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50 TERRITORIAL JURIDIQUE | PRATIQUE Zepros 3 | Avril 2018 n La création d’un service public de la restauration scolaire estelle obligatoire? À la différence des départements et des régions, qui ont respective- ment la charge des collèges et des lycées, le service public de la restauration scolaire est facultatif pour les communes, qui ont la charge des écoles maternelles et primaires. Il en résulte que celles- ci n’ont aucune obligation de créer ou de maintenir un service de res- tauration scolaire pour les élèves de ces écoles. n Estil possible d’en réserver l’accès à certains enfants? Dès lors qu’un service public de restauration scolaire a été créé, la commune doit permettre un égal accès des usagers. Il s’agit d’un principe de non-discrimination entre les élèves. Il a ainsi par exem- ple déjà été jugé que la circonstance de parents sans emploi ne peut légalement fonder la limitation de l’accès de leur enfant à la cantine. Dans cette affaire, une commune avait décidé de donner la priorité, pour l’inscription à la cantine sco- laire, aux enfants dont les deux parents travaillaient. Le juge admi- nistratif a considéré que ce critère de distinction entre les enfants était discriminatoire. n L’insuffisance de places disponibles estelle un motif valable pour refuser une inscription à la cantine? Jusqu’à il y a peu, cette insuffisance pouvait justifier un refus d’inscrip- tion à la cantine. Néanmoins, la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyen- neté a introduit un nouvel article L. 1331-13 dans le Code de l’éduca- tion qui consacre le principe de non-discrimination et prévoit, en outre, que « l’inscription à la can- tine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés ». Il semble en résulter, lorsqu’un ser- vice de restauration scolaire existe, une obligation d’accueil de l’en- semble des élèves par les com- munes. Le tribunal administratif de Besançon s’est prononcé en ce sens dans un récent jugement du 7 décembre 2017. De sorte que la solution est désormais inversée. n La solution estelle la même pour les autres services publics facultatifs? En l’absence de texte, législatif ou réglementaire, le précisant, l’accès à un service public facultatif peut être limité en raison du nombre de places disponibles. Par exemple, aucun texte n’institue un droit d’être inscrit aux services périsco- laires d’accueil des enfants le ma- tin et l’après-midi. n D’autres motifs peuventils justifier un refus d’inscription? Le tribunal administratif de Besançon ne semble pas avoir reconnu un droit absolu d’accès à la cantine. En effet, il ressort de son analyse qu’une commune peut subordonner l’inscription d’un enfant à certaines conditions comme le dépôt d’un dossier complet dans les délais impartis, la régularité de la situation de la famille au regard du paiement des factures des activités périscolaires, ou encore l’ouverture du service. n L’État doitil aider les communes à financer leur cantine? En principe, lorsque le législateur crée ou étend des compétences ayant pour conséquence d’aug- menter les dépenses des collecti- vités, ces créations/extensions doivent être financièrement com- pensées par l’État. Le législateur, en créant un droit à l’accès à la res- tauration scolaire des élèves, a créé une nouvelle obligation légale à la charge des communes. Néan- moins, le Conseil constitutionnel a considéré, à l’occasion du contrôle de la loi Égalité et Citoyenneté, que le principe de compensation ne s’applique qu’aux compétences obligatoires alors que le service public de la restauration scolaire demeure facultatif. L’État n’est pas donc tenu d’aider les communes à financer leur cantine. n Des communes peuvent elles se regrouper pour ouvrir une cantine commune? Des communes membres d’un même établissement public de coo- pération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre peuvent lui trans- férer la compétence en matière de restauration scolaire, afin que celle-ci soit gérée à l’échelle inter- communale. Il est également loisi- ble aux communes et EPCI à fiscalité propre de se regrouper au sein d’un syndicat qu’ils