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L A RÉVOLUTION, RECHERCHES HISTORIQUES St'R L'ORIGINE ET LA PROPAGATION D U M A L EN EUROP DEPUIS LA AEBTAISSAKCB JUSQU'A N O S JOURS, P A R M G R GAUME, Protono taire apostolique, vica ire général de Reimi, de Montaoban et d'Aqolla, docteur en théologie, chevalier de l'ordre de Saint-Sylvestre, membre de l'Académie de la religion catholique de Rome, do l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Besançon, etc. Qu « eoi m semiaaverit hom o, h* c et mefcl. (Calai, vi, 8.) Ce que rho mme tara semé , il le récoltera. DOUZIÈME LIVRAISON. L A RENAISSANCE. PARIS GAUME FRÈRES KT J DUPREY, LIBRAIRES-ÉDITEURS,

La Révolution (Tome 12)

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LA

RÉVOLUTION,R E C H E R C H E S HISTORIQUES

St'R

L'ORIGINEET LAPROPAGATION DUMAL EN EUROP

DEPUIS LA AEBTAISSAKCB JUSQU'ANOSJOURS,

PAR

M G R G A U M E ,

Protonotaire apostolique, vicaire généralde Reimi, de Montaobanet d'Aqolla,docteuren théologie, chevalier de l'ordredeSaint-Sylvestre,

membre de l'Académiede lareligion catholiquede Rome, do l'Académie des sciences,arts et belles-lettresdeBesançon,etc.

Qu« eoim semiaaverit hom o,h* c etmefcl.(Calai, vi, 8.)

Ce que rhommetara semé, il lerécoltera.

DOUZIÈMELIVRAISON.

LA R E N A I S S A N C E .

PA R I SGAUMEFRÈRESKT J . DUPREY, LIBRAIRES-ÉDITEURS,

RUE CASSETTE,4 .

1 8 5 9L'auteur et les éditeurs se réservent le droit de traductionet de reproductionà l'étranger.

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Biblio ! èque Saint Lhttp://www.liberius.net

© Bibliothèque Saint Libère 200 9 .Toute reproduction à but non lucratif est autorisée.

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LA RÉVOLUTION.

LA RENAISSANCE.

XII.

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TARIS. — TY PO GR AP HI E DE HE NR I PLO N,

IMPRIMEUR DE L'KMPEREOR,

8» nu Gareneière.

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AVANT-PROPOS.

Plusieurs questions nous ont été faites sur notredernière livraison; nous allons y répondre en peu demots. « Pourquoi, nousa-t-on dit, ne pas laisserdans l'ombre les honteux mystères de la vie et dela mort des auteurs païens? Pourquoi, surtout, enadresser le récit à une mère de famille? » —L'exemple donné tant de fois dans les saintes Écritures nou

a servi de guide, comme il nous servira de justification» A6n de détourner son peuple de l'idolâtrieet du commerce avec les idolâtres, Dieu mit au gran

jour les turpitudes de Tune et les crimes des autres :Osiendam gentibus nuditateni tuam.Dans. le mêmebut, nous avons, malgré notre répugnance pour unpareil travail, soulevé uo coin du voile qui cachles honteux mystères du Paganisme et de ses prétendus grands hommes: c'était une nécessité.

Il fallait, s'il est possible, guérir l'Europe de sonadmiration fanatique pour l'antiquité gréco-romaine,cause première de tous ses malheurs.

XIÏ. *

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AVANT-PROPOS.

Il fallait faire rougir de leurs audacieux mensonges, les guides infidèles qui lui répètent depuisquatre siècles, et qui lui disent encore aujourd'hui :« L'antiquité classique est la plus belle chose qu'iy ait eu au monde. Elle forme autour de la jeunesseune atmosphère morale, d'autant plus efficace qu'elle

est ou semble plus naturelle : le commerce intimavec elle est la plus bienfaisante éducation1. »Il fallait inspirer aux professeurs laïques et ecclé

siastiques une honte salutaire, en les amenant à réfléchir sur la nature des fonctions qu'ils exercent.

Il fallait instruire les familles et leur dire une bonnefois dans quel monde on élève leurs enfants, quehommes on leur donne pour modèles et pour maîtres.

Il fallait enfin nous justifier nous-même. Si noun'avions pas fait ce que nous avons fait, on n'auraipas cessé de taxer d'exagération notre lutte contrele Paganisme. Ce grand cheval de bataille de noadversaires est maintenant hors de service.

Si gazé qu'il soit, le tableau que nous avons tracest d'une grande laideur. Nul, nous le savons, ndoit en être plus révolté qu'une mère de famille mais nul n'est plus intéressé à connaître la vérité

mieux disposé à en profiter, plus capable de rendr< Toxte do MM. Thiers et Cousin,

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AVANT-PROPOS. 3

cette connaissance utile : ridée qui se fait femmeest une idée victorieuse. Voilà pourquoi nous avonsadressé nos lettres aux mères de famille. En avoirtrop dit n'est pas à craindre : où est aujourd'huiIMgnorance du mal? Ce qui est à craindre, c'est den'en avoir pas dit assez. Serons-nous assez heureux

pour provoquer une seule réclamation énergique,une seule plainte efficace? Un seul auteur païen tombera-t-il des mains d'un seul maître? Est-il un seulenfant de Dieu à qui on épargnera l'étude d'uneseule ligne de la Bible des démons?

Quoi qu'il en soit, un illustre et saint évoque a jugé celte livraison si propre à dessiller les yeuxqu'il la traduit dans sa langue maternelle et l'envoie,lettre par lettre, à tous ses collègues et à tous le

maîtres de la jeunesse.« Vos coups, ajoute-l-on, portent trop loin. Quivoudra désormais étudier les auteurs païens? Et sion ne les étudie plus, que deviennent les languesavantes, le beau latin, le baccalauréat? » — Étudiera les auteurs païens qui voudra; nousne les avons

jamais entièrement bannis. Seulement on saura cqu'ils sont, ce qu'est l'antiquité, avec quelles précautions il faut voyager dans un pays infecté de lpeste, et fréquenter des hommes atteints do maladies contagieuses.

Vous parlez des langues savantes, leur destinée

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AVANT-PROPOS.

vous inquiète! — Pourriez-vous nous dire ce qu'ellessont devenues? Depuis la Renaissance, la jeunessde l'Europe passe huit ans à les étudier dans lesauteurs païens : qui les connaît?

Les langues savantes! J'approuve votre tendressepour elles. Mais l'hébreu aussi est une langue sa

vante, une langue sacrée, la langue dans laquellDieu lui-même a prononcé ses oracles; une langumère qui donne la racine et la clef des autres, notamment des langues inconnues do l'extrême Orientqui sont aussi des langues savantes. D'où vienqu'on ne l'étudié pas? D'où vient que vous neplaidez pas sa cause, et que vous ne réclamez pacontre le mépris dont il est l'objet? Pourquoi deuxpoids et deux mesures?

Les langues savantes! Le latin chrétien, le grechrétien ont la prétention d'être des langues savantes, plus savantes même que le latin païen et lgrec païen. Elles possèdent plus et mieux que llangue de Cicéron et de Démosthène. Tous les modes langues profanes s'y trouvent : le christianismen'en a répudié aucun. Il a ennobli le sens d'ungrand nombre, il en a créé de nouveaux. Seulement il a rejeté la forme : si belle qu'elle soit

la chenille rejette sa grossière enveloppe quandelle devient papillon. Ces langues sont la clef dtous nos trésors; les archives de l'humanité chré-

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tienne ne sont accessibles que par elles. Voilà lelangues vraiment savantes, vraiment philosophiques, vraiment bonnes à servir do gymnastique intellectuelle à la jeunesse, vraiment utiles à étudiernécessaires môme à connaître, sinon de tous, dumoins do l'élite de la société.

Ici encore pourquoi votre silence? pourquoi votremépris? pourquoi vos deux balances? Pourquoi éliminez-vous de vos dictionnaires tous les mois do clangues comme illégitimes, parce qu'ils ont le maheur d'être nés du Christianisme et non du Paganisme? Pourquoi les marquez-vous d'un stigmated'ignominie, et reprenez-vous, commed'une faute,l'écolier qui s'en sert? Pourquoi appelez-vous ôar-baresles génies immortels qui ont trouvé ces mots

qui ont formé ces langues? les grands siècles qui leparlèrent, le temps oîi les hommes étaient à moitibêtes? Pourquoi, dans vos discours et dans vosécrits, substituez-vous à leurs formules parfaitement irréprochables d'ailleurs, très-précises etmême consacrées, la phraséologie vague, ridiculesouvent dangereuse des auteurs païens?

Vous parlez de l'approbation de l'Église! L'avez-vous en cela? L'avez-vous davantage, lorsque vou

bannissez publiquement de vos programmes officieltous les écrivains de la langue latine chrétienne,condamnant, pendant huit années entières, la jeu-

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6 AVANT-PROPOS.

nesse baptisée, laïque ou cléricale, à se nourrirexclusivement d'auteurs païens? L'avcz-vous encore, lorsqu'au moyen de comédies païennes, detragédies païennes, de déclamations, d'amplifications, de narrations païennes et de mille petits expédients ridiculement païens1, vous l'enivrez d'ad-

* Veut-on savoir ce quite pratique encore aujourd'hui danscertains collèges? Chaque classe est divisée en deux camps : leRomains cl les Carthaginois, avec leurs grades militaires. Un écolier, polit Suisse, petit Italien, petit Allemand, de dix ou de quinzans, est-il le premier dans une composition? C'est un personnageIl doviont mailrc de la cavalerie, proconsul, général. Dans le vrstyle du siècle d'or, on le proclame tel en présence do la classeIl revêt solennellement les insignes de son grade; il a sa placs~paréesur un tronc, ou chaise curule. Ou lui délivre son brevimprimé, sigué par César lui-même et son premier lieutenant, recteur du collège et le professeur. Lisez plutôt :Lavs Deo eivs-

qva Maîri S. L. G. — Qvod feîix favutimqve $it.— E schola mil N. — Ob sedulam in literis operam navatam, 06 ihema in primis stwlionius elaboratum. — Relatione a prawptore peracta. — Rogdtoque wMentiam coll. *prae$ide.— Dignus hahitw* fuitJY... — Qui — praeclaro tiwp. Roman, nomine — donaretur — an. CIO. 10. CGC. LVU decimfcal. jun.

Ailleurs: N... M. magistrat, nvmero. habealvr. — Viqve. Carth.imp. honore, vtatur liceatqve. «i. hvivs. Grcdvs. insignia liabere.et proprio. svbsellio. vli.

La victoire remportée dans la classe donne lieu au triomphLa cour du collège devient leterritorium iriumphale de l'ancienneBorne, L'empereur y descend avec toute la classe, dont les doupremiers élèves sont faits consuls, proconsuls, sénateurs. Une vociie : Vivat exercitw Romanorum; vivat N. imprratur liomano-r ni». Toutes les voix de la classe répètent cesvivat. Reste à mon-

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AVANT-PROPOS, 7

miration non-seulement pour les langues, mais pourles hommes, les idées, les usages, les institutionde l'antiquité gréco-romaine? Car enfin toutes ceschoses et beaucoup d'autres font partie de renseignement que vous pratiquez, que vous défendezque vous prétendez être autorisé par l'Église, au

point que l'attaquer c'est, suivant vous, attaquerl'Église elle-même.Les langues savantes! nous en reconnaissons

ter au Capilole. L'empereur, avec ses consuls et ses sénateua comp'it la glorieuse ascension, en se rendant successivemedans toutes les classes. Là recommencent lesvivat. Tous les Romains des différentes classes acclament le vainqueur. C'est sadoute pour rendre grâcesaux dieux qu'on crievivat conceptusimmaculatus beatœ Mariœ virginis.Rien ne manque à la parodie.

Le général romain est-il vaincu par son adversaire le Carthanois? Une scène déchirante se passe en présence des deux camsous les armes ; scène solennelle qui ren.et sous les yeux un dplus grands souvenirs de la belle antiquité* Le vaincu devieTumus, le vainqueur Énée. Le Turnus de cr-l'ége, blessé à morse traîne aux pieds de l'Ënée de collège. Il s'avoue vaincu; il connaît les droits du vainqueur; il tend vers lui des mains supliantes, et, comme preuve de sa défaite, il lui remet, non pas sépée, mais la cédule suivante, signée de sa propre main :Cedo tibi iV... vtere sorte tua vicisti et victumtendere palma*, meiV... socii videre. Die40jan. onn. 4858. Tout cela gravement présidépar des hommes respectables1 Tout cela accompli riovant, pour etpar d?sgamins! El on ne veut pas qu'adolescents et hommes faits»

ils rêvent de Rome et de Carthage!

N'y a-t-il donc pas d'autresmoyens d'émulation ? Ceux que vous employez étaient-ils conndes premiers cbrétiei s ?

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s AVANT-PROPOS.

comme vous la haute importance. Comme vousnous regrettons de les voir de plus en plus négligées et ignorées. Mais, contrairement aux funestepréjugés de la Renaissance, nous croyons que Tunique moyen d'en ranimer l'étude, c'est do faireétudier nos langues chrétiennes : comme Tunique

moyen de régénérer la littérature et les arts, c'estd'y faire rentrer l'élément chrétien, artistique etlittéraire.

« Mais le beau latin, que deviendra-l-il, si on n'étudie plus ou peu les auteurs du siècle d'or? » —C'est ici l'éternelle fin de non-recevoir qu'on opposeà la réforme des études. En vain l'histoire montre

jusqu'à l'évidence que l'Europe périt par le systèmed'enseignement païen. On ferme les yeux pour n

pas voir, les oreilles pour ne pas entendre.La boucheseule reste ouverte pour crier : Le beau latin1 Sauvons le beaulatin 1 Remarquons d'abord que la plupart de ceux qui réclament le plus fort ne connaissenguère ni le beau ni le latin : semblables à ces émeutiers de la Restauration qui criaienti.Vive la Charte,sans savoir ce que c'était que la Charte. Remarquons en outre qu'on a vingt fois répondu victorieusement à leurs difficultés1, et garanti le beau

latin, en leur prouvant que le Christianisme ne fait1 Notamment Érasme, analysé dans notre Préface auxLettres

de saint Bernard.

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de mal à personne : peine perdue. Le peuple neraisonne pas, le parti pris encore moins*

Non dans l'espérance d'éclairer des aveugles volontaires, mais dans l'intérêt des personnes quicherchent sincèrement la vérité, examinons unedernière fois leurs prétentions. Suivant les patrons

de l'enseignement classique, il y a deux religions : la religion du vrai et la religion du beau.Le Christianisme est la religion du vrai; le Paganisme est. la religion du beau. Le Christianisme est vrai, malheureusement il n'est pas beau;le Paganisme n'est pas vrai, mais il est beau,supérieurement beau , exclusivement beau. Cesdeux religions opposées sont nécessaires, mainon au même degré : le beau est plus nécessaire

que le vrai. Pour connaître la religion du beau et lapratiquer passablement, c'est-à-dire pour n'être pasexclu, comme barbare, de la république des lettres, il faut étudier le Paganisme, de huit à dixheures par jour, toute la semaine, pendant neuf ans. Pour connaître la religion du vrai et n'être pasdamné, il suffira d'étudier l'Évangile quelquesheures, chaque dimanche.

Que voulez-vous? disent-ils. Le Verbe éternel n'a

pas su parler. II est arrivé trop tard. Quand il estvenu, le siècle du beau langage était passé pourtoujours. Le Fils de Dieu a bien pu créer un monde

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40 AVANT-PROPOS

nouveau, mais il n'a pas su faire une langue. Il n'apas pu ou il n'a pas voulu enrichir l'Église, sonépouse, les chrétiens, ses enfants, des dons qul'esprit de mensonge prodiguait à ses adorateurs.Il a condamné sa religion à être éternellement tributaire du Paganisme, qu'il a détruit. II est malheu

reux que Jésus-Christ n'ait pas fait rhétorique. L'infériorité des Apôtres et des Pères vient de ce qu'ill'ont eu pour maître, plutôt que Démoslhène ou Cicéron. Sorti de Jérusalem, le Christianisme n'a pas,il ne peut pas avoir de littérature. Pour être reçuedans le monde lettré, il faut de rigueur que la pensée chrétienne aille se faire habiller à Athènes ou Rome. Là seulement sont les tailleurs, les parfumeurs, les coiffeurs de l'idée. Tout ce qui ne sor

pas de leur officine est grotesque ou barbare.Le Paganisme n'est pas seulement la religion dubeau littéraire, il Test aussi du beau artistique,philosophique, social, et même religieux suivanquelques-uns. Tout ce qui ne porte pas sa belièreest gothique. Il faut le cacher ou le détruire. Enconséquence, on a vu, pendant trois cents ans, lezélateurs de la religion du beau, mutiler nos monuments indigènes, déchirer nos philosophies, bouleverser nos institutions, et finir par replacer dansles temples gréco-romains qu'ils ont rebâtis, lebelles divinités de l'Olympe. Leur fièvre est un pe

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moins chaude. Nul aujourd'hui n'oserait soutenirque la Sommede saint Thomas, la Sainte-Chapellede Paris, l'ancienne constitution de la monarchiefrançaise, sont des œuvres barbares. Encore unpeu, il en sera de même de la langue et de la littérature chrétiennes.

Pour cela, dites-vous, il faudra que l'opinion revienne des antipodes. Elle en reviendra : vous savez qu'elle connaît la route. « H y a vingt ans onriait de ceux qui osaient mettre la cathédrale deReims au-dessus de Saiut-Pierre de Rome; et je msouviens d'avoirété à peu près traité d'impie etd'imbécile par un homme respectable, à qui j'avaismanifesté cette préférence en 1839. Dans trenteans on rira du chrétien qui hésitera à mettre,sous

tous les rapports, les Pères et les grands écrivainsdu moyen âge au-dessus des auteurs classiques ede leurs modernes imitateurs*. »

En tout ceci la vérité est que le Christianisme estout ensemble la religion du vrai et la religion dubeau, et la religion du beau précisément parce qu'ilest la religion du vrai,pulchrwn splendar vert.

La vérité est que le Christianisme étant un fait divin, est un fait complet. Non-seulement pour satisfaire toutes les facultés de l'homme, mais pour le

1 M. lo comte de Montalembcrl,Lettre du 25 octobre 1851.

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ÀVANT-riioros.

développer et les ennoblir, il n?a rien à mendier àpersonne.

La vérité est qu'en délivrant l'humanité de laservitude du démon, le Christianisme ne Ta pas appauvrie. Tous les dons naturels du génie, de l'artde l'éloquence et de la poésie, il les lui a laissé

aussi beaux que Dieu les avait répandus sur lepaïens. ïl a ajouté les dons surnaturels: source bienautrement féconde et bien autrement riche d'inspirations littéraires, oratoires, artistiques et poétiques.

La vérité est que le Christianisme, héritier detoutes choses,hœres nniversoruma pris, ou mieux,a repris au Paganisme tout ce qu'il avait de bon,de vrai, de beau dans tous les genres et dans toules ordres : il ne lui a laissé que ses erreurs et se

hontes.La vérité est qu'en reprenant son bien, le Christianisme n'a rien détruit. Il a tout conservé, toutpurifié, tout ennobli. Parce que l'horizons'estagrandi, parce que l'humanités'est élevée, le beauest devenu plus beau, le vrai plus vrai, le bonmeilleur.

La vérité est que lo Christianisme a littéralementretourné le monde : ce qui était en haut dans les

choses et dans les opinions humaines, a été mis ebas; et ce qui était en bas a été mis en haut. Est-ceque ces grandes révolutions du Verbe ont pu s'ac-

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AVANT-PROPOS. 43

complir sans que laforme du Verbe,qui est la parole, fût changée et dans son esprit et dans sesgoûts? Malheureusement nous avons perdu le vraigoût du beau, parce que l'idée chrétiennes'est affaiblie dans notre commerce prolongé avec le Paganisme.

