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1 La présence française à l’international 20 avril 2000

La présence française à l’international 20 avril 2000 · orientations que nous entendons promouvoir au niveau national pour une dynamisation des gestions des ressources humaines

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La présence française à l’international

20 avril 2000

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SOMMAIRE INTRODUCTION Gilbert SANTEL, directeur général de l’administration et de la fonction publique, délégué interministériel à la réforme de l'Etat (ministère de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat). 1) MATINÉE EXPOSÉS DE CADRAGE “ Enjeux, évolutions en cours et perspectives de la présence française à l’international ” : Yves BERTHELOT, secrétaire général adjoint des Nations-Unies, secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations-Unies pour l’Europe. “ Enjeux spécifiques de la présence française dans les institutions de l’Union européenne ” : Jacques FAURE, directeur adjoint de la Coopération européenne (ministère des Affaires étrangères). “ État des lieux de la présence française dans les organisations internationales ” : Henri REYNAUD, chef de la mission des fonctionnaires internationaux (ministère des Affaires étrangères). TABLE RONDE animée par Yves BERTHELOT : “ Atouts, handicaps et défis de la présence française à l’international. Comment optimiser cette présence ? ” Jean-Michel MARLAUD, directeur des ressources humaines (ministère des Affaires étrangères) Jean-Yves PERROT, directeur des affaires économiques et internationales (ministère de l’Équipement) Pierre-Yves COSSÉ, secrétaire général du Comité de direction de la coopération technique internationale, président de l’ADETEF (ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie) Joëlle BOURGOIS, ambassadrice, représentante permanente de la France auprès de l’OCDE Anne MAGNANT, déléguée générale à la langue française Jean-Claude VILLEMONTEIX, responsable du personnel de l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), ancien président de l’association des fonctionnaires internationauxfrançais de Vienne (AFIF). 2) APRÈS-MIDI TRAVAIL EN QUATRE ATELIERS -RESTITUTION DES TRAVAUX DES ATELIERS (Voir détail en annexe) -SYNTHÈSE ET CLÔTURE DE LA JOURNÉE Jean FÉLIX-PAGANON, directeur des Nations-Unies et des organisations internationales, ministère des Affaires étrangères. 3) ANNEXES DETAIL DES DEBATS EN ATELIER ATELIER n°1 : “ Comment renforcer les échanges entre les fonctionnaires français en poste à l’international et avec leur administration ? ” Animateur : Pierre RICHEZ, chargé de mission, direction des politiques économique et Internationale, ministère de l’Agriculture et de la Pêche. ATELIER n°2 : “ Quelles stratégies et quelle organisation de l’administration pour une gestion efficace de la présence internationale de la France ? ” Animateur : Thierry LE ROY, délégué aux affaires internationales, direction générale de l’administration, ministère de l’Intérieur.

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ATELIER n°3 : “ Comment optimiser le déroulement de carrière des fonctionnaires français à l’international ? ” Animateur : Thierry DUCLAUX, sous-directeur de la gestion des personnels d’encadrement, direction du personnel et des services, ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement. ATELIER n°4 : “ Quel suivi pour le personnel français en fonction dans les institutions de l’Union européenne ? ” Animateur : Michel GUILBAUD, secrétaire général adjoint du Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne. Introduction

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Gilbert SANTEL, directeur général de l’administration et de la fonction publique, délégué interministériel à la réforme de l'Etat Cette journée s’inscrit dans le cycle organisé par la direction générale de l’administration et de la fonction publique et par la délégation interministérielle de la réforme de l’Etat. Ces journées d‘étude ont pour objectif de faire progresser la connaissance collective sur un certain nombre de sujets et, surtout, les pratiques professionnelles des uns et des autres. Il s’agit donc à chaque fois de réfléchir ensemble, sans langue de bois ni tabou, sur des sujets aussi différents que les nouvelles technologies et leur utilisation par l’administration ou encore la conduite du changement. Il s’agit aussi de mettre en commun les innovations, les bonnes pratiques et d’essayer de contribuer le plus possible à leur diffusion. Si cette journée s’inscrit dans ce cycle, elle est aussi un peu particulière. Co-organisée avec le ministère des Affaires trangères, elle a une petite histoire. Le principe en a été acté lors d’une rencontre avec l’ensemble des ambassadeurs des institutions internationales à l’occasion de la Conférence des ambassadeurs qui s’est tenue fin août 1999. Cet échange passionnant a permis de mieux percevoir les enjeux politiques, économiques, culturels de la présence française dans ces institutions. Il a aussi été instructif parce qu’il a permis de constater l’écart existant entre une présence française globalement importante et les difficultés liées au renouvellement de cette présence dans un contexte de concurrence de plus en plus importante. Autre type d’écart : celui qui existe entre les orientations que nous entendons promouvoir au niveau national pour une dynamisation des gestions des ressources humaines et la façon dont les ambassadeurs perçoivent l’attitude des ministères gestionnaires en ce qui concerne les fonctionnaires français à l’international. D’où l’idée de cette journée. La première partie de celle-ci (exposés, table ronde) mettra en commun les enjeux qui sont les nôtres et essaiera d’aboutir à une vision partagée, aux niveaux ministériel et interministériel, à la fois par les responsables des questions internationales et par les gestionnaires des ressources humaines. Bien comprendre ces enjeux, c’est aussi identifier les missions de nos fonctionnaires dans des institutions internationales, c’est donc avoir une première approche des compétences nécessaires. Dans la deuxième partie seront examinées les questions de gestion de ressources humaines à partir d’expériences concrètes, celles des orateurs, mais aussi celles des participants. L’un des objectifs d’aujourd’hui est de mettre en commun toutes ces expériences. Dans le domaine de la GRH, j’ai deux convictions. La première concerne la mobilité : il faut arriver à une inversion des cultures de gestion en matière de mobilité. Un regard sur les modes de gestion depuis au moins 50 ans montre que l’on sait gérer les hommes pour les corps de métier, mais que toute expérience atypique est regardée avec une certaine méfiance. Il convient de faire l’inverse et de valoriser toutes les mobilités et les expériences différentes. Il est très important, pour des agents qui sont dans la fonction publique pour 40 ans, de pouvoir avoir un œil nouveau, de maintenir une capacité d’étonnement et d’innovation, et cela passe par des mobilités professionnelles. La mobilité est de mon point de vue un plus, mais les mobilités à l’international mériteraient un “plus-plus”. Depuis deux ans que je suis à la direction générale de la fonction publique, j’ai l’occasion d’avoir de nombreux contacts internationaux et je me rends compte à quel point ces contacts peuvent être utiles. Nous sommes fiers de notre service public avec raison. Mais si nous y croyons, si nous voulons le défendre, il est important de bien comprendre les réalités des autres pays, leur fonctionnement, leur logique et leur approche des problèmes, afin d’en tirer des conséquences pratiques. Défendre le service public à la française, ce n’est pas être aveugle et sourd à ce qui se passe à l’extérieur, c’est même le contraire. C’est en nous enrichissant que nous contribuerons le mieux à défendre les valeurs auxquelles nous sommes attachés. Les activités internationales de nos administrations (négociation, coopération administrative) nécessitent plus que jamais de bien connaître les autres, leur logique, leur mode de raisonnement. Les expériences de nos fonctionnaires dans des postes internationaux peuvent y contribuer opportunément. Je sais qu’il n’est pas facile de remettre en cause des cultures professionnelles ou des pratiques de gestion. Modifier des textes, nous savons faire, mais cela ne représente que 20% du travail et produit presque autant d’effets pervers que d’aspects positifs. Je suis donc convaincu que si des évolutions législatives ou réglementaires sont nécessaires, l’évolution des pratiques de gestion est fondamentale. D’où l’importance d’une journée comme celle-ci au cours de

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laquelle nous partagerons des grands principes, des orientations communes. Mais in fine, ces pratiques de gestion se concrétiseront dans des initiatives qui peuvent paraître d’une modestie affligeante mais sont pourtant tout à fait fondamentales. Ce sont ces initiatives qu’il nous importe de connaître. Un exemple tiré de mon expérience lorsque j’étais directeur du personnel au ministère de l’Équipement: le dispositif d’évaluation de nos agents était naturellement appliqué à ceux, assez nombreux, qui travaillaient à l’international. Les fiches d’évaluation étaient envoyées aux chefs de service de nos collègues en poste à l’étranger, qui les remplissaient; elles revenaient avec du retard, mais, dans 99 % des cas, avec des appréciations dithyrambiques. Pourquoi? Parce que, comme beaucoup de ces collègues étaient mis à disposition, il était important pour un chef de service à quelques milliers de km de la France de conserver l’agent et, le jour de son départ, de pouvoir le renouveler. Dans ces conditions, une seule solution : dire du bien de l’agent en question... C’était peut-être très utile pour eux, mais redoutable pour les agents. Il est évident que les CAP considéraient ces appréciations comme n'ayant aucune valeur et faisaient perdre ces années passées à l’international, puisque le mode d’évaluation n’était pas reconnu. Nous avons donc décidé de confier à trois inspecteurs généraux le soin de compléter l’évaluation en leur demandant d’aller rencontrer sur place les fonctionnaires du ministère. Cette simple initiative a contribué à crédibiliser l’évaluation, à faire en sorte que ces postes à l’international soient des postes comme les autres, pris en compte dans un déroulement de carrière. Ce n’est qu’un exemple, mais je suis convaincu que ce sont des initiatives de cette nature, prenant en compte les réalités de chaque département ministériel qui nous permettront d’avancer positivement. EXPOSÉS DE CADRAGE “ Enjeux, évolutions en cours et perspectives de la présence française à l’international ” Yves BERTHELOT, secrétaire général adjoint des Nations-Unies, secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations-Unies pour l’Europe. On assiste aujourd’hui à la fois à une mondialisation, qui se manifeste dans la sphère financière et dans les usages, et en même temps à une régionalisation, très réelle en Europe, des échanges commerciaux et financiers. Ce double mouvement, pour que les activités se passent de manière souple et prévisible, implique des règles communes, des moyens de régler les conflits de façon aussi rationnelle que possible. Or, ces règles, mieux vaut les négocier que les imposer. L’un des rôles fondamentaux des organisations internationales, c’est de développer des normes, des standards, des conventions, des pratiques... communs à l’ensemble des partenaires. Leur impact est évident sur la France comme sur tous les pays. Les organisations internationales créent des idées; du moins, elles en sont les caisses de résonance. Keynes disait que les idées, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, ont beaucoup plus d’importance que les décideurs politiques ne croient. Elles cheminent et, au bout d’un certain temps, s’imposent. Il est donc important de participer à leur élaboration et à leur promotion. Or les organisations internationales sont en train de changer. Les gouvernements, les Nations-Unies s’en rendent compte, ont de moins en moins d’impact sur l’établissement des règles du jeu international et sur la manière de façonner l’évolution du monde international. Il est donc important pour les organisations internationales de savoir dialoguer avec la société civile, les organisations non-gouvernementales, les entreprises. L’actuel secrétaire général des Nations-Unies milite assez systématiquement dans ce sens. La Commission que je dirige établit ainsi énormément de conventions qui sont plus appliquées au niveau local, entre régions et de part et d’autre d’une frontière, qu’au niveau national. Ce dialogue avec les autorités locales est à développer. Enfin, les organisations internationales constituent un lieu d’échange d’expériences. On y rencontre d’autres pratiques, d’autres réussites. Il est donc bon que des fonctionnaires qui ont été exposés au monde international puissent revenir dans la fonction publique française. Or, ce retour n’est pas très au point. Je suis moi-même revenu deux fois dans la fonction publique française, mais à chaque fois par mes propres moyens. Peut-être cela pourrait-il être mieux organisé, dans l’intérêt de l’administration et et de la bonne utilisation de ses agents.

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Dans les organisations internationales, les secrétariats ont de l’influence. Certes, les gouvernements décident et donnent un certain nombre d’orientations. Mais un secrétariat n’est digne de ce nom que s’il met sur la table des idées ou des propositions que les gouvernements, ensuite, peuvent apprécier. Il est important que les Français, qui portent en eux une culture, des valeurs, une vision et des techniques, participent à cette maturation d’idées au sein des secrétariats. Tout comme ils doivent être capables d’écouter et de prendre les bonnes idées des autres pour en faire leur profit, d’accepter le dialogue des cultures. La France a plus de 10 % de fonctionnaires dans les organisations internationales. Vu notre taille et notre poids économique, c’est tout à fait convenable. Mais les modalités de recrutement varient d’une organisation à une autre. Les jeunes de pays insuffisamment représentés aux Nations-Unies (il existe un quota) passent un concours national pour intégrer cette organisation. Comme la France est bien représentée, il y a bien longtemps qu’elle n’a pas bénéficié d’un concours. Donc, on n’introduit plus de jeunes dans les organisations internationales des Nations-Unies stricto sensu. Mais, suivant les cas, il peut être tout aussi important d’essayer de placer des gens à la tête d’une organisation qui peut avoir de l’influence que de placer un certain nombre de jeunes qui feront la substance de l’organisation et auront des promotions au fil du temps. Quand Michel Camdessus est arrivé au Fonds Monétaire International, il a déclaré : “ Je me réjouis des choses inadmissibles que dit la CNUCED, parce que ça m’aide à faire bouger mon organisation vers des préoccupations plus larges. ” Il a effectivement fait évoluer son organisation et son organisation l’a fait évoluer. Savoir qui prend la tête d’une organisation compte donc autant qu’y placer des jeunes. Attention aussi aux chasses gardées. On sait que telle administration « case » des gens dans telle organisation intergouvernementale et n'y veut surtout personne d’autre. C’est une mauvaise politique pratiquée par un grand nombre de pays. Il faut recruter une personne pour ses compétences, pas parce qu’il a la préférence institutionnelle en France. Dernier point : les relations entre la France et les fonctionnaires internationaux français. Je suis très fier de mon pays sur ce point. Seuls deux autres pays au monde ont la même éthique de la fonction publique internationale : les Anglais et les Indiens. Leurs ressortissants deviennent des fonctionnaires internationaux et ne sont plus des fonctionnaires de leur pays d’origine. Ils servent l’intérêt collectif, non les intérêts nationaux. Cette qualité est reconnue et appréciée également chez les Français, ce qui explique qu’il y en ait tant. À l’inverse, les Allemands, les Japonais ou les Américains sont réputés ne servir que les intérêts de leur pays. Les fonctionnaires internationaux français peuvent influer par leurs idées et par la culture. Ils le peuvent aussi par le dialogue avec leur pays d’origine. Avant de venir ici, j’ai réuni tous les Français de la Commission économique pour l’Europe pour leur parler de mon intervention d’aujourd’hui et du message qu’ils souhaitaient faire passer. Ils m’ont dit qu’ils voulaient non pas des instructions de Paris, mais un minimum de dialogue pour connaître les idées débattues en France. Certes, ce n’est pas grâce aux fonctionnaires internationaux qu’on vendra plus de téléphones français. Mais ils peuvent avoir une action indirecte sur les intérêts économiques de la France. Reste la langue, qui est le véhicule d’une manière de penser. Le débat sur la francophonie est un faux débat: ce n’est pas le vocabulaire qui compte, mais la grammaire, c’est-à-dire la défense d’une manière de penser et d’organiser ses idées. En cela, on a intérêt à faire alliance avec les Espagnols qui ont la même grammaire. Je préfèrerais qu’on parle moins français et plus espagnol dans les organisations internationales plutôt qu’anglais. À cause de cette défense étriquée du français dans les organisations internationales, on arrive à des paradoxes : on ne peut plus sortir de documents aux Nations-Unies s’ils ne sont pas d’abord traduits dans les différentes langues. L’institution en est d’autant moins efficace : les documents sortent plus tard et ne sont pas étudiés. Donc tout est en anglais sur le Net, ce qui revient au statu quo ante. Je pense qu’il faut avoir une politique plus active de défense du français à travers une modalité de pensée française. À quoi cela sert-il de dire en français la politique anglo-saxonne ?

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“ Enjeux spécifiques de la présence française dans les institutions de l’Union européenne ” : Jacques FAURE, directeur adjoint de la Coopération européenne (ministère des Affaires étrangères). “ De toutes les évolutions en cours, qu’elles soient économiques, commerciales, militaires, linguistiques, juridiques, technologiques, il n’y en a pas une qui aille dans le sens de nos intérêts ”. Cette phrase n’est pas de moi, mais du ministre des Affaires étrangères. Il l’a prononcée en mars 1998. Cette remarque vaut particulièrement pour l’Union européenne. Il faut en effet rappeler quelques faits importants : la démission de la Commission Santer, la prise de fonction de la Commission Prodi, animée par une forte volonté de réformer le fonctionnement de l’institution, et aussi la perspective du prochain et cinquième élargissement de l’Union européenne, qui par son ampleur est susceptible de modifier la nature de la construction européenne. Le constat du ministre doit-il engendrer notre pessimisme ? Non. Notre vigilance ? Oui. Notre adaptation ? Certainement. L’approche statistique ne doit cependant pas nous conduire à désespérer. La présence française dans l’Union reste satisfaisante et donc convoitée par d’autres Etats-membres, pour ce qui concerne en tout cas les services de la Commission européenne. Cette présence reste satisfaisante d’abord parce qu’elle est forte à tous les niveaux de l’administration. En janvier 1999, avec 1 119 français sur 19 371 agents au total, la part française était de 11 % des

personnels toutes catégories confondues, ce qui nous plaçait en 3ème position après les Belges (25 %) et les Italiens (13 %). Soulignons que ces nationalités sont notoirement plus nombreuses que les Français dans les catégories C et D. En catégorie A, les fonctionnaires français, avec 712 emplois permanents, représentent 15 % des effectifs, devant les Italiens (12 %, 582 emplois), les Allemands (12 %, 577 emplois) et les Britanniques (11 %, 520 emplois). Autre élément statistique : à la différence du système des Nations-Unies. dans l’Union européenne l’organisation de concours de recrutement n’est ni différée ni interrompue. Elle suit son cours normal. Les résultats de ces concours montrent un fort taux de réussite des candidats. Pour les postes à haute responsabilité, le nombre des directeurs généraux (DG) français est stable. A la suite des mouvements de réorganisation entrepris fin 1999, le nombre de postes de DG est maintenu à 6. Je rappelle qu’un Français se trouve à la tête de la « taskforce » sur la réforme de la Commission, et que certains postes importants de commissaires ont été attribués à des Français (Pascal Lamy pour la politique commerciale et pour l’environnement Michel Barnier, qui joue en outre un rôle fondamental dans la préparation de la conférence intergouvernementale sur la réforme des institutions de l’Union). Les chiffres ne doivent donc pas nous alarmer. Par contre, dans une Union européenne qui va s’élargir, nous devons rester très vigilants. Traditionnellement, dans l’Union, les Français ne sont pas sur-représentés au niveau intermédiaire de responsabilités. Or on nous annonce des mouvements à venir sur ces postes d’encadrement. C’est donc un domaine qu’il faudrait surveiller en permanence. D’autre part, les Français sont peu présents à la tête des délégations de la Commission dans des pays tiers, notamment en Europe centrale et orientale. À une notable exception : en septembre 1999, l’un de nos compatriotes a été nommé chef de la délégation en Bulgarie. Il faut être aussi vigilant sur la place et de la diffusion de la langue française. Ne cédons pas à un alarmisme qui n’a pas lieu d’être. Le français reste l’une des deux principales langues de travail de l’Union. Mais, dans la pratique, de nombreux services de la Commission privilégient l’anglais, notamment dans les programmes communautaires et les relations extérieures, avec en particulier les pays candidats à l’adhésion. Depuis plusieurs années, les autorités françaises ne sont pas restées bras croisés et ont déployé des efforts pour l’usage du français, et non tant du vocabulaire que de la grammaire. Cela a été remarqué, et l’on constate dans les administrations des Etats candidats une forte tendance à former des fonctionnaires au français et aux concepts français. Ils apprennent les rudiments de la langue, pour pouvoir travailler sur les textes disponibles en français à Bruxelles, et surtout ils sont sensibilisés aux concepts de fonction publique et d’administration auxquels nous tenons et qui ont largement inspiré la construction européenne. Je citerai en guise d’exemple deux illustrations provenant de milieux géopolitiques qui n’ont pas, dans l’histoire, été des milieux traditionnels de présence francophone :

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- La Hongrie: il y a 20 ans, une négociation franco-hongroise se faisait par le truchement d’interprètes, même si quelques Hongrois connaissaient très bien notre langue (mais ne le montraient pas). Or, depuis trois ans, l’ensemble des contacts ministériels franco-hongrois auxquels j’ai pu assister se sont passés intégralement en français. On a même vu des délégations hongroises constituées à 100 % de francophones. - En Estonie, les gouvernements en place estimaient au départ qu’il suffisait de savoir l’anglais pour travailler à Bruxelles. Nous sommes parvenus à les détromper et nous formons maintenant quelques centaines de fonctionnaires de cette république à notre langue et surtout à nos concepts. Cet état des lieux m’amène à souligner 3 enjeux. Nous devons d’abord absolument faire évoluer notre approche traditionnelle, qui consiste à tabler sur la présence et sur le nombre, pour être influent. Cela a pu être vrai par le passé; ça l’est maintenant beaucoup moins. Il faut donc inventer autre chose, d’autant plus que nous serons moins nombreux dans l’Union européenne lorsque le cinquième élargissement va se concrétiser. Cela s’est déjà vérifié avec celui de 1995. Il faut, et c’est normal, faire la place aux nouveaux membres, y compris dans les services de la Commission. Et l’on peut faire confiance aux gouvernements de ces nouveaux Etats-membres pour remplir les quotas qui leur seront réservés. Deuxième enjeu : nous passons de manière inéluctable, que cela plaise ou non, d’un système communautaire au sens large créé dans les années 1950 sous forte influence administrative française (pour ne pas dire totale) à un système nouveau, que vont nourrir des influences administratives autres et variées, notamment nordiques et anglo-saxonnes. Dans ce modèle nouveau en cours d’émergence, nous ne sommes ni en position défensive ni en position de faiblesse. Regardez la réalité de l’Union : certaines idées sont françaises, même si elles ne sont plus exprimées par des francophones. La fonction occupée par M. Pesc, un Espagnol, est une idée française. M.Pesc est épaulé dans son action par un secrétaire général adjoint du Conseil qui est un Français. De même, l’autre idée à laquelle nos autorités tiennent, celle de l’affirmation d’une capacité européenne en matière de sécurité et de défense, commence à être réalisée. Enfin, le concept de l’Europe-puissance, capable de jouer un rôle sur la scène internationale, concept que nous privilégions sur celui d’une vaste zone de libre-échange, est loin d’être en recul. Pour le servir, les échanges entre fonction publique communautaire et fonction publique française se développent. Ils sont encore limités, à cause des contraintes budgétaires de la fonction publique. Mais cela supposera de chercher à mieux valoriser les expériences nationales et multilatérales dans la gestion des carrières. Nous devons donc nous adapter à un modèle nouveau, intégrant des cultures administratives différentes de la nôtre et basé sur des principes de transparence, d’externalisation des fonctions, d’audit externe, de décentralisation, de contrôles financiers a posteriori (chaque DG se verra confier en la matière de grandes responsabilités quasi-politiques), d’avancement au mérite. En réussissant en interne la réforme de l’Etat en France, nous diffuserons une nouvelle image d’un modèle administratif français modernisé, efficace, promoteur d’idées et de pratiques intéressantes. Cela confortera les fonctionnaires des pays candidats déjà attirés par les concepts et la façon de travailler à la française. C’est un enjeu de poids. Tout cela suppose la mise au point de concepts de gestion moderne, susceptible d’encourager les partenaires à regarder vers nous. Nous disposons à cet égard de quelques outils tout à fait importants, comme les jumelages et les partenariats de pré-adhésion dans les pays candidats. Les offres de coopération que la France propose à ces pays depuis plusieurs années ont rencontré un très grand succès. Nous sommes maîtres d’œuvre de beaucoup de jumelages dans un assez grand nombre d’Etats candidats. Il faut également assurer une prise en compte dans la législation communautaire du concept juridique français. Par exemple, nous développons l’idée, avec la sécurité sanitaire et le principe de précaution, que la puissance publique a une responsabilité dans ces domaines, à la différence de certains de nos partenaires qui estiment qu’on peut tout mettre sur le marché et que les problèmes se résoudront devant un tribunal en droit privé. Nous devons également promouvoir dans l'Union européenne certains modes d’administration publique à la française. Deux exemples : - le service postal,

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- l’achèvement du marché intérieur dans certains secteurs comme l’électricité ou les transports ferroviaires. C’est un combat difficile. Il n’est pas gagné d’avance mais il n’est pas question de se comporter comme s’il était perdu d’avance. Nous devons aussi travailler à mieux comprendre le système communautaire. Le SGCI assure fort bien depuis longtemps un suivi des opportunités et des besoins de détachement de fonctionnaires français. Mais il serait bon dans ce contexte de remplacer certaines habitudes de « parachutage » à de très hauts niveaux de responsabilité par un travail méthodique de présence dans l’UE au travers de carrières peut-être un peu plus lentes mais mieux planifiées sur la durée. Pour nous adapter à ces enjeux, nos atouts ne sont pas négligeables, en particulier dans le domaine juridique. L’Union est construite sur une tradition de droit plutôt “ romano-germanique ”. Parallèlement à une construction juridique ininterrompue au sein de l’Union, nous avons la grande tâche d’aider à la reconstruction quasi-totale du système juridique des Etats candidats. C’est une occasion à ne pas laisser passer. Il nous faut notamment sensibiliser nos cabinets d’avocats pour qu’ils soient plus présents. Nous avons quelques succès. Ainsi, depuis une dizaine d’années maintenant, au début très timidement et maintenant beaucoup plus massivement, les cabinets d’affaires français ont investi le marché hongrois. Leur présence croissante explique en partie le fait que la France soit au premier rang dans ce pays pour les investissements directs étrangers, avec à peu près 11 milliards de francs investis. De même, les programmes PHARE et leur mise en œuvre doivent nous offrir autant d’opportunités à travailler. En revanche, il faut évoquer notre faiblesse dans les media de beaucoup d’Etats candidats. Quand on y séjourne, on découvre avec beaucoup de tristesse que TV5 est seule face à une vingtaine de chaînes “ européennes ”. Il serait souhaitable de bien mesurer cet enjeu et de relever également ce défi.

