. Cette condition résulte de l'idée selon laquelle les membres de la Communauté rurale sont unis par des liens de solidarité, mais également, ils partagent ensemble tous les biens du terroir. La notion de Communauté rurale renvoie donc à l'espace rural qui englobe plusieurs terroirs villageois et toute personne n'appartenant pas à cette entité territoriale ne peut disposer de la terre conçue comme support des activités de production devant assurer la subsistance de la collectivité.

Ainsi la question de l'accès à la terre des non résidents se pose et semble difficilement conciliable avec la «notion de mise en valeur» qui constitue d'ailleurs la seconde condition pour pouvoir bénéficier d'une affectation. • Deuxième condition : aux termes de l'Article 18 précité, «l'affectation est prononcée en

fonction de la capacité des bénéficiaires d'assurer directement ou avec l'aide de leur famille la mise en valeur de ces terres conformément au programme particulier du terroir ».

La précision relative à la mise en valeur «directe» ou avec « 'aide de la famille» s'inscrit dans la logique d'ensemble de la loi sur le domaine national qui veut rendre la terre disponible à tous les exploitants membres de la Communauté rurale, et éviter ainsi le recours au salariat. Ceci n'exclut cependant pas le recours à des prestataires de service, telle qu'une entreprise de constructions ou aménagements ; c'est en tout cas l'avis de la Cour Suprême qui, dans un Arrêt en date du 25 mars 1981, a estimé que «le fait de procéder par voie contractuelle de droit moderne à la mise en valeur (du terrain)... constitue une participation personnelle à la mise en valeur». b) la fin de l'affectation L'Affectation d'une terre est en principe décidée pour une durée indéterminée. Mais elle peut prendre fin en cas de faute de l'affectataire, sur sa demande, ou pour raison d'utilité publique : • la désaffectation résultant d'une décision de l'Etat : l'immatriculation d'une portion du

Domaine National au nom de l'Etat pour raison d'utilité publique a pour effet d'extraire cette portion du Domaine National et de le faire entrer dans le Domaine privé (patrimoine) de l'Etat, toutes les affectations faites sur cette terre prennent fin du fait de cette opération ;

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• la désaffectation pour motif «d'intérêt général» : elle a été prévue par l'Article 15 alinéa 2 de la loi n° 64-46 du 17 Juin 1964 ; elle peut être justifiée soit par des opérations ponctuelles, soit par la volonté de procéder à une révision générale des affectations ;

Dans la première catégorie, il faut ranger les désaffectations pour l'établissement de parcours de bétail par exemple, pour travaux hydrauliques, pour lotissements destinés à l'habitat... article 11 et 14 du Décret n° 72-1288. Par ailleurs le Conseil rural peut, aux termes de l'Article 12 du Décret n° 72-1288, demander une révision générale des affectations dans le cas où l'évolution des conditions démographiques ou culturales l'exigeraient. Dans ce cas la délibération doit être adoptée à la majorité des 3/4 de ses membres et approuvée par Décret. • la désaffectation à titre de sanction : aux termes de l'Article 20 du Décret n° 64-573, la

désaffectation est opérée d'office un an après une mise en demeure restée sans effet pour les motifs suivants :

− une insuffisance de mise en valeur résultant notamment du mauvais entretien ou

inobservation de la réglementation applicable au terrain ; − lorsque le bénéficiaire ne réside plus sur le terroir ou n'assure plus personnellement la

mise en valeur des terres qui lui sont affectées.