charge- ront d’exercer cette compétence. n Le prix de la cantine peutil varier d’un enfant à l’autre? Les tarifs sont fixés par les com- munes qui peuvent moduler le prix selon des considérations sociales et en fonction du domicile de l’enfant. Les tarifs ne peuvent être supérieurs au coût par usager résultant des charges supportées au titre du service de restauration, après déduction des subventions de toute nature bénéficiant à ce service. n Dans l’élaboration des menus, les communes ontelles des impératifs de nutrition? La qualité nutritionnelle des repas servis en restauration collective est encadrée depuis la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisa- tion de l’agriculture et de la pêche, codifiée à l’article L. 230-5 du Code rural et de la pêche maritime, et précisée par un décret et un arrêté. L’encadrement porte sur la variété des produits proposés et leur quantité, de façon à prévenir les carences. Pour les enfants de moins de six ans, doivent être pris en compte les besoins particuliers propres à l’alimentation infantile. n Fautil s’adapter aux éventuelles allergies des enfants? Pas nécessairement. En cas d’al- lergie, la consommation de paniers repas fournis par les parents dans le cadre d’un projet d’accueil indi- vidualisé doit être favorisée si les services de restauration ne peu- vent fournir des repas adaptés. n Fautil prendre en compte les éventuelles prescriptions reli gieuses des enfants? Il n’existe aucune obligation de prise en compte des prescriptions reli- gieuses dans l’élaboration des menus. Le refus d’une commune de procéder à un aménagement des repas pour tenir compte des convictions religieuses des familles ne peut être assimilé à une discri- mination dans la mesure où l’accès à la cantine n’est pas refusé aux enfants concernés. Il est néanmoins possible de mettre en place des menus de substitution. Cela ne doit toutefois pas porter atteinte au fonctionne- ment normal du service, notam- ment d’un point de vue logistique et financier. n Estil possible de revenir sur une décision de proposer des menus de substitution? Le tribunal administratif de Dijon a considéré, dans un jugement du 28 août 2017, que la mesure consistant à mettre fin aux menus de substitution doit être prise en considération de l’intérêt des enfants fréquentant la cantine. De sorte qu’il n’apparaît pas inter- dit de revenir sur une telle décision, mais qu’il doit être tenu compte des circonstances particulières de chaque espèce. À cet égard, le tri- bunal a indiqué qu’une « contrainte technique ou financière » pouvait légalement justifier une « adapta- tion des modalités du service public ». Mais il a considéré que, en l’espèce, la décision était justifiée par une « position de principe se référant à une conception du prin- cipe de laïcité », alors que la com- mune proposait des menus de substitution sans discontinuité depuis de 1984, sans que cela n’ait jamais fait débat, et que les familles concernées n’étaient pas néces- sairement en mesure de recourir à un autre mode de restauration. n Quelles sont les obligations en matière d’accueil des enfants handicapés? Le Conseil d’État a mis à la charge de l’État, et non des communes, une obligation de prendre en charge les mesures propres à assurer l’accès des enfants handi- capés aux activités périscolaires, en l’occurrence l’accès à la cantine, alors même que ces activités ne relèveraient pas, en tant que telles, de sa compétence, dès lors que ces mesures apparaissent comme une composante néces- saire à la scolarisation de l’enfant. LA RESTAURATION SCOLAIRE DANS LES ÉCOLES ÉLÉMENTAIRES Par Agathe Delescluse, avocate au cabinet Seban & Associés Un service facultatif pour les communes Le service public de la res- tauration scolaire est facul- tatif pour les communes. Une fois instauré, l’accès est de droit pour l’ensemble des élèves. Cela peut cons- tituer une charge non négligeable, mais des pos- sibilités de regroupement existent. Les conditions d’accueil sont plus ou moins souples: alors qu’il existe des obligations en matière nutritionnelle, les com- munes ne sont pas tenues de se conformer aux impé- ratifs alimentaires des enfants.