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“ État des lieux de la présence française dans les organisations internationales ” Henri REYNAUD, chef de la mission des fonctionnaires internationaux (ministère des Affaires étrangères) L’international est aujourd’hui l’une des données de base de l’action administrative, comme de l’activité des entreprises, et l’importance qu’un pays accorde à l’action internationale se reflète entre autres dans le niveau et la qualité de sa présence au sein des institutions multilatérales. Comment se situe aujourd’hui la France de ce point de vue ? Le ministère des Affaires étrangères réalise une enquête annuelle auprès des organisations internationales. La dernière date de juin 1999 et je vais en présenter les points les plus saillants. D’abord, une remarque sémantique : qu’est-ce qu’un fonctionnaire international ? C’est l’ensemble des personnels, toutes catégories confondues (administrateurs et personnels d’exécution), qui se trouvent dans un lien contractuel avec une organisation internationale pour une durée égale à un an au moins. Parmi eux, les administrateurs - “professionals” en anglais - correspondent à nos fonctionnaires de catégorie A. Le concept de fonctionnaire international est donc assez différent de celui de fonctionnaire national. Si l’on prend en compte les fonctionnaires internationaux français, moins de 20 % d’entre eux sont des fonctionnaires français. La majorité n’est pas issue de la fonction publique française. La présence française est importante. On compte au total 120 000 fonctionnaires internationaux dans les 140 organisations internationales dont la France est membre, et sur ces 120 000, 14 000 Français (12 %). Sur 50 000 administrateurs, 5 800 sont français (12 %). Autrement dit, un administrateur sur 9 est français. Actuellement, donc, aucun pays n’est mieux représenté que la France dans les organisations internationales. En outre, la tendance est à la hausse, même si, globalement, le nombre total des fonctionnaires internationaux décroît. Cela donne une idée de la qualité des candidats français sur un “ marché ” de plus en plus compétitif. Forces et faiblesses de notre présence : Rappelons d’abord les quatre grandes familles d’organisations internationales: - 30 % sont dans la nébuleuse de l’Union européenne, - un quart relèvent du système des Nations-Unies, - le reste est réparti entre d’une part les organisations coordonnées, c’est-à-dire gérées par le même

principe (OTAN, OCDE, Conseil de l’Europe, Union de l’Europe Occidentale), - et d’autre part les autres organisations à caractère scientifique ou technique (CERN…). Les Français ont des sites de prédilection, essentiellement l’Europe francophone : 15 % des fonctionnaires internationaux en poste à Genève sont Français, 13 % à Bruxelles, plus de 15 % à Paris. Au contraire, à New York, sur 15 % de fonctionnaires internationaux, seulement 7,5 % sont Français. A Vienne, on descend à moins de 6 % . On lit à travers ces chiffres les choix français, ou plutôt nos points plus faibles Cette présence inégale se retrouve suivant la vocation des institutions. Les pôles où nous sommes très implantés sont l’Union européenne, l’UNESCO ; mais aussi tout ce qui a à voir avec le droit : Cour internationale de Justice, CJCE (Cour de Justice des Communautés européennes), Office des brevets à Munich, Organisation mondiale du Commerce, Office mondial de la propriété intellectuelle ; tout ce qui a un rapport avec l’économie (OCDE), avec la recherche (CERN, IntelSat), avec l’humanitaire et l’agriculture (FAO, FIDA). En revanche, nous sommes moins présents dans les organisations financières, dans le domaine de la défense (OTAN), de l’environnement (PNUE), du développement (CNUCED, PNUD, PAM) ou dans les corps de contrôle (Agence internationale de l’énergie atomique, Organisation du traité des interdictions complètes des essais nucléaires). Détenons-nous des postes d’influence, et de quelle manière ? Aux Nations-Unies, la France est le seul pays avec les USA à détenir 2 postes de secrétaire général adjoint (M. Berthelot, secrétaire exécutif de la CEU, et M. Millet, directeur des opérations de maintien de la paix). Tous nos partenaires n’en détiennent qu’un ou aucun. Je rappelle que nous détenons 2 postes de représentant spécial du secrétaire général dans des opérations de maintien de la paix, dont M. Kouchner.

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Nous sommes bien représentés en termes d’influence au CERN, à l’UNESCO, à la FAO, au BIT. En revanche, dans les organisations viennoises, OMS, CNUD, UNICEF, nous sommes plus faibles. Les perspectives de cette présence : Il y a d’abord un défi à relever, puisque dans le système des Nations-Unies, 40 % des effectifs d’administrateurs vont changer au cours des 5 prochaines années en raison de la pyramide des âges. En second lieu, le principe de rotation des cadres que pratique de plus en plus cette organisation -le temps de présence des administrateurs est limité à une durée de 3 à 7 ans - oblige à une stratégie plus efficace de mise en place et de retour de nos administrateurs. Nous ne manquons pas d’atouts. Notre vivier de jeunes administrateurs n’est pas inintéressant. Nous avons mis en place, pour compenser notre non-éligibilité au concours des Nations-Unies (parce que nous y sommes plus que bien représentés), un programme de jeunes experts associés que nous plaçons pendant deux ans auprès des organisations internationales dans la perspective d’un recrutement futur. Ainsi, au CNUD, 20 % des administrateurs français en font partie. Nous venons de lancer pour les experts francophones un programme similaire que la France finance largement. Enfin, quelles sont nos priorités ? Les postes " stratégiques ", bien sûr, mais aussi le vivier de jeunes administrateurs, car c’est en favorisant leur recrutement que nous préparons la présence de la France dans les directions d’ici 10, 15 ou 20 ans. Je rappelle que le premier fonctionnaire des Nations-Unies, Kofi Annan, a commencé tout en bas de l’échelle. L’une de nos priorités est également la promotion de juristes français. Sur le plan thématique, nous avons des interprétations particulières pour les institutions financières. Sur le plan géographique, Vienne et New York sont des sites d’intérêt particulier. QUESTIONS Marie-France Christophe-Tchakaloff, directrice de la recherche et des publications à l’institut international d’administration publique : Je pense qu’il faut insister non pas sur la présence française mais sur l’influence française, ce qui est un grand changement dans la conception nationale de la représentation de l’Etat. Dans le cadre communautaire, il faut préserver le terme de “ droit romano-germanique ” car l’administration française et le service public français trouvent bien mieux leur place dans cette protection d’un droit écrit qui correspond à nos propres schémas, même si nous devons évoluer dans notre perception. Une question à M. Berthelot : Ne croyez-vous pas que, pour s’adapter à cette stratégie de mobilité développée dans les organisations internationales, il serait souhaitable que la dimension internationale d’une carrière de fonctionnaire soit mieux reconnue en France ? Actuellement, au contraire, l’effet est dissuasif, car au bout d’un certain temps, le fonctionnaire ne retrouve plus de poste dans la carrière interne. M. Berthelot : Je suis très content que la France ait un programme de jeunes fonctionnaires internationaux, experts associés. Mais il est important aussi que ceux qui vont occuper ces fonctions aient comme perspective aussi bien de réussir à s’intégrer dans les organisations internationales que de revenir. Or bien souvent, on considère (du côté du ministère comme de celui des organisations internationales) que ces personnes, une fois qu’elles y ont un poste, vont rester dans ces organisations internationales. Je pense au contraire que si l’on croit à l’intérêt des passerelles entre organisations internationales et fonction publique française, il faut s’appliquer très vite à en convaincre tout le monde. Je ne sais pas quel est l’objectif français avec les experts associés. Mais il devrait être d’exposer le maximum de personnes qui vont servir dans la fonction publique à la vie internationale. Et de les récupérer. Concernant les personnes plus âgées, il faut rappeler, comme le soulignait M. Reynaud, qu’un cinquième des fonctionnaires internationaux sont des Français. Une disposition récente permet aux fonctionnaires internationaux français non-fonctionnaires de postuler dans l’administration française.

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Je souhaite que cela soit mis en œuvre et appliqué par les différentes administrations. On n’incite guère les fonctionnaires à partir dans les organisations internationales, alors qu’on devrait les y encourager: d’abord, cela ouvre des postes en France, ensuite, cela renforce la présence française à l’international. Le retour de Français est plus délicat à gérer, et la question du salaire n’y est pas étrangère. Quand on revient dans son pays, on perd à peu près la moitié de ce qu’on gagnait auparavant. Et si l’on ajoute à cette perte de revenus le manque de valorisation du point de vue de la carrière, revenir dans la fonction publique française devient un acte vertueux ! Puisque l’on ne peut pas modifier les grilles de salaire françaises, il faut au moins offrir aux fonctionnaires qui reviennent un poste intéressant en termes de défi et de responsabilités. Patrice Van Ackere, contrôleur des armées, ex-OTAN, ex-direction du personnel, placement de Français dans des organisations internationales : Je voudrais attirer l’attention sur deux écueils : 1. considérer le fonctionnaire français parti à l’international comme “ quelqu’un ayant passé quelques années dans un Eldorado ” et qu’il faut absolument, au retour, mettre dans un purgatoire; 2. pis, ne rien lui offrir au retour, et donc le laisser être tenté par une carrière dans les organisations internationales. Cela signifie qu’il est“ perdu ” pour la France car on n’aura pas l’occasion d’exploiter son savoir-faire, ses compétences, son expérience. Tout cela est dommage et ne fait que renforcer la nécessité de prévoir des débouchés pour les Français au retour, voire de les prévoir avant leur départ. Ce n’est pas infaisable et cela motive des gens pour partir comme pour revenir. Jacques Faure : Il est possible que l’élargissement en cours de l’Union européenne nous aide à acquérir ce réflexe que nous n’avons pas naturellement dans l’ensemble des administrations françaises. En effet, un certain nombre d’Etats-membres ont déjà au sein de leurs propres administrations, notamment aux Affaires étrangères, pensé en ces termes. A Londres, au Foreign Office, il existe un tableau des agents affectés à Bruxelles, par exemple. Ce tableau indique qu’on pense à eux mais qu’on ne les coupe pas de la réalité de leur lien avec le Foreign Office. D’autres administrations d’Etats-membres pratiquent la même chose. Nombreux sont les candidats à l’adhésion qui, du fait de l’exiguïté de leur vivier administratif actuel, sont dès maintenant amenés à planifier ce genre de carrière. Ils prévoient une alternance dans les services de la Commission, ou bien une représentation permanente de leur Etat à Bruxelles assortie ensuite d’un retour dans leur capitale sur des postes plus élevés. M. Langlais, inspecteur général de l’administration : Quelques précisions sur les experts long terme. Ce sont des experts qui peuvent passer deux années dans un pays étranger, notamment dans le cadre des jumelages avec les pays candidats à l’adhésion. Cette position peut être intéressante pour l’influence française. Nous avons ainsi conduit, à la demande de la direction générale de la fonction publique, un projet de jumelage avec la Slovaquie. Nous avons obtenu un poste d’expert long terme. Mais il est très difficile de trouver le candidat pour l’occuper : il doit accepter d’abandonner sa position à Paris pour aller passer deux ans à Bratislava dans des conditions qui ne sont pas celles d’un « Eldorado », et avec des possibilités de réinsertion, on l’a vu, assez difficiles. Il faut donc réfléchir à cette position d’expert à long terme pour en faciliter à la fois l’obtention et la mise à disposition. Jacques Faure : L’un des obstacles au départ de ces experts tient au problème de leur statut à l’étranger : ils sont des « non-personnes » administratives, ce qui complique leur existence de tous les jours, de même que leur présentation aux administrations qui les reçoivent. Une réflexion a été lancée chez nous pour trouver une réponse à ce problème.

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TABLE RONDE animée par Yves Berthelot : “ Atouts, handicaps et défis de la présence française à l’international. Comment optimiser cette présence ? ” Quatre points de discussion ont été dégagés : 1 La question d’une stratégie de la France vis-à-vis des organisations internationales, du point de

vue de la présence des fonctionnaires français. Y a-t-il des organisations cibles à privilégier ou faut-il équilibrer la répartition ? À l’intérieur de ces organisations internationales, quels types de fonctions (les hauts grades…) et de compétences veut-on mettre en avant (juristes, techniciens…) ?

2 L’influence de la France dans ces organisations internationales. On l’obtient d’abord par le biais de ces fonctionnaires, mais aussi par les relations entre la France et eux, et enfin par notre langue, notre manière de penser et nos concepts, que je crois plus importants encore que la langue.

3 Les carrières des fonctionnaires français. Comment avoir une stratégie de carrière qui inclue la dimension internationale, et donc une politique pour le départ et le retour de ces fonctionnaires ? Quelle politique d’accueil des fonctionnaires internationaux français qui ne sont pas fonctionnaires et devraient pouvoir être utilisés dans le travail administratif français ?

4 Étant donné l’évolution des poids relatifs des gouvernements, des organisations non-gouvernementales et des autorités locales sur la scène nationale et internationale, ne faudrait-il pas élaborer une stratégie intégrant les acteurs non-gouvernementaux dans les organisations internationales et la manière de les utiliser ?

Joëlle BOURGOIS, ambassadrice, représentante permanente de la France auprès de l’OCDE, auparavant représentante permanente de la France à Genève ( désarmement). 1 Je ne suis pas persuadée qu’on pourra définir, même à un instant T, des organisations cibles. Bien entendu, certaines s’imposent à nous comme l’Union européenne, qui fait partie de notre famille… Je crois qu’il est plus important de définir et d’identifier des secteurs cibles à l’intérieur d’un certain nombre d’organisations. En effet, à l’époque de la mondialisation, la régulation internationale nous envahit. Il est fondamental de distinguer les domaines qui vont gouverner notre présent et surtout notre avenir – en particulier dans les domaines de l’économie et de la société. 2 La stratégie. Nous devons nous rendre compte que les choses ne sont plus aussi simples pour nous. Le seul fait d’être Français ne nous assure pas forcément une place partout, ni a fortiori la meilleure. Beaucoup de pays membres aspirent à une influence, et quand on n’est ni le plus grand de tous les pays, ni le plus petit, on est en porte-à-faux : on est suffisamment grand pour faire peur aux petits, mais pas assez grand pour s’imposer. Notre passé nous a valu des postes-clé dans un grand nombre d’organisations et nous a valu un ressentiment encore plus grand que l’influence que nous avons pu y avoir. Je pense qu’à moyen terme, il serait important de définir une politique subtile et raisonnable qui consisterait surtout à investir des fonctions stratégiques dans des domaines stratégiques. Ces fonctions ne sont pas au plus haut niveau des organisations, mais juste en-dessous. Ce changement de stratégie est indispensable car le système multilatéral est dans une phase de crise financière. Les organisations recrutent moins, elles licencient même (l’OCDE), elles passent sous l’emprise des concepts du privé, l’on voit apparaître des CDD : on ne fait plus toute sa carrière dans une organisation. Il faut s’adapter à ces changements qui se modifieront peut-être à nouveau mais qui sont la réalité d’aujourd’hui. Il faut savoir qu’il est devenu plus difficile de placer des gens dans les organisations et qu’ils n’y sont pas nécessairement pour toute leur vie. Il faut identifier en amont à la fois le vivier français et les postes qui se libèrent du côté international, et en aval la manière de récupérer les gens. Il faut aussi se donner les moyens de cette stratégie, et je ne parle pas forcément d’enveloppe budgétaire, mais aussi d’outils simples comme l’adaptation aux profils demandés. Je pratique tous les jours cette acrobatie épouvantable qui consiste à essayer de placer des Français à l’OCDE. Je vous assure que ce n’est pas simple. Nous ne sommes pas capables, persuadés d’être, à raison, les meilleurs, de nous adapter au profil demandé par l’organisation. Je reçois des candidatures qui ne

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correspondent pas exactement… Nos réflexes de fonctionnaires publics ne nous ont pas habitués à ça. Or, cette politique du profil est pratiquée de plus en plus par certaines organisations internationales, comme par les grandes multinationales privées. Autre chose :nous sommes par principe tout à fait contre les contributions volontaires aux organisations internationales. Mais aujourd’hui, tout le monde fait cela : on ne paie pas sa contribution obligatoire (voir les Américains) et, en même temps, on donne ici et là une contribution volontaire pour un thème qui permet d’utiliser à fond les ressources intellectuelles de l’organisation et donc de démultiplier le peu de dollars injectés. Autrement dit, on dirige l’organisation et ses pays membres dans une direction qui correspond, par exemple, aux intérêts des Etats-Unis. Les Français sont les seuls à ne pas le faire. Résultat : comme nous ne sommes pas capables, seuls, d’arrêter le train, nous ne sommes plus dans le train. Nous ne prenons pas part à tout ce qui se fait de nouveau, d’intéressant, d’important et à forts enjeux. On ne sait pas ce qui se passe et on ne peut pas agir. Enfin, les contributions volontaires sont souvent le moyen de placer des gens qui, ensuite, pourront rentrer définitivement dans l’organisation. C’est du donnant-donnant. D’ailleurs, cette contribution volontaire peut, le cas échéant, être faite sous forme de mise à disposition d’un expert ou d’un fonctionnaire. C’est cela que j’appelle les outils simples, les « petits moyens » de la stratégie, mais qui sont déterminants pour notre succès. Yves Berthelot : Pourriez-vous dire un mot du dialogue France-fonctionnaires internationaux ? L’éthique française peut-elle avoir des inconvénients ? Joëlle Bourgois : Cette éthique n’est pas seulement française, c’est - en théorie - l’éthique des organisations internationales. Il est logique de considérer qu’un fonctionnaire international sert les intérêts de l’organisation, considérée comme une espèce de service public international, et non pas ceux de son pays d’origine. Mais il n’y a plus que les Français pour respecter ce qui est simplement la déontologie de chaque fonctionnaire international. Dans la pratique, j’ai eu le sentiment que les Allemands restaient allemands, les Américains américains, que les Japonais ne cessaient jamais d’être japonais, etc., mais que les Français n’étaient plus du tout français. Il leur arrive de s’en souvenir lorsqu’ils ont un pépin, qu’on les vire, ou que leurs pensions ne sont pas servies. Mais le reste du temps, ils se font un devoir d’oublier leur nationalité. En tant qu’ambassadeur à l’OCDE, cela ne m’arrange pas tous les jours, surtout dans cette organisation où l’on a déjà du mal à se faire comprendre. Il ne faut pas changer cette éthique, mais essayer de modifier l’état d’esprit de nos fonctionnaires. Non pas en leur disant qu’ils doivent rester français : cela ne marcherait pas et pourrait choquer. Mais en instaurant un dialogue informel sous la forme de rendez-vous réguliers. Je vois beaucoup les Français avec qui je travaille. Sans mettre en cause l’indépendance d’esprit de ces fonctionnaires, nous pouvons créer un dialogue qui nous aidera et qui les aidera également, car on peut leur apporter quelque chose aussi de temps à autre. Si nous ne parvenons pas à créer ce dialogue, nous sommes dupes. Il est clair que les autres n’ont même pas besoin de cela pour avoir en tête l’intérêt de leur pays dans une négociation. Jean-Michel MARLAUD, directeur des ressources humaines (ministère des Affaires étrangères), ex-CNUCED. Je voudrais intervenir sur deux aspects : l’influence et l’organisation des carrières. Sur l’influence, je souhaiterais ajouter 4 points : 1 Les mêmes sujets se discutent dans de nombreuses enceintes internationales. On aborde l’aide au développement, par exemple, à l’OCDE, à la CNUCED, au PNUD, à l’OMC. Il est donc important, si nous voulons exercer notre influence, de disposer d’une coordination nous permettant d’avoir des prises de position à peu près identiques dans l’ensemble de ces organisations, même lorsque ce sont des administrations différentes qui sont chefs de file dans ces enceintes. 2 Nous avons besoin d’anticiper. J’ai suivi les travaux d’aide au développement au sein de l’OCDE. J’ai été frappé de voir que nous avions une présence épisodique et peu imaginative au sein du comité,

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qui pourtant adoptait des conclusions ensuite adoptées par le comité des ministres du développement et qui se retrouvaient dans les conclusions du G7. Les Français qui avaient sorti une grande initiative française avant le G7 étaient tout étonnés de constater qu’elle n’emportait pas immédiatement l’adhésion de nos partenaires, alors que les idées lancées par les Japonais, les Britanniques ou les Américains plusieurs mois auparavant, d’abord par des fonctionnaires, puis à de plus hauts niveaux, aboutissaient ensuite tout naturellement au sein du G7. 3 Je crois que nous pouvons influencer les secrétariats des organisations en instaurant un dialogue avec eux lorsque nous avons quelque chose à apporter. Nous avons pu travailler, avec la CNUCED par exemple, sur les produits de base, parce que les Français avaient quelque chose à dire sur ce sujet. Ensuite, les idées passent ou non selon la loi du marché, nous ne sommes pas forcément bons dans tous les secteurs! On dit souvent à un ambassadeur qui part en poste dans un pays où la France a peu de coopérations bilatérales : “ Vous vous appuierez sur l’Union européenne, sur la Banque Mondiale, sur les grands bailleurs de fond pour pousser les idées ou les intérêts français. ” Mais en fait, cela marche surtout dans les pays où l’on a déjà une forte présence bilatérale. En Afrique, où nous sommes bien implantés, une mission du Fonds Monétaire ou de la Banque Mondiale passera naturellement par le service de coopération. Elle y trouvera des interlocuteurs intéressants qui pourront enrichir la réflexion de leurs partenaires et donc les influencer. Mais les organisations internationales ne peuvent pas compenser les zones où nous sommes faibles. Elles ne peuvent que compléter les points sur lesquels nous sommes déjà forts. Sur l’aspect des carrières, le ministère des Affaires étrangères est dans une situation différente de celle de beaucoup d’autres administrations, parce que l’international est son pain quotidien. Néanmoins, nous avons peu de diplomates dans des organisations internationales, peu de fonctionnaires titulaires du ministère des Affaires étrangères qui y soient mis à disposition ou en détachement. Il y en a une trentaine, ce n’est pas considérable. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons : - un problème d’objectifs. Si nous n’avons pas vraiment une politique organisée à l’avance, si nous nous contentons de répondre au coup par coup à des sollicitations, il est assez peu fréquent de trouver la personne adéquate et libre. - un problème de candidats. Nous n’avons pas la même politique avec des gens de niveau élevé qu’avec des agents beaucoup plus jeunes. Avec les premiers, c’est une politique de cousu main : nous essayons de les placer à des postes de haute responsabilité. Les seconds, nous les envoyons dans une organisation internationale pour 2, 3 ou 4 ans, afin qu’ils enrichissent leur expérience, qu’ils développent des réseaux et qu’ils reviennent valoriser cette expérience au sein de leur ministère et dans la poursuite de leur carrière. - au ministère des Affaires étrangères, il n’est pas facile de faire bouger les gens. Ils se demandent toujours quelle va être l’attitude de l’administration. Il faut tenir un langage très fort sur ce point. Chez nous, c’est clair. Le ministre a adopté un ensemble de mesures pour rénover la politique du personnel. Parmi ses priorités figure le développement des échanges de diplomates avec d’autres administrations, avec l’extérieur en général et y compris avec les organisations internationales. Il ne manque pas une occasion de le rappeler et, petit à petit, le message s’ancre dans les esprits. Cela suppose que l’administration intègre cela dans ses procédures internes de transparence et de gestion des affectations, pour qu’il soit bien clair que c’est la politique de l’administration que d’afficher un certain nombre de postes et de les proposer directement aux fonctionnaires, qu’il ne s’agit pas seulement d’une aventure individuelle. - les conditions du retour. C’est une question directement liée aux questions de recrutement. Si l’on considère qu’essayer de placer quelqu’un dans une organisation internationale est une façon de se débarrasser momentanément d’un collègue incasable, dont l’aptitude demeure inchangée au terme de la mission, il est difficile de le valoriser quand il revient. L’administration gestionnaire doit donc faire le très gros effort de chercher à envoyer les meilleurs à l’extérieur. C’est dur parce qu’on a toujours envie de les garder ! Cela suppose une révolution culturelle de la part des services gestionnaires eux-mêmes. - la durée de l’absence. Si un fonctionnaire international veut valoriser son expérience dans son administration d’origine, il ne faut pas qu’il s’éternise, sous peine d’avoir du mal à se recaser.

