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BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES R,ECHER,CHES CONGOLAISES Juin 19J8

Leon Mba - 1938 - Essai de droit coutumier pahouin’, Bulletin de la Société des Recherches Congolaises, 25 (June 1938)

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Leon Mba - 1938 - Essai de droit coutumier pahouin’, Bulletin de la Société des Recherches Congolaises, 25 (June 1938)

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BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

DES R,ECHER,CHES CONGOLAISES

Juin 19J8

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DR OIT D'ENTRÉE

F Et • 1 o francs rance et ranger . . . . . . . . . . . •

COTISATIONS

Membre sociétaire :

France et Colonies françaises .... .

Etranger .................. .

Membre perpétuel :

France et Colonies françaises . .

Etranger ................... .

20 francs par an

3 o francs par an.

300 francs .

4 50 francs.

T oult:.\ le.r co1111111111iclllioiiJ (lltllté.riom, e11vois d'argmt,

111111111.rcrit.r, etc) doive n.t lire ,,dressée.r à M. le Trésorier

de l11 Société des Recherches Congolaises, ;, Brazzaville

(Afrique Etptntorinle FrmtftÛse).

SOMMAIR..E

Léon M'BA. - Essai de droit coutumier pahouin ...... .

E. Bu isso N. - Nolts sur les latérite.~ de Forl-Arclwm-baull ........ .. ... .... .. ..... .. . . .... .. 0 •••••• • •••

H. P. TASTEVIN. - Les untilopes-revenunts, fable de.~ Ba-Kamba .. .... .... . ,'; . .. ... . . . . . . . . . . . . . . . . 5!!

E. Tnf:ZENEM. - Les populaliom de la subdivi.~ ion de Zanaya . . ..... ......................... . .... . . .

M. DHEUR. - Chasse gabonaise .... ...... .. .......... . i!l

Capitaine CARIUQUE. - La ville incom.w e de N'f.alaka. !l7

André EvEN. - Le VO!fage de Jacques N{IO!JC au p.1y.~ des inorls ............. : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109

i\1""' DE BUTTAPoc:o. - lnslanlanés conyolais........... 12:!

Médec in capitaine M M;SEGUI N et pha rmacien colonel ANTONINJ. - Les chenilles comestibles de la llaule-San{llta............ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 3~1

LE- TESTU. - Réjlexiom sur l'homme-ligre . .... .. . 0 • • • • 147

GuÉNA. - La circoncision chez les Bakouélés. _ . . ... - _.. lti9

Médecin capitaine C.\STEX e t m é decin Iie ulemllll EGGENBEHGJm. - Les morsures de gorille (à propos de deux accidents m·aves) . .................... _ . . . 175

C:ommunications aux Socié ta ires............ . . . . . . . . . 179

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t • ÉSSAI DE DROIT COUTUMIER

PAHOUIN

Avant-propos

(( Les lois sonlfailes pour les mœurs,

el les mœurs varient . · . . >>

Le présent travail est imparfait presqu'à tous les points de vue, scientifique et littéraire. Aussi deman­dons-nous d'avance l'indulgence du lecteur.

Nous avons voulu faire une é tude sur les us ct coutumes des Fang ou Pahouins.

Les mœ urs des Pahouins, au contact de la civilisa­tion, deviennent chaque jour méconnàissables.

Cette étude nous a paru intéressante à plusieurs titres: tout d'abord, nous sommes des leurs; ensuite, les Pahouins sont « la race d'avenir du Gabon », a ux dires de M. l'administra teur principal LARGEAU, qui , dans son Dictionnaire français-palwuin, couronné pa t· l'Académie française il y a quelques dizaines d'années,

a. c.- 1

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• ÉSSAI DE DàOIT COUTUMIER

PAHOUIN

1

Avant-propos

« Les lois sont faites pour les mœurs,

el les mœurs varient. ' . . »

Le présent travail est imparfait presqu'à tous les points de vue, scientifique et li-ttéraire. Aussi deman­dons-nous d'avance l'indulgence du lecteur.

Nous avons voulu faire une étude sur les us et coutumes des Fang ou Pahouins.

Les mœurs des Pahouins, a u contact de la civilisa­tion, deviennent chaque jour méconnaissables.

Cette étude nous a paru intéressante à plusieurs titres: tout d'abord, nous sommes des leurs; ensuite, les Pahouins sont « la race d'avenir du Gabon », aux dires de M. l'administrateur principal LARGEAU, qui, dans son Dictionnaire français-palwuin, couronné par l'Académie fran~ise il y a quelques dizaines d'années,

Il. c. - 1

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a dit « qu'on peut se faire, en les étudiant de près, sans parti pris, une idée de la civilisation de nos ancêtres dans les temps préhistoriques >J.

Nous connaissons les us et coutumes des Pahouins, non seulement parce que nous sommes de leur race, mais pour les raisons ci-après :

En son temps, nous avons servi sous les ordres - comme commis. et interprèfe - d'administrateurs des colonies, notamment MM. GuiBET et TASTEVIN, dont la connaissance des coutumes pahouines força it l'admi­ration des Pahouins eux-mêmes.

Nous avons aussi fréquenté les interprètes renommés Eyène (Georges) et M'Ba-Mikou (Guillaume). C'est avec eux que MM. J A;.tET, LEROUx, GUIBET, TASTEVIN el bien d'autres ont gagné les cœurs pahouins de l'Estuaire Gabon-Co mo.

Pendant ce temps, comme plus tard, il nous fut donné de recevoir des avis et conseils de notables dont la connaissance de la tradition invitait au respect; nous avons cité N'Dongo-Akina, de la subdivision d'Owendo; N' Doutoume-Nzué, de Kan go; N'Dzig-Zoguc, Eyegué­Ava, de Cbinchoua; Mendame-Vamaza, de Coco­beach, etc.

Fort de ces divers exemples, de ces divers avis, nous avons pu, de 1924 à 1931, à Libre\~ille même, cœu·r du Gabon, remplir les tâches ingra tes et combien déli­cates de juge conciliateur, d'assesseur titulaire au tribunal indigène de premier degré.

C'est dans ces fonctions qu'il nous a été doml.é de constater q1,1e les coutumes des diverses races noires ne variaient que très peu, surtout lorsqu'elles commen­cent à se marier entre elles.

Libreville n'est plus la petite ville bâtie en 1849 par l'amiral BouET-VILLAUMEZ avec quelques esclaves

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Üb~rés 1 descendus dti navire Elisa. Il y avait en èè temps-là, au Nord et au Su<J, quelques villages Pongoué.

Libreville est aujourd'hui habitée par des tribus diyerses : Pongoué, Ouroungou, Galoua·, N'Komi, Eshira, Apindji, Loango, Mayumba, Setté-Cama, Boulai, Yaoundé, Pahouins, elc., 'venues de l'intérieur du Gabon, et d'autres (Sénégalais, Dahoméens, Lagos-

, . siens, etc.), venuf'!s de l'extérieur.

..

Nous souhaitons donc que ce petit résumé puisse ~

mettre en lumiêre de nombreux traits, faire saisir sut· le vif la coutume pahouine, instruire ceux qui le yeu lent et faire gagner, plus tard, le droit indigène en unité.

Les Pahouins, qui se sont installés si nombreux à Libreville, furent signalés vers 1875, quelques années après que la amignifique baie en forme de capuchon (ga_bao) et à la végétation luxuriante eût enchanté les BouET-VILLAU~Ez (1839) et les PrG~Auo et DESCHAMPS (1846).

Une légende qui me fut contée dans le Remboué (Chinchoua) montre les' Pahouins allant vers l'Ouest à la recherche de leur frère aîné, fils de N'Zamé (Dieu). Ce frère, parti dans un pays inconnu, seraif devenu riche et puissant et viendrait à la rencontre de ses · frères perdus dans la forêt ; et mon . interlocuteur ajoutait que ce frère ainé est le blnnc Français rencontré par les Pahouins qui descendaient.

Les Pahouins entrent donc dans la carrière de la civilisation quand leurs ,...aîpés y sont encore. Et, à notre modeste compréhension, ce n'est pas une petite joie, ni une mince faveur, lorsque ces aînés sont des Français, dont les entreprises lointaines furent toujours des œuvres de libération· et de civilisation, que leur esprit libéral et humanitaire conduisit à s'installer en 1839 .. au Gabon.

<li .

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~ famille, le village, la tri/nt'

On peut avancer que l'organisation de la famille chez les Pahouins est basée sur les pt·incipes admis rar les peuples civilisés.

Une famille pahouine se compose du mari, de la femme ou des femmes, des enfants et des adoptés.

C'est le n'da (autrement dit, la famille stricto sensu).

EUJ a en commun ses bioum (marchandises, volail­les, bétail, plantations, etc.).

Le mari est le chef de famille, et il a puissance sur les enfants et les adoptés ; seul, il dispose des biens. Cette puissance s'étend parfois snr les enfants déjà établis.

Le chef de famille a, pour tous les membres de sa maison, le droit de correction: réprimandes, punitions corporelles, malédictions, expropriation, abandon.

Il n'a pas le droit de tuer.

La famille doit être forte, les mâles fournissant les défenseurs, les filles procurant des alliances par le mariage. A cause d e cet état de choses, le chef de famille peut marier, et marie parfois ses enfants (filles ou garçons) sans leur consentement, et même en bas âge ; la consommation du mariage n'a ' lieu qu'à l'âge de la puberté.