c) Effets de la Désaffectation L'affectataire perd le droit d'usage sur la terre qui lui était concédée suivant des cas variables. En cas de désaffectation motivée par l'intérêt général, l'affectataire dépossédé bénéficie d'une nouvelle parcelle équivalente à l'ancienne à titre de compensation. Dans l'hypothèse d'une réaffectation, le nouvel affectataire est tenu de verser à l'ancien ou à ses héritiers une indemnité égale à la valeur des constructions et de la récolte pendante estimée au jour de la nouvelle affectation. Les règles présidant à l'affectation et à la désaffectation des terres du Domaine National en zone de terroir confirme l'idée de base de la loi sur le Domaine National, à savoir que la terre ne peut faire l'objet d'occupation privative que pour les besoins de sa mise en valeur. L'occupation a alors une finalité économique. L'Etat se trouve lui-même limité dans ses prérogatives. Le Domaine National ne fait pas partie de son patrimoine. Seule la réalisation d'opérations revêtant le caractère d'utilité publique autorise l'immatriculation d'une dépendance du Domaine National au nom de l'Etat. Toutefois, bien que des organes démocratiquement élus procèdent à la distribution de sol considéré comme un outil de travail devant assurer le bien être des utilisateurs, l'expérience révèle diverses imperfections. Cette situation a été clairement résumée par Monsieur Madiodio NIASS dans sa thèse intitulée «Acteurs fonciers de l'Après-barrage» lorsqu'il souligne notamment : «...le législateur a pensé, par ces textes fondamentaux et les réorganisations entreprises, pouvoir assurer la promotion sociale du paysan, donc le «développement à la base». En réduisant les compétences prépondérantes qui étaient données au Président du Conseil rural, il a pensé mettre fin à la tendance qui consistait à détourner la loi au profit des anciennes ou des nouvelles aristocraties foncières. En augmentant le pouvoir de contrôle du Sous-préfet sur le Conseil rural, il a voulu grâce à l'arbitrage de l'Etat, assurer le fonctionnement démocratique des institutions de base».

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Mais entre la volonté politique qu'on pourrait déceler derrière les textes de la loi et le discours juridique officiel d'une part, les théories, compréhensions de théories et pratiques foncières concrètes des acteurs d'autres part, il existe bien un abîme... on s'aperçoit très vite que l'application du discours officiel révèle des dysfonctionnements de taille, capables de remettre en cause justement le «développement à la base» recherché avec la promotion sociale du producteur.

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B. EXTRAIT DU PROJET DE LOI D’ORIENTATION AGRICOLE RELATIF AU FONCIER

« Chapitre 4 : Le régime foncier. Article 14 : Deux principes fondamentaux guident la réforme foncière : - moderniser l’agriculture sénégalaise en favorisant la transformation de l’agriculture familiale par l’accroissement de la taille des exploitations agricoles, et par l’augmentation des investissements en milieu rural ; - assurer aux communautés rurales des ressources financières pour leur permettre de fournir des services publics satisfaisants aux populations rurales, pour leur donner les moyens d’une gestion durable des ressources naturelles et pour leur permettre d’appliquer la législation foncière. Article 15 : Les conseils ruraux sont compétents pour : affecter les terres du domaine national aux exploitations agricoles familiales, encadrer les pratiques des feux de culture, fixer la nature et les modalités d’exécution des clôtures et des défenses limitant les fonds et protégeant les récoltes, instituer les servitudes de passage et de vaine pâture, fixer le régime d’accès aux points d’eau, créer, délimiter et matérialiser les chemins de bétail. A cette fin, l’ensemble des communautés rurales disposent d’un délai de dix ans pour élaborer des Plans d’occupation et d’affectation des sols (POAS), à l’effet de favoriser une gestion équilibrée et durable des ressources foncières et naturelles. Ces Plans déterminent la vocation des sols, en fixant les zones dévolues prioritairement à l’agriculture, à l’élevage, à la préservation des ressources naturelles et à l’habitat. Les textes et procédures régissant l’élaboration des POAS font l’objet de décrets. Les conseils ruraux ne sont pas compétents pour intervenir dans les périmètres affectés aux exploitations agricoles commerciales et industrielles. Article 16 : Les dispositions du présent article et de l’article 17 ne s’appliquent que dans les communautés rurales dotées d’un Plan d’occupation et d’affectation des sols (POAS). La personne ou la famille à qui le conseil rural a affecté des terres à usage agricole ou d’élevage peuvent demander à la communauté rurale de se voir accorder un droit d’usage de ces terres. Lorsqu’un droit d’usage est accordé, son bénéficiaire doit procéder au bornage des terres qui en font l’objet. L’octroi de ce droit d’usage impose à son bénéficiaire le paiement d’une redevance annuelle d’usage versée à la communauté rurale. Les modalités de calcul du montant de cette redevance sont fixées par décret.