En un mot, la vérité historique, philosophique,est que le Christianisme a créé un ordre de beautésparticulier qui transfigure la littérature et les arts :beautés vraies,opposées auxbeautés conventionnellesde l'antiquité profane. Cela veut dire tout à la foisque le Christianisme a une langue, un art, une littérature à lui; et que cette langue, cet art, celte littérature du Christianisme sont à la hauteur du Christianisme lui-môme : tant pis pour ceux qui ne levoient pas.

« Mais le baccalauréat! Avec des classiques chrétiens comment faire de? bacheliers? » — Commeon en fait avec des classiques païens. Que faut-ipour être bachelier? Savoir un peu de tout, sans

savoir le tout de rien; traduire une page de latin en français etvice vena, même avec indemnitéd'un solécisme; expliquer, sans faire trop de contre-sens, quelques phrases de grec et de latin; allonger en style plus ou moins correct quelques lieuxcommuns; répondre tant bien que mal à certainesquestions dont la solution demande surtout de l'a-

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AVANT-PROPOS.

plomb et de la mémoire : voilà. Et vous croyez sérieusement que l'élude des auteurs chrétiens, telleque nous l'avons indiquée, est un obstacle invincible à l'acquisition de ce riche trésor de science ede littérature? Comment le savcz-vous? quelle expérience pouvez-vous produire?

« Nous le savonsa priori. » — Et nous,a priori,nous nou3 permettons d'affirmer le contraire. Convenez-vous que plus un sol est fertile, plus la végétation des plantes qu'il nourrit est rapide et vigoureuse? Quel est, suivant vous, le sol le plus fertilele Christianisme, ou le Paganisme? Dans les âmenourries de Christianisme, toutes les facultés deviendront plus vigoureuses et acquerront une aptitudeplus grande à toutes les sciences. Cela signifie qu'avec notre enseignement vous ferez non-seulemendes bacheliers, mais, ce qui vaut un peu mieux, dehommes sérieux et des citoyens utiles.A priori laprésomption est donc en faveur des auteurs chrétiens.

« Sans doute; mais dans l'application il en est autrement. Ce n'est pas le latin chrétien qu'il faut savoirpour être bachelier, c'est le latin païen. On ne vousinterroge pas sur saint Augustin, mais sur Cicéron;sur saint Chrysostome, mais surDémosthène. » —lpourrais d'abord vous répondre que le latin exigépour être bachelier n'est rigoureusement ni païen

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AVANT-PROPOS. 45

ni chrétien; c'est tin latin quelconque. J'ajoute, et, jusqu'à prouve contraire, je soutiens que le jeunehomme capable d'expliquer à livre ouvert saintChrysoseome, Tertullien, saint Augustin, saint Jérôme, sera en état d'expliquer de la même manièreDémosthène, Tacite, Cicéron, Sallustc. Mais accor

dons pour un moment qu'avec les auteurs chrétiens, on apprendra moins vite et moins bien le latinexigé pour le baccalauréat. Il y a un moyen facilede parer à cet inconvénient.

Nous laissons parler un père de famille : « Lebagage des auteurs païeus, sur lesquels on ne craintpas de gaspiller exclusivement le temps de la jeunesse chrétienne, pendant les dix plus belles annéede la vie, est formé de quelques volumes dont l

totalité pourrait être lue, expliquée, commentée enmoins d'une année, le grec et le latin étant déjàsus d'ailleurs. Personne ne contestera cela. C'est unfait qu'attestent les épreuves du baccalauréat, ceminotaure moderne des intelligences. En effet, nvoit-on pas, à Paris, des professeurs, sous le nomde préparateurs au baccalauréat, réparer en trois ousix mois les brèches d'une éducation trop peu sûred'elle-même, pour ne pas chercher un badigeon qu

l'approprie aux examens?» Si colle industrie, qui restaure ainsi un latiniste en quelques mois, subsiste depuis l'origine d

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baccalauréat jusqu'à co jour, c'est qu'apparemment elle fait réussir, sans quoi elle ne serait pasnée viable. En vain dira-t-on que cfts élèves sonplus faibles que les autres; là n'est pas la questionPuisque ces élèves sont reçus, il faut bien admettrque pour le résultat final ils valent les autres.

» Là-dessus je raisonne ainsi : Admettons, ce quest une concossion gratuite, qu'avec les auteurschrétiens on apprenne moins facilement le latinnécessaire au baccalauréat qu'avec les auteurspaïens; admettons de plus, ce qui est un fait certain, que les préparateurs au baccalauréat ne demandent que trois mois, mettons-en six, une annémême, pour réformer un latiniste païen, on devrabien accorder que deux années suffiraient pour le

môme objet dans un établissement qui adopterait laréforme. Alors tout est concilié : la christianisationde renseignement et les exigences du baccalauréat

» Pour compléter le nombre dix, temps ordinairedes études classiques, restent huit années pour fairel'instruction, et, ce qui vaut beaucoup mieux, l'éducation de la jeunesse avec nos auteurs chrétiensC'est alors que la raison des élèves, mûrie au foyevivificateur des grands littérateurs, poètes, prosa

teurs, orateurs et philosophes de TÉglise, sera cuirassée contre le faux et le vide des auteurs païensce qui les rend toujours dangereux, si expurgés

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AVANT PROPOS tt

qu'ils soient d'ailleurs. C'est alors, et alors seulement, que l'étude des auteurs païens sera un avantage au point de vue littéraire et au point de vuemoral, comme l'a si bien prouvé M. Bastiat et vous-même, Monseigneur, dans vos lumineux écrits »

Mais cette supposition n'en est plus une. Tous les

établissements d'instruction qui ont adopté la réforme reconnaissent par expérience, qu'avec les auteurs chrétiens l'étude du latin et du grec, se faitmieux et plus vite qu'avec les auteurs païens. A l'étranger les examens publics, en France les éprouvedu baccalauréat, sont venus donner raison à desvérités d'ailleurs évidentes par elles-mêmes.

On nous a fait d'autres questions, celles-ci parexemple : « A qui per&uaderez-vous que c'est Vir

gile et Cornélius Nepos qui ont perdu l'Europe? »— Que répondre à des gens qui ne comprennentpas que le chêne sorte du gland? A des gens qui nsavent pas, ou qui ont l'air dene*pas savoir, quel'éducation fait l'homme et l'homme la société; quel'éducation se fait par la transmission des idées; quela transmission des idées se fait par Ja parole écrite

1 De R,„, M avril 4858.— Avec un admirable bon sens Tautour attaque la routine dans ïa méthode actuelle d'enseigner

langues. Nous partageons complètement ses idées; on lea trovera dans noire premier ouvrage :le Catholicisme dans l'éduca tion, 4835.

XII. 2

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48 AVANT-PROPOS.

ou parlée; que la parole écrite, au développemende laquelle sert la parole parlée, se transmet par leslivres qu'on met entre les mains des enfants, qu'onleur donne comme des modèles et qui sont l'alimende leur âme pendant les années décisives de la vie?Que répondre à des gens qui croient à leur triom

phe, quand, pour avoir le droit de se moquer, ilsont réduit une question immense, aux mesquineproportions d'une sotte plaisanterie? Si vous voulezsavoir comment le Paganisme social est sorti dPaganisme classique, nous nous permettrons devous dire : lisez laRévolution.Est-ce par hasardque l'ivraie ne vient pas de l'ivraie?

« Sans doute; mais les auteurs païens ne sont pade l'ivraie. » — Au point de vue de la religion, d

la vertu, de la politique, de la philosophie, demœurs, des exemples, si les auteurs païens ne sonpas de l'ivraie, veuillez dire ce qu'ils sont?

a Mais n'y a-t-il pas du bon dans les auteurspaïens? » Oui, comme il y a du bon dans une vastcampagne couverte de ronces, où Ton trouve ça elà quelques épis de blé. Les livres païens sont leépigrammes de Martial qui renferment un peu debon, passablement de médiocre et beaucoup de

mauvais :Sunt quœdambona> sunt mediocra, sunt mala plura.« Dequoin'abuse-t-onpas?» Vraie en elle-même

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AVANT-PROPOS. 49

cette maxime, appliquée à l'étude assidue des auteurs païens pendant la jeunesse, est complètementfausse. Être républicain ou révolutionnaire en politique, naturaliste en religion, rationaliste en philosophie, après s'être nourri des auteurs païens, cen'est pas abuser, mais user très-logiquement de ces

auteurs. Quel est, je vous prie, le principe révolutionnaire, sensualiste, rationaliste qui ne se trouvedans ces écrivains si vantés? Depuis Machiavel etPomponace, en passant parHobbes, Spinoza, Voltaire, Rousseau, Robespierre et Marat, jusqu'àMazzini, Gallenga, Quinet, Orsini, demandez à toules négateurs du Christianisme où ils ont puisé leprémisses de leurs arguments? Pas un qui ne vousmontre un auteur classique et qui ne prouve, de

manière à imposer silence à tout homme de bonnfoi, qu'il n'a point abusé, mais logiquement usé decet auteur. Vous avez beau dire que le Paganismen'existe plus qu'à l'état de momie, et qu en cet étatil ne peut plus être dangereux. Ne vous y trompepas! le cadavre que vous croyez desséché contiendes principes et exhale des miasmes vénéneuxQuand un jeune chrétien le dissèque dans les amphithéâtres littéraires, une piqûre peut lui devenirmortelle : l'expérience est là.

On le voit, ce n'est pas une opinion raisonnéequi repousse la réforme chrétienne des études. Dan

2.

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so AVANT-PROPOS

les uns, c'est la routine, la paresse, l'obstiné partipris; dans les autres, c'est l'amour-propre individuel ou collectif qui ne veut pas avoir tort; dansceux-là, c'est le manque de foi à l'importance d'unequestion qu'ils n'ont pas étudiée, qui cependantdomine toutes les autres et de laquelle dépend le

salut de l'Europe; dans plusieurs, enfin, c'est lahaine instinctive ou raisonnée du Christianisme. Dubeau grec et du beau latin, ils se soucient peu;

mais ils ne veulent pas du Christianisme dans l'éducation, parce qu'ils n'en veulent ni dans leur conduite ni dans la société.

Voilà le fond, le reste n'est que pour la polémique.

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LA

CHAPITRE PREMIER.HA GÉNÉALOGIE. — AVANT LA RENAISSANCE.

Son antiquité. — Coupà'rcil sur les temps antérieurs au Messie. — Sorles temps postérieurs jusqu'à la Renaissance. — Constitution apostolique. — Réclamations incessantes contre l'étude des auteurpaïens. — Répulsion générale. — Trois grands faits : le latin dumoyen âge, la conduite du moyen âge, les caractères généraux dmoyen âge. — Deux faits particuliers : correction infligée à Pétrar

que, titres du livre de Boccace.

« Vous êtes un novateur — et pourquoi? — Parceque vous soutenez une thèse que personne n'a jamais soutenue; parce que vous faites entendre desréclamations auxquelles personne n'a jamais songé;parce que vous signalez des dangers que personnen'a jamais entrevus; parce que vous indiquez un remède que personne n'a jamais soupçonné.

» Vous êtes un insulteur de l'Église — et pourquoi? — Parce que vous blâmez un système d'enseignement approuvé par l'Église et pratiqué depuis

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%% LA RENAISSANCE.

des siècles, au grand avantage de la religion et dela société, par les corps religieux les plus respectables, à Rome même, sous les yeux des souverainPontifes* »

Telle est la double accusation qui, depuis huitans, défraye la polémique de mes adversaires dans

ce qu'elle a de sérieux. Le moment est venu d'enmontrer la valeur. Il suffît pour cela de produirema Généalogie.Rappelons d'abord la thèse dans la*quelle on prétend trouver une nouveauté et uneinjure.

En voyant, d'une part, le torrent du mal déborder, depuis quatre siècles sur la vieille Europeavec une violence inconnue et menacer aujourd'hude tout emporter; en considérant, d'autre part, l'im

puissance également inconnue des digues qu'on luoppose, il nous a semblé qu'il y avait à ce doublphénomène une cause profonde et toujours activeà laquelle l'Europe ne fait pas suffisamment attentionou n'attache pas l'importance nécessaire. Or, le désordre n'est dans les faits que parce que le mal esdans les âmes. Les âmes sont ce qu'on les fait; et cqui fait les âmes, c'est l'éducation. « Quand on voune génération s'égarer, dit avec raison M. Guizot

on demande aussitôt par qui elle a été élevée. »Jusqu'à la Révolution française, les classes éclairées des quatre derniers siècles ont été élevées, dan

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CHAPITRE PREMIER. 23

les pays catholiques, à peu près exclusivement pale clergé séculier et régulier. D'où vient qu'elles onfait fausse route, au point d'amener l'Europe au borddu précipice? L'éducation classique qui les a formées se compose de trois éléments : La doctrine religieuse, l'exemple des maîtres et l'enseignemen

littéraire. De l'aveu même de ses ennemis, le clergenseignant est irréprochable sur les deux premierschefs. Il faut donc nier l'influence de l'éducation surla société, ou il faut chercher dans l'enseignemenlittéraire la cause véritable et toujours féconde dumal, dont rien n'a pu jusqu'ici arrêter les progrès.La nature de cet enseignement qui met en contactintime et habituel les générations de collège, avec lPaganisme paré de tous ses charmes séducteurs; les

témoignages accablants de l'histoire; une masse defaits plus éloquents les uns que les autres; les aveuinnombrables des victimes et môme des apôtres dirmal, depuis la Renaissance jusqu'à nos jours : lous'est réuni pour démontrer qu'en effet cet enseignement est lever qui ronge les sociétés modernes, ens'attaquant à leur racine la plus vivace.

Ce fait acquis, nous avons ainsi formulé le remède: 1° Introduire très-largement l'élément chré

tien dans l'enseignementlittéraire; t° Expurger très-sévèrement les auteurs païens qu'on croira pouvoirlaisser entre les mains de la jeunesse; 3° Enseigner

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24 LA RENAISSANCE.

chrétiennement, autant que la chose est possible,ces auteurs païens que nous n'avons jamais exclusDe là doit sortir, comme le parfum de la fleur, renseignement chrétien de l'histoire, do la philosophieet de toutes les autres sciences.

Afin de montrer jusqu'à l'évidence la nécessité du

remède, nous avons dû faire le tableau des funesteeffets du système suivi depuis quatre siècles. Maien blâmant ce malheureux système,qui est dansl'Église> mais qui n'est pas de F Église,nous avonstoujours mis les personnes hors de cause. Tel est lfond et comme la substance de notre thèse.

Cela posé, venons à ma généalogie. A la rigueur je pourrais me contenter de nommer mes ancêtredepuis la Renaissancejusqu1 à nos jours: je veux faire

mieux. Un rapide coup d'œil sur les temps antérieurs établira l'existence, quarante fois séculaire,de la prétendue nouveauté dont on m'accuse.

Considérée dans son essence, la thèse que je soutiens est une thèse de sens commun qui remonte l'origine du monde. Du jour où le mal s'introduisiau cœur de l'homme, il y eut sur la terre un doubleenseignement : l'enseignement du bien et l'enseignement du ma). Or, l'enseignement, c'est l'empire. De

là, ce que le monde a toujours vu, ce quil verratoujours, la lutte incessante de l'enseignement dubien et de l'enseignement du mal, c'est-à-dire le

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CHAPITRE PREMFER

réclamations perpétuelles de l'un contre les envahissements de l'autre.

Le genre humain est encore au berceau, et à renseignement de Dieu,Satan oppose son enseignement.Plus tard. Dieu formule son enseignement par l'organe des prophètes; il le fixe dans un livre, déposi

taire de ses vérités, et, sous les peines les plus graveinterdit celui de son adversaire* De son côté, Satanformule son enseignement par l'organe de ses fauxprophètes; il le fixe dans des livres, dépositaires deses mensonges, et ne néglige aucun artifice pour dégoûter le monde de l'enseignement divin. Dieu a sBible, Satan la sienne. Bases de l'éducation, cedeux Bibles opposées font les peuples à leur imageDieu a son peuple, Satan le sien. Tel est le spectaclque présente le monde antérieur au Messie.

Dans les temps postérieurs à l'Évangile, le mêmeantagonisme continue. L'établissement, le maintien ela propagation du Christianisme ne sont qu'une luttede doctrines. Descendu sur la terre, afin de réunir

dans une même société tous les peuples égarés pal'enseignement du démon, le Fils de Dieu donne aumonde un livre dépositaire de ses oracles. Ce livrele plus beau de tous les livres, sera au monde régénéré ce qu'est la racineà l'arbre, la source au fleuve,la boussole au navigateur. Vie religieuse, vie civilevie publique et privée, philosophie, poésie, littéra

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26 LA RENAISSANCE.

ture, art, civilisation, tout sortira de ce livre commeles rayons du foyer, les branches de l'arbre, lesconséquences du principe. Pour être, sous tous lerapports, aussi parfaits que la faiblesse humainepeut le permettre, il suffit aux peuples, disciples dce livre, de s'en nourrir et de réaliser dans leurs

œuvres les enseignements qu'il contient.Ainsi le comprend le nouveau peuple de DieuL'Évangile est à peine rédigé, qu'une protestationsolennelle se fait entendre contre la Bible de SatanA mesure qu'ils sortent des eaux du Baptême, lehommes apostoliques disent aux nations :m Abstenez-vous de tous les livres des gentils,abstine abomnibus libris (jentilivm.Qu'avez-vous à faire de cesdoctrines, de ces lois étrangères, de ces faux pro

phètes? Ces doctrines ont fait perdre la foi à quelques hommes légers. Que vous manque-t-il dans code divin, pour que vous ayez recours à des fables? Voulez-vous de l'histoire? vous avez le livrdes Bois. Vous faut-il de la philosophie ou de la posie? vous en trouvez dans les Prophètes, dans Jobdans les Proverbes, et avec plus d'abondance et deperfection que dans aucun autre, ouvrage des sophistes et des poëtes païens : car la parole de Dieest seule la source de la sagesse. Recherchez-vodu lyrique?lisez les Psaumes. D'antiques origineslisez la Genèse. Des lois, des préceptes de moral

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CHAPITRE PREMIER. 87

prenez le code divin du Seigneur. Abstenez-voudonc de tous ces ouvrages profanes et diaboliques ab omnibus itaque alienis et adiabolo eœcogilalis for*titer abstine1.»

Ai-je dit autre chose?Ce monument capital, qui est tout à la fois une

protestation si énergique contre l'étude des auteurspaïens et une exhortation si éloquente à l'élude delivres chrétiens, remonte à dix-sept siècles : et oécrira que je suis nu novateur! Il résume fidèlementla pensée de l'Église primitive : et on dira quej'insulte l'Église8!

Or, l'Église ne se déjuge pas. L'esprit quir animait dans son berceau est le même qui l'animeaujourd'hui et qui l'animera toujours. De la Con

stitution apostolique qui vient d'être citée, noussommes donc en droit de conclure,a priori et sansrecourir à d'autres preuves, que l'Église n'a jamaiscessé et ne cessera jamais d'être antipathique à l'étude des livres païens. Pour en convenir, il n'espas nécessaire de lui reconnaître l'assistance divine il suffit de lui accorder la somme de bon sens qu'on

1 ConstiL Apost.,lib. I, 3. vi; apud Labb., t. I, p. 245; etVer rongeur } p. 37.

2 Ornais enim regularîs orrio in ipsa habetur, et nibil a fidadulteratum, neque a confessionis neque ab ecclesiastica gubenatione et régula. S, Epiph. ap. Bar., t.11, p. 402, n° 9.

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LÀ RENAISSANCE.

no refnse à ancun être raisonnable. Tout peuple estfait par un livre : l'Église a pour mission de fairedes peuples chrétiens. Comment supposer qu'ellevoie avec indifférence entre les mains de ses enfantdes livres païens qui sont, à ses propres yeux, lelivres du démona diabolo excogitatis,ou, comme

parle un de ses interprètes les plus autorisés, la Biblmême de Satan :cibus est dœmonionm, secvlaris philosophia, carmina poetarum, rheioricorum pompverborum1? C'est à la lumière de ces grands principes qu'il faut éclaircir les points plus ou moins obscurs de la tradition.