Le chef de famille est tenu d'éduquer ou de faire éduquer ses enfants des deux sexes :

a) Aux garçons: leur apprendre les divers travaux de pêche, de chasse, des champs, de cueillette, de

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construction des cases, la procédure des p.alabres; les initier aux traditions, les faire circoncire, leur procurer des armes défensives et otfensives, les aider à contracter mariage, soit en procura~t des dots, soit en complétant celles-ci ;

b) Aux filles :les faire initier aux secrets du ménage, , aux divers travaux domestiques par ses femmes, sous

sa surveilla nee rigoureuse. Si elles se 1 rou vent dans le besoin, le chef de famille se doit d'entretenir ses 1illes, même en puissance maritale.

Si un chef de famille est trop cruel, méchant, ou trop iRcapable de remplir ses devoirs, les enfants, alors seulement, sont conHés à la famille ou aux fumilles de leurs mères.

Deux ou plusieurs n'da (familles) ayant un même aïeul ou bisaïeul forment ce qu'on nomme en pahouin m'vogue (clan).

Chaque m'vogue a son corps de garde, appartenant en commun à tous ses membres. Ceux-ci se donnent un représentant; peu importe son àge, pourvu qu'il soit apte à les représenter. et son nom est donné à ce corps de garde (abègne). Ains i, on dira: (( Abegne N'Guéma-M'Ba JJ pout· le corps de garde dont N'Gnéma­M'Ba est le représentant.

Deux ou plusieurs m'vogue (clans) composent ce que lés Pahouins appellent n'dzang (sous-tribu).

Une n'dzang a son représentant choisi parmi les différents élus des m'vogue.

Ce représentant est en même temps chef de son corps de garde et chef de son clan.

Deux ou plusieurs n'dzang sont appelées ayong (tribu).

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Ayong (alias famille, lalo sensu) est donc l'ensemble des individus descendant d'tm même ancêtre, chaque . n'dzang. comme chaque m'vogue, comme chaque. n'da, ayant (selon le temps, le lieu, les intérêts généraux et particuliers) la liberté de se gouverner par ses propres règles.

Il n'e~iste pas de chefs de tribu proprement dits chez les Pahouins.

Les tribus paho~ont été morcelées à l'extrême au hasard des mig lions. Leurs représentants, trop éloignés les uns des utres, s'ignorent. Ils n'ont qu'un seul lien commun: le souvenir d'une même origine que perpétue le nom de la tribu. f

Cette ignorance et cette dispersion sont, par a illeurs, les causes originelles des dialectes nombreux qui existent chez les Pahouins.

Mais ces parlers différents, qui n'empêchent pas les Pahouins de se comprendre entre eux, à quelques expressions près, ont néanmoins motivé:

1° La division en terres du pays pahouin, comme suit :

a) Betsi, regton Nord-Nord.Ouest de l'Estuaire, Guinée Espagnole ;

b) Mekai, région Sud-Ouest de l'Estuaire, lacs de l'Ogooué et Ivindo ;

c) N'Tourne, région Nord du Woleu-N'Tem; d) Boulai, région d'Ebolown ; e) Yaoundé, région de Yaoundé.

2° L'appellation des tribus.

Par exemple, les tribus suivantes, sont appelées différemment chez les Betsi et chez les Mekai :

t 1

Chéz les Betsi : Chez les Mekai :

Oyeck ........... ,. . . . . . . . . . . . . . . . . . Ebifi). Essa metcho., ...................... ; Essila ne. Essoké... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Essamedzéme. Essissong........................... Okane. etc. etc.

Il n'y a aucun doute que, dans d'autres terres, ces tribus n'aient d'autres appellations.

Les membres d'uné même tribu, comme nous le ·savons, ont entr~ eux des liens de parenté. Dès lors, .toute.alliance entre eux est rigoureusement interdite.

Situé le plus souvent au bord d'un cours d'eau, composé de deux rangées de cases enchevêtrées, à la toiture rectangulaire, laissant entre elles une rue principale de largeur variable, et ·derrière chaque rangée de cases une · l:;ananeraie, le village pahouin avait autrefois un caractère presque toujours défensif; de distance en distance, et d'après le nombre de m'vogue, étaieQt construits des abèghe ou corps de garde dans cette unique rue.

Généralement, le fondateur d'un village en était le chef jusqu'à sa mort. Mais après lui, son successeur de droit était son fils, si, par sa bravoure, son expél'ience, sa richesse, son éloquence, il était apte à défendre les intérêts de tous et les siens. Dans le cas contraire, le titre de chef de village était confié, à la désignation de tous, à l'un des chefs de clan les plus qualifiés.

Pour condenser et orienter l'action commune, pour pr,..,diguer ses conseils, didger la discussion des affaires d'intérêt privé et d'intérêt général, le chef de village ~vait des conseillers. .

Cc conseil était composé des vieux ~connaissant les noms des ançêtres, des çlan'S, des totems, les traditions

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de l'histoire, etc.), du plus grand guerrier (eyène), du plus riche(nkoume-kouma), du plus grand orateur (ntéhé) du village, sans distinction de n'da ou de m'vogue.

Le village pahouin a toujours un nom. Il s'appelle tct Angouma (okoulné), Oving, Okala, Tome, parce qu'un ou plusieurs des arbres ainsi nommés dominent ou environnent Je lieu; là, Abianemifak (dédaigne les autres), N'Kamonvi (cent piquets, <<piquets» étant pris ici dans le sens de << têtes»), Engome-Ngome (tumulte), pour signifier que le village est peuplé, ·qu'il est à même de se défendre.

Ailleurs, il reçoit le nom d'une forteresse: Ngoneki (cercle de fer), Engong (enveloppe de fer), ·Eyame­yong (guet-apens), Ebamayong (honneur de la tribu, ou plus exactement terreur des tribus étrangères).

Terminons en soulignant que N'Zingayong ' 'eut dire <<en quête de (membres de la) tribu », Akelayong (reste de la tribu), N'Zoguengone (l'éléphant épie), N'Zébère (la panthère guette).

Pendant la période des migrations pahouines, il y avait des nécessités réelles d'être fort, de se défendre et au besoin d'attaquer. L'idée de collectivité, alors .. très soutenue, fut la base même de l'organisation de la société pahouine.

Jadis, les habitants de chaque village étaient ignorants de ce qui se passait dans d'autres villages et ne sortaient de leur tour d'ivoire que pour des affaires de mariage.

Aujourd'hui, il n'eil est plus ainsi. Pour des motifs sérieux - et parfois futiles - on se promène librement et sans crainte de village en viflage, car il n'y a plus de guerres. Des tribus naguèrè ennemies habiteut à présent

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tes mêmes villages et reconnaissent l'autorité d'un chef désigné ou accepté par l'Administration.

d Est-ce à cause de cette transformation de la '\ · _ société pahouine qu'apparaît le symptôme de l'indiffé­

rence de l'individu vis-à-vis de la famille lalo .~ensu ?

•,

Disons en terminant que tous les habitants d'un même village étaient égaux en droits et en devoirs.

Cependant, il y avait jadis deux catégories· de per­sonnes qui ne jouissaient pas, dans les délibérations, d'une situation égale à celle des gens des mêmes villages. C'étaient:

1° Les Bekuis ou Pygmées qu'avaient adoptés certaines · familles pahouines; .les Bekuis (il y en a encore) vivaient dispersés dans des villages pahouins; ils prenaient le langage et les mœurs de l~urs ad.optants ;

2° Les individus (non esclaves, · puisque les Pahouins n'en·ontjamais eu) ramenés et adjugés comme parts de butin par les gens des villages ayant particioé

• aux razzias, appelés m'vèle ou obani.

Le lltllTÏ'fge

Les hançailles (durée, ~ge, conditions, rupture)

Les Pahouins désignent les fiançailles sous le nom de dzanghan .

~ Les fiançailles sont de durée variable, selon la situation de fortune des familles dès fiancés.

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t4 L'àge des fiançailles chez les Pahouins n'est pas

fixé par la coutume.

Généralement, c'est entre huit et quatorze· ans, aussi bien pour le garçon que pour la fille.

Dans les familles a1sees, les parents fian~ent les garçons avant leur puberté el· les fil les après la puberté.

Si les deux fiancés sont mineurs, les familles ne de­mandent jamais leur avis.

Si les deux fiancés sont majeurs (l'âge majeur étant de seize ans pour le garçon et quatorze ans pour la fille), ils sont consultés pour la forme, mais les deux cbefs de famille peuvent passer OU\re. f

Dès l'accord des fiançaille~S, la coutume exige que des cadeaux soient donnés à la famille de la fiancée. C'est ce qu'on nomme ékoulé-dzanghan (!"ouverture. des fiançailles).

Le fiancé ou ses parents continuent, durant les fiançailles, à faire des cadeaux.

Ils doivent aussi rendre quelques services à la famille de la fille, défricher les champs, construire des cases, chasser ou pêcher pour elle et manifester à son égard_ un réel respect.

La coutume autorise les relations sexuelles entre les· fiancés pubères. Ces relations n'ont aucune consé­quence juridique.

