la responsabilité pénale en échec prescription amnestie immunités

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    La responsabilit pnale en checprescription, amnistie, immunits1

    Mireille DELMAS MARTY

    Professeur lUniversit Paris IMembre de lInstitut universitaire de France

    Traditionnellement, la responsabilit pnale peut tre mise enchec pour des raisons pratiques (loubli aprs un certain tempsrend difficile voire impossible ltablissement de la preuve),morales (le pardon peut faciliter le deuil et la rconciliation) oupolitiques (la souverainet des Etats peut sembler menace par lamise en cause de leurs reprsentants). Ces raisons sont prisesen compte juridiquement, au confluent des systmes nationauxde droit pnal et du droit international, par le jeu de notionscomme la prescription, lamnistie et limmunit. Certes ces notions

    prsentent de grandes diffrences dun systme lautre. Quilsagisse du principe mme de la prescription - qui nest pasuniversellement consacr -, de lamnistie - dont les conditions etles effets varient- , ou de limmunit pnale - dont la portedpend du critre dterminant, personnel ou matriel-, le rgime juridique de la mise en chec de la responsabilit pnale peutvarier considrablement. Toutefois les trois notions ont longtempsparu converger pour justifier, certaines conditions, laneutralisation de la responsabilit pnale, quelles que soient la

    nature et la gravit du crime commis.

    Mais face aux vnements, tels la Shoah et les autres grandscrimes du XXe sicle, qui ont laiss leur empreinte traumatique

    1Extraits de la contribution de 45 pages, paratre inCrimes internationaux et

    juridictions nationales, dir. A. Cassese et M. Delmas-Marty, PUF, mai 2002. Cetouvrage fait suite au sminaire organis en juillet 2001 Paris pour lequel desrapports prparatoires gnraux et nationaux ont t prsents et dont la versiondfinitive figure dans le livre paratre.

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    dans les curs et sur les corps 2, les bonnes raisons sonnent

    creux et les notions juridiques font figure dobstacles drisoires.Car de tels vnements protestent quils ont t et ce titre ilsdemandent tre dits, raconts, compris . Et leur protestation,souligne Paul Ricoeur, est de lordre de la croyance : elle peuttre conteste, mais non rfute . Do le devoir de mmoire, etdabord le travail de mmoire, dont il convient de se demandersil relve de lhistorien ou du juge.

    Sil est vrai que le souci de la preuve et lexamen critique de lacrdibilit des lments produits comme tels (documents,tmoignages, voire aveux) sont communs au juge et lhistorien

    3,

    il reste cette diffrence majeure souligne par Ricoeur que

    lhistoire est en perptuelle rcriture alors que la scne juridiqueest par nature limite. La connaissance historique ressemble ces bibliothques peintes par Vieira da Silva, architectures desens qui combinent les chelles de dure et distribuent les objetssur dinnombrables plans, comme pour donner voir que lhistoireest plus vaste que la mmoire et que le temps y est autrementfeuillet 4. Il diffre aussi du temps juridique, non seulementlinaire mais aussi born : il scoule le long dune chane dediscours croiss que lon nomme dbat contradictoire et

    sinterrompt lorsque tombe larrt, bien nomm car cest ainsi que la fonction de rtribution de la sentence doit tre tenue poursubordonne sa fonction restauratrice tant de lordre public quede la dignit des victimes qui la justice est rendue 5.

    Mais en ce domaine dune justice mondiale encore en gestation,la distinction se brouille car cest dinstauration, et non derestauration, quil faudrait parler. Lordre public na sans doute pasle sens habituel : ni proprement national, mme quand laffaire est

    juge par les juges dun Etat, ni vritablement mondial - malgrlapparition de tribunaux pnaux la composition internationale,comme Nuremberg, ou mme mondiale comme la future CPI,ou dj les tribunaux ad hoc, de La Haye et Arusha -, cet ordrepublic dun type nouveau nest garanti par aucune autre institution

    2Paul Ricoeur, La mmoire, lhistoire, loubli, Seuil, 2000, p.648.3Carlo Ginsburg, Il giudice e lo storico, Turin, Einaudi, 1991, trad. franaise, Le

    juge et lhistorien, Paris Verdier, 19974Paul Ricoeur, prcit, p. 647.5Ibidem, p. 420, in Le juge et lhistorien, p. 413 s.

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    mondiale, ni parlement, ni gouvernement, ni arme, ni police.Tout au plus les juges peuvent-ils faire appel au Conseil descurit de lONU, sans garantie de rponse, lorsquun mandatdarrt international quils ont lanc nest pas excut.