LA RESTAURATION SCOLAIRE DANS LES ÉCOLES ÉLÉMENTAIRES · 2018-04-05 · restauration scolaire a été créé, la commune doit permettre un égal accès des usagers. Il s’agit

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50TERRITORIAL

JURIDIQUE | PRATIQUE Zepros 3 | Avril 2018

n La création d’un service public de larestauration scolaireest-elle obligatoire?

À la différence des départements et des régions, qui ont respective-ment la charge des collèges et des lycées, le service public de larestauration scolaire est facultatifpour les communes, qui ont lacharge des écoles maternelles etprimaires. Il en résulte que celles-ci n’ont aucune obligation de créerou de maintenir un service de res-tauration scolaire pour les élèvesde ces écoles.

n Est-il possible d’en réserver l’accès à certains enfants?

Dès lors qu’un service public de restauration scolaire a été créé, la commune doit permettre un égalaccès des usagers. Il s’agit d’unprincipe de non-discrimination entre les élèves. Il a ainsi par exem-ple déjà été jugé que la circonstancede parents sans emploi ne peut légalement fonder la limitation del’accès de leur enfant à la cantine.Dans cette affaire, une communeavait décidé de donner la priorité,pour l’inscription à la cantine sco-laire, aux enfants dont les deux parents travaillaient. Le juge admi-nistratif a considéré que ce critèrede distinction entre les enfants était discriminatoire.

n L’insuffisance de placesdisponibles est-elle un motif valable pourrefuser une inscriptionà la cantine?

Jusqu’à il y a peu, cette insuffisancepouvait justifier un refus d’inscrip-tion à la cantine. Néanmoins, la loin° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyen-neté a introduit un nouvel article L. 1331-13 dans le Code de l’éduca-tion qui consacre le principe de non-discrimination et prévoit,en outre, que « l’inscription à la can-tine des écoles primaires, lorsquece service existe, est un droit pour

tous les enfants scolarisés ». Il semble en résulter, lorsqu’un ser-vice de restauration scolaire existe,une obligation d’accueil de l’en-semble des élèves par les com-munes. Le tribunal administratifde Besançon s’est prononcé en cesens dans un récent jugement du7 décembre 2017. De sorte que lasolution est désormais inversée.

n La solution est-elle lamême pour les autresservices publics facultatifs?

En l’absence de texte, législatif ouréglementaire, le précisant, l’accèsà un service public facultatif peutêtre limité en raison du nombre deplaces disponibles. Par exemple,aucun texte n’institue un droitd’être inscrit aux services périsco-laires d’accueil des enfants le ma-tin et l’après-midi.

n D’autres motifs peuvent-ils justifier un refus d’inscription?

Le tribunal administratif de Besançon ne semble pas avoir reconnu un droit absolu d’accès à lacantine. En effet, il ressort de sonanalyse qu’une commune peutsubordonner l’inscription d’un enfant à certaines conditionscomme le dépôt d’un dossier complet dans les délais impartis,la régularité de la situation de la famille au regard du paiement desfactures des activités périscolaires,ou encore l’ouverture du service.

n L’État doit-il aider lescommunes à financerleur cantine?

En principe, lorsque le législateurcrée ou étend des compétencesayant pour conséquence d’aug-menter les dépenses des collecti-vités, ces créations/extensions doivent être financièrement com-pensées par l’État. Le législateur,en créant un droit à l’accès à la res-tauration scolaire des élèves, a crééune nouvelle obligation légale à lacharge des communes. Néan-

moins, le Conseil constitutionnel aconsidéré, à l’occasion du contrôlede la loi Égalité et Citoyenneté, que le principe de compensationne s’applique qu’aux compétencesobligatoires alors que le service public de la restauration scolairedemeure facultatif. L’État n’est pasdonc tenu d’aider les communes à financer leur cantine.

n Des communes peuvent-elles se regrouper pourouvrir une cantinecommune?

Des communes membres d’unmêmeétablissement public de coo-pération intercommunale (EPCI) àfiscalité propre peuvent lui trans-férer la compétence en matière de restauration scolaire, afin quecelle-ci soit gérée à l’échelle inter-communale. Il est également loisi-ble aux communes et EPCI à fiscalité propre de se regrouper ausein d’un syndicat qu’ils charge-ront d’exercer cette compétence.

n Le prix de la cantinepeut-il varier d’un enfant à l’autre?

