6
Une alternative crédible et ambitieuse à la réforme actuelle des CCI 1 Sommaire #1 : une originalité fondatrice… et ambiguë #2 : rappel historique : une évolution des missions #3 : depuis 20 ans : l’impasse #4 : retrouver les fondamentaux : de l’indépendance, du lien, de la confiance, de la vitesse #5 : une rupture douloureuse mais porteuse d’une nouvelle opportunité pour les territoires

La Refondation Des Cci 2

Embed Size (px)

DESCRIPTION

proposition de la CCI du Loiret pour faire évoluer les CCI (partie 2 / diagnostic : oct 2008)

Citation preview

Page 1: La Refondation Des Cci 2

Une alternative crédible et ambitieuse à la réforme actuelle des CCI 1

Sommaire

#1 : une originalité fondatrice… et ambiguë

#2 : rappel historique : une évolution des missions

#3 : depuis 20 ans : l’impasse

#4 : retrouver les fondamentaux : de l’indépendance, du lien, de la confiance, de la vitesse

#5 : une rupture douloureuse mais porteuse d’une nouvelle opportunité pour les territoires

���������������� ���������� �������� ������� ��

�������������������� ��������� ��������

����������

Page 2: La Refondation Des Cci 2

Une alternative crédible et ambitieuse à la réforme actuelle des CCI Oct. 08 2

Dossier : histoire, impasse… et opportunités

#1 : une originalité fondatrice… et ambiguë Depuis 1898, les CCI sont considérées comme des établissements publics administratifs de l’ Etat, dont l’ exécutif est confié à des entrepreneurs, élus par leurs pairs. Leurs missions sont à l'époque ainsi définies : Représenter les intérêts du commerce et de l’ industrie ; concourir au développement des entreprises et des territoires de leur circonscription. Leur essence publique les a amené à être aujourd'hui sous la tutelle du préfet de région (et de facto du trésorier payeur général), à respecter le code des marchés publics, à traiter leurs contentieux au tribunal administratif et à gérer leurs collaborateurs dans le cadre d’ un statut proche de celui de la fonction publique territoriale. Par ailleurs, leur gouvernance privée les oriente vers des champs d’ action librement décidés par des chefs d’ entreprise qui ont toute latitude pour orienter actions et budget de l’ établissement. Leur véritable frein est l’ inertie inhérente à la nature publique d’ un système qui fonctionne hors de la sanction des marchés ; mais ceci peut aussi être un atout pour engager des actions sur la durée. Les CCI ne pratiquant quasiment jamais la formation de leurs élus, ceux-ci, motivés par l’ envie d’ une utilité pour l’ économie, ont à découvrir par eux mêmes ce qu’ est une Chambre consulaire, quelque part entre le syndicat professionnel, le club services, l’ association et la collectivité publique... Pressentis par les branches ou organisations professionnelles, élus maintenant pour 5 ans, par collèges sensés assurer une représentation équitable des différentes activités économiques du territoire, ils peinent à sortir d’ un rôle de défense d’ intérêts catégoriels parfois très opposés (commerçants et industriels par exemple) pour endosser la vision globale de l’ économie de leur territoire. Et quand ils l’ ont acquise, l’ ambiguïté demeure dans l’ absence de définition précise du champ « d’ intérêt général » ou « d’ intérêt collectif » des actions des CCI. #2 : rappel historique : une évolution des missions La question ne se pose pas à l’ origine, quand en 1599, les marchands de Marseille créent la première Chambre de Commerce. Ils sont alors confrontés à des enjeux majeurs liés d’ une part à une redistribution des rôles dans le commerce méditerranéen et d’ autre part à des exigences nouvelles de leurs fournisseurs dans l’ arrière-pays provençal : une globalisation en quelque sorte et une mutation des conditions des échanges… Il est tentant de tracer un parallèle avec ce que vit l’ économie d’ aujourd’ hui avec la mondialisation et Internet. La prise de conscience des marchands se concrétise à l’ époque par la mise en place de services communs (une bourse) et d’ une représentation commune à des fins de lobbying… déjà les 2 piliers des missions consulaires. Ce qui caractérise l’ histoire des Chambres de Commerce dans les 2 siècles qui suivent, c’ est leur « récupération » par un Etat déjà dirigiste et interventionniste. Sous Louis XIV et Colbert d’ une part avec la création de Chambres de Commerce sur les principaux ports du littoral, clés de