    Cest sans doute ici que prend tout son sens laddition aucouple du juge et de lhistorien dun troisime partenaire, lecitoyen , qui devient lultime arbitre, celui dont la conviction justifie en dernier ressort lquit de la procdure pnale danslenceinte du tribunal et lhonntet intellectuelle de lhistorien auxarchives 6. Quant au travail de mmoire, en somme, lephilosophe ne tranche pas entre lhistorien et le juge, considrantque cest sur le chemin de la critique historique que la mmoire

    rencontre le sens de la justice : que serait une mmoireheureuse qui ne serait pas une mmoire quitable ? . A dfaut de restaurer un ordre mondial qui nexiste pas, lafonction essentielle de la justice pnale internationale serait, enclairant lopinion publique, de transformer le jugement sur lecrime en promesse den viter le retour : replace sous lacatgorie de la promesse, la mditation sur le mal peut trearrache la dploration infinie et la mlancolie dsarmante, et,plus fondamentalement encore, au cercle infernal de linculpation

    et de la disculpation . Prcisment, la condamnation peut aider sortir du cercle infernal et devenir instauration dun ordre futur quise cherche encore.

    Pour y parvenir, le travail du juge ne doit pas se heurter, enmatire de crimes internationaux, aux obstacles juridiquestraditionnels mais comporter, sa faon, quelque chose dillimit.Et cest pourquoi ces obstacles doivent tre analyss sansprtendre rduire la complexit actuelle des donnes, ni leur

    donner une cohrence qui fixerait prmaturment un domaine enpleine volution.On observe en effet dabord un extraordinaire enchevtrementdes diffrents espaces normatifs (national, international rgionalen matire de droits de lhomme, ou international vocationmondiale). Etant prcis que la norme pertinente peut appartenirau droit conventionnel, la jurisprudence, nationale, rgionale ouinternationale, ou encore la coutume internationale ; et quelle

    6Ibidem, p.436.

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    relve tantt de relations intertatiques (droit conventionnel oucoutumier), tantt dune conception supratatique permettantla condamnation dun Etat sur saisine dune personne prive(instruments de protection des droits de lhomme) ou lacondamnation pnale dun individu, fut-il chef dEtat ou ancienchef dEtat, pour un crime dfini comme crime international(justice pnale internationale).Si lon se situe dans la perspective o la justice pnaleinternationale est rendue par des juridictions nationales, on prendtoute la mesure de la complexit du droit en vigueur. Complexitdans lespace, tant il est vrai que les normes nationales restentlargement applicables sans avoir t au pralable unifies ouseulement harmonises, mme dans les rares Etats, comme la

    Belgique et prochainement lAllemagne, qui ont adopt unelgislation spcifique, a fortiori dans la majorit des systmestudis, o seule la jurisprudence semploie intgrer, desdegrs et des rythmes variables, le droit international. Cettevariabilit des rythmes impliquant aussi une complexit dans letemps, dautant que le droit international lui-mme est en pleinevolution, lincertitude qui en rsulte ne facilitant videmment pasune intgration que les droits nationaux ralisent leur rythmepropre et chacun selon son histoire et ses spcificits culturelles,

    politiques ou parfois conomiques.Cest dans un tel contexte, qui ne se prte gure desapprciations premptoires et dfinitives, mais des hypothsesqui restent vrifier, que lon tentera de revisiter les notionsjuridiques qui pourraient mettre en chec la responsabilit pnaleen matire de crimes internationaux.

    Tout dabord les notions venues du droit pnal interne que sont laprescription et lamnistie. Dans le cas de la prescription, la

    diversit des systmes de droit interne peut expliquer uneinfluence variable de la norme internationale, dont le mrite est entout cas de poser clairement le principe de limprescriptibilit pourun certain nombre de crimes internationaux. Avec lamnistie, ladifficult tient la fois la diversit des droits nationaux et lincertitude de la norme internationale quil faut chercher auconfluent de la jurisprudence rgionale relative aux droits delhomme, de la jurisprudence des TPI et dune coutumeinternationale encore incertaine.