La coutume tolère que la fiancée ait autant d'amants qu'elle veut pendant la durée de ses fiançailles. Cette situation de la jeune fille, les Pahouins t'ont baptisée du nom de azoga-angone (fêter la jeunesse).

Le rapt de la fille par son tiancé est autorisé.

\

J

t5

La fille peut aussi être enlevée, à l'insu des parents, par l'un des amants. Ce rapt, . toujours favorisé par la complicité d'une tierce personne du village, est appelé dbome. ,...

Celui qui enlève ainsi une jeune fille est mis ·en demeure .de payer la dot réclamée..par les beaux-pàrents.

S'il est saps bioum (marchandises ou argent) pour doter la fille, celle-ci retourne dans sa famille, et le pré­tendant e5t tenu de payer une indemnité dont la valeur égale le prix d'une chèvre. Cette indemnité se nomme messo-ngone (purification de la fille).

Il y a rupture de fiançailles :

1° Aux torts du fiancé :

Si lui-même ou tout autre membre de sa famille strict~ sensu a des relatio~s coupables ~vec une femme de la famille stricto sensu de là fille ;

0

S'il est dément, lépreux ou atteint d:une maladie incurable;

S'il a exercé des sevices, injurié gravement sa fiancée ou les parents de celle-èi ;

S'il a laissé ses beau~-parents à la riierci des cr~an­ciers, sans rien faire pour leur venir en aide ;.

S'il ne ·rait · pas de cadeaux, ne 1·end pas · de petits services ou ne fait pas de bons offices à sa belle-famille ;

2<> Aux torts de !a fiancée :

Quand elle est folle ou · atteinte d'une •naladie incurable;

Quand elle est irrespectueuse envers sa future belle-famille ;·

Quand elle est paresseuse ou trop volage ;

Si elle s'est laissée enlever par un des amants auto-' risés à lui faire la. cour durant lesdites fiao·çailles.

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En cas de rupture de fiançailles, les cadeaux sont restitués au fiancé, même s'il était dans son tort.

Quand, durant la période des fiançailles, il y a eu relations intimes entre les fianté.s (commerce sexuel), les cadeaux peuvent demeurer acquis à la famille de la fille, selon le bon ,·ouloir du garçon, lequel n'est pas tenu à cet abandon.

Dans la pratique, si ell~ n'est pas malade, l'an­cienne fiancée est immédiatement promise en mariage à un autre homme, qui prend à ~a charge le soin de payer le premier fiancé.

Les remboursements effectués dans de tels cas vien­nent en déduction de ce que le second fiancé doit verser à ses futurs beaux:. parents. En règle générale, il remet une dol à r.es derniers, qui donnent à l'ancien fiancé ce qui lui revient.

Il y a possibi lité de rupture de fiançailles à porte quel moment.

Le mariage proprement dit

1 ,.

n 1m-

(~ge du mariage, consentement, empêchement, formalités,

dot, relations au cours du manage)

L'âge du mariage est généralement de quatorze à quinze ans pour les filles ct de seize à dix-huit ans pour les garçons.

Le mariage est fait par les parents, représen!és par le chef de famille ou, à défa ut, p·-11· son remplaçant immédiat ct de d;·oit.

L'avis des parties intéressées importait peu, autre­' fois.

. ,

ta demande est adressée de chef de famille à chef de famille.

Le conseil de famille décide en dernier ressort.

Le consentement 'de la mère est très impol·tant, en raison de l'ascendant moral qu'elle exerce sur sa fille, et on ne doit pas s'en passer, surtout si la fille est orpheline de père.

Le mariage par écha~1ge n'existe pas chez les Pahouins.

Le mariage est toujours interdit entre :

1° Père et fille, mère et fils, frère et sœur, tante et neveu, oncle ef nièce, demi-frère et demi-sœur;

2° Cousin germain et cousine gel'lpaine, cousin et cousine;

3° Adoptant et adopté ;

4° Membres d'une même tribu ;

'

5° Gendre et femme quelconque, même divorcée de sa parenté par alliançe, gendre et sœur ou demi-sœ ur aînée de sa femme;

··) 6° Membres de la maison du gendre et femme quel-conque divorcée de sa parenté par alliance.

Mais il y a plus aucun empêchement de mariage· · chez les Pahouins, lorsqu'un enfant viable est issu de . leurs relations sexuelles tenues cachées puis déclarées

lors de la naissance dudit enfant, entre :

a) Cousins germains ;

b) Cousins;

c) Membres d'une même tribu.

Le versement d'une dot à la f~mille .de la femme qu'on épouse asstire la possession définitive de cette femme.

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tâ ëeux qui peuvent verser cette dot sont le chef d~

famille ou, en son absence, son remplaçant, ou le jeune homme lui-mêm~.

Le taux de la dot varie . suivant les régions pahouines, l~s conditions des deux Uançés et de leurs familles et l'àge de la fille.

La dot est reçue par celui qui en a le droit, dans l'ordre suivant :

a) Le père de la fille ou, en son absence, L'oncle paternel ;

b) Le frère aîné de la fille ou, en son absence, le cadet; f

c) Après le décès de ceux-ci, le plus âgé des héri­tiers collatéraux de ligne paternelle;

d) Par manque total d'4éritiers collatéraux de la ligne paternelle .(le cas est rare), l'un des oncles ma­ternels ou cousins germains de la ligne maternelle.

La femme ne peut pas recevoir elle-même une dot versée par un tiers pour l'épouser.

Celui qui donne en mariage une fille sur laquelle il n'a aucun droit et qui reçoit des cadeaux et la dot provenant de ce mariage commet une faute grav~.

La restitution, à celui qui ies a versés, de la dot et des cadeaux, constitue la juste punition du fautif, sans préjudice des coups et des blessures que peuvent lui infliger les parents d~ cette fille.

La remise aux . parents de ·la dot et des cadeaux, soit par le mari de leur fille, soit par l'escroc, permet la régularisation du mariage.

Cel.ui qui a « reçu» la dot d!une fille est tenu, de p.ar la coutume, d'offrir de.s présents à la faq~ille dans

_ laquelle est entri:e cette fille.

. • >

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èes présents sont désignés sous le nom de. mévaie.

. La coutume permet le paiement de la dot en ,plu., steurs versements partiels; le premier, et qui doit' être le' plus fort, est appelé_m'bikine.

~ans le mariage pahouin, l'homtn~ est le gardien des b1o~m ~marchandises ou autres biens). Il doit: .

Fournir une case à sa femme, la nourrir, défricher sa plantation ; ·

Aider la famille dt> sa fem~1e quand elle est dans la gêne ou le malheur;

Accomplir le devoir conjugal à son endroit, la soi-gner, la protéger. '

Le Pahouin a, sur sa femme, des droHs dont la gamme. va du simple •·eprocbe. à la conciliation avec elle devant les beaux-parents, en passant par Je reproche ~vec bastonnade, l'exigeqce du serment ·de fidélité, les epa;euves, etc.

Il n'a pas le ~roit de tuer sa femme. ·

La femme, de son côté, doit :

Obéissance et fidélité à son mari · , Lui assurer la nourriture et celle· des enfants, si·

elle en a-;

. Lui remettre le produit de ses pêches, de ses recoltes et de ses autres menus tt·avaux ;

Le soigner s'il est malade ;

Respecter la famille de son mari ; Cohabiter avec lui;

Garder la maison et le bétail ou la volaille qui lui sont confiés-; . .

Planter le lopin 'de terre défriché que le mari lui a. alloué ta

Entretenir les culturès et récolter. •

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La femme peut faire des observations au mari. quand celui-ci ne remplit pas fidèlement ses devoirs vis-à-vis d'elle.

La femme pahouine n'a aucun pouvoir juridiqùe, · La pratique seule semble lui donner une certaine importance.

La femme fait partie des biens ou bioum de• • l'homme qui l'a épousé~. Elle vit dans la famille de

son mari.

Pour sévices graves ou injures fait.s par le mari, et en vue d'une conciliation, ou bien pour obliger celui-ci à lui payer le reliquat d'une dot, un père, ou un des parents, sont autorisés à retenir chez eux leur fille.

Le mari doit se soumettre à cls exigences si elles sonl motivées ou fondées. •

L'adultère de la femme mariée est puni sévèrement parce que considèré comme vol, par 'des coups, blessures, etc., et le complice paye une indemnité au mari lésé, sans préjudice des rixes qui peu.vent s'en­suivre.

L'adultère de l'homme marié n'est pas puni, le mari pahouin n'étant pas astreint à la fidélité.

·Le divorce (ses causes, ses eflets)

La coutume pahouine admet te divorce.

Le mari pahouin est autorisé par ·la coutume à . demander le divorce contre sa fem~e pour:

a) Adultère répété.;

b) Paresse invétérée dans l'exécution des .. travaux commandés et de coutume ;

1

1

1

2i .•

, è) Maladie incurable contractée dans ses relations intimes avec un tiers autre que son muri ;

d) Sorcellerie ;

e) Manœuvres abortives.

La stérilité de la femme n'est pas une raison de divorce.

La femme paho~line, toujours assistée de celui qui a perçu sa dot .. est autorisée par la coutùme à demander ·Je' divorce contre son mari pour :

a) Manque de respect, refus de venir en aide et injures ou sévices à l'endroit de ses parents;

b) Sévices graves à son endroit;

c) Adultères avec une femme de sa famille, ou relations sexuelles avec une de ses sœurs aînées.

