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La remédiation scolaire Une politique du sparadrap ? Coordonné par Sandrine GROSJEAN Décembre 2011 Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles CGé - ChanGements pour l’égalité ASBL - Chaussée de Haecht, 66 - 1210 Bruxelles Tél. : 02/218 34 50 ou 02/223 38 57 - Fax : 02/218 49 67 courriel [email protected] - site internet www.changement-egalite.be

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La remédiation scolaire

Une politique du sparadrap ?

Coordonné par Sandrine GROSJEAN

Décembre 2011

Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles

CGé - ChanGements pour l’égalité ASBL - Chaussée de Haecht, 66 - 1210 Bruxelles Tél. : 02/218 34 50 ou 02/223 38 57 - Fax : 02/218 49 67

courriel [email protected] - site internet www.changement-egalite.be

Table des Matières Introduction .................................................................................. 4  Ce que les enseignants disent des élèves ...................................... 7  

Un élève pris dans sa globalité ..................................................................... 8  Une manière « empathique » d’appréhender l’élève ........................................... 9  L’élève comme acteur de son apprentissage .................................................... 11  La motivation des élèves à travers le regard enseignant ...................................... 13  L’« indispensable » soutien individuel ............................................................ 16  Conclusion ............................................................................................ 17  

Ce que les enseignants disent de la remédiation ......................... 19  Les caractéristiques des remédiateurs ........................................................... 19  

Motivation/démotivation .................................................................................. 19  Le statut ..................................................................................................... 20  

Les caractéristiques de la remédiation ........................................................... 22  La diversité .................................................................................................. 22  Le travail d’équipe ......................................................................................... 22  La fonction de la remédiation ............................................................................ 23  

La remédiation en tensions ........................................................................ 25  Dedans/dehors .............................................................................................. 25  Pour tous/pour quelques-uns ............................................................................. 25  Obligation/motivation ..................................................................................... 26  Apprendre/certifier ........................................................................................ 26  Souplesse/stabilité ......................................................................................... 27  

Ce que les enseignants ne disent pas .......................................... 28  La lutte contre les inégalités ...................................................................... 29  La prévention ......................................................................................... 31  Une tension invisible ................................................................................ 32  

Ce que la remédiation dit de l’école ............................................. 34  Quels sont les objectifs de l’école obligatoire ? ................................................ 34  Et les objectifs de la remédiation ? ............................................................... 35  Et les critères d’évaluation ? ....................................................................... 36  En conclusion ......................................................................................... 36  

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Agir en classe .............................................................................. 38  Partir d’eux ........................................................................................... 38  Changer le statut de l’erreur ...................................................................... 39  Décoder et accompagner l’échec ................................................................. 40  Apprendre à apprendre ............................................................................. 45  Différencier ou remédier ? ......................................................................... 47  

Illustration ................................................................................................... 48  

Agir sur le système ..................................................................... 50  Constats ............................................................................................... 50  Propositions ........................................................................................... 51  

Concevoir un « vrai tronc commun polyvalent » ....................................................... 51  Accompagner l’entrée à l’école. ......................................................................... 52  Accompagner l’entrée dans le savoir. ................................................................... 52  Concevoir autrement le travail des enseignants du 1er degré. ...................................... 52  Séparer le 1er degré des écoles secondaires. ........................................................... 53  

Créer des outils didactiques. ...................................................................... 53  

Conclusions ................................................................................. 55  

Bibliographie ............................................................................... 57  

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Introduction

En octobre 2010, une publicité pour un centre payant de coaching scolaire venait heurter nos oreilles. Son caractère culpabilisant pour des parents en mal de suivi scolaire était particulièrement choquant. En réagissant à cette question, ChanGements pour l’égalité (CGé) a déclenché une petite vague médiatique sur les questions de l’externalisation des difficultés scolaires et de la remédiation.

Dans le même temps, la Fondation Roi Baudouin (FRB) s’appropriait une question, arrivée par sa chambre d’écho, sur la dualisation de l’enseignement que représente la marchandisation actuelle du soutien scolaire. À l’analyse, il est apparu que pour lutter contre cette dualisation, il fallait que les écoles organisent en leur sein une remédiation de qualité, accessible à tous.

Fin 2010, la Fondation a donc mis en place un projet d’intervision entre écoles de tous les réseaux et de toutes les régions de la Fédération Wallonie-Bruxelles. 83 écoles ont remis un dossier de candidature, 48 ont été sélectionnées pour participer au projet. Dès le départ, CGé a été sollicité pour faciliter les journées d’intervision. Nous avons donc participé activement à la conception et l’élaboration de l’ensemble du processus. Une équipe de 6 facilitateurs, tous membres de CGé, a assuré l’animation des 3 journées d’intervision dans 6 régions différentes (Mons, Charleroi, Liège, Bruxelles, Brabant Wallon et Namur-Luxembourg).

Celui-ci a donné lieu à la production d’un rapport intitulé « Remédiation scolaire en Communauté française, quelles pratiques en vue de réduire l’échec scolaire ? » rendu public en octobre 2011. Ce rapport met en avant la diversité des pratiques et la créativité des acteurs pour arriver à mettre en place une remédiation structurelle dans des contextes parfois très complexes.

Mais, depuis longtemps, la question est au travail à CGé également. La remédiation payante nous interpelle, par l’ampleur qu’elle prend, par le nombre d’élèves qui y

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font appel et par les budgets dépensés par les familles pour faire faire des choses qui devraient, à nos yeux, être faites par l’école.

Pour dresser le tableau de façon un peu simpliste, il y a les tenants de la « re-médiation », qui pensent que si une première « médiation » entre un élève et le savoir n’a pas fonctionné il est nécessaire de recommencer. Et puis il y a ceux qui entendent « remèd-iation » et qui s’insurgent contre le fait que des élèves soient « malades » et qu’il faille leur inoculer un « remède ». Il faut reconnaitre que, dans le monde enseignant, la deuxième métaphore a un certain succès. On parle de « lacunes » ou de « déficits » qu’il faut « diagnostiquer » pour y « remédier ».

Qu’ils entendent « re-médiation » ou « remèd-iation », les acteurs de CGé sont d’accord pour dire que la priorité est de rendre l’école plus égalitaire.

Nous pensons que les coachings payants ne prennent une telle ampleur que parce que l’École échoue dans ses missions. S’il n’y avait pas autant d’échecs scolaires, ce marché ne serait pas aussi florissant. La réponse à cette dualisation est bien au sein de l’École qui doit trouver le moyen de mieux faire apprendre.

La première question qui se pose à nous à ce moment-là a été la remédiation permet-elle la réussite et l’émancipation de tous ? et à quelles conditions ? Pour pouvoir répondre à cette question, il nous a donc fallu aller plus loin que l’inventaire réalisé avec la Fondation

Un groupe de travail s’est donc recréé, avec cinq des facilitateurs et deux nouveaux arrivants. Nous sommes donc partis avec cette question à la rencontre d’autres enseignants-remédiateurs. Ce travail d’enquête ne nous a pas permis d’identifier précisément les conditions nécessaires pour que la remédiation soit émancipatrice. Mais il nous a conforté dans l’idée que la perception des enseignants à propos de leurs élèves, de la remédiation, des objectifs du système, a une influence majeure sur la conception même des activités de remédiation et donc sur ses résultats. Nous avons alors constaté qu’avec tous ces éléments nous pouvions ébaucher des réponses à une deuxième question : « Que nous dit la remédiation de l’École ? »

Cette étude commence donc par un travail d’analyse sous forme de constats à partir de ce que nous avons pu recueillir dans les dossiers de candidature des écoles, dans les entretiens individuels et lors des intervisions. Nous avons divisé cette première partie de l’étude en quatre chapitres ce que les enseignants disent des élèves en remédiation, ce que les enseignants disent de la remédiation, ce que les enseignants ne disent pas et ce que la remédiation dit de l’École. Dans une deuxième partie, pour dépasser les constats, nous avons voulu dessiner des pistes d’action. Le cinquième chapitre est donc consacré à quelques pistes pédagogiques, agir en classe, tandis que le sixième s’attaque à des pistes systémiques, agir sur le système.

Cette étude est le fruit d’un important travail collectif : les facilitateurs du projet de la FRB Anne CHEVALIER, Raoul FONTAINE, Sandrine GROSJEAN, Christine MARON, Benoît ROOSENS et Pierre SMETS ont été rejoints par deux autres personnes Romy GUILLAUME et Anne-Marie WAUTERS pour la deuxième partie du travail. Parmi ces facilitateurs et enquêteurs, trois personnes ont apporté une contribution importante à la production finale de l’écrit. Les chapitres ou parties de chapitre qu’elles ont rédigés sont signés de leur nom, pour que le lecteur puisse identifier les auteurs. Il s’agit de Romy GUILLAUME, stagiaire en sociologie, pour la rédaction

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du premier chapitre et d’Anne CHEVALIER et de Pierre SMETS, tout deux enseignants et formateurs d’adultes, qui proposent des pistes pédagogiques.

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Ce que les enseignants disent des élèves

Romy GUILLAUME

De nombreuses études l’ont démontré, la perception que les enseignants ont de leurs élèves influence peu ou prou, les résultats de l’apprentissage chez les élèves. Dans ce premier chapitre, il nous a donc semblé important de décrire l’image qu’ont les enseignants de leurs élèves en remédiation.

Il s’agit principalement de poser les premiers jalons sur lesquels va reposer la réflexion sur ces dispositifs scolaires d’accompagnement. La parole a donc été donnée aux « remédiateurs », qui ont pu expliquer, étendre, déployer leurs pratiques de soutien. Loin d’une image figée des élèves et d’une voix unifiée, ces acteurs partagent différents points de vue qu’il importera de rapporter dans ce chapitre.

Pour faire cette recherche au sujet de l’image de l’élève, nous sommes partis d’entretiens menés auprès de remédiateurs en Communauté française. Ce travail est productif dans la mesure où il fournit des pistes d’interprétation, mais ne peut en aucun cas être considéré comme représentatif de la pensée enseignante en Communauté française par exemple. L’objectif principal était plutôt de faire une analyse de contenu des différentes logiques sous-jacentes servant de base à une compréhension plus fine et approfondie du dispositif de remédiation. De la même manière, et comme la Fondation Roi Baudouin l’a d’ailleurs évoqué, il existe une telle diversité de dispositifs que la représentativité eût été un objectif ambitieux.

Quelques grandes tendances se dessinent à partir de notre travail d’analyse. La représentation que les enseignants ont des élèves dans le cadre de la remédiation tourne autour de cinq points.

— l’élève pris dans sa globalité,

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— une manière empathique d’appréhender l’élève,

— l’élève comme acteur de son apprentissage,

— la motivation des élèves,

— le soutien individualisé.

Malgré la répartition en différentes thématiques, il importe de garder un regard global sur l’ensemble des données évoquées afin de parvenir à une compréhension plus entière de la représentation de la remédiation scolaire qu’ont ces enseignants. Tous ces éléments évoluent en interaction et sont fortement liés les uns aux autres. La présentation qui suit fait donc l’objet d’un choix, et pourrait être envisagée d’une tout autre manière.

Le monde scolaire est divisé en deux : d’un côté les professeurs, de l’autre, les élèves. La sociologie de l’éducation a montré qu’entre ces deux groupes, la communication n’était pas toujours évidente et qu’il existait de nombreux « malentendus », souvent à l’origine de l’échec. Dans le cadre de cette étude, la parole a été donnée aux enseignants de la remédiation au sujet de leurs pratiques d’accompagnement. Nous les appellerons les « remédiateurs ». Il aurait été intéressant également d’entendre la parole des élèves, mais le dispositif ne nous l’a pas permis.

Dans un premier temps, nous nous intéresserons aux élèves tels qu’ils sont perçus par ces professeurs en particulier. L’image que nous développerons est intéressante en ce sens qu’elle nous éclaire sur la remédiation actuelle, ses objectifs, ses contenus et méthodes. Trois éléments ressortent de manière significative des entretiens d’une part, le fait que ces élèves soient considérés dans leur « globalité » et pas seulement comme des apprenants. D’autre part, la conception de l’élève comme « acteur », qui mobilise les outils et ressources à sa disposition pour atteindre un objectif de réussite, est considérée comme fondamentale. Cet élément étant fortement lié à un ensemble de motivations, nous aborderons les raisons des élèves (toujours du point de vue des remédiateurs) de s’engager dans un tel processus de soutien. Enfin, on peut pointer l’importance de la relation entre l’enseignant et l’enseigné dans l’accompagnement scolaire qui implique souvent un suivi individualisé.

Un élève pris dans sa globalité

L’élève est appréhendé comme un « tout » il est non seulement apprenant, mais aussi adolescent qui doit entre autres faire face au changement radical que constitue le passage du primaire au secondaire.

On note donc un intérêt des professeurs pour la « personnalité » de l’enseigné et pour la nécessité de « le connaitre », sans pour autant savoir exactement ce qui est représenté derrière ces propos.

« La coordinatrice prend le temps de discuter avec chaque élève quand on voit qu’il y a peut-être un élément qui peut perturber la scolarité… qui est externe à son intelligence, mais qui joue énormément dans son intégration ou dans ses résultats. »

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« C’est l’arrivée dans une nouvelle école, avec des nouvelles personnes, il y a l’intégration, il y a plein de choses, donc on est un peu perdu… Le fonctionnement aussi, changer de locaux, etc. … pour aller en sciences, pour aller en arts… Euh, tout ça, ça les perturbe. »

Il est admis que l’échec scolaire puisse être dû à de nombreuses raisons ayant leurs racines hors de la réalité scolaire et on peut remarquer derrière cet intérêt pour la personne de l’élève, la volonté de l’enseignant d’y porter attention, bien qu’il se centre essentiellement sur la personnalité pédagogique.

Nous le verrons plus loin, les remédiateurs plus que d’autres enseignants sont portés à prendre en considération les différentes facettes de l’élève. Mais ceci n’implique pas pour autant un souci pour plus d’égalité.

Cette conception plus globale de l’enseigné va de pair avec la nécessité, pour certains, d’un système qui encadre véritablement l’élève. Plusieurs services de soutien sont mis à sa disposition et le lien entre ces différents dispositifs est essentiel (écoles des devoirs axées sur la méthode, rattrapages sur la théorie, la compréhension, suivi individualisé pour des problèmes plus personnels…). Ceci peut paraitre contradictoire : d’un côté l’élève est pris en considération dans sa globalité et en même temps on lui demande de traiter ses différents problèmes à différents endroits, avec différentes personnes. Ceci dit, cette contradiction ne semble pas être perçue comme telle par les enseignants dans la mesure où il y a dialogue entre les différentes entités.

« On prend l’élève dans sa globalité, il peut avoir des problèmes familiaux qui l’empêchent de travailler au niveau scolaire. Donc l’éducateur, le PMS [Centres Psycho-Médico-Sociaux] prennent en charge le niveau familial et le niveau motivation, avec peut-être un projet personnel. Alors si le projet personnel c’est quand même de réussir son année, si c’est de continuer dans cette filière (…) et de continuer dans le général alors il nous l’envoie et on prend le relai. Et s’il n’y a pas ce relai, s’il n’y a pas ce dialogue entre les différents services, on ne sait pas le suivre à tous les niveaux. (…) Et donc ce lien est fondamental. »

Il est donc important de noter que cette attention à l’égard d’éléments plutôt extrapédagogiques ne va pas forcément de pair avec une extension du rôle du remédiateur. Celui-ci garde sa fonction strictement pédagogique, mais fait le relai vers les services adaptés en cas de problème extérieur. Ce qu’on constate donc bien ici, c’est davantage l’intérêt porté pour l’élève comme personne, dans la mesure où c’est cette personne tout entière qui est en relation avec le savoir que l’école a pour objectif de lui transmettre.