Mais nous n'en sommes pas réduits à de simpleraisonnements. Commencée avec l'Eglise, la protestation contre l'étude des livres païens n'a jamais

cessé : ouvrons l'histoire. Le mal étant impérissablsur la terre, on voit de siècle en siècle le démos'efforcer de remettre sa Bible en vigueur parmi leschrétiens. « Aux époques mômes les plus solennelles, on trouve, comme dit Ozanam, deslettrésindisciplinés, qui ne s'inspirant ni du silence descloîtres, ni des pieux récits aimés du peuple, retournent aux sources profanes et font revivre dans leurscompositions non-seulement les fables, mais la sensualité du Paganisme3. »

1 S. Hier.,Epist. ad Dam. de duob. filiis t. IV, p. 453. 2 Écoles en Italie,p, 80 et suiv.

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CHAPITRE PREMIER. 29

L'esprit chrétien ne demeure pas muet. A chaquenouvelle tentative s'opposent d'énergiques réclamations. Il serait trop long de les rappeler ici; aussibien nous les avons citées ailleurs1. Mieux vautprésenter quelques faits généraux, évidents commlà lumière du jour. Résumé authentique de la tra

dition, ils prouvent tout à la fois la perpétuité de laprotestation apostolique, et la puissance de celteprotestation, devenue, dans les siècles antérieurs àla Renaissance, la reine de l'opinion et la règle dla conduite.

Premier fait : le latin du moyen âge.Voulant àtout prix nous transformer en novateur, quelquesadversaires nous ont reproché d'avoir dit qu'à l'époque de la Renaissance, il y avait eu rupture dans

l'enseignement, tandis que la Renaissance n'auraitfait que continuer le système établi avant elle. Soitmais il reste une question à résoudre. Si, au moyenâge les auteurs païens étaient les livres classiquede la jeunesse* ; s'ils étaient étudiés et expliqués,comme ou Ta fait depuis la Renaissance, pendansept ou huit années : d'où vient que, suivant vouset suivant tous les renaissants, nos aïeux du moyen

1 Voir le Verrongeur; les lettres à monseigneur Dupanloup,lo Rationalisme.

2 II n'y avait pas de livres : les manuscrits étaient très-raret d'un prixexcessif.

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30 LA RENAISSANCE

âge ne savaient pas le latin, que leur latin était unlatin barbare, et qu'il fallait la Renaissance pour lerapprendre à l'Europe?

A cette impasse il n'y a que deux issues : il fausoutenir, ou que nos pères étaient d'une naturefort inférieure à la nôtre ; ou que la partie studieuse

de la société qui peuplait d'un monde d'écoliersde quinze à quarante ans les nombreuses universités de l'Europe, passait le temps àbayer aux cor-milles. Jusqu'à preuve du contraire, nous tenonsces deux suppositions pour également absurdes* Ireste donc à conclure que le moyen âge n'étudiaipas comme nous les auteurs païens.

Second fait :la conduite du moyen âge.Fille dela Renaissance, l'Europe moderne adore les au

teurs païens : voyages, veilles, travaux de tougenre, rien ne lui coûte pour retrouver, déchiffrer,élucider leurs moindres fragments. C'est au poidsde l'or, au prix de son argenterie ou de ses maisonde campagne, qu'on a vu l'aristocratie classiquepayer un manuscrit. Cet amour filial, l'Europe ledoit à son éducation. Nos aïeux du moyen âge montrent, en général, animés de dispositions diamétralement contraires. L'indifférence et le mépri

sont les sentiments qu'ils manifestent pour les auteurs païens, que nous chérissons, que nous vénérons au moins à l'égal de nos saints docteurs.

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CHAPITRE PREMIER 34

Avaient-ils le désir de copier quelque partie de laBible, le traité d'un Père de l'Église, une formulede prière, l'histoire d'un saint ou d'un martyr?Avaient-ils besoin d'écrire un contrat ou n'importequel fait public ou privé? Au lieu d'acheter du parchemin, ce qui n'était pas difficile, ils trouvaien

beaucoup plus simple d'effacer le manuscrit du premier auteur profane qui leur tombait sous la main,Gicéron, Tite-Live,Gaïus ; puis sur ce parchemin purifié, ils écrivaient ce qu'ils voulaient conserver. Cels'est fait pendant de longs siècles, dans toute l'EuropeLes innombrables palimpsestes qui existent encoraujourd'hui dans les grandes bibliothèques : Borne,Bobbio, Grotta-Ferrata, Paris, Madrid, Milan, Turin,Venise, Vienne, sont la preuve irréfragable de l'es

time que le moyen âge faisait des auteurs païens1

.Appelez cet usage barbare, et ceux qui l'ont pratiqué, Goths et Vandales : vous ne détruisez ni le faini la signification du fait. Vous êtes forcés de convenir que jamais la penséed'une pareille conduite nefût tombée dans l'esprit de nos aïeux, si, commevous le prétendez, ils avaient été pénétrés de respecpour les auteurs païens,s'ils en avaient été nourriset si leurs ouvrages étaient l'aliment universel de la

jeunesse.

* Les palimpsestes sur un manuscrit chrétien sont trop peu nobreux, pour inBrmer en rien le fait général que nous signalons.

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32 LA RENAISSANCE

Troisième fait :Les caractères généraux du moyenâge. L'éducation fait l'homme, et l'homme, la société : si les classes éclairées d'une nation ne sonpas la nation tout entière, elles la caractérisent.Moins incontestables que ces principes sont leaxiomes de géométrie. Or, l'Europe du moyen âg

et l'Europe de la Renaissance ne se ressemblent paplus, que le jour ne ressemble à la nuit. Élevéedepuis quatre siècles seulement, à l'école des auteurs profanes, l'Europe modernes'est colorée d'uneteinte fortement prononcée de Paganisme grécoromain. Tableaux, statues, édifices, compositionlittéraires ne rappellent que trop fidèlement lesœuvres des païens de Rome et de la Grèce.

L'Europe a fait mieux; elle a pris l'esprit de ses

maîtres : l'émancipation de la raison et l'émancipation des sens, double cachet de l'antiquité païennePartout s'exécute un concert perpétuel de louangesen l'honneur de ses fameuses républiques. Leurinstitutions sociales sont devenues le rêve de toutles générations de collège; les rois ont pris leur politique pour modèle; les philosophes, leurs maximesles orateurs, leur éloquence. La liberté, la tribuneaux harangues, les théâtres, les dénominations de

choses, les noms propres et jusqu'aux habitudes privées de ces peuples classiques, tout a été exalté, amiré et, autant qu'on l'a pu, réalisé chez les nations

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CHAPITRE PREMIER. 33

modernes. En un mot, depuis quatre siècles, lemouvement général de l'Europes'est fait vers unerestauration philosophique, politique, artistique, littéraire et morale de l'antiquité gréco-romaine.

D'où vient que le moyen âge, élevé, suivanvous, pendant mille ans, à la même école, n'a rien

appris, n'a rien fait de semblable? C'est pour celamême que vous l'appelez barbare. D'où vient qu'iln'a jamais tenté de restaurer ni l'art, ni la littérature, ni la langue, ni les institutions, ni les formerépublicaines, ni la philosophie, ni la morale, nl'éloquence, ni les usages, ni les idées, ni les théâtres de Rome et de la Grèce? D'où vient qu'il a faittout le contraire et que son mouvement générals'est opéré vers l'épanouissement philosophique, po

litique, artistique, littéraire et moral du christianisme? Ici encore il faut recourir à votre absurdehypothèse et répéter avec le P. Menestrier qu'auxsiècles de Gharlemagne et de saint Louis, de sainEdouard, de saint Etienne et de saint Ferdinand,les hommes étaient à moitié bêtes; ou vous êtes forcés de convenir que le moyen âge ne se nourrissaipas, comme nous, de l'antiquité gréco-romaine, etque les livres païens n'étaient pas les classiques dla jeunesse.

A l'époque môme de Pétrarque et de Boccace,les deux grands précurseurs de la Renaissance, l'in-

XII. 3

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H LA RENAISSANCE.

différence de l'Europe chrétienne, son mépris, sonaversion traditionnelle pour les auteurs païens,persévéraient dans toute leur vigueur. Le premier était battu par son père pours'être livré àl'étude de Virgile et de Cicéron *. Le secondayant devant lui l'opinion générale, se croyait

obligé d'intituler deux chapitres de son traitéDegemalogia deorum; QUE CE N'EST PAS UN PÉCHÉ MORTEL

DE LIRE LES POÈTES PAÏEXS ,non esse esmliale cHmeilibros légère poetarum; QU'IL N'EST PAS HONTEUX QUE

QUELQUES CHRÉTIENS S'OCCUPENT D'ÉTUDES PAÏENNES,U071

indeeens esse quosdam chrislianos tractare gentilia *Mieux que tous les discours, cestitres,aujourd'hui

fabuleux, montrent quelle était, même dans ses derniers jours, la répulsion profonde du moyen âge

pour les auteurs païens et sa fidélité à la prescription apostolique : Abstenez-vous de tous ces livreinventés par le diable :Alienis et a diabolo eœco-gitatis obstine.

* De Raumer,Hi&t.de V École.2 Notez qu'ils'agit des personnes d'un âge mûr, et que Boc

cace, tout immoral et tout fanatique qu'il est des auteurs païencondamne ceux qui les feraient étudier aux jeunes gens, nencore prémunis par l'étude des lettres chrétiennes; il dit : « Ntamen nego quin benefactum sit si puer abstineat, oui memotenax et tenellum adhuc ingenium nedum salis plene cbristiareligione agnita. » Lib. XV,c. ix. Donc évidemment, on ne lesexpliquait pas aux enfants.

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CHAPITRE II

MA GÉNÉALOGIE. APRÈSLA RENAISSANCE»

Quelques-unsde mesancêtres du quinzième siècle.— Les prédicateurset les théologiens;ils réclament contre l'enseignementdes auteurspaïens.—Philelphe.—Buschius.—Plan d'étudesdePhilelphe semblableau nôtre. — Christophe de Carlcbiez.Sa lettre signale commenousune rupture dans l'enseignement.— Savonarole, appelé le dernier Chrétiendu moyen âge. —Héroïque antagonistede la Renais

sance. — Cequ'il fait à Florence.—Son Traité de la division et de la dignité des sciences.— Élévationde sonesprit. —Puissancede sa logique.— Lutte à mort rentre le Paganisme.— Triomphedel'art chrétien. — Ligue contre Savonarole.— Il est mis àmort. —Il estglorieusement réhabilité.

Bienque nous ayonsdû nous bornerà une rapide esquisse,on voit que nous avons d'illustresancêtres dans les temps antérieursà la Renaissance.Maisà partir de la grande invasiondu Paganisme,au quinzième siècle,nosaïeux se multiplientet lesréclamations deviennent plus solennelleset plusfréquentes.

Des prêtres vénérables sontles premiers à voirle danger de l'étude desauteurs païens, qu'onintroduit eu Europe. Les chaires catholiques reten-

3.

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36 LA RENAISSANCE

tissent de leurs avertissements aux familles et dleurs anathèmes contre un système corrupteur,eu opposition avec les usages des aïeux. Au liede leur répondre, les Renaissants, à qui nous devons ce précieux détail, trouvent plus commodde les injurier. « Ne tenez-vous pas pour ridicule

dit Philelphe, cet imbécile de prédicateur, ce bavard, vams et nugator,qui, au lieu de notifierau peuple les volontés de Dieu et de lui tracer derègles de conduite,s'est permis, du haut de lachaire, eco alto sttggestu,de diffamer odieusementtous les orateurs et tous les poètes, particulièrement les pères de la langue latine, Virgile et Cicéron... II les déleste à tel point qu'il défend sous aucun prétexte de les faire étudier à la jeunesse: Quos

et acerrime dcteslans prohibebat ne pueris ullo modlegendidarenlur1 . »Ce qui se fait en Italie se répète en Allemagne, e

France, dans l'Europe entière. Partout la voix desprédicateurs et des théologiens trouve de nombreuxet de puissants échos. « Les adversaires de la Renaissance des lettres, dit le protestant Buschius, sonen si grand nombre,taies in magno numéro,qu'ilsremplissent non quelque coin obscur, mais les gym

nases, les places publiques et même les églises,ipsaetiam templa.Ils forment une ligue puissante contre1 De liber, educat.,c. xur, in-4°, édit. 4553.

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CHAPITRE DEUXIÈME. 37

nons antres, amateurs de la littérature antique,arc-tissime inter se confœderati adversus nos ipsos quveteris eioqucntiœ studiosi sumusl . »

Philelphe est obligé de convenir que ceux qu'itraite si cavalièrement d'imbéciles et de bavards,défendent l'ancienne coutume, en vertu de la

quelle on éloignait sévèrement de la jeunesse lepoêles profanes,id enim et majoribm nostris plaçaitLui-même en donne la raison, qui en a été tant defois donnée, c est que rien n'est plus propre à corrompre les mœurs2. En conséquence, et tout païenqu'il est, il les réserve pour la fin de l'éducationOr, il faut remarquer qu'à cette époque l'éducationfinissait à vingt-cinq ou trente ans et même plustard, ad firmiores usque annos in quibus minus pér

culi limendum erit rcscrvabuntur.Quel compte laRenaissance a-t-elle tenu de cette règle de prudencet de charité?

Voici qui est bien autrement remarquable : c'estle plan d'études tracé par Philelphe. On dirait quenous-même l'avons dicté. Dominé, malgré ses éludepaïennes, par le bon sens chrétien qui conservait

1 Apud Hdmelmann,Oper. genealogico-hi$t. 9 etc., p. 298.3 a Nam si per picturara, exemplo Jovis stuprantis, adolesce

incitabatur, quis putabit per poema, quo expressius sœpe huraaaffectas depinguntur, non movori eliam tenellara œtatem, ac plrimura ad quodcumqiie legerit excitari. »lbid.

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38 LA RENAISSANCE.

encore une grande partie de sa force, Philelphecompose son programme des mêmes auteurs donnous avons composé le nôtre : « l'Écriture saintedans ses livres historiques et moraux; les Pères deTÉglise et les auteurs chrétiens latins et grecsauxquels on ajoutera sur la fin des études les au*

leurs païens expurgés,qui ut supra, diximus, nulla turpiludine legenlium animosinficere possint.» Suitun magnifique éloge de l'Écriture et des Pères, notamment de saint Augustin, a L'antiquité profane,conclut le grand adorateur des païens, ne m'a rienoffert de comparable à notre littérature chrétienne,legensadmirarcr, admiransqucmaxime delectarer. »Voilà ce que disait, il y a quatre siècles, le célèbre Renaissant : et aujourd'hui on écrit que je

suis un novateur, et que ma thèse est fausse historiquement!Vers la même époque, Christophe de Carlebiez

signalantla rupture qui s'opérait dans l'enseignementdes classes éclairées, constate : 1° qu'avant la Renaissance on mettait peu de temps à l'étude du latina Les jeunes gens, dit-il, avant même d'avoir bienappris les règles de la grammaire, se livraient les unà l'étude de la médecine, les autres à l'élude du

droit, ceux-là à l'étude des lettres sacrées,anle-quam grammaticas rationes probe didkissent.Lesprofesseurs eux-mêmes enseignaient les plus haute

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CHAPITRE DEUXIÈME 39

sciences, fort peu soucieuxd'être de bons latinistes:Priusquam aliquid de Ungua latina judicarepossenmaximarum rerumprofessionem assumèrent 1. »

Il constate : 2° qu'on ne faisait ni amplificationsde rhétorique, ni déclamations, ni narrations, niplaidoyers, ni aucun de ces exercices oratoires en

usage chez les Grecs et chez les Romains, sur le mdèle de qui nous avons refait notre manière d'enseigner. Il constate: 3° que cette éloquence pédagogique avait cessé d'exister avec l'état social païendans lequel le bavardage jouait un si grand rôle.« Si de nos jours, dit-il, on n'emploie plus ces industries, si nous n'imitons plus la discipline des anciens, c'est peut-être moins notre faute que celle denotre temps: ejus fortassc rei culpa^ non tam ad nos,

quamad temporaperlinet.L'habitude des harangues,la forme des jugements usitée chez les anciens, lliberté laissée à chaque citoyen d'accuser, les luttede la parole, occasionnées chaque jour par les prétentions des partis, la licence et l'impunité garantieaux orateurs, toutes ces choses ont disparu, et lethéâtre de l'éloquence a été fermé: eloquentiœ thea-trum clauserunt. »

Voilà certes un des plus beaux éloges de l'état so

cial formé par le Christianisme. Sur les débris detoutes les tribunes profanes, brûlantes arènes des1 Epist. apud Laur. Valla edit. in-fol. Basil.4465.

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40 LA RENAISSANCE.

partis et des passions, où le mensonge crucifie presque toujours la vérité, le Christianisme ne laissesubsister que la tribune sainte, du haut de laquelledescendent, avec une autorité souveraine, pour lerois comme pour les sujets, les oracles immuablede la justice, de la vérité et de la sagesse.

En restaurant une méthode d'enseignement destinée à former des orateurs profanes, la Renaissanceconduisait à la restauration d'un état social, dans lequel ces orateurs deviendraient possibles. Est-ce donpour ne jamais parler qu'on aurait appris tant d'éloquence? J'ai appris à parler, -donc je dois parler;donc il me faut un état social où je puisse parlerOr, cet état social a son type dans les républiquede Rome et de la Grèce. Les faire revivre, telle est

conséquence de mon éducation. Ce qui dans les premiers élèves de la Renaissance pouvaitn'être qu'uninstinct, est devenu pour leurs successeurs un pro

jet raisonné et une idée fixe : l'Europe en sait quelque chose.

En attendant, le quinzième siècle continue aveune espèce de frénésie sa restauration de l'antiquitépaïenne : Florence est le centre de ce labeur insensé; mais la vérité n'y restera pas sans défenseur

À l'enthousiasme païen, elle opposera l'enthousiasme chrétien. En 1452, Ferrare donne le jour àcelui qu'on a justement appeléle demùr chrétien du

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CHAPITRE DEUXIÈME 41

moyen âge,le dominicain Savonarole.Pour comprendre son zèle contre le Paganisme, il faut se reporteaux circonstances dans lesquelles il parle. Le grandprédicateur s'épuise à réveiller l'esprit chrétien dansFlorence. Il a obtenu les plus consolants succèsDepuis sept ans, non-seulement Florence, mais l

Toscane entière palpite sous sa parole. Des conversions innombrables ont eu lieu : l'heureuse contréesemble revenue aux beaux jours de la primitiveÉglise.

Mais en face de la chaire chrétienne de Savonarole, s'élèvent dans Florence quatre chaires païennesLa chaire de philosophie païenne, où Ficin, divinisant Platon et fanatisant ses nombreux auditeurspour le platonisme, mine la foi et propage le libr

penser; la chaire de politique païenne, où Machiavel prépare l'anéantissement de toutes les franchiseset de toutes les libertés apportées au monde par leChristianisme, en réhabilitant, à l'usage des gouvernements modernes, le système politique des Romains; la chaire de littérature païenne, où Politien,

jetant à pleine main l'outrage aux gloires littérairesdu Christianisme, crée à Florence et dans l'Europeentière un peuple de littérateurs et de poêles, quiressuscitent toutes les infamies de l'ancien Paganisme; la chaire de Fart païen, où les artistes, peintres, graveurs, sculpteurs, se passionnent pour les

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obscénités historiques et mythologiques de Rome de la Grèce : monuments corrupteurs qu'ils reproduisent sous toutes les formes, et qu'ils exposenaux regards scandalisés des chrétiens, dans les galeries, dans les palais, dans les promenades, dansles maisons particulière et jusque dans les église

A la vue desa chère Florence, menacée, envahie parle Paganisme, Savonarole éprouve ce que saint Paului-même éprouvait, en voyant Athènes plongée danl'idolâtrie: Incitabatur spiritusin ilbj vidensidolola-triœ dedilam civilatem.Père, il veut à tout prix sauver ses enfants; pasteur, ses brebis. A la parole, ioppose la parole; les écrite aux écrits.C'est dans sontraité De divisione et dignitate scientiarwnqu'il sapepar la base, en l'attaquant philosophiquement, le Pa

ganisme renaissant. Chef-d'œuvre d'un esprit supérieur, cet ouvrage où la logique du raisonnemenmarche de pair avec la lucidité de l'exposition, esune des plus fortes synthèses des connaissances humaines qui aient jamais été faites. Qui l'a lue demeurstupéfait des reproches de fanatisme et de folie, donil est convenu d'honorer l'illustre adversaire de laRenaissance.