L'impuissance du mari n'est pas une raison de divorce.

La coutume veut que le divorce soit prononcé ave~ l'assenlimP.nt des deux chefs de famille intéressés. ·

Mais les diverses contestations auxquelles le divorce donne lieu, quant au calcul de la dot ou des cadeaux échangé,s et à la question des enfants, exigent toujours un arbitre.

Dans tous le~ cas, le règlement s'opère comme suit: :,

to La femme qui n'a pas eu d'enfants doit rem­bourser la totalité de la dot, y compris les cadeaux, après défalcation des mévale (1 ), sans qu'il soit tenu compte des services rendus, ni de la durée.du mariage;

2°-La femme qui a eu des enfants reJ;Dbourse la dot (cadeaux compris), après défalcation: d'une part, des

(1) Voir pages 18 et 19.

JI.. c.- 2

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mévale; d'autre part, d'un quart de la dot pour chaque enfant vivant (la question de la restitution ne se posant plus à partir du quatrième enfant).

Lorsque le divorce a été prononcé aux torts et griefs de la femme, la coutume tolère que le mari exige des beaux-parents le remplacement de la divorcée par une sœur cadette ou une cousine.

Si son désir est réalisé, ce qui arrive souvent, il lui faut encore verser à la belle-famille un certain chitlre de dot, qui ne doit nullement dépasser la moitié de la première dot versée, celle-ci étant toujours à l'actif du mari.

Le divorce sollicité et obtent par une femme aux torts et griefs du mari ne porte pas atteinte à la dot et ne modifie pas la façon d'opérer en matière de rem­boursement de dot, que nous connaissons déjà.

Toutefois, si l'homme répudie sa femme sans raison aucune, il s'expose, pour le moins, à voir sa dot non restituée ou restituée à moitié.

Chez les Pahouins, le divorce n'est réellement con­sommé qu'après le remboursement intégral du montant de la dot (plus les cadeaux, et moins les mévales), fi'xé par les arbitres.

En dehors de cette condition sine qua non, les deux époux ne sont que simplement séparés.

La femme ne rentre pas dans sa famille avant le remboursement de la dot ; elle est confiée - et doit l'être dans le but de prévenir des conséquences regretta­bles - à l'un des arbitres. Celui-ci la garde comme garantie de la restitution à venir.

Quand la dot est restituée au mari, la femme, devenue libre, épouse qui elle veut, mais dans ·Un village aut-re que celui qu'habite son ancien mari. ..

A 23

:. \

Seules, les veuves divorcées sont admises à épouser des hommes dans les villages mêmes où elles viennent de divorèer.

Une femme veuve qui divorce rie rembourse à l'héri­tier de son mari que la moitié de la dot et des cadeaux versés, lors et pendant son mariage, à sa famille. Bien entendu, cela a lieu après que les mévales et le quart· pour chaque enfant, si elle est mère, ont été déduits.

~n homme dont la femme est morte a le triple droit suivant, que lui accorde la coutume :

1° D'exiger une remplaçante, moyennant une dot nouvelle égale à la moitié de celle versée anciennement pour son mariage avec la défunte: (( Mbyang mékiga mèbè, koze megnon-han mèbè » (monter deux fois, c'est descendre deux fois), dit l'adage pahouin dans ce cas ;

2° D'exiger la restitution de la moitié de la dot versée, si _la femme est décédée sous le toit conjugal ;

3° D'exiger la totalité de cette dot si· la femme, l'ayant quitté, est allée mourir sous un toit étranger par suite de rapt, ou en instance ·de divorce.

Ces divers cas n'empêchent pas la famille de la femme de bénéficier encore de la soustraction (mévale et quart par enfant vivant) prévue par la cou­tume pahouine.

1 Veuvage

La viduité, chez les Pahouins, dure une saison indi­gène, soit six mois environ au maximum.

La femme demeure avec les parents de son mari décédé durant ce laps de t.emrs ; après quoi, elit! est invitée à choisir un mal'i parmi les héritiers laissés.

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Un fils, un neveu, uri frère, un cousin, peuvent épouser la veuve ou les veuves laissées par leur père, leur oncle, leur frère, leur cousin, parce que (f M'va/Je ékoreenne no, ekèle étoule »(il est naturel que de la tête une charge descende sur l'épaule).

Par ailleurs, la coutume tolère, mais difficilement, que les pères et oncles épousent les femmes de leur$ fils et neveux décédés, en vertu de cet a utre adage pahouin : « Essa ne mone be ne amui, mone awèle essa agnong ; essa awèle mone agnong » (le père et le fils son~ des associés; si le père meurt, le fils prend ; si le fils meurt, le père prend).

La veuve qui ne se soumet pas à ces obligations coutumières se place d'office sous la coutume du divorce, déjà connue. f

• Par anticipation, à l'occasion du divorce des veuves,

déclarons que tout enfant conçu ou né avant la complète restitution de la dot appartie1;1t à l'ancien mari décédé, tout comme lui appartient celui conç u pendant son . ' . v1vant et pendant le manage.

Notes explicatives

Les fiançai lles furent autrefois fort imposantes et étaient de grande;; réjouissances dans les deux familles intéressées.

Elles sont ordinairement d'une .durée moyenne de deux à trois mois ; parfois, elles battent un recot'd de six mois, mais seule la cupidité de certains parents des filles les fait atteindre ce terme non prévu par la coutume.

Parfois, a lors que la dot avait é té versée aux , parents, la fille continuait à demeurer chez eux.

25

Dans ce cas, le ga1·çon, à l'aide d'4n complice, proposait à la jeune· fille de l'enleve1·, d'où !'gbome, improprement appelé « rapt» par beaucoup.

Si maintenant ils se marient facilement, pa rce que l'aisaryce est entrée dans le pays pahouin avec le com­merce, il é tait très rare, autrefois, de rPncontrer dans "les villages des jeunes Pahouins mariés. Il leur t'allait d'abord 'amasser petit à petit les bioum nécessaires à · former· une dot, surtout lorsqu'ils n'étaient pas de famille riche. Néanmoins, cela ne les empêchait pas, dans. un but de fanfaronnade, d'emmener chez eux les filles des ·autres, quitte à ces derniers de les leur 'reprendre, sans toutefois oubJier d e. réclamer J'indem.­nité obligatoire de messo~ngone (1).

Mais un jt-une homme qui avait obtenu une dot de ses. parents allait ~dans un village où se trouvait unejeurie 1i_lle qui lu·i plaisait. li devait user d'adresse pour s'attü·e•· les bonnes grâces de la fille et celles des beaux-par~nls, ·a fin d'évincer lës rivaux .. C'était dans J,e corps,d~ gar.de que la dot était fixée et reçue.

Un garçon ne pouvait pas, autrefois, se m arier avant d'a·voir subi la circoncision.

. Un ,père qui se trouva it dans le besoin de. mar?han­dises donnait à marier sa fille, fût-elle âgée de moins ·de dix · ~ns, m~is le ~a ri n~ dévait cqmmercer avec elle • 5- • • <t ..... ~ •

q,u'à l'fts_e. de la nubilité. Dans ce cas, la j evne personne était confiée à la mère de son mari ou, a son défaut, • t ' • • '

-:\}t~e femme assez âgée pour protéger sa virginité . • . .

· · · Il ' nous a été donné de constater, 'depuis un çertain ·nombre d 'années, qu'ut1 courant de mariages pàr con._

0) Voir page 15 ..

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sentement mutuel, et sans intervention des familles, s'est créé entre veùfs et divorcés.

Dans presque tous les cas, ce sont les chefs de famille qui prononcent le mariage.

Le chef de la famille du jeune homme fait la demande et amorce le projet, et le chef de la famille de la jeune fille, après ou avant la réception de lâ dot, fixe le jour du mariage. *

La fille était accompagnée par ses parents ·au domi­cile de son futur mari, au son joyeux du tam-tam. C'était le galle, qui donnait lieu à de grandes ripailles et à des réjouissances se prolongeant pendant des jours entiers.

Ensuite venait une des plts curièuses-.et plus signi­ficatives danses pahouines à caractère non religieux, dite ewague-mbome (onction de la nouvelle femme).

On place la nouvelle mariée au milieu d'un cercle de danseuses et de chanteuses: Les hommes sont admis à y assister. Les tarn-ta ms battent leur plein. Une femme, la plus âgée, et parente de l'un des époux, se détache du groupe. Elle a une fiole d'huile en main ; elle frotte cette huile (de palme ou de karité) sur le corps de la jeune fille. Pendant com~e après ce temps, danseuses et chanteuses sè concurrencent. Chaque chanson et chaque danse est symbolique et est, ou une leçon de morale, ou une instruction ménagère, ou bien une prophétie, faite à l'adresse tantôt du mari, tantôt de la mariée.

Dans plusieurs cas, les p~rents de la jeune fille refusent de partir chez eux s~ns avoir reçu une chèvre ou une brebis destinée au Bièri (dieu lare des Pahouins).

27

Nous savons que le taux de la dot pahoui[)e n'est pas le même partout et que, depuis l'ol'igine, celle-ci a subi d'importat:ttes modifications.