Une manière « empathique » d’appréhender l’élève

Dans les entretiens, on peut remarquer l’étonnante empathie des enseignants envers leurs élèves, ceux-ci se mettent véritablement à leur place. Cette manière d’appréhender le sujet est particulière dans le sens où elle relève d’une perspective assurément compréhensive. Elle n’est pas donnée d’avance ni évidente

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et dévoile un souci d’adaptation optimale du contenu et de la méthode d’enseignement aux attentes pressenties des enseignés. Notons par exemple l’emploi du terme « se dire » dans les extraits suivants

« Ils ont besoin d’avoir quelqu’un qui est fort présent pour se mettre au travail. C’est une façon de se forcer à travailler, de se dire “il y a quelqu’un qui va surveiller… qui va voir mon état d’avancement…” »

« En général, surtout en première, ils écoutent le professeur et ils se disent “oui, c’est madame Untel qui m’a demandé de venir m’inscrire parce que… parce que voilà ma dernière interrogation”. »

« Quelqu’un qui vient spontanément aura assez de motivation de départ pour se dire “Voilà, c’est moi qui… je me suis inscrite parce qu’il y a une raison. Je suis là pour quelque chose. Donc je travaille”. »

Cette empathie est intéressante au sens où ce qui est interprété diffère d’un enseignant à l’autre. Dans la représentation des enseignants, l’élève doit mobiliser les moyens et ressources à sa disposition (les heures de remédiation par exemple) pour atteindre ses objectifs (ici la réussite1) et ce en fonction de ses besoins (qu’il est censé connaitre). Ces enseignants y voient un élève stratège. L’enseigné est donc pleinement considéré comme acteur de sa réussite, tel que nous le détaillerons plus loin.

D’autres exemples rendent compte de cette empathie, sans toutefois se référer explicitement à l’idée de l’élève stratège.

« Ils sont fatigués, la journée a été longue, et… il y en a certains qui sont un peu moins motivés à travailler… mais je pense que ça leur apporte quand même… de voir ça d’une autre manière ; moi j’essaye de voir ça d’une manière ludique pour aussi leur montrer que c’est pas compliqué, qu’on peut… qu’on peut apprendre le français en s’amusant et d’autres choses… »

On peut en effet noter que la référence à un acteur « stratège » ne figure aucunement dans ces fragments d’entretien. On devine plutôt l’idée selon laquelle l’apprentissage doit se faire à « l’insu » de l’élève en remédiation qui manque souvent de motivation et se perçoit comme puni. Il s’agit donc davantage de « faire passer la pilule » plutôt que de jouer sur le désir d’apprendre de l’enseigné, considéré ici comme relativement faible. L’action centrale se situe donc du côté du remédiateur (qui propose des activités ludiques par exemple), plutôt que de l’élève qui ne se « rend peut-être pas compte » de son apprentissage. Ce qui pose la question de savoir comment l’élève peut développer des stratégies d’apprentissage s’il n’est pas conscient de ce qu’il fait.

1 Notons que l’objectif de réussite des élèves est considéré comme évident et n’est pas du tout

remis en question dans ces entretiens. Cela n’est pas le cas de tous rappelons un des extraits précédents « si le projet personnel c’est quand même de réussir son année, si c’est continuer dans cette filière, on est dans le général, et continuer dans le général ben… alors il nous l’envoie et on prend le relais. » .

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Le postulat est le suivant : ce que les enseignants « projettent » sur l’élève comme attentes, motivations, objectifs, craintes, etc. dépend de leur parcours et de leur personnalité.

On peut citer cet exemple dans lequel le mécanisme est conscient. Le remédiateur se dit « insouciant » lors de son parcours secondaire sans éprouver de difficultés particulières quant à la matière. Il n’étudie pas par manque d’intérêt. En transposant cette attitude sur certains de ses élèves, il peut mieux s’adapter à leur manière de voir les choses.

« Moi personnellement les tests… je m’en fichais ! Je les comprends. Parce que je suis passé par là. Parce que je sais que ce n’est pas de la fainéantise, que ce n’est pas de la mauvaise volonté, c’est juste de l’inconscience. De l’insouciance. »

Cet exemple montre l’empathie dont certains enseignants font preuve, en relation avec leur expérience et références propres. Au-delà des projections possibles de la part des enseignants, il y a leurs attentes. Qu’elles proviennent de leur propre parcours d’élève ou de leur statut d’enseignant, la majorité des remédiateurs attendent que leurs élèves soient « acteurs » de leur scolarité.

L’élève comme acteur de son apprentissage

L’élève « acteur » est une référence pour bon nombre d’enseignants. À ce titre, il doit véritablement se constituer comme sujet scolaire, ce qui rappelle les écrits de DUBET et MARTUCCELLI (1996) :

« Le jeu du succès naturel est perçu comme un bluff et les élèves savent que l’on n’est pas “lycéen”, mais qu’on le devient. Pour se constituer comme sujet scolaire, il s’agit d’affronter des contraintes et de les hiérarchiser. En tout premier lieu, il faut organiser sa vie et, d’une manière ou d’une autre, être prêt à sacrifier les loisirs à la scolarité. » (À l’école, p. 265)

Cette notion se donne à voir à de nombreuses reprises, dans des contextes divers et variés de remédiation. La nécessité de se responsabiliser en tant qu’élève et de prendre son apprentissage en mains domine véritablement.

« Mais la démarche personnelle est intéressante pour voir déjà, de un, le jeune qui prend sa scolarité en mains, et de deux, pour lui se valoriser en se disant “moi je suis quelqu’un de responsable, je fais cette démarche de m’inscrire en étude dirigée, ça va être bien vu aux yeux du professeur et en plus, je vais me retrouver avec des gens qui vont pouvoir m’expliquer aussi les choses, qui ont peut-être les mêmes lacunes que moi” (…). »

« Les élèves, influencés par les potes, peuvent préférer la récré, mais ils sont amenés par ce système à gérer leur étude et l’organisation de leur temps scolaire ; ils sont responsabilisés puisqu’ils choisissent de venir. »

« Ils se prennent en charge progressivement et apprennent à gérer leur présence, selon leurs besoins. »

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Dans la continuité de cette vision de l’enseigné comme acteur à part entière, l’autonomie est fortement valorisée et développée dans l’apprentissage. Mais lorsque ce concept apparait dans le discours enseignant, c’est sous une certaine acception : apprendre aux élèves à s’organiser, à trouver la meilleure méthode pour étudier une matière, à évaluer les résultats obtenus, ou encore à mobiliser diverses ressources si besoin, par exemple l’utilisation d’un manuel scolaire.

« Ça, c’est vraiment l’objectif principal de l’école des devoirs. Apprendre à l’autonomie. (…) ce qu’on va faire, c’est leur montrer que, grâce à un manuel, ils peuvent réutiliser la matière. On leur fait relire la théorie, expliquer, c’est eux qui doivent essayer de se débrouiller par eux-mêmes, nous on les guide dans l’apprentissage. Et on essaye de faire en sorte que ça soit eux qui trouvent les réponses, que ça soit eux qui apprennent la démarche. (…) L’objectif n’est pas le même. L’objectif de l’école des devoirs, c’est apprendre à être autonome, et l’objectif du cours c’est qu’ils aient compris la matière. »

Mais ce qu’on note principalement derrière cette acception, c’est plutôt une forme de « débrouillardise ». C’est une autonomie plutôt restreinte puisqu’elle ne vise par exemple pas une remise en question de la valeur des actes posés ou de leur efficacité.

Lorsque cette « stricte » autonomie fait défaut chez certains apprenants, le remédiateur est parfois déstabilisé, et il est alors difficile pour lui d’avancer. Certains ont tendance à considérer cette difficulté comme insurmontable, surtout dans la mesure où ils n’ont pas toujours l’occasion d’opérer un suivi aussi individualisé avec quelques élèves. L’autonomie est donc un prérequis majeur pour développer un enseigné « acteur », tout comme la connaissance de soi que peut avoir l’élève.

« Pour ceux qui ont un gros manquement, ça ne sert à rien. Il faut s’assoir à côté d’eux. »

« L’élève doit savoir s’il a besoin d’un encadrement plus poussé. »

Cependant, par rapport à cet élève acteur, on constate deux positions distinctes dans le corps remédiant. Pour les tenants de la première position, cette disposition à être acteur est nécessaire d’emblée dans le système de soutien. C’est en quelque sorte une « condition d’existence », dans la mesure où ne sont admis en remédiation que les élèves qui font un « effort ».

« Un garçon, si j’en ai eu un, mais on ne l’a plus revu en remédiation parce que justement, il ne faisait pas d’effort, il ne travaillait quand même pas chez lui donc… lui on l’a retiré de la remédiation je pense. »

« On ne fait pas venir les élèves qui n’ont pas travaillé en classe. On laisse la priorité aux autres. Il faut d’abord qu’ils se calment en classe. La remédiation est utile pour ceux qui le désirent. On ne prend pas ceux qui perturbent. »

Dans ce dernier extrait par exemple, ce phénomène est d’autant plus important qu’il est « ancré » dans la sélection initiale les professeurs choisissent les élèves disposés à travailler, qui font donc preuve de bonne volonté dès le départ.

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Les tenants de la deuxième position laissent l’occasion à l’élève « non impliqué » dans sa scolarité de devenir acteur, pour peu qu’il réalise cette adaptation rapidement, s’il accumule trop de retard, sa réussite est compromise. Pour stimuler les apprenants, on peut présenter l’utilisation du carnet de bord. L’élève y inscrit ses objectifs pour l’heure de remédiation considérée, le temps qu’il pense nécessaire pour y parvenir et doit ensuite s’évaluer en regard de ce qu’il a effectivement réalisé.

En outre, certains professeurs estiment que c’est le système de remédiation en lui-même qui amène l’élève à prendre sa scolarité en mains dans la mesure où on lui laisse le choix de venir ou non. Il sait que ce service est à sa disposition, à lui d’en faire bon usage s’il pense en avoir besoin.

« C’est le côté positif de pas inscrire les élèves d’office, c’est leur montrer qu’on leur fait confiance et qu’on sait qu’ils savent se prendre en main. Et gérer eux-mêmes leur étude. »

« Ils (les élèves) sont amenés par ce système à gérer leur étude et l’organisation de leur temps scolaire ; ils sont responsabilisés puisqu’ils choisissent de venir. »

Pour le remédiateur, montrer qu’il sait ce dont l’élève est capable induit en quelque sorte « mécaniquement » que l’élève se pose les bonnes questions et s’implique. Si cet apriori du « tous capables » est bien une condition nécessaire à la réussite de chacun, ces enseignants ne semblent pas tous percevoir qu’elle n’est pas une condition suffisante. En effet, ces organisations qui permettent de choisir d’aller en remédiation ou non peuvent laisser sur le carreau ceux qui en ont le plus besoin. Nous reviendrons sur cette question dans le deuxième chapitre.

Cette conception de l’élève acteur est intimement liée à la question de la motivation. Pour se prendre en charge, l’élève doit nécessairement avoir un objectif de réussite et trouver ce qui fait sens à ses yeux, ce pour quoi il va mettre en œuvre une stratégie et mobiliser ses ressources. La démarche de s’inscrire ou non en remédiation répond par exemple à une volonté d’améliorer ses résultats et peut donc être associée à un registre motivationnel connexe.

La motivation des élèves à travers le regard enseignant

En parallèle avec le fait d’être acteur ou non vient la question de la motivation. Être capable d’être acteur de son apprentissage ne veut pas encore dire qu’on a envie de le faire. Les deux termes sont très proches, mais pas complètement identiques. Pour les professeurs, l’élève doit souvent « être motivé » dès le départ, alors qu’ils sont prêts à le « rendre acteur ».

« Ce qui n’a pas bien fonctionné l’an dernier, c’est que les élèves venaient complètement désœuvrés, en disant qu’ils ne savaient pas pourquoi ils étaient là, qu’ils n’avaient rien à faire… Je ne sais pas pourquoi je suis en échec, ni le résultat de mon dernier contrôle… Cela doit changer, ils doivent venir vraiment en demande. »

Notons que, même si la motivation de l’élève semble primordiale, certains s’étonnent du fait que les élèves s’inscrivent de manière volontaire en remédiation.

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« Il y a même des élèves qui viennent s’inscrire eux-mêmes. »

Dans le cas où cette motivation de base est absente, deux positions peuvent être envisagées. Pour certains, le rôle de motiver les élèves est perçu comme secondaire. Il existe des situations où l’élève qui ne manifeste pas de motivation n’est pas admis en remédiation. Dans des situations moins extrêmes, le remédiateur a bien un rôle de remotivation et d’« accrochage », mais jusqu’à un certain point. Si vraiment l’élève ne devient pas acteur de sa réussite, il vaut mieux laisser la place à d’autres.

« Je pense que le professeur qui voit que l’élève n’est vraiment pas motivé, qu’il ne fait rien, en tient peut-être compte et se dit “c’est bête de le mettre en remédiation, si au final il va plus perturber la classe qu’autre chose”. »

D’autres estiment, au contraire, avoir un « grand rôle » par rapport à ces élèves en décrochage. Il est d’autant plus important de s’intéresser à eux car ce sont ces élèves qui doivent en priorité bénéficier des bienfaits de la remédiation, par rapport à des élèves qui n’éprouvent pas réellement de difficultés. Il est donc impératif de « pousser » l’élève en mal de motivation.

« La motivation de l’élève ? Il y a deux possibilités, soit il travaille ici [en remédiation] comme il travaillerait à la maison, bien, ou soit il n’est pas motivé, il travaille mal ici comme à la maison. Donc je ne pense pas que ça ait une influence vraiment sur la motivation [le fait que les parents obligent l’élève à s’inscrire], mais par contre ça nous amène des élèves qui sont un peu moins motivés. Mais pour qui on a un gros rôle justement. »

Ce dont nous venons de parler concerne une « re-motivation » des élèves pour qui l’école ne fait pas ou plus sens. En outre, le remédiateur considère avoir un rôle de maintien de la motivation et ce, à l’égard de tous les élèves, acteurs ou non.

Le rôle de maintien de la motivation du professeur et la prise en charge par l’élève de sa scolarité sont donc deux éléments étroitement liés qui doivent évoluer en parallèle.

Pour engager l’élève dans un « ré-accrochage » scolaire ou simplement maintenir son intérêt et son implication dans la remédiation, les remédiateurs développent différentes « stratégies ». On peut citer en ce sens le lien entre le contenu de la remédiation et l’évaluation certificative. Il nous semble en effet que l’évaluation joue sur la motivation à plusieurs niveaux. Pour inciter l’élève à se mobiliser, il peut, par exemple, s’agir d’un dispositif de soutien par lequel il peut repasser travaux et interros un certain nombre de fois.

« Tous les travaux et interros, par compétence, peuvent être (re)passés jusqu’à réussite ; je garde la meilleure cote pour le bulletin. »

Souvent, l’évaluation rend également la remédiation plus « opérationnalisable » les interrogations servent alors de base sur laquelle s’appuyer pour travailler2. Cela

2 Comme nous aurons l’occasion d’en parler dans le chapitre 3, il apparaît dans ce contexte

que la remédiation prenne le pas sur la prévention, à l’inverse de ce qui semble se passer du côté de nos homologues néerlandophones.

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peut dans certains cas s’effectuer « à priori », lorsque la remédiation est l’occasion de faire des révisions en vue d’une interro prochaine, mais c’est principalement utilisé dans une perspective « à postériori », au sens où les résultats de l’évaluation restent le moyen le plus aisé de pointer les difficultés. Celui qui n’a pas su réaliser tel ou tel exercice va revoir cet ensemble de matière en remédiation. De même, l’interrogation, et le bulletin constituent le critère par excellence de vérification des acquis.

« Le jeudi il y a deux semaines, j’ai dû revoir toute la conjugaison parce qu’ils avaient un gros bilan mercredi. »

« Souvent, c’est en fonction des contrôles et des petits devoirs qu’on leur donne… (…) Je suis prof de français, mais je ne donne pas français ici sauf dans la classe passerelle, donc je pense qu’ils ont des évaluations et en fonction… si ils ont des bons résultats ou non, on les envoie en remédiation. »

Ces éléments sont liés à la motivation puisqu’ils jalonnent le parcours des élèves et font en sorte que les progrès soient identifiables rapidement et de façon assez précise. Un succès dans une évaluation peut en effet suffire à remotiver un élève.