L'homme est fait pour Dieu. Unies entre elles pa

des liens mystérieux, toutes les connaissances foment un ordre hiérarchique dont les différents degrésélèvent l'homme jusqu'à Dieu, vérité infinie, bien

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CHAPITRE DEUXIÈME. 43

suprême : tel est le point de départ de l'auteur, saboussole et sa pierre de touche. Grâce à ce lumineux principe, il fait sans peine l'arbre généalogique des sciences et des arts, les coordonne, leharmonise, en montre avec précision la nature el'objet, ainsi que les rapports plus ou moins directs

avec la fin dernière de l'homme. Avec une égalnetteté, il indique les études qui méritent le plus ole moins d'estime, les connaissances qui doivent ocuper le plus la ponsée de l'homme ou qui doivenl'occuper le moins. Les développements de cette magnifique théorie conduisent logiquement à la conclusion catholique : que toutes les sciences aboutissent à la théologie, relèvent de la théologie, sciencde Dieu et science de l'homme, science pratique e

science spéculative. Ainsi se trouve promulguée undernière fois, en face da Paganisme renaissant, lapuissante unité à laquelle l'Europe chrétienne dutsa supériorité.

De cette hauteur, le grand logicien considère lessciences et les arts venus des païens. II les voit profondément dégradés et démontre qu'ils sont unobstacle au but final de l'art et de la science. Laphilosophie païenne arrête le développement de

l'homme en Dieu, parce qu'elle tue la foi et conduitau Rationalisme. « Déjà, s'écrie Savonarole, cetteépidémie de l'orgueil a fait de tels ravages, qu'une

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LA RENAISSANCE

grande partie du peuple chrétien s'en trouve infecté, et tanlum hicmorbus increvit ut universum fcre popnlumchrislianumlabefecerit. »

L'éloquence païenne, parce qu'elle appauvrit laraison, fausse le goût, inspire le mépris des saintelettres et conduit à l'engouement pour l'antiquité

profane. « C'est une éloquenco verbeuse, stérilevide de choses qui remplit les âmes de vent, au liede les nourrir de vérités. Pourtant, on voit des chrétiens qui non-seulement se font gloire de ne boirqu'à ces sources corrompues, mais, ce qui est pluodieux, qui osent préférer les sciences, la littérature, la sagesse des païens, à la sagesse de Dieuqui rend éloquente la bouche même des enfantsrelicta sacrarnm litterarum simplidtate, ad gentilila

tem se penitas cowocrterunt. »La poésie païenne, parce qu'elle conduit au sensualisme. « Ce n'est pas la science du dactyle ou dspondée, des longues et des brèves, de la cadence odes ornements, en un mot ce n'est pas l'art de versifier qui fait le podte: c'est le génie. Comment nevoyez-vous pas l'énorme différence qu'il y a entrles poêles païens et les prophètes ? Dansles premiers,le diable a caché un vaste lacet. Inspirateur de ce

vers destinés à conduire les hommes à son culte, n'y a laissé qu'une superbe vanité,snperbissimamvanitalem, et une odeur infecte de vaine gloire.

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CHAPITRE DEUXIÈME.

Mais les poésies des prophètes, inspirées par le SainEsprit, exhalent partout le parfum salutaire de lasagesse, de la charité et de la sanctifiante humilité.

« Que dire des comparaisons et des figures, cegrands ressorts de la poésie? Celles qu'emploient le

poètes sacrés l'emportent infiniment sur celles despoètes païens. Les premières sont des histoires véritables, ou des paraboles gracieuses, pleines d'honnêteté ; les secondes, au contraire, sont des fictionà dormir debout, des fables pleines de folies, dsouillures et de forfaits imputés aux hommes et auxdieux : sales et criminelles niaiseries qui, données ealiment à des âmes innocentes, les remplissent d'abord des mensonges, puis des ordures de l'antique

idolâtrie, et finissent par les pervertir entièrement,adeoqae totos perdant.» De là cette loi de Platon, que nos chrétiens d'au

jourd'hui ne veulent,hélas!ni comprendre ni exécuter, en vertu de laquelle il chasse tous les poètes dsa république, attendu que leur démangeaison deparler des honteux mystères des dieux, fait déborder sur le monde un torrent d'immondes voluptés.Que font donc nos princes? Pourquoi dissimulent-ils

un pareil scandale? D'où vient que, moins religieuque les païens, ils ne font justice ni de ces livreabominables ni de ceux qui les propagent ou qu

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les imitent!Quid igitur faciuntprincipesnostri? curhœc inala dissimulant?

« Nous ne chantons, disent quelques-uns, ni l'amour, ni les idoles, mais nous employons les formpaïennes pour composer des hymnes en l'honneudu vrai Dieu et célébrer la vertu. — Chanter le vrai

Dieu en lui donnant le nom du très-sale et très-libidineux Jupiter, ce n'est pas le louer, c'est le blasphémer. Il est écrit dans Osée: « Vous ne m'appelerezplusBaalim.» Et pourtant, ce nom de supériorité convient à Dieu; mais, à cause de sa ressemblance aveccelui d'une idole, Dieu n'en veut point. Dieu, donle nom est au-dessus de tous les noms, ne doit êtrloué que par les noms qu'il se donne lui-même oque lui donne l'Église son épouse :Deus enim lau-

dari non débet> nisi per nomina^ quœ in scripturisanclis et doctrinis Eccksiœ sunt usitala.» Vous chantez, dites-vous, la religion. les mœurs

la vertu ! et toutes ces filles du ciel vous les affublez d'oripeaux mythologiques, vous couvrez leur

joues du fard païen,Demonis fucoque tegentes.Aupremier coup d'œil, vos œuvres peuvent paraîtrebonnes et nécessaires; mais ceux qui ont le goût deschoses de Dieu les trouvent peu utiles soit au dév

loppement des mœurs chrétiennes, soit à la défensde la foi ou à l'augmentation de la charité. Les hommes spirituels ne peuvent en supporter la lecture.

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CHAPITRE DEUXIÈME. 47

Pourquoi donc, poètes, rampez-vous dans la poussière? Quittez ce genre puéril, fuyez le vain cultedes idoles : courez à la croix. Tranquilles sous sonombre, le front couronné non d'un lierre terrestre,mais d'un divin laurier, vous arriverezà Vimmorta-lilé, non terrestri hedera, sed cœlesti lauro coronati

œvum ducelis. »Quant à l'art païen, ce grand apôtre de sensua

lisme et d'impudicité, Savonarole ne se contentepas de le stigmatiser par sa brûlante parole, il lepoursuit partout où il étale ses œuvres immondeset lui fait expier par la feu les ravages qu'il a causédans lesâmes.Un jour, il a réuni dans le vasteDuomode Florence, tous les enfants de l'un et de l'autresexe, de six à douze ans. Apprenant à son jeun

auditoire qu'autrefois le Seigneur dévouait àYana-thhne les dépouilles des nations idolâtres, il lui dit «Enfants d'Israël, vous irez de porte enporte demander au nom de Jésus et de Marie, qu'on vous donneYanatKème.» Par ce nom le prédicateur désigne toutes les productions corruptrices du Paganisme, peintures lascives, gravures obscènes, statues impudiques,poésies licencieuses, livres immoraux. L'essaimde petits missionnaires se répand dans la ville; « e

il est inouï, disent les témoins oculaires, quelle prdigieuse quantité d'objets fut apportée aux pieds duPère1. »

1 « Là venner ammucchiati libri dl canzoni Hcenziose, fasci d'in

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U LÀ RENAISSANCE.

Les dépouilles de Satan réunies, Savonarole indique une procession solennelle : c'est le plus écltant triomphe du Christianisme sur Fart païen. Iln'y a pas d'éloquence capable de le décrire,non èeloquenzarixe basti a descriverlo.À la suite d'unemultitude d'enfante, jeunes filles et jeunes garçons

marche toute la ville. On se dirige en chantant verla grande place du Palais. Là, par les soins du Pèra été planté un arbre gigantesque. De la cime jusqu'au pied rayonnent, de distance en distance, devastes cercles formés de planches moins longues asommet et plus développées en descendant vers lbase. Sur les rayons de cette immense étagère sonplacés, par ordre, tous les objets dévoués à l'anathème.

Pour compléter le triomphe, tous les arts inspiréspar le Christianisme sont mis à contribution. L'enfant Jésus, chef-d'œuvre deDonatello, posé sur unpiédestal d'or, est porté dans les rangs de la foule,que par son attitude il semble bénir. De magnifiques tableaux, des bannières d'un travail exquis,dessinées par Baccio délia Porta, par Lorenzo di

cisioni oscene, Decameroni, Morganti, e ima quantité stragrandi pitture e scolture, le quai, per paco di lor coscienza, proprictarii ed autori offrivano in olocausto sul rogo espiatorVoir Dante e Colombo,par le célèbre comto T. Dandolo, t. II,p. 229.

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CHAPITRE DEUXIÈME 49

Credi, par frère Benedetto; des statues, des bas-reliefs sortis des ateliers de Luc délia Robbia,témoignent que l'art ne périt pas, qu'il est même loinde dégénérer en se faisant chrétien.

A la vue de tant de richesses qui vont devenir laproie des flammes, un marchand vénitien, un juif

peut-être, offre de les acheter au prix de vingtmille écus. Tout ce qu'il gagne,c'est d'être immédiatement dessiné au naturel, porté à la cime del'arbre, assis sur une chaise et brûlé en effigieavec toutes les honteuses dépouilles du Paganismecomme prince de toutes ces vanités. Le feu est mau bâcher au bruit des trompettes, au son des cloches et aux acclamations de la multitude. Quand laflamme enveloppe la vaste pyramide, le peuple

ivre de joie, entonne l'hymne du triomphe, le Te Deum.Cette fête, qui complète l'œuvre de purification

et de renaissance chrétienne, entreprise par Savo-narole, est son arrêt de mort. Le Paganisme esttoujours le même. Saint Paul ruine à Éphèse leculte des faux dieux. Les artistes et les orfèvres, qus'enrichissent les uns en fabricant, les autres envendant des statues et des tableaux de Diane, s'a

meutent. Au cri de lagrande Diane des Êphésiens,magna Diana Epliesiorum,ils occasionnent une sédition. Elle auraitcoulé la vie au grand apôtre, si

XII. 4

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CHAPITRE DEUXIÈME. 54

les démons. Il remarque que la plupart de ses persécuteurs moururent misérablement1.

Rome fait écho à Florence. Dix ans après le tragique événement, Raphaël peint dans les salles vaticanes la célèbreDispute sur le saint-sacrement.Aumilieu des docteurs de l'Église catholique, il place

Savonarole: c'était sous le pontificat et sous les yeuxde Jules II. « Pour qui connaît le caractère de cepape, dit le comte Dandolo, il est évident que l'artiste n'aurait jamais eu l'audace de hasarder celtefigure et de la consacrer, si l'idée ne lui en avait étésuggérée par le pape lui «même. »

Ce ne fut pas assez pour ce même siècle de regarder Savonarole comme innocent, il le tint pour saintSon procès fut revisé à Rome, à propos de la ca

nonisation de sainte Catherine de Ricci, à laquellele promoteur de la foi reprochait d'avoir invoqué lefrère Jérôme. « Pendant que la congrégation délibère, on apprend que saint Philippe do Néri prieDieu avec une grande ferveur de ne pas permettreque l'admirable champion du Christianisme,am-mirabile campione,ait a subir la honte d'une seconde condamnation. Les prières du saint furentexaucées; et l'on vit exposées en vente, dans le

rues de la capitale du monde chrétien, des mé

* In Vit. 3 vol. in-12,4674.4.

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82 LA RENAISSANCE.

dailles à l'effigie de Savonarole, avec la légende Docteur et martyr 1. »

L'œuvre capitale de Savonarole, celle pour laquelle il a vécu et pour laquelle il est mort, est slutte contre la Renaissance et renseignement païenSi en cela il a été un novateur et un insulteur de

l'Église, comment Rome a-l-elle permis qu'on ludonnât le titre de docteur et de martyr?

1 A tali pii voli corrispose l'effetto; e furono esposte iu vedît* per le vie délia capitale del mondo cristiano medaglie coeffigie di Savonarolae la leggenda :Dottore e mariire.» T. Dan-dolo, ubi supra.

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CHAPITRE III.

SEIZIÈME SIÈCLE*

Le concile de Latran. — II flétrit la philosophie et la littérature païenne*—Il les déclare infectées dans leurs racines. — Érasme. — Protestation énergique contre la Renaissance et renseignement classique. —Il démontre que le latin chrétien est un très-bon latin; — qu'il estpour les sociétés modernes le truchement de leurs idées;—quec'estun conlre-sens monstrueux de prétendre former de grands écrivains

arec les auteurs païens ; — que les études classiques exercent sur lreligion cl sur la société l'influence la plusdésastreuse*—11 demandedes classiques chrétiens.

Au seizième siècle, notre généalogie s'ouvre pale cinquième concile général de Latran. Présidéepar Léon X, animée par Bembo, mais dirigée par leSaint-Esprit, l'auguste assemblée, dans son programme d'études, ne daigne pas même nommer lesauteurs païens, que nous regardons, nous, commeindispensables à l'éducation de la jeunesse 'chrétienne. Il fait plus, il imprime au front de la Renaissance et de l'enseignement païen un stigmate d'ignominie que rien n'effacera jamais. Toute cettephilosophie païenne, toute cette littérature païenne,contre laquelle on nous fait un crime de protester,

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34 LÀ RENAISSANCE.

le concile les déclareinfectes dans leurs racines,radiées philosophiœ et poeseos esse infectas *.

Envisageant cet enseignement nouveau sous lpoint de vue littéraire, Érasme signale comme noules ravages qu'il fait dans les intelligences. Puissancde la vérité! personne n'a flagellé avec plus de

verve la funeste méthode contre laquelle nous protestons, que celui-là même qui en fut le plus ardenpropagateur. Un jour, indigné du mépris de quelques renaissants pour le moyen âge et de leur cultridicule pour Cicéron et pour l'antiquité païenne, ilprend la plume et leur prouve victorieusement lequatre points suivants : que le latin chrétien est untrès-bon et très-beau latin; que c'est le seul latinqui puisse servir de truchement aux sociétés moder

nes ; que c'est un énorme contre-sens de prétendre former des Cicérons en étudiant, comme on lfait depuis la Renaissance, Cicéron et les auteurpaïens; que les études classiques exercent sur la religion et sur la société l'influence la plus désastreuse.

1°Le latin chrétien est un très-bon et très-beau latin. « Pourquoi, je vous prie, demande Érasme, lelatin chrétien ne serait-il pas du bon et du beau

latin? — Parce qu'il emploie des mots nouveaux e1 Voir pour les détails, nosLettres à monseigneur Dupanloup,

p. 490; et. leRationalisme.

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CHAPITRE TROISIÈME. 55

des tournures inconnues de Cicéron et des auteurs dusiècle d'Auguste. — Mais s'il faut regarder commebarbare tout ce qui est nouveau dans le langage, iln'y a pas un mot, pas une tournure qui ne fût autrefois barbare. Combien ne trouvez-vous pas de cenouveautés dans Cicéron lui-même, surtout dans

les ouvrages où il traite de l'art oratoire et de la philosophie! Quello oreille latine avait entendu avantCicéron les motsbéatitude, vision, espèce, proposition, occupation, contention, complewion?C'est luiqui a osé forger ces mois et leur donner une signification jusqu'alors inconnue des Romains.

» Combien d'autres roots ont été introduits dansla langue latine par Piaute, si fort admiré de Cicéron; par Ovide, par Catulle, par Séncquc, par Pline,

par Tacite et par les meilleurs écrivains ! Horacolui-même justifie ces innovations et en trace les règles. Sur quels titres refuserez-vous aux. grandsécrivains du Christianisme, un droit que personnene conteste à ceux de l'antiquité? Devaient-ils em

prisonner le génie chrétien dans les entraves du génie païen, ou laisser sans expression cette fould'idées nouvelles dont le Christianisme a doté lemonde ?

» Et moi je vousdir-que le beau latin consiste,chez les chrétiens, à employer les mots et les tournunures convenables pour exprimer les choses chré

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56 LA RENAISSANCE.

tiennes; de même que pour les païens le beau latinétait celui dont les mots exprimaient le mieux lechoses païennes. Cicéron lui-même, s'il vivait au

jourd'hui, trouverait le nom de Dieu le Père, toutaussi élégant que celui de Jupiter très-bon et très-grand. Il croirait que le nom de Jésus-Christ donne

pour le moins autant de grâce au discours, que celude Romulus et de Scipion. Ne faussons pas le goûde la jeunesse, et sous prétexte de la rendre cicéronienne, prenons garde de ne pas la rendre païenne : Ne simple® ac rudis œtas ciceroniani nominis prœtigio deceptdj pro ciceroniana fiât paganal. »

Érasme se demande d'où vient le mépris du latinchrétien? De ce que le nouvel enseignement laissignorer le Christianisme à la jeunesse. « Qu'elle so

d'abord, dit-il, fortement nourrie d'études chrétiennes, et alors rien ne paraîtra plus magnifique que lareligion; nous ne trouverons rien de plus suave quele nom de Jésus-Christ, rien de plus éloquent et dplus beau que les noms employés par les grands génies chrétiens pour exprimer les choses chrétiennesNous sentirons alors que nulle langue n'est bellqu'autant qu'elle est en rapport avec la personne quiparle et avec les choses dont elle parle; nous sent

rons même que c'est quelque chose de monstrueude défigurer le Christianisme avec les colifichets d* Ciceromanus, sivoDe opiimo dicendi génère,p. 402.

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CUÀP1TRE TROISIÈME.

Paganisme :Monstrosus est qui materiam chri$tia~nam Paganicis nugis contaminât. »

Yoiià pour les mots nouveaux. Quant aux nouvelles tournures de phrase,c'est le môme raisonnement; car les auteurs chrétiens ont eu à cet égardle même droit que les auteurs païens.« Direz-vous,

ajoute Érasme, que, pour être latines, les tournuresdoivent ressembler à celles de Cicéron? Dans ce cas,ni César, ni Salluste, ni Tite-Livc, ni Quintc-Curceni Scnèque, ni Pline, ni Tacite ne savent écrire lelatin, puisque leurs tours de phrase ne ressemblentnullement à ceux de Cicéron. Nous voyons également une grande différence entre la forme épisto-lairede Cicéron et deBrulus, de Coclius Piancusde Pompée, de Balbus, de Lentulus, de Caton, de

Crassus, de Dolabella, deTrébonius, de Cécina, dPollion et de tant d'autres personnages du siècled'Auguste.