Les bioum (marchandises diverses ou autres biens) ci-après rentraient dans sà composition :

1° Vers 1875 et auparavant : une on deux pointes d'ivoire,_ deux ou trois cabl'is ou chèvres, trois ou quatre paniers de mike/ (sagaies), aking-mindzonghe (petits couteaux pahouins), biki (petites barres de fer), ct du sel indigène; ·

2° Vers 1900 jusqu'en 1918: 30 fusils, 800 biki, 100 pagnes de traite, 300 aking-mindzonghe,. 100 mat­chettes, 20 barils de poudre, 10 boîtes de capsules, 10 sacs de sel, 60 coffres, i chapeau, 2 cabris ou chè­vres, 30. touques, 100 mike!, 30 marmites et 30 assiettes;

3° Vers 1918 "à 1922 : à pèu près comme ci-dessus, ma.is les biki et mike/ étant embarrassants, et la poudre, les capsules et fusils introuvables, il y eut des dots, moitié en marchandises, moitié en argent ;

4° A partir réellement de 1922, le numéraire a été ofl'ert en dot. Les taux adoptés qnt été successivement de 500 francs, puis 2.500 francs et ensuite 1.500 francs. Des cadeaux en marchandises, telles que chemises, chapeaux, pantalons destinés au beau-père, pagnes, marmitas, éruches (touques) destinés à la belle-mère, -et'' ta chèvre traditionnelle, furent ajoutés à ces taux.

La dot eri argent a permis :

1° Aux jeur;tes Pahouins, de se marier rapidement par le fruii d'e leur labeur, dans les centres urbains ou dans les entreprises industrielles ;

2° Le ver.sement de la dot en .une seule fois ; autre­fois, on mettait des années à compléter une dot ; cette f~çon de procéder ~a usait des conflits : le père reprenait

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3° vers '" l918 à 192~ : à pètl près comme éi-dessus, .. . '· ., ·~

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som·ent sa fille et mettait le mari dans l'obligation d'effectuer un versement de marchandises; néanmoins, il y avait, de part et d 'autre, de nombreux abus;

3° La destruction du prestige des vieux, q ui avaient jusque-là le monopole des bioum.

Mais une question se pese, qui est celle de savoir si la dot est le prix d'achat d'une fèmme. Oui et non , à notre humble avis.

La dot semblerait, au sens pahouin, être une manière de capital placé entre les mains d'un tiers (beau-père), les intérêts étant constitués par les services rendus pa r la femme. Ce capitll serait amortissable, soit par les mévale, soit par les naissances d'enfants Yivants, soit encore par la mort, survenue dans les conditions admises par la coutume, d'un des asso­ciés : le mari ou la femme.

En fait, la dot permet_. à une famille d 'où est sortie une femme, de la remplacer.

Par a illeurs, si la dot est un« mors >> pour la femme pabouine dans l'~tat actuel de sa compréhension, elle est surtout un~arantie pour le mari, un certificat lui donnant force de droit dans le règlement d'affaires de divorce, de filiation, d'adtJltère et de succession .

Nous le verrons au cours du présent résumé.

La monogamie et la polygamie existent chez les Pahouins .

Disons immédiatement que la monogamie, qui main tenant se généralise parmi le~ Pahouins a u contact des Européens, fut jadis considérée comme indice de pauvreté.

La polygamie, c'était le rêve de tous.

Tous les Pahouins tenda ient vers elle.

29

La possession de nombreuses femmes éta it le s igne tangible de la richesse.

Ce n'étàit pas la satisfation matérielle des sens qui poussait les Pahouins vers la polygamie, mais ·bien d 'autres nécessités : une certaine organisation familiale, un certain régime de propriété (procréation ~·enfants nombreux, concourant à la défense du groupe ou pro­curant des alliances, obtention de travailleurs).

Les droits et les d.evoirs du Pahouin polygame sont l e~ mêmes à rl'ndroit de toutes ses épouses. Ces d roits et ces devoirs sont ceux du mari pahouin envers sa femme. Nous les connaiss01is pour les· avoir déjà étudiés ci-dessus.

'Cepen.dant, autrefois," un po lygame pouYait :

a) Mettre une de ses femmes dans l'obligation de lui a pporter d"es revenus en se prostituant ave~ les étrangers (ladite femme était a lot·s, à cause de son inconduite h abituelle où de sa pat·esse invétérée, Ja délaissée, et s'accommodait peti de ce titre) ;

b) Prèler sa femme ékezé-amvi (signe de bonnes intentions réciproquPs) à un ami, la femme restant libre de refuser on d'accepter. Ce prêt d'amitié causait heaucoup de << palabres », pour des raisons fort a isées à comprendre.

Toutes les femmes, dans un ménage polygame, , - . . sont sur le pie~ d'égapté.

Néanmoins, ln coutume donne une place particu-1 ière à la première des · fr mmes mariées. Elle est une manière de surveillante. C'est, en effet, ~Ile qui . . . .. ~

doit:

1° •Pendant la présence, et surtout l'absence du ma ri, diriger le travail des aut~es• fe.mmes ;

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3o

2° Conseiller aux autres la· 'fidélité et l'obéissance au mari, reprendre !llatet'nellement leurs défaillances.

I;es autres femmes ne doiven..t pas l'appeler p;u son propre nom, mais par celui de Nanneu (maman); elles -sont p'Our la première des m'home (brus).

Ne pas conf"Ondre ossoua ( la première) avec nlouga (la préférée). •

En cas d'incapacité reconnue, la place d'ossoua passe à la seconde des femmes, apte à remplir les charges énumérées plus haut. ·

Dans la polygamie, chaque femme:

a) Garde pour ainsi dire sa J)ersonnalité propre, ses enfants et ses. parents étant fraités par s,.on mari comme elle traite ce dei'Dier et ses parents ;

b) Est considéL·ée selon sCln mérite, d'après les services qu'elle rend ;

.c) Elève ses enfants, apporte le ·fruit de !'.On travail au mari, qui en est le gardien légal selon la coutume.

L'homme est en quelque sorte le fondateur d'une association, dont il est le directeur, l'administrateur e t le trésorier et dont ses femmes sont !es membres actifs, mais.il ne peut pas donner à une femme ce qui appar­tient à une autre fen~me.

Une femme mat·ié~ convaincue d'adultère était sévèrement châtiée. Et cependant, quelques femmes pahouines se font une pointe rle fierté de déclarer aux

· maris le nom de leurs amants!

L'homme complice, échappé ou non aux châtiments corporels, payait toujours une indemnité. Cette indem­nité se montait parfois à une demi-dot. En règle géné­rale, l'indemnité doit être de la valeur de deux chè·vres.

'· '

3i

La femme pahouine n'hésite pa·s à partir avec un amant. Marié~ souvent contre son gré, elle se 'Venge de cet état de choses par une très grande infidélité . .

Naguère, si, dès les premières sommations, la femme enlevée ainsi n'était pas rendue à son mari légitime, une guerre de village à village se ·déchainait ; on se tuait ou on allait voler une femme au village où s'étaient réfugiés les deux coupables. Cet otage était gardé jusqu'au retour de l'infidèle et jusqu'au paiement défini­tif de l'in_demnité due au mari propriétaire qui a versé la dot. En effet, « si la femme est un récipient dans lequel tout le monde se désaltère, on ne doit pas 'l'emp?rter &.

Plusieurs genres de supplices attendaient la femme récjdiviste de ces extravagances : l'introduction dans le vagin d'un fer rougi au feo ; l'incision des parties géni­tales, celle des oteilles ; une ou plusieurs blessures sur le dos, l'exposition d~ sa nudité au public, etc.

La durée de la viduité che~ les Pahouins est de six mois, .pendant lesquels la femme veuve ne doit :

Ni quitter ' les parents de son feu mari, dans la mai&on duquel elle continue à habiter ;

.Ni divorcer avant le règlement de la succession . laissee par ie de cujus.

. LA filiation

Chez les Pahouins; soumis au régjme du patriarcat, l'enfant a'ppartient' ;-

10 Au père, s'il est issu du mariage avec une femme pour· laqueFle il y a . eu éommencement de paiement de dot, ou paiement c.omplet ; ·

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2° Au mari qui a versé la dot pom· une fem me, quand même ledit mari, tel le cas des enfants adultérins, n'a pas concouru à la conception de cet enfa nt ;

3° A l'homme qui, en versant une dot, épouse une femme célibataire ngone, mise en grossesse par ses œ uvres ou celles d'un des amants admis à faire la éom· à cette femme, sous le toit paternel ;

4° A celui qui, en épousant une femme ayant un enfant en bas âge, a ve rsé une dot assez considérable pour cette femme et pour ct!' enfant.

Dans r e cas, les !?eaux-parents doiven t shpuler, lors du contrat de mariage, que l'enfant a désormais pour père reconnu le mari de sa 3-.ère et qu'à a ucu n moment ledit enfa nt ne sera retiré des mains de son père, alors mème que sa mère divorcerait plus tard.

Mais l'usage, dans le règlement des li tiges de cette sorte. mê me si celle déclaration n';~ pas eu lieu, recon ­naît toujours celte paternité et fait d roit au mari de la femme. L'adage ci-après le laisse e ntendre clai rement: «. Mone asse m one ambié, mone a né mone abilâ '> ( l't nfanl n'est pas il celui qui l'engend re, rnais toujours ~1 celui qui verse la dot et épouse ,:égu lièrement la mère).