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L’an dernier, en fusionnant avec le ministère de la Coopération, le ministère des Affaires Étrangères a intégré un instrument qui pourrait être développé dans le cadre d’une politique d’influence vis-à-vis des organisations internationales : le choix des assistants techniques, en recourant à un agent d’un autre ministère pour occuper un poste d’assistance technique, ce qui peut lui être utile en le mettant contact avec une organisation où il peut, à plus long terme, se caser. Je crois que cela devrait être un élément du dialogue entre le ministère des Affaires Étrangères et les autres administrations. Anne MAGNANT, déléguée générale à la langue française D’abord un rapide état des lieux de la situation du français, langue officielle et langue de travail de la quasi-totalité des organisations internationales. Le français y est la 2ème langue de communication (et la 11ème mondiale après l’anglais). Mais l’anglais gagne en audience et le français régresse. L’enjeu est de conserver à notre langue ce rôle de langue de communication internationale. Par ailleurs, le français est la langue la mieux placée pour assurer le maintien de la diversité et de la démocratie dans le débat international. S’il y a une seule langue pour tout exprimer, la démocratie elle-même risque de disparaître. “ Le plurilinguisme dans les organisations internationales est comparable au pluripartisme dans les différents Etats ”, a dit Boutros-Ghali. Autre enjeu : le moyen de faire passer un certain nombre de conceptions françaises. Ce n’est pas par l’anglais que nous ferons passer notre message, en particulier dans un domaine qui me paraît très important, celui du droit “ romano-germanique ”. Si on ne peut pas utiliser le français, ou les langues qui ont servi à écrire ce droit, on aura beaucoup de peine à faire passer ces concepts-là. Il me semble que le recul du droit est évidemment dû à l’intérêt des positions et du poids de la pensée anglo-saxonne, mais est aussi très largement lié au recul du français. Il ne faut pas oublier que nous ne sommes pas les propriétaires du français, qui est parlé dans d’autres pays francophones, notamment en Afrique. Pour ces pays, le recul de l’emploi du français est aussi pour eux un recul du moyen d’exprimer leur point de vue et cet élément doit être pour nous Français quelque chose de très important. En face de ces enjeux, quelle est la position du français, langue de travail et langue officielle de la quasi-totalité des organisations internationales ? Elle est en recul extrêmement fort, qui s’aggrave d’une année sur l’autre. Je distinguerai deux types d’organisation : l’Union européenne, où le français demeure présent mais est passé pour la première fois cette année en dessous de l’anglais ; et les organisations internationales type ONU où le français est devenu uniquement une langue de traduction. Il n’y a plus de rédaction originale en français dans les services de l’ONU, que ce soit à New York ou à Genève. La France est loin d’être inactive, mais elle a décidé de donner une priorité à l’Union européenne par rapport aux autres organisations internationales. Dans l’Union européenne, des actions de formation ont été mises en place, notamment dans les Etats-membres et en direction des diplomates. Des stages sont organisés pour les fonctionnaires de l’UE. À l’occasion de la présidence française, nous essayons de lancer un certain nombre d’actions innovantes en utilisant notamment les nouvelles technologies, particulièrement pour favoriser la rédaction en français. Dans les autres organisations internationales, la questions est plus difficile. Nous essayons notamment d’intervenir par le biais de l’organisation internationale de la francophonie, qui, au sommet de Hanoi il y a deux ans, a retenu comme thème prioritaire de son intervention pour la langue française “le français dans les organisations internationales”. Nous avons bâti un programme qui s’appelle “ le plan d’urgence pour le français dans les organisations internationales ”. Il permet d’y favoriser le recrutement de jeunes experts francophones. Si le français se développe grâce aux postes de fonctionnaires français dans ces organisations, il se développe aussi grâce aux fonctionnaires français qui participent à des rencontres internationales et à des réunions dans les organisations non gouvernementales. La présence française y est encore plus menacée puisque non protégée par son statut, et peut, par un vote simple, cesser d’être une langue officielle d’une organisation non gouvernementale.

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Les postes importants sont les postes juridiques, mais aussi les bibliothécaires, les postes liés à l’internet, à la communication externe. Quand des Français sont à ces postes, les documents sortent en français, des livres français sont commandés, les sites sont mieux gérés. Pour conclure, je voudrais insister sur un point : les francophones sont les premiers porteurs du français. S’ils cessent de parler le français, la langue reculera naturellement. Ils ont donc pour rôle majeur d’utiliser le français dans les réunions internationales et de rédiger en français quand ils sont en poste. Il faut qu’ils connaissent l’existence de la politique pour la langue française et son contenu. Nous avons diffusé un guide sur l’utilisation du français dans l’Union européenne qui rappelle le droit et donne de petits mémentos. Il serait intéressant qu’il y en ait dans d’autres organisations internationales. Je crois par ailleurs qu’on aurait intérêt à avoir un dialogue plus fourni et plus étroit avec les associations de fonctionnaires internationaux français. Pierre-Yves COSSÉ, secrétaire général du Comité de direction de la coopération technique internationale, président de l’ADETEF (ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie). Nous avons un objectif commun franco-français qui est de réussir l’ouverture de l’administration française sur le monde. Je crois que l’administration française est en retard par rapport à la société française. Aujourd’hui, à travers les exportations et les investissements, le monde des entreprises fait un effort d’appréhension parfois douloureux de cette réalité internationale. Nos fonctionnaires sont souvent hexagonaux et quand ils ne le sont pas, ils semblent en avoir mauvaise conscience. S’ils participent à beaucoup de travaux à Bruxelles, ils en parlent peu lorsqu’ils reçoivent des délégations étrangères, comme si c’était une perte de leurs prérogatives, comme si la mise en commun des responsabilités de puissance publique n’était pas un « plus ». Nous n’avons pas une administration compétitive et nos fonctionnaires sont fermés sur le monde. Une remarque à propos de l’influence. Pour être influent, il y a des discours à ne pas tenir, qui existent pourtant chez les fonctionnaires et dans le monde politique, du type“ vendre un modèle français ”. Nous ne sommes pas là pour ça. Nos partenaires étrangers ne veulent plus du modèle français que d’un modèle anglais ou italien. Ils veulent un modèle adapté à eux-mêmes. Il faut sortir cette extrapolation du passé de notre vocabulaire et de nos têtes. Il faut aussi éviter de dire “ nous sommes là pour gagner la bataille contre les Anglo-Saxons. ” Le monde n’est pas noir et blanc. Il faut être ouvert et prêt à trouver des partenaires dans les pays européens. On a le droit de considérer qu’il est plus facile de travailler avec un Espagnol qu’avec un Anglais, mais il nous faut avoir cette culture anglo-saxonne pour trouver les bonnes solutions. D’ailleurs, s’il y avait bataille avec les Anglo-Saxons, nous perdrions. Évitons aussi de considérer qu’il n’existe qu’une solution unique à chaque fois. Les partenariats sont différents, les situations nouvelles, il faut faire preuve de souplesse. Les fonctionnaires français immergés font d’ailleurs preuve d’une capacité d’empathie parfois meilleure que nos collègues allemands ou américains. Un mot n’a pas été utilisé jusqu’ici sur ce qu’il faut faire en matière d’influence : celui de « réseau ». Nous devons nouer des liens réguliers entre fonctionnaires internationaux et fonctionnaires en France, entre fonctionnaires anciens et actuels, entre ceux que nous avons accueillis dans les écoles françaises et les autres… en utilisant les techniques que donne internet, avec de la méthode et de l’argent. Bref, nous devons développer cette notion de réseau. C’est indispensable pour avoir une influence, pour ne pas toujours tout recommencer à zéro et pouvoir travailler dans la durée sans perdre la mémoire. Je voudrais d’ailleurs évoquer un besoin nouveau : avant, dans l’international, on raisonnait soit en semaines, soit en années. Aujourd’hui, en revanche, c’est aussi d’un temps intermédiaire, de durées de plusieurs mois dont les organisations ont besoin pour mettre en place des outils de régulation. Or, pour l’instant, nous n’avons pas de mécanisme administratif permettant de mettre à disposition des personnes pour ces durées moyennes. Pourrait-on imaginer des “ réserves ” de fonctionnaires pour ces durées ? Des « droits de tirage » sont-ils imaginables pour les opérateurs publics ? Cela suppose un personnel de qualité. Si nos contraintes de gestion, au contraire, font attribuer à ce type de fonction les personnes dont on veut se débarrasser, mieux vaut en faire moins, même si certains agents

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« mauvais » en France peuvent être bons à l’étranger, cela arrive. Nous avons quoiqu’il en soit un gros effort à fournir pour connaître notre potentiel et notre richesse en hommes. Nos fichiers sont d’une indigence désolante (on

saura par exemple que quelqu’un est sorti 45ème de l’École nationale des impôts, mais pas s’il parle anglais...). La présence à l’international, c’est un peu le corollaire de la modernisation de notre administration, avec l’informatique. Jean-Yves PERROT, directeur des Affaires économiques et internationales (ministère de l’Équipement). 1. A la lumière de nos travaux, je puis affirmer qu’il est très difficile et pas très opportun de dissocier le bilatéral du multilatéral. Exemple : le monde devient un monde de villes qui engendre des besoins d’infrastructures. Or, dans ce domaine, la technique de la gestion déléguée est l’une des plus universellement demandées. La France y jouit d’une expérience très ancienne, multiple (elle compte les plus grands opérateurs mondiaux pour l’eau). Si l’on veut contribuer à la présence française dans le monde, on doit donc miser sur la gestion déléguée, en jouant sur ce diptyque bilatéral-multilatéral. 2. La carrière des agents en poste international. Au ministère de l’Équipement, je constate qu’il faut mesurer en permanence les parts respectives de la gestion, de l’autogestion et de l’improvisation. Cette dernière est à réduire: la supprimer est impossible. Pour autant, nous ne pouvons pas non plus réduire la part de l’autogestion, d’autant moins que les agents en poste à l’international sont par définition des gens animés d’un dynamisme personnel au-dessus de la moyenne. Encore faut-il qu’il y ait une place pour une gestion, une politique. Le positionnement de l’influence française supposerait une capacité permanente à expliquer des politiques en les déclinant de façon efficace et sectorielle. Sommes-nous capables de distinguer, secteur par secteur, comment décliner le plus efficacement possible cette politique étrangère, et notamment dans sa variable essentielle aujourd’hui, la diplomatie économique? 3. Une façon de sortir de ces contradictions apparentes est de faire vivre pleinement les réseaux dont nous disposons. C’est une nécessité absolue pour toutes sortes de raison. D’abord, pour réduire la fracture entre les administrations centrales et les agents à l’étranger, et par là même faciliter leur gestion et leur retour. Ensuite, comme pilotage complémentaire de notre action internationale. Là où ils sont, les agents sont aussi des « têtes chercheuses » capables de réflexion, à la lumière de ce qu’ils connaissent des enjeux de la France et de l’organisation où ils servent. Un mot du double rattachement et de la déontologie. Il ne faut pas tomber dans deux de nos travers français : la conceptualisation exagérée et l’angélisme. Les Français en poste doivent faire la part des choses. Tout en étant totalement loyaux vis-à-vis de l’organisation qui les accueille, ils ne doivent pas oublier qu’ils sont français, qu’ils le restent, et qu’ils ont vocation à revenir en France. 4. L’évaluation. Naturellement, la variable humaine est aujourd’hui une variable stratégique de notre action internationale. Comment évaluer la réalité de l’action des hommes ? Avons-nous une réelle capacité à jauger l’efficacité de l’action internationale des agents à l’extérieur ? Les difficultés n’échappent à personne. Faut-il pour autant ne rien faire ? Non. Nous devons intensifier un effort de conceptualisation nécessairement interministériel pour progresser sur ces questions d’évaluation de l’action de nos agents à l’international. On échappera ainsi à l’alternance d’autosatisfaction et d’auto-dénigrement et l’on pourra mesurer s’il existe une différence entre la présence et l’influence française à l’international. Jean-Claude VILLEMONTEIX, responsable du personnel de l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), ancien président de l’association des fonctionnaires internationaux français de Vienne (AFIF).

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La mobilité devrait être perçue comme un atout; or elle est souvent considérée comme un handicap. Les Français acceptent de s’expatrier, mais c’est pour eux plus pénalisant que valorisant. Les contrats qu’on leur propose sont à durée limitée: à l’agence internationale de l’énergie atomique, par exemple, les gens doivent repartir au bout de six ou sept ans soit vers une autre organisation internationale, soit vers la France ou vers leur organisation d’origine, même s’ils peuvent revenir par la suite. Il est donc impératif de situer cette expérience dans un cadre plus global de carrière. En tant que gestionnaire des ressources humaines, j’ai pu constater que l’expatriation doit plus à l’initiative individuelle qu’à un plan de carrière véritable. J’ai vu ainsi beaucoup d’improvisation, des gens « débarquant » de Paris pour explorer les possibilités d’emploi, et pour des raisons plus personnelles que professionnelles... Cela augure bien des difficultés à venir, pendant et au retour de cette expatriation. Mieux vaudrait donc réellement planifier ces mouvements vers l’étranger, pour aboutir à un équilibre entre l’initiative individuelle et le plan de carrière. Cette planification doit se faire du niveau stratégique vers le niveau individuel. Et c’est aux organisations internationales qui veulent intégrer cette expatriation dans leur système de carrière de définir leur objectif, les compétences qu’elles veulent développer. A partir de là, les RH s’adapteront et l’on intégrera une partie de la carrière à l’étranger pour aller chercher ces compétences à l’international. On doit donc mettre en place : 1. une certaine sensibilisation à l’internationalisation, en s’assurant qu’elle devienne une étape nécessaire ou souhaitée dans un processus d’évolution de carrière, 2. un processus de préparation de l’expatriation, de maintien des contacts avec l’expatrié, et de planification du retour. Préparer le départ d’un Français vers l’étranger suppose en particulier de s’assurer que le profil de la personne correspond bien aux besoins de l’organisation internationale. On recherche d’ailleurs des profils de plus en plus spécialisés. Le mode de recrutement évolue lui aussi: on continue à attirer des jeunes en début de carrière, mais on a de plus en plus recours à des gens en milieu de carrière. À Vienne, la part des jeunes dans l’ensemble des recrutements récents est très réduite au profit des personnes déjà spécialisées. On ne peut par ailleurs que souhaiter une défense acharnée de la langue française et de son usage. Mais les candidats doivent maîtriser parfaitement l’anglais (la langue de travail), voire plusieurs langues. Il faut aussi faire connaître au candidat l’organisation et le pays d’accueil et lui apprendre à rédiger un CV « non amateur ». Il faut également s’assurer que le demandeur de carrière internationale se fasse connaître très en amont de l’organisation en participant à des groupes de travail et à des missions de courte durée qui augmentent ses chances d’être recruté. Cette phase de préparation est fondamentale. Pendant la période à l’étranger, il est indispensable de maintenir le contact (dans la limite de codes de déontologie) et de planifier l’avenir. Il faut enfin valoriser les compétences acquises et les replacer dans un cadre nécessaire pour l’organisation. Cela ne veut pas dire forcément “promouvoir” : il faut se débarrasser de l’idée “retour = promotion”, trop systématique et mécanique, et viser le long terme. Les réseaux sont indispensables. Nous ne prenons pas suffisamment appui sur les contacts que nous avons déjà. La présence française à l’international est importante et on ne l’utilise pas suffisamment. Les fonctionnaires internationaux en poste peuvent avoir un rôle important d’information sur les opportunités et un rôle de conseil et de promotion. QUESTIONS M. Pomenti, Conseil général des technologies de l’information : Notre Conseil mène une analyse de la présence française dans les organisations internationales. Ce que M.Cossé appelait le retard français dans l’ouverture de l’administration vers le monde se traduit pour moi par une conclusion assez simple: la mécanique du système administratif fait qu’il n’est pas possible, aujourd’hui, qu’arrive sur la table du Premier Ministre une proposition globale stratégique en matière de technologie d’information et de communication. Du fait de l’absence de coordination, de la difficulté de la concertation nécessaire avec l’ensemble des acteurs concernés, nous ne pouvons pas jouer notre rôle, c’est-à-dire proposer aux décideurs les matériaux nécessaires à la décision globale et stratégique.

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Dans notre secteur, le paysage est particulièrement changeant. Les institutions concernées évoluent. Une partie d’entre elles est aujourd’hui en cours de privatisation (INMARSAT, INTELSAT…). On change de champ, d’interlocuteur, de mode de communication. Certaines organisations sont dessaisies de leurs missions au profit d’autres agents: celle de l’UE des télécommunications en matière de normalisation s’est par exemple peu à peu vidée de son contenu et est prise en charge par des mécaniques dites de forum, c’est-à-dire manipulée par des entreprises privées.Comment pérenniser la présence française dans ces organismes ? Pour trouver une réponse, il faut ouvrir l’administration française vers l’ensemble de nos partenaires de l’activité économique et industrielle. Dernier point : la “ dramatique ” faiblesse médiatique française à l’étranger. Les institutions françaises qui font du média ont une logique de compétition purement nationale qui leur fait considérer la présence internationale française comme la cinquième roue du carrosse. Ce n’est pas à elles que les décideurs doivent s’adresser, mais aux gens compétents, il en existe, et avec une volonté véritable pour qu’enfin nous ayons un accompagnement médiatique international un peu plus à la hauteur de nos ambitions. Mme Bourcier, directeur de recherches au CNRS et responsable du laboratoire informatique-droit-linguistique : Ne faudrait-il pas d’abord ouvrir l’administration sur elle-même ? Cela éviterait de reporter à l’international les problèmes que l’on n’arrive pas à résoudre en national. Un exemple : il existe au CNRS de nombreuses commissions qui constituent un vivier de gens prêts à coopérer et qui est peu exploité. J’en suis très surprise. Nous avons participé à des bases de données qui devaient circuler dans l’administration. On manque de réseaux. Est-ce qu’au moins cette journée ne pourrait pas insister sur la nécessité de faire appel, au sein même de l’administration française, à des gens prêts à coopérer sur un certain nombre de dossiers ? Cela existe au niveau européen, je ne comprends pas que ça n’existe pas au niveau français. Sur la question du français à l’étranger : si l’on veut défendre le français, il faut être capable de parler anglais. Il ne faut pas que les Français soient considérés comme des gens qui ne parlent pas anglais. Le bilinguisme est important. Il est plus efficace d’avoir des contenus à proposer : le français est la langue des droits de l’homme, certes, mais il y a d’autres choses à valoriser et à imposer. M. Macé, Centre des Etudes Européennes de Strasbourg : Le passage à l’euro va modifier en profondeur notre positionnement en tant que Français. Je rappelle que M. Delors avait choisi délibérément que toute la négociation sur l’euro se tienne en anglais, faute de quoi l’euro ne se serait pas fait. Cela met en perspective un changement en profondeur et pose également la question de l’influence française et des moyens de parvenir à l’exercer face à un monde qui évolue. Quelqu’un a dit “ l’Europe est notre famille ”. On n’imagine pas qu’à table, tout le monde parle des langues différentes ou que d’autres restent enfermés dans leur chambre. Il faut savoir si le détour par l’international n’est pas précisément un bon moyen de réformer ou modifier un certain nombre d’immobilismes. De ce point de vue, l’Europe n’est pas l’instrument parfait. La mobilité devrait être proposée assez tôt aux fonctionnaires alors qu’elle est une des choses les moins pratiquées au regard des trois autres grandes libertés que sont la liberté de circulation des services, des capitaux et des marchandises. La France n’a pas mis tous les moyens pour favoriser l’apprentissage de la mobilité chez les étudiants. Souvenons-nous qu’il a fallu attendre le Traité de Maastricht pour que l’éducation devienne une politique interne explicitement exprimée... Pierre-Yves Cossé : Plusieurs intervenants ont fait un constat qui est le nôtre : nous sommes Gaulois, ce qui explique la dispersion des acteurs et l’éclatement des dispositifs, d’un coût très élevé à l’international. Comment remédier à cette situation ? Je ne crois plus aux grandes agences… ni au principe de confier à une seule administration une compétence exclusive dans ce domaine. Il faudrait identifier, avec l’aide de nos représentants des organisations internationales, les secteurs où nous avons un avantage relatif et où existe une demande. La gestion déléguée est un exemple, en trouvant une bonne combinaison de moyens entre les jumelages et les participations à des missions d’organisations internationales. D’une façon générale, une approche par projet est souhaitable pour