« Les tournures employées par les auteurs chrétiens ne ressemblent pas à certain type que vousvous êtes formé, et pour cette raison vous les traitez de barbares! A vous plutôt revient cette qualification. «C'est merveille de vous entendre décrierles Pères de l'Église, les grands écrivains du moye

âge, saint Thomas, Scot, Durand et les autres; voun'avez pas assez de voix pour dénoncer leur barbarie. Pourtant, la chose examinée de sang-froid, ces

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88 LA RENAISSANCE.

grands hommes qui ne se vantent nid'être éloquentsni d'être cicéroniens, sont plus cicéroniens que voutous ensemble, qui voulez passer non-seulemenpour des cicéroniens, mais pour des Cicérons :Ma-gis ckeroniani snnt qmm isti, qui postniant habenon jam ciceroniani, sed ipsi Cicérones.N'est-il pas

vrai, de voire propre aveu, que celui-là est un Cicéron quidit très-bien,quelque sujet qu'il traite? Or,pour bien dire, deux choses sont essentielles : connaître à fond son sujet; avoir un cœur et une conviction qui fournissent les paroles. Tel est le principe d'Horace lui-même et de Fabius. D'ailleurs, sanl'autorité de personne, la chose est évidente.» A vousde prouver, ajoute Érasme, que les auteurs chrétiensn'avaient ni la connaissance des choses dont ils par

lent , ni le cœur ni la conviction nécessaires pour leexprimer.» Qu'on ne dise pas : Cicéron ne parle pas ainsi-

Cette objection est bonne pour des enfants. Qu'ya-t-ild'étonnant que Cicéron ne parle pas ainsi, puisqueVidée lui manquait? Quelle multitude de chosenous avons à dire chaque jqur, auxquelles MarcusTullius n'a jamais songé! Mais s'il vivait, il les diraitout comme nous,et si viveret nobiscum eadem lo-

querelur. Mots, tournure, convenance, tout est doncaussi irréprochable dans nos grands auteurs chrétiens que dans les auteurs païens; leur latin est

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CHAPITRE TROISIÈME. 59

donc du très-bon et du très-beau latin, c'est-à-dire,dans son genre, tout aussi cicéronien que celui dCicéron. »

2° Le latin chrétien est le seul qui puisse servide truchement aua> sociétés modernes.« Voyez, ditÉrasme, quel péché nous commettons contre le sen

commun, en imitant les païens dans leurs arts, dansleur langage et dans leur littérature! Pour êtrebeau, éloquent, irréprochable, le langage doit êtreen parfaite harmonie avec les choses, les temps, lehommes et les idées. Or, que vous en semble? l'état actuel du monde ressemble-t-il au temps oùvécut et parla Cicéron? Religion, forme sociale, institutions, philosophie, sciences, lois, mœurs, goûttout n'a-t-il pas changé? De quel front vient-on

nous dire que la seule langue qui puisse bien exprimer toutes ces choses, c'est la langue de Cicéron» N'est-il pas, au contraire, de la dernière évi

dence que la scène du monde ayant été bouleverséde fond en comble, le seul moyen pour nous dparler convenablement, c'est de parler tout autrement que Cicéron? Vous avez beau nier qu'on puissebien parler latin, à moins de parler le latin dusiècle d'Auguste, les choses elles-mêmes vous crieque nul aujourd'hui ne peut bien parler latin, s'ilne s'éloigne beaucoup du latin de Cicéron et dusiècle d'Auguste :Res ipsa clamitot neminem passe

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GO LÀ RENAISSANCE.

bene dicere, nisiprudens accédâtab eooempbCiceronis; nisi muïtumCiceronis dissimilis.

» Je vous en fais juges : si vous ne voulez qudes mots et des tournures de la belle antiquité,combien de choses que vous ne pourrez pas direou que vous direz d'une manière ridicule et fort

dangereuse! Ainsi, dans la langue latine païennevous ne trouvez nulle part les mots : Jésus-ChristSaint-Esprit, Trinité, Évangile, Moïse, prophète,Pentaleuque, psaume, évêque, archevêque, diacreÉglise, hérésie, symbole, baptême, eucharistie, absolution, excommunication, messe, et une fould'autres qui expriment toute la vie religieuse etsociale des nations modernes.

» Que fera l'admirateur exclusif du beau latin de

l'antiquité? Se taira-t-il, ou changera-t-il les motsreçus parmi les chrétiens? Dans ce dernier cas, neverrons-nous pas ce que nous voyons déjà, les anciennes hérésies renaître et le monde retourner auPaganisme, sub hoc fucoveteres hcereses, sub alto

Paganitatem? Le moins que puisse dire l'homme debon sens qui nous jugerait avec équité, c'est qu'avec cette imitation servile du latin païen, noudéshonorons la majesté du Christianisme :CiceronisverbiSj ftguris ac numeris, christianœ philosophiœmajestatem fœdari.

3° Cest un contre-sens énorme de prétendre for

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CHAPITRE TROISIÈME 61

mer desCicérons en étudiant,comme on fait, Cicéronet les auteurs païiens.Après avoir vengé victorieusement la langue latine chrétienne, et montré jusqu'à l'évidence que les vrais barbares sont ceuxqui prétendent faire parler aux peuples chrétiensle langage des peuples païens, Érasme fait ressorti

avec éclat un contre-sens plus grave encore, et qunous n'avons nous-même cessé de signaler. Tellest sa pensée : « Vous êtes dans le faux, complètement dans le faux. Vouloir faire de vos jeunes gendes Cicérons, c'est-à-dire de grands orateurs et degrands écrivains, en leur faisant étudier, commevous faites, les auteurs païens, c'est l'antipode dubon sens. Avec votre méthode, vous pourrez former des cymbales retentissantes, des bavards en

vers et en prose; mais de grands orateurs et degrands écrivains, jamais.» La parole suppose la pensée. Pour former des

Cicérons, il faut commencer par faire le travail sérieux que Cicéron lui-même a fait; travail que vousne faites pas, que vous ne pouvez pas faire, car voufaites tout le contraire. Celui-là deviendra un Cicéron qui mettra autant d'ardeur à étudier la religionchrétienne, la société chrétienne, les hommes et lechoses de son temps, que Cicéron en mit à étudierla philosophie païenne. Celui qui aura recueilli cettemoisson de connaissances pourra, avec quelque

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62 LÀ RENAISSANCE.

droit, prétendre au titre de cicéronien. En effet,rien n'empêche de le lui donner, si toutefois vouconvenez qu'un Cicéron est un homme qui parleavec connaissance de cause, avec lucidité, aveabondance, avec vigueur et convenance, suivant lnature du sujet, des temps, des lieux et des per

sonnes.« Horace vous Ta dit et vous l'oubliez":Scribcndirectc sapere est et principium et fotis.Des idées d'abord, les mots viendront ensuite : agir autrementc'est folie :Prima sit senlentiarum cura, deindewr- borum... Stultumest autem hoc conari ut aliéna scri-bas stomacho.Cette folie, l'éducation en est coupable. Grâce à elle, nous touchons à peine du bout dudoigt le Christianisme, base de notre ordre social

Nos prophètes, nos historiens, nos commentateursnous les méprisons, nous les avons même à dégoûtPar quel miracle deviendrons*nous des CicéronsQuî tandemerimus Ciceroniani?

4° Les études classiques exercent sur la religion et sur la société IHnfluence la plus désastreuse.Plusieurss'obstinent à ne voir dans la question des classiques qu'une simple question de grec et de latintandis qu'elle est avant tout une question religieus

et sociale. Aussi, envisageant la Renaissance à sovrai point de vue, Érasme, qui la connaissait biendisait, il y a plus de trois siècles, ce que nous d

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CHAPITRE TROISIÈME 63

sons nous-même aujourd'hui : « Noire engouemenpour l'antiquité païenne nous aveugle,Paganitasnostra nos seducit.Sous prétexte d'apprendre labelle littérature, nous cessonsd'être chrétiens pourdevenir païens.C'est ce que je remarque en particulier dans certains jeunes gens qui nous revien

nent d'Italie et surtout de Rome,nimirum ut prochrislianis reddamnr pagani. »« Voyez, continue-t-il, où nous en sommes venu

dans la littérature et dans les arts. Cicéron ne fait pasdifficulté d'orner ses livres et ses discours de citationd'Homère, d'Euripide, de Sophocle, d'Ennius, desphilosophes et des historiens; et nous, nous croyonssouiller nos discours si, ces mêmes ornements quCicéron païen demandait aux auteurs païens, nous

les prenons, nous chrétiens, dans les Prophètes,dans Moïse, dans les Psaumes, dans l'Évangile oudans les Lettres des apôtres! Nous regardons commeautant de perles les sentences de Socrate que noupouvons enchâsser dans nos écrits, et comme detaches les maximes des Proverbes de Salomon! Est-ce donc qu'en présence de Socrate, Salomon nousent mauvais?An prœ Socratenobis puiei Salomon?

» D'où vient cette dépravation de sens et de goût?

Si nous voulons être vrais, cet étrange renversemenvient de l'éducation :Hoc accepimus.On nous a ditque les mots des auteurs païens étaient polis et de

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LA RENAISSANCE.

bon goût; et ceux des auteurs chrétiens, grossiers ebarbares. C'est le Paganisme, croyez-moi, qui nouspersuade ces choses en trompant notre oreille. Noune sommes chrétiens que de nom :Tilulo duntaœat sumus christiani.Notre corps a été lavé par les eauxdu baptême, mais notre âme demeure souillée; l

croix est marquéesur notre front, mais notre esprit enrougit; nous confessons de bouche Jésus-Christmais nous portons dans le cœur Jupiter et Romulus Christian ore confilemur, sed Jovem et Romulum gestmus inpectore.Voilà jusqu'à quel point nous égarent,en littérature, notre imagination paganisée et nossentiments désormais peu chrétiens :Tantum de vo-cibus imponit nobis imaginatio paganica.

» Quant aux arts, quel spectacle nous donnons

Nous ouvrons de grandes bouches et de grands yeuà la vue d'une statue des anciens démons, oumême d'un fragment de leurs statues; etc'està peinesi nous regardons avec dédain les statues de JésusChrist et des saints ! Comme nous admirons une inscription ou une épitaphe gravée sur quelque vieillepierre rongée par le temps! Quoique pleine de Paganisme et même d'ineptie, nous la baisons, nous lavénérons, nous allons presque jusqu'à l'adorer; etles reliques des apôtres, nous nous en moquonsNous sommes heureux et fiers de posséder sur quelque médaille l'effigie d'Hercule ou de Minerve, de la

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CHAPITRE TROISIÈME 65

Fortune ou delà Victoire, d'Alexandre ou de n'importe quel César, et nous traitons de superstitieux etnous tournons en ridicule ceux qui conservent,comme des objets précieux, du bois de la vraie croiou les images des saints !

» Si jamais vous avez visité, à Rome, les musé

des cicéroniens, rappelez-vous si vous y avez vune statue de Jésus-Christ ou des apôtres. Tous sontpleins de monuments du Paganisme :Paganismimonumentis plena reperies omnia.Et, dans les tableaux, Jupiter changé en pluie et séduisant Danaéattire bien plus nos regards que l'ange Gabriel annonçant à la sainte Vierge le mystère de l'incarnation ; Ganymède enlevé dans l'Olympe par l'aiglede Jupiter nous délecte bien autrement que Jésus-

Christ montant au ciel; nos yeux se fixent avecbien plus de plaisir sur les fêtes, toutes pleines dturpitudes et d'obscénités, de Bacchus et du dieuTerme, que sur Lazare rappelé du tombeau, ou surle Fils de Dieu baptisé par saint Jean! Voilà les mys

tères qui se cachent sous le voile de l'amour et dl'admiration pour la belle antiquité. Croyez-moi,sous ce beau prétexte, on tend des pièges aux simples et on séduit l'innocente jeunesse :Insidiœ ten-dantur simplicibus, et fraudent idoneis adolescentibuNous n'osons pas faire profession publique de Paganisme, et nous nous déguisons sous le nom de c

XII. 5

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66 LA RENAISSANCE

céroniens: Paganitalem profiteri non audemus, cice-roniani cognomen oblcndimus1. »

Il n'est pas à notre connaissance qu'onait rienécrit de plus fort contre renseignement classique.Tenir un pareil langage c'est évidemment, selonnos adversaires, insulter l'Église. Pourtant,à la

différencede plusieursde sesouvrages, le Cicéro-nien d'Érasme n'a jamais été l'objet d'aucune censure, ni même d'aucun blâme. Érasmeva plus loin.Dans un de ses ouvrages, où se manifeste l'esprit delaRenaissance,ce chrétien malgré lui demande, commeles Pères de l'Église, que les livres sacrés soientles premiers classiquesde la jeunesse,« Si onveutsuivre mon conseil, dit-il, aussitôtque l'enfant connaîtra sa langue, on lui mettra sous les yeux les

Proverbes de Salomon, l'Ecclésiastiqueet le livrede la Sagesse. Ensuite l'Évangile :Proponel Prover-hia Salœwnis,Ecclesiasticum> et librum Sapientiœ.. Moœ Evangelia*.»

1

Noui avons beaucoup abrogé l'ouvrage d'Érasme: on en trouvera uno analyse plus complète dans notrePréface avx, lettres de saini Bernard^ I vol.in-48.

2 InsUt. Privcip.

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CHAPITRE IV

SEIZIÈME SIÈCLE.

Vives. — Il signale nne rupture dans renseignement — Il démontre ledanger des auteurs païens. — Scioppius. — Il dit les précautions qu'ila prises pourn'être pas corrompu par renseignement classique. —Précautions inconnues aujourd'hui. — Malgré tout, il devient stoïcien.— Antres réclamations. —Léon X lui-môme reconnaît le danger.—

Adrien VI. — II combat vigoureusement la Renaissance et les renaissants.— Paul II. —11 imite son prédécesseur. — Conduite des autrespapes*. — Meîchinr Canns» — Tl proteste contre ÏVtndo d^s païensdont il montre le danger. — Le P. Lonis de Grenade déplora la pertedes âmes causée par renseignement païen.—* Bonifacio prouve qu'ilappauvrit la raison; le maréchal deTavannes, qu'il conduit au régi

cide; Montaigne, qu'il nous rend païens.

L'émule d'Érasme en latinité et son confrère enRenaissance, Vives, signale la rupture profonde quia Heu dans l'enseignement classique, depuis l'arrivée des Grecs de Constantinople. Il constate que

jusqu'alors on n'étudiait pas le grec et qu'on ne savait pas le latin; qu'on ne faisait ni amplifications,ni narrations de rhétorique, mais qu'on donnaittout à l'idée; qu'on eu était venu à un tel éloigne-

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68 LA RENAISSANCE

ment pour les auleurs païens, qu'on aurait voulules voir anéantis1.

Après celle sortie contre le moyen âge, vienle dithyrambe obligé en l'honneur de la Renaissance. Tout à coup, dominé, comme Érasme, pal'esprit chrétien, précieux héritage de ces siè

cles qu'il appelle barbares, il signale les effrayantdangers que présente l'étude des auteurs païens.« C'est pour cela, dit-il, en faisant sans doute allusion à la Constitution apostolique, que le Seigneurconnaissant notre infirmité et les secrètes embûchedu démon, nous a défendu tout commerce avele Paganisme : Vehtil m quid penilus nobis essetcumillo commercii.Pour quelques-uns peut-être, cecommerce peut être sans danger, mais ce qui est un

danger commun doit être défendu par une loi générale : Commune periculum incommune prohibetur.Il n'est pas douteux pour tout homme de bon sensqu'une éducation chrétienne ne peut être faite qu'avec des auteurs chrétiens: A christianis chrisliane. »

Toutefois, cédant au goût de l'époque, il parle d'yemployer les auteurs profanes. Mais, comme nous, exige Vexpurgation la plus sévère, et demande demaîtres pieux et prudents qui marchent les premiers

1 Qaod gravissimum est, minus veteres curant agnoscere, quomnino valent pordilos.De corrupt. disciplin.p.A.^ lib. I,p. 47,Lyon, 4551.

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CHAPIT RE QUATRIÈME. 6D

dans ce chemin périlleux. Comme nous encore, iveut que les jeunes gens soient munis d'antidote

prœimmztus antidote ;qu'on ne fasse connaître desauteurs païens que juste ce qui est nécessaire à chacun ; Tantum cuique permillel> quantum cemebiiqu'on éloigne soigneusement de l'écolier l'auteur

qui pourrait développer son défaut dominant: Ovide,du voluptueux; Martial, du moqueur; Cicéron, duvaniteux.

Insistant avec force sur ces précautions, à toutle moins fort difficiles, et dont l'enseignemenpublic ne lient aucun compte : « Qu on se souvienne, ajoute Vives, que la sagesse profane espleine de faussetés; que voyager chez les païenc'est marcher à travers les épines, les poisons et

les miasmes les plus pestilentiels :Mcminerit se per fjeuliles iler facere, id est; inter spinas> inter toxica,aconita et pestes prœstantissimasl . » Peut*on signaler avec plus de force le périlleux contre-sens d'unéducation littéraire, qui consiste dans l'étude à peu

près exclusive des auteurs païens?Scioppius, le roi des savants,eruditorum rex,

parle comme Vives. Son témoignage a d'autant plude poids, qu'il est fondé sur l'expérience personnelle de l'auteur. Jeté par les exigences de Téducacalion classique au milieu des poisons et des peste

' Lib. III.p. 286.

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70 LÀ RENAISSANCE

païennes, il ne tarde pas à ressentir la funeste influence de l'atmosphère corrompue dans laquelle ivit. Pour la neutraliser et conserver ses mœursen lisant ses auteurs classiques, écoutons les précautions que le vertueux jeune homme est réduià prendre, a Je matais mon corps, dit-il, par une

diète rigoureuse. En Allemagne, je jeûnais des jourentiers. A Rome, je renonçai tout à fait au vin, à laviande, aux œufs, au poisson. Je ne faisais qu'unrepas par jour, et je ne mangeais dans ce repas quedes choses très-communes. L'hiver comme l'été, jn'avais pour lit que deux planches et un oreillerl. »

Et on ose dire qu'un système d'enseignement quipour ne pas tuer les âmes, justifie de semblableaustérités, est un système normal, et que l'attaquer

c'est outrager le sens commun et injurier l'Église!Quel fut le résultat de ces précautions exceptionnelles et parfaitement inconnues de la jeunesse studieuse? Scioppius, avoue que malgré les salutairebarrières dont ils'était environné, l'esprit du Christianismes'était presque éteint dans son âme.tt J'étais parvenu tout au plus, dit-il, à vivre en stoïcienet non en chrétien. Il fallut la lecture d'un livrede piété, pour me relever du naturalisme au super

naturalisme: Eliamnum abesseoporterel,nui, geniomeopropiliO; in Fr. Coster libettosincidissem. »* 2 /i /po6oi.,p.250.

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CHAPITRE QUATRIÈME. W

Cent autres voix s'élèvent pour signaler le dangerque fait courir à la religion et à la société, le profond mépris des siècles chrétiens et l'enthousiasmfanatique pour l'antiquité païenne. Elles prédisent àl'Europe que, par toute cette résurrection littéraire,artistique, philosophique, du Paganisme gréco-ro

main, elle brise les grandes lignes de sa civilisationqu'elle cesse d être elle-même pour devenir un calque; qu'elle introduit dans son sein un élémentnouveau, dont la présence sera une cause perpétuelle de luttes, de décadence et de catastrophesUn grand nombre déjà nous sont connues. Lesdifférents volumes de la Révolution ne sont guère qul'écho de leurs accents prophétiques. Nous ne rappellerons ici ni les énergiques paroles du prince d

Carpi, habitué de la cour de Léon X, ni celles dl'Université de Cologne, ni celles du protestant Gentillet, des historiens de Thou, Mézerai, de Laplancheni celles du célèbre docteur de Sorbonne Béda, ncelles du père jésuite Pallavicini, adressées à Léon lui-même, ni celles de bien d'autres.