Les enfan ts né:-: sous le signe des qua tre cas énu­mérés plus haut sonl tous légiti ines ; . ~'insi Je' \'enl la coutume.

Ces enfants héri teraient tous au-même li tre, ~~ sup­poser qu'ils fussent tous du mème père, sons le toit duquel i ls sont a ussi tenus d'habiter .

Mais_ l'enfant appartient à la famille de la· mère . aux gnanydvmeu (père, oncle, frère de la fem me) :

1° S!il est né d'tmc fetnme non en puissance. ma rita le el pour laquelle les parents n'ont pas reçu un commen -cement de dot quelconque·; ,,_

l.

'. 33

2° Si le père connu , ou les paren-ts de ce père, refu­sent de le rachete r , c'est-à-dire . de le recon naîlre en donna nt quelq ues ma rchandises ( trois.quarts d'une dol) pour l'e mmener sous le toit pa ternel.

Il n'est pas obligatoir~ . pour cette reconna issance, que la mère se fasse épouser pa r lui ou par eux.

Ces deux catégories d 'enfa nts vivent avec les pa rents de leur mère. Ils do ivent à leurs pa rents ma ternels res­pect et obéissance, tout comme à le ur propre père. Travailla nt pour leur compte, ces enfa nts sont ma riés par eux et héritent d'eux.

L'adoption exis te chez les Pa houins. Elle est une des prérogatives réservées aux chefs de famille.

La coutume n'autorise l'adoption que des enfants de sexe masculin et orphelins de père.

Les adoptés sont astreints à résider avec les adop- ' tants. ·

Les femmes ne peu œ nt pas adopter.

Celui qui adopte un enfant a , envers l'adopté, les niêmes devoirs et droits ·qu'un père à J'endroit de son propre enfa nt.

Celui ~ui est adopté a a ussi, :vi~~à~vis de l'adoptar;tf les mêmes devoirs qu'un enfa nt envers ·son propre père.

L'adoption prend fin, chez les Pahouins, pour ra i­sons de tra îtrise, d 'empoisonnement, de désobéissance grave ou de retour de l'adopté da ns sa fa mille d'od gine.

La coutume veut que l'enfa nt a pporte à ses .pa rents le produit d e sa chasse, de sa pêche, de ses récoltes, ou l'a rgent de son tra va il ; qu'il les a ide da oi; les divers tra va ux de pla nta tion, de construction de cases, etc. ; qu' il subvienne à l'entretien de ses pa rents devenus

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âgés ou infirmes et les défende contre des tracassedes toujours possibles ; qu'il les respecte, les écoute, leur obéisse et les consulte chaque fois que besoin en est.

Autrefois, l'enfant ne quittait le village de ses. parents:

1° Que pour voir dans un village voisin des filles à marier;

2° Que pour rendre visite à des parents maternels. -

La durée de ces déplacements n'excédait jamais une « lune » (u.n mois).

Il était toujours tenu de vivre aflprès de ses parents. Avant de travailler pour lui-même, il devait travailler pour ceux qui lui avaient donné le jour ou qui s'occu­paient de lui. Ce sont eux qui l'avaient circoncis, initié àux Biéri, Nguil, etc .. , lui avaient appris à chasser , pêcher, faire la cueillette des fruits, construire les cases, régler les palabres, recevoir. des hôtes. Cette éducatioü faisait de lui un véritable mone-fame (enfant-garçon) ou mone-ménéga (enfant-femme).

Mais aujourd'hui, la facilité avec laquelle les enfants gagnent de l'argent, se procurent des marchandises ou des· femmes, et l'abolition des guerres de village à village, semblent les inciter à l'abandon des parepts.

Pour les parents, l'époque est passée pendant laquelle, seuls détenteurs des bioum, qu' ils ne cédaient parfois à leurs enfants ou adoptés qu'avec une triste parcimonie, leur puissance était redoutée. Ils sont affolés de l'émancipation de leurs enfants; ils ' ne comprennent rien, ni aux paroles, ni aux .actes de ces derniers (pas de tous, car à toute règle il y a des exceptions, mais enfin de quelques-uns). Vieux, ceux-là sont de la période

35 des migrations, dont ils ont gardé toutes les tares; jeunes, ceux-ci sont de la génération qui trop tôt commence à secouer la puissance paternelle et essaye de vivre de sa liberté .•. Et cependant, la vra ie liberté réside dans l'accomplissement des devoirs de la famille et de la société !

Fini le truc ingénieu x trouvé pàr un ancêtre astu­cieux pour maintenir l'a utorité : la malédiction, dont les enfants ne font plus cas, présentement

Mais citons, pour mémoire, les paroles de ma lédic­tion que prononcent le père ou la mère :

« Mon enfant, j'ai épousé ta mère, que j'ai dotée ; avec elle, j'ai « tapé la cloison » pour t'engendrer. Comment se faiHI que j e t'aie défendu de ... et que tu ne m'as pas écouté? Tu as eu des l>ioum que je n'ai · pas vus 1 Tn as chassé, pêché, et d'autres que moi ont bénéficié du }>roduit de toiltravaill. .. Je me suis donc laissé consumer par la douleur ; a ussi, avec moi, tous les gens du village et de la tribu, y compris les décédés, te détesteront 1 Rien d e bon désormais ne t'arrivera 1 ••• · Tu es maudit 1 tu es maudit 1 ••• ». Et le père souille dans le bout de sa verge. i. .

« Mon enfant, nulle autre qu moi ne t'a porté dans son sein après que j'avais<< v la lune» ( les mens­trues). Je sais où est mis ton placenta. Seule, j'a i souffert les douleurs de l'enfantement et de l'allaitement. Tu me désobéis, tu me. rbanque.s de respect 1. . . Les esprits sur la terre, comme les sorciers, m'entendent pleurer, m'entendent parler 1 ••. J e te maudis 1 je te maudis 1 • •• Toujours, pour toi, rien de bon 1 Toujours, toujours 1 A moins que je ne sois pas ta mère 1 ••• >>. Et la mère de s'asseoir par te.rre, la main droite sur les parties sexuelles.

!

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' .. 36

La propriété

On distingue chez les Pahouins :

1° La propriété privée ;

2<' La propriété collective.

S . ' ' . ' t f t ont propnete pnvee, appar enan :

a) Au chef de famille : sa femme ou ses femmes, son ou ses enfants, sa ou ses cases ; ses pièges, ses engins de pêche ou de chasse, les volailles ou le bétail qu'il donne à garder à quelques membres de sa famille;

b) A la fem me: la case qui lui a été donnée par son mari, le terrain défriché qui lui est alloué pour être culth,é, les ustensiles de cuisine et autres objets de ménage offerts par son mari (celui-ci n'a plus le droit de céder à quiconque ce qu'il a librement donné à celJ..!:-là); ce qu'elle reçoit de sa propre famille: volail­les, bétail ou biens de toutes sortes, en dons ou en héritage; les arbres utiles par leurs fruits (palmiers, kolatiers, etc.), se trouvant sur le terrain de ses planta­tions ou qu'elle a découverts dans la forêt ;

c) A l'enfant : l'argent, les vêlements, les objets de chasse ou de ptk~1e, les armes qui lui ont été données par ses parents ou qu'il a pu se procurer lui-même, (et le père, chef de famille, ne peut en disposer qu'après l'avoir consulté).

Sont propriété collective, appartenant au village:

L'aire de la forêt et les rivières où s'accomplissent la chasse, la cueillette, la pêche;

La source où l'on puise l'eau ;

La forêt où se font les plantations ;

Les débarcadères et les divers sentiers qui conduî­sent aux villages voisins et aux plantations ;

Les corps de garde.

Il faut un conseil de villa#' pour aliéner ce qui appartient à la collectivité. En droit coutumier, le chef ~e village ne peut pas le faire tout seul.

i

La tutelle

~ Chez les Pahouins, la tutelle est toujours exercée par un homme.

r Le tuteur (m'kalé m'bioum) soigne l'enfant quand celui-ci est malade, conserve et administre les bioum

~ . de l'enfant, paie les créanciers et perçoit les sommes des débiteurs ; il ·représente l'enfant, partout où besoin ·est.

Les droits et les de.voirs du tuteur sont presque identiques à ceux donnés par la coutume au:!( pères, avec cette différence qu'à l'émancipation de l'enfant,

. ledit tuteur doit rendre ses comptes.

Si leïuteur a dissipé les bioum du mineur, il est tenu de les restituer ou de payer une valeur égale.

Le tuteur ne peut rien réclamer à l'enfant, mais la coutume veut qu'illui soit alloué une ou deux chèvres à titre de rémunération.

R. C.- 3

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Au décès du chef de famille, sont tuteurs de droit :

Jo L'héritier direct, son fils aîné;

2 .. Le frère du défunt, s'il n'a pas de fils majeur;

3° A défaut de ceux-ci, le plus âgé des héritiers collatéraux de la ligne paternelle ; .

, 4° A défaut de tous, l'un des parents de la ligne maternelle la plus rapprochée du décédé ou des enfants

Au décès d'une mère de famille, le père est tuteur de droit.

Les biens d'un dément, d'un homme atteint de lèpre ou d'une autre maladie intnrable et contagieuse, étaient a ussi confiés à un tuteur. .