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remédier à la situation actuelle de dispersion de moyens. En France, il existe une contradiction entre la réalité administrative ministérielle et une approche fonctionnelle beaucoup plus horizontale. Comme le soulignait M. Pomenti, l’émergence du marché privé pose des difficultés nouvelles et il faut trouver le moyen de le combiner avec le public. Or, du fait de la rigidité de notre droit de la fonction publique, nous ne savons pas encore bien nous y prendre. Jean-Yves Perrot : On a évoqué la dialectique redoutable qui se joue souvent entre modernisation de l’Etat, modernisation de la fonction publique interne et action internationale. Un exemple : on entend souvent dire « présence française à l’international = présence des Français à l’international ». Or, bien évidemment, la présence française à l’international passe aussi par la présence des concepts français à l’international. Cela pose la question de notre capacité à rester sur le marché mondial de la formation. Or, notre appareil de formation - et pas seulement l’appareil de l’éducation nationale, mais aussi l’ensemble du système éducatif français - a beaucoup de mal à s’adapter. Nous devons accomplir une révolution copernicienne avec l’aide des nouvelles technologies. Il s’agit d’un enjeu stratégique majeur. Comme M. Cossé, je pense qu’on n’arrivera à progresser sur ces sujets que d’une façon décentralisée, souple, avec un ensemble d’acteurs conscients de leur rôle et de leur appartenance à un système hors duquel rien n’est possible. Anonyme : L’utilisation de la langue française ne doit pas masquer une absence de connaissance des langues étrangères. L’utilisation du français s’impose naturellement dans les domaines où nous bénéficions d’une spécialité tout à fait remarquée. Anne Magnant : Malheureusement, le français, même dans nos domaines forts (sciences humaines…), a cessé de s’imposer. Il domine encore un peu dans le domaine des mathématiques, mais plus du tout dans celui de la physique. Je voulais parler de l’élément majeur de la politique à l’égard du français : le trilinguisme. Il va de soi, dès que l’on fait de l’international, que l’on parle anglais. L’enjeu est maintenant de parler une langue en plus de sa langue maternelle et de l’anglais. Nous travaillons actuellement là-dessus, avec difficulté puisque l’éducation est une compétence des Etats-membres. Les résolutions ne peuvent donc jamais se prendre au niveau international. Nous constatons que le français remonte lorsqu’il y a deux langues étrangères obligatoires à l’école. Quand il n’y en a qu’une, le français diminue. Les exemples de l’espagnol et du grec le démontrent. La Commission, en accord avec nous, a fait aussi du trilinguisme une de ses priorités, mais n’a pas de moyens juridiques pour avancer. Nous sommes donc présents pour que le trilinguisme vive et pour que le français apparaisse comme une langue utile, pas ringarde ni réservée aux gens chics et riches ou aux filles. Je reviens sur l’audiovisuel : si on n’arrive pas à améliorer notre audiovisuel extérieur, le français continuera d’apparaître comme une langue qui ne sert pas à grand chose. Le fonctionnaire international a un rôle qui va au-delà du rôle technique pour lequel il a été désigné. Il porte aussi cette image française de la culture et de la qualité. Enfin, il est très important que l’administration française arrive à ne plus faire de coupure entre l’international et le national. Pour l’instant, il est très difficile de créer des passerelles. FIN DE LA MATINÉE

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APRES-MIDI RESTITUTION DES TRAVAUX EN ATELIERS Atelier 1 : comment renforcer les échanges entre les fonctionnaires français en poste à l’international et avec leur administration ? Rapporteur, M. Dréau, ministère de l’Équipement Concernant les problèmes liés au recrutement, on constate que les méthodes appliquées par les Anglais (présélection, vivier, formation, préparation aux concours) leur facilitent énormément les échanges futurs, et que leurs fonctionnaires retournent en beaucoup plus grand nombre dans leur administration que les nôtres. Chaque administration devrait se doter d’un vivier de fonctionnaires formés à l’international qui nous permettrait de réagir beaucoup plus rapidement à des sollicitations de postes à l’étranger. Le terme de transparence a été utilisé. Transparence lors du recrutement : les échanges en seront facilités, de même que le retour, puisque l’envoi de l’agent à l’étranger aura été fait en concertation avec plusieurs personnes. Les nouvelles technologies facilitent la mise en application de cette transparence. Certains ministères le font (Agriculture, Équipement). Concernant le suivi et les échanges, il nous semble primordial que chaque administration et chaque ministère ait un guichet unique pour assurer un suivi personnalisé des agents à l’international. Ce guichet pourrait être doublé par un référent technique ou une structure spécialisée de gestion capable de réaliser des stratégies et de faire passer des messages à la demande. Il faut utiliser à cette fin tous les moyens de communication moderne. Aujourd'hui, il est relativement simple de transférer à des confrères à l’international des documents produits par les ministères en France, par l’Internet par exemple. Les possibilités de rencontres systématiques entre fonctionnaires internationaux et leur administration d’origine doivent, de l’avis de tous, rester informelles, pour des raisons de déontologie. Il est souhaitable que les agents à l’international aient une réunion annuelle systématique organisée avec le ministère qui les envoie ou les détache. Les missions d’inspection que font certains ministères auprès de leurs agents à l’international sur leur lieu de travail - comme le fait le ministère de l’Équipement - sont également importantes. Sur le sujet du retour, le constat général est que l’administration ne valorise pas l’expérience acquise. Il a été émis l’idée d’une constitution d’une bourse d’emploi, accessible par les moyens modernes de communication. Elle permettrait à tous les agents de retour en France de choisir des postes en dehors de leur administration d’origine, dans une administration correspondant mieux à l’expérience qu’ils ont acquise. Il est clair qu’il faut également informer les agents avant même leur retour de toutes les possibilités existantes. Cela peut se faire notamment par mailing. Conclusion : pour faire changer les choses, il faut faire une place effective à l’international dans l’administration et en organiser la gestion en conséquence. Atelier 2 : quelles stratégies et quelle organisation de l’administration pour une gestion efficace de la présence internationale de la France ? Rapporteur : M. Van Ackere, contrôleur des armées Le groupe a rappelé la nécessité que la France ait une stratégie par domaine : lorsque la France mène une action, les étrangers voient d’abord le projet (santé, formation) avant de voir l’administration qui est à l’origine du projet. Sur quoi appuyer cette stratégie ? Le groupe a identifié 3 strates : 1 Action de l’État :

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a. Utilisation du réseau des ministères, ce qui suppose au sein de chaque ministère de faire circuler l’information.

b. Assurer une coordination interministérielle. L’État n’a pas connaissance du coût global de son action à l’international. Chaque ministère, selon un participant de l’atelier, ne connaît pas exactement le coût de sa propre action à l’international.

c. Formation : ENA, IRA, IIFP, qui représentent un pan important de la présence française à l’international.

2 Action des partenaires. Nous en avons relevé quatre, susceptibles de favoriser le renforcement de la présence française à l’international : a. Les collectivités locales. 2500 d’entre elles agissent dans le cadre d’une loi récente dans le

domaine international avec un coût global relativement faible, et travaillent en proche liaison avec l’État. Elles ont une bonne connaissance du terrain et elles sont de plus en plus imbriquées dans l’action menée par l’Union européenne. Nous avons noté qu’une journée comme celle-ci aurait pu voir la participation de représentants du CNFPT ou d’autres organismes représentatifs des collectivités locales.

b. Les établissements publics (Assistance publique -Hôpitaux de Paris). On nous a rappelé que les trois quarts de son action étaient menée sur fonds européens, cet établissement public ne pouvant utiliser les fonds “santé publique” pour ses projets internationaux. Il y a donc là un partenariat possible.

c. Le monde associatif et les organisations non-gouvernementales. d. Le secteur privé (France Télécom) ; la coopération entre administrations et secteur privé. On a

cité le GIE Maisons de la France, le GIP pour l’ingénierie touristique 3 Les organisations internationales. a. Il est important de faire une analyse qualitative. L’analyse quantitative permet de constater que la

présence française est proportionnelle à sa contribution aux budgets des différentes organisations internationales, mais qu’en matière de postes et de responsabilités, on ne peut pas toujours affirmer que la France est représentée à hauteur de ce qu’elle pense légitimement représenter dans le monde.

b. Les organisations internationales sont un marché où les organisations représentent l’offre et les fonctionnaires (ou personnes d’un autre statut) nationaux, la demande. La rencontre ne se fait pas parfaitement. Il est nécessaire de fluidifier, d’avoir un régulateur au service d’une approche stratégique. Nous n’avons pas pris parti sur la question de savoir si ce régulateur devait être aux Affaires Étrangères ou à la DGAFP.

Sur les questions de compétences et de vivier, des exemples concrets d’organisation de viviers nous ont été donnés. La présélection est possible et n’est pas incompatible avec la transparence : avoir d’un côté la circulation de l’information par les moyens modernes, de l’autre des personnes chargées de chercher des candidatures pour des postes. Nous avons aussi souligné l’importance d’une préparation à la sélection et à la prise de poste. En conclusion, certains ont évoqué l’idée de créer un club fonction publique, à fréquence mensuelle ou autre, qui serait l’institutionnalisation de cette journée et qui permettrait de confronter les points de vue. D’autres, un bulletin de liaison. Enfin, l’incontournable problème des langues et la nécessité d’avoir les crédits pour assurer la formation en ce domaine. Atelier 3 : comment optimiser le déroulement de carrière des fonctionnaires français à l’international ? Rapporteur : M. Pougnaud, conseiller technique du délégué AECL au ministère des Affaires Étrangères Nous avons étudié les différentes étapes du parcours du fonctionnaire français dès lors qu’il s’intéresse à l’international ou que l’on a suscité cette vocation : avant-pendant-après. La gestion des fonctionnaires à l’international mérite d’être individualisée parce qu’ils ne sont pas des pions sur un dispositif mais des personnes avec une dimension familiale. En matière déontologique, il a été rappelé que les fonctionnaires français, tout en restant loyaux vis-à-vis de leur organisation, ne devaient pas "surcompenser" leur appartenance nationale en évitant le

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dialogue avec les Français. Les institutions d’origine doivent veiller à les informer, notamment par Internet, de la vie de leur ministère pour faciliter leur retour. Nous nous sommes réjouis que certains participants soient membres des représentations syndicales puisque la gestion des Commissions paritaires est un des éléments de la gestion des fonctionnaires. Or les gestionnaires du personnel, même s’ils sont indépendants et très libres de leurs décisions, doivent agir dans le cadre d’un dialogue bien compris avec les organisations syndicales dans les Commissions paritaires. À ce titre, l’attitude des représentants du personnel, qui n’est pas dans sa majorité à vocation d’expatriation, ne doit être ni une attitude d’envie ni une attitude de mépris. Le statut général des fonctionnaires n’est pas en soi un obstacle à la mobilité, mais des arrangements techniques devraient arranger certains problèmes comme celui des missions moyenne durée. Il est possible d’envoyer quelqu’un en mission courte durée avec un régime de mission ; on peut aussi détacher quelqu’un pour une durée de cinq ans. Pour les durées intermédiaires, il serait bon de s’inspirer du système qui existe dans les structures statutaires du Conseil d’Etat et de quelques autres corps, et qui conduit à créer soit une position de délégation, soit imaginer une variante de la position d’actualité qui corresponde à cette position de délégation. Sur les techniques de gestion, la nécessité d’un guichet unique a été affirmée, point de rencontre de la DRH et de la direction sectorielle. Le ministère de l’Équipement a fourni quelques précédents pouvant intéresser des ministères. Certains ont observé qu’ils avaient soin de développer des missions d’inspection de leur personnel à l’étranger. Si la chose est excellente, le nom peut gêner certains d’entre nous (surtout nos interlocuteurs non-français), puisque notre légitimité à observer des fonctionnaires qui se trouvent sous des autorités internationales pose un problème juridique. Concernant la situation familiale, nous avons insisté sur le caractère volontaire de la vocation à l’expatriation. Cette vocation existe quelquefois à l’état virtuel parce que des personnes ont fait connaître leur volonté d’aller à l’international. Mais les circonstances de la vie familiale, l’emploi du conjoint, les études des enfants, les implications de logement sont quelquefois des freins excessifs à la mobilité dans les 48 heures, alors que la mobilisation de l’offre française passe souvent par la réponse rapide et en anglais à un avis de vacance urgent. Les caractéristiques techniques des viviers sont encore très insuffisantes. Certaines administrations (La Poste) identifient des compétences internes pour coller à la stratégie de recrutement sur profil pratiquée par les organisations internationales. Par contre, la mobilisation de la ressource, faute de caractérisation, n’est pas toujours évidente. La fonction publique ukrainienne sait quels sont ses fonctionnaires qui parlent anglais, espagnol, maîtrisent les mathématiques, tout simplement parce qu’un expert français leur a suggéré d’entrer ces données dans son système d’exploitation de la fonction publique. Toutes nos DRH ne disposent pas du même outil. Il n’est pas inutile d’avoir ce genre d’ambitions, réalisées dans des pays moins équipés que nous. Quant au problème du retour, certains estiment qu’un séjour doit être programmé à durée fixe, d’autres pensent que l’appétit vient en travaillant à l’étranger, et que quelquefois les vocations se révèlent. Les deux points de vue sont intéressants en termes stratégiques. Si l’on a intérêt à voir s’implanter durablement les fonctionnaires français à l’international, ceux qui souhaitent revenir ne doivent pas être complètement oubliés. Il faut considérer qu’ils ont fait leur mobilité dans la fonction publique internationale. Ce terme de mobilité n’est plus à prendre dans son acception restrictive des textes (mobilité en début de carrière pour quatre ans non renouvelables) mais à tous les niveaux de la carrière. Comment, enfin, valoriser ou optimiser la gestion ? Et faut-il la valoriser ? Oui, parce qu’il y a un apport d’expertise, un apport en termes d’influence. La présence à l’international est la respiration de nos administrations. Une administration qui resterait en état d’apnée risque de rater les rendez-vous de la modernisation. Atelier 4 : quel suivi pour le personnel français en fonction dans les institutions de l’Union européenne ? Rapporteur : Michel Guilbaud

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L’ensemble des questions concernant l’international se retrouvent à l'échelon communautaire. Sa spécificité a été abondamment soulignée par le groupe. Nous avons rappelé que les négociations communautaires traitaient de politiques directement applicables dans notre système juridique, avec des effets très concrets et directs pour les citoyens, et que l’entrée dans une négociation communautaire n’est pas seulement un enjeu français à défendre, mais un compromis à 15 pour trouver l’étape nouvelle de construction communautaire. Il ne s’agit donc pas de se positionner en présence française contre les autres, ce qui nécessite une connaissance de la mécanique communautaire. Les différents statuts des Français présents dans les institutions européennes ont été rappelés : les fonctionnaires communautaires qui en constituent la partie primordiale ; les agents temporaires et les experts nationaux détachés (mis à dispositions, payés par une administration générale d’origine), qui ne constituent pas la majorité des agents communautaires, mais une prise plus directe sur laquelle, en tant qu’Etat-membre, on peut agir sur la présence nationale. On a également évoqué les fonctionnaires et agents qui travaillent sur les politiques, et les experts sollicités par la Commission pour la mise en œuvre pratique de toutes les politiques communautaires. Cette voie d’expression des idées et de l’expertise française sur les politiques mises en œuvre concrètement est à suivre avec attention. On a aussi dressé la liste des actions menées et à améliorer pour essayer d’animer la stratégie concernant la présence, notamment le fonctionnement interministériel. Une fonction publique communautaire de carrière, a-t-on souligné, concerne un personnel destiné à faire toute sa carrière dans cette institution “supranationale”. Il s’agit de fonctionnaires plutôt indépendants par rapport aux États-membres de l’Union européenne. Une forte préoccupation s’est exprimée pour multiplier les passerelles entre administrations nationales et administrations communautaires, à tous les niveaux, mais en mettant l’accent sur les postes de niveau intermédiaire. Les moyens pour accéder aux débouchés communautaires ont été évoqués. La voie officielle d’envoi de Français existe : diffusion de fiches de poste, activation des réseaux ministériels pour trouver des candidats. On a parlé également de la “voie de la machine à café”, celle des contacts personnels, des réseaux, sans doute la plus opérationnelle. Il faut trouver une combinaison des deux pour obtenir une certaine cohérence des actions de présence française. Les points à améliorer sont: - La circulation de l’information. Il faut connaître les Français présents dans les institutions européennes pour savoir comment en faire des relais pour approcher des fonctionnaires compétents dans certains domaines ; s'informer sur les postes ouverts, sur les Français passés dans les institutions communautaires pour pouvoir valoriser leur parcours… - -La formation : pour passer des concours communautaires, pour la négociation communautaire, pour comprendre la mécanique communautaire. Cet enjeu, à l’heure de l’élargissement, doit mobiliser tous les experts techniques, pas seulement les généralistes du communautaire. On a rappelé que la Commission elle-même estimait le dispositif actuel insuffisant pour former les Etats-membres au communautaire et elle va appuyer des initiatives dans les Etats. - La stratégie “ présence française ” doit se décliner par secteurs : la stratégie globale animée au plan interministériel doit se décliner de façon décentralisée dans chaque domaine. L’activation, la responsabilisation, l’implication de chaque ministère sont importantes non seulement pour inciter des fonctionnaires à répondre à des postes d’END, mais aussi pour porter cette stratégie de présence et pour actionner les réseaux correspondants. La stratégie globale ne doit pas se limiter à une vision purement administrative. Elle doit comprendre tout ce qui est extra administratif : réseaux de formation, organismes extérieurs. - Dernier point : la fructification des compétences acquises. Elle existe, quoi qu’on en dise. Certes, le taux de valorisation à très court terme des compétences communautaires pour un retour après un poste d’END n’est pas de 100 %. Malgré tout, l’expérience figure sur le CV et pourra se valoriser à moyen terme, tant l’imbrication entre le national et le communautaire est grande. Mais il faut sans doute travailler à une reconnaissance plus rapide de ces compétences.

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SYNTHÈSE ET CLÔTURE DE LA JOURNÉE Jean-Félix-Paganon, directeur des Nations-Unies et des organisations internationales, ministère des Affaires étrangères. Nous avons assisté au cours des dix dernières années à un développement absolument extraordinaire des activités internationales dans des domaines de plus en plus normatifs, c’est-à-dire qui s’imposent à la vie nationale. Dans une large mesure, l’avenir de la France se prépare et se décide dans des organisations et des enceintes multilatérales. C’est le cas dans des domaines très traditionnels (celui de la paix et de la sécurité au Conseil de sécurité, celui du commerce) mais aussi de plus en plus dans des domaines qui touchaient à des questions régaliennes de nature fondamentalement nationale comme la Justice ou l’Intérieur. Aujourd’hui, tous les domaines de l’activité nationale sont concernés. J’y inclus aussi ce que nous appelons dans notre jargon du quai d’Orsay la “ coopération décentralisée ” et donc les collectivités locales. Elle n’est plus désormais l’apanage du pouvoir central : les collectivités locales ont, elles aussi, de plus en plus d’activités internationales. Face à la prolifération des organisations internationales, il est très important d’assurer une présence française effective et qui soit un relais efficace de nos propres intérêts au sein de ces organisations. Cela devient un enjeu central de la diplomatie et de l’action internationale de la France. Il ne s’agit plus d’une présence pour tenir notre rang dans un certain nombre d’organisations; nous sommes maintenant en face d'un enjeu fondamental pour le pays. Ces institutions internationales développent leur propre dynamique qui est autre chose que la simple résultante des actions ou des pressions des Etats-membres. Les organisations, les secrétariats en eux-mêmes génèrent leur propre dynamique et il est indispensable d’y être présents. Non pour faire prévaloir les visions nationales mais pour faire évoluer l’ensemble du jeu dans un sens cohérent et compatible avec nos propres objectifs. La langue fait partie de ces objectifs. Dans beaucoup d’organisations, nous avons à arbitrer entre objectifs stratégiques politiques et un objectif linguistique. Cela nous amène souvent à nous battre pour une présence française très importante dans tous les secteurs-clé pour la défense de la langue française (traduction, organisation des conférences) et, dans un équilibre normal, cela réduit notre aptitude à revendiquer des postes stratégiques non linguistiques. Au-delà de cette question, il faut réfléchir à ce que nous devons faire pour maintenir, voire améliorer, nos positions. Nous devons bien prendre la mesure des problèmes qui se posent à nous, évaluer nos faiblesses, essayer d’y remédier, continuer à valoriser nos atouts. Si nous voulons faire ces trois choses, le premier élément est d’essayer d’identifier les défis à relever : 1 une concurrence croissante pour l’obtention de postes de responsabilité. Nous avons un acquis privilégié par l’ancienneté et l’antériorité de notre présence dans ces organisations. Mais le mouvement un peu ancien de la décolonisation, aussi bien que l’éclatement de l’ex-URSS et de l’ex-Yougoslavie, multiplient le nombre de pays membres qui revendiquent leur place dans un contexte de population vieillissante et de nécessité de renouveler beaucoup de nos fonctionnaires. La concurrence est donc vive et la pyramide des âges peu favorable. 2 une interaction grandissante entre les approches nationales et les approches internationales des problèmes.

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3 la prédominance croissante de la langue anglaise de facto dans le fonctionnement des organisations internationales. Quels sont nos atouts ? Peut-on les améliorer ? Du point de vue institutionnel et sans faire d’autosatisfaction, nous disposons de structures de promotion bien adaptées. Sur le plan européen, le SGCI représente un outil incomparable envié par nombre de nos partenaires. Cette structure très efficace dans l’élaboration des positions l’est aussi dans le domaine de la présence française dans les institutions de l’Union européenne. Au-delà du domaine européen, la MFI (Mission des fonctionnaires internationaux) représente une structure qui essaie de s’adapter, de se moderniser, de prendre pleinement en compte les nouveaux moyens d’information. Sa souplesse et sa légèreté deviendront un atout dans les années à venir, compte tenu des capacités ouvertes par les nouveaux moyens d’information. Le CFI (Comité des fonctionnaires internationaux) constitue une enceinte de dialogue et de coordination entre les organisations et les administrations centrales d’une part et l’administration française et les compatriotes dans les organisations internationales d’autre part. Le CFI est perfectible mais efficace Toutes nos représentations dans les organisations internationales disposent d’un ou plusieurs agents qui s’occupent à plein temps de la promotion de la présence française et du maintien du contact avec le compatriote. Il s’agit d’un dispositif de terrain perfectible mais très dense et très mobilisé. Du point de vue institutionnel, nous sommes suffisamment armés pour faire face au défi que va représenter la perte de 40 % des postes de fonctionnaires internationaux dans les cinq prochaines années du fait de la pyramide des âges. Ne nous faisons pas d’illusions : nous ne les remplacerons pas à mon avis ni quantitativement, ni au niveau hiérarchique. Les parachutages sont de plus en plus difficiles, le maître mot est la promotion interne et notre ambition devra être la mise en place d’un vivier pour le futur consistant à recruter des agents jeunes ou des agents à des niveaux de responsabilité intermédiaire. Les faiblesses et défauts de notre système, abondamment traités, auxquels nous devons remédier sont : 1 l’intégration de la dimension internationale dans les profils des carrières et dans l’évolution de la vie professionnelle de nos agents. Nous sommes efficaces pour les postes de haut niveau : nous savons identifier la personne, la placer là où il faut, lui trouver un point de chute quand elle revient. Mais ce n'est pas le cas pour la majorité de nos compatriotes qui vont et viennent entre l’administration nationale et une administration internationale. A l’évidence, notre politique est très en retard sur les intentions proclamées. C'est d’autant plus regrettable que nous nous privons d’un véritable vecteur d’influence au sein des organisations. Surtout, nous nous privons aussi de la capacité d’intégrer dans nos administrations nationales l’expérience tirée par les fonctionnaires dans les organisations internationales. Il faudra examiner toutes les idées évoquées pendant vos travaux pour développer une nouvelle culture de l’international dans la gestion des personnels. Cette recommandation vaut pour l’administration et vaudra pour les collectivités territoriales puisqu’elles aussi développent leurs relations avec l’international. 2 nous devons favoriser le développement d’un dialogue plus étroit entre nos fonctionnaires internationaux et nos administrations. Beaucoup de choses ont été dites sur le souci d’éthique excessif des Français de la fonction publique internationale. C’est peut-être une vision simplificatrice, mais nous avons souvent trop de scrupules alors que la défense à l’intérieur d’une structure internationale des positions nationales et le travail pour le bien collectif ne sont pas nécessairement en contradiction. Au fond, très souvent, les positions dans une organisation sont la résultante des différentes positions nationales et celles-ci peuvent s’exprimer aussi par la prise en compte des sensibilités de tel ou tel pays par les secrétariats. Il n’y a rien là de scandaleux. A l’avenir, je pense que cela deviendra moins problématique pour nos jeunes compatriotes qui travailleront dans des organisations internationales. 3 la langue française. Elle a occupé une place privilégiée. Elle est maintenant en déclin. Elle occupe encore une place privilégiée au sein de l’Union européenne puisque 40 % de la production de documents administratifs au sein de l’Union se fait encore en français, mais dans le reste de la fonction publique internationale, l’anglais s’est imposé comme langue de travail et relègue le français au rang de première langue de traduction. A Genève, un fonctionnaire peut travailler dans la plupart des organisations sans parler le français. À Bruxelles, au-delà de l’Union, d’autres organisations

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emploient des fonctionnaires qui travaillent et vivent sans parler le français. La plus grande partie des fonctionnaires de l’OTAN parlent à peine le français. Cette situation entraîne deux séries de conséquences : a. La présence de nos compatriotes au sein des organisations internationales : la maîtrise de l’anglais

est désormais une condition sine qua non pour rentrer dans une organisation internationale, et encore plus pour y faire carrière. Les organisations internationales acceptent maintenant de recruter des unilingues anglais, mais plus d’unilingues français. Cela implique un effort de formation et conduit à intégrer cette dimension dans la sélection de nos candidats.

b. Que faire pour obtenir le maintien d’une position prééminente ? 1. Une action volontariste de tout le monde et de nos compatriotes dans des organisations

internationales. Il y a des circonstances où il faut continuer à parler français, même quand il est plus facile de parler anglais.