« Dès la première leçon, les “perdus” viennent, d’abord invités puis par envie. Ils repassent dans le positif donc sont contents. »

D’autres « stratégies » peuvent être mises en place pour motiver les élèves en remédiation. Des activités ludiques peuvent être proposées, mais on peut aussi faire un retour de ce qui se produit en remédiation au professeur titulaire.

« J’essaye de faire des activités beaucoup plus ludiques pour motiver les élèves. »

« Il y a beaucoup d’élèves là-bas qui se disent “la remédiation, ça sert pas à grand-chose”. Alors je redis que s’ils ne travaillent pas en classe, je peux toujours le dire au professeur principal, dire qu’ils ne faisaient rien en remédiation, mais c’est vrai que ça les motive un peu parce qu’ils sont quand même là pour travailler. On est là pour les aider, pour leur apprendre, pour qu’ils s’en sortent plus tard. »

D’autres éléments jouent également dans la motivation des élèves, sans pour autant faire l’objet d’actions particulières de l’enseignant en ce sens. Pour certains par exemple, les élèves devraient être motivés en quelque sorte « naturellement » par une perspective d’avenir : ils veulent « s’en sortir », donc ont besoin d’un diplôme, ce qui est supposé garantir une adhésion « minimum » au processus de remédiation. Sinon, il faut essayer de « faire passer la pilule » comme nous l’avons montré. À l’inverse, d’autres mettent en évidence l’insouciance importante dont font preuve certains élèves et donc l’absence d’une telle motivation induite par l’image d’avenir.

« Je sais que c’est pas de la fainéantise, que c’est pas de la mauvaise volonté, c’est juste de l’inconscience quoi. C’est de l’insouciance. (…) Et il y a beaucoup d’élèves qui viennent en insouciants ! Et c’est pour ça qu’ils ne travaillent pas. Je pense qu’il ne faut pas parfois chercher loin. »

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Un dernier élément que l’on retrouve dans les entretiens et qui joue un grand rôle dans la motivation des élèves, c’est la revalorisation qui peut s’exercer en remédiation. Comme nous allons le voir au point suivant, c’est un élément fondamental du dispositif, qui n’est pourtant pas souvent mis en évidence.

« C’était tout un travail de… reconnaissance. L’élève qui pour des raisons personnelles, pour des raisons familiales, se trouvait dans un très grand mal être (…), ils avaient besoin d’être reconnus. Et grâce à la remédiation, c’était un tout petit groupe. Je leur permettais, en dehors de la remédiation proprement dite, de s’exprimer et ils étaient écoutés par quelqu’un et être un petit peu valorisé. Et finalement, être bien et être reconnu leur permettait de bien travailler, tout simplement. »

Certains l’expliquent donc clairement comme étant un des objectifs essentiels de la remédiation et font en sorte qu’une relation de confiance se développe, mais ce n’est pas toujours le cas. Nous postulons que cela se produit également chez les enseignants qui n’y prêtent à priori pas une grande attention ou ne reconnaissent pas leur rôle derrière cet objectif. Le simple fait d’être en petit groupe pourrait en effet motiver l’élève, pour peu que la relation entre l’enseignant et lui soit positive. Le fait d’avoir un professeur « juste pour soi » peut être une source de valorisation. Cela atteste de l’importance de la relation dans la remédiation scolaire.

L’« indispensable » soutien individuel

Comme nous l’avons précédemment évoqué, la relation qui s’établit entre l’élève et l’enseignant en remédiation présente un rôle non négligeable. Dans un premier temps, l’individualisation nécessaire au processus de soutien induit un intérêt particulier pour l’élève, qui n’a pas toujours l’opportunité de se réaliser en classe. Par ce suivi rapproché, l’enseignant a l’occasion de cibler au mieux les difficultés de l’élève et donc de lui apporter un soutien personnalisé, adapté à sa situation.

« On va me dire “voilà, lui son problème c’est son organisation dans son cours ou la structure de son cours, lui apprendre à faire des plans, synthétiser, etc.” Et donc moi je vais cibler mon étude dirigée là-dessus pour cette personne-là. »

« L’idéal serait d’avoir une journée où on pourrait aller chez chacun. »

« C’était vraiment orienté vers l’élève, vers les problèmes spécifiques de chacun. (…) Là, j’accompagnais, mais là c’était vraiment un travail individuel. »

Cet intérêt spécifique à l’égard de chaque élève induit une relation différente entre l’élève et le remédiateur, par rapport à celle qui existe avec le professeur titulaire du cours. C’est via cette individualisation fondamentale que des questions moins pédagogiques émerge et que l’intérêt du professeur pour la personne de l’élève s’étend à des questions qui sortent souvent du cadre strictement scolaire.

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« C’est une relation qui est entre guillemets un peu plus intime, une relation paternelle comme ça. Un peu plus paternelle que quand on donne cours je trouve. Parce que ce sont des élèves qu’on voit beaucoup plus, avec qui on a des discussions autres que les cours, donc le lien est un petit peu différent. Dans 99 % des cas, très bon. Très bon parce que les élèves sont contents, sont reconnaissants. Ce sont de très bons rapports qu’on a avec les élèves de l’école des devoirs. »

« Je suis aussi à l’écoute de ce qui se passe entre eux en récré, dans les couloirs, etc. »

Il est important de noter que cette relation plus « intime » ne modifie pas le rôle de l’enseignant dans la mesure où ce dernier n’interfère pas dans la vie « privée » de l’élève ; si besoin est, il délègue la question aux responsables des dispositifs compétents (au centre PMS par exemple).

Par ailleurs, lorsqu’un élève décroche « sérieusement », un contact relationnel de proximité peut être perçu comme un « dernier recours » pour l’engager dans un processus d’accrochage. Cela rejoint la question traitée au point précédent la relation peut être une source de motivation pour l’élève qui est moins amené à considérer la remédiation comme une punition puisqu’il y développe un rapport « privilégié » avec l’enseignant.

Par ailleurs, ce qui se joue principalement via cette proximité, c’est le rapport de l’élève à lui-même, sa valorisation personnelle. La relation avec le remédiateur et, plus largement, le cadre plus « intime » de la remédiation semble en effet améliorer la confiance en soi de l’élève. Un climat de confiance s’établit souvent, ce qui permet à l’élève de s’exprimer peut-être plus facilement. Cette confiance en soi est, dans certains cas, l’objet même du travail en remédiation. Certains sont en effet convaincus que les élèves en difficulté ont besoin de se sentir valorisés.

« Je leur permettais, en dehors de la remédiation proprement dite, de s’exprimer et ils étaient écoutés par quelqu’un et étaient un petit peu valorisé. »

« Il y a des élèves très demandeurs. Mais on voit que ce sont les élèves qui sont déjà suivis chez eux. À part certains élèves qui viennent parce que là on s’intéresse à eux. »

Bien qu’étant largement d’ordre informel, la proximité entre l’enseignant et l’enseigné constitue donc un élément important dans la remédiation. Nous avons en effet postulé qu’elle pouvait jouer un rôle non négligeable dans l’évolution de l’élève en difficulté, ce qui n’est pourtant pas toujours considéré comme tel.

Après avoir parcouru ces grandes tendances autour de la manière dont les enseignants considèrent leurs élèves, il importe à présent de s’intéresser à leur discours relatif au processus de remédiation en lui-même, et d’élargir par là même notre angle de vue.

Conclusion

En résumé, la vision des enseignants autour des élèves en remédiation serait que celle-ci se passera bien si l’élève est pris dans sa globalité par un enseignant

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capable de faire preuve d’empathie. Dans un contexte où le soutien individuel peut se mettre en place, l’élève peut trouver ou développer une motivation à être lui-même acteur de sa scolarité.

Cette vision comporte, à nos yeux un certain nombre de risques.

Le désir de prendre l’élève en charge dans sa globalité peut mener à des démarches quelque peu intrusives de la part des enseignants. Dans une volonté de mieux comprendre qui est l’élève, on peut poser des questions qui dépassent largement le domaine de compétence de la remédiation.

Faire preuve d’empathie est certainement un atout majeur dans la relation de l’enseignant avec ses élèves. Mais quels sont les garde-fous que l’on met en place pour s’assurer que les enseignants ne confondent pas empathie et projection personnelle ? Si je suis compréhensif avec un élève insouciant parce que je l’ai été moi-même, comment puis-je traiter de façon équitable l’élève stressé, bloqué dans ses apprentissages par son souci de bien faire ? Quand et comment les enseignants apprennent-ils à avoir cette vigilance ?

La question de la motivation traverse tous les lieux d’apprentissage. Comment donner envie d’apprendre quelque chose ? Les enseignants qui posent le postulat qu’il faut être motivé au départ pour apprendre laissent sur le carreau de nombreux élèves qui ont perdu le gout d’apprendre ou qui n’expriment pas leur gout d’apprendre selon les codes entendus par le système scolaire. La question de l’empathie vient ici rejoindre la question de la motivation puisqu’il va falloir trouver des personnes particulièrement sensibles et bienveillantes pour faire renaitre le gout d’apprendre chez des jeunes qui ne l’ont plus.

Le soutien individuel, quant à lui, nous questionne à plusieurs niveaux. Premièrement, au niveau du transfert des apprentissages dans un contexte collectif, comment faire pour que l’élève reste aussi performant quand il retourne dans son groupe classe que quand il était dans le cocon de la remédiation ? Deuxièmement, au niveau de la multiplication des relations individuelles que cela implique, avec le nombre de remédiations organisées, le système risque de complètement s’emballer. Troisièmement, au niveau des pédagogies pratiquées dans les classes nous pensons qu’il est possible de personnaliser les apprentissages dans un groupe et que le collectif est porteur pour construire les savoirs. Quatrièmement, au niveau systémique, nous pensons que ce soutien individualisé est le reflet de la pensée dominante qui veut que l’individu soit entièrement responsable des ses réussites et de ses échecs. Il amène, sous des dehors bienveillants, une responsabilisation qui frise la culpabilisation et qui occulte les principes systémiques producteurs d’échecs et d’inégalité que nous pointerons dans les chapitres suivants.

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Ce que les enseignants disent de la remédiation

« Quand l’erreur devient globale et collective, il faut pouvoir s’interroger sur les vraies racines de l’échec. »

Ce chapitre s’appuie, pour beaucoup, sur ce qui ressort des comptes rendus des intervisions menées par CGé pour le compte de la Fondation Roi Baudoin entre mars et mai 2011. Il est complété par l’analyse des questions que les participants se posaient avant de venir aux intervisions et par le résultat d’entretiens menés auprès d’enseignants-remédiateurs n’ayant pas participé au processus d’intervision.

Nous avons divisé ce que les enseignants disent de la remédiation en trois parties. Tout d’abord, nous parlerons de ce qu’ils disent ou sous-entendent des remédiateurs, de leur motivation et de leur statut. Ensuite, nous verrons ce qu’ils disent de la remédiation en elle-même, de sa diversité, du type de travail qu’elle nécessite et de sa fonction. Enfin nous verrons quelques tensions qui traversent la remédiation et comment cela peut contribuer à renforcer la stigmatisation.

Les caractéristiques des remédiateurs

Motivation/démotivation Nous avons vu au premier chapitre à quel point la motivation d’un élève pouvait être interdépendante de la relation qu’il établit avec un enseignant. Les enseignants insistent énormément sur la motivation des élèves, mais ils ne parlent de la leur que par voie détournée.

Ceci dit, en ouvrant un peu les oreilles, on peut facilement entendre ce qui les motive et ce qui les démotive dans le travail de remédiation.

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Parmi les choses qui motivent, on peut pointer :

— le confort relationnel, être bien, en harmonie avec ses élèves,

— la richesse et la créativité du travail de remédiation,

— le fait de donner des chances à tous,

— la confiance de la direction,

— la reconnaissance des collègues,

— la communication en équipe,

— la collectivisation du travail,

— les moyens matériels (temps, locaux, matériel).

À l’inverse,un certain nombre de choses peuvent démotiver comme l’illustre l’extrait suivant « Il arrive que les profs de remédiation soient un peu dévalorisés par leurs collègues, voire mal vus. Cela peut s’expliquer notamment par le fait que le remédiateur est parfois vu comme un collègue amené à juger la qualité de l’enseignement de ses pairs. Ou que l’envoi en remédiation est considéré comme un simple “renvoi de patate chaude” à un collègue qui doit se débrouiller avec un enfant difficile. »

On peut ainsi pointer comme éléments de démotivation :

— la dévalorisation des collègues,

— la peur du jugement,

— le manque de reconnaissance,

— le manque de compréhension de la part des collègues,

— la politique de la patate chaude,

— la solitude,

— le manque de moyen,

— le manque de statut.

Dans le travail qui a été fait pour identifier ce que la remédiation ne devrait pas être, on a pu pointer des sources de motivations perçues comme négatives par les enseignants :un cours pour se donner bonne conscience, un complément ou une « queue d’horaire ». Pourtant quasi tous les enseignants rencontrés en entretien ont commencé à donner les cours de remédiation pour compléter un horaire. Certains y sont restés de nombreuses années par gout de ce type de travail. Parfois, il faut être un peu poussé au départ pour trouver une motivation personnelle.

Le statut Selon les lieux et les dispositifs, les personnes qui assurent la remédiation sont aussi bien des enseignants qui travaillent dans le cadre du NTPP ou bénévolement que des volontaires qui font ça en dehors des heures scolaires ou dans le cadre horaire ou des logopèdes, psychologues, assistants sociaux… Même lorsque ce sont des enseignants qui font de la remédiation dans le cadre explicite de l’école, ces heures ne sont pas immédiatement prises en compte sur le plan de leur carrière. On peut comprendre que les conditions et le contrat dans lequel est inscrit le

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remédiateur lorsqu’il travaille peuvent participer à sa motivation personnelle. Cette posture peut avoir une influence directe sur le résultat de son travail étant donnée l’interdépendance entre la motivation de l’enseignant et celle de l’élève dont nous parlions plus haut.

Les enseignants pointent toutes les compétences relationnelles, pédagogiques et de maitrise de la matière que cette fonction exige. Ils revendiquent de ce fait un statut plus explicite pour ces personnes qui devraient être mieux formées. Ils questionnent même la pertinence de mettre de jeunes enseignants dans cette fonction. En même temps, ils insistent sur la nécessité de pouvoir s’adapter à chaque réalité scolaire.

« Aucune forme de remédiation ne fonctionne en copier/coller. Il faut aller chercher ce qui, dans sa propre culture d’école, est susceptible de coller au mieux aux besoins des élèves. Les publics, les régions, les écoles sont tous différents. »

Au sein d’un établissement, il se peut qu’il y ait des étiquettes qui soient collées à certains enseignants qui font de la remédiation. Cette stigmatisation des enseignants peut participer à la stigmatisation des élèves qui suivent la remédiation et réciproquement.

« On voit bien par rapport à nos collègues qu’on est catalogués comme Mme Remédiation et c’est très bien comme ça, les autres profs ne doivent pas s’en préoccuper. Par ailleurs, quand on discute de notre travail avec les autres professeurs, ils nous disent qu’il faudrait que nous ayons enfin de vraies heures de travail à notre actif et que nous devrions faire quelque chose de sérieux à l’avenir, des heures qui comptent pour la carrière. Le système pousse à quitter cette fonction, car les heures de remédiation n’apportent aucune stabilité d’emploi, on le fait en début de carrière et ces heures ne sont pas comptabilisées pour la suite. C’est vraiment un problème dans l’organisation du système. »

Lorsqu’on analyse les questions que les participants se posaient avant la mise en place des intervisions, on peut constater que la question de la formation des personnes qui font la remédiation, ainsi que leur capacité à réaliser un diagnostic précis revient de façon récurrente. Les questions sont parfois pointues « Comment proposer un meilleur accompagnement des élèves “dys” ou “HP” même par des professeurs qui ne connaissent pas bien ces questions ? » ou d’autres questions beaucoup plus larges « Ne faut-il pas renforcer la formation des enseignants (domaines cognitifs, socioaffectifs, organisationnels) ? ». Elles portent sur la capacité de diagnostic, la formation des enseignants, les méthodes et les stratégies de diagnostic. Il est frappant de constater que les questions posées à ce sujet se sont relativement peu apparues dans les échanges des intervisions. Il semblerait que les dispositifs mis en place dans les écoles mettent peu d’énergie sur la construction effective de ce diagnostic, malgré l’importance que les praticiens perçoivent de ce moment.