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    En revanche, la notion dimmunit est commande avant tout parune norme internationale en pleine volution. Traditionnellementlimmunit interdisait de poursuivre pnalement des chefs dEtatou d'anciens chefs dEtat, en application dun droit international

    conu, sur le modle dit de Grotius , comme intertatique etsoucieux de respecter lgale souverainet de tous les Etats.Pourtant, partir du Trait de Versailles, cest un tout autremodle, caractre cosmopolitique (modle dit de Kant 7) quipermit dcarter limmunit pnale de Guillaume II : sonextradition ne fut jamais accorde, mais la poursuite aurait t juridiquement possible. Le nouveau modle saffirma lorsque leTribunal de Nuremberg jugea lamiral Doenitz, qui avait signlacte de capitulation au nom de lAllemagne (alors que lempereur

    du Japon devait bnficier dune sorte dimmunit de fait). Plusrcemment ce mme modle fonde la comptence du Tribunal deLa Haye pour mettre en accusation et juger Milosevic, bien quesignataire des accords de Dayton. Le droit conventionnelconsacre dailleurs clairement ces pratiques avec les principes 1et 3 de Nuremberg, larticle 4 de la convention sur le gnocide etlarticle 3 de la convention sur lapartheid, ou encore larticle 7 dustatut du TPIY et du TPIR et larticle 27 de la convention deRome. La difficult tient lincertitude de la notion des crimes

    internationaux graves auxquels sapplique un principe de refusdimmunit dont il nest pas certain quil se limite au seul droitconventionnel ds lors quune partie de la doctrine et de la jurisprudence invoquent une coutume internationale plus large,encore en formation, qui viserait aussi, malgr le silence desconventions, le terrorisme ou la torture. Le plus souvent, cetteincertitude a pour consquence de laisser le dernier mot lapprciation souveraine des autorits nationales de poursuite etde jugement, soit en qute dune lgitimit mondiale, soit

    sensibles aux risques dincidents diplomatiques.

    La question nous conduira donc, en guise de conclusion, revenir sur larticulation entre le rgime juridique de laresponsabilit pnale et la conscration, ou le refus, dunecomptence universelle pour le juge national. Faon de soulignerquon ne simprovise pas juge mondial sans prparation et que leprincipe de complmentarit pos par la convention de Rome

    7Antonio Cassese, International Law, Oxford University Press, 2000

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    devrait sans doute tre interprt comme une vritablecomplmentarit ce qui veut dire que les sphres decomptence seraient diffrentes et non concurrentes- , et noncomme une subsidiarit de fait au nom de laquelle on se

    rsignerait carter la comptence de la CPI pour de simplesraisons diplomatiques.

    ()

    Etudier la mise en chec de la responsabilit pnale cest un peucomme aller visiter lenvers du dcor. Cest souvent l que loncomprend le sens cach de la reprsentation. Le bilan de la visitepermettra en tout cas de dgager quatre modles

    dinternationalisation du droit sur lesquels fonder quelquesrecommandations pour une future harmonisation.

    Quatre modles dinternationalisation du droit

    On ne peut qutre frapp par la disparit des pratiquesnationales et la complexit des articulations quil faut mettre envidence pour saisir prcisment la signification, en termes demodles dinternationalisation du droit, de cette vaste scne en

    pleine transformation.Une premire articulation serait ncessaire entre le degrdinternationalisation des normes appliques par les jugesnationaux la mise en chec de la responsabilit pnale et letype de comptence qui sous-tend leur intervention.Comme le souligne P.M. Dupuy, mme si le problme desimmunits de juridiction des responsables de la politique dEtat etcelui de la comptence universelle sont deux questions biendistinctes, ladmission largie de la seconde condition conditionne

    dans une grande mesure la rduction effective du champdapplication de la premire 8. Il y aurait donc une relation directeentre la comptence universelle et le refus des immunits. LaChambre des Lords a dailleurs fait le lien, dans sa dcision du 24mars 1999, en considrant que limmunit pnale dun ancienchef dEtat serait incompatible avec la Convention de 1984 contrela torture qui introduit la comptence universelle. Toutefois, laporte de la dcision est limite, dabord par les trois conditions

    8P.M. Dupuy, Crimes et immunits, RGDIP 1999. 294

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    quelle implique9 (un Etat partie aux Conventions prvoyant lacomptence universelle, lentre en vigueur de ces conventions,enfin la commission de crimes dfinis par ces conventions) ;galement parce quelle concerne seulement le jeu des

    immunits, auquel il convient dajouter, pour prendre la mesure delensemble, limprescriptibilit et linterdiction des amnisties etmesures quivalentes.