2. La mobilisation de tous les instruments dont nous disposons 3. Nous appuyer sur le soutien de nos partenaires francophones. Ce combat pour la langue

française ne peut pas être le combat seul de la France, mais doit s’appuyer sur nos partenaires francophones. Un nouvel axe consiste à ne pas se battre pour le bilinguisme mais le plurilinguisme et à défendre l’intérêt et l’importance des autres langues de travail dans les organisations internationales. Ne nous cachons pas que l’introduction de cette notion du plurilinguisme comporte en elle-même un constat d’échec : celui que le combat du bilinguisme a été perdu. Dès lors que nous nous battons pour le français, mais aussi pour l’espagnol et l’arabe, cela veut dire qu’il existe d’une part une langue prééminente et d’autre part d’autres langues de travail qui ne sont pas la langue dominante.

Pour conclure, nous pouvons retenir les thèmes se dégageant des travaux des ateliers : - volonté de s’adapter en permanence. - concertation et mobilisation de tous les acteurs. - professionnalisation. Ce sont les grands axes de notre action à venir si nous voulons optimiser notre présence à l’international et mettre en place, secteur par secteur, des stratégies claires. Il faut avoir une vision stratégique, définir des axes et essayer de s’y tenir. Il est évident qu’une approche interministérielle plus marquée est nécessaire. C’était l’un des objets de cette journée d’étude. Je crois qu’elle augure bien de ce qu’il est possible de réaliser dans ces domaines.

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ANNEXE DETAIL DES DEBATS EN ATELIERS ATELIER 1 : Comment renforcer les échanges entre les fonctionnaires français en poste à l’international et avec leur administration ? Animateur : Pierre RICHEZ, chargé de mission à l’IGCT (inspection générale de la coopération technique), direction des politiques économique et internationale, ministère de l’Agriculture et de la Pêche. Deux angles sont envisagés pour renforcer les échanges entre les fonctionnaires internationaux et leur administration : - celui de la GRH : le passage de quelques années à l’international dans une carrière implique pour

les gestionnaires une problématique nouvelle de flux et recrutements, de suivi et de réintégration ; - celui de la promotion des intérêts français. Je rappelle les conclusions de la session annuelle des

fonctionnaires internationaux : “ les administrations françaises doivent progresser sur le plan du rayonnement de la France et sur celui de ses intérêts ”. Cela a des conséquences sur la qualité des recrutements et sur la communication, ainsi que sur l’utilisation des fonctionnaires internationaux pour faire passer un certain nombre de messages.

Anonyme, Conseil général La fonction publique, c’est aussi la fonction publique territoriale. La plupart des collectivités locales en France ont une activité internationale qui tend à se développer, qui appelle de nombreux partenariats avec d’autres fonctionnaires. Anonyme Les relations entre le bilatéral et le multilatéral font aussi partie aussi des problématiques à aborder. Il ne faut pas se concentrer uniquement sur le multilatéral. Quand on fait du bilatéral, on n’est pas forcément employé par l’administration qui est la nôtre. Anonyme Pour compléter ce panorama, citons aussi les fonctionnaires qui sont en charge de questions internationales sans forcément être eux-mêmes à l’étranger. Anonyme On a dit ce matin qu’on n’envoie pas toujours les meilleurs à l’international. Il faut peut-être assurer une promotion de cette fonction pour attirer des confrères de qualité, ce qui faciliterait la gestion de carrière et leur retour. La préparation au départ, le suivi, le retour sont les trois grandes étapes d’une carrière internationale qu’il faut savoir gérer. Anonyme

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Comment utiliser les Français qui sont déjà au sein des ces organisations ? Comment utiliser, dans le respect de la déontologie du pays, leurs capacités de promotion, leurs possibilités d’information et de conseil ? Anonyme On a beaucoup parlé d’influence et de rayonnement de la France ce matin, mais que cherche-t-on vraiment derrière cette influence et quelle est sa finalité ? Le choix des personnes dépend sans doute de ce que l’on cherche. Qu’y a-t-il derrière le mot “ rayonnement économique ” ? On sait qu’il ne faut pas dire qu’on est là pour faire des affaires, mais n’est-ce pas là la finalité après tout ? D’autres pays utilisent les structures internationales pour se livrer à ce type d’activité. On ne peut pas éviter cette question centrale. Si ce sujet n’est pas évoqué, je pense que l’on va retomber dans des questions de déroulement de carrière. On a vu à des postes d’expansion économique des incapables notoires. Si on avait pris en compte la dimension d’influence stratégique en termes économiques, les choix se seraient peut-être portés sur d’autres personnes. Pourrait-on essayer de voir quelle est la politique des autres pays au niveau de l’international ? On critique les autres, Japonais, Américains, mais il y a peut-être des ensiengnements à tirer de la façon dont ils fonctionnent. On sait que certains pays usent de stratégie sur le choix des postes et ne mettent pas n’importe qui n’importe où. C’est pourquoi le choix des personnes est important. Anonyme, ministère de la Défense Vous dites : “ il faut sélectionner le personnel pour aller dans les organisations internationales ”. Mais ce sont souvent les organisations internationales qui sélectionnent, pas la France. C’est notamment le cas à l’OTAN. Les Anglais mettent beaucoup d’hommes dans l’OTAN aux postes intermédiaires et ils ont créé un vivier de personnel qui correspond aux compétences recherchées et qui ont une expérience professionnelle leur permettant d’être systématiquement plus “ compétitifs ” que les Français. Anonyme Le plus important est de répondre aux critères demandés. Les fiches de poste mentionnent conditions très précises qu’on peut généraliser pour l’ensemble des organisations internationales. Pour que nos hommes soient recrutés, il faut qu’ils soient bons, compétents et surtout bilingues. Un candidat ne sera pas recruté sur ses seules compétences mais sur un ensemble de critères dont celui de l’anglophonie. Anonyme, ministère de la Défense Au ministère de la Défense, nous souhaitons arriver à positionner les personnels susceptibles d’être retenus. Nous avons développé des relations bilatérales avec l’Angleterre sur la base d’échange de fonctionnaires pour s’imprégner de la langue. En effet, aux épreuves de sélection il faut non seulement bien connaître les organisations internationales, mais surtout l’anglais ! Or il est difficile de trouver des candidats qui maîtrisent cette langue. Les relations bilatérales sont un moyen de s’améliorer linguistiquement et de mieux connaître un système étranger. Anonyme Le problème majeur est de trouver des candidats. Dans nos administrations d’aujourd’hui, est-ce que notre mode de recrutement fait une place à l’international ? Il faut être capable de sortir des jeunes diplômés cultivés, bilingues, familiers avec le système et les stratégies géopolitiques. Ce n’est pas à 40 ans, quand un fonctionnaire aura fait sa carrière en France, qu’on va lui apprendre l’anglais et le dépêcher à l’étranger ! On a trop de candidats de ce type qu’on ne peut pas valoriser dans les organisations internationales. Anonyme Est-ce que les fonctionnaires qui veulent travailler dans l’international auront une préparation au recrutement ?

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Anonyme Le ministère des Affaires Étrangères organise des sessions de préparation aux entretiens. Anonyme Au-delà des grandes structures internationales que l’on connaît tous, il existe de nombreux comités internationaux, cruciaux mais dont seuls les initiés ont conscience; le comité international sur les normes, par exemple. Ses enjeux sont fondamentaux et les Français en sont absents faute de compétences. Il faudrait avoir une vue plus affinée des structures internationales amenées à travailler sur des enjeux économiques très importants. Anonyme Est-ce qu’il ya de « bonnes » organisations internationales dans lesquelles il faut être, ou ne vaut-il mieux pas travailler sur des secteurs en particulier ? Cela fait aussi partie de la stratégie en amont. Anonyme Travailler sur des secteurs est effectivement une voie à suivre. Par exemple tout ce qui touche à l’environnement, aux nouveaux médicaments, à l’agroalimentaire, prend beaucoup d’importance. Anonyme Les secteurs sont importants mais dans la perspective de former des gens à la partie internationale de leur spécialisation. Chacun peut retrouver des secteurs stratégiques dans son secteur d’activité. Chaque ministère a des enjeux majeurs. Anonyme Les Britanniques constituent des viviers de fonctionnaires et ils y puisent pour les concours de la Communauté européenne. Ces fonctionnaires ont droit à une vraie préparation aux concours, à temps plein, avec QCM, cours de droit, etc. Ils ont un fort taux de réussite aux concours de la Commission pour les fonctionnaires. C’est très bien structuré, avec l’aval du supérieur hiérarchique, et la personne prend l’engagement de revenir dans son administration d’origine. Les Britanniques ont une vraie volonté de placer leurs pions, ils estiment qu’ils peuvent rattraper leur retard en pénétrant de plus en plus au sein des instances européennes de la Commission. Anonyme, ministère de l’Education nationale On a parlé de la place que donnent nos administrations à l’international dans le recrutement. Il faudrait plutôt dire : “ dans leur fonctionnement quotidien ”. Parce que le recrutement n’en est qu’une conséquence. Si un pays à la volonté délibérée de donner une place importante à l’international, le reste en découle : on s’organise et on organise son appareil de gestion en fonction des objectifs fixés. En tant que correspondant de la DIRE à l’Éducation Nationale, et après avoir occupé des fonctions dans la direction qui s’occupait de l’international au ministère, je partage entièrement l’avis de M. Santel sur la prise en compte de la gestion prévisionnelle. Pourquoi la mobilité à l’international ne serait-elle pas une forme de mobilité au même titre que le passage d’un ministère à un autre ? Au total, quelque 60 ou 70 % des personnels en poste dans les ambassades ont été au départ formés par l’Education nationale. Or, quand ils reviennent… on les met où il y a de la place, n’importe où ! Dans l’enseignement, la machine n’est pas organisée de manière à récupérer l’expérience acquise à l’international pour l’utiliser dans les établissements primaires ou secondaires. De ce fait, en général, au bout d’un an ou deux, la personne n’a qu’un désir : repartir. Elle est insatisfaite, donc « perdue » pour son administration. Cette gestion reflète l’importance réelle qu’on attache à l’international dans cette maison. Pierre Richez Le cas du ministère de l’Education Nationale est un peu particulier : beaucoup de ses agents partent pour les Affaires étrangères, et quand ils reviennent à l’Education nationale, il leur est peut-être plus

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difficile que dans d’autres ministères (Équipement, Agriculture) de retrouver un poste leur permettant de continuer une carrière. Anonyme Cela arrive aussi à l’Agriculture. Il y a notation, lancement de carrière, mais aucune valorisation de cette carrière. J’ai rencontré une personne « laissée à l’abandon », non valorisée alors que Bruxelles voulait la garder. Anonyme C’est vrai aussi à l’Education Nationale. Dans les commissions paritaires de promotion, les fonctionnaires détachés à l’étranger sont considérés comme déjà suffisamment gratifiés pour ne pas avoir à bénéficier en plus d’une promotion… Anonyme, ministère de l’Equipement Au ministère de l’Équipement, nous continuons à suivre les agents exactement comme s’ils étaient en France : nous les notons, nous harmonisons les notes, nous leur rendons visite sur le terrain en essayant de faire de grands groupes géographiques (on ne se déplace pas à Santiago pour une seule personne). Nous essayons d’obtenir pour les promotions les moyennes de promotion nationale. Mais nous ne savons pas gérer le retour. Les services déconcentrés n’ont trop souvent rien de très valorisant à offrir à quelqu’un qui rentre de Bruxelles ou de la Banque mondiale. Nous tentons de convaincre les directeurs départementaux des qualités de ces ex-expatriés. Une enquête sur les retours a montré que ceux qui nous avaient suivis étaient satisfaits de leur choix. Anonyme, ministère de l’Agriculture Je ne partage pas tout à fait le point de vue de mes deux collègues. J’en suis un exemple vivant : j’ai passé un certain temps à l’étranger, et ma carrière a plutôt été valorisée. Dans le corps des vétérinaires, un certain nombre de personnes qui ont passé du temps à l’étranger sont nommées DSV (directeur des services vétérinaires) à leur retour en France. Cela fait grincer des dents en métropole, mais l’expérience montre qu’ils sont aussi bons. Est-ce une vraie valorisation de leur séjour outre-mer ? Sûrement pas, parce que ça n’a rien à voir avec ce qu’ils faisaient à l’international. Mais ils ont appris à s’adapter, à anticiper, à partager, à animer des équipes. Et quand on est directeur d’un service départemental, tout cela sert. Anonyme, ministère de l’Education nationale On parle du fonctionnaire international, mais ne faudrait-il pas établir une typologie ? Les fonctionnaires internationaux, selon les ministères, ne sont pas les mêmes et n’appellent pas les mêmes règles de gestion. Dans certains cas, l’administration choisit d’envoyer quelqu’un selon ses propres critères pour une finalité bien déterminée. On peut alors être sûr que le déroulement de la carrière, le séjour, le retour ont été bien étudiés. D’autres cas montrent une demande individuelle qui vient de l’extérieur (par exemple des postes qui viennent de l’étranger paraissant au B.O.). L’administration d’origine s’assure seulement que le poste correspond, que la personne sera remplacée, etc. Bref, elle accompagne le départ de la personne, mais sans réflexion sur l’utilisation qui en sera faite. Ce serait différent si les demandes individuelles étaient étudiées avec le service concerné en centrale et s’il s’agissait d’une intégration et non d’une parenthèse dans la carrière. Anonyme Je ne suis pas certain que ce qui se dit pour l’Education Nationale soit valable dans tous les ministères. Quand il s’agit d’aller représenter la France à haut niveau, ce n’est pas laissé à la libre initiative… Jérôme Hels Le problème existe dans l’autre sens : pour certains postes, on ne peut présenter que des fonctionnaires. Je pense à des magistrats. Au tribunal international pour l’ex-Yougoslavie, il faudra un magistrat. C’est nous qui devenons demandeurs de fonctionnaires et sollicitons les administrations.

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Il faudrait même qu’ils soient à disposition. Autre exemple : nous avons des missions de l’OSC sur le terrain. Il nous faut des fonctionnaires mis à disposition et payés par leur administration d’origine. Pierre Richez Dans les conseils généraux, faites-vous un appel de candidatures dans l’ensemble de la collectivité ? Anonyme, Conseil général En général oui. L’envoi de fonctionnaires territoriaux à l’étranger est une pratique très rare. La règle est d’ouvrir au maximum les candidatures pour pourvoir à un poste. La parade est de détacher quelqu’un du cabinet. Le statut de la fonction publique territoriale présente un vide qui mérite réflexion. Anonyme C’est une pratique rare mais en augmentation. Par le CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale) qui vient d’engager des programmes internationaux, on trouve parfois plusieurs dizaines de fonctionnaires territoriaux avec un profil correspondant au besoin. Anonyme, Conseil général Le retour des fonctionnaires ne devrait pas être traité par chaque administration mais sur le plan national. Il existe déjà des services “ Fonctionnaires ” sur internet, mais tous les postes liés à l’international devraient être localisés en un point national (le minitel par exemple) et gérés au plan national, quelle que soit l’administration d’origine, pour profiter du retour de ces fonctionnaires. Cela pourrait se faire au ministère des Affaires Ètrangères. S’il y avait une meilleure connaissance des fonctions publiques sur l’international et la coopération, le retour serait plus facile. Anonyme, ministère des Affaires étrangères Nous avons effectivement ce rôle de centralisation de l’information mais nous avons aussi un problème qui relève de la direction des Nations-Unies. La présence française est numériquement élevée, nos marges de manœuvre pour proposer des candidats sont compliquées. Il y a 200 à 300 postes ouverts en permanence. Anonyme Quand vous parliez de gestion centralisée de l’ensemble des retours, était-ce dans l’idée que ces fonctionnaires pouvaient repartir ? Anonyme, Conseil général Non ! Au lieu de laisser l’administration se charger du retour du fonctionnaire international, tous les postes vacants sont diffusés sur internet, par exemple. Cela peut déboucher sur des postes dans un conseil général, un service de jumelage, une administration qui veut développer une mission, une entreprise. Ainsi le fonctionnaire de retour en France mettra à profit son expérience. Chaque administration est capable de définir les postes dont elle a besoin. La condition, c’est de diffuser l’information et de ne pas la garder pour soi. Dans mes fonctions antérieures, j’ai eu recours à une telle bourse de l’emploi : chaque administration a un code d’accès sur le 3616 Fonctionnaire pour afficher ses postes vacants et n’importe qui peut y accéder : Etat, territoire, hôpital, public. Les vétérinaires pourraient très bien venir au ministère de l’Intérieur, au service sécurité civile, pour les questions de protection de la population par rapport aux animaux ! Anonyme Cette idée est à creuser. Le problème, c’est la gestion : la gestion mécanique des administrations (retours…) et la notion personnelle (ceux qui valorisent leur séjour individuellement grâce aux contacts qu’ils s’y sont faits). Je ne connais pas de ministère qui sache chaque année combien de

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fonctionnaires rentrent et où ils seront placés. Sera-t-on capable d’imaginer une gestion non-individuelle où chaque administration serait capable de gérer le retour de ses personnels ? Anonyme Les fonctionnaires internationaux ont-ils dans chaque ministère des référents techniques à qui demander quels sont les postes disponibles sur le marché ? Anonyme Cela se fait depuis des années au ministère de l’Intérieur, et maintenant aussi ailleurs. Il existe des chargés de mission, des relais à l’Agriculture, à l’Équipement, à la Défense (pour les civils). Mais ça n’existe pas partout. Anonyme, Conseil général Pourquoi le fonctionnaire retournerait-il à tout prix dans son administration d’origine ? Anonyme Que le fonctionnaire ait un lien privilégié avec son administration est quand même logique et souhaitable. Ensuite, son administration doit avoir l’esprit suffisamment large pour lui dire de regarder aussi ailleurs. Anonyme, ministère de l’Education nationale Les deux problèmes, ce sont ceux qui rentrent et qui voudraient une carrière normale, et ceux qui rentrent et n’ont pas de préoccupation de carrière mais qui voudraient valoriser leur expérience. Cela suppose que dans chaque ministère la GRH identifie précisément les postes et les profils requis pour ces postes. À l’Education nationale, sur 26 postes récemment créés, il y en a peu dans lesquels les gens rentrés de l’étranger peuvent trouver une valorisation de carrière intéressante. Pierre Richez Je voudrais que l’on parle des échanges, de la communication, des réseaux. Comment passer des messages, quel type de messages, de qui à qui, comment utiliser et alimenter un réseau, est-il possible d’utiliser les fonctionnaires internationaux à ces effets ? Qui le pratique et comment ? Anonyme Devons-nous utiliser nos fonctionnaires internationaux pour faire passer nos idées ? Dans les organisations internationales, les secrétariats ne sont pas des entités séparées. Ce sont en général les organisations elles-mêmes qui utilisent ces départements pour préparer des réunions internationales et qui puisent dans les compétences de leurs propres troupes. Si nous avons des fonctionnaires dans ces milieux-là, je pense qu’il faut leur faire passer des idées pour qu’ils les fassent passer aux secrétariats le plus diplomatiquement possible.Encore faut-il les alimenter en informations. Autre problème : quels contacts sont établis avec ces fonctionnaires avant qu’ils ne partent ? Les services compétents doivent en effet pouvoir les contacter et les fonctionnaires doivent savoir à qui faire passer information. Ce n’est pas de l’espionnage de haut vol, c’est de l’influence, ni plus ni moins. Il ne faut pas se leurrer : la plupart des organisations internationales ont une connotation économique. Par exemple, plus les normes seront proches de nos normes, plus nos intérêts économiques seront servis. Pierre Richez Il faut donc un référent technique au sein de l’organisation. Il faut ensuite le moyen : un bulletin ? On ne peut pas faire venir 300 votants à Paris. Une réunion annuelle des 30 ou 40 plus hauts postes pour définir une politique ? Internet ? Anonyme

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Il faut savoir que les fonctionnaires internationaux ne sont pas détachés 365 jours par an hors du territoire français. Beaucoup de gens ne sont présents dans les structures internationales que quelques jours par mois. Beaucoup ont une double casquette. Ceux-là peuvent avoir des contacts réguliers avec leur administration. Anonyme Pourtant, ces personnes qui ne sont pas détachées en permanence ne bénéficient pas toujours d’une remontée d’informations intéressante. Il s’agit souvent de gens œuvrant dans des domaines techniques très pointus et qui concernent peu de personnes. Pierre Richez L’administration doit faire passer un certain nombre de messages et d’informations aux gens qui partent, pour de courtes ou longues durées. Anonyme N’oublions pas les contacts informels. Quand j’étais à Bruxelles, j’avais réuni tous les fonctionnaires français qui étaient à la direction sur l’agriculture, ils étaient ravis. C’était la première fois et cela a créé un lien. Ensuite le lobbying s’organise normalement. Anonyme, ministère de l’Équipement Mon ministère se pose un certain nombre de questions sur ces échanges. On ne sait pas jusqu’où aller, on se demande s’il faut faire signer des lettres de mission aux agents qui partent, quelle que soit leur situation, détachés ou mis à disposition. On y indiquerait ce qu’on attend d’eux, les visites obligatoires,… Anonyme, ministère de la Justice Nous avons le même système pour ce qu’on appelle les “ magistrats liaison ”. C’est unilatéral. À leur départ, ces magistrats se voient remettre une lettre de la Ministre, co-signée par le ministre des Affaires Ètrangères, indiquant ce qu’on attend d’eux. Anonyme Il est impensable d’avoir une formalisation quelconque du lien entre quelqu’un qui part dans une structure multilatérale et son administration d’origine. C’est un truc à se retrouver dans “Le Canard” ! Anonyme Cela signifie qu’il ne faut pas, comme le disait l’ambassadrice à l’OCDE, aller au-delà de nos habitudes. Encore qu’elle exagère un peu: il est vrai que notre culture universaliste nous fait penser que nous ne défendons pas nos intérêts, mais nous les défendons tout autant que n’importe quel autre puissant ! Ça relève plutôt du club, du débat, c’est informalisable. Anonyme, Conseil général On peut inviter le fonctionnaire international tous les ans auprès du DG pour des rencontres et des échanges entre fonctionnaires. Anonyme Chaque ministère a un service des relations internationales. Ce service doit conserver le contact de façon très souple avec les agents qui sont détachés dans les diverses structures. C’est par ce service qu’on peut essayer de faire passer des messages. Anonyme, Conseil général À condition de définir la liste des fonctionnaires qui sont là-bas. Anonyme Une bonne partie de ces messages ne passent pas parce qu’ils ne sont pas du tout clairs, ou pas légitimés...