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Les caractéristiques de la remédiation

La diversité Durant le travail d’intervision avec la FRB, les différents participants ont exposé leurs processus de remédiation. Nous avons donc récolté énormément d’informations sur le foisonnement de dispositifs différents existants. Le travail de compilation réalisé par la Fondation fait l’objet du rapport intitulé « Remédiation scolaire en Communauté française, quelles pratiques en vue de réduire l’échec scolaire ? ». Ce rapport rend bien compte de la multiplicité et la diversité des dispositifs ainsi que sur la créativité dont les enseignants et les équipes éducatives font preuve pour les inventer et les mettre en place. Pour en prendre toute la mesure, nous ne pouvons que vous inciter à prendre connaissance de ce dernier.

Un point sur lequel beaucoup d’enseignants se rallient est la nécessité de prendre le temps de faire un bon « diagnostic ». Ils insistent sur le fait que ce travail doit impliquer l’élève afin de le rendre conscient de ses lacunes ou de ses difficultés. Ceci dit, si tous s’accordent sur la nécessité de le faire, aucun ne dit comment il faut le faire.

Les enseignants, lors des intervisions de la Fondation, comme lors des entretiens, pointent la difficulté d’évaluer ces dispositifs. Lors des intervisions, un travail d’évaluation a été mené en réalisant une analyse en termes de « résultats attendus, résultats observés, risques ». Même si des éléments d’analyse intéressants ont émergé des discussions (cf. rapport FRB pp 41-51), ce travail a été particulièrement laborieux et révélateur de la difficulté de se mettre en position d’évaluateur critique par rapport à un processus que l’on contribue à mettre en place.

Le travail d’équipe Les enseignants disent bien la nécessité de travailler en équipe pour aboutir à une bonne remédiation. Mais concrètement, ça ne se passe pas toujours aussi bien qu’ils le voudraient. Ils décrivent trois niveaux de travail d’équipe.

La communication Échanger des informations sur ce qui se fait en classe, préciser les lacunes, identifier les élèves qui ont besoin de remédiation est le niveau de base de communication indispensable pour qu’un dispositif fonctionne de manière constructive.

Les moyens de mettre en œuvre cette communication varient selon les endroits. Dans une école de la province du Luxembourg, l’organisation de la remédiation se fait par voie informatique les enseignants communiquent le nom des élèves devant participer à une remédiation ainsi que la matière à revoir via un site. Le coordinateur peut ainsi savoir qui doit aller où pour faire quoi. Ce système peut avoir un côté très « Big Brother » si on le voit seulement dans sa vision de contrôle, mais en même temps, cette information complète et explicite exigée de chaque enseignant qui envoie un élève en remédiation simplifie et valorise le travail de l’enseignant-remédiateur.

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Dans d’autres écoles, cette fonction est simplement remplie par un carnet de communication (journal de classe, cahier de suivi) dans lequel les enseignants communiquent le travail à faire ou la matière à revoir.

La collaboration Dans certaines écoles, il y a un vrai travail d’équipe autour du projet de remédiation avec un temps de concertation ciblé sur cette question.

« Il y avait une bonne collaboration avec les autres professeurs et bizarrement avec les professeurs de pratique professionnelle qui sentaient les difficultés de relation par exemple, quand ils allaient en stage. Ils demandaient que je prenne un peu cet élève pour lui expliquer un peu… un peu comment communiquer… »

L’adhésion Cette dimension ressort essentiellement des questions que les participants se posaient avant l’intervision. « Comment développer une philosophie commune face à l’échec ? ». Elle transparait plus en filigrane ou par la négative dans les discussions lorsque les gens signalent que les mentalités doivent évoluer dans les écoles.

« Dans notre école, il est difficile de travailler en équipe. On est très seuls, souligne Christine R, d’une école bruxelloise. Je me suis rendu compte que dans d’autres écoles, ce n’était pas le cas. C’est très intéressant de voir que ça fonctionne autrement ailleurs, où des cellules ont été mises en place. J’en ai parlé à la direction. Chez nous, on manque de coordination et de travail d‘équipe. »

La fonction de la remédiation

Rattrapage Beaucoup d’enseignants insistent sur la nécessité de la remédiation. Ils la situent dans un contexte où le public change ; il faut donc en faire plus qu’avant, car les élèves ne sont pas au niveau où on les attend.

Différentes causes sont pointées pour ce changement :

— le CEB « bonux », le fait que l’obtention du CEB paraisse plus facile depuis qu’il est centralisé,

— l’obligation d’aller en 1re C si on a réussi le CEB même de façon très limite,

— la réorganisation du premier degré qui ne permet plus d’orienter vers des filières professionnelles dès la 2e,

— la limitation du redoublement qui amène certains à « réussir d’office ». À tel point que certaines écoles en arrivent à des pratiques pour le moins interpelantes.

« Nous mentons nous faisons passer le message que les 1res S doivent réussir leurs examens pour passer en 2e. De plus nous imposons des examens de passage (dans les matières où il n’en est pas prévu officiellement). »

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Les participants aux intervisions et aux entretiens nous montrent que la remédiation actuelle est le fruit d’une longue évolution et qu’elle est encore en mutation constante, à la recherche de formes stables qui permettent une reproduction plus aisée des processus. Tout en mettant en avant les tâtonnements et la créativité nécessaire à la mise en place des dispositifs de remédiation dans les écoles, certains représentants des directions disent qu’il est vraiment nécessaire d’aller vers une structuration et une professionnalisation de ce domaine. « On constate que la rigueur est très importante quelle que soit la remédiation mise en place. Il faut sortir de l’affectif et organiser concrètement la remédiation, la rendre efficace ». Avec la question suivante « Comment passer d’une dimension “familiale” de la remédiation à une approche plus systématique et plus professionnelle ? ». Ce qui renvoie également à la question de la souplesse et de la stabilité dont nous parlions déjà plus haut.

Certains des participants disent : « Une bonne remédiation, c’est celle qui n’existe pas. ». Ce qui sous-tend qu’une action posée en amont de la difficulté révélatrice permettrait d’éviter le passage en remédiation. On situe alors deux lieux d’action : la classe du professeur titulaire et l’enseignement fondamental.

Par rapport à la classe, ce constat renvoie à la question de ce qu’est le métier d’enseignant et en quoi le titulaire d’un cours est-il responsable de s’assurer qu’il transmet les savoirs à tous ses élèves ? Plusieurs remarques vont dans ce sens.

« Le travail pédagogique des profs n’est-il pas d’enseigner et d’expliquer aux 40 % qui ont besoin de l’école pour réussir ? Or, aujourd’hui, on a plutôt l’impression que les profs sont formés pour les 60 % qui n’avaient pas besoin de l’école pour réussir. »

« Si le professeur, dans son apprentissage premier, fait en sorte que tous les élèves réussissent, nous n’avons pas besoin de remédiation… »

« Le recours au coaching privé n’est rien d’autre que l’échec de l’école publique. »

Par rapport à l’enseignement fondamental, d’autres remarques apparaissent.

« C’est maintenant en 1re secondaire qu’on leur apprend à étudier alors que ça devrait être la mission du primaire. »

« Les CEB “bonux” posent de graves problèmes au 1er degré. Dans ce contexte, nous constatons que les remédiations classiques semblent de moins en moins efficientes et efficaces. »

On a ici un peu l’impression que la politique de la « patate chaude » se reproduit en termes de responsabilité. Les enseignants confrontés aux échecs de leurs élèves cherchent les causes ailleurs que dans leur enseignement.

Accrochage Cette fonction de la remédiation est bien présente dans le discours des enseignants. Il s’agit de tout le travail en vue maintenir la motivation d’apprendre chez les jeunes et dont nous avons parlé dans le premier chapitre. Pour les enseignants, la remédiation permet à bon nombre d’élèves de ne pas décrocher complètement des apprentissages en (re) trouvant le plaisir d’apprendre.

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« À partir du moment où l’on essaie de mettre en place une remédiation, on obtient des résultats. Les élèves se remotivent, car ils savent qu’il existe une “roue de secours”, qu’ils ont accès à des soutiens. Chaque système peut apporter des résultats et il est donc important de tenter de mettre des choses en place. »

« La frontière entre remédiation et accrochage scolaire est ténue. Il semble que le meilleur moyen de remédier à des difficultés scolaires est de proposer des méthodes pédagogiques qui fassent sens pour les élèves, qui renforcent le plaisir d’apprendre. »

La remédiation en tensions

Comme toute entreprise humaine, la remédiation est traversée d’un certain nombre de tensions. Les enseignants en pointent certaines eux-mêmes.

Dedans/dehors La remédiation doit-elle se faire en classe avec le professeur titulaire ou un co-titulaire ou hors la classe dans un temps et un lieu spécifique prévu pour la remédiation ?

On peut formuler la question autrement la remédiation est-elle « dans » ou « hors » du métier et des missions des enseignants ?

« On a l’impression d’être confrontés à deux mondes différents. Certains professeurs font de la remédiation d’emblée, parce qu’ils considèrent que ça fait partie de leur métier, mais pour d’autres, il faut que ce soit organisé. »

Si on retourne aux questions que les participants se posaient avant les intervisions, on peut constater que beaucoup mettent en évidence la nécessité de travailler tout de suite en classe.

« Quelle remédiation peut être organisée au sein même du cours ? »

Mais, dans ce qu’il ressort des pratiques, c’est une externalisation de la remédiation (par rapport à la classe) qui prévaut. Certaines raisons sont mises en avant

— c’est plus facile de travailler avec des groupes homogènes,

— on peut travailler autrement,

— on peut travailler avec de plus petits groupes, voire individuellement.

On peut constater que la piste qui veut mettre en avant les pratiques immédiates de remédiation au sein de la classe demande d’aller à contrecourant de la pensée dominante dans les écoles et que, de ce fait, elle coute beaucoup d’énergie à ses promoteurs.

Pour tous/pour quelques-uns Faut-il faire des groupes de remédiation par thème, par niveau… ? Faut-il favoriser l’individualisation ou la différenciation ? Certains prennent des options explicites dans un sens

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« Pour tous les élèves » permet de ne pas stigmatiser en englobant. Les plus « forts » deviennent tuteurs d’office. »

ou dans un autre

« Depuis quelques années nous avons pris la décision de créer des classes spécifiques de “S” parce qu’ils “pourrissaient” les groupes classe. »

Entre ces deux positions, il existe un continuum de choix que chaque école fait en fonction de son contexte particulier, mais aussi des valeurs défendues par l’établissement. Chaque dispositif est un révélateur des choix de l’équipe éducative d’un établissement.

Obligation/motivation Faut-il ou non obliger les élèves à participer à la remédiation ? À la lecture de tout ce que nous avons dit plus haut, on comprend que les enseignants se posent également la question à leur niveau : faut-il ou non obliger un enseignant à donner cours de remédiation ? Les réalités ne sont pas les mêmes mais l’interdépendance de ces choix est manifeste.

On l’a compris :travailler avec des élèves motivés est plus facile et avoir un enseignant motivé augmente les chances de réussite du processus. Il faudrait donc travailler essentiellement sur base volontaire pour qu’un « deal win-win » se mette en place. Pourtant, les enseignants sont bien conscients que, en travaillant ainsi, une partie des élèves qui ont le plus besoin de la remédiation n’y viendront pas.

« Certains praticiens de la remédiation regrettent de ne travailler qu’avec les enfants motivés et non avec ceux qui sont en décrochage lourd, par exemple les démotivés et les chahuteurs. »

Ceci montre en filigrane, qu’au-delà de la question des savoirs acquis ou non par un élève, son comportement est un élément qui influence particulièrement la perception des enseignants. Si ce comportement interfère avec le processus d’apprentissage, l’élève doit le modifier au risque d’être exclu, aussi bien des cours que des possibilités de remédiation. Ceci est un implicite majeur de toute la relation pédagogique. Il est très peu remis en question.

Dans certaines écoles, le caractère obligatoire ou non varie suivant les degrés. Par exemple obligatoire au premier degré, facultative au deuxième degré, à la demande au troisième degré.

En reprenant, ces trois tensions (dedans/dehors, pour tous/pour quelques-uns, obligation/motivation) on peut constater que si elles convergent, elles peuvent se renforcer mutuellement pour accentuer la stigmatisation de certains élèves. En particulier, si la remédiation revêt un caractère obligatoire pour quelques-uns en dehors de la classe.

Apprendre/certifier Cette tension dépasse largement le cadre de la remédiation, mais elle la traverse aussi. La priorité est-elle de réussir les épreuves certificatives (interros, examens) ou d’apprendre ? L’un ne va pas nécessairement avec l’autre, car certaines personnes ont besoin de chemins particulièrement détournés pour entrer dans les apprentissages et elles ne rentrent pas nécessairement dans les cadres scolaires.

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Souplesse/stabilité Nous avons déjà pointé cette tension dans le cadre du statut des personnes remédiantes. Les personnes qui travaillent à la remédiation voudraient un statut plus clair et une meilleure organisation, ce qui leur garantirait une plus grande stabilité. Mais dans le même temps, ils veulent garder la souplesse et la créativité nécessaires à leur action. Ils demandent également une plus grande souplesse par rapport aux programmes. La crainte des inspections vient parfois cadenasser des projets très porteurs.

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Ce que les enseignants ne disent pas

Un chapitre consacré à ce que des participants ne disent pas peut être largement questionné. Il y énormément de raisons différentes pour ne pas parler de certaines choses :

— le temps imparti ne permet pas de parler de tout,

— la thématique présentée ne demande pas d’évoquer tel ou tel aspect,

— la question est trop sensible pour être évoquée en grand groupe,

— la réflexion ne parait pas pertinente,

— on n’y a pas pensé,

— …

Le processus d’intervision a été conçu pour permettre aux participants d’échanger sur leurs pratiques, de les confronter et de les analyser en vue de faire émerger des recommandations. Durant les entretiens, l’accent a été mis sur les représentations que la personne avait des élèves en remédiation ainsi que sur ses pratiques et sur sa motivation. Il est donc normal que d’autres thèmes ne soient pas apparus dans les échanges.

Mettre en avant ce dont les gens ne parlent pas, c’est presque leur faire un procès d’intention à partir de ce qu’ils taisent. La démarche est donc délicate.

Pourtant, il est un certain nombre de thématiques que nous avons voulu aborder durant les intervisions et les entretiens et qui ont été détournées ou réduites de manière significative. D’autres thèmes ne sont pas apparus de façon explicite alors qu’ils semblaient devoir émerger. Il nous a paru intéressant de pointer ces taches aveugles dans notre travail autour de la remédiation.

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La lutte contre les inégalités

La Fondation Roi Baudouin est venue chercher CGé comme partenaire de ce projet parce que nous partageons un objectif commun de lutte contre les inégalités. C’est en réaction à la dualisation de l’enseignement que représente le marché du coaching scolaire que la Fondation a entamé ce projet et qu’il est venu rencontrer une des préoccupations de toujours de CGé.

Pourtant, dès l’appel à projet, cette dimension a été comme édulcorée, la formulation étant devenue « Remédiation scolaire en Communauté française, quelles pratiques en vue de réduire l’échec scolaire ? ». La lutte contre les inégalités s’est vue ramenée à la question de la réduction de l’échec scolaire. Or, si la réduction de l’échec scolaire est une bonne chose en soi, elle ne garantit en rien une plus grande égalité. Ce n’est pas la même chose.

À partir de ce constat, on peut comprendre que la question des inégalités soit apparue comme secondaire pour les participants et soit peu commentée. Nous avons plusieurs fois tenté de remettre l’accent sur cette question et les réponses sont toujours restées fort évasives.

Notre hypothèse est que, dans le chef des enseignants, la réussite de tous, demande de donner les mêmes chances à chacun, mais en fonction des difficultés qu’il exprime ou que l’enseignant peut aisément identifier. Il est donc légitime de redonner des explications ou des exercices à un élève qui exprime des difficultés par rapport à une matière précise. Mais que faire avec ceux qui se taisent, ceux qui font sans comprendre ce qu’on leur demande de faire ?