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Les terres qui font l’objet d’un droit d’usage sont obligatoirement affectées au détenteur de ce droit par le conseil rural. Le droit d’usage de terres à vocation agricole ou d’élevage se transmet par héritage. Le titulaire d’un droit d’usage peut accorder, moyennant le versement d’une contrepartie financière, la possibilité d’exploiter les terres faisant l’objet de ce droit à d’autres habitants de la communauté rurale. Le titulaire d’un droit d’usage peut, à tout moment, renoncer à ce droit. Article 17 : Le titulaire d’un droit d’usage peut demander à l’Etat qu’un titre foncier lui soit accordé pour les terres faisant l’objet de ce droit. Ce titre foncier attribue la propriété des terres à son détenteur. L’octroi de ce titre foncier s’accompagne de l’immatriculation des terres. L’obtention d’un titre foncier donne lieu au paiement d’une taxe dont les modalités de calcul sont fixées par décret. Le montant de cette taxe dépend de la superficie et de la valeur d’usage des terres, objets du titre foncier. Le produit de cette taxe est réparti, selon des règles fixées par décret, entre l’Etat et la communauté rurale sur le territoire de laquelle se situent les terres. Le détenteur d’un titre foncier dispose librement des terres attachées à ce titre. Les terres qui font l’objet d’un titre foncier peuvent être vendues, par le détenteur de ce titre, à un tiers, qu’il habite ou non la communauté rurale. Article 18 : Les terres affectées aux exploitations agricoles commerciales et industrielles sont gérées par une Agence de l’espace agricole. Cette Agence qui ne dispose pas de la personnalité morale est placée sous l’autorité conjointe du Ministre chargé de l’agriculture et du Ministre chargé des domaines. Les conditions d’organisation et de fonctionnement de cette Agence sont fixées par décret. Article 19 : L’Agence de l’espace agricole délimite les terres du domaine national affectées aux exploitations agricoles commerciales et industrielles. L’Agence consulte au préalable les communautés rurales intéressées par l’implantation de ces exploitations. Article 20 : Dans les zones délimitées par l’Agence de l’espace agricole, les exploitations agricoles commerciales et industrielles signent avec l’Etat des contrats d’occupation du domaine national. Ces contrats ont une durée qui ne peut pas être inférieure à quinze ans et qui ne peut pas excéder cinquante ans. Ces contrats sont préparés par l’Agence et sont co-signés par les Ministres chargés de l’agriculture et des domaines. Ces contrats fixent les obligations qui incombent aux exploitants notamment en matière de réalisation d’équipements, de préservation du milieu naturel, d’emploi et de formation de salariés agricoles. Ces contrats fixent le montant qui est versé annuellement par les exploitations en échange de la mise à disposition des terres. Ce montant est partagé, dans des conditions fixées par décret,

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entre l’Etat, les communautés rurales intéressées et un Fonds d’Aménagement Foncier, chargé de financer la réalisation des POAS et de contribuer à la mise en place du cadastre. Article 21 : Dans les zones affectées aux exploitations agricoles commerciales et industrielles, l’Etat peut vendre des terres à des particuliers, personnes physiques ou morales. La vente peut s’accompagner de prescriptions particulières imposées à l’acheteur notamment en matière d’emploi, de préservation des milieux et d’usage traditionnel des terres. Ces prescriptions constituent des obligations qui s’imposent, sans limitation de durée, quel que soit le propriétaire des terres. La décision de vendre des terres du domaine national à des particuliers est prise par le Président de la République. Le produit de ces ventes est partagé, dans des conditions fixées par décret, entre l’Etat et les communautés rurales intéressées. Article 22 : Il est établi un cadastre sur l’ensemble du territoire national. Ce cadastre délimite les parcelles foncières, établit leurs propriétaires et mentionne éventuellement les droits réels immobiliers qu’elles supportent. L’Agence de l’espace agricole participe à la réalisation de ce cadastre. »