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Anonyme, ministère de la Défense Le lobbying existe, c’est évident. Mais en dehors des organisations internationales (ambassades, armement…), soyons honnêtes : c’est plus difficile. Par exemple, un agent affecté sur un programme d’armement à Atlanta aura du mal à suivre les évolutions qui se déroulent en France, quels que soient les moyens déployés par son administration pour le tenir au courant. À l’ambassade, c’est facile, mais dans les autres structures, comment peut-on transmettre l’information aux personnels de façon à ce qu’ils la retranscrivent correctement aux étrangers avec lesquels ils travaillent ? On le constate dans le cadre de notre programme d’échange franco-anglais: les civils que nous envoyons au ministère de la Défense anglais nous signalent systématiquement au bout de six mois d’affectation qu’ils ne savent plus ce qui se passe au ministère de la Défense français. Les deux premiers mois, ils reçoivent tout, puis on commence à les oublier, et deux ans après, lorsqu’ils reviennent, ils ont perdu tout contact. Anonyme Les ministères techniques qui comptent une part significative de leur personnel à l’international n’auraient-ils pas intérêt à se doter d’un correspondant qui les suive ? Anonyme, ministère de l’Équipement On peut imaginer une gérance spécialisée dans l’international qui s’occupe de tout : recrutement, sélection, affectation et information. C’est un débat interne en ce moment. À l’Équipement, cela s’appelle “ le guichet ”. Pierre Richez À l’Agriculture, cela s’appelle l’inspection générale de coopération technique, qui gère 300 personnes. Anonyme Il faut que cette structure soit capable de conceptualiser les orientations, les évolutions, les priorités et par conséquent de faire une GRH directement axée sur la modernisation des concepts. La diffusion de l’information arrive en fin de parcours. L’étape initiale, c’est la motivation des personnes. Pour beaucoup, l’étranger représente l’Eldorado, mais dès qu’on cherche des candidats, il n’y a plus personne ! Il faut savoir quel message leur faire passer. Si on le formalise et si on l’explicite, on trouvera plus facilement des personnes avec le bon profil. Pierre Richez Existe-t-il une durée optimale d’un séjour à l’international ? Anonyme Deux à trois ans. Anonyme C’est l’exemple-type du faux problème et cela n’a rien à voir avec l’international, c’est une question de mobilité ! Ces règles sautent toujours quand on rencontre la personne idoine. Certaines personnes ont vocation à faire carrière à l’international, mais beaucoup seront tellement habituées à un certain type de vie et de rémunération que personne ne trouvera de solution de type administratif pour qu’elles ne soient pas frustrées dans le système français. Anonyme Au bout de dix ans, quelle que soit la situation, la personne doit rentrer. Anonyme Au ministère de l’Intérieur, pour la Police, la durée est fixée à deux fois trois ans. Pierre Richez

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Pour gérer une carrière dynamique, il faut passer par deux, trois structures différentes, mais ça n’est pas propre à l’international. Faire toute sa carrière à l’Agriculture sera moins apprécié que quelques passages ailleurs, dont l’international. Est-ce valorisant ? Anonyme Ça peut le devenir. Mais aujourd’hui, ça ne l’est pas. Anonyme Pour certains, l’international est surtout un moyen de gagner un peu d’argent et de faire autre chose. Mais cela va changer : une partie de la nouvelle génération en juge autrement... Anonyme C’est un cliché de dire que les organisations internationales paient bien! Anonyme N’est-ce pas au moins un enrichissement sur le plan professionnel ? Il faudrait quand même que l’administration le reconnaisse ! Anonyme Il faut aussi considérer le niveau de compétence demandé… Fonctionnaire, ce n’est pas une sinécure, mais un vrai travail, à l’international ou pas.

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ATELIER 2 : Quelles stratégies et quelle organisation de l’administration pour une gestion efficace de la présence internationale de la France ? Animation : Thierry Le Roy, délégué aux Affaires internationales, direction générale de l’administration, ministère de l’Intérieur. Thierry Le Roy Les affaires internationales sont un service horizontal nouveau du ministère de l’Intérieur. J’en suis le délégué depuis deux ans. L’Intérieur n’est pas par définition un ministère de l’international, et pourtant il existe des strates historiques de projection internationale de ce ministère : . La coopération opérationnelle des services de police avec leurs voisins (expertise policière, organismes judiciaires, police des frontières). En ont découlé les officiers de liaison qui existent dans plusieurs branches de la police. Cela se développe encore (Interpol, Europol) dans des structures internationales. . La coopération technique, commune à presque tous les ministères, née de la décolonisation. L’Afrique reste prépondérante dans le réseau international du ministère de l’Intérieur (attachés de police). La police nationale est maintenant représentée dans 60 pays. Nous menons notamment en Europe centrale et orientale des programmes bilatéraux et multilatéraux. . La coopération institutionnelle, plus nouvelle. Elle implique de travailler dans des organisations comme l’Union européenne, l’ONU, et se prolonge sur le plan bilatéral via une présence dans tous les pays européens. Des gens du ministère de l’Intérieur sont en fonction para-diplomatique dans les réseaux des ambassades. Nous connaissons à ce propos des problèmes de formation et de langue. Les enjeux ont évolué : il ne s’agit plus seulement d’assurer la sécurité intérieure de la France. Nous raisonnons maintenant en termes de diffusion du modèle français. Il serait par exemple bénéfique pour la France que les pays d’Europe centrale-orientale adoptent des schémas de fonctionnement proches du schéma français. Le secteur du ministère de l’Intérieur produit une activité économique, entraînée par les coopérations techniques ou institutionnelles. Dans le cadre des coopérations, nous avons créé des missions à plein temps de fonctionnaires détachés, de 200 à 250 personnes parfois, sur des postes multilatéraux. Il existe aussi des missions courtes. Cela suppose une ingénierie effroyablement complexe. Quand doit-on représenter le ministère de l’Intérieur à l’étranger ? En fait, quand cela se justifie par une spécificité professionnelle particulière: quand il est question de sécurité intérieure, par exemple. S’il s’agit de besoins liés à la coopération administrative, au contraire, on s’associe aux services de la coopération sur place. Cela dit, l’existence d’un réseau policier spécialisé, lié aux enjeux de sécurité intérieure, nous pose un problème d’interface avec les autres réseaux spécialisés dans ce domaine : les gendarmes, les douaniers. Cela doit exister dans d’autres ministères. Autre problème, la coexistence chez nous de plusieurs réseaux variés: le service de coopération généraliste gouverne un réseau d’attachés de police, chaque direction de la police spécialisée (PJ, frontières, DST) dispose de son réseau d’officiers de police spécialisés... Intégrer ces réseaux est une entreprise que nous menons depuis dix ans et qui n’est pas achevée. Tous les ministères à effectifs nombreux connaissent ces situations bizarres et très difficiles à gérer. Sans oublier le problème de l’implantation géographique, auquel nous réfléchissons actuellement dans la mesure où les circonstances historiques ont fait décroître notre présence en Afrique pour l’augmenter en Europe.

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Une dernière difficulté que nous avons, c’est d’exprimer nos objectifs. Nous envoyons la plupart des agents à l’étranger sans nous donner vraiment la peine de leur dire ce que nous attendons d’eux. La lettre de mission n’existe pas. Nous sommes très en deçà de notre tâche. Nous y remédions par quelques méthodes classiques (réunions à Paris). Conclusion : notre présence à l’international est très faible et la bataille pour gagner en influence dans les organisations internationales n’est pas un objectif vraiment pris en compte. M. Montaville, adjoint au directeur des affaires internationales de l’Assistance Publique de Paris Je suis un peu frustré par l’étroitesse du débat de ce matin si l’on songe à l’intitulé de la journée. Les Hôpitaux de Paris comptent 80 000 personnes et ne détachent personne à l’international. Mais si l’on parle en termes de présence française, nous sommes présents et pouvons l’être plus encore sur des courtes durées et pas forcément au sein d’organisations internationales. Notre expertise dans des secteurs prioritaires rend la présence française importante et utile. Mlle Le Chevalier, La Poste Je suis d’accord avec cette remarque, j’ai été choquée ce matin par cette vision réductrice de l’administration de la présence française à l’international. Aujourd’hui, nous avons besoin de réponses pour continuer à employer des fonctionnaires et à trouver les moyens d’exporter des professionnels de la Poste dans des points d’implantation internationale. La fonction publique française devrait profiter de cette demande pour essayer d’enrichir les outils qu’elle met à disposition de ses administrations. M. Rouard, Inspection générale de l’Agriculture Historiquement, la présence de l’Agriculture à l’international s’est faite par la coopération technique, tournée vers l’Afrique dans un premier temps… Notre présence se traduit essentiellement par la mise à disposition d’experts sur une longue durée et sur appel à candidatures. Je voudrais insister sur d’autres formes de coopération : . L’enseignement agricole a, parmi ses missions, une coopération internationale qui a créé un réseau d’établissements d’enseignement agricole très important dans plusieurs pays. Nous suivons par exemple: . Le développement de l’aide aux pays d’Europe centrale et orientale qui implique un changement d'orientation. Nous devons repenser notre choix d’experts en fonction de la pluridisciplinarité des composants du ministère. -le financement indirect des actions d’accompagnement que mènent les associations de développement et d'animation, les ONG et les organisations professionnelles (chaque caisse de mutuelle sociale agricole polonaise est jumelée avec une caisse française, les gens de l’Agriculture sont très présents en Pologne), les foyers ruraux… Ces relais du monde associatif et des ONG est fondamental pour la présence française à l'international. Nous devons nous appuyer sur eux et cela n’a pas été évoqué ce matin. M. Meitinger, chef d’établissement d’enseignement secondaire au ministère de l’Éducation Nationale, détaché à quatre reprises auprès du ministère des Affaires étrangères pour occuper des emplois d’attaché linguistique et de coopération éducative, actuellement délégué académique aux relations internationales et à la coopération au rectorat de l’Académie de Paris. L’action internationale du ministère de l’Education nationale est multiforme, et la délégation à la relation internationale et à la coopération que je représente a une mission transversale qui couvre également le domaine de la recherche et de la technologie. . Nous sommes présents à l’international dans le cadre d’établissements (enseignement supérieur, secondaire) qui peuvent avoir des relations de coopération ou d’échanges scolaires paritaires réguliers. Nous sommes également présents au travers d’une coopération institutionnelle qui prend différentes formes, soit de coopération dans le cadre européen avec nos partenaires, soit de représentation auprès d’organisations internationales (OCDE, UNESCO).

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La grande majorité des crédits identifiables dans le budget de l’Etat relèvent du ministère des Affaires étrangères. Mais si l’on prend en compte le poids financier de 120 000 étudiants d’enseignement supérieur, et que l’on évalue à 45 000 F le coût annuel d’un étudiant étranger dans nos établissements, on s’aperçoit que la contribution du ministère de l’Éducation Nationale à l’action internationale de la France est considérable. Elle l’est aussi par la présence de ses membres fréquemment détachés auprès du ministère des Affaires Étrangères pour exercer leurs fonctions à l’étranger, ou mis à disposition auprès d’organisations internationales. L’Éducation Nationale a pris pleinement conscience de l’importance de son rôle international depuis peu de temps. Cela s’est traduit par un effort d’organisation important. Tous les rectorats ont été invités à se doter d’un ou de plusieurs chargés de mission spécialement orientés vers l’action internationale. En outre, au sein du ministère, la délégation de l’action internationale s’est accrue pendant qu’on mettait en place dans chaque direction technique un correspondant « relations internationales ». L’Éducation nationale a également participé, en coopération avec le ministère des Affaires étrangères, à la présélection des personnels envoyés en poste à l’étranger en détachement dans les ambassades au sein des services culturels et de coopération, qui sont pour une large part composés d’agents de notre ministère. Voilà le résultat des efforts entrepris depuis 5 ans pour donner au ministère le rayonnement international qui correspond à son importance dans l’ordre intérieur français. M. Piet, directeur adjoint de l’ENA Il a fallu attendre la fin de matinée pour entendre parler de formation, or c’est important ! Je suis également étonné qu’on reste dans une logique administrative, franco-française, sans véritablement se donner le temps de regarder l’articulation public-privé: je n’ai pas entendu jusque-là le mot « opérateur ». Or nous sommes dans un monde où l’argent est roi. En ce qui concerne l’ENA, par exemple, 50 % des actions internationales se font avec des financements extra nationaux ou privés. Si l’on veut échapper aux contraintes budgétaires, il faut s’intégrer dans des logiques moins administratives. Anonyme Il y a eu naguère une mission interministérielle dans les pays de l’Est qui a échoué, un vieux projet d’agence interministérielle qui n’a pas réussi à voir le jour... mais le besoin de coordination entre ministères demeure. Comment diffuser ce qui se fait ? Est-on capable d’indiquer, en France, le budget consolidé de la présence française à l’international ? Quelle est l’addition de nos efforts ? Est-on capable de définir notre budget constitué de l’an prochain ? Anonyme Pour répondre au directeur adjoint de l’ENA concernant les opérateurs et la diversification des financements du côté du bilatéral, je signale que l’enquête annuelle du comité interministériel des moyens de l’État (CIME) à l’étranger a pour but de répondre à ce genre de questions. Anonyme Le dispositif du CIME a été construit dans une optique très budgétaire. On additionne les chiffres de financement alors que tous les destinataires aimeraient bien avoir la même chose en termes physiques. M. Robert, chargé de mission au service des RH au ministère de l’Emploi et de la Solidarité Au sein de mon ministère, la stratégie concernant l’action internationale relève de la délégation des affaires européennes et internationales, et la mise en route des agents relève du service du personnel. Nous avons un petit réseau à l’étranger (12 postes), chaque agent cumulant les compétences Emploi et Solidarité. À deux exceptions justifiées : Bruxelles et Washington, qui comptent chacun deux agents. Nous essayons de renforcer ce réseau à la fois quantitativement et qualitativement en développant la surface géographique de certains postes. Nous avons une présence peu importante mais réelle dans un certain nombre d’organisations internationales. Il s’agit en général de mises à disposition, même si nous n’aimons pas beaucoup cette

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solution. Côté Emploi, le groupement d’intérêt public (le GIP Inter) est très intéressant. Il permet des missions (en Europe centrale et orientale, entre autres) et une coopération hospitalière. Nous rencontrons les problèmes suivants : . mettre la bonne personne au bon endroit , . assurer un retour sur investissement pour l’administration et pour l’agent dans son suivi de carrière, . pallier l’inadaptation fréquente des textes de la Fonction Publique, notamment pour les missions de très courte durée qui relèvent de l’humanitaire et ne sont pas forcément une commande de l’administration mais représentent néanmoins un intérêt public. Nous sommes très gênés d’avoir à donner à l’agent la réponse administrative-type : “ prenez sur vos congés ”. Des discussions ont eu lieu il y a quelques années, notamment dans le groupe « permanence », pour rechercher des dispositifs permettant de mieux accompagner les missions des agents à l’étranger. Je crois que nous devrions à nouveau réfléchir collectivement. M. Van Ackere, contrôleur des armées La présence française à l’international comporte 3 strates : 1 l’État (la formation) 2 les partenaires (collectivités locales, établissements publics, associations, ONG, secteur privé) 2. les organisations internationales. Les organisations internationales constituent une sorte de marché. Elles représentent l’offre. Les fonctionnaires, la demande. Conclusion : il faut un régulateur, car l’offre et la demande ne se rencontrent pas forcément. Ce régulateur peut appartenir soit aux Affaires Ètrangères, soit à la DGAFP. Cette fonction serait utile : une fois abordée une approche stratégique de la présence française, le régulateur aiderait à effectuer le bon choix. Bien souvent, les fonctionnaires français vont dans des postes internationaux un peu au hasard. Certains veulent passer leur soirée dans un mausolée, d’autres ont une maîtresse à Bruxelles... Inversement, les postes internationaux servent à se débarrasser d’un fonctionnaire dont on ne sait que faire, comme un lot de consolation. Cela porte préjudice à la France. Je pense à l’exemple d’une organisation internationale qui compte 5 postes de secrétaires généraux adjoints, dont 4 sont importants et le cinquième marginal. La France a pris le cinquième, poste inutile. Et, maintenant, elle n’a plus accès à d’autres postes de cette organisation internationale sous prétexte qu’elle a déjà un secrétaire général ! Il serait intéressant de mettre sur une grande table un organigramme avec les organisations internationales importantes pour la France et de savoir où sont les postes intéressants. On pourrait ainsi procéder à une présélection : par exemple, une fois listés tous mes cadres, j’adresserais des propositions de poste à ceux que j’estimerais être vraiment en mesure de tenir ces postes. Pourquoi ne pas publier largement ces offres à tous ? Parce que, lorsqu’un Français se porte candidat à un poste pour lequel il n’est manifestement pas fait, et qu’il se représente six mois après pour un autre (parce que l’on croit en France, contrairement aux autres pays, à la polyvalence), il perd de la crédibilité. Dans cette optique, le régulateur aurait une fonction de présélection, mais aussi d’amicale pression pour décourager les fonctionnaires qui voudraient se porter candidat sur un poste sans en avoir le profil. Il pourrait être en mesure de leur offrir une compensation, dans une autre organisation par exemple. Voilà pour l’approche stratégique et la manière de s’y prendre. Il me semble également intéressant de monter des formations légères pour accompagner les candidats à un poste. Un exemple : pour l’OTAN, j’avais organisé une formation suivie d’oraux et d’écrits blancs pour les Français qui s’apprêtaient à affronter le jury de l’organisation internationale. Mme Ducret, attachée d’administration, chargée de mission à la mission des affaires internationales de la direction du tourisme du secrétariat d’État au Tourisme. Je voudrais évoquer l’Institut du tourisme, qui souffre d’un manque de reconnaissance alors que son action - travailler sur le marché étranger pour faire venir les touristes - joue un rôle dans le

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rayonnement de la France. Il faudrait aussi favoriser l’exportation d’ingénierie touristique française dans le cadre d’une autre structure GIP : l’agence française d’ingénierie touristique. Il faudrait aussi mieux connaître les organisations internationales et leur politique, essayer de les infléchir quelquefois et répondre à une demande de coopération sectorielle sur un secteur comme le tourisme qui connaît une forte croissance internationale. M. Andrieux, délégué pour l’action extérieure des collectivités locales au ministère des Affaires Étrangères, secrétaire de la Commission nationale de la coopération décentralisée. Nos collectivités locales font beaucoup de choses et, ce matin, elles n’étaient pas invitées. Nous avons eu un réflexe d’Etat, non un réflexe de fonction publique. C’est une erreur grave. L’action internationale est devenue une réalité dans les collectivités locales, qui y consacrent plus de 1 million de F., dans des conditions plus économes et plus efficaces que les interventions de l’Etat. Au total, 2600 collectivités locales sont engagées dans une action prévue par une loi qui, au début, n’a pas suscité l’enthousiasme de l’Etat : le corps diplomatique y était plutôt défavorable. Mais l’atmosphère a changé et cette loi est l’une des plus libres du monde. Les collectivités travaillent en étroite coopération avec l’Etat et en coordination, dans le contact qu’elles ont sur le terrain, avec les directives de nos ambassadeurs. Elles s’inscrivent avec nous dans le cadre de cette nouvelle réalité européenne qui remplace la rivalité entre voisins par l’échange: mieux connaître ce qui se fait à côté pour être nous-mêmes plus efficaces. Les collectivités locales représentent un terreau considérable. Je demande qu’on ne fasse plus de réunion comme celle-ci sans inviter le CNFPT. Un tel oubli est inacceptable. Anonyme Il faut mettre aussi l’accent sur les projets. Les collaborations internationales se traduisent par la conduite d’actions en coopération avec les collectivités territoriales et à l’aide des fonds européens. Il existe deux types d’action : 1 Celles en direction des programmes européens. Nous avons là besoin de conseil, de rapidité et de savoir-faire. 2 Celles au niveau international. Il s’agit d’implanter un tissu économique à l’étranger à l’aide de nos collectivités territoriales et de favoriser le rayonnement de la France, en partenariat avec l’Etat. M. Montaville, Assistance Publique de Paris Élargissons le sujet à la fonction publique hospitalière. Nous n’avons pas le droit d’utiliser un seul franc des budgets hospitaliers pour faire de la coopération internationale. Nous allons donc chercher de l’argent ailleurs. Nous avons des fonds pour les affaires étrangères. Nous utilisons énormément de prestations en nature (formation, vivier, missions de courte durée). D’ailleurs, du fait d’une très forte demande de la part de l’étranger et des institutions internationales (prêtes à dépenser de manière croissante pour la santé), nous allons devoir passer à la vitesse supérieure. Il nous faut une organisation claire, transparente, qui permette de reproduire nos actions, y compris en partenariat avec le public et le privé. Nous participons à un certain nombre de projets européens, mais sous des appels d’offre restreints. Pour passer un appel d’offre international ouvert, nous devons passer des contrats avec des cabinets-conseil... Un flou juridique et administratif entoure actuellement ces questions qui pourtant me semblent constituer un enjeu majeur de notre présence et de l’expertise française dans le domaine de la santé en général et hospitalier en particulier. De nombreux financements internationaux sont disponibles, toutes les directions générales de l’Union européenne comportent un volet santé... Nous devons organiser notre présence dans la durée. Anonyme Il faut une stratégie pour chaque spécialité : la France dans le domaine de l’éducation, la France dans le domaine de la santé, etc., et des stratégies lisibles, reliées et articulées entre elles, qui assignent à chaque acteur son rôle dans le cadre de son domaine. Une fois cela acquis, à la limite, nos partenaires se fichent de savoir d’où vient la coopération. Anonyme

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La France a un potentiel extraordinaire représenté par l’ensemble des ministères, des collectivités locales et du tissu associatif. Mais comment trouve-t-on, lorsque la demande existe, les compétences dont on a besoin ? La question se pose de l’organisation de cette recherche et de la formation. M. Piet, ENA Il semble que la quête de nouveaux crédits et de nouvelles « assises » possibles pour nos experts traduisent une gêne générale, une difficulté que nous avons à nous vendre. Nos habitudes de penser en termes de service public et de fonction publique s’avèrent sans doute tout aussi séduisantes pour nos partenaires que freinantes pour nous-mêmes tant que nous n’aurons pas trouvé comment mieux nous projeter. Anonyme Deux éléments sont importants dans ce débat : 1 la notion de présence française, 2 la notion de coopération. Notre métier, c’est de coopérer, de faire progresser les pays dans lesquels nous intervenons, de ne pas calquer un modèle mais d’aider au développement. La présence française, c’est aussi cela, et pas seulement défendre les intérêts de la France. Anonyme Mes propositions au rapporteur : créer un club où l’on se rencontre tous les mois, un petit bulletin, des crédits pour apprendre les langues.