Page 3: La Refondation Des Cci 2

Une alternative crédible et ambitieuse à la réforme actuelle des CCI Oct. 08 3

l’ économie du pays. Sous le Consulat et l’ Empire ensuite, avec notamment la création de la Chambre de Commerce de Paris (la future CCIP) en 1803, dans un objectif de relation avec le monde influent des affaires. C’ est la même préoccupation qui procédera sous la IIIe République à la finalisation du paysage consulaire – très représentatif de l’ activité économique résultant de la révolution industrielle de la fin du XIXe siècle -, paysage quasi figé jusqu’ à ces dernières années qui auront vu la mise en œuvre d’ un processus de fusion à l’ échelle départementale faisant disparaître 35 CCI en moins de 10 ans. Les missions des CCI sont au XVIIe, XVIIIe, XIXe et à la première moitié du XXe siècle largement dominées par un enjeu de représentation et d’ expression du pouvoir économique dans le pays, au-delà des corporatismes historiques des métiers issus de l’ ancien régime. Les choses évoluent fortement après 1945. Les services des CCI s’ étoffent considérablement et de manière quasi continue jusqu’ au milieu des années 90, principalement parce que les CCI additionnent les missions : Sous les 30 Glorieuses, les CCI sont d’ abord aménageurs d’ un pays en pleine expansion économique qui a besoin de zones industrielles, de parcs d’ activités, de palais des congrès, de parc expositions, d’ entrepôts, de ports, d’ aéroports, … Créateurs des équipements, elles en deviennent gestionnaires dans un état de quasi monopole. L’ initiative part du besoin des entreprises, les entrepreneurs gèrent des outils utiles pour la communauté économique. C'est l'âge d'or... A la fin des années 60, elles s’ engagent dans la formation, continue avec le développement de centres d’ apprentissage et initiale avec la création du réseau des Sup de Co, mais aussi d’ écoles d’ ingénieurs, d’ écoles spécialisées. Très vite elles sont amenées à s'associer à d'autres partenaires, voire à filialiser ces activités pour leur permettre de se développer. Au milieu des années 70, en pleine crise énergétique mais aussi crise des grands conglomérats publics ayant de forts impacts sur la sous-traitance locale, les CCI répondent à des besoins de conseil et d’ assistance exprimés sur le terrain, pallient l’ insuffisance de l’ offre privée et deviennent des quasi « consultants » publics. Elles embauchent largement à cette époque des Assistants Techniques au Commerce, à l’ Industrie, à l’ Export, au Tourisme… Cette orientation marque fortement l’ histoire récente des CCI car elle focalise la relation de la Chambre avec un nombre restreint d’ entreprises, et les positionne comme expert, les faisant perdre ainsi de vue la nécessité d’ exprimer une vision économique, un projet pour le territoire. Par ailleurs, en restant durablement sur le champ du conseil, les CCI ont pris le risque de se retrouver en concurrence frontale –et déloyale- avec des opérateurs privés dont le nombre a considérablement augmenté en 30 années de tertiarisation de l’ économie. #3 : depuis vingt ans : l’impasse L’ orientation vers le conseil individuel aveugle les CCI au moment de la mise en œuvre de la décentralisation, dans les années 80, qui donne légitimité, pouvoir et moyens aux collectivités locales d’ investir le champ économique. Même si ces dernières le font moins en réinventant la relation de l’ entreprise au territoire qu’ en déconcentrant des processus de gestion d’ aides étatiques, principalement en développant des guichets, sans réel impact national sur l’ évolution des politiques publiques pour les entreprises, pour les CCI, la concurrence s’ installe.