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C. BIBLIOGRAPHIE Parus après l’an 2000 Cahiers d’anthropologie du droit, Retour au foncier, Karthala, 2003 Etienne Le Roy19, Pour une sécurisation foncière des producteurs ruraux, Actes du séminaire international d’échanges entre chercheurs et décideurs, Ouagadougou, 19 au 21 mars 2002, 2003 Enda Pronat, Comment mieux gérer nos terres ? La Fédération des agropasteurs de Diender renforce ses capacités, Série Quel passé pour l’avenir ?, octobre 2002 Parus dans les années 90 Pontie, Guy; Guigou, B.; Lericollais, André, La gestion de la terre dans le Sine - IN: Lericollais, André (ed.) - Paysans sereer : dynamiques agraires et mobilités au Sénégal, IRD, Paris (FRA), p. 145-194, 1999 Lericollais, Andre (ed.), Paysans sereer : dynamiques agraires et mobilités au Sénégal, IRD, Paris (FRA), 668 p., 1999 Philippe Lavigne Delvigne, Quelle politique foncière pour l’Afrique rurale, Karthala Ndiaye, El Hadji Malick, Les stratégies foncières paysannes face au changement écologique à Thysse-Kaymor/Sonkorong (Région de Kaolack, Département de Nioro), Saint-Louis, Université Gaston Berger de Saint-Louis, 1998, 122 p. (Mémoire de maîtrise, section de sociologie, Institut sénégalais de recherches agricoles). Blundo G. (in Becker Ch. et Tersiguel Philippe, Développement Durable au Sahel), Gérer les conflits fonciers au Sénégal : le rôle de l’administration locale dans le Sud Est du bassin arachidier, 1997 De Ciparisse G., Dynamiques foncières et agriculture en zone périurbaine : éléments pour un débat pour de nouvelles frontières en Afrique de l’Ouest, Collection Aliments dans les villes, Document de travail 13, FAO, Avril 1997 Bertrand A. (dir.), Karsenty A., Leroy E., La sécurisation foncière en Afrique, Karthala, 1996 Thebaud, Brigitte, Foncier, dégradation des terres et désertification en Afrique: réflexions à partir de l'exemple du Sahel, London, IIED, Juillet 1995, 44 p. (Dossier Programmes Zones arides/IIED n° 57). Ndiaye, Adama Abdoulaye, La relation Foncier/Ressources végétales dans la gestion locale: exemple de la Communauté rurale de Mbane au Sénégal, , Dakar, université Cheikh Anta Diop, 1994, 72 p. (DEA, Sciences de l'environnement). Crousse, Bernard; Hesseling, Gerti, Transformations foncières dans la Vallée du Sénégal, in: Politique africaine, n° 55, octobre 1994, p. 89-100 Hesseling, Gerti, Pratiques foncières à l'ombre du droit: l'application du droit foncier urbain à Ziguinchor, Sénégal, Leiden: African Studies Centre, 1992, 214 p. (Research Reports/ African Studies Centre n° 49). 19 Vous retrouverez la bibliographie complète de E. Leroy, spécialiste des questions foncières en Afrique sur notre site: http://fr.groups.yahoo.com/group/cidevrural/files

