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La recherche clinique dans les établissements privés : rêve ou réalité ?

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Page 1: La recherche clinique dans les établissements privés : rêve ou réalité ?

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 3162

É D I T O R I A L

La recherche clinique dans les établissements privés : rêve ou réalité ?Jean-Luc Fellahi (photo), Marc Gentili

Depuis l’entrée en vigueur de la loiDebré en 1962, la mission d’enseigne-ment et de recherche fondamentale ouclinique incombe exclusivement auxhôpitaux universitaires rattachés auxfacultés de médecine. Pourtant, laplace de la recherche (en particuliercelle de la recherche clinique)demeure aujourd’hui trop faible enFrance par rapport aux effectifs médi-

caux, et la motivation individuelle de chaque chercheur resteun élément moteur déterminant de la production scientifique(1). Chaque année, de plus en plus de médecins spécialistesformés à l’activité de recherche par le biais de DEA ou dethèses de sciences quittent le secteur hospitalier universitaireet s’installent dans des établissements privés. Ces médecinsdoivent-ils pour autant abandonner tout espoir ou toute enviede poursuivre, en marge de leur activité clinique, une activitéd’enseignement et de recherche clinique ou fondamentalemotivante pour l’esprit, garante de rigueur intellectuelle au litdu malade et de progression constante dans l’acquisition desconnaissances médicales ?Face aux contraintes économiques, l’hospitalisation privées’est modifiée rapidement en quelques décennies et, sous latutelle des agences régionales d’hospitalisation, des pla-teaux techniques de plus en plus lourds gérés par de grandsgroupes à vocation régionale, nationale ou internationaleont fait leur apparition et concentrent aujourd’hui l’essen-tiel de l’activité chirurgicale de l’hexagone. Les structuresprivées performantes, souvent localisées dans des villesmoyennes ou importantes, proches des pôles universitaires,offrent un terrain propice à la réalisation de travaux derecherche clinique pertinents et leurs cadres dirigeantsmanifestent un intérêt souvent évident pour le développe-ment in situ de projets de recherche bien conduits qui sontautant d’éléments de valorisation et de motivation deséquipes et des structures. Enfin, l’assurance qualité envahitle monde de la santé publique et privée depuis quelquesannées et devrait bientôt permettre de mieux préciser laplace de la recherche dans une stratégie globale d’évalua-tion et de suivi des pratiques médicales et des établisse-ments de soins.Quel est l’état des lieux de la recherche aujourd’hui dans lesecteur libéral ? Les résultats récents d’une enquête menée

sur l’ensemble des établissements privés du Nord-ouest dela France montrent que si 38 % des médecins anesthésistes-réanimateurs reconnaissent une activité scientifique régu-lière (enseignement, participation à des réunions de forma-tion, lecture de la presse spécialisée), 7 % seulements’investissent dans la réalisation de projets de recherche cli-nique (2). Quelles en sont les raisons ? L’absence de culturerecherche dans la plupart des établissements privés est cer-tainement un obstacle important au développement d’uneactivité de recherche libérale suivie et organisée, mais cetobstacle n’est pas insurmontable et le nombre croissant demédecins préalablement formés à la recherche et exerçantdans le secteur privé, ainsi que la création et l’animation declubs de spécialités devraient progressivement combler ledéficit culturel actuel. En attendant, il est vrai que le méde-cin investigateur travaillant en secteur libéral doit fairepreuve d’une forte motivation et d’une solide expériencede la recherche s’il veut mener à bien les travaux qu’ilentreprend (3). Le rapprochement géographique et de bonscontacts avec les universitaires locaux du secteur hospita-lier ou des sciences humaines (psychologie, sciences du lan-gage) ou encore des sciences plus « dures » (informatique)facilitent sans aucun doute le travail. Dégager du tempspour la recherche est le second obstacle au développementd’une activité de recherche clinique organisée. La multipli-cité des tâches quotidiennes associée à l’absence de méde-cins en formation (étudiants hospitaliers ou internes),avides de sujets de mémoire ou de thèse et susceptibles decollaborer au travail de recherche, limite les possibilités dedéveloppement des études, souvent reléguées en dernièreposition sur la longue liste des tâches à accomplir chaquejour. On peut ainsi définir un paradoxe de l’investigateur ensecteur libéral : plus il a de malades, plus il pourrait recruterfacilement et rapidement mais moins il a de temps et moinsil recrute de patients dans les essais cliniques.

Existe-t-il des solutions ? Le recrutement et la mise à disposi-tion dans les établissements concernés d’un ou plusieursattachés de recherche clinique (ARC), professionnels quali-fiés capables d’assister les médecins investigateurs danstoutes les phases de leur travail de recherche en leur faisantpartager leurs compétences et leur savoir-faire dans ledomaine de la méthodologie des essais cliniques, sont unepiste de réflexion intéressante. En effet, les missions généralesde l’ARC sont bien codifiées, au même titre que la formation

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 3 163spécifique délivrée en un an dans le cadre d’un DiplômeInter-Universitaire de Formation des Attachés de RechercheClinique (DIUFARC), accessible aux personnes titulairesd’un bac + 3. En outre, le rôle de l’ARC n’est pas différentdans un établissement public ou privé : il consiste essentiel-lement à assister le médecin investigateur dans la conduitedes différentes phases d’un essai clinique et à surveiller lebon déroulement de l’étude dans le respect le plus strict desrègles méthodologiques et de la législation scientifique. Iln’est pas irréaliste de penser que la mise en place progres-sive d’ARC dans les principaux établissements hospitaliersprivés désireux d’organiser une activité durable de recher-che clinique est une condition nécessaire au succès del’entreprise et répond aux aspirations et aux besoins desmédecins libéraux d’aujourd’hui, formés pour un nombrecroissant d’entre eux à l’exercice difficile de la recherche.Localement, la mise en commun des moyens entre les diffé-rentes structures concernées, publiques ou privées, favorise-rait probablement la création de tels postes. Cette solutionpermettrait en outre de rompre avec l’isolement traditionneldans lequel évolue le médecin libéral et d’instaurer peu àpeu une authentique culture de la recherche clinique dansle secteur privé en France. À terme, c’est l’ensemble de laproduction médicale scientifique nationale qui pourrait ygagner, tant au plan qualitatif que quantitatif.

RÉFÉRENCES1. Marty J, Mantz J. État des lieux de la recherche en anesthésie, réanimation

et urgences. In : Recherche clinique en anesthésie, réanimation et urgences.Paris, Masson, 2000:7-19.

2. Daccache G, Fellahi JL, Bénard P, Roussel V. Activités péri-opératoires desmédecins anesthésistes-réanimateurs libéraux : enquête sur le nord-ouestde la France. Ann Fr Anesth Reanim 2003;22:R132.

3. Gentili M, Delbos A, Mavoungou P, Jouffroy L, Delaunay L, Souron V,Fabre B. Y a-t-il une place en France pour la recherche clinique en secteurprivé ? Ann Fr Anesth Reanim 2001;20:876-7.

Tirés à part : Jean-Luc FELLAHI,Service d’Anesthésie-Réanimation, Centre Hospitalier Privé

Saint-Martin, 18 rue des Roquemonts, 14050 Caen Cedex 4.