    Mais le processus inverse est galement observable, en ce sensque lintgration par un Etat dans son droit pnal national desnormes internationales relatives limprescriptibilit, lexclusiondes amnisties ou autres mesures de clmence et aux immunits,peut donner aux juridictions nationales un rle moteur dans le

    jugement des crimes internationaux, mme si leur comptencereste de type traditionnel.10

    Cest donc bien de larticulation entre les normes de mise enchec de la responsabilit pnale internationale et le modedattribution de la comptence que rsulte le modle, dominantenationale ou internationale, qui est appliqu par chaque Etat.Toutefois, il convient de rappeler quune mme solution peutrelever tantt du droit national, tantt du droit international. Ainsi

    limprescriptibilit est une rgle traditionnelle en common law ouen droit islamique, alors quelle dcoule du droit international pourles systmes de tradition romano-germanique. De plus il faut tenircompte des phnomnes de renational isation ou internisation du droit international lorsque des rgles,intgres au droit interne partir du droit international, sontinterprtes dans un sens autonome, largi ou restreint. Libresde leur lien avec le droit international, ces rgles peuvent setrouver renationalises : en Espagne, par exemple, la

    comptence universelle est expressment prvue par le codepnal pour les crimes de gnocide, mais linterprtation de lanotion de gnocide tant diffrente de celle de la Convention de1948, il en rsulte une comptence universelle dapplicationlargie par rapport la dfinition internationale. Enfin lacomptence universelle est parfois reconnue dans des conditions

    9En ce sens, voir S. Villalpundo, R.D.I.D.P 2000, p. 417.10voir par exemple le rapport pour lArgentine, qui sera publi dans louvragementionn en note 1.

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    dapplication qui affaiblissent sa porte ou mme neutralisent samise en uvre11.

    Sous ces rserves, on peut tenter de dfinir, au croisement des

    deux axes de la comptence et des normes applicables, quatre principaux modles qui marquent diffrents degrs danslinternationalisation du droit : aux deux ples extrmes, unmodle national pur - comptence dominante traditionnelleet normes dominante nationale -, correspondant par exempleaux pratiques dans beaucoup de pays dIslam ou aux Etats-Unis,et un modle international pur - comptence universelle etnormes dominante internationale -, qui voque par exemple laBelgique ou lAllemagne partir de ladoption du code pnal

    international ; entre ces deux ples, deux modles intermdiaires, national intgr - comptence traditionnelle, mais normes dominante internationale - qui fait songer lArgentine et international modr - comptence universelle mais normes dominante nationale -, renvoyant la France et la plupart despays europens.

    Toutefois, ltude montre que, dans la ralit, les pratiquessidentifient rarement un seul modle. Les incertitudes du droit

    international et lvolution des lgislations nationales souventdcide au coup par coup font que la plupart des systmes envigueur relvent simultanment de modles diffrents selon lesquestions traites (prescription, amnistie ou immunits). Aussi approximative soit-elle, la modlisation aide saisir larelation entre tribunaux nationaux et internationaux.

    Une seconde articulation apparat en effet, selon les modlesprivilgis par les Etats, entre tribunaux nationaux et

    internationaux. Le modle national pur, construit sur le refusdes normes internationales et le maintien de la comptencetraditionnelle, implique plusieurs risques : dune part celui defavoriser une justice des vainqueurs 12, les rgles nationalesgarantissant difficilement, en priode de conflit, les conditionsdun jugement quitable par un tribunal indpendant et impartial,

    11Cf. le rapport de Damien Vandermeersch, La comptence universelle, publidans louvrage mentionn en note 1.12M. Cosnard, Quelques observations sur les dcisions de la chambre des Lordsdu 26 novembre et du 24 mars 1999 dans laffaire Pinochet, RGDIP. 1999, p. 309

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    surtout lorsque lon substitue une justice dexception auxtribunaux de droit commun13. Egalement le risque, au cas o lesresponsables sont et restent au pouvoir, dune sorte de subsidiarit inverse au profit de la CPI. Maintenir

    lopposabilit de la prescription, de lamnistie ou de limmunit,comme les limitations traditionnelles de comptence, dmontre eneffet que lEtat concern na pas la volont, ou se trouve danslincapacit, de mener vritablement bien lenqute ou lespoursuites , au sens de larticle 17 du statut de la CPI. Do lacomptence donne la CPI. On peut citer en ce sens le rapportamricain qui indique sans ambigut que si les Etats-Unisveulent viter que leurs propres citoyens soient poursuivis devantla future CPI, ils devront amliorer leur capacit intenter des

    poursuites nationales. Plus largement, le rapporteur belgesouligne que si lon devait admettre que dans certainescirconstances, limmunit constitue un obstacle lexercice depoursuites en droit interne, cette situation aurait une incidence surla comptence de la CPI : la comptence de la Cour ne seraitplus complmentaire de celle des Etats mais deviendraitexclusive lgard des personnes pouvant opposer une immunitvis--vis des juridictions nationales ayant dcid dintenter despoursuites leur encontre .14