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Ndiath, Moussa Abdoulaye, Le système foncier au Fuuta-Tooro: Etude critique de la documentation disponible, et quelques indications pour améliorer la connaissance de son histoire, Dakar, université Cheikh Anta Diop, 1991, 32 p. (Département de philosophie). N'Gaide, Abderrahmane, Les conflits fonciers au Fuuta-Tooro de 1891 à 1960: Etude critique des sources, Dakar, université Cheikh Anta Diop, 1990, 50 p. (Faculté des Lettres et Sciences humaines). Thioune, Mamadou, Crises et enjeux fonciers à travers less stratégies de groupes: l'exemple des villages de Diatar et Donaye (Moyenne Vallée du Sénégal-Rive gauche), Dakar, université Cheikh Anta Diop, 1990, 126 p. (Mémoire de maîtrise, Faculté des Lettres et Sciences humaines). Parus dans les années 80 Boutillier, J. L., Irrigation et problématique foncière dans la Vallée du Sénégal, In Cahiers des sciences humaines, vol 25, n° 4, 1989, p. 469-488 Sow, Boubacar Sadio, L'homme et la terre en Casamance: tenure et pratiques foncières dans quatre villages de la Communauté rurale de Diende (Département de Sédhiou), Dakar, université Cheikh Anta Diop, 1989, 88 p. (DEA, Sciences de l'environnement). Caverivière, M.; Debène, M., Le droit foncier sénégalais, Berger-Levrault, Paris (FRA), 329 p. (Mondes en devenir. Série Manuels B.L. (FRA), No 12), 1988 Leroy, Etienne, La réforme du droit de la terre dans certains pays d'Afrique francophone, Rome, FAO, 1987, 108 p. (FAO Etude Législative, n° 44). Leroy, Etienne, La Loi sur le domaine national a vingt ans : joyeux anniversaire ?, Mondes en développement, Tome 13, n° 52, pp.667-685, 1985 Le Roy, E., Démarche systémique et analyse matricielle des rapports de l'homme à la terre en Afrique noire : lecture épistémologique d'une pratique de l'anthropologie du droit - IN: Couty, Philippe (ed.); Pontie, Guy (ed.); Robineau, Claude (ed.) - Le développement : idéologies et pratiques : actes du séminaire interdisciplinaire de l'ORSTOM (1978-1981) : 3eme partie - B. L'analyse systémique, ORSTOM, Paris (FR), p. 160-172, 1983 ORSTOM, Paris, FR (ed.); AFIRD, Association Française des Instituts de Recherche sur le Développement, Paris, FR (ed.); CESAO, Centre d'Etudes Economiques et Sociales de l'Afrique Occidentale, Bobo-Dioulasso, BF (ed.); /DGRST, Délégation Générale à la Recherche Scientifique et Technique, Ouagadougou, BF (ed.), Les pratiques foncières locales dans la production et la reproduction de l'espace en Afrique noire, ORSTOM; CESAO, Bobo Dioulasso (BF); Paris (FR), Vol. 2, 455 + 33 p. - Les Pratiques Foncières Locales dans la Production et la Reproduction de l'Espace en Afrique Noire : Colloque International, 05-09 décembre 1983, Saint Riquier, 1983 Foli, M., La mise en place des réformes agrofoncières : 5- rapport des débats - IN: Le Bris, Emile (ed.); Le Roy, E. (ed.); Leimdorfer, F. (ed.); Grégoire, E. (collab.) - Enjeux fonciers en Afrique noire, ORSTOM; KARTHALA, Paris (FR), p. 263-264 - (Hommes et Sociétés (FR)) - Journées d'Etude sur les Problèmes Fonciers en Afrique Noire, 1980, Paris, 1982 Diao, M., La mise en place des réformes agrofoncières : 2- le projet de mise en valeur de la vallée de Baila en Basse-Casamance (Sénégal) - IN: Le Bris, Emile (ed.); Le Roy, E. (ed.); Leimdorfer, F. (ed.); Grégoire, E. (collab.) - Enjeux fonciers en Afrique noire, ORSTOM; KARTHALA, Paris (FR), p. 228-239 - (Hommes et Sociétés (FR)) - Journées d'Etude sur les Problèmes Fonciers en Afrique Noire, 1980, Paris, 1982

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Wane, M., Représentations de l'espace : 3- l'espace et l'organisation foncière Toucouleur (Sénégal et Mauritanie) - IN: Le Bris, Emile (ed.); Le Roy, E. (ed.); Leimdorfer, F. (ed.); Grégoire, E. (collab.) - Enjeux fonciers en Afrique noire, ORSTOM; KARTHALA, Paris (FR), p. 118-120 - (Hommes et Sociétés (FR)) - Journées d'Etude sur les Problèmes Fonciers en Afrique Noire, 1980, Paris, 1982