Les tarifs sont fixés par les com-munes qui peuvent moduler le prixselon des considérations socialeset en fonction du domicile de l’enfant. Les tarifs ne peuvent être supérieurs au coût par usagerrésultant des charges supportéesau titre du service de restauration,après déduction des subventionsde toute nature bénéficiant à ce service.

n Dans l’élaboration desmenus, les communesont-elles des impératifsde nutrition?

La qualité nutritionnelle des repasservis en restauration collective estencadrée depuis la loi n°2010-874du 27 juillet 2010 de modernisa-tion de l’agriculture et de la pêche,codifiée à l’article L. 230-5 du Coderural et de la pêche maritime, etprécisée par un décret et un arrêté.L’encadrement porte sur la variété

des produits proposés et leur quantité, de façon à prévenir les carences. Pour les enfants demoins de six ans, doivent être prisen compte les besoins particulierspropres à l’alimentation infantile.

n Faut-il s’adapter auxéventuelles allergiesdes enfants?

Pas nécessairement. En cas d’al-lergie, la consommation de paniersrepas fournis par les parents dansle cadre d’un projet d’accueil indi-vidualisé doit être favorisée si lesservices de restauration ne peu-vent fournir des repas adaptés.

n Faut-il prendre encompte les éventuellesprescriptions reli-gieuses des enfants?

Il n’existe aucune obligation de priseen compte des prescriptions reli-gieuses dans l’élaboration des menus. Le refus d’une communede procéder à un aménagementdes repas pour tenir compte desconvictions religieuses des famillesne peut être assimilé à une discri-mination dans la mesure où l’accès à la cantine n’est pas refuséaux enfants concernés.Il est néanmoins possible de mettre en place des menus desubstitution. Cela ne doit toutefoispas porter atteinte au fonctionne-ment normal du service, notam-ment d’un point de vue logistiqueet financier.

n Est-il possible de revenirsur une décision de proposer des menusde substitution?

Le tribunal administratif de Dijona considéré, dans un jugement du 28 août 2017, que la mesureconsistant à mettre fin aux menusde substitution doit être prise en considération de l’intérêt desenfants fréquentant la cantine. De sorte qu’il n’apparaît pas inter-dit de revenir sur une telle décision,mais qu’il doit être tenu comptedes circonstances particulières de

chaque espèce. À cet égard, le tri-bunal a indiqué qu’une «contraintetechnique ou financière » pouvaitlégalement justifier une «adapta-tion des modalités du service public ». Mais il a considéré que, en l’espèce, la décision était justifiéepar une « position de principe seréférant à une conception du prin-cipe de laïcité », alors que la com-mune proposait des menus desubstitution sans discontinuité depuis de 1984, sans que cela n’aitjamais fait débat, et que les famillesconcernées n’étaient pas néces-sairement en mesure de recourir àun autre mode de restauration.

n Quelles sont les obligations en matièred’accueil des enfantshandicapés?

Le Conseil d’État a mis à la chargede l’État, et non des communes,une obligation de prendre encharge les mesures propres à assurer l’accès des enfants handi-capés aux activités périscolaires,en l’occurrence l’accès à la cantine,alors même que ces activités ne relèveraient pas, en tant quetelles, de sa compétence, dès lorsque ces mesures apparaissentcomme une composante néces-saire à la scolarisation de l’enfant.�

LA RESTAURATION SCOLAIRE DANS LES ÉCOLES ÉLÉMENTAIRESPar Agathe Delescluse, avocate au cabinet Seban & Associés

Un servicefacultatif pour les communesLe service public de la res-tauration scolaire est facul-tatif pour les communes.Une fois instauré, l’accèsest de droit pour l’ensembledes élèves. Cela peut cons-tituer une charge non négligeable, mais des pos-sibilités de regroupementexistent. Les conditionsd’accueil sont plus ou moinssouples: alors qu’il existedes obligations en matièrenutritionnelle, les com-munes ne sont pas tenuesde se conformer aux impé-ratifs alimentaires des enfants.