Chez les Pahouins, les déments, les lépreux et autres malades vivaient hors des Yi liages; il leur était construit des cabanes à une centain·e de mètres des villages ; là-bas, leurs parents a llaient leur rendre visite et leur a pporter de la nourriture.

Par la force ou par la ruse, autrefois, les Pahouins ont occupé des terres, lors des migrations.

Mais la manière admise par la coutume était, lors­qu'on voulait habiter dans un endroit, de s'entendre avec les voisins ou les premiers occupants, de les indem­niser si C('ux-ci prétendaient avoir sur ces emplace­ments quelques · droits. On procédait à la délimitation et on donnait des pointes d'ivoire, des cabris et autres biens, et le tout d'accord entre les parties.

Personne ne pouvait, chez les Pahouins, a liéner les biens d'un autre ou de la collectivité sans auto­risation.

L'intransigeance des Pahouins sur le chapitre de la propriétt! n'avait d'égale chez eux que leur cupidité ;

ils en venaient aux mains, se faisaient des blessurès graves aYec des matcheltes, des couteaux, voire même ·des coups de fusil. ·

La sllccesslon, les _JonAtions et !es fesf11menf.r

Il y a chez les Pahouins trois ·catégories de succes­sions : celle de l'homme chef d~ famille, celle de la femmé mariée et celle de l'enfant~

Succession du chef de famille

Ses enfants, ses femmes, ses autres bioum (effets, volailles, bétail, maisons, engins de chasse, de pèche, pirogues, elc.), composent cette succession.

'= ~ Les enfants en bas âge sont -gardés par leur mère, et la part de la succession qui leur revient est confiée à im tuteur, ou . aux enfants âgés, à charge par ces derniers ~e marier les cadets lorsqu'ils deviennent grands.

Les enfants âgés Mritent des femmes de leur père et des bioum. · '

Les femmes, si elles consentent à se marier avec les enfants âgés du de cujus, ne sont pas dépossédées et continuent à habiter les ëases que leur avait données Je mari en son vivant.

Si le défunt n'a pa·s laissé d'enfants mâles, ses héri­tiers sont son frère, son père ou s.on oncle, ses cousins du côté paternel ou, à leur défaut, les enfants de ses filles ôu de ses tantes.

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4o

Succession de femme mariée

Nous a vons \ 'U, au chapitre (( propriété >), ce qui revient à la femme pahouine (case, terrains défrichés, ustensiles de cuisine, etc.).

A sa mort, son mari hérite du tout. Maitre de la suc­cession de son épouse, le mari partage avec les enfants de la décPdée les divers biens laissés par cette dernière.

La propre famille de la fe~me décédé~ n'est pas fondée:\ réclamer quoi que ce soit, si cette femme a été régulièrement mariée. Mais, dans le cas où la femme n'avait' pas été dotée et ne viva it qu'en concubinage avec un homme, la succession de ladite femme est reçue par ses pa rents.

Succession d'enfant

Garçons:

Le père qui recueille la succession ·donne la femme ou les femmes a u frère du défunt. S'il n'y a pas de frère, il peut lui-même épouser ces femmes, ou exiger le rem­boursement des dots versées à l'occasion de leur mariage.

Pou t' les autres biens ( efl'ets, armes, a ni maux domes­tiques), si te! est le boo plaisir du père du défunt, il y a partage entre frères, sœurs, cousins germains 'et oncles paternels ou ma ternels.

Dans le cas où l'enfant mort serail orphelin de père, la succession est donnée à son frè re ou à son cousin, à supposer qn'il n'ait pas d'oncle paternel (voir la liste des héritiers sous le titt·e : « Succession du chef du famille >>.

4t Filles:

Inutile d'ajouter « célibataires », étant donné que, pout· les filles mariées, la succession revient de droit au mari, comme dit plus haut.

Le père d e la je•Jne fille recueille la s uccession, composée des petits objets qu'elle a pu avoir, de certains animaux domestiques qu'elle ~ecevait de divers parents, etc.

Le tout est partagé entre ses ' frères et sœurs ou, à leur défaut, entre le père ct la mère.

La succession pabouiue est divisée en autant de parts égales qu'il y a d'héritiers du même ordre.

Les principaux héritiers se doivent d'offrir chèvres, poulets, moutons, ou des sommes équivalentes, aux autres partmts rlu défuut qui, pour refus ou pour parenté éloignée, n'ont pu bénéficier de la succession.

La coutume pahouine autorise des donations entre vifs par-devant témoins.

' .Jadis, l'inhumation d'un mort était toujours précé-

dée d'une autopsie.

L'héritier recevait, durant le cours du deuil, les visites de condoléances des monékal (enfants des sœurs ou des tantes), des guangdome (oncles et cousins mater­nels), des essingone (beaux-pères), des beguigone (belles­mères), de~ beyome-bengone (geudres).

Il était ùc son devoir de faire connailre aux visi­teurs le début du mal, les ooms de ceux qui soignaient le malade et si l'autopsie avait décelé la présence ou non de l'éuouss (excroissance située près de la vésicule biliaire et caractéristique du foie des sorciers).

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Après avoir pleuré le mort, tous ces étrangers au village retournaient chez eux pour _revenir quatr~ ou siJC mois après, en vue d'assister aux cérémonies du deuil appelées èzème-awou 1danses pour le décès).

Ces danses sont suivies de l'èvaze-akouss (fin de viduité).

Ensuite vient le ·partage de l'héritage, s'il y en a. ' Ce partage, chez les Pahouins, ne comporte aucune question de sentiment.

Prenons le cas de deux héritiers du même degré appelés à hériter d'tine seule fenime, bien unique de la succession. Ladite femme t>st donnée à celui qu'elle a choisi pour époux, à charge par cet homme de verser en bioum (biens) ou en argent la part revenant à l'autre cohéritier. C'est ainsi que, si la dot de cette femme se monte à 1.000 francs, le noùveau mari de la veuve remettra 500 francs. f

Nous savons déjà, pour l'avoir dit à plusieurs reprises dans cette étude, que la· femme pahouine est considérée comme un bien. De ce fait, elle n'hérite pas de son mari, mais la coutume l'autorise à garder pour elle les objets que son fen mari lui avait donnés dorant le cours de leur union. Elle ne peut être déposs.édée qu'en cas de divorce.

Le père ou les enfants d'un défunt son1t tenus par la coutume de régler les dettes laissées par Jùi. Ils ne pouvaient, anciennement, s'y soustraire dans aucun cas, sous peine d'être saisis.

C'est la raison pour laquelle la coutume donne aux héritiers le pouvoir de déclarer nulles et non avenues des dispositions verbales, même devant témoins, faites par le défunt quant à ses propres biens. Les héritiers des Pahouins poussent ce droit jusqu'à reprendre les dons faits par le de cujus en son vivant.

43

. Indépendamment du père à la mort de son fils, et du fils à la mort de son .père, qui tous les deux sont astreints obligatoirement, im cas d'héritage ou non, à payer, tout autre héritier n'est soumis au paiement des créanciers qu'en raison de la valeur de ce qu'il reçoit

: en héritage. La coutume le dit: « N'Damikouze ézème, nda bitome évoho » (ouverte la· maison des veuves, ouverte aussi la maison des créances).

Mais· reconnaissons volontiers que la civilisation a beaucoup tempé1·é ces usages pour le plus grand bien des Pahouins.

C'est ainsi que nous avons pu constatér que la majorité des jeunes gens instruits dans les écoles fran­

. çaises n'insistaient plus pour la stricte application de la coutume en ce qui concetne -la partage des biens d'un décédé.

Les COHfrllfS

Les ventes et les achats ont lieu dans les villages ou dans les grands centres.

Les deux sexes, quel qu'ep ; soit l'à ge, vendent les produits de leurs plantations,#,,qe leur chasse, de leur

: pêchè; ils vendent aussi les, objets fabriqués par eux, tels que pirogues, paniers en rotin, etc.

S'il y a. tromperie par l'une des parties dans une vente, la coutume admet la résiliation demandée par la partie lésée.

Comme pour ·tous les indigènes, le troc est la forme habituelle des transactions entre Pahouins.

..

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44 Autrefois, pour avoir de la viande, du poisson, du

sel, etc., les P~houins donnaient en échange des sagaies, des marmites en poterie, de l'ivoire, etc.

Il y a chez les Pahouins le louage des choses et le louage des personnes.

Les choses louées ( ~ngins de chasse, de pêche, objets de construction, etc.) doivent être rendues intactes au propriétaire, et celui-ci doit se voir attribuer un cadeau proportionné à la durée et à l'usage fait de la chose louée. Ce cadeau est obligatoire et, en cas de contestation, il est laissé à J'apprécia tion d'un arbitre.

Les personnes louées pour un travail quelconque (construction de cases, défrichement rles plantations, etc.), sont toujours Jlémunérées.

Si un accident survientà une personne louée, il lui est)donné llne indemnité, sans Jréjudice de la somme due pour le travail accompli.

"-

L~~ball à cheptel est le plus courant en pays pahouin.

Le Pahouin qni confie ses ovidés à un tiers doit, au moment de les reprendre:

a ) Donner au gardien une femelle, si le troupeau a augmenté;

b) Exiger du gardien une réparation, s'il y a eu déchet; mais cette réparation ne dépasse guère un mâle et une femelle, lorsque le cheptel était de plus de trois têtes.