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D. LISTE DES MEMBRES DU CIDR PRENOM ET NOM ORGANISME COORDONNEES 1. Aboubacry Mbodj Raddho 824 60 56

[email protected] 2. Adama Touré Banque Mondiale [email protected] 3. Alé Lô ANCR, président 842 08 77

[email protected] 4. Aly Sada Timera ENEA, enseignant [email protected]

5. Amacodou Diouf Congad [email protected] 6. Anne Hermier Stagiaire Enda Diapol 823 53 47

[email protected] 7. Audrey Russo Stagiaire Enda [email protected] 8. Babacar Diop ASESCAW [email protected] 9. Babacar Touré Enda Graf [email protected] 10. Candice Raymond Enda 821 60 27

[email protected] 11. Carole Albouze Enda [email protected] 12. Cécile Broutin GRET [email protected] 13. Cheikh Guèye Enda Diapol 823 53 47

[email protected] 14. Cheikh Oumar Ba Isra, responsable du BAME 832 24 28

[email protected] 15. Colonel Moumar Guèye PAGF, directeur 971 19 80

[email protected] 16. Daouda Diagne FONGS [email protected] 17. Della Koutcho Diagne Enda 952 30 32

[email protected] 18. Dieudonné Bakanova Enda [email protected] 19. Elhadji Diao PROMER, directeur 981 11 01 Tambacounda

[email protected] 20. Emmanuel Ndione Enda Graf [email protected] 21. Eric Hazard Enda Diapol 823 53 47

[email protected] 22. Etienne Leroy Chercheur Paris 1 Sorbonne [email protected] 23. Fatou Ndiaye IIED [email protected] 24. Fatou Sow Réseau Dimitra [email protected] 25. Florent Arragain Enda Diapol [email protected] 26. Insa Mbaye CIFA, formateur 962 64 03

[email protected] 27. Jacques Faye Consultant [email protected] 28. Jean-Pierre Périer [email protected] 29. Jean-René Cuzon Conseiller technique

DAPS/MAE [email protected]

30. Karim Dahou Enda Diapol 823 53 47 [email protected]

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31. Khadime Guèye PADV, directeur [email protected] 32. Khady Ndao FNGPF, présidente 864 13 57/864 23 91

[email protected] 33. Khanata Sokona Enda Graf 827 20 25

[email protected] 34. Makha Diakho Aquadev/PADV, responsable

du projet 967 21 06 [email protected]

35. Mamadou Lamine Bocoum

Doctorant à l’EHESS de Marseille

[email protected]

36. Mame Gnagna Fall Sira Consultance [email protected] 37. Mariam Sow Enda Pronat 822 55 65

[email protected] 38. Marius Dia CNCR [email protected] 39. Mohamed Racine Sy Consultant, spécialiste des

institutions rurales 550 24 02 [email protected]

40. Mouhamadou Abdoul Enda Diapol 823 53 47 [email protected]

41. Mouhamed Mbodj Forum Civil [email protected] 42. Moussa Lo PNIR, coordonnateur 865 11 20

[email protected] 43. Ndiobo Diène Conseiller technique/MAE [email protected] 44. Olivier Dumont Enda Diapol [email protected] 45. Ousmane Ndiaye ASPRODEB, coordonnateur [email protected] 46. Papa Banda Dieye 981 15 52

[email protected]

47. Pape Léopold Sarr Banque Mondiale, chargé du développement rural

[email protected]

48. Pierre-Gilles Comméat Stagiaire Enda [email protected] 49. Sarr Fatou Gaye POGV 2, coordinatrice [email protected] 50. Serigne Mansour Tall IIED [email protected] 51. Tarik Dahou Chercheur associé Enda [email protected] 52. Vincent Basserie Assistant technique, Burkina

Faso [email protected]

53. Virginie Vanhaeverbeke Enda 821 60 27 [email protected]