Les enseignants que nous avons rencontrés semblent peu au fait des « malentendus », au sens de E. BAUTIER et P.RAYOU3, qui existent entre l’École et les enfants issus de milieux populaires. Ces chercheurs expriment que les représentations que ces élèves ont de ce que l’école attend d’eux sont tellement éloignées de ce que les enseignants attendent effectivement que la communication en est presque interrompue. Les élèves en arrivent à ne pas comprendre qu’ils ne comprennent pas ou en tout cas à être incapables d’identifier ce qu’ils ne comprennent pas, dans la mesure où ce qui est attendu d’eux est implicite. De là à formuler une demande précise pour combler une lacune, la marche est haute.

Les pédagogies qui mettent les élèves en activité, lorsque les objectifs ne sont pas clairement explicités, sont des pièges pour les enfants issus de familles qui n’ont pas ce type de rapport au savoir. Voici un exemple observé par Stéphane BONNÉRY 4 dans des classes françaises, des élèves doivent découper des triangles en vue d’apprendre à les classer selon leur type. Si la transition vers le classement n’est pas suffisamment explicitée par l’enseignant, les élèves issus d’un milieu intellectuel feront le plus souvent le lien tout seuls tandis que les élèves issus des de milieux populaires en resteront probablement à la tâche de découpage et de rangement sans percevoir la classification des triangles mise en jeu à travers cette activité. Si l’enseignant ne clôture pas la séquence en verbalisant avec les élèves

3 BAUTIER Élisabeth et RAYOU PATRCIK, Les inégalités d’apprentissage : Programmes, pratiques et

malentendus scolaires, Paris, PUF, 2010 4 BONNÉRY Stéphane, Comprendre l'échec scolaire, L'enjeu scolaire, La dispute, 2007.

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ce qu’on a appris, il est fort probable qu’un certain nombre d’élèves n’auront pas compris ce qui se cache derrière l’activité et que l’enseignant ne l’aura pas perçu.

Dans ces conditions, le malentendu se noue entre enseignants et élèves. Les élèves ne voient pas qu’ils ne comprennent pas, puisqu’ils arrivent à faire ce qu’on leur demande. Les enseignants ne perçoivent pas que l’élève ne comprend pas puisque les signaux indicateurs sont au vert : l’élève participe, accomplit sa tâche, pose des questions. Mais lors de l’évaluation qui vérifiera les savoirs acquis, l’élève sera en difficulté ; ce qu’il percevra comme injuste puisqu’il a répondu aux consignes et travaillé. À force de subir ce genre d’« injustice », il risque de se révolter et d’avoir des comportements violents ou de renoncer à tout travail (puisque de toute façon ça ne sert à rien !) et de décrocher.

Ce mécanisme de décrochage incluant le rapport au savoir des élèves issus de familles populaires semble tout à fait étranger aux enseignants que nous avons rencontrés. Lorsque nous avons évoqué des questions concernant cette entrée dans le savoir des enfants issus des classes populaires, les enseignants nous ont répondu en expliquant qu’ils proposaient à tout le monde des ateliers du type « méthode de travail ». Ceci nous inquiète, car la méthode de travail explique « comment » il faut faire les choses, mais ne dit pas toujours « ce qu’il faut faire ». Il nous parait important d’insister sur la notion d’« apprendre à apprendre » plus que sur la méthode de travail. De plus, il est indispensable que chaque enseignant soit conscient de la nécessité de rendre explicites les apprentissages attendus des élèves

Cette question du rapport au savoir des élèves issus des classes populaires peut s’étende aux questions du rapport à la langue, à l’autorité, au temps, au travail… Toutes ces dimensions font habituellement partie de l’implicite ; or elles colorent toutes les relations au sein de l’école entre élèves et enseignants, enseignants et parents, etc. Elles viennent se confronter lors de réunions de parents ou simplement lors de la prise d’un rendez-vous. Les enseignants prenant leur implicite pour la norme, ils attendent que les autres s’y conforment. Les parents et les élèves issus de classe populaire sont soucieux de faire pour le mieux mais ne sont pas au fait de ce qu’on attend d’eux. Comme cela parait évident pour les enseignants, le malentendu se prolonge et peut entrainer un cercle vicieux d’incompréhensions réciproques.

Cette hypothèse de malentendu a été confortée par certaines remarques émises par des enseignants au sujet des parents.

« Le problème, c’est aussi qu’on ne peut pas demander beaucoup d’aide aux parents. Nous travaillons uniquement avec les élèves. Il faut parfois lutter contre certaines mentalités, nous sommes face à des enfants qui ne savent pas forcément de quoi sera fait leur avenir, qui changent souvent d’avis sur ce qu’ils veulent faire. Nous n’avons aucune prise sur le milieu familial, ni sur des réflexions du type “mes parents sont au CPAS, je ferai la même chose plus tard”. Il y a un arrière-fond défaitiste qu’il est difficile de contrer. »

« Les parents ne suivent pas toujours nos conseils. »

« On cite le cas de ces parents (…) qui répugnent à l’idée d’inscrire leurs enfants dans une école où la remédiation fait l’objet d’une

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grande attention, ce qui dévalorise l’école à leurs yeux (à fortiori lorsque la remédiation est gratuite). »

La prévention

Dans les dossiers de candidature pour participer aux intervisions et durant les échanges, la question du diagnostic précis, précoce, établi en lien avec l’élève et avec sa participation a été très présente. Cela parait effectivement être un point de départ essentiel pour une bonne remédiation.

Si certains ont insisté sur le fait qu’« une bonne remédiation est une remédiation qui n’existe pas », ils n’ont pas été jusqu’au bout de ce qu’une telle phrase implique. Cela demande effectivement de changer de paradigme. En effet, quels que soient la bienveillance et le climat dans lequel se fait un diagnostic, celui-ci implique toujours un manque ou une défaillance de l’élève. Re-médier, c’est considérer qu’il y a eu une première médiation qui n’a pas fonctionné et qu’il faut en refaire une. Mais que fait-on pour que tout se passe bien lors de la première médiation ? Pour que les élèves soient immédiatement dans les conditions favorables pour s’approprier les savoirs qu’on leur propose d’apprendre ?

Pendant que nous travaillions avec la Fondation Roi Baudoin dans la partie francophone du pays, un travail équivalent était fait du côté néerlandophone. Ils ont rassemblé 34 écoles (48 côté francophone) en 4 groupes (6 côté francophone) durant 3 jours également. Le titre de leur rapport indique clairement que leur orientation était un peu différente « Preventie en remediëring in het secundair onderwijs » (NDLR Prévention et remédiation dans l’enseignement secondaire). La question de départ était « Précarité et enseignement. L’offre en matière de prévention et remédiation est-elle suffisamment adaptée à tous les élèves (et à leurs parents) ? »

Quand on part de l’idée de prévention, on s’appuie sur les forces et les talents des élèves. Parmi les écoles qui ont participé au projet, beaucoup ont insisté sur la nécessité d’anticiper les problèmes en proposant des actions avant qu’ils ne se présentent.

Il s’agit par exemple, de mettre en place dès le début de la première secondaire des activités qui permettent à chacun de se connaitre et particulièrement aux enseignants de connaitre leurs élèves dans des domaines qui ne sont pas nécessairement les leurs. Ils peuvent alors par la suite s’appuyer sur ces forces et ces talents pour aider les élèves à dépasser des difficultés plutôt que de se cantonner dans les limites de leur matière.

Un autre aspect sur lequel le rapport flamand insiste en matière de prévention est la question du climat de la classe et dans l’école. Une recherche de Karen VAN PETEGEM concernant ce que les élèves considèrent comme important pour leur bienêtre à l’école, y montre que la façon dont l’équipe éducative se comporte vis-à-vis des élèves en est un facteur essentiel.

Un autre facteur est un respect suffisant du règlement de l’école par tout un chacun. Et à ce sujet, les écoles qui mettent au point le règlement en collaboration avec les élèves plébiscitent la méthode. Si cela demande beaucoup d’énergie, les résultats sont étonnants.

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Ces quelques éclairages venus de Flandre pointent dans d’autres directions que ce qu’on a entendu en Communauté française. Ceci ne veut pas dire que ces préoccupations de prévention n’existent pas dans certaines écoles francophones. Toutefois, dans la dynamique qui s’est mise en place en Communauté française, la dimension de prévention n’a pas été mise en avant par les participants.

Une tension invisible

À la limite de ce que les enseignants auraient pu nous dire, qu’ils ont évoqué de façon très allusive, il y a une tension entre enseignement et autonomie.

C’est le fait que d’un côté il y a une autorité qui détermine quels sont les apprentissages à faire, dans quels délais et comment ils seront évalués et de l’autre côté, on voudrait que les jeunes soient autonomes par rapport à leurs apprentissages. L’injonction paradoxale est là « sois autonome ». Si j’obéis à une injonction, je ne suis pas pleinement autonome, il est donc impossible de répondre à cette injonction en restant dans le cadre.

Tout système d’enseignement vient s’inscrire quelque part dans le continuum qui va du respect scrupuleux des consignes à l’autonomie frisant l’anarchie. Selon l’enseignant, le type d’élèves, le type de pédagogie, la matière à voir, le projet d’établissement, chacun trouve son point d’équilibre dans cette tension.

Pour la remédiation, cette tension est d’autant plus forte que les consignes sont floues : pas de programme, pas de matière, tout peut toujours s’ajuster à la situation. Les freins pour ne pas sombrer dans l’anarchie sont moins présents que dans des cours classiques où les objectifs, le programme et l’inspection viennent rappeler le nécessaire respect des consignes.

Puisque le cadre ne vient pas de l’extérieur, il est important pour les remédiateurs que les élèves trouvent eux-mêmes le sens de ce qu’ils font en remédiation. C’est ce qu’ils nomment sans cesse « devenir acteur ». Ils ont besoin que l’inscription dans le système, le choix d’apprendre, la motivation viennent des élèves pour pouvoir avancer puisque le cadre est trop flou pour pouvoir s’appuyer dessus.

Pourtant les enseignants ne semblent pas percevoir ce paradoxe qui participe de la (dé) motivation de chacun. Le système scolaire prévoit des programmes avec des matières qui doivent être vues à des échéances précises. D’un autre côté, le décret mission demande aux enseignants de former des jeunes autonomes, capables d’esprit critique et de prise de décision citoyenne. Il y a là une tension entre le respect de la norme prévue et la capacité à faire des choix autonomes. Il est bien clair que l’autonomie se situe toujours dans un cadre précis et qu’elle demande d’intégrer un certain nombre de normes pour pouvoir participer à la vie sociale. Il n’empêche qu’on demande aux élèves de savoir des choses qu’ils n’ont pas envie de savoir au départ.

Tout le talent d’un enseignant actuel est de donner envie aux élèves de savoir les choses qu’il voudrait leur transmettre. Tous ne perçoivent pas à quel point cet enjeu est un nouveau défi de la profession.

En effet, quand seulement 33 % des adultes étaient détenteurs d’un diplôme de fin de secondaire, on pouvait se contenter de travailler avec ceux qui n’avaient pas appris à ne pas apprendre. Aujourd’hui, les chiffres sont beaucoup plus élevés, on atteint les 63 % et on voudrait que cela augmente encore. Cela veut dire qu’il faut

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(re) donner envie d’apprendre à ceux qui ont mis en place des mécanismes de défense par rapport aux apprentissages, qui demandent à ce que l’école soit aussi facile et passionnante qu’internet ou la TV à la demande.

Si les enseignants pointent bien la modification du rapport aux apprentissages liés à l’accès aux nouvelles technologies de communication des élèves, ils ne semblent pas percevoir à quel point cela leur demande de revoir leur manière d’enseigner et même leur fonction au sein de la société. Mais nous dépassons ici le cadre de ce que les enseignants auraient pu nous dire sur la remédiation, il s’agit là de questions de système.

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Ce que la remédiation dit de l’école

Si nous dépassons le cadre de la remédiation, on peut malgré tout souligner que sa présence renforcée au sein des écoles témoigne de modifications au sein de l’École. Pour CGé, les enjeux de la politique actuelle autour de la remédiation sont révélateurs d’un dysfonctionnement du système scolaire. Il s’agit d’une voie créative, généreuse, et bienveillante de la part des équipes éducatives pour faire face à la catastrophe de l’échec scolaire en CF. Mais nous ne sommes pas surs qu’elle soit efficace.

Mais qu'est-ce qu’« être efficace » en l’occurrence ? Tout dépend des objectifs et des critères d’évaluation que l’on se choisit.

Quels sont les objectifs de l’école obligatoire ?

Les objectifs officiels de l’école sont définis par le décret mission comme suit :

« Article 6. - La Communauté française, pour l'enseignement qu'elle organise, et tout pouvoir organisateur, pour l'enseignement subventionné, poursuivent simultanément et sans hiérarchie les objectifs suivants :

1. promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun des élèves ;

2. amener tous les élèves à s'approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle ;

3. préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d'une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures ;

4. assurer à tous les élèves des chances égales d'émancipation sociale. »

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Ces objectifs sont ambitieux et généreux, certains diront même contradictoires tellement leurs ambitions sont divergentes.

On remarquera que ces objectifs sont entièrement centrés sur l’élève et ne disent rien de la fonction sociale que doit remplir l’école. Il est pourtant essentiel, pour qu’une société puisse survivre et évoluer que l’école forme des individus capables de reprendre les différentes fonctions sociales nécessaires à sa survie. La façon dont le décret mission est rédigé présuppose que l’accomplissement des différents objectifs individuels permettra l’accomplissement de l’objectif sociétal, mais ce n’est pas rendu explicite.

Ici aussi, l’implicite vient complexifier le système. La société demande implicitement à l’école de remplir une fonction d’émulation, de promotion des meilleurs, de sélection pour que les différentes fonctions sociales puissent être assurées à la génération suivante.

Cette fonction d’assurer la continuation de la société est une des fonctions essentielles, à la base de la création de l’École. Elle n’est pas mauvaise en soi. Là où nait le problème à nos yeux, c’est quand la fonction de continuation devient une fonction de reproduction et que l’école assure aux enfants issus de la classe dominante bien plus de chances d’occuper des fonctions de pouvoir qu’aux autres. De notre point de vue, l’École a pour fonction de produire des individus capables de prendre en charge les différentes fonctions sociales, pas de s’assurer que ces charges se transmettent de père en fils.

Là où le message est pernicieux, c’est que les déclarations officielles mettent essentiellement l’individu en avant, tant dans sa réussite que dans son échec. L’importance du collectif et de la fonction que l’École occupe pour le collectif n’apparait pas dans les textes. L’individu, qu’il soit élève, parent d’élève ou enseignant, devient entièrement responsable de ses choix, de ses réussites et de ses échecs, sans percevoir en quoi le système dans son ensemble est venu favoriser ou freiner ses efforts.

Or le système favorise les plus forts. Il n’est plus besoin de le démontrer, même une institution aussi libérale que l’OCDE à travers ses études PISA le montre. Le discours officiel occulte donc la responsabilité collective dans les mécanismes de reproduction des inégalités sociales en inégalités scolaires (qui deviendront à leur tour des inégalités sociales). Et de ce fait interdit aux « dominés » de prendre conscience de l’injustice qui leur est faite puisqu’il s’agirait de leur responsabilité de « réussir ».

Les objectifs de l’École portent donc sur l’individu-élève et sur la collectivité dans laquelle il doit s’inscrire. Les premiers sont explicites, les seconds implicites, si on s’en réfère aux textes fondateurs.

Et les objectifs de la remédiation ?

Si on étend cette grille de lecture à la question de la remédiation, on peut se demander dans quelle mesure elle participe ou non à cette politique du « tout à l’individu ».

Bien sûr, nous l’avons vu plus haut, les objectifs officiels de la remédiation sont la réussite de tous en adaptant les moyens aux besoins de chacun.

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Mais nous avons aussi vu qu’un des objectifs implicites de la remédiation est de maintenir la motivation pour les apprentissages et de limiter le décrochage scolaire. Ce sont déjà des objectifs un peu plus minimalistes que ceux annoncés au départ mais qui contribuent à garder la cohésion sociale autour du projet de l’École. En effet, cette « roue de secours » permet à la société de continuer à croire en une certaine égalité de l’école puisqu’on permet à tout un chacun de combler son retard, quelle que soit la raison de celui-ci.