Ce pape, blâmé hautement et sans opposition parl'historien du concile de Trente, ne fut pas le dernier à s'apercevoir de la déviation alarmante que

subissait, sous l'action de la Renaissance, la marchde l'Europe chrétienne. « Le mouvement nouveauditM.Charpentier, produit parl'étude de l'antiquité,

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72 LA RENAISSANCE.

la hardiesse de la critique, qui s'attaquait tour à touraux dogmes et aux institutions, ces périls avaienfrappé les esprits les moins attentifs. Rome et leprinces se mirent donc en mesure d'arrêter,s'ils lepouvaient, cotte révolution dans les idées. Léon Xavait été ébloui par l'éclat de la littérature profane;

cependant son œil pénétrant avait entrevu le péril;et déjà le concile de Latran, dans sa huitième session, avait, en réponse aux doutes que la philosophie platonicienne répandait sur les plus grandesquestions, proclamé comme un dogme l'immortalitde l'âme. D'autres faits moins éclatants montrentque la sollicitude de Léon X s'éveillait1. »

Telle est, ramenée à sa valeur historique, l'autorité de ce pape qu'on se plaît à invoquer en faveur

de (a Renaissance et de l'enseignement des auteurpaïens. S'il est tour à tour pour et contre nous, sonsuccesseur, Adrien VI, compte sans contestatioparmi nos plus illustres ancêtres. Ce bon pape, suscite de Dieu pour s'opposer à la menaçante invasiondu Paganisme, se montre digne de sa mission. Hommes et choses, tout lui répugne dans la Renaissance

Un des premiers actes de son pontificat est do retirer les pensions, faites par son prédécesseur, aux

Grecs, venus de Conslantinople. Son antipathicontre eux et contre leurs disciples éclate en tout1 Hist. de la lien.,t. II , p.458.

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CHAPITRE QUATRIÈME. 73

occasion. Leur langage païen, leur enthousiasmepour l'antiquité lui font, avec raison, suspecter leursmœurs et leur foi1. Pour lui, ils nesont plusdeschrétiens, maisdes Térenliens,dont il so déclarel'adversaire irréconciliable: Omnibus litteraîis inimi-citias minitaretur*.Commesondivin Maître chassa

les vendeursdu temple, il chasse les Renaissantsqui souillentde leurs leçons,de leurs poésies,de- leurs peintures, Rome,le centre du catholicisme.Lesuns se condamnent volontairementà Y exil; les autres,poursuivisde plus près, se sauvent par les fenêtresde leurs demeures; ceux-làse cachent dans d'obscurs réduits: Quoscum odisseat.que eliam persequicœpissetj voluntarium alii exilinm^ alias, alqus aliaalii latebras quœrentes lalucre.

Même horreur pour les œuvres du Paganisme.Voulait-cn lui faire voir quelques-unesde cesstatues antiques,si étrangement placées danslesjardins ou lesmuséesdu Vatican? il détournait la vueet disaitque toutes ce3 choses n'étaient quedes simulacres de l'impiété païenne, dontil ferait de lachaux8.

1 Paul. JovM in Adrian., p. 277.2 Pier, Valerian,De littéral, infelicit., lib. II.3 Ornamenta insi^nia picturœet slaluarum priscac artis,nc-

quaquam mngni fecit, adiout Viaoeslo, Bononiensium legatocommendante statuam Laocoontis, quamin Relvederii viridariisJulius ingenti prsetio emplamad loci dignitatem collocarat, aver-

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74 LA RENAISSANCE.

La guerre dura autant que le règne de ce saintpape. «S'il avait vécu plus longtemps, disent les Renaissante contemporains, il aurait ramené le mondeaux temps de la barbarie gothique :Si alignantediutius wxisset, goltica illa tempera adversus bonalitteras videbatur mscilaiurus1. Mais, ajoutent-ils, un

bienfait du ciel en délivra la terre, dans la deuxièmannée de son pontificat: Dei beneficio, altero impe-rii anno decessit.» Les malheureux! ce qu'ils osentappeler un bienfait du ciel, fut de leur part, s'ilfaut en croire la rumeur publique, un crime abominable. Non-seulement le digne successeur de sainPierre renversait les idoles et poursuivait les fanatiques restaurateurs de l'antiquité païenne, il se préparait encore à attaquer avec vigueur les iniquités

sans exemple» occasionnées parle-retour du Paganisme. On parlait de bulles terribles qui allaient paraître : l'alarme est au camp.

Tout à coup le pape meurt. Le lendemain matinon trouve suspendue, à la porte de son médecin, uncouronne de feuillages avec cette inscription en grocaractères: «Au libérateur de la patrie, le sénat et lepeuple romain :Liberatori patriœS. P. Q. fl.1. » Lemédecin ne protesta pas. Ainsi fut enlevé à l'Églis

sis staiim oculis ianquam inapiao gentis simulacra vituperet. PJov., hiAdrian., p. 277. — Voir aussi Balzac,le Prince^ ch. XII.

1 Pier. Valerian.,Delittéral, infdicit., lib. II. — P. Jov.Ibid.,p. 284.

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CHAPITRE QUATRIÈME. 75

et à la société ce grand pape qni, « avec une rudessun peu brusque peut-être, dit M. Charpentier, maisavec un sentiment catholique, avait vu et condamnédans la réhabilitation indiscrète de l'antiquité, lerétablissement même du Paganisme1. »

Paul II ne se montre guère moins hostile à la Re

naissance et à son enseignement. Pour lui commpour son prédécesseur, les lettrés et surtout les poètesont des empoisonneurs de i'àme, des profanateursdu Christianisme, «Ce bon prince,dit Balzac,croyaitque tous les poètes qui étaient de son temps à Romn'étaient pas chrétiens, quoiqu'il y eût des prêtreset des religieux. On lui persuada, ou il se persuadalui-même2, qu'ils s'assemblaient de nuit et qu'enleur cœur ils adoraient les faux dieux, comme il

les invoquaient dans leurs poëmes. Nos gens s'imaginent quelque chose de semblable. Ils ne traiten jamais nos amis d'au delà des monts que d'impieet de païens. Le bon est qu'ils ne sont pas princesouverains, et bien nous en prend8. »

Le fait est que PaulII dispersa l'Académie païennede Caliimaque, dont plusieurs membres furent misen prison, tandis que les autres cherchèrent leur salut dans une fuite précipitée. Fanatisés par leur édu

cation, ces nouveaux citoyens de Rome et d'Athène1 T. II, p. 459. —2 Avec raison, ainsi que nous l'avons montré

dans le Rationalisme.— 3 Balzac, t. II, p. 652.

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76 LA RENAISSANCE

conspiraient contre la vie du pape et rêvaient, dansla capitale même du Catholicisme, la restauration duPolythéisme ancien. Déjà un de leurs chefs, Pomponius LaHus, s'arrogeait le titre de souverain pontife, comme le prouve une inscription gravée paeux-mêmes sur les paroisd'une grotte, où ils te

naient leurs ténébreuses assemblées. A partir de cetteépoque, « les papes, ajoute M. Charpentier, protègent encore les lettres, mais les lettres sacrées; ilprotègent aussi les arts, mais ils s'efforcent de leramènera un caractère chrétien»

Cependant, le mal sorti des flancs de la Renaissance cause d'étranges ravages. Les lettrés rationalistes d'Italie ont pondul'œuf, Luther le fait éclore :Pep&ri ootifli,Lulherus eooclusit. La robe de l'Église

est mise en lambeaux par le schisme et par l'hérésie; sa face auguste est souillée; l'iniquité deviengénérale. Une réforme est nécessaire : Paul IV convoque le concile de Trente.

Un des plus célèbres théologiens de l'augustassemblée, Melchior Canus, proteste avec énergi

contre l'étude fanatique de la philosophie et de la littérature païenne, dont il signale les effets désastreux « Les saints Pères, dit-il, condamnent ceux qu

préfèrent la philosophie à l'Évangile, pour qui A verroès est saint Paul; Alexandre d'Aphrodisée, sain1 Dans leRationalisme*

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CHAPITRE QUATRIÈME. 77

Pierre; Aristole, Jésus-Christ; Platon, non un hommedivin, mais un dieu :Non divinus, sed deus.L'Italiesurtout est féconde en hommes de ce caractère. Contempteurs des saintes lettres, ils s'attachent aux doctrines de ces philosophes et, leur nacelle amarrée auxrochers des Sirènes, ils chantent, navigateurs insen

sés, non les Prophètes, non les Apôtres, non lesÉvangélistes, mais Cicéron, Platon et Aristote! Ceuxqui s'occupent trop de littérature païenne, se remplissent presque tous d'erreurs dont il est presqueimpossible de les délivrer: qui vix elui possunt.C'estce qui a motivé le décret du concile de Latran. Il ya, du reste, parmi nous une loi trois fois sainte quinterdit une semblable étude au delà d'un certainâge; elle la permet seulement aux adolescents, non

pas à tous, mais à ceux qui montrent plus detalent1. »A la môme époque, une autre voix, non moin

autorisée que celle de Canus, signalait, commenous,les ravages de la lèpre païenne, communiquée à l'Europe par la Renaissance. Le premier effet de cettehonteuse maladie est celui qu'avaient constaté eneux-mômes saint Augustin et saint Jérôme, effeinévitable qu'on peut constater aujourd'hui, sur la

1 Est etiam apud nostros lex sacratissima. quae in hujusmodisciplinis solum adolescentes nequc omnes, sed ingeniosos excet. —De IM. theol., lib. IX, c. ix.

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78 LA RENAISSANCE*

plus vaste échelle, dans tontes les générations dcollège, depuis quatre siècles : je veux dire le dégoût des lettros chrétiennes et surtout do l'Écrituresainte* Écoutons un des plus profonds ascétiques duseizième siècle, un de ces hommes de Dieu dont parole fait autorité.

« La sagesse du monde, dit le père Louis de Grenade, enfle îe cœur do vanité; celle de Dieu Tonflamme de charité. Si donc, lorsque Dieu m'enseignlui-môme par sa parole, je me détourne de lui pourrecourir à des maîtres du siècle et de la terre, ne fais

je pas injure à ce divin maître? Ne méprisé-je pasa doctrine lorsque je la considère moins que celldes hommes, que je préfère à la sienne? Si le nombre des personnes qui tombent dans cette erreur

n'était-pas si grand, il y aurait moins sujet de s'enplaindre. Mais que dirai-je quand presque tout lemonde vit de cet abus? On dit qu'au détroit de Magellan, d'ordinaire, de trois vaisseaux il s'en perd unmais dans ce détroit dont nous parlons, à peine decent y ena-t-il un de sauvé.

» Combien le mondea-t-ilaujourd'hui d'étudiants,pendant que Jésus-Christ a si peu de vrais disciplesÀ peine ont-ils commencé à ouvrir les yeux pou

connaître Dieu, qu'ils s'abandonnent aussitôt à lalecture des philosophes et des lettres humaines, odurant plusieurs années ils n'entendent pas le nom

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CHAPITRE QUATRIÈME. 79

ni une seule parole de Jésus-Christ. Nous devrionstenir ces éludes pour une grande plaie et un grandmalheur de notre vie, principalement si nous considérons ce que dit saint Grégoire do Nazianzo, quetoutes les sciences et les raisonnements des païenressemblent aux fléaux et aux plaies de l'Egypte

qui sont entrés dans l'Église pour la punition denos péchés! . »Mais le sujet de sa plus grande douleur, aussi bien

que do la nôtre, est de voir qu'au lieu de réserverpour un Age plus avancé l'étude des choses païennes, on abreuve l'enfance de ce lait empoisonné« Que si, continue ïc pieux et savant auteur, lamisérable condition de notre siècle nous réduit àcette nécessité, il faudrait au moins attendre un

temps plus propre, et prendre garde que le bâtiment des vertus fût auparavant si bien établi encelui qui commence, qu'il pût aisément supportercette charge. Mais qui peut voir sans une extrêmedouleur que lorsque l'âme est encore tendre et qu'un

jeune homme ne fait que commencer à goûter ldouceur du lait de Jésus-Christ, on le retire de sesmamelles pour l'attacher à celles des philosophepaïens, où il ne trouve point d'autre pâture que des

arguments et des sophismes? Car, dites-moi, je vousprie, qu'est-ce que cela, aie bien considérer? sinon1 Traité de l'Orafaut, part. II, § 8, c. iv.

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80 LÀ RENAISSANCE

faire la mémo chose que faisait ce cruel Pharaonpour détruire le peuple de Dieu, quand il commandaqu'aussitôt qu'il naîtrait un enfant mâle on le submergeât dans les eaux du Ni). N'est-ce pas ce qunous voyons en ce temps, où à peine une âme commencé à renaître en Jésus-Christ et avant qu'elle

ait pris quelque force en ce nouvel ôlre qu'elle areçu, on la plonge dans ces eaux où elle se noie eoù elle perd tout l'esprit de dévotion qu'elle avaitdéjà conçu1 ? »

L'étude du paganisme n'éteint pas seulement lapiété et l'esprit chrétien, il appauvrit encore la raison et crée des générations d'utopistes. C'est ce queremarquait, il y a plus de trois siècles, BalthasarBonifacio : « Dans les écoles d'aujourd'hui, écrit c

profond penseur, nos enfants deviennent archifous pueii nostri hodie in scliolis slultissimi fiunb,parcequ'on ne leur apprend rien qui soit applicable ànotre état actuel. Nous croyons avoir fait pour euxun chef-d'œuvre, quand nous leur avons donné,comme dit l'Apôtre, des maîtres qui leur chatouillent les oreilles et dont l'enseignement détourne leuentendement de la vérité et les passionne pour lefables :À verilate guidera auditum avenant totoquanimo ad fabulas convertantur*.

1 Traité de l'Oraison,part. II, § 8, c. iv, 2 Hist. Ludicr,,lib.III,c. xvu, p. 404.

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CHAPITRE QUATRIÈME.

1 Mémoires de Saulx-Tavannes,etc.XU. 6

Dégoût du Christianisme, appauvrissement de laraison : double effet de l'étude des auteurs païens.Il en est un troisième. Cette élude remet en honneur les théories révolutionnaires de l'antiquité etconduit au régicide. Un des plus grands hommesd'État du seizième siècle, le maréchal de Tavannes

s'en inquiète et il écrit : « Les traductionsd'Hérodote, Plutarque, Appien, Tite-Live,ont aidé à fomenter les guerres civiles en Europe. Tel eût vouluêtre César pour renverser ou changer l'état des républiques; un autreBntius, Timoléon,pour tuer lestyrans; un autre pour entreprendre mieux queSpœrtactês et Sertorius1 »

Avec sa vieille franchise gauloise, Montaigne déclare nettement que l'enseignement classique rnnd

l'Europe païenne. « À la mode de quoi nous sommeinstruits, dit-il, ce n'est pas merveille si les escolieret les maistres n'en deviennent pas plus habiles,quoiqu'ils s'y fassent plus doctes. De vrai, le soin ela dépense de nos pères ne visent qu'à nous meublela tôle de sciences. Du jugement et de la vertu, pede nouvelles. On nous a choisi pour notre apprentissage, non les livres qui ont les opinions les plusaines et les plus vraies, mais ceux qui parlen

le moilleur grec et lalir; et parmi ces beaux mots

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82 LA RENAISSANCE.

on nous a fait couler les plusvaines humeurs de l'antiquité \ »

Avons-nous dit, et tous ceux qui avec nous protestent contre renseignement païen ont-ils dit autrechose? L'expérience n est-elle pas la triste justification de leurs paroles et des nôtres?

1 Essais, etc.

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CHAPITRE V

SEIZIÈME SIÈCLE.

Le concile de Trente. — Son programme d'éludés. — II ne parle pas deauteurs païens. — Silence éloquent. — La septième règle de l'Index— Expurgation des auteurs païens, postérieure an concile. — SainCharles. — Sa conduite. — Le père Cnrei. — Usagediscret des auteurs païens. — Lutte contre la Renaissance. — Pic de la Mirandolc. — Fabricius. — Crispo. — Budée. — Comme Érasme, il prteste contre la Renaissance qu'il a encouragée. — Ses effets : ldégoût des études chrétiennes, l'indifférence en matière de religionl'impiété, le sensualisme. — Vanité de la beauté litlérairo dn Paganisme. —C'est un piège de Satan. — Justes inquiétudes de Budéesur l'avenir.

La papauté qui, par l'organe d'Adrien YI et dePaul II, s'était empressée de réagir contre le Paganisme, convoque le concile de Trente. L'objet principal du concile est de combattre les hérésies et dréformer les abus. Des nations entières ont fait fausseroute; pourquoi? Parce qu'elles ont été conduitespar des aveugles. La tenes'est corrompue; pour

quoi? parce que le sels'est affadi. D'où viennentcet aveuglement et cet affadissement?L'éducation fait l'homme et l'homme la société*

6.

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84 LA RENAISSANCE.

Mieux que personne, l'auguste assemblée connaît ceaphorisme. En conséquence, son attention se porttout spécialement sur l'éducation de la jeunesse cléricale, qui doit devenir le sel de la terre et le guiddes générations. Rappelant l'expérience de tous lesiècles, le concile part de ce principe quo la jeu

nesse est naturellement portée au mal, cl que sanune éducation parfaitement chrétienne, qui la formeà la vertu dès les plus tendres années,a teneris an-nis9 c'est une espèce de miracle de la toute-puissancede Dieu, si elle persévère dans la régularité de la viecclésiastique :Nunquam perfecte, oc sine maximac singulan propemodumDei omnipolenti auxilio, indisciplinaecclesiastka perseveret 1.

Quelle est, en conséquence, l'éducation prescrit

par le concile? La même qui a été prescrite de toutemps dans l'Église, et notamment par le concile dLatran : c'est sur la base immuable de la traditionque les Pères de Trente appuient leur décret. Quelleétudes sont ordonnées pour les jeunes clercs? quelauteurs indiqués? ails étudieront, dit le concile, lagrammaire, le chant, le corn put ecclésiastique, eautres bonnes sciences; l'Écriture sainte, les livresecclésiastiques, les homélies des saints *. »

1 Sess. XXIII, c. xvin. —1 Grammalices, canlus, compuli ec-clesiastici aliarumquebonarum artium disciplinam discont: SacivmScripturarc, libros ecclesiasticos, homilias sanctorum.(Ibid.)

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CHAPITRE CINQUIÈME. 85

Pas un mol des auteurs païens. Pas plus que leconcile de Latran, le concile de Trente ne daigneles nommer. Ce silence ne vous parait-il pas cloquent? Le concile veut une éducation qui opposeune digue aux passions naissantes de la jeunesseune éducation qui dès les plus tendres années forme

le cœur à la piété et à la religion,adpietatem et re-ligiomm; et il n'indique, comme livre déclasse,aucun auteur païen! Est-ce une preuve qu'à ses yeuxles auteurs païens opposent une digue aux passionde la jeunesse, etforment le cœur à la piété et à lareligion?

Ce n'est pas tout. Si, comme quelques-uns le prétendent encore aujourd'hui, les auteurs païens sontindispensables pour former l'esprit et le goût de la

jeunesse chrétienne;s'ils sont les vrais et même lesseuls bons modèles de littérature, d'éloquence et dopoésie, par conséquent la source nécessaire ou dumoins la plus féconde du développement intellectued'où vient que le concile n'en a pas encouragé l'étude? D'où vient que, dans son plan d'éducation ecclésiastique, il ne nomme que dos auteurs chrétiensL'auguste assemblée a-t-elle donc voulu constituele clergé dans un état permanent d'infériorité, en

négligeant de lui recommander, de lui indiquermême le vrai moyen de porter le sceptre dans la république des lettres, comme il le porte dans l'Église?

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86 LÀ RENAISSANCE.

Pour le compter parmi nos ancêtres, vous voudriez que le concile eût protesté plus directemencontre l'étude classique, suivant nous si funeste, deauteurs païens. Une pareille prétention n'est fondéeque sur l'ignorance de l'histoire. A l'époque duconcile de Trente, l'étude de l'antiquité par les en

fants ne faisait que commencer; elle était seulemenlocale: on ne pouvait encore en connaître les effetsLe programme généralement suivi pour les classeinférieures était le programme traditionnel, consacréde nouveau par le concile de Latran. Érasme, Ra-mus, Budée, Philelpbe et cent autres attestent quece fut de leur temps, qu'on commença d'introduireles auteurs païens dans les classes de grammaireOr, cette introduction fut lente à s'accomplir *.

Toutefois, rien n'échappe à la sollicitude de l'auguste assemblée. Elle connaît le nouvel usage qui s'introduit, et, dans la septième règle deY Index,elle défend expressément de faire étudier aux enfants, souquelque prétexte que ce soit, les livres lascifs ou obscènes du Paganisme :Nulla tamen ratione pueris

pmlegendi erunl.Or, c'était défendre à la fois presque tous les auteurs de l'antiquité, attendu que

i Quant à l'étude passionnée de la philosophie et de la poéspaïonne, qui ne faisait dans les cours supérieurs des Universitle concile de Trente n'en parle pas, attendu qu'elle avait été rprouvée par le concile de Latran, dont la réprobation subsistdans toute sa force.