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ATELIER 3 : Comment optimiser le déroulement de carrière des fonctionnaires français à l’international ? Animateur : Thierry Duclaux, sous-directeur de la gestion des personnels d’encadrement, direction du personnel et des services, ministère de l’Équipement. Thierry Duclaux : Quelques mots sur l’expérience du ministère de l’Equipement. A l’international, 95 % de nos agents ont une formation d’ingénieur. Ils travaillent dans de multiples organismes. Nous essayons de faire gérer simplement ces carrières internationales par un "tandem" associant un responsable des carrières de la direction du personnel et un responsable à la DAEI (direction de l’action économique et internationale) qui définit la stratégie à l’international. Nous avons réparti les rôles avec un guichet unique. Chacun contribue au placement des fonctionnaires si possible sur des postes jugés stratégiques. Les 2/3 des postes à l’international sont passés par ce guichet, volontairement ou non. Un conseil d’orientation et de suivi du personnel chargé de l’ensemble de la problématique (stratégie, nombre de personnes à placer, sites, gestion...) a été mis en place et d’autres ministères y étaient invités. Ce conseil ne s’est pas réuni depuis trois ans. Il a produit de très nombreux dossiers intéressants, peu ont été concrétisés. Évoquons aussi la mise en mouvement d’une mission d’inspection qui va à la rencontre des expatriés. Un expatrié rencontre les inspecteurs tous les trois ou quatre ans. Certains, compte tenu de l’éloignement géographique, échappent au système. Comment avoir un réseau international ? C’est la question stratégique du ministère qui doit tenir compte d’une gestion individuelle forte, d’un placement dans des postes qui ne sont pas au cœur de cible et de difficultés dans l’échange d’informations. Autre question : la déontologie. Tout objectif prédéfini, tout contact maintenu pose problème. Certains organismes comme la Banque mondiale ont une charte de déontologie stricte. Anonyme, direction générale de l’Armement Je travaille pour l’armement, j’ai été expatrié deux fois. On nous a demandé de réfléchir à la création d’une cellule d’affectation internationale. A l’issue de cette réflexion, un problème est apparu que je n’ai pas encore entendu citer aujourd’hui: celui de l’environnement familial du fonctionnaire qui part à l’étranger. On ne gère pas du tout cette situation familiale, on prend uniquement en compte les compétences techniques des agents. Or, très souvent le conjoint du fonctionnaire est obligé d’arrêter son emploi pour le suivre, et cela pose des problèmes de revenu et de réinsertion au retour. Peu d’administrations envisagent cette dimension. La DGA a créé des clubs de réflexion qui essaient de la prendre en compte. Sinon, sachant que beaucoup d’agents connaissent des moments où ils ne peuvent pas partir à cause de la famille, de l’éducation des enfants, le résultat c’est qu’on retrouve toujours les mêmes candidats à l’international. On croit qu’ils sont nombreux, en fait ce sont à 80 % toujours les mêmes. Il n’y a pas d’enrichissement, pas de sang neuf.

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Anonyme, Secrétariat d’Etat au Tourisme Le Secrétariat d’Etat au Tourisme a affecté à "Maisons de la France" (groupement économique chargé de la promotion de la France touristique à l’étranger) 70 personnes contractuelles, dont 45 expatriés. Ces derniers rejoignent des structures existantes (services extérieurs du tourisme à l’étranger). Pour nous, la question de la famille est importante et nous leur apportons le plus d’informations possibles sur le pays de destination: les écoles, le coût du logement, la façon de le trouver, etc. À part ces informations, nous avons peu de moyens à notre disposition pour régler cette question. Chez nous, cela dit, le problème concerne davantage le retour et la mobilité des expatriés et des contractuels. M.Guyot, Fonction publique, CGC C’est un problème de décision politique : soit l'on décide de faire un effort à l’international et l’on est capable d’y mettre les moyens financiers, soit l'on considère que c’est une fuite vers l’extérieur et que l’agent va passer des “ vacances à l’étranger ”. Certaines administrations ne sont pas loin de le penser. L’agent gère alors lui-même son départ comme son retour, en free-lance. Moi qui ai été gestionnaire de personnel, je peux vous dire que l’administration ne demande que ça. Les questions familiales interdisent en effet à certaines personnes de partir à certains moments de leur carrière, même si elles en ont envie. Nous avons connu des politiques volontaristes en matière de délocalisation : on n’a pas hésité à "mettre le paquet" au niveau des primes, même pour les conjoints qui perdaient leur travail. Il faut le faire sinon on considère que la présence de la France à l’étranger est une chose minoritaire. M. Thiant, ministère des Affaires Ètrangères Le ministère des Affaires Ètrangères est confronté, plus que les autres, à ce genre de problème, puisque les gens y sont tous appelés à se déplacer. Si on se limite au retour de fonctionnaires internationaux, c’est assez simple : cela représente peu de personnes et peut se gérer politiquement, au sens où ces personnes partent avec une autorisation du gouvernement. En revanche, au moment du départ, le problème des familles est important. Il nous semble difficile de trouver un emploi pour la femme qui part avec son mari. Et s’il faut faire un effort financier pour les gens qui ont des enfants, cela conduira à privilégier les célibataires sans enfants. Quant aux contractuels, une fois leur contrat arrivé à échéance, ils n’ont qu’une idée : rester ! L’investissement fait sur eux est alors perdu. J’ai en tête l’exemple d’un contractuel entré à l’OMS et qui n’avait qu’une idée : préparer la fin de son contrat. Comme il était père de famille, on pouvait difficilement lui demander de rentrer alors qu’on n’avait plus besoin de lui à Genève. On se retrouve ainsi dans des secteurs d’activité dont on voudrait se retirer avec des gens qu’on laisse en poste pour des raisons humaines. Anonyme, ministère de l’Éducation Nationale On nous parle d’optimiser des mouvements de carrière. Comment faire pour que la personne qui parte soit la meilleure possible ? Qu’elle fournisse le meilleur travail dans les meilleures conditions ? À cette notion de plus-value, il faut ajouter celle d’évaluation : comment savoir si cette personne s’est améliorée? Or, nous n’avons pas la culture de l’évaluation. À côté de nos partenaires européens, nous sommes les derniers de la classe. Alors que nombre de projets européens ont pour thème la capacité de l’administration à évaluer son rendement et la qualité de ses fonctionnaires, les Français sont restés très en recul. Les agents ont du mal à identifier ce qu’on attend d’eux. L’idée que la carrière n’est pas mise entre parenthèses mais continue normalement n’est pas si commune. Combien vous diront que la carrière ne reprend vraiment qu’au retour ? C’est un discours connu des couloirs des administrations. Or, la personne ne devrait pas être pénalisée au retour parce qu’elle a été à l’écart du centre du pouvoir. Les DRH soucieuses d’échapper à cette contrainte gèrent les gens différemment selon qu’ils sont dans les murs ou hors des murs. Il faudrait partir de ces notions de profil de départ et de gestion de la carrière pendant l’expatriation, pour gérer le retour . Après 25 ans d’affaires étrangères, quand j’ai dû rentrer, je me suis débrouillé tout seul. Cela m’a pris 15 mois.

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Anonyme Une de nos idées est d’inciter chaque futur expatrié à faire le point avant de partir. Que cherche-t-il dans ce départ à l’étranger par rapport à sa carrière ? Veut-il, pense-t-il revenir ? Nous avons avec lui un entretien qui n’engage personne, mais qui permet d’avoir un point partagé dès le départ. C’est nécessaire compte tenu du nombre de gens qui s’autogèrent dès le départ. Il est alors très difficile d’avoir des contacts avec eux et de les gérer au retour même s’il n’est pas question de limiter l’initiative individuelle qui est un moteur fort d’une carrière… Anonyme, ministère de l’Éducation Nationale Je reviens sur la notion d’évaluation. Si l’on n’est pas capable d’évaluer la qualité des gens et de leur travail, on ne peut pas évaluer les conditions dans lesquelles ils vont revenir. La pire des choses est de redonner son poste à un agent à son retour de l’étranger. À l’expatriation, il a acquis des savoirs que nous devons être en mesure d’utiliser. Anonyme Cela suppose que l’administration soit capable de définir ses besoins prévisionnels pour pouvoir préparer ces gens. Or, force est de constater qu’il y a des lacunes dans ce domaine. Nous sommes réactifs, nous essayons de créer un poste quand il y a une urgence, et du coup nous n’avons pas le temps d’évaluer le personnel et de le préparer… Anonyme, ministère de l’Éducation Nationale Avez-vous, dans les autres administrations, un vivier actif qui permette de répondre rapidement à telle proposition de poste ? On est souvent en retard par rapport à des pays comme l’Angleterre, l’Italie, les Pays-Bas, capables de trouver en 48 heures un candidat répondant au profil. À l’Éducation Nationale, on a beaucoup de mal à constituer ce vivier d’experts (enseignants, chercheurs, universitaires, corps d’inspection). Pour arriver à savoir qui peut faire quoi, qui parle deux langues, qui est prêt à partir, qui préfère rester dans sa Bretagne natale, on perd un temps fou et on augmente les risques de faire des erreurs en envoyant au dernier moment quelqu’un qui n’a pas le profil. Ce fichier me paraît indispensable. Une administration le possède t-il ? Anonyme, ministère de l’Économie et des Finances Pour avoir travaillé cinq ans sur des questions de fonction publique internationale, la première chose qui me frappe dans l’administration française en général, c’est qu’elle n’a pas de stratégie d’ensemble et pas de stratégie politique cohérente à l’égard des organisations internationales. L’approche est empirique et peut produire des résultats. L’exemple de ce comité créé et pas réuni depuis trois ans démontre qu’il existe des initiatives en avance par rapport à certaines autres administrations mais qu’il y a beaucoup de difficultés à mettre du liant dans cette volonté stratégique. Dès lors qu’on aura déterminé des objectifs et des orientations, il faudra les remplir grâce à des personnes qui seront des vecteurs de la présence française. Il existe de multiples moyens d’employer ces personnes : mise à disposition, détachement, etc. On peut souhaiter que ces personnes restent à longtemps dans ces organisations et deviennent des correspondants capables d’assurer un retour d’informations pour l’administration et de promouvoir nos méthodes et nos idées. Capables aussi de nous permettre d’anticiper un certain nombre d‘événements et facteurs, de nous prévenir quand la France choisit une mauvaise orientation par rapport à l’international. M. Pougnaud, conseiller technique du délégué pour l'action extérieure des collectivités locales, Affaires étrangères Il est souhaitable que l’ensemble des acteurs concernés se mobilisent : les DRH, les Affaires Étrangères, les organisations syndicales (les Commissions paritaires jouent un rôle majeur dans la gestion des carrières). Pour avoir été DRH à l’international et au national, je sais que ce n’est pas toujours le président de la Commission paritaire qui prend les décisions seul et qu’on écoute parfois les organisations syndicales. Les personnes qui choisissent l’international ne sont pas obligées de savoir au départ si elles choisissent une expatriation longue ou courte. Il faut que le phénomène de la

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parenthèse disparaisse au profit d’une continuité de carrière, sans susciter ni envie ni mépris. Il faut abolir les fantasmes (voyage, tourisme, désir de fuite,…). La carrière comporte des éléments imprévisibles mais il faut garder des points de contact. Les GRH doivent avoir un tableau de bord faisant apparaître ces détachés d’une manière aussi exacte que les agents mis à disposition ou en activité de service. Le seul rapport entre les administrations et les expatriés ne doit pas être un rapport d’inspection, ni l’envoi de rappels pour pension (il serait d’ailleurs souhaitable que nos collègues expatriés soient mieux renseignés sur la manière de s’acquitter de leurs retenues pour pension). Les problèmes statutaires : je ne pense pas que le statut général bloque beaucoup les affectations à l’international. Les statuts de 1983/1984 ont apporté de la souplesse en introduisant une nouveauté statutaire, la mise à disposition. Mais ils ont manqué un virage : le traitement des missions de moyenne durée. On sait très bien qu’envoyer un fonctionnaire en mission coûte cher pour des courtes durées. On sait détacher avec des inconvénients, on ne sait pas déléguer un collègue six ou neuf mois, sauf peut-être au Conseil d’Etat, à la Cour des Comptes, à l’Inspection des Finances. Il est souhaitable de savoir le faire partout. Qu’on nous donne une position qui manque dans le dispositif français, lequel manque d’ambition et fait rire nos collègues étrangers quand on leur dit que ça n’existe pas. La valorisation de carrière n’a rien à voir avec une histoire financière. Le travail à l’étranger est difficile et le fonctionnaire, même s’il ne souhaite pas revenir, doit être informé régulièrement sur la situation de son pays. Les fonctionnaires internationaux manquent d’information sur l’évolution de l’administration française. Recevoir par e-mail des nouvelles du bercail n’est pas un obstacle à la déontologie! Toujours en termes déontologiques, il ne faut ni tomber dans l’angélisme ni se mettre aux ordres d’un pouvoir national, mais savoir éviter la "surcompensation", c’est-à-dire la tendance des fonctionnaires français à écouter tout ce que leur dira un étranger, tandis qu’ils croient risquer la confusion d’intérêt ou le trafic d’influence dès qu’un Français leur parle. Il faut revenir à la neutralité pure et insister sur le fait qu’il n’est pas suspect de recevoir un Français ou de lire des documents français. Il faut aussi travailler avec les francophones qui sont dans ces organismes. Anonyme En 1988/1989, Serge Vallemont, au ministère de l’Équipement, avait déjà posé cette question : peut-on répondre, en 24 h ou 48 h, à une demande précise de candidature internationale ? Existe-t-il un recueil des informations sur les fonctionnaires permettant de satisfaire immédiatement cette demande ? Comme ce n’était pas tout à fait le cas -nous ne savons toujours pas aujourd'hui quelles langues parlent nos fonctionnaires!- nous avons eu l’idée de rajouter, en accord avec les candidats, un certain nombre d’informations au système de gestion informatisée, pour donner aux chargés de mission un outil de gestion d'un vivier. Pour autant, la gestion prévisionnelle doit rester présente : il faut se demander dès l'amont où l'on placera les gens de ce vivier trois ou quatre ans plus tard. Si les systèmes informatisés ne peuvent intégrer ces informations-là, on risque d’avoir du mal à améliorer la phase préalable aux départs. Quant à la phase "pendant", elle pourrait être alimentée par l’e-mail. On pourrait créer un contact, une information : “ Quelles difficultés avez-vous rencontrées ? ”.Ou encore, une sorte de forum où demander aux gens “ si c’était à refaire ? ”, ou bien donner des conseils. Aujourd’hui les outils existent. Encore faut-il les mettre en place. Anonyme On va passer beaucoup de temps à chercher la personne idéale pour l’envoyer à l’international. Et quand elle va revenir, on ne va pas savoir qu’en faire! C’est tout de même paradoxal : on met la perle rare à l’international, et à son retour, on en fait quoi ? Là se pose la question de la durée du séjour. Au bout de 15 ans, c’est un martien qui revient ! Il a disparu, les syndicats ne le jugent plus compétent. Si l’international est un passage dans une carrière, il y a toute une stratégie à développer. Anonyme Il me semble que la DGAFP a un grand rôle à jouer. Elle a sous son autorité un grand nombre d’écoles. Elle peut donc, dès la formation initiale, pré-gérer un vivier. On connaît tous des gens qui voulaient aller à l’international lors de leurs études. Il faudrait ne pas les perdre. De même, les

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ministères ont eux aussi des écoles où ils peuvent aller se “servir” (Équipement, Industrie) pour faire un petit vivier. Autre problème : 40 % des offres d’emploi du petit bouquin du ministère des Affaires Étrangères sont pour des GRH. Or, les GRH compétents au niveau international, on en manque déjà en France! Quant aux compétences, elles sont visibles si on veut bien les chercher : il suffit de demander. Or, on ne le fait pas encore: des études de chinois peuvent être absentes du CV.... C’est là qu’il faut agir. Anonyme Le ministère de la Défense propose une durée de trois ans à l’international. La première année, on apprend son travail ; la seconde année, on est opérationnel ; la troisième année on lève le pied parce qu’on pense au retour. Il faudrait trouver un juste milieu, ne pas être dogmatique en faisant rentrer systématiquement les gens parce qu’ils arrivent à la fin de la durée fixée par l’administration centrale. Anonyme Beaucoup de candidats veulent partir. Ceux qui le veulent vraiment partent. Ils ont parfois attendu un, deux, trois ans, mais ils sont partis. Ceux qui ont laissé tomber en cours de route n’avaient pas la volonté. Cela pose le problème de l’autogestion de sa carrière. Anonyme Il y a 250 000 personnes dans ma direction et pourtant les candidats à l’international sont très peu nombreux et ce sont toujours les mêmes. Une fois que les gens sont hors murs, on les oublie, aussi bien pour l’information globale que pour la gestion de leur carrière. Lorsqu’ils reviennent, on se dit : “ Maintenant qu’ils sont partis à l’étranger, on peut les mettre en Seine-St-Denis, ça les aidera à changer de bronzage ! ”. La difficulté est là : on ne sait pas valoriser. Il faut trouver des conseils, des tuteurs et des correspondants. On essaie d’y travailler avec l’Inspection générale. Lorsqu’elle va faire des missions à l’étranger, elle rencontre des gens dont on ignore ce qu’ils font, qui ne sont pas valorisés. On peut donc les évaluer et en tenir compte dans leur carrière. Il faudrait arriver à trouver le moyen d’évaluer ce service rendu, pour en tenir compte, ce qui permettra d’avoir une lisibilité et de faire appel à un vivier plus large. Anonyme Il faut que la carrière soit gérée quand on est à l’étranger, et pas gérée avec “détachement” ! L’international a cette vertu, aussi bien dans les administrations que sur le terrain, de nous obliger à regarder notre mode de fonctionnement. Il est évident que l’administration française est extrêmement morcelée et que l’international a une dimension transversale intéressante. Si le retour est décrété dans une transversalité interministérielle satisfaisante dans le cadre de la mobilité, ces compétences acquises à l’international seront utilisées au mieux. Cela implique de traiter les retours dans une conception philosophique de la capacité internationale de notre pays à gérer cette ouverture. Je l’ai vécu : quand vous rentrez de l’étranger, vous êtes un zombie, un extraterrestre, quelqu’un qu’on cerne mal. On ne se pose pas la question des compétences. L’analyse de tous les postes à l’international ouverts dans l’ensemble des administrations (conseils généraux, régionaux, municipalités) montre qu’il existe des postes de directeur intéressants. Or, les titulaires de ces postes n’ont parfois jamais mis le pied à l’étranger alors qu’ils sont chargés de gérer des gens en poste à l’étranger ! Une gestion fine du personnel impliquerait que l’on confie à des anciens expatriés la gestion de gens dont ils comprendront mieux les problèmes. Cela implique une politique concertée sur le thème de l’utilisation du potentiel que représente l’ensemble des fonctionnaires envoyés à l’étranger. Cela nous permettrait d’aller chercher dans les collectivités territoriales des gens compétents sur certains dossiers. Si l’on créait ces mouvements de va-et-vient et ces passages, on réglerait en partie le problème du retour des gens. Anonyme S’il y a des experts, ce sont bien ces gens de retour d’organisations internationales. Il faut que l’administration sache les utiliser en tant que tels.

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Je n’ai jamais vu l’administration ne pas décider de l’issue d’une CAP. Je rappelle que les CAP ne donnent que des avis et que c’est l’administration qui décide. Vu le peu des gens que cela concerne, il me semble qu’elle est apte à décider toute seule et se contenter de l’avis d’un CAP. M. Pougnaud Faites-le savoir à mes collègues directeurs de personnels pour qu’ils puissent le faire sans crainte. Anonyme, ministère de l’Éducation Nationale Tout est lié. S’il n’existe pas de vivier à la base et si on ne choisit pas un jour J pour commencer à le monter avec les personnes qui ont les qualités techniques ou linguistiques requises, on ne trouvera pas l’oiseau rare. On se rend compte que l’administration est souvent incapable de produire des chiffres précis sur sa situation, de dire quelles sont les personnes qui travaillent pour elle dans telle catégorie. Est-ce quelqu’un sait combien il y a de corps dans la fonction publique ? C’est peut-être notre péché originel : n’être pas capable, en l’an 2 000, de dire quels sont les fonctionnaires qui parlent telle langue. Cela devrait faire en principe partie de tous les critères d’identification du fonctionnaire qui permettront ensuite de l’employer au mieux au long de sa carrière. Ensuite il faut savoir si le fonctionnaire va aller dans l’organisation internationale, s’expatrier ou rester en France. L’UNESCO et l’OCDE existent : l’expatriation n’est pas toujours violente. Entre le fonctionnaire qui veut aller aux Nations-Unies à New York, quelqu’un qui aurait déjà un rang de sous-directeur, et la personne qui veut aller à Genève ou Bruxelles, il est clair que certaines suggestions ne sont pas les mêmes. Les organisations internationales interdisent les compléments de rémunération, en France aussi, alors que tous les autres pays le font, les Anglais ont un système de logement gratuit, qui sert de complément de rémunération. L’évaluation se fera d’autant mieux que le service d’origine entretient un dialogue continu avec l’agent envoyé à l’étranger. L’optimisation de sa carrière suivra naturellement. Statutairement et administrativement, une personne qui part en organisation internationale a droit à un an et demi de bonification d’ancienneté pour six ans passés. C’est la seule disposition qui existe pour le moment et c’est un peu court. Il ne s’agit pas de créer une prime pour qui revient de l’international. Il faut que la personne qui a été utile et utilisée trouve sa place sans prendre celle d’un autre. Cela doit correspondre à une politique qui associera les GRH. La durée ne doit pas être une conception préalable ou quelque chose de dogmatique, elle doit correspondre à l’orientation précise et au choix qui est fait pour pourvoir un poste en organisation internationale. Si la mission dure quatre ans, il faut que la personne puisse partir quatre ans, et pas deux ou cinq ans en détachement. Un travail est nécessaire à tous les niveaux : statutaire (prudent), gestion quotidienne, orientation générale et politique générale à l’égard des organisations. Anonyme Je retiens un point : dans les années 1980, à l’Équipement, 8 personnes sur 10 qui partaient à l’étranger étaient des personnes qui avaient déjà pris un poste à l’étranger. Peut-être que, n’étant pas gérées véritablement, repartir à l’étranger constituait pour elles la seule solution. Thierry Duclaux Abordons maintenant, dans la problématique du retour, les difficultés matérielles. Peuvent-elles expliquer certains retours en expatriation de personnes qui ne retrouvent plus en France les conditions matérielles qu’elles avaient à l’étranger ? Anonyme J’ai vécu deux fois à l’étranger. On s’adapte : quand on a plus d’argent, on dépense plus. Quand on revient en France, on dépense moins. Je constate que ça n’a pas été difficile du tout de revenir. Il suffit de se préparer à la fois intellectuellement et matériellement, mais ça se vit très bien. M. Pougnaud

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Les collègues qui reviennent ont la possibilité de réclamer un certain nombre de points fiscaux. Les systèmes sont complexes selon les organisations internationales : il peut y avoir prélèvement de l’impôt à la source ou soumission à une fiscalité nationale. Parmi les solutions : l’écrêtement d’un certain nombre de phénomènes pervers qui au moment du basculement d’une situation à une autre peuvent dissuader à cause du surcoût considérable. L’administration des Finances - c’est son intérêt qu’il y ait des fonctionnaires français à l’étranger - peut aider à créer un traitement fiscal clément pour ce genre de situation. Anonyme La quasi-totalité des revenus étant exonérés, je crois que le problème est résolu avant même de se poser. En outre, les organisations internationales prévoient des dispositifs d’accompagnement favorables permettant aux personnes de rentrer dans les foyers sans avoir de frais de déménagement. Le choc, c’est plutôt, dans la majorité des cas, avoir une rémunération inférieure à ce qu’offre le réseau diplomatique. Anonyme Le problème du retour est plus difficile pour les catégories B et C que A. Les gens qui se sont habitués à un train de vie que je qualifierais de normal à l’étranger ont des difficultés quand ils se retrouvent en France. Anonyme Les crises de retour en France peuvent être dramatiques. Personne ne s’est soucié de gérer le personnel expatrié comme tel, c’est-à-dire comme un personnel entre deux chaises, en lui répétant qu’il avait une situation donnée pour telle raison et que cette situation avait cessé. Anonyme On constate là le dysfonctionnement du ministère des Affaires Étrangères aux niveaux B et C : quand les gens rentrent, ils n’ont qu’une idée : repartir. Anonyme Il faut prévoir une préparation psychologique. Les personnes doivent être véritablement accompagnées avant leur départ, pendant leur mission à l’étranger et à leur retour. M. Pougnaud Lorsqu’on rentre d’un séjour assez long, on peut se trouver techniquement en fin de carrière, n’avoir aucune progression de revenus parce qu’on a atteint l’indice maximum (en A ou en C). Il y a un effet mécanique, que je soumets à l’imagination des gestionnaires, des NBI et autres gadgets de ce style. Le gestionnaire doit avoir cette contrainte présente à l’esprit : les agents connaissent souvent une perte financière qui, si elle survient trop tard dans la carrière, ne peut être compensée par un autre effet, alors qu’en milieu de carrière, avec une bonne gestion indemnitaire, on règle tout. Anonyme C’est pour cette raison que je suis très favorable à une limitation du temps de séjour. M. Pougnaud On doit savoir gérer un collègue quel qu’il soit dès lors qu’il garde un lien avec la fonction publique, sauf démission. On ne lui assure peut-être pas le même service, mais si on lui dit qu’après quatre ans, il n’appartient plus au cadre, on risque d’avoir un souci. Anonyme Deux stratégies coexistent : d’une part, avoir des fonctionnaires français dans la fonction publique internationale et les faire revenir chez nous avec un acquis. D'autre part, avoir le souci d’acquérir des positions durables dans certaines organisations. Certes, ces personnes ont normalement un destin dans

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ces organisations, mais des problèmes de gestion individuelle ou de quota peuvent entraîner leur démission, et elles cessent alors d’appartenir à la fonction publique française pour passer au privé sur un marché du travail qui ne lui donnera que la position de consultant. S'il demeure dans la fonction publique, on ne peut donc vraiment pas lui dire : “ on ne vous connaît plus, vous vous êtes éloignés durablement du nid familial ”. Thierry Duclaux Est-ce que la question n’est pas plutôt celle d’un suivi de gestion, pour voir si la solution est toujours adaptée aux objectifs ? M. Valentin, La Poste Un acteur me semble absent de ce discours : le responsable qui va assurer le suivi du fonctionnaire parti à l’étranger et qui devrait assurer l’interface avec des gestionnaires de carrières. La Poste compte peu de Français dans les institutions internationales. Mais quand cela arrive, nous agissons comme un patron, mais nous avons aussi, comme l’administration, des idées et des projets. L’idée est quand même d’assurer le suivi de la personne de A à Z. La Poste développe un vivier d’experts, constitué à partir d’une enquête menée auprès des cadres supérieurs. Grâce à lui, nous pouvons répondre rapidement aux demandes. Il compte plus de 600 personnes potentiellement disposées à partir à l’international. Mais on se rend compte que les problèmes familiaux et autres (logement…) peuvent faire obstacle sur la mission. Quand on est volontaire pour partir et que la proposition arrive trop tard, on n’est plus très chaud, on voudrait prendre du recul… On ne peut ignorer ces difficultés. C'est pour cela qu'il semble souhaitable qu’un autre acteur, qui aurait une sorte de "contrat" avec l'expert, assure l’interface avec les services gestionnaires.