D’autre part, sans qu’on puisse identifier cela comme un objectif mais plutôt comme un des effets du système, le fait d’identifier que certains élèves ont besoin de remédiation et pas d’autres et de dispenser ces autres des activités pratiquées par les premiers implique une individuation de la responsabilité de la réussite. Cette démarche vient conforter la représentation dominante dans laquelle chacun est responsable de sa réussite et de ses échecs et réduit à peau de chagrin, la responsabilité collective.

Certaines écoles ou certains enseignants semblent conscients de cette dérive et tentent de mettre en place des systèmes plus collectifs de travail. Mais la pensée « individuelle » est tellement dominante dans la société que c’est un combat qu’il faut mener au niveau des élèves, des enseignants et des parents. Cette perspective est tellement lourde qu’il a pu paraitre plus facile à certains, au sein des intervisions, de se limiter à l’analyse des pratiques plutôt que de promouvoir une réelle analyse du système.

Et les critères d’évaluation ?

Si on juge l’école sur le nombre absolu d’élèves qui obtiennent un CESS, on n’a pas du tout le même regard que si on évalue les perspectives de réussite dans l’enseignement supérieur ou à l’emploi selon le CESS obtenu. Si on juge l’école sur base des apprentissages que les élèves ont réalisés en son sein, on n’obtient pas du tout la même lecture selon que l’on observe les apprentissages intellectuels, sociaux, artistiques ou manuels…

De même pour la remédiation, sur quels critères faire une évaluation ? Sur la réussite aux examens, sur la capacité à reprendre à son compte les apprentissages, sur une orientation adéquate, sur une plus grande motivation des élèves, sur une capacité d’exprimer ses difficultés, un bon climat dans l’école, une augmentation de la participation aux cours… ? Les critères sont multiples et parfois contradictoires.

Il nous parait donc impossible à notre échelle de nous prononcer sur une efficacité « objective » de la remédiation. Il nous parait essentiel, et nous le demandons depuis des années, que des évaluations globales des politiques de remédiation, de discrimination positive, d’enseignement différencié et autres décrets inscriptions soient mis en place par le politique.

En conclusion

Si nous renonçons d’une part à nous prononcer sur une « efficacité objective » de la remédiation, nous dénonçons d’autre part sa fonction d’individualisation dans le processus d’apprentissage qui contribue à une responsabilisation/culpabilisation de l’élève dans son rapport à l’apprentissage. En effet, les objectifs implicites de

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l’École obligatoire et de la remédiation contribuent à occulter les mécanismes de reproduction des inégalités et ainsi empêchent les jeunes issus des classes sociales dominées d’identifier les mécanismes sociaux qui jouent contre eux. Comme le discours entourant la remédiation est un discours particulièrement bienveillant qui veut donner sa chance à chacun et permettre à tous de réussir, le mécanisme est d’autant plus vicieux. Et il est d’autant plus performant dans sa reproduction des inégalités que les enseignants qui le pratiquent sont convaincus de faire pour le mieux et de réellement aider les jeunes qu’ils prennent en charge. Ce qu’ils font certainement très bien pour toute une série d’entre eux mais sans questionner le système qui produit cet échec.

L’image est simpliste et réductrice, mais on peut avoir l’impression d’une usine de voitures dont une sur deux sortirait défectueuse et qui créerait un atelier de réparation de ces voitures plutôt que d’aller voir dans l’usine pourquoi tant d’entre-elles sont défectueuses.

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Agir en classe

Nous avons vu dans la partie précédente que la remédiation peut-être questionnée à différents niveaux. Même s’il est utile de questionner le système comme nous le ferons dans le dernier chapitre, il nous parait essentiel de tracer quelques pistes concrètes de ce que chacun peut faire au sein de sa classe ou dans son école dans le système tel qu’il est aujourd’hui.

Nous dessinons ici cinq pistes qui se complètent. Les deux premières qui concernent le statut de l’apprenant et le statut de l’erreur sont issues de la réflexion avec les participants aux différents intervisions et entretiens. Les trois dernières qui concernent le décodage de l’erreur, le sens du mot « étudier » et la différence entre individuation et différenciation sont le fruit du travail de deux enseignants et formateurs de CGé.

Partir d’eux

Comme nous l’avons montré plus haut, l’élève est souvent pris en considération à partir de ses déficits. En effet, les enseignants rencontrés insistent sur le « bon diagnostic », sur la « capacité de l’élève à identifier ses lacunes », sur leur « manque de motivation ». Mais quelle est l’échelle de référence sur laquelle on mesure ces jeunes pour identifier ces déficits ?

La norme scolaire qui identifie les compétences qu’un élève doit maitriser à tel âge parait de plus en plus éloignée de la réalité des élèves. Les enseignants se disent tiraillés entre les exigences d’un programme et les acquis des élèves qui n’y correspondent plus.

Pour mesurer le chemin parcouru par un élève, qu’il soit en difficulté ou non, on peut regarder la distance qu’il lui reste à parcourir pour atteindre l’objectif ou regarder la distance qu’il a parcourue depuis le départ. Les deux mesures ont leur pertinence. La première met l’accent sur ce qui manque, la deuxième met l’accent sur ce que l’on a acquis.

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Il n’est pas question ici de nier la pertinence d’évaluer la distance encore à parcourir pour atteindre des objectifs mais bien d’équilibrer cette évaluation par la prise en compte du chemin déjà parcouru. Pour ce faire, il faudrait renforcer toutes les pratiques qui amènent les élèves à accorder de la valeur à tout ce qu’ils ont acquis, réussi, obtenu et aux points d’appui que cela représente.

On voit ainsi naitre à certains endroits des portfolios dans lesquels les élèves conservent des traces de réussite pour différents domaines de leur scolarité, aussi bien pour les disciplines de base qu’en éducation physique ou artistique ou encore un évènement organisé par la classe… Il faut être créatif pour trouver des formes conservables de façon aisée de ces réussites mais c’est à la portée de tous.

Changer le statut de l’erreur

« C’est en se plantant qu’on fait ses racines. »

Ce constat émerge largement des propos tenus par les enseignants lors des intervisions ou des entretiens.

Pour apprendre vraiment, il faut pouvoir se tromper. Un apprentissage sans confrontation à l’erreur n’est pas complet. Il ne montre pas les limites du savoir, il ne montre pas non plus comment s’est construit ce savoir au niveau épistémologique ou historique.

L’erreur que produit un élève dans son apprentissage est un élément particulièrement pertinent de son chemin de compréhension. C’est en s’appuyant sur ses erreurs et celles des autres que tout apprenant peut réorienter la construction du savoir pour lui et pour d’autres.

Construire un savoir à plusieurs, c’est aussi se confronter aux erreurs des autres et donc multiplier les points d’ancrage.

Si cette conception de l’erreur comme source d’apprentissage est plutôt acceptée au début du fondamental, elle semble disparaitre petit à petit au profit de l’évaluation certificative qui va l’utiliser comme indice d’incompétence. L’erreur n’est plus un jalon sur un chemin, qu’il faut dépasser. Elle devient le signe de l’incompétence qui a pour conséquences : mésestime de soi, démotivation, obligation d’aller en remédiation… le tout pouvant conduire jusqu’au redoublement. Il parait donc évident que dans ce contexte, un élève a tout intérêt à cacher ses erreurs, même au moment des exercices à blanc.

Il faudrait donc lutter contre la peur de l’erreur, lui donner toute sa place en classe lorsqu’on apprend, comprendre que l’erreur de quelqu’un d’autre me permet de l’éviter.

L’évaluation est essentielle dans un processus d’apprentissage, mais il faut pouvoir la dissocier de la certification. Pour ce faire, nous voyons deux pistes :

— dissocier la fonction de l’enseignant-formateur de celle de l’évaluateur certificatif ; c’est le cas actuellement pour le passage du CEB. L’enseignant de 6e primaire travaille aux côtés de ses élèves afin de les mener à la réussite d’un examen qui ne dépend pas de lui. Les erreurs faites en classes peuvent donc être réellement des moments d’apprentissage fécond sans conséquence grave sur la perception que l’évaluateur aura de l’élève.

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— dissocier les outils d’évaluation formatifs et certificatifs c’est une position plus minimaliste qui demande une certaine rigueur de la part de l’enseignant, mais qui peut aider les élèves à adopter des postures différentes suivant le type d’évaluation.

La façon de noter les évaluations peut aussi être différente suivant le type d’évaluation. Par exemple :

— une évaluation par des lettres, lors d’évaluations formatives

A – correspond à ce qui est attendu ;

B - demande encore un peu de travail pour être au niveau attendu ;

C - est encore loin du niveau attendu.

— une évaluation par des chiffres qui peuvent alors s’articuler dans une moyenne lors des évaluations certificatives.

Cette façon de faire permet de garantir que les travaux évalués par des lettres sont hors de toute moyenne.

Au-delà d’une notation par lettre ou chiffrée, il importe d’accompagner celles-ci de commentaires significatifs qui aident chaque élève à comprendre en quoi il répond aux attentes de l’enseignant et ce qu’il doit encore approfondir. Plus l’enseignant sera explicite et précis, plus l’élève se sentira qu’il a du pouvoir sur sa réussite.

De telles évaluations demandent que les apprentissages aient réellement du sens pour les élèves, qu’ils perçoivent en quoi il est utile d’avancer dans ses apprentissages, sans quoi ils risquent de ne se mettre au travail réellement qu’au moment des épreuves certificatives.

Décoder et accompagner l’échec

Anne CHEVALIER

Ce chapitre, ainsi que le suivant s’appuie sur l’expérience d’une vingtaine de journées de formation à destination d’enseignants du secondaire intitulées « Accompagner les élèves dans l’apprentissage et dans l’étude » qui ont eu lieu entre 2006 et 2009. Le module est né de la préoccupation récurrente exprimée par des enseignants lors de formations sur le socioconstructivisme « Tout cela, c’est très beau, mais si ils n’étudient pas, que fait-on ? ».

Ces journées conçues au départ pour tous les enseignants ont plusieurs fois été demandées de façon explicite par des écoles pour former et accompagner les professeurs en charge de la remédiation.

Dans ce qui suit, nous allons approfondir deux questions travaillées en formation afin de donner des pistes aux enseignants pour accompagner leurs élèves dans l’apprentissage et dans l’étude.

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Comment décoder et s’appuyer sur ce que disent les élèves de leurs échecs ? Il est essentiel d’identifier quel bénéfice ou quel blocage un élève peut avoir à « s’y mettre » ou à « ne rien faire » ; ceci afin de pouvoir aider l’élève à mettre des mots sur ce qui est nécessaire à sa réussite et l’accompagner dans la construction de la confiance en lui et de sa mise en projet.

Le travail en formation démarre avec la question suivante : « Que disent les élèves de leurs échecs ? »

À chaque fois, les réponses fusent. — Le prof est super vache. — C’est justement le chapitre que je n’avais pas étudié. — Les questions n’étaient pas claires du tout. — Je n’ai pas eu le temps. — Je n’ai pas compris les questions. — Le prof ne m’aime pas. — C’était impossible. — On n’avait pas vu cette matière. — Elle n’avait pas dit qu’elle allait interroger. — J’ai oublié d’étudier. — Il y avait du bruit. — J’étais distrait. — Je suis nulle en langues. — Les maths, c’est beaucoup trop difficile.

Et la liste pourrait se rallonger encore. Mais ce qui importe, c’est de savoir comment analyser ces propos et surtout comment les transformer en points d’appui pour réussir.

Plusieurs grilles de lectures des réactions des élèves sont possibles. Nous proposerons ici celle des attributions causales. Nous verrons ensuite comment passer de l’analyse à l’action en mettant en place des contrats avec les élèves.

Les attributions causales Le postulat de base de l’attribution causale peut s’énoncer ainsi pour satisfaire son besoin de compréhension, chaque être humain cherche à savoir pourquoi un évènement s’est produit. De plus, si l’évènement semble incontrôlable, il va chercher les causes de ce manque de contrôle. Une attribution causale répond donc à un « pourquoi ».

Une attribution causale peut se caractériser par :

— le lieu ou l’origine de la cause on parle de facteur interne lorsqu’il est propre à l’individu ou externe dans le cas contraire ;

— la stabilité de la cause on parle de facteur stable lorsqu’il semble ne pas y avoir de possibilités de changement ou instable si la cause dépend de circonstances.

On présente souvent les attributions causales sous forme d’un tableau à double entrée comme celui-ci.

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INTERNE EXTERNE

STABLE

Je suis lent

Je suis nulle en langues

Le professeur est super vache

Les maths, c’est beaucoup trop difficile

INSTABLE

J’étais distrait

Je n’ai pas compris la question

J’ai oublié d’étudier

On n’a pas eu assez de temps

Il y avait du bruit

Les questions n’étaient pas claires du tout

Le tableau suivant résume ce sur quoi portent généralement les attributions causales suivant les caractéristiques définies.

INTERNE EXTERNE

STABLE Capacités Enseignants

Matières

INSTABLE Stratégies Chance

De façon générale, en cas d’échec, le moteur des attributions causales est la protection de l’estime de soi. Ce qui conduit assez naturellement les humains à attribuer leurs échecs à des causes externes comme « Le cours est mal donné ».

Mais on trouve aussi parmi les attributions en cas d’échec les réactions suivantes :

— « Je suis nul. » est une attribution causale interne stable qui traduit une résignation acquise c’est-à-dire une perte totale de contrôle sur la situation. Cette réaction permet de fermer la porte à tout espoir de changement.

— « Je n’ai pas donné mon maximum. » est une attribution causale interne et instable qui protège l’estime de soi en se disant qu’on est capable de mieux.

— « Je n’ai pas eu de chance. » est une attribution causale externe instable qui offre une protection maximale puisqu’il semble y avoir un facteur imprévisible et donc incontrôlable.

Contrairement à l’échec qui est facilement attribué à des causes externes, la réussite est généralement attribuée à soi-même « Je suis génial. », « J’ai beaucoup révisé. » plutôt qu’à des causes externes comme « Je suis bien soutenu par mes parents. » ou « J’ai eu de la chance. ».

Accompagner les élèves à partir de leurs attributions causales ? Comme la plupart des attributions causales en cas d’échec reviennent à dire « Ce n’est pas de ma faute. » ou « Il n’y a rien à faire. », le travail de l’accompagnant consiste à aider l’apprenant à voir sur quoi il a une prise ou encore quelle est la

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petite porte d’entrée par laquelle il peut agir. De façon générale, il s’agit d’amener progressivement l’élève à transformer des attributions externes et/ou stables sur lesquelles il dit ne pas avoir de contrôle en attributions internes et/ou instables sur lesquelles il a prise.

Par exemple, on peut tenter d’amener l’élève en échec à attribuer sa performance à un manque de travail (cause contrôlable) plutôt qu’à un manque de capacité (cause incontrôlable). Cela nécessite de travailler sur certaines conceptions que les élèves ont, par exemple, de l’intelligence comme une entité stable plutôt que malléable et qui peut se développer.

Il s’agit en fait d’un travail d’écoute et de reformulation progressive afin d’amener l’élève à identifier un aspect à travailler sur lequel il a du pouvoir plutôt que de donner une liste de conseils ou de convictions.

Les contrats Ce procédé d’accompagnement des élèves en difficulté peut amener à proposer une aide différentiée et adaptée à chacun sous la forme d’un contrat d’étude entre le professeur et un ou des élèves.

Le contrat est une médiation entre l’apprenant et le savoir scolaire. Mettre en place des contrats est une façon de donner du sens aux apprentissages dans la mesure où cela implique l’apprenant en l’accompagnant dans la mise en place des moyens adaptés.

Un contrat d’étude s’appuie sur une situation qui fait aujourd’hui difficulté à un apprenant et qu’il désire améliorer. Le rôle de l’enseignant est d’analyser avec lui ses besoins, de l’aider à formuler une demande et à se donner des moyens concrets pour y répondre tout en étant réaliste sur les obstacles à surmonter.