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CHAPITRE CINQUIÈME. 87

presque tous traitent, racontent, enseignent deschoses lascives ou obscènes :Tractant> narrant aut docenL

Le texte, il est vrai, porteecoprofesso.Mais pourtomber sous la défense, il n'est pas nécessaire, cnous semble, que d'un bout à l'autre le livre traite,

raconte, enseigne directement des obscénités. Isuffit qu'il le fasse dans plusieurs de ses partiessous une forme ou sous une autre. La sollicitude dl'Église pour la conservation de la foi et des mœurde la jeunesse, n'aulorise-t-elle pas celte interprétation? Nos adversaires eux-mêmes ne la prennentils pas pour règle de leur conduite? A l'heure qu'ilest, nous aimons à le croire, les plus intrépidesne voudraient pas qu'on se servît, dans les clas

ses, des éditions complètes des poètes païens, emême d'un bon nombre de prosateurs. Cependantle concile n'a point fait de distinction; il n'a pointparlé d'auteurs expurgés,puisqu'il n'y en avait pointalors1. Il ne prévoyait pas qu'on aurait l'idée, pour

1 a Ce fut, dit un savant moderne, après le concile de Trenque, pour concilier sa défense avec l'enseignement de la belle atiquité , on imaginad'expurger les écrivains grec* et latins* otd'enmettre desextraits seulement entre les mains des enfants. Jusquelà, on ne connaissait pas le remède de l'expurgation. La preuest péremptoire. Eu admettant, comme plusieurs voudraientl'insinuer, que le moyen âge ail mis, non des manuscrits, cequiétait de toute impossibilité, mais des fragments de manuscr

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88 LA RENAISSANCE.

faire admirer leschefs-d œuvrede r antiquité, de les

mutiler et d'en voiler certaines parties. Il a purement et simplement défendu de faire étudier auxenfants, non pas les passages des livres, mais les livrequi res lascivas Iraclant.

Ainsi, l'usagediscret des autours païens, qu'on a

tant invoqué dans la grande question des classiques, est, commeY expurgation hl'usage des enfants , une invention postérieure au concile, et sulaquelle il n'a point ou à se prononcer. Nous serions d'ailleurs curieux de savoir ce que nos adversaires entendent par l'usage discret des auteurspaïens. Saint Charles, qui avait le malheur del'ignorer, mais qui probablement connaissait assezbien la pensée du concile de Trente, s'empressa

une fois rentré dans son diocèse, de bannir lesauteurs païens de l'enseignement littéraire. Plusieurs saints évoques imitèrent son exemple. « Iltentèrent, dit le Père Curci, d'abolir dans los écolesl'usage des classiques païens, do peur que les âmeneuves des jeunes gens ne fussent trop imbued'idées païennes1. »

païens entre les mains des enfants, esUiï croyable qu'il ley ait mis sans correction, sans expurgation'? Or, le premier d

ces manuscrits expurgés est encore à découvrir. »1 Réponso au(kmità modemoLa crainte, hélas! trop fondée,

de voir la jeunesse milanaise prendre le chemin des universit

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CHAPITRE CINQUIÈME. 89

Appelez-vous discret l'usage qu'on a fait des auteurs païens, avant et après le concile de Trentedans l'éducation de la jeunesse? Cet usage discrea produit le Rationalisme, comme le dit M. Cousinle Protestantisme, comme le disent Jurieu et Méianchthon; le Césarisme, comme le dit Machiavel; l

Voltairianisme, comme le disent Mably, Voltaire eMontesquieu; la Révolution française, comme elle-même le proclame: il a paganisé l'Europe, commle dit le Pore Grou, de la Compagnie de Jésus; ia ressuscité et il perpétue dans le monde modernles antiques théories de la démocratie et du régicide, comme le confessent tous les révolutionnairede nos jours. Est-ce là votre usage discret? Il seraittemps de le dire. Jeter dans la discussion des termes

vagues, ce n'est pas l'éclairer, c'est l'embrouiller.Le moyen de s'entendre est de définir les mots. Enattendant que cela vous plaise, je continue.

La Renaissance rencontre partout une vive opposition. Pic de la Mirandole, l'oncle, réclame aveénergie contre la rupture de la chaîne traditionnelledans l'enseignement. Georges Fabricius déclarequ'envoyer les enfants à l'école des auteurs païens,

et (Ic3 gymnases protestants, où régnaient Homère et Virgile, contraignit saint Charles à modifier son premier plan. De là, le mlange qu'on trouve dans ses programmes d*é»udcs. —ÂcteccL Mediol, t. I, p. 3, 72, 73,472,720; t. II, p. 860.

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90 LA RENAISSANCE.

c'est commettre à leur égard le péché de scandaleanathématisé par J.-C. « Et nous aussi, dit-il, noustenons pour inutile et pernicieuse,imUilcm et perni-ciosam,cette éducation qui polit le langage et corrompt les âmes,in qua excolitur sermo, corrumjri-tw animais ; une éducation qui no donne à la sociét

que des bavards élégants et des impies *. »A Rome, avec l'approbation et les éloges de l'au

torité, Je célèbre Crispo dénonce la Renaissancecomme la première cause des maux de l'Europehinc nostri prima mali labes.Après avoir protestép l u 3 hautement que nous-même contre l'engouement pour le Paganisme : « Il faut, dit-il, se servides auteurs païens comme on se sert de la vipèredont on emploie la tête écrasée pour guérir sa mor

sure : Remedium bestiœ earnem adhibere*. »A la cour même de François Ie r, il se forme uneligue puissante, pour chasser les païens et les reléguer dans les ténèbres où le moyen âge les avalaissés. Des docteurs illustres par leur science epar leurs vertus sont à la tête de la réaction. Leshumanistes s'en émeuvent. Avec une habileté donils ont légué le secret à leurs successeurs, ils intrguent; ils feignent des alarmes sur la conservation

des lumières; ils ameutent la plèbe classique. Dan1 Poek. veter, etc.Praef.p. 4. —2 De ethnicià pbii. caute le-

gend. 4594.

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CHAPITRE CINQUIÈME. 94

un langage qui n'a pas changé, ils appellent leursadversaires des quidams pervers,perversi quidamhommes ;des hommes dignesd'une haine et d'unblâme exceptionnels :Majore odio digni graviusqueviluperandi1.

Grâce à leurs clameurs, les voix prophétiques ne

sont pas écoutées; mais elles ne continuent pas moinsde se faire entendre. A celles des évoques et dethéologiens, les laïques les plus éminents joignenleurs réclamations. Parmi les hommes de premiermérite qui prévirent le terme fatal où mènerait l'Europe, l'étude passionnée des auteurs païens, il enest un dont l'opinion a d'autant plus de poids, quelui-même avait été, comme Érasme, un ardent promoteur de la Renaissance.

Dans un ouvrage célèbre, fruit de l'expérience ede la réflexion, voici les graves avertissements qu'donne à François Ie r, à la France, aux nations modernes : a Je regrette, dit-il, d'avoir si longtemps négligél'étude des lettres chrétiennes. Il est nécessaire defondre ensemble l'enseignement littéraire et l'enseignement philosophique chrétiens; autrementles ouvragesd'esprit ne sont qu'un commerce de mots, une sorted'étalage et de foire ridiculed'idées creuses. Il ne

faut pas s'arrêter à la rudesse apparente du langagechrétien, et se laisser rebuter par son aspect sévère;* Dion. Lamb. PneL ad Car. ix.

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n LA RENAISSANCE.

en pénétrant plus avant, on y trouvera des trésorsde beauté et d'élégance. La littérature chrétienne estune chaîne d'or qui descend du ciel sur la terre,pour nous attirer en haut.

» Il est urgent d'opérer une réforme dans l'enseignement, en faisant passer l'élude des lettres chré

tiennes avant celle des auteurs païens. S'il en esautrement, nous périrons; car nous oublierons la sagesse chrétienne. Or, celte sagesse est la seule vraila seule indispensable, la seule qui conserve tout cqu'elle touche, les mœurs comme les lettres, qui esont l'expression. Voyons déjà ce qui se passe. Comment déplorer assez l'indifférence des lettrés donotre temps, indifférence qui est le résultat du culteidolâtrique des lettres païennes, indifférence qui va

jusqu'à l'impiété et à la négation des vérités fondamentales de notre religion?

» Les idées païennes ont tellement prévalu, que lebeaux esprits raillent la Bible et la dédaignent. Cettedérision de la sainte Écritures'étendjusqu'aux pra

tiques religieuses, à la liturgie. On se moque deproses et des hymnes; on regarde même les psaumescomme des rapsodies. Sommes-nous chrétiens, ouou non? Pourquoi affectons-nous des dehors chrétiens, si notre cœur est païen? S'il est chrétien,comment expliquer notre mépris païen, à l'égard desformes extérieures du culte? L'abus de l'étude

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CHAPITRE CINQUIÈME. 93

des auteurs païens est tel aujourd'hui, que deshommes à la plume élégante, humanistes de premierordre, ne cessent d'injurier et de railler le dogmede la liberté humaiue et ses défenseurs. Ils affirmenqu'il n'est fait mention du libre arbitre et do la justice divine dans les livres de théologie, que pou

rire et par manière de jeu. Ces stupidités leurplaisent tant, qu'ils les répètent dix fois et centfois.»

Avecla supériorité du génie qui voit de loin, parcequ'il voit de haut, notre illustre aïeul dénonce àl'Europe chrétienne le retour do l'élément païen,comme la source de tous les maux que l'histoire adepuis enregistres. « Dieu sait, ajoute-il, de queldésastres nous sommes menacés. Le culte exclus

des païens amène l'ignorance des bonnes études etue les vertus. Il faut employer des moyens énergiques, pour conjurer les périls imminents que toutchrétien prévoit. Si, au mépris de toutes les gloireet de toutes les beautés religieuses et littéraires duchristianisme, on parvient à nous faire adopter lasagesse païenne, si on ramène nos mœurs à la pratique de l'antiquité, que deviendra la cité de Dieu?Une immense officine de licence sans frôin, l'asi

de volontés sans règle, ou plutôt un foyer de voluptés, un mauvais lieu plein de prostitutions, unassemblage de tous les vices. C'est là que tend e

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M LA RENAISSANCE.

nous mène la sagesse païenne, c'est vers ce buqu'elle dirige tous ses efforts1. »

Et aujourd'hui des prêtres osent appeler la Renaissance, qui a remis en honneur la sagesse païenneun magnifique mouvement !

« Hélas! continue le grand homme dont nou

ferons bientôt connaître le nom, ce n'est pas unecrainte chimérique. La chose est déjà faite en grandepartie. Le christianisme n'avait pas seulement enseigné aux hommes des vérités divines et jusqu'alors inconnues, il leur avait encore fait désapprendrece que le paganisme, fils do l'erreur, leur avait enseigné. Et voici que le monde ingrat revient à soantique ignorance, et se passionne pour une philosophie et une litlérature fangeuse, épaisse et grossiè

rement matérialiste :Et mundus jam immemor re-volulus est ad luleamque adeo quamdam scientia pinguem et corpulentam2 ! C'est à tel point que la pudeur, la modestie, la charité, la notion du juste etdu vrai ont presque disparu,obtrita sunt. À quoidonc a servi la Renaissance, puisqu'elle fait revivrl'ambition, la cupidité, l'orgueil, la fièvre de toute

* Haec insignia, fcœc décora, hos ritus religionig, si e civilDei persuasio genlium sustulerit, si mores antiquaverint : qnid tnm postca Ecclcsia Dei? Nimirum officina quœdam amplissiperditae licentiae, effrenis voluntatis asylura, plena lenociniorucontubernium, coilegiura ol sodalitas omnium vitiorum. (Lib.

2 Lib. II, p. 94.

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CHAPITRE CINQUIÈME. 95

ces choses défendues et abrogées par le Christianisme: Quidigiiur hellenismi profanitranscription ad Chrislianismicircumcisionem profecit?

Parlant, il y a trois siècles, comme parlent aujourd'hui M. de Montalembert et l'illustre évêque d'Ar-ras : « Les apôtres do la Renaissance, dit-il encore

sont aussi dangereux, sinon plus, que les réforméde notre âge. Ils reconduisent le monde à l'abrutissement. Les idées païennes n'ont fait que des esclaves; c'est au Christianisme que nous devons laliberté. Irons-nous reprendre nos chaînes en nousrefaisant païens? Le Paganisme abaisse l'homme ele rend esclave de mille dieux différents et infâmesle Christianisme veut que l'homme n'obéisse qu a unseul Dieu, père très-bon et très-grand. Les propa

gateurs des idées païennes ont commencé leur œuvrtimidement, en rapsodes d'abord, donnant ce queles anciens avaient dit, et pas plus; puis ils se sonenhardis, et aujourd'hui ils nous débordent de lalettre et du commentaire. »

Quelle a été la cause de leur déplorable succèsL'auteur assigne celle que nous avons nous-mêmindiquée, celle qu'indiquera tout homme impartialet sérieusement instruit : le démon a fait -miroiter

aux yeux de l'Europe la beauté du fruit défendu, etl'Europe s'est laissé séduire. « Et pourtant, dit-il,qu'est-ce, en dernière analyse, que celte beauté de

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OG LA RENAISSANCE.

la forme littéraire, qui fait la principale étude de la jeunesse riche et élégante :Juventulis laulœ et elc-gantis prœripuum sludium?Pas autre chose qu'uneécorce pourrie et vermoulue,putris et vermiculosa.C'est la défroque du vieil homme, que le chrétienne doit pas seulement rejeter, mais fouler aux

pieds: Vetv.sti hommis exuviœ abjiciendœ procul nomodo et deponendœ.C'est un piège tendu par l'oiseleur infernal pour prendre les âmes, piège d'autant plus dangereux que nous le voyons moins, eque même il nous fascine :Plagulœ ab illo qxridemanimarum aucupe in mundo disposilœ... aspectbilis oculis mortalibm1. En attendant, les admirateurs éternels des païens, qui méprisent les lettres chrétiennes sous prétexte qu'elles ne peuven

former à l'art de bien dire, sont des fous qui courent après une ombre: In summa ipsi venantur ina-nitale xtudii, adumbratamque lantum persequente

philosophiam*. »Ce qui alarme le plus l'éminent philosophe, c'es

l'aveuglement de ceux qui gouvernent le mondeUn élément nouveaus'est glissé au sein des nationschrétiennes. Ce ver rongeur mine à petit bruit lesbases même de la société, et alors comme aujourd'hui, nul ne veut le reconnaître. « Si je regarde,dit-il en finissant, ceux qui doivent veiller, assis a

* Lib. II, p. 86.—2 Lib. III, p. m.

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CHAPITRE CINQUIÈME. 07

1 Lib. m, p. m. 2 /)*Iran'itu hellenismi adr.hrù tianismum, in-fol.4G35

X i . 7

gouvernail du vaisseau menace par la tempête, jeles vois plongés dans un profond sommeil, ou étalant dans les chaires et les académies leur individualité et la vanité de leur esprit. Ils encouragent parleur nonchalance les désordres auxquels nous sommes en proie et qui vont toujours croissant. En ce

monde, bien des choses se vendent : renseignemenpaïen est une de ces marchandises. La concupiscence nous fait abandonner le .Christianisme pourretourner au Paganisme; mais on aura beau faire,on végète avec l'ambroisie, on ne vit qu'avec laforte nourriture de l'Évangile!. »

Est-ce un tableau du seizième siècle ou une esquisse de portraits contemporains? C'est à s'y méprendre.

Telle est l'analyse rapide de l'ouvrage, dont le titreseul renferme toute la pensée :De la nécessité de passer du Paganisme au Christianisme*.Si nous l'avions écrit, il n'y aurait pas assez de pierres dansla république des lettres pour nous lapider. Heureusement il n'est ni de nous ni d'un prêtre. L'auteur est un laïque, un membre du parlement deParis, un ambassadeur de France, le plus savantdes nobles et le plus noble des savants; mieux

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98 LA RENAISSANCE

que tout cela, c'estun desporesde laRenaissance:il s'appelle Guillaume Budéel .

Avec celui d'Érasme, cité plus haut, l'ouvragede Budée formeune des plus éloquentes protestations du seizième siècle contre la Renaissanceet ledéplorable onseignement qu'ellea introduit en Eu

rope. Que diraient aujourd'hui ces hommes supérieurs, s'ils voyaient leurs prédictions vérifiéespartant de catastrophes? Quelle serait l'énergiede leursparoles? Comprendraient-ils qu'onosetraiter de novateurs ceux qui sont les échos affaiblisde leurvoix, et quisignalentle sinistre épanouissementdumal dont ils ontentrevu la cause?

1 Dansson (raité De studio UUerarum^Budéoest, s'il estpossible,plus énergique encore.Il appelleinepte it dégoûtante, inep-

tum et putidum,la méthode* dos lettrésquivont chercher danslesauteurs païensles grâcesdu langage dont toutle mérite est d'infecter le monde chrétiendu veninde l'impiété.

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CHAPITRE VI

SEIZIÈME SIÈCLE»

Protestations dans toutes le«t classe» de la société. — Loisel. — Bernade la Rocheflavin. — Wimphcling. — Protestations en France, — Lcélèbre docteur Gabriel du Puy-Iïcrbault.— Il signalp avec précisionet énergie l'origine du mal. — Son étendue. — Sa cause. — Son remède. —11 semble avoir «cril pour nous.

Il faut toute l'ignorance de notre siècle pour croireque, dans notre grande lutte cQntre le Paganisme

moderne, nous sommes sans généalogie, comme faut toute sa présomptueuse vanité pour soutenirque blâmer le système d'études introduit par la Renaissance,c'est injurier l'Église. La vérité est qu'onne change pas en un jour les idées, les goûts, lemoeurs d'un peuple, à plus forte raison d'un monde.Par l'organe des hommes les plus éminents, l'Europe, chrétienne depuis tant de siècles, lutta avecénergie contre l'introduction dela littérature païenne,

delà philosophie païenne, de l'art païen, du théâtrepaïen. La vérité est encore que les hommes les plurecommandâmes par leur orthodoxie et par leur

7.

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400 LA RENAISSANCE.

piété ont blâmé la Renaissance et renseignemendes auteurs païens, tel que nous le blâmons nousmême, sans que jamais il soit venu à l'esprit depersonne de les accuser d'un manque de respect,dont eux-mêmes ne se doutaient pas.

Aux noms déjà cités, nous ajoutons les suivants

Pris à desseindans les différentes conditions sociales,ils montrent l'unanimité de la protestation. Loisel,avocat au Parlement de Paris, rappelle le systèmepédagogique des siècles chrétiens; il dit: « Désiranssurtout nos ancestres, que les enfans prissent leurspremières institutions, non sur les conptes et fabledes payens, ains sur les livres de la religion chrcstienne, ce qui fust cause que les plus beaux espritde la première adolescence de l'Église, firent de s

belles versions grecques et latines des livres et principaux mystères de la chrestienté, désirans y con joindre la cognoissance des bonnes lettres, et lcommettans principalement au soing des gens d'Église1. »

Son illustre confrère du Parlement de BordeauxBernard de la Rocheflavin, signale l'odieuse rupturaccomplie par la Renaissance dans l'enseignementraditionnel el en montre les effets désastreux

« Nous nous adressons, dit-il, à des faux dieuxnous sommes étrangers dans notre propre cité; nou4 Plaidoyer, c!r„, p, 7. Édit. *886.