Page 4: La Refondation Des Cci 2

Une alternative crédible et ambitieuse à la réforme actuelle des CCI Oct. 08 4

Obsédées par leur souci de légitimité et de représentativité face à des syndicats professionnels qui se sont aussi « musclés » sur le terrain depuis les années 60, les CCI ne font aucune proposition constructive vis-à-vis des collectivités locales ; elles deviennent plutôt la « force de vente » des aides publiques territoriales, en percevant au passage des rémunérations leur permettant de salarier les collaborateurs en charge. En voulant préserver le « privilège » du contact avec l'entreprise, elles ont ainsi dénaturé le sens de leur mission originelle. Ces évolutions se sont traduites par une extraordinaire hétérogénéité des métiers, des actions et in fine de la fiscalité des CCI. Sur ce dernier point, signalons d’ une part que les CCI prélèvent au global environ 1,2 milliards d’ euros par an sous forme d’ une taxe additionnelle à la taxe professionnelle (TATP) qui pour l’ entreprise représente en moyenne 2% de sa taxe professionnelle et d’ autre part que le taux de pression fiscale s’ échelonne, selon les CCI de 0,5 à 3% avec une moyenne de 1,2 en 2007, ce qui fait de cette TATP un impôt assez marginal ; surtout quand on compare le taux moyen au 6 à 7% que prend l’ Etat pour gérer cet impôt. Cette diversité a évidemment des conséquences sur les moyens et la qualité des actions qu’ engagent les CCI sur leurs territoires. Notons que depuis les années 2000, elles développent de plus en plus de projets transversaux et thématiques impliquant des réseaux d'entreprises ; beaucoup sont à l'origine de pôles de compétences, pôles d'excellence, pôles de compétitivité, ou de projet ayant de vrais impacts sur leur environnement et reconnus localement. Dans la même période, l’ Etat, dans une seconde vague de la décentralisation, tente de structurer le réseau. Il impose la diminution du nombre de CCI, il privilégie le niveau régional comme un niveau d’ arbitrage ou de mise en œuvre de certaines politiques publiques –comme l’ appui à l’ international-, il confie au privé ou aux collectivités la gestion des équipements (aéroports en particulier) et il transfère aux CCI des fonctions administratives (contrôle des contrats d’ apprentissage ou gestion de l’ aide au chômeur créateur d’ entreprise –ACCRE- par exemple), ce qui allège ses propres structures départementales mais accentue la position d’ administration économique des CCI. Cette orientation paraétatique de la CCI est vécue alors comme une contrainte par les entrepreneurs élus des CCI. Mais, sans lisibilité sur leur utilité, sans coordination nationale par métiers, sans organisation structurée et efficace, sans vision d’ avenir partagée, sans doctrine sur les politiques publiques, sans hiérarchisation de leurs mission, les CCI évoluent aujourd’ hui sur leur territoire au gré des enjeux de ceux-ci, de la présence de leaders entrepreneurs ayant envie de s’ engager pour leur environnement économique, du positionnement des collectivités locales et de leurs agences de développement. Pour la quasi-totalité d’ entre elles, au moment où le gouvernement engage une révision générale des politiques publiques, elles sont sur la défensive… #4 : retrouver les fondamentaux : Le Parlement des entreprises, activateur de croissance Néanmoins, depuis quelques années, certains dirigeants de CCI (Présidents, DG) prennent conscience que la stratification des missions des CCI et l’ absence de mesure réelle de leur impact provoquent une illisibilité complète de leur valeur ajoutée, une remise en cause de leur utilité et finalement un réel risque pour leur efficacité. Pour refonder l’ action de leur CCI, ils décident de repartir des fondamentaux (les missions originelles de 1898) et de les confronter aux défis de la modernisation.

Page 5: La Refondation Des Cci 2

Une alternative crédible et ambitieuse à la réforme actuelle des CCI Oct. 08 5

Ils remettent au cœur la mission politique de représentation en structurant une action de lobbying sur l'économie dans les territoires dans un fort esprit d’ indépendance vis-à-vis des autres acteurs publics. Les CCI redeviennent alors le « Parlement » des entreprises, n'ayant de compte à rendre qu'aux entreprises et à l'Etat. Elles portent la voix des entreprises, expriment leurs attentes, leurs idées, leurs propositions sur le devenir économique de leur territoire ou sur l’ action des collectivités publiques : Cette liberté d’ intervenir sur la scène de l'intérêt général de leur territoire les amène souvent à dénouer les liens de dépendance –notamment financière- qui les liaient aux collectivités locales. Plus largement, elles expriment un discours pédagogique sur les réalités du monde économique, loin des partis pris idéologiques. Proches du terrain au quotidien, elles mobilisent les connaissances en réseau pour anticiper les mutations qui s’ y déroulent, comme une vigie économique territoriale. Elles conduisent des études sur les enjeux structurants de leur territoire, avec une sensibilité entrepreneuriale et l'objectif de faire émerger des solutions opérantes. Maîtrisant des savoir-faire collaboratifs, d'ingénierie de projet et financière, porteurs de la confiance des acteurs économiques, elles s'affirment comme porteurs de projets collaboratifs de croissance, par exemple dans l'accompagnement des filières en mutation sur les territoires, l’ implication dans les mécanismes financiers de l’ innovation, la gestion du déficit de compétences dans les principaux métiers, ou la mise en œuvre d’ équipement lourds d’ intérêts collectifs pour les entreprises. Forts de cette compréhension fine des réalités économiques, les dirigeants de ces CCI positionnent également la mission d'accompagnement comme une action de mise en synergie des entrepreneurs, dans un objectif de favoriser les partages de savoir, de savoir faire et de bonnes pratiques : la CCI devient alors la plate-forme d’échanges réactive de la communauté économique de son territoire, favorisant les liens sans obligatoirement les structurer ou les piloter, garantissant aux acteurs une indépendance, une neutralité, une confiance globale. A la fois « eBay » (vente en ligne) et « Viadeo », (réseau social professionnel), elle agit sur un territoire réel, celui de ses entreprises ; en visant clairement un objectif de développement de croissance, elle se concentre sur l’ essence même du business : la relation, la transaction ! Ce faisant, les CCI prennent un virage majeur, celui de la société de la connaissance basée sur l’ innovation permanente et l’ économie de l’ immatériel : activer le partage de connaissance et développer le management de l’ information, c’ est développer les actifs immatériels de l’ entreprise, provoquer des ruptures de désordre créatif, décloisonner les modes de pensée et d’ action, privilégier la réussite collective. En bref, c’ est apporter à l’ entreprise les clés de sa compétitivité ! #5 : une rupture douloureuse mais porteuse d’une nouvelle opportunité pour les territoires Cette évolution impose aux CCI qui s’ y engagent à la fois des mutations sur leur posture, leur organisation et leur modèle économique, en rupture forte avec le passé mais aussi une remise en cause difficile et volontaire qui ne repose que sur la motivation de ses dirigeants. Un des éléments clés de cette rupture, c’ est l’ abandon de la logique de l’expert et du sachant au profit de celle, d'une part d'initiateur et de gestionnaire de projets complexes et d'autre part d’activateur de partage de connaissances, de bonnes pratiques et de savoir faire au service de ses clients ; ceci impose une posture radicalement différente, celle de la CCI comme plate-forme de projet au service des entreprises, en lien avec les acteurs publics et organisations professionnelles et