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ATELIER 4 : Quel suivi pour le personnel français en fonction dans les institutions européennes ? Animateur : Michel Guilbaud, secrétaire général adjoint du Comité interministériel pour les questions de Coopération économique européenne Michel Guilbaud, SGCI Il n’est nul besoin de rappeler les enjeux stratégiques qui s’attachent au fait que la sensibilité, la culture, la connaissance du système français soient bien présentes dans les institutions européennes. Le SGCI1 a constitué un secteur spécialement dédié à la présence française, piloté par Céline Fouchard. Cette stratégie de présence française est celle du Premier ministre lui-même (notre patron est conseiller du Premier ministre pour les affaires européennes). Cela dit, ne politique à mettre en œuvre depuis Paris ne s’appuie pas nécessairement sur une entité fondamentale comme la représentation permanente à Bruxelles, qui est au contact de ces institutions. Beaucoup de choses se font dans l’informel, l’officieux. Il faut être au contact des institutions intéressées. Les échanges réguliers sur la stratégie se font avec les deux chefs de cabinet des commissaires français, même si l’un d’entre eux n’est pas français. La diversité géographique reste un point fondamental de la façon dont doit se construire une institution européenne. Ce n’est pas un dogme, mais une notion à laquelle l’ensemble des Etats est extrêmement attaché. Les commissaires français considèrent que ce rôle n’est pas incompatible avec la déontologie et l’indépendance. Tout cela n’est pas affiché mais les institutions européennes savent qu’elles doivent compter en leur sein une diversité de sensibilités pour être capables d’élaborer des questions de politique prenant en compte quinze réalités différentes. Cette stratégie se décline en outre par un suivi de l’ensemble des fonctionnaires français au sein de l’institution. Ceux-ci ont une double demande vis-à-vis de la France : ils souhaitent qu’on respecte leur indépendance en tant que personne agissant pour le compte d’une institution communautaire, et ils attendent un certain rattachement avec les autorités françaises. Avec la représentation permanente et les ministères (Affaires Étrangères, Fonction Publique), nous avons développé en ce sens certains outils : la lettre d’information des Français en organisation internationale, “Francofil”, la réunion des Français sous l’égide de la représentation permanente à Bruxelles par grand domaine (une idée réactivée récemment)… Ce souci d’équilibre géographique et le fait qu’un Français, sans être aux ordres des autorités françaises, représentera plus nos idées que d’autres nationalités à culture différente, nous pousse à être vigilants sur la présence française au sein des DG dans les institutions européennes. Nous faisons cette veille avec l’ensemble des ministères intéressés, au travers de réunions interministérielles où sont identifiés les manques. La marge de manœuvre est très limitée en fonction des différents statuts de personnes travaillant dans les institutions européennes. Pour les fonctionnaires communautaires, qui sont destinés à faire carrière dans les institutions européennes, la question des débouchés en France ne se pose pas vraiment. Mais elle se pose pour d'autres, qui n’ont plus d’évolution possible parce que le nombre de postes à haut niveau devient à un moment limité. Citons aussi les agents 1 C’est sous ce sigle qu’est connu le Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne, dont Michel Guilbaud est secrétaire général adjoint.

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temporaires, contractuels de la Commission, et les experts nationaux détachés (END), c’est-à-dire mis à disposition, qui continuent d’être payés par leur administration d’origine et bénéficient en plus d’une indemnité de la Commission. A Bruxelles, la présence française est bonne, notamment dans ces postes END (150 sur 650). Ces END ne sont pas que des fonctionnaires. Beaucoup d’organismes parapublics, privés, de sociétés industrielles envoient également des experts nationaux. Nous recherchons avec les ministères les bons profils (Nous avons un impact sur leur dans la mesure où nous pouvons décider ou pas de prendre en charge le financement), sachant que c'est la Commission qui choisit in fine, et nous faisons attention au sort des END : nous gardons le contact, ils savent que quelqu’un se sent responsable d’eux, et nous facilitons leurs débouchés. Certes, ,ous ne sommes pas toujours capables de mettre en pratique tout cela, surtout lors du retour. Notre rôle est d’animer le travail interministériel pour que la collectivité des ministères partage ces objectifs. Ensuite, c’est un problème de mise en pratique. Anonyme Certaines organisations se sont élevées contre le statut des END et veulent les supprimer. Les pays moins développés voient dans ces END un moyen d’impérialisme indirect efficace et injuste. L’UE a t-elle une position fixée ? Anonyme Effectivement, ce système est contesté par certains Etats-membres. Trois Etats-membres (France, Allemagne, Royaume-Uni) sont les plus gros pourvoyeurs d’END. Des pays comme le Portugal ou la Grèce, qui ont des fonctions publiques plus restreintes, n’ont pas la possibilité d’en avoir. Des protestations s’élèvent aussi dans les rangs de certains fonctionnaires communautaires qui disent que le système de recrutement de la fonction publique communautaire, “ c’est le concours et non pas un système. ” En dépit de ces contestations, l’utilité des END a toujours été reconnue parce qu’ils offrent des passerelles entre la fonction publique nationale et la fonction publique communautaire. Dans le cadre de la réforme actuelle, il n’est pas question de suppression des END mais d’une précision de leurs responsabilités. Michel Guilbaud La question de la place de ces END est soulevée parce que la Commission, dans sa réforme, fait une assimilation entre missions essentielles et gens en statut précaire (agents temporaires et END). Jusqu’à présent, les END étaient pour les directions un apport de "chair fraîche", restrictions budgétaires obligent. Dans la discussion sur la réforme, les syndicats vont plaider pour la création d’un maximum de postes de fonctionnaires titulaires. Les passerelles évoquées entre l’administration nationale et l’administration communautaire nous semblent vitales pour la bonne marche de l’Europe. Nous souhaitons même que d’autres voies se développent (échange de fonctionnaires nationaux et communautaires). La question de l’ambiguïté du statut des END par rapport à ce qu’on attend de la fonction publique communautaire - un équilibre entre grands et petits - sera soulevée à nouveau. M. Jacquet, ministère de la Justice L’idée de carrière des fonctionnaires communautaires conduit à la notion de citoyenneté européenne. Quelle est la vision de la Commission actuelle ? Transformer les END en agents publics de la Communauté à titre temporaire ? Ou développer la carrière de personnes qui deviendront “supranationaux” ? L’intitulé de cet atelier comporte le mot “ suivi ” . À partir du moment où l’on décide qu’un citoyen français se destine à une carrière complète, il appartiendra à l’Europe et deviendra “supranational”. Quelle est la vision ou la tendance de la Commission ? Michel Guilbaud Une carrière durable comme fonctionnaire dans une institution européenne n’est pas une hypothèse pour le futur, c’est d’ores et déjà le système actuel. Les END représentent une voie marginale. Le système fondamental aujourd'hui est celui de fonctionnaires qui passent un concours, font l’ensemble

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de leur carrière dans la fonction publique communautaire et n’ont aucun rattachement avec des fonctions publiques nationales. On discute aujourd'hui d’un livre blanc pour la réforme, qui inclut un volet “gestion interne de la Commission” et un volet “définition des orientations stratégiques de la Commission” ; il comporte aussi un volet “gestion du personnel” qui traduit les arrière-pensées du ministère en charge du dossier, qui est Britannique. Celui-ci paraît d’évidence pencher vers une fonction publique qui n’est pas construite sur un modèle français. Tout le monde formule la construction de la fonction publique communautaire sur le modèle français, avec catégories, concours, déroulement de carrière mais c’est déjà un peu bouleversé dans le livre blanc, puisqu’on envisage de supprimer des catégories de fonctionnaires (A, B, C, D). Une ambiguïté subsiste aussi sur la politique de recrutement : doit-on recruter des généralistes destinés à pouvoir occuper toutes sortes d’emplois de fonctionnaires ou bien des gens ayant une expertise pointue ? Faut-il développer les END ? Miser sur l’indépendance des fonctionnaires ? Anonyme Il y a trois types de Français dans les institutions européennes : des fonctionnaires communautaires (statut fonction publique, dépendant de la Commission), des agents temporaires ou des END. On essaie de manière informelle (du fait de leur indépendance) de leur envoyer des instructions. Depuis cette année, nous organisons des rencontres informelles à la représentation permanente et nous diffusons une lettre d’information. Ce sont ces petites choses que l’on appelle un contact ou un “ suivi ”, pour reprendre l’intitulé de l’atelier. Anonyme Ce matin, j’ai noté beaucoup d’angélisme, notamment vis-à-vis des Britanniques. Il faut apprendre à faire la différence entre heures ouvrables et heures non ouvrables. On est Français aux heures non ouvrables. Ce n’est peut-être pas d’ailleurs à la représentation française qu’il faut faire des réunions mais plutôt au golf ou au bowling, c’est là que commencent les affaires ! Anonyme Il existe une section française des END dont l’objectif est de favoriser les contacts en organisant par exemple des déjeuners informels hors-RP. Mais la plupart des END français viennent de Paris et repartent tous le vendredi soir avec Thalys. La plupart du temps, il n’y a personne aux soirées. M. Montaville, Assistance publique, Hôpitaux de Paris Comment faites-vous pour recruter en sachant qu’il y a des limites d’âge pour les trois catégories de postes européens? Les concours européens pour une certaine catégorie s’arrêtent à 45 ans… Les END représentent une catégorie de personnes plus jeunes… Pour aller dans le sens du renforcement de la présence française, comment peut-on avoir accès à l’information ? Comment soutient-on les candidatures aux postes intermédiaires (commissaires européens) ? J’ai pour ma part essuyé un échec avec l’OMS. Le poste auquel je postulais était intermédiaire, mais la France avait mis toutes ses billes pour un poste de haut fonctionnaire auprès de l’OMS et ne m’a pas soutenu. Anonyme Est-ce que la France a eu le poste supérieur qu’elle convoitait ? M. Montaville Oui, je n’ai pas travaillé pour rien. Je parlais de mon expérience personnelle afin d’avancer sur l’expatriation, la mobilité est importante pour la carrière. M. Macé, Centre des études européennes de Strasbourg L’idée de concevoir une perspective de stratégie est assez récente. Elle a été mise en œuvre par Thibault de Silguy entre 1993 et 1995, alors que nous sommes fondateurs de l’UE depuis 1957 avec cinq autres pays. Il a fallu attendre près de 40 ans pour nous rendre compte de la nécessité d’une vision coordonnée des choses. À noter : cette stratégie n’a pas été confiée aux Affaires Étrangères

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mais à un organisme interministériel placé sous l’autorité du Premier ministre. Nous sommes au début d’une réflexion sur cette présence. Concernant le suivi du personnel français en fonction dans l’institution européenne, il serait bon d’avoir une lisibilité du positionnement des uns et des autres, dans un répertoire, par exemple. Pour ce qui est d’être “ Français aux heures non ouvrable ”, je dirais d’expérience qu'on n’est plus exactement Français quand on est passé par les institutions communautaires, parce que la négociation est permanente et a des effets concrets très directs sur la vie quotidienne des gens, sur les textes, et passe par un compromis indispensable : l’écoute des 15 Etats-membres dans des groupes, des comités, au Conseil. Si l’on arrive uniquement avec l’idée de faire avancer ses positions, on n’a aucune chance d’être entendu. Cette mécanique que chacun apprend doit être diffusée aux fonctionnaires français. Ils doivent s’inscrire dans cette réalité qui est construite à partir de ces négociations. Il existe un catalogue Team Europe dans lequel puisent les centres de formation quand ils recherchent des spécialistes. Ce Team Europe pourrait être un team d’experts français qui apprendraient aux administrations nationales ce qu’est in vivo la réalité du mode de fonctionnement communautaire. Comme la formation repose sur les bonnes volontés et le temps supplémentaire que les fonctionnaires y consacrent hors temps de travail, il serait utile qu’ils puissent faire valoir ce savoir-faire. Non seulement ils assurent la présence française, mais ils sont aussi les passeurs vers les représentants d’autres Etats au sein des institutions. On frappe d’abord à la porte de l’expert français, mais il peut aussi nous indiquer tel expert de tel autre pays qui connaît le système aussi mais qui peut renvoyer à un autre modèle pour en tirer quelque enseignement. Plus les formations seront de caractère transnational, moins elles permettront à des administrations d’imposer leur modèle. Plus nous favoriserons des formations qui mêleront des experts français et étrangers, mieux nous formerons nos fonctionnaires au communautaire et davantage nous serons présents. Mme Bourcier, CNRS C’est la représentation ancienne de la présence française à l’étranger que vous contestez. Je considère qu’elle a beaucoup à attendre des autres et que l’Europe est un melting-pot et non un combat de modèles. Il faut revoir le système de formation. La France a son propre système, tant mieux, mais est-ce qu’il n’est pas inadapté ? Mes questions : où peut-on consulter des banques d’experts ? Existe-t-il des formations dispensées en France qui intègrent l’enseignement de la négociation, de la médiation, du compromis ? Anonyme Nous diffusons une information sur les stages organisés par l’Institut européen d’administration publique de Maastricht. Tous les ans, cet Institut organise un séminaire bien fait sur les négociations européennes. Il comprend des jeux de rôles : si vous êtes Français, vous représentez un autre pays et vous devez défendre votre position sur un problème comme la pollution du Rhin et arriver à un compromis. On en ressort enrichi. Si Bruxelles propose sur Internet une liste d’experts, la France pourrait utiliser le même système pour enrichir ses propres compétences par secteurs. Par ailleurs, donnons au Centre d’études européennes de Strasbourg, excellente maison, tous les experts nécessaires pour enrichir votre vivier de compétences. Anonyme Le domaine des experts me paraît clair et ouvert. Des appels à candidatures pour experts sont publiés au JOCE, sur Internet. Le rôle que je me suis assigné est de favoriser la réponse à ces candidatures à des experts compétents. Anonyme Mon expérience de la négociation internationale me conduit au constat suivant : les Anglo-saxons mettent leurs pions sur la table et quand ils en ont beaucoup, ils disent que c’est un système. Quant à

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nous, nous nous demandons quel est le bon modèle théorique, latin, qu’on va pouvoir mettre en place. Pendant ce temps, l’Europe avance et il me semble qu’on a perdu. La meilleure stratégie pour suivre, connaître l’institution et entretenir les relations, c’est la “stratégie de la machine à café.” On m’a dit : “ le meilleur moyen de trouver un job à Bruxelles, c’est de téléphoner aux gens que l’on connaît, se faire introduire par les hauts fonctionnaires et après on en parle au SGCI ”. Nous avons tendance à rester franco-français. Il faut que l’administration s’ouvre sur elle-même (on est quand même dans la fonction publique) et révolutionne ses mentalités. Quels que soient les systèmes qu’on peut inventer, si ce sont toujours les mêmes, et les mêmes principes intellectuels, on est à côté de la plaque. Anonyme Je fais des relations internationales depuis 15 ans et je trouve que pour une fois en France, on a fait quelque chose de bien : on a créé le SGCI. L’idée de base est bonne : le SGCI ne fait rien et coordonne. N’allons pas lui demander où sont les listes d’experts, ce n’est pas son métier. Aucun membre des Affaires Étrangères ne se trouve autour de cette table, c’est assez amusant et sans doute pas l’effet du hasard. Je rappelle qu’il existe une mission des fonctionnaires internationaux et qu’elle marche bien. En tant qu’agent du ministère de la Défense, Dieu sait si je me bats avec le Quai d’Orsay sur bien des points, mais j’ai trouvé là-bas un groupe d’hommes de bonne volonté, tout à fait prêts à vous aiguiller sur les formations, les listes des postes… Chaque ministère doit s’intéresser à son problème et ne pas le remonter à l’étage supérieur. Si l’information circule mal, c’est d’abord la faute des ministères, dont le mien, beaucoup plus que de celle des organismes légers et de synthèse qu’on a mis en place. Anonyme On n’a pas parlé du CIMÉ (comité interministériel des moyens économiques à l’étranger) qui se réunit tous les ans et essaie de pratiquer le système de la substitution : on peut représenter la France en matière culturelle, par exemple, même sans appartenir au ministère de la Culture. Estimer que l’on peut représenter des intérêts plus larges que ceux pour lesquels on est payé à la fin du mois est une piste de travail importante. M. Macé La question de l’atelier n’est pas “ quel suivi des personnels ? ” mais “ quel suivi pour les personnels ? ”. Cela implique une responsabilité partagée des administrations et de ceux qui sont en poste. On ne peut penser l’européen comme l’international. Le système communautaire est un système original, il n’existe pas d’équivalent dans le monde d’intégration et d’abandon de souveraineté au profit d’un mode de fonctionnement qui intègre un certain nombre de politiques (agricole commune, par exemple). Il faut raisonner en fonction de notre héritage de relations bilatérales, mais aussi d’organisations internationales avec un système transnational et une volonté d’abandon progressif de la souveraineté. Cela justifie le multilatéral permanent sur des réalisations concrètes et effectives dans la vie de citoyens (la monnaie unique en est un exemple). Cette politique d’intégration a des conséquences sur la manière dont nous commerçons. Il faut insister sur ces spécificités et se rendre compte des carences d’information : les citoyens ne connaissent pas le système. Les administrations sont responsables de la restitution de l’information - en tant que négociatrices, elles sont bien placées pour connaître l’Europe. Les Etats le sont aussi, de même que les collectivités, mais également les fonctionnaires en place. La Commission européenne elle-même constate une carence en matière d’information. Certes, Maastricht, les financements des Etats, les Instituts de formation, les écoles spécialisées cherchent à informer. Aujourd’hui, toutes les administrations sont dotées de modules d’information sur la question européenne. Cela ne suffit pas : la Commission envisage un programme de soutien pour permettre aux Etats et aux administrations de faire comprendre ce qui se passe, notamment le marché intérieur et tout autre mécanisme.

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Ne raisonnons pas en pensant international même si c’est notre sujet. Le communautaire n’est pas de l’international, c’est autre chose, un objet non identifié qu’il faut identifier de mieux en mieux pour pouvoir s’y insérer. Si l’on parle de suivi, on constate dans l’enquête citée ce matin que 29 % des gens qui ont répondu réintègrent l’administration d’origine sur des postes à dominante communautaire ou internationale, 22 % bénéficient d’une promotion, mais pas d’une valorisation sur la base de ce qu’ils ont acquis dans le communautaire. On assiste à une perte de mémoire de ce qui a été appris alors qu’elle serait indispensable à la présence française comme à la compréhension d’un mécanisme vivant qui ne cesse d’évoluer. Si l’on parle de suivi, on doit s’interroger sur ce phénomène de perte de mémoire, de l’absence de mise en valeur de ce savoir-faire acquis par les fonctionnaires français à titre personnel. Ce sujet passe par un effort de formation et par le savoir-faire d’autres pays européens, car nous ne sommes pas les seuls à essayer de mieux apprendre dans ce mécanisme. Anonyme La mémoire ne se perd pas forcément. La valorisation de l’expérience peut très bien se faire à plus long terme, pas sur le poste occupé directement au retour mais plus tard. Céline Fouchard, SGCI Nous sommes conscients qu’il y a toujours deux modalités de recrutement dans n’importe quelle entreprise : le réseau et la voie officielle. Le SGCI développe la voie officielle, diffuse des avis de vacances de postes. La transparence, pour un poste d’END, ne peut être totale. Dans la mesure où il s’agit d’une mise à disposition, le SGCI ne peut pas se permettre d’informer tous les candidats à un poste d’END. Nous informons le ministère parce que c’est à lui de décider s’il veut informer ses agents. Certains ministères fonctionnent très bien (Défense, Équipement), ils ont immédiatement des candidats à nous proposer dès que nous leur envoyons un avis de vacance de poste. D’autre, en revanche, n’ont pas encore de politique active en la matière. Par contre, pour d'autres postes d'experts comme ceux d’agents temporaires, il est plus facile d’aller sur le site Europa. Les postes de contractuels payés par la Commission font l’objet d’une large diffusion sur le site de la mission des fonctionnaires internationaux. Dans le Livre blanc sur la réforme de la Commission, on note une tendance à la suppression des limites d’âge pour les concours. Il faut noter aussi l’absence de régularité des concours communautaires : les derniers datent de1993 et 1998 mais ce dernier a fait l’objet d’une annulation. Le CFPP (centre de formation de perfectionnement professionnel) du ministère de l’Économie et des Finances a proposé à ses agents une formation pour ce concours. Anonyme, La Poste La Poste possède un fichier de personnes qui souhaitent aller à l’international dans le cadre l’union postale européenne, à travers la Commission européenne. Une mission Phare a lieu en ce moment avec la Hongrie et d’autres pays. En Hongrie (où je vais bientôt me rendre grâce à cette mission) les postes française et hongroise sont jumelées et l'objectif est de connaître la demande des Hongrois sur le système mis en place en contrôle de gestion. Dans le fichier de La Poste figurent uniquement des cadres supérieurs, avec leur CV et les langues parlées. Quand la Hongrie a fait un appel d’offre, la Communauté européenne a tout de suite trouvé les trois directeurs financiers intéressés.

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