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CHAPITRE SIXIÈME. 101

abandonnons notre propre patrimoine, c'est-à-direnos traditions, notre histoire, notre religion, pourcultiver le champ d'autrui: Atiemim fundumaramvs>incuîixm familiarem dcserimus1. »

Ce qu'on dit à Bordeaux, on le dit à Strasbourg»Comme son saint ami Jean Geiier, prédicateur per

pétuel do la cathédrale de Strasbourg, le savantWimpheling combat énergiquemcnt les tendancespaïennes de la Renaissance. « Je ne veux pas, ditil, qu'on fasse usage dans les écoles des poêleet des prosateurs païens; ils remplissent les jeunesimaginations de pensées obscènes et de fableridicules. Je demande qu'on les remplace parlesœuvres de Prudence et par différents écrits dessaints Pères. La connaissance des grands auteurs

chrétiens est plus propre que toute autre, à donneràl'intelligence le développement désirable, et lorsqu'il s'agitd'éducation, le fond doit toujours l'emporter sur la forme9. » Dans cette grande lutte, Wimpheling est soutenu par Beatus Rhénan us et par d'autres savants non moins dévoués à l'Église.

Avant d'aller plus loin, on nous permettra deplacer ici une observation, dont le bon sens catholique appréciera1 importance. Parmi lesapcWcsou

1 Treize livres desParlrmenU de Franco, ofc , 4Gî0, i -fa!.2 Voir Histoire du Proteslanfvme en Alsice,par M. de Bu£-

sïerre, etc.

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m LA RENAISSANCE.

les admirateurs de la Renaissance, nous n'avonspas jusqu'ici rencontré un seul homme de Dieuun saint. Il nous semble que ce fait laisse à penserLa suite de notre généalogie lui donnera une signification plus haute encore: continuons.

Le soleil de la Renaissance avait fait éclore, dan

les lettres, des nuées de Catulles, de Tibulles, dPélrones et d'Anacréons; dans la philosophie, degénérations de rationalistes, de panthéistes etd'épicuriens; dans les arts, des myriades de peintres,de graveurs et de sculpteurs, dont l'œil contemplavidement les obscénités païennes, et dont la mailes exprime avec une lubricité nouvelle. Mœurscroyances; institutions religieuses et sociales, touchancelle dans la vieille Europe, ébranlée par l

torrent impétueux du Paganisme.Comme monumentde son passage, il ne laisse après lui qu'une corruption sans exemple dans les annales des peuplechrétiens. En face de ce mal inouï, terrible présagde malheurs incalculables, des voix courageuses ncessent de se faire entendre pour signaler le dangeet dénoncer à l'Église et à la société, la Renaissancet son enseignement.

Une des plus éloquentes est celle du célèbre Ga

briel du Puy-Herbault(Gabriel Pidhcrbœus),docteurde Sorbonne, controversiste puissant, le marteau duProtestantisme, une des gloires catholiques du sei

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CHAPITRE SIXIÈME. 103

ziômo siècle.Ce grand homme, à qui une longueexpériencedes âmes1 révèle toute la profondeurde la plaie, pousse aussilo cri d'alarme et figuredans notre généalogie commeun de sesplus brillants anneaux. Se trouver, à trois siècles d'intervalle, en complète harmonie avecde pareilles intel

ligences, absout de bien des reproches, consoledebien des peines. L'ouvrage2 dont nous allons citerquelques extraits,est aussipeu connu qu'ilest important : effet palpablede cette conspirationdu silence dans laquelleles renaissants de toutes lesépoques sont maîtres passés. L'auteur décrit l'originedu mal, sonétendue, sa cause et sonremède.

Signalant le foyer primitif de la Renaissance:<( Plût à Dieu, s'écrie-t-il,que lesItaliens eussent

gardé pour eux leurs marchandises, leurs onguentset leurs livres! Nous devons beaucoupdechosesauxItaliens, maisil en estbeaucoup que nous voudrionsne pas leur devoir. Toute leur littérature respirelePaganisme.Il estde bon goût, parmieux, de ne redire que deschoses profanes,de nechanter quelesdieux et les héros vermoulusde l'antiquité. Lessaintes lettres sont dédaignées chezeux, à telpointque les chefs-d'œuvre mômedesPèrss leur sont in-

1 11 occupa les différentes chairesde France pendant quaranteans.

* De tollendis etexpungendfs malis libris, 4549, in-8°.

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m LA RENAISSANCE

connus. Tout ce qu'ils ont do génie et d'argent, ill'emploient à ne laisser ignorer à l'Europe aucunedes infamies des auteurs païens : JVeapud sordidosscriptores quicquam ignorarcmvs. »

Après avoir nommé, comme nous, ce? milliers drenaissants italiens, dont les uns, prêtres, religieux

évoques mémo, passent leur vie à élucider les épgrammes de Martial, les infamies de l'Ane d'ord'Apulée, les priapées de Virgile ou à relever leautels de llomulus; il en cite un qui, dans son fanatisme païen, s'écriait : 0 heureux Virgile! qui n'aspas eu à mettre dans tes vers les noms de Pierre ede Paul : 0 te felieem,P. Maro, cui non fuerit incarminé Petrtis aut Pauhts inscrendm!« Et moi,reprend du Puy-Herbault, je m'écrie : « 0 homme

en délire! tu crois donc que les gestes des dieuxdes héros et des hommes, prodiges de scélératesset d'infamie, sont plus propres à la poésie que lechoses saintes et les gloires du Christianisme! »

Cependant les doctrines païennes, grâce aux intelligences qu'elles ont dans le cœur de l'hommegagnent comme !e cancer : « Elles se traduisent, dil'illustre docteur, par des livres, par des spectacles,par ce qu'ils appellent des œuvres d'art. L'Europe,

et surtout la France, est inondée de livres dans lesquels on décrit, sans honte ni réserve, les amoursimpudiques, les feux des amanls, leurs artifices

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CHAPITRE SIXIÈME 405

leurs promesses, leurs caresses, leurs veilles, leurpoursuites, leurs parjures, leurs désespoirs. Chaque

jour en voit paraître de nouveaux, qui se vendendans toutes les villes. Vous les trouvez sur les tolettes des grandes dames, dans les boutiques deartisans, sur les sièges des juges et, s'il faut dire

toute la vérité, dans les temples, jusque sur la chairdes pontifes1 ! f>Ces livres sont tels, qu'il n'est pas une femme

si bien née et si vertueuse qu'elle soit, qui puisse lelire et rester chaste. Non, jamais le monde n'a rienvu de plus impur, de plus obscène que ces tombereaux de pièces de théâtre, de poésies, de chansonqu'on rencontre partout à notre époque.Telle est l'ardeur infernale qu'on met à les répandre, que vous

les trouvez à acheter dans toutes les boutiques delibraires, sur les places publiques, et qu'on les offremême à ceux dont ils provoquent le dégoût: Vénalesvel invïtis et despwntibus viatoribits obtrudunlur.Auxenfants, ils apprennent ce qui est au-dessus de leurâge; du cœur des jeunes gens ils font un Vésuveet jusque sous les glaces de l'âge, ils font ressentiaux vieillards, les ardeurs de la concupiscence. »

1 Alquo adeo, si verum fateri Iicet, in cathedrisponlificMminipsid tctnplis offendas. II cite un évoque qui avait oublié à l'églla pièce de Clément Marot :A majeunesse. Il en cilc un autre quiavait passé son îerops à traduiro lesIlérnnkscYOviàç.

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406 LA RENAISSANCE

Aux mauvais livres se joignent les spectacles« Quelles leçons ils donnent! Tantôt, c'est un jeunehomme qui manifeste les flammes qui le dévorenttantôt, c estun amant qui raconte sos prouesses; tantôt, des prostituées qui accouchent au milieu dedanses et de la musique : commerce perpétuel de

mensonges et de tromperies dans lequel nul droitnulle honnêteté, nulle vertu ne sont comptés pouquelque chose. A cette école, où l'on apprend à nreculer devant rien pour satisfaire Tamour; où Tonmet sans cesse sous les yeux des infidélités conjgales, des serments violés, des haines, dos empoisonnements, des meurtres; où toutes ces chosesont louées, conseillées, enseignées dans tous ldétails de leur exécution :Qua ralione, quo asln per-

fici qnearit;présentées sous des paroles mielleusesassaisonnées de plaisanteries et de bons mots: quelleest la condition, le sexe,rage, qui ne perde sesmœurs : Quem orclinem, quem seœtim, quam œttem non commactilant?

Les tableaux, les statues, la musique, achèvenl'œuvre corruptrice des livres et des théâtres.« Ils necraignent pas d'orner leurs livres infâmes de gravures plus infâmes encore, afin que tout concour

à la corruption. Ce que la nature veut qui soit cachéils le montrent sans pudeur aux yeux de tous, commsi l'œil n'était pas le sens le plus actif et le plus puis

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CHAPITRE SIXIÈME 407

sant pour fasciner le cœur? Us oublient le mot del'Écriture, qui appelle l'œil, la fenêtre de l'âme! Onblâme les iconoclastes anciens et modernes qui ondépouillé les églises de tableaux et de statues, souprétexte qu'ils étaient dangereux pour la foi. Et onne condamne pas, qno dis-je! on paye largement

on encourage par tous les moyens, on fait venir depays étrangers, des artistes en renom qui remplissentles galeries, les appartements, les portiques de statues obscènes et de peintures lascives: et jusque dansles oratoires domestiques, où, sous l'œil du Pèrecéleste, l'âme doit adorer, solitaire, respectueuse epénitente, on se trouve dans un mauvais lieu. Unmauvaise image,, une mauvaise statue, qu'est-ceautre chose qu'une courtisane? Affines constat artes

esse ptetoriam et merlriciam?» Quant à la musique; invoquer, louer, chanterCupidon, l'instigateur de toutes los infamies, et lesautres dieux poétiques qui ont établi la maxime quetout ce qui plaît est permis: tel est le point de dégradation et d'impudence auquel elle est descendue. Ces ravageurs des mœurs publiques,puhUcœdisciplinée vastatores,les musiciens se sont introduitsdans les maisons particulières. A leur école, les jeu

nes garçons et les jeunes filles, à peine détachés dla mamelle et sachant à peine balbutier, apprennent le mal. Les jeunes vierges, à chanter sur la gui-

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LA RENAISSANCE

tare des versoù respire le délire de l'amour, et à plierleurs jeunes corps aux mouvements voluptueux de ldanse. Elles connaissent Vénus, F Amour, les Muééchevelées, avant de savoir ce qu'est Jésus-Chrbtle royaume des cieux, l'Évangile.... avant môme dsavoir s'ils existent!

» Ce qu'il y a de plus étrange, c'est la curiositévraiment fanatique des parents pour toutes ces choses. Les malheureux ! ils croient avoir rempli tousleurs devoirs, quand ils ont dépensé beaucoup dtemps et d'argent, pour faire apprendre à leurs filstoutes ces coupables fadaises, et à leurs filles à danser et à chanter mieux qu'il ne convient à des femmes bon notes :Quo virgines suœ cantate saltarcqwdoclius calleant qvam probis convoitât. »

Rien n'est changé. A la permanence des effetsreconnaissons la permanence de la cause. D'où venait au seizième siècle, et d'où vient aujourd'hucelte invasion du Paganisme avec toutes ses corruptions ? « De l'éducation, s'empresse de répondrenotre illustre aïeul :Ita educati sumus.C'est à elleque nous devons le dégoût de tout ce qui est bonV amour effréné de tout ce qui est mal :Ut si qua

juvanl abeanlj inimica tenacius hœreant.Jérôme,

Augustin! que diriez-vous, si vous viviez dans csiècle dont la corruption n'a pas d'exemple! Commevous tonneriez en voyant la face du Christianisme e

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CHAPITRE SIXIÈME 400

de la sociétéboulev3rséede fond en comble: .Si vi*vaut jam et videani hoc nostrosecnlo corruptissimo,inversant omnium rerumscenam !

» Qu'ils sont utiles, qu'ils sont chasteslesauteursqu'on fait étudier; Quales anetorcs, quant gravesquamque pudicos proponunt ediscendos!El pourtant

ces auteurs sontlesvrais professeurs,nam et ht ma-gistri sunt: muets quandon les lit,parlant quandun autre lesexplique: Mntisi per te legas, et vocales si de aliis audias.A leur école,les jeunesgen3ontplus besoinde pédagogue, quede guide dans n'importe quel chemin. C'est pourquoije serais d'avisque l'étudedu grand nombre, quelque habiles qu'ilssoientou qu'on lessuppose dans l'artde bien dire,fût sévèrement interditeaux enfants. Excepté l'élé

gance du style et le talent de l'invention, on n'ytrouve absolument rienou à peu près, nihil om-nifio vel parum admodum, qui non-seulementne soitindigne d'êtrelu, mais encore quine mérite le fouetet le feu. Ah! sipour chaque impertinenceces au

teurs recevaientun soufllet, leur corps entier ne serait qu'une plaie livide.»

Disant il y a trois sièclesce que nous avonsditnous-même, l'éloquent défenseurde notre causeajoute que les générations de collège, abreuvéesaux citernes empoisonnéesdu Paganisme, répandent autour d'elles la corruption. C'est ainsique

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440 LA RENAISSANCE.

l'Europo a été pervertie « Les jeunes gens, dit-ilapprennent l'art de l'adultère en l'étudiant dans lesauteurs païens, et tels qui sont venus chastes à leurleçons, s'en retournent corrompus :Pudiciprocesse*runt; impudici revertvntw.Ils ruminent ce qu'ils ontentendu, ils le racontent; et c'est merveille de voi

quel foyer de vices il couvent en eux-mêmes, allument dans les autres, lentsà toute vertu, promptsà .tonte sorte de mal :Ad virtutem tardif ad omne facinusveloces ! »

Après avoir signalé le mal dans son origine, danses ravages et dans sa cause, le grand docteur enindique le remède. Ce remède est le môme qunous avons indiqué ; quelques extraits irréprochables des auteurs païens et l'introduction très-large

des auteurs chrétiens. « Qu'on choisisse, dit-ilparmi les poctes ceux qui sont chastes, ou du moinqu'on fasse des extraits dont l'étude soit sans péripour la jeunesse :Eœcerpantur guœ pueris prœkgituto possint 1. »

1 Voilà ce que la religion, la société, le bon sens réclament dpuis quatre siècles; et voilà, qu'il nous soit permis de le dire, qui n'a jamais été fait que par nous, dans nosdeux volumesde

classiques païens. Non, les auteurs païens actuellement en usane sont pas expurgés comme ils devraient rétro et dans le sede l'Encyclique du 21 mars4853. Quoi! on ose parler d'expurgation suffisante, quand à l'heure qu'il est, et pour no citer qu'exemple, Yirgilo tout entier est entre les mains de toute la je

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CHAPITRE SIXIÈME. *U

Toutefois, l'usage des auteurs païens dans l'éducation de la jeunesse chrétienne n'est pour luiqu'une concession aux tristes nécessités du siècle«Qu'avons-nous besoin, s'écrie-t-il, des auteurspaïens? Manquons-nous do livres, soit en prose, soien vers, dans lesquels la pureté dos mœurs, l'inté

grité de la foi, la piété, la sincérité de la doctrinemarchent de pair avec les grâces de l'élocution ela richesse du style? Ev œquo certant sermonis deli-cite ac lauliliœ dicendi?.D'où vient cette invasion delivres étrangers et pestilentiels dans l'Église?Quor-sum igittir lot libri a&cititii, tampestilentes in Eecle-siam irrepunt? Est-ce que nous n'avons pas abondamment dans la littérature chrétienne de quoi nousinstruire et nous délecter? Pourquoi, je le demande,

chercher des fleurs, quand nous avons les fruitssous la main? Quid, te qwno, flores reposcimus,qunm fructus sit ad manum ? »

Rappelant l'Europe égarée à l'esprit des Constitutions apostoliques, c'est-à-dire tout ensemble àl'aversion pour les livres païens et à l'amour pournos trésors de littérature chrétienne : « Prenonsdonct s'écrie-t-il, aimons, ayons sans cesse dans

liesse des collèges et des petits séminaires de l'EuropeI Virgile,qu'Ovide place dans sa bibliothèque de séduction, comme un auteurs les plus propres à corrompre les mœursI Et vous dormeztranquilles!

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412 LA RENAISSANCE.

les mains les saintes Lettres. Éloignons-nous des cternes fêlées, puisque nous avons près do nous lfontaine d'eau vive qui rejaillit à la vie éternelle Cistemas dissipaias neqaœramuSj quumprœsto si!

fons vivu$; scatmiens in vitam œlernam.Souvenons-nous du mot de saint Jérôme, ajoute le puissan

écho de la tradition : Aimez l'étude de l'Écriture, et vous n'aimerez pas les vices de la chair Àma scientiam Scripturarum et carnis vilia namabis. »

Rien de plus profond que cette parole. Le Paganisme et les livres païens sont orgueil et volupté l'étude assidue de ces livres, le séjour prolongdans ce monde, développent nécessairement danl'homme cette double passion. Le Christianisme, au

contraire, est humilité et chasteté. L'étude assiduede TÉcriture et de la littérature chrétienne, qui enest l'épanouissement, nourrit et perfectionne cettedouble vertu.

Développant son programme d'études, Gabriel daPuy-Herbault ajoute à l'Écriture sainte, les Pères del'Église, les poêles et les auteurs chrétiens, magnfiques commentaires du livre par excellence.

« Chez les chrétiens, dit-il, l'éducation doit commencer par l'étude des auteurs chrétiens. Autre*ment le monde croira que, comme nous préféronsla littérature païenne à la littérature divine, ainsi

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CHAPITRE SIXIÈME. mnous aimonsles dieux, Jes idoles, les vicesdespaïens, plusque notre Dieu

« Pourquoi ne pasle faire? Qu'avons-nousà craindre? Quelle éloquence dans saint Jérôme! quelle douceur oratoire dans saint Ambroise! que de scienceet de littérature dans saint Augustin! Quel besoin

avons-nousde Cicéron et de César? Qui oseraitpréférer Salluste et Tiie-Live à saint Cyprieu?Voulez-vousdes auteurs-grecs? BonDieu, quellebibliothèque! Chrysostorne, Basile, Grégoire de Nazianze, Eusèbeet une foule d'autres: grands orateurs, grands historiens, grands philosophesetgrands génies, auxquelson nepeut pas plus comparer Démosthène, Lysias, Périclès, Isocrate,Xé-nophon, Platon, qu'un geaià un cygne, une

chouetteà un aigle.« Et pour la poésie, n'avons-nouspas Prudence,saint Avit, Marius Victor,et unefoule d'autres,antiques chantresdenos gloires, dont l'ignorance seuleméprise les immortels ouvrages? Que dirai-jc encore? N'avons-nouspas nos chants sacrés, admirables de majesté et d'onction? N'avons-nouspas,enfin, dos trésors d'éloquenceet de poésie, qu'ilme

1 Nisi voliniu* hominro h c sibi do nobibpcmuasum habcre,quod ut nobis pra);)Oni';rant liutnana cloquia divinis,sic deos,i-JoIa clvitia cthnicis propria, magfe colamus quantDeum, lib. I,p. 68.

XII. 8

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m LA RENAISSANCE.

serait impossible cVénumérer :Quibus ne enumeran-dis qwdcm par esse possm ! »

A Ja vue de tant de richesses foulées aux piedsl'illustre orateur, pénétré de douleur et d'indignation, s'écrie comme nous ; « Quelle est donc celtdémence,quœcrgo vesania est?Aller chercher, pour

élever des enfanls chrétiens, des livres étrangerstout pleins de Paganisme, c'est-à-dire vains, futiles, blasphématoires, et mépriser ceux que nous devrions emprunter si nous ne les avions pas ! Allechercher à l'étranger les poisons les plus actifs, tandis que nous avons chez nous des aliments excelents : Àliuntk asciscere venenatissimos, eum tfomhabeas pleniss^mos bonœ frugis.!Qu'est-ce que cela ?sinon prendre en haine la vie, la santé, le bonheur

et se précipiter volontairement dans la mort: Anhocest aliud quam vitam, salutem feliciiatcmque suacvversari et sponte ad exiktmproperare ?

y>Coupable et malheureuse Europe, sais-tu ce quelu fais? Un monstre couronné, l'