On peut formuler ce contrat sous la forme suivante :

État présent - constat État désiré – objectif visé

Description précise d’un problème rencontré par l’élève

un seul problème,

une seule matière,

Description de la situation à atteindre formulée sous la forme d’un objectif à atteindre et qui répond aux caractéristiques suivantes :

— positif ce que je vais faire et non ce que je vais éviter ou ne pas faire,

— précis,

— réalisable, à sa portée,

— vérifiable.

La remédiation scolaire 44

Moyens Obstacles

Description des modalités concrètes à mettre en œuvre pour atteindre l’objectif :

— Où ? Quand ?

— Supports ?

— Aide ?

— Échéance ?

— Évaluation ?

Exemples précis des obstacles qui pourraient empêcher d’atteindre l’objectif.

Cette étape conduit parfois à modifier les éléments du contrat.

Il importe, lors de l’élaboration d’un contrat de bien préciser qui sont les acteurs et ce qu’ils vont faire ensemble. Tout contrat implique une obligation réciproque de chaque partenaire. Dans le cadre d’un contrat entre un enseignant et ses élèves, il importe de veiller aux composantes suivantes de chacune des parties.

La part du professeur :

— accompagner l’apprenant dans l’analyse de la situation et de ses besoins,

— relever les points d’appui,

— clarifier les objectifs avec l’élève et veiller à respecter le cadre programme, mission de l’école,

— préciser les exigences de la tâche,

— mettre des ressources à disposition de l’élève temps, manuels, explications,

— …

La part de l’élève :

— être conscient de ses difficultés,

— s’impliquer dans la recherche de solutions,

— identifier ses points faibles et ses points d’appui,

— proposer des moyens, des échéances,

— être réaliste quant à la possibilité de mise en œuvre,

— …

Pour s’assurer de la réussite d’un contrat, il importe de veiller aux aspects suivants :

— un contrat modeste mais réussi est de loin préférable à un contrat ambitieux et rompu. Il faut démarrer ce genre de pratique avec des micro-objectifs réalistes et atteignables,

— il est important que chacun prenne et assume sa part dans le contrat. Il faut éviter que l’enseignant aille au-delà de l’engagement qu’il a pris, en tout cas, sans renégocier le contrat,

La remédiation scolaire 45

— après l’élaboration du contrat, on peut laisser un délai de réflexion afin de s’assurer de l’authenticité du contrat et non quelque chose d’artificiel,

— un contrat doit être limité dans le temps. Il importe de démarrer avec des contrats de courte durée (une semaine) et d’assurer un suivi rapproché,

— il faut préciser quels seront les critères et les moyens mis en place pour évaluer si les objectifs poursuivis ont été atteints.

L’échec d’un contrat peut avoir ses causes à plusieurs niveaux :

— il n’y a pas réellement eu un engagement mutuel l’élève s’est vu dans l’obligation d’accepter ce contrat, le professeur n’a pas réellement pris une part active,

— l’enseignant prend trop de place, intervient de manière abusive, réalise des étapes à la place de l’élève et de cette façon et ne laisse pas à l’élève la part qui lui revient,

— l’objectif n’est pas réaliste et la personne surestime ses ressources,

— les moyens à mettre en œuvre ne sont pas suffisamment clairs et précis,

— la personne s’est « sabotée » dans la réalisation de l’objectif fixé.

Dans chacun des cas, le contrat peut être renégocié en étant attentif aux difficultés rencontrées et à leurs causes.

Un contrat ne présume pas des prérequis d’un élève. Il se fait à partir de la situation observée au départ et des objectifs à atteindre. Il importe d’être vigilant, de bien écouter les difficultés exprimées et de construire le contrat à partir de là. Ce faisant, on peut respecter tous les élèves quel que soit leur bagage de départ, et leur permettre d’avancer. Cela demande à l’enseignant de pouvoir se libérer, le temps de faire le contrat, des exigences du programme.

Apprendre à apprendre

Anne CHEVALIER

Comme nous l’avons vu plus haut, cette partie s’appuie sur les réflexions issues de journées de formation adressées à des enseignants.

Quelle que soit la méthodologie mise en place en classe, il y a un moment où l’apprentissage appartient à l’élève. C’est ce qu’on dénomme communément « étudier ». Mais enseignants et élèves ne mettent pas toujours le même sens derrière ce mot.

Pour mettre cette distance en évidence, il était demandé aux participants des formations de se mettre d’accord, en sous-groupes, d’une part, sur six actions qui traduisent ce à quoi les enseignants pensent quand ils disent aux élèves d’étudier et, d’autre part, sur six actions des élèves lorsqu’ils étudient.

Sans entrer dans les détails des productions, voici les verbes qui sont apparus de façon récurrente dans les affiches :

— côté professeurs comprendre, se poser des questions, synthétiser, mémoriser, appliquer, transférer ;

— côté élèves copier, lire, relire, apprendre par cœur, refaire les exercices.

La remédiation scolaire 46

Cette activité a chaque fois atteint son but, à savoir amener une prise de conscience auprès des enseignants du malentendu entre ce qui est attendu de la part des professeurs et de ce qui est réellement mis en œuvre par les élèves.

L’anagramme suivante, mise en avant lors d’une formation, résume assez bien cette distance. Pour les uns, il s’agit de RELIRE des notes alors que, pour les autres, l’objectif est de RELIER des savoirs à des situations (souvent nouvelles).

De façon générale, les professeurs rencontrés lors de ces formations révèlent le même constat que celui décrit par Noëlle De Smet « Très vite, il apparait que les élèves ne savent pas au juste ce que le professeur de tel cours attend d’eux. On n’arrive pas à travailler vraiment pour savoir comment on saura qu’on sait parce qu’on ne sait pas ce qu’il faut savoir ! Pourtant les professeurs disent qu’ils expliquent ce qu’il faut étudier, mais pour les élèves “Ce qu’ils demandent à l’interro ne correspond pas à ce qu’on croyait qu’ils allaient demander”. Que croyaient-ils ? C’est peu clair. En gros, ils croient surtout à la nécessité d’une restitution. »5

Nous rejoignons ici ce que nous entendons par « l’implicite de l’enseignant » évoqué précédemment. Si on veut viser la réussite de tous les élèves, il est indispensable que les enseignants explicitent ce qu’ils attendent des élèves lorsqu’ils leur demandent d’étudier et qu’ils les accompagnent sur chemin d’apprendre à apprendre. Faute de quoi, seuls les élèves dont les parents ont eux-mêmes fait des études disposent, via ces derniers, des clés de la réussite.

Au-delà de la prise de conscience du malentendu, cet exercice a permis à certains enseignants de réaliser la multiplicité des facettes du verbe « étudier » et donc de la nécessité de s’attarder sur sa signification et de le décliner de façon spécifique en fonction des disciplines et des objectifs visés.

Beaucoup d’enseignants nous ont confirmé ne passer que peu, voire pas de temps à cette question, la considérant comme secondaire par rapport aux contenus des cours. Souvent les professeurs estiment que les élèves devraient déjà être bien au fait avec ce qu’on appelle communément une méthode de travail.

Au-delà des constats, la formation a tenté de donner aux enseignants des pistes pour intégrer cette composante à leurs cours. En particulier, plusieurs exemples extraits du livre de X. CHARTRAIN et B. HUBERT, Prévenir l’échec scolaire ont été présentés :

— reformuler le chapitre sur une feuille A4,

— reformuler en produisant des exercices ou un contrôle,

— reformuler en changeant les titres des chapitres,

— mettre en relation pour s’approprier.

L’intérêt de chacun des exercices proposés est qu’il exerce une des facettes d’ « étudier » en relation directe avec un contenu. En effet, depuis de nombreuses années, beaucoup d’écoles ont introduit des modules de méthode de travail sous des formes diverses. La plupart du temps, ces cours sont donnés sans réelle

5 Extrait de l’article « J’étudie mais ça ne rentre pas » de N. DE SMET dans Échec à l’échec n°

96, déc.93

La remédiation scolaire 47

connexion avec les autres cours et perdent donc en efficacité. Seuls les élèves qui ont déjà des compétences transversales pourront transférer ces apprentissages vers d’autres cours. Ce travail autour de comment apprendre à apprendre ne peut réellement porter ses fruits, pour tous les élèves — quel que soit leur bagage préalable —, que s’il est l’objet d’un travail d’équipe et d’une vigilance permanente de chaque enseignant à l’intérieur de son cours.

Différencier ou remédier ?

Pierre SMETS

La remédiation scolaire se distingue de la différenciation. De manière très synthétique, nous pourrions avancer que la différenciation est au coeur de l'acte d'enseigner alors que la remédiation représente un remède pour faire face aux difficultés d'apprentissage rencontrées par certains élèves. Bien que le raccourci soit facile et fasse fi de plusieurs autres facteurs, on peut prétendre que si la différenciation était bien pensée et réellement appliquée dans les classes, la remédiation n'aurait pas lieu d'être ; ceci à l'exception de quelques situations particulières liées à des évènements précis de la vie de l'apprenant tel qu’un congé de maladie prolongé par exemple.

Il n'est pas anodin de relever que le législateur ait explicitement prévu dans le décret Missions6 (1997) de mettre en place des activités de différenciation alors que la remédiation n'est pas évoquée. Cette dernière est encore trop souvent la réponse apportée par l'École face aux élèves qui « ne s'en sortent pas ». Il s'agit alors d'externaliser le problème en l'évacuant hors de la classe. Cette option est aussi largement soutenue autant par les parents que par les associations et sociétés qui en font leur « fonds de commerce ». De plus, la différenciation demande d'interroger directement les pratiques de l'enseignant alors que la remédiation interroge indirectement les pratiques pointées comme déficientes de l'apprenant.

La différenciation représente des moments au cœur des dispositifs didactiques. Cela nécessite de reconnaitre les différences individuelles et de partiellement s'y adapter. Cela signifie encore que, si l'enseignant veut aider les élèves à apprendre et/ou à réussir, il doit commencer là où ils sont dans leurs apprentissages ; il doit accepter que tous les élèves ne procèdent pas tous de la même manière ; il doit accepter que tous les élèves n'aient pas tous les mêmes contraintes et le même matériel ; il doit accepter que tous les élèves ne fassent pas tous la même activité au même moment...et pas la même quantité de travail... y compris dans l'évaluation et accepter enfin que la relation maitre-élève ne se fasse pas constamment selon la même organisation. Mais au contraire, il doit constamment alterner le travail individuel, le travail collectif, le travail en sous-groupes. Il doit en plus penser à une variété de dispositifs et d’outils référents. Ajoutons que la différenciation n'est ni un enseignement spécialisé généralisé, ni un plan d'éducation individualisé.

6 "Une démarche d'enseignement qui consiste à varier les méthodes pour tenir compte de

l'hétérogénéité des classes ainsi que de la diversité des modes et des besoins d'apprentissage des élèves (décret Missions art. 5, par 2 ou encore "Chaque établissement d'enseignement permet à chaque élève de progresser à son rythme en pratiquant l'évaluation formative et la pédagogie différenciée."(article 15)

La remédiation scolaire 48

Tout en reconnaissant que cette brève description de ce qu'est la différenciation n'est pas facile dans sa mise en œuvre, on est loin de la remédiation classique. Il existe une différenciation réactive (quand les difficultés sont là) et une différenciation proactive (pour prévenir les difficultés). Mais il s'agit avant tout d'un parti pris pédagogique : tout le monde n'apprend pas de la même façon et il faut tenir compte de cette différence dans la préparation des activités. Voilà donc bien une conception qui bouscule et qui demande un autre regard sur l'enseignement.

Illustration L’exemple qui suit se base sur une situation vécue à la fin du primaire, mais pourrait certainement, s’adapter au premier degré du secondaire en tenant compte des précautions signalées plus bas.

Il y a quelques années, une école primaire relève qu'en fin de 6e, suite aux premières épreuves externes certificatives, six élèves n'obtiennent pas les points nécessaires pour recevoir leur Certificat d'étude de base. À la demande des parents, bien informés des enjeux — nous sommes dans une école socio culturellement favorisée —, ces élèves redoubleront leur 6e pour leur éviter d'aller en 1e accueil7.

Il est alors décidé de « consacrer » à ces élèves, rejoints par quatre élèves qui n'avaient pas réussi leur cinquième, 12 périodes du capital-périodes8. Chacun d'eux se trouvait dans une classe hétérogène, durant la moitié de la semaine. Ils se retrouvaient entre eux, dans un groupe homogène faible, encadré par un enseignant pour l'autre moitié de la semaine. Il s'agit là d'un dispositif de remédiation intensive où ces élèves sont sortis de leur classe pour recevoir un soutien important dans une petite classe « cocon ». Néanmoins, à y regarder de plus près, et moyennant le respect de quelques conditions, il s'agit aussi d'une différenciation tant structurelle que pédagogique.

Comme la direction m'avait confié ce travail, j'ai d'emblée pensé à quelques précautions :

— amener très vite une acquisition de l'autonomie (cela s'apprend) sans nuire à l'apprentissage cognitif,

— ne pas négliger la structuration et la fixation des apprentissages en « collant » le plus possible aux progressions des élèves des autres classes de 6e, ce qui demandait une importante concertation avec mes trois autres collègues de ce niveau… (sans doute le point faible du dispositif tant les concertations ne sont pas simples à mener),

— m'interroger constamment sur le pourquoi de mes pratiques avant le comment, ce qui m'a mis plus d'une fois en porte à faux avec mes collègues et le sacrosaint objectif de la réussite (obtenir le fameux CEB),

7 Actuellement le 1er degré différencié 8 le capital périodes représente un nombre précis d'heures de cours dont dispose l'établissement

pour organiser l'encadrement des élèves. Une période correspond à une tranche de 50 minutes.

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— créer un esprit très positif de respect mutuel et de solidarité avec une élévation permanente de l'estime de soi (ce qui n'était pas gagné au départ). Des conseils de classe et la réalisation de micro projets y ont contribué.

Très vite aussi, j'ai voulu connaitre la manière dont apprenaient les élèves et à travers quelques grilles d'analyse et d'observation, mais surtout par de nombreux dialogues avec eux. J'ai pu tenir compte des différents types d'apprenants, des intelligences multiples ainsi que de leurs champs d'intérêt.

Ainsi, au fur et à mesure, j'ai construit mes activités en tenant le plus souvent possible compte de leur diversité et de leur évolution personnelle, permettant à certains d'aller de l'avant là où pour d'autres un retour en arrière était indispensable. Le petit nombre (10) bien entendu était un avantage certain.

Le résultat fut à la hauteur des espoirs puisqu'à la fin de l'année scolaire, 8 élèves ont obtenu leur CEB (ce sont deux élèves venus directement de 5e qui ont échoué) et cette « remédiation-différenciation » fut sans aucun doute une réponse intéressante apportée à cette problématique. Même s'il faut admettre que ce processus fut bien trop tardif (en fin de parcours) et n'impliqua que très peu l'équipe éducative qui a accepté du bout des lèvres « la ponction » de 12 périodes (au détriment d'autres choix).

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Agir sur le système

Nous pensons que la remédiation est le sparadrap que le système met sur une école malade et qu’il faut aller voir au cœur du système pour en espérer la guérison.

La maladie est grave. Aujourd’hui le mécanisme de production des inégalités scolaires à partir des inégalités sociales est devenu particulièrement dramatique. Comme nous l’avons montré plus haut, la remédiation a un côté insidieux dans ce mécanisme. Sous des dehors de lutte contre les inégalités, dans certaines circonstances, elle les renforce. Le sparadrap soulage, permet un mieux-être ponctuel mais, en même temps, camoufle l’ampleur de la maladie.

L’objectif de CGé est de lutter contre ces inégalités, contre la maladie elle-même. Les pistes que nous proposons vont donc bien au-delà d’aménagements de la remédiation, elles proposent de revisiter tout le système.

Constats

Nous constatons qu’après des années de pilotage relativement ferme, la ministre actuelle de l’enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles privilégie l’accompagnement. Elle fait accompagner par des équipes universitaires une série de projets pilotes qui permettront de mettre en avant les bonnes pratiques et leurs conditions d’exécution. Ces projets sont pertinents et constructifs, nous n’en doutons pas. Mais cette politique d’accompagnement est-elle suffisante ?