Page 6: La Refondation Des Cci 2

Une alternative crédible et ambitieuse à la réforme actuelle des CCI Oct. 08 6

plate-forme au service des entreprises considérées comme ensemble de personnes maîtrisant des savoir-faire et des connaissances. Mais pour fonctionner ainsi, la CCI doit convaincre les entrepreneurs eux-mêmes de s’ engager dans l’ écosystème qu’ elle met ainsi à leur disposition. Cela nécessite pour elle de retrouver une audience forte de la part de son tissu économique ce qui nécessite qu’ elle suscite de l’ intérêt et dégage une crédibilité. Ce n’ est que par son action de voix des entreprises, d’ expression libre de leurs attentes et d’ un discours de vérité sur la réalité de l’ économie qu’ elle peut gagner cette crédibilité. Muter l’ organisation en ce sens se heurte alors aux rigidités du modèle social public et nécessite conviction et implication. Le modèle économique est aussi impacté : la prestation de service se réduit fortement ou disparaît au profit d’ un modèle de gratuité; le partenariat, le sponsoring et la subvention ponctuelle pour des actions innovantes deviennent des leviers importants. Se pose ensuite la question de la ressource fiscale, les CCI percevant leur taxe additionnelle à la taxe professionnelle (TATP) pour une mission qui n’ est pas clarifiée : est-ce pour l’ ensemble des prestations administratives ? Est-ce pour financer l'activité de "Parlement des entreprises" et les actions professionnelles de lobbying qui en découlent? Est-ce pour garantir la neutralité et l’ intérêt général de l’ écosystème d’ échanges et de partage ? Est-ce pour investir dans des projets structurants sur les territoires ? Sans doute un peu des quatre, mais le niveau des prélèvements obligatoires pesant sur l’ entreprise nécessite que les CCI clarifient une fois pour toute la question. Le sujet de la fiscalité, la pression de l’ Etat orientant les Chambres vers plus d’ administration pour les entreprises et la révision générale des politiques publiques en cours de définition nécessitent de s’ attaquer à une rupture majeure qui dépasse largement la problématique des CCI, les renvoyant plutôt à un symptôme d’ un mal chronique : celui de la pensée stratégique française appliquée au développement des entreprises et des territoires. Autrement dit : quelles politiques publiques pour nos entreprises ancrées dans leur environnement ? Ainsi, l'’ ineptie, mainte fois soulignée mais jamais suivie d’ effet, des 65 milliards d’euros annuels d’aides publiques aux entreprises en est une manifestation éclatante. Au regard de ces 65 milliards, le coût public du système des CCI - 1,2 milliard de taxe additionnelle à la taxe professionnelle – est finalement peu élevé si l’ on s’ en sert pour affronter une refondation qui paraît tous les jours plus urgente : celle de la relation entreprise / territoire / pouvoirs publics… Les CCI y sont évidemment au cœur mais elles n’ arrivent pas à démontrer cette position privilégiée, à l'articulation de la sphère publique et de la sphère privée, maillant de plus finement la diversité des bassins d’ emploi de notre pays, dans sa diversité démographique –mais aussi géographique et historique. En remédiant à la confusion de leur positionnement, en réaffirmant leurs valeurs et leurs fondamentaux, tout en s'inscrivant dans la modernité des réseaux, elles sont à même d'apporter de la richesse aux entreprises et à l'évolution de l'économie de leur territoire, en s'affirmant enfin dans l'espace de la décentralisation.