Le prêt à intérêt n'existe pas chez les Pahouins. Néanmoins, ce qui est prêté gratuitement doit être restitué. En cas de perte ou d'avarie, il y a lieu d'indemniser le propriétaire de la chose prêtée.

45 La coutume veut que celui qui reçoit d'un autre,

' sous quelque titre que cè soit, un bien en dépôt, rende ce bien tel qu'il l'a reçu.

Mais celui qui s'en est servi pour ses besoins personnels, ou pour d'autres fins, est tenu à la restitu­tion du dépôt ë{)nfié.

Le dépo~afit est toujours tenu de donner un cadeau au dépositaire.

Lâ coutu~e autorise qu'une indemnité en rapport ·avec les services rendus soit donnée à un ·mandataire chargé, ou de régler un litige, ou de toucher des bioum, ou de f~ire d'autres commissions.

Le mandataire, en revenant de la commission, doit rendre compte et remc:ttre la chose reçue au mandant.

La coutume pahouinc p~rmet li} mise· en gage:

1 o Des objets ou du bétail, sous le nom d'ébane;

2° Des personnes (femmes mariées, filles libres, mais brea~ent des garçons), sou~ le n~~l d'éfoune .

Celui qui recevait un gage était tenu de le rendre dès qu'il était remboursé, même si le délai fixé entre les parties avait été dépassé. Il ne devenàit propriétaire régulier du gage que par sujte du consentement de son débiteur.

Les personnes autrefois prises comme otages fai­saient partie, provisoirement, de la famiHe du créancier; elles travaillaient pout:.lui. , ,

Si, durant ce temps, des femmes ainsi détenues t~oha bitaient avec ledit créancier, les enfants issus de cette relation revenaient de droit au mari déJ>iteur.

Il était rare de voir des jeunP.S filles alors libres, mais données en otage, rentrer dans leurs propres

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46 familles, car elles se faisaient épouser, neuf fois sur dix, par les créanciers de leurs pères.

Déclarons que les manquements aux divers contrats que nous venons de passer en revue étaient toujours régtés à l'amiable.

Ils donnèrent rarement lieu aux coups et hies­sures, et seulement lorsque, l'a1·bitre étant intervenu, le défaillant refusait de s'incliner quant aux rembourse­ments, aux restitutions ou au paiement d~s objets ou des bieps égarés, avariés ou détournés, des cadeaux et indemnités dus, parce que .prhus par la coutume pahouine.

fA prescriptio11, sa J11rle

La prescription n'existait pas chez les Pahouins.

fA respoHsa!Jilité civile

Aux termes de la coutume pahouine, sont civilement responsables :

1° Le chef de n'da (famille), pour les fautes commises par ses enfants, femmes et adoptés (il paiera l'indemnité due à un tiers pour adultère ou assassinat commis par son fils ou son adopté, le montant d'un dégât, d'un bit>n détourné ou d'un vol commis par un membre de sa famille, .etc.) ;

, ' 47 2° Le chef de m'vogue, pour les fautes commises

par des gens de son corps de garde (abè ,ne);

3° Le chef de n'dzang, p~ur les fautes commjses par son clan;

4° Le chef de village, pour les fau tes dont sont coupables les personnes habitant son village à l'égard des étrangers audit village:

Bambari, le ter mai 1936:

Léon M'B4\.

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48

ORIGINE DES COUTUMES PAHOUINES

(/égenJe)

Mébègue (Dieu le Père) engendra beauc.oup d'en­fants, pa rmi lesquels on c ite: N'Donghe, N'Ké, Akourc, garçons, et Mengné, Elombé, Otiti, filles.

Son village Ebamayong (hon~ur de la tribu) étan t devenu fort peuplé, Mébègue désira et appela la mort. Ln sentant prochaine, il réunit ses enfants, les bénit et leur fit les dernières recomma ndations sui v.ant~s :

<• Je nomme coq de mon village (chef de village) N'Dongbe, mon a îné ; c'est lui mon successeur.

« Voy'cz des jeunes filles dans les village voisins, faites les fiança illes el les palabres ùe la dot ( le père é tant tenu de procurer une dot à son fil s), épousez ces jeunes filles.

« Ne. couchez j amais avec. les femmes de vos be;tux­parenls, ni avec les sœurs aînées de vos _femmes, pas plus qu'avec l'enfant de vot re femme, même s'il n'est pas de votre propre sa ng.

«A vos enfants, donnez des noms d'animaux, d 'al·­b res et de plantes, les noms de vos pnrents vivan ts ou déc.édés. Les garçons, qui doivent toujours être drconcis el initiés au Biéri, apprennent les travaux de leurs pères; et les fill es, qui ne doivent ·pas être excisées, vivent en apprentissage avec leurs mères. Set1l, le garçon assiste aux ,pa labres, aux cérémonies du Biéri et autres dont i 1 doit garder le secret , aux en lerrcmeuts, autopsie~.

guerres; c'est lui qui protège la fille.

49 « Que tout enfant écotrte ses pè.re et mère ; à leur

défaut, ses oncles-et tantes de la ligne paternelle d'abord, · el de la ligne maternelle_ftn lite ; ce sont eux qui le bénissent s'il se conduit bien, ou le maudissent, voire même fe chassent, s'il se conduit mal.

« Il y a deux saisons dans l'année : la saison sèche (oyoné), pendant laquelle vous préparez les· terrains· destinés -nux plantations \'iniè t·es, construisez les cases, campez soit en brousse, .soi t au bord des rivièi-es pour y chasser, pêcher, e t la saison des pluies (souguen), pendant laquelle vous restez ~u · corps de

·garde, faisant de menus travaux, 'et · vaquez à vos pala­bres. Vous avez aussi la petite saison sèche, intermé-

, diaire entre les deux premières ; elle s'appelle essep et est plus spécialement réservéè à la cueillette des fruits comestibles et aux petites plantations de maïs, courges, ignam~s; etc.

« L'homi:ne.défriche la terre, et la femme piante.

« Evitez les relatiqns sexuelles, non seulement e~tre les membres àe la même famille (n'da), mais a~ssi entre les membres d'une même tribu (ayong). Vous appellerez inceste (ébyale) ce genre de relations qui rentre dans ia catégorie des n'sem (mauvais) (1), dont quelques-uns d'entre vous connaissent le cé.rémo-· niai de rémission.

« Aimez les étrangers, ils emichissent les gens ; so'yez diplomates, éloquents avec eux, accordez-leur l'hospitalité.

<r Si vous êtes nialade, frottt:z du piment, du bois rouge (poudre) sur la partie souffraDle ; appelez un de vos frères qui est n'gang (docteu•·. voyant}, il « regar-.

( 1) Voir mon.étude sur les elchi (dé fenses) des Pahouins.

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dera » dans le médicament et dira ·si c'est une maladlè naturelle ·ou si un sort a été jeté, etH ordonnera. suivant le cas, Je sacrifiee d'un poulet ou d'un mouton dont · vous boirez le sang.

« Un homme est toujours chicanier, batailleur, il lave toujours une injure ; il est aussi méfiant, mais vigilant, comme le chien, et il marche ayant un bâton à la main gauche et un couteau à la main droite.

f << Celui d'entre vous qui veut vivre vieux évitera de

· commettre l'adultère, de tuer avec une arme, sans rai­son de guerre, ou d'empoisonner son frère ou qui que ce soit.

« Isolez les gens atteints de pian, de lèpre et les gens malingres ; ils peuvent souiller les autres au même titre que les femmes en menstrues ou enceintes à l'en­droit de ceux qui couchent avec elles ou qui mangent une nourriture qu'elles ont préparée élan& dans ces états. Les personnes ainsi « salies >> meurent facilement lors d'une action guerrière, se blessent, ont des accidents à la chasse, à la pêche, partout où ellés besognent. Seuls, les n'gang (médecins-sorciers) les purifient.

« A l'occasion des naissances, . mariages et deuils, réjouissez-vous en dansant le bia, le mékome, en jouant le m'vert, le mezang.

« Mais vos enfants ne verront jamais ma tombe, qui ne sera ni « en haut« (firmament), ni «en has >>(terre).

« - Alors, interrompit Akoure, l'un des enfants, si nos fils ne verront même pas votre tombe, que dirons-nous en leur parlant de vous ? Où sont vos femmes, c'est-à-dire nos mères ? Où êtes-vous né ? Où irons nous apr,ès votre mort?

Mébègue continua ainsi :

51

« Ebamayong, où nous sommes maintenant, n'est pas notre .· premier village. Nous venons d'un pays où il n'y a pas de grandes· rivières, mais rien que des étangs, et où il y a une nation d'hommes très guenier!; appelés M'Vogue-~tsaog.

«Vous êtes à présent à Okû (Est), et après ma mort vous descendrez à N'Ki (Ouest).

«Là-bas, il y a des hommes blancs comme l'écume de la mer, blimcs comme les revenants ; ils sont très riches, ce sont vos ainés. ·

«Vous direz à vos .enfants que je m'appelle Mében-• gué min koua sokome, ke eisa, ke gnia, ke ngalle ; égné

anga vel dzo ne ssi, a ne mebial mebour (l'Ordonnateur de toutes choses, qui n'a ni père, ni mère, ni femme, ni commencement, ni fin, a créé Je firmament et Ja. terre, se tient à l'origine du monde) >> .

• Léon M'BA.