    Encore faut-il que la Cour ait alors comptence, alors que lesconditions sont restrictives et que, comme le relve Bert Swartdans son rapport gnral sur La place des critres traditionnelsde comptence dans la poursuite des crimes internationaux, lessituations dans lesquelles la Cour na pas de comptenceconcident un degr considrable avec celles dans lesquellesles critres traditionnels de comptence ne permettent pas unEtat de rprimer les crimes internationaux commis hors de sonterritoire .

    Mais le contraste nen est que plus fort avec le modle oppos, international pur, au risque daggraver les ingalits entreEtats et de favoriser une sorte de forum shopping consistantpour les victimes privilgier les pays ayant adopt comptence

    13voir ordonnance Bush, 13 novembre 2001 sur la cration de tribunaux militairesad hocpour juger les auteurs trangers des attentats du 11 septembre 2001.14Rapports publis dans louvrage mentionn en note 1.

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    universelle et normes internationales pour y dposer leur plainte 15.Ds prsent lafflux de plaintes avec constitution de partie civileen Belgique commence faire apparatre les effets pervers deconceptions nationales trop clates et trop ouvertement

    incompatibles. A cet gard, lexistence de modles intermdiaireslaisse entrevoir la possibilit dune progressive harmonisation despratiques nationales.

    Les voies dune future harmonisation

    Comme le souligne P.M. Dupuy, les pratiques nationales sont encore loin dtre unifies 16. A vrai dire, lunification, en cequelle implique des rgles strictement identiques, nest sans

    doute pas demble ncessaire. En revanche lharmonisation,comprise comme un processus de rapprochement autour deprincipes directeurs communs afin de permettre la mise encompatibilit des systmes nationaux, parat non seulementsouhaitable, mais absolument indispensable si lon veut viter lesrisques voqus ci-dessus. Lintgration progressive des normesinternationales (modle national intgr ) devrait prparer les juges nationaux devenir aussi les gardiens dun futur droitcommun. A linverse la mise en uvre dune comptence

    universelle sans intgration des normes internationales (modle international modr ) risque de dcevoir, moins dy voir unesimple transition. En somme la construction dune future justicepnale internationale pourrait tre facilite par le succs de cesmodles intermdiaires, condition que la transition soitconsidre comme telle et non comme le point darrive et quilexiste un certain contrle supranational car lharmonisation estrarement totalement spontane. Deux voies pourraient treexplores en ce sens.

    Dune part, la voie des droits de lhomme, dont on a vu le rlemoteur en Amrique latine, devrait permettre dharmoniser, dansun sens plus conforme au droit international, les pratiquesnationales dchec la responsabilit pnale. Il resterait dvelopper ce type de mcanismes, tant lchelle des Nations

    15 Voir, dans le mme sens, Jean-Franois Flauss, Droit des immunits etprotection internationale des droits de lhomme, Rev. suisse de droit international

    et de droit europen, 2000 p.304.16PM Dupuy, prcit, p.293.

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    Unies qu lchelle rgionale, mais surtout inciter les Etats ratifier les instruments existants et les complter. Cest uneaffaire de volont politique mais la pression des citoyens et desONGs peut branler linertie, voire la mauvaise volont, des Etats

    en ces matires.

    Dautre part, la voie dun recours en interprtation pourrait tretrace, soit auprs de la Cour internationale de Justice, dont lerle serait ainsi revaloris en matire pnale, soit auprs de lafuture CPI dont la spcialisation pnale faciliterait la tche. Entoute hypothse, lobjectif serait, face aux incertitudes du droitinternational et la diversit des systmes nationaux, de faireconnatre les pratiques existantes, de prciser le sens du droit

    conventionnel et des volutions de la coutume internationale etdviter des interprtations non seulement diffrentes mais encorecontradictoires.

    Sans figer trop tt un droit en pleine formation, les instruments deprotection des droits de lhomme, comme le recours eninterprtation, permettraient la formation dune culture juridiquecommune, nourrie la fois du droit international et des tudescomparatives. Ainsi pourraient-ils contribuer garantir une

    vritable complmentarit entre les juridictions nationales et lafuture Cour pnale internationale.

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