Dans le travail que nous avons fait avec la Fondation Roi Baudouin, nous avons rencontré énormément de personnes enthousiastes, créatives, déterminées, compétentes, mais tout cela n’a pas permis de faire émerger des idées réellement novatrices par rapport au système en place. Si, comme nous l’entendons parfois aujourd’hui, le contenu du rapport devient la référence en matière de remédiation, on ne changera rien au système. On fera à un niveau supérieur exactement ce qu’on dit qu’il ne faut pas faire dans ce rapport « un peu plus de la même chose ».

La remédiation scolaire 51

Les « bonnes pratiques » sont utiles et il faut pouvoir s’appuyer dessus quand le système fonctionne. Mais elles ont leurs limites, elles s’inscrivent dans un système dont elles ont besoin pour pouvoir continuer à exister. Elles cautionnent l’existence du système qui dysfonctionne.

Renforcer ces bonnes pratiques en soutenant financièrement les établissements qui les mettent en œuvre peut paraitre un choix judicieux, mais certains directeurs nous font part de leur complète désorientation quant à la manière la plus intelligente de dépenser ces fonds.

Faire des choix politiques, c’est autre chose que de soutenir de bonnes pratiques. C’est donner des orientations qui partent d’une vision qui soit située hors du système, c’est faire des choix qui renoncent à certaines options et qui contraignent à d’autres. Au niveau politique comme dans une classe, il ne suffit pas d’accompagner, il faut savoir où l’on va et prendre des dispositions pour y aller.

Propositions

Nous proposons d’appliquer le continuum pédagogique tel qu’il a été conçu dans le décret mission de façon beaucoup plus radicale. Il s’agit de créer un vrai tronc commun polyvalent9. Notre proposition se base sur l’existence du continuum pédagogique qui va de l’entrée dans le fondamental à la fin du premier degré (de 5 à 14 ans).

En effet, les aménagements en cascade subis par le premier degré de l’enseignement secondaire n’ont pas le temps de se stabiliser qu’ils sont déjà critiqués et remis en question. Les paradoxes du système rendent celui-ci illisible, incompréhensible pour le commun des mortels. Comment garder sa motivation si on ne comprend pas à quoi on joue, tant pour les élèves que pour les enseignants ? Nous pensons qu’un travail de clarification des objectifs et de simplification des moyens est nécessaire. Mais pour réellement simplifier, il faut clairement restructurer.

Réellement restructurer ce continuum pédagogique implique un certain nombre de conditions et/ou de conséquences

Concevoir un « vrai tronc commun polyvalent» Pour sortir de la logique dans laquelle l’enseignement fondamental prépare pour le secondaire général qui prépare lui-même pour l’université (et que tout qui sortirait de cette logique déchoit), il faudrait que ce tronc commun ouvre sur toutes les dimensions des apprentissages qu’ils soient manuels, artistiques, relationnels, moteurs, et intellectuels. Il ne s’agit pas de préparer à des métiers, mais bien d’ouvrir tous les enfants à tous les types de savoirs.

L’ensemble de ce tronc commun devrait être conçu sur base de l’article 6 du décret mission, en ouvrant sur tous ses axes et que l’orientation et la sélection ne se fassent qu’après la sortie de celui-ci.

9 L’APED (Appel Pour une École Démocratique ») parle d’un « tronc commun polytechnique » qui

irait jusqu’à 16 ans en ouvrant sur tous les métiers. Nous partageons leur vision, mais cette option n’est pas une réponse en soi aux questions de remédiation.

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Accompagner l’entrée à l’école. Comme nous l’avons montré dans une autre étude de CGé10, les familles populaires n’entrent pas à l’école comme les autres. Conduire son enfant à l’école, rencontrer l’enseignant, participer à une réunion de parents revêt des enjeux et des symboliques bien différentes selon le milieu dont on est issu et l’éducation qu’on a reçue.

Cette relation que la famille a avec l’école est immédiatement perceptible pour l’enfant qui devient élève. Elle influence grandement son propre rapport à l’école et aux personnes qui la représentent.

Il faut donc soigner l’entrée à l’école des élèves et de leur famille en faisant appel au milieu associatif si le besoin s’en fait sentir. Les codes des familles et de l’école sont parfois tellement éloignés les uns des autres qu’il se peut qu’il y ait besoin d’intermédiaires, qui soient traducteurs d’une langue à l’autre ou d’un code à l’autre. Il existe de grandes ressources pour assurer ce « décodage » au sein des associations de quartier et l’école n’en est pas toujours consciente. Les équipes éducatives pourraient faire appel à ces ressources pour faire de l’entrée de toutes les familles dans les écoles un moment de citoyenneté, constructif et participatif.

Accompagner l’entrée dans le savoir. Sentir sa famille accueillie à l’école pour s’autoriser à y rentrer est une chose. Entrer dans les savoirs en eux-mêmes en est une autre. Les enfants issus de familles populaires n’ont pas une entrée aisée dans les savoirs tels qu’ils sont formulés par l’école.

Les premières années du fondamental sont un moment crucial pour faire comprendre aux enfants non seulement quels sont les codes de l’école mais aussi ce que l’école attend d’eux en termes d’apprentissages. Certains enfants auront du mal à pouvoir y entrer et auront besoin d’un accompagnement particulier. Ceci dit, cet accompagnement peut être bénéfique pour tous les élèves et on a bien vu à quel point isoler les élèves pouvait être stigmatisant et contreproductif.

Pour construire un accompagnement pertinent, il faudrait pouvoir se décentrer de ses attentes habituelles pour pouvoir accueillir un autre mode d’être au savoir, pouvoir construire la relation d’apprentissage à partir de là et au sein du groupe classe. Cela demande que ce qu’on appelle « remédiation » aujourd’hui fasse partie intégrante de tout le processus d’apprentissage depuis les premières années du fondamental et tout au long du continuum pédagogique. La façon la plus aisée à nos yeux de réaliser ces objectifs est de permettre à deux enseignants de travailler ensemble avec un groupe classe, à certains moments du moins.

Concevoir autrement le travail des enseignants du 1er degré. Dans ce tronc commun, il faudrait revoir l’organisation du travail des enseignants du premier degré. Un mode de travail en équipe pluridisciplinaire permettrait une transition pour les élèves entre le modèle de l’enseignant unique au fondamental et un enseignant par discipline dans le secondaire. Le modèle proposé garantirait une forme d’unité d’enseignement par le groupe restreint de collègues travaillant avec le même groupe d’élèves.

10 BONNEFOND Annick, À l’école des familles populaires Couleur Livres 2011.

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Une des pistes possibles serait de former des équipes de 4 ou 5 enseignants avec des compétences disciplinaires complémentaires qui seraient responsables de 80 ou 100 élèves sur les deux années du degré. L’organisation du travail peut s’imaginer de multiples manières et pourrait être laissée à l’appréciation des écoles ou des équipes. Cela permettrait une concertation entre enseignants afin de cerner les difficultés de certains élèves (de façon complémentaire) et d’imaginer des remédiations adaptées, intégrées dans l’ensemble du programme de formation sur deux ans.

Séparer le 1er degré des écoles secondaires. Pour assurer un réel continuum pédagogique entre les primaires et le premier degré, ce dernier devrait être rendu indépendant des structures scolaires secondaires. En effet, les impératifs d’orientation, de structure de cours, d’horaire, influencent beaucoup le premier degré qui n’a pas encore besoin d’être soumis à ces contraintes.

Cette dissociation des structures implique également un travail sur la représentation du métier des enseignants de ce niveau et des autres niveaux en amont et en aval. À terme, la formation initiale pourrait clairement préparer à des profils de fonction spécifiques, tout en sensibilisant tous les acteurs à la réalité de tous les niveaux.

Il existe actuellement plusieurs seuils symboliques qui font percevoir à l’élève et à sa famille ainsi qu’aux enseignants qu’ils appartiennent au primaire ou au secondaire. Pour que la dissociation entre le premier degré et le secondaire puisse réellement se faire, il faudrait déplacer ces seuils symboliques

Déplacer le décret inscription En effet, si on veut créer un réel continuum pédagogique qui aille du début du fondamental à la fin du premier degré, il est inadéquat qu’un décret inscription vienne obliger l’élève à changer d’établissement, de filière, de réseau au milieu de ce parcours.

CGé s’est battu pour que ce décret existe et continue de vouloir le maintenir ; mais dans le cadre du continuum, il faudrait réguler les inscriptions dès l’entrée au fondamental.

Modifier le CEB Au même titre que le décret inscription, le CEB vient introduire une rupture dans le continuum pédagogique. Il faudrait donc le déplacer vers la fin du tronc commun pour qu’il certifie des compétences obtenues en fin de parcours et non des compétences obtenues à mi-parcours.

Une évaluation formative en fin de 6e primaire garde toute sa valeur, mais elle devrait perdre son caractère certificatif.

Créer des outils didactiques.

Actuellement, chaque enseignant construit ses cours en se basant sur la multiplicité des outils disponibles à travers les manuels, internet, les pistes des collègues, sans avoir l’assurance de la pertinence ni de la cohérence de ceux-ci.

La remédiation scolaire 54

Il faut créer, collectiviser et rendre cohérents des outils didactiques qui permettent aux apprentissages de se faire en tenant compte de la diversité des apprenants qu’un enseignant peut rencontrer. Il s’agit de créer des séquences d’apprentissage rigoureuses qui assurent que tous les nœuds conceptuels liés à une matière soient pris en considération.

De tels outils permettent concrètement à tous les élèves de faire les apprentissages nécessaires, indépendamment de leur bagage d’origine, puisqu’on se soucie d’expliciter tous les objectifs et qu’on prend en considération toutes les formes d’apprentissage.

Certains s’attèlent à cela depuis de nombreuses années, mais leurs productions restent confidentielles. Pour que ces outils soient adoptés par une majorité d’enseignants, différentes conditions sont nécessaires :

— il est prioritaire de traduire en termes didactiques les résultats de recherches en sociologie, en didactique et dans le champ des neurosciences, pour en faire des outils rigoureux applicables en classe. Ceci implique des collaborations actives entre des chercheurs et des enseignants,

— une labellisation de ces outils est nécessaire pour que les enseignants sachent quelle en est la valeur. Ceci implique un comité de validation compétent et intègre qui soit à même de refuser des outils inadéquats,

— - Ces outils resteront lettre morte sans une formation des enseignants à l’utilisation de ces outils avec toute la rigueur nécessaire. Ceci implique de la part des enseignants et des pouvoirs organisateurs de renoncer à une part de leur autonomie pédagogique.

On peut le constater, les pistes que nous proposons pour agir sur le système demandent de gros changements. Elles demandent également à être débattues, confrontées, amendées face aux diverses réalités de terrain. Même si nous savons qu’il n’est pas possible de repartir d’une page blanche, nous pensons qu’il est urgent de revoir le système dans ses fondements.

La remédiation scolaire 55

Conclusions

À l’origine de cette étude, il y a le constat de la dualisation de l’enseignement que représente le coaching scolaire payant. Dès que nous nous sommes penchés sur la réalité des écoles pour faire face à cette dualisation, nous nous sommes rapidement posé la question de savoir dans quelle mesure cette remédiation interne à l’école favorise la réussite scolaire et l’émancipation de tous les élèves. Petit à petit, en récoltant des informations de nos diverses sources, une autre question a émergé, qu’est-ce que la remédiation nous dit de l’École ?

Pour répondre à la première question, il faut voir sur quel plan on se situe. Si on se place au niveau des élèves, des groupes-classes et des écoles, la remédiation, si elle est bien pensée, concertée, proposée dans un esprit d’une autre médiation entre le savoir et l’élève, la remédiation peut certainement être un levier pour raccrocher aux démarches d’apprentissage. Avant toute qualité de méthode, de démarche, de processus, cela demande une posture, un apriori d’éducabilité de la part des remédiateurs et de l’ensemble de l’équipe éducative de l’école.

Il semble que la qualité relationnelle, la confiance mise dans l’élève « acteur », l’empathie dont peut faire preuve un enseignant soient des atouts majeurs pour la réussite de la remédiation. Mais ces caractéristiques, particulièrement humaines, peuvent aussi inquiéter quand il est question de lutter contre les inégalités. Comment s’assurer que l’empathie ou la relation soient de la même qualité quels que soient l’origine sociale, ethnique ou le genre de l’élève ? D’autant plus que les enseignants ne semblent pas particulièrement au fait des différences de rapport au savoir selon les milieux d’origine.

Au niveau du système, la remédiation ne lutte en rien contre les inégalités scolaires.

En effet, la fonction sociale de l’école, qui est de permettre la perpétuation de la société, doit être rendue explicite pour tous. Il est important qu’aujourd’hui comme demain nous ayons des médecins, des éboueurs, des enseignants des

La remédiation scolaire 56

cuisiniers, des artistes et des ingénieurs capables de prendre leur place dans la société pour qu’elle continue d’exister, de fonctionner et d’évoluer. L’école est le lieu où tout cela se prépare. C’est sa fonction sociale.

Le problème vient de ce que cette perpétuation de la société tend à se faire de telle sorte que les places sociales restent les mêmes d’une génération à l’autre. Or ce n’est pas la fonction de l’école. Au contraire, selon les discours officiels, L’École doit permettre à chacun de devenir ce qu’il veut devenir indépendamment de son origine. Pourtant l’École sélectionne, oriente et relègue, et donc reproduit et renforce les divisions de la société. À la fin cette étude, nous pensons que la remédiation, loin de lutter contre cette reproduction, y contribue également.

Même si, avec un discours bienveillant, la remédiation permet de garder une forme de cohésion sociale autour du projet de l’École en maintenant l’espoir chez les jeunes et leur famille, nous dénonçons sa fonction d’individualisation dans le parcours scolaire. Comme nous le disions en conclusion du quatrième chapitre, ce processus d’individuation contribue à une responsabilisation/culpabilisation de l’élève dans son rapport à l’apprentissage. En effet, les objectifs implicites de la remédiation (et de l’École obligatoire) contribuent à occulter les mécanismes de reproduction des inégalités et ainsi empêchent les jeunes issus des classes sociales dominées d’identifier les mécanismes sociaux qui jouent contre eux. Comme le discours entourant la remédiation est un discours particulièrement bienveillant qui veut donner sa chance à chacun, permettre à tous de réussir, le mécanisme est d’autant plus vicieux. Et il est d’autant plus performant dans sa reproduction des inégalités que les enseignants qui le pratiquent sont convaincus de faire pour le mieux et de réellement aider les jeunes qu’ils prennent en charge. Ce qu’ils font certainement pour toute une série d’entre eux, mais sans questionner le système qui produit cet échec.

Nous proposons quelques pistes pédagogiques. Elles permettent de réfléchir les pratiques d’enseignement en classe pour que les processus nécessaires à l’apprentissage se fassent immédiatement. Elles envisagent également la question de la prévention. Mais nous voulons dépasser ces enjeux en proposant des pistes qui modifient réellement le système scolaire en Fédération Wallonie-Bruxelles. Nous voulons un vrai tronc commun qui couvre le continuum pédagogique actuel (et peut-être plus), avec une organisation qui permette que tous les enfants aient accès aux savoirs de base dès le fondamental. Ceci demande de dissocier clairement ce qui est le premier degré aujourd’hui de l’enseignement secondaire pour le raccrocher au fondamental ou en faire un degré indépendant.

Un tel changement implique de changer les mentalités. Celles des enseignants et du monde éducatif, mais aussi celles des familles et des politiques. Cela demande que l’on revoie radicalement l’organisation de l’école, mais plus fondamentalement cela veut dire que l’on (re) fait de l’école un bien commun, c’est-à-dire un bien qui appartient à un collectif. C’est ce collectif, et non la juxtaposition d’individus, qui détermine quels en sont les objectifs et les moyens d’action, ce qui fait œuvre utile pour la communauté. L’École ne retrouvera son sens et donc sa pleine capacité d’action que si elle s’enracine dans la recherche du bien commun et non du bien (être) individuel.

La remédiation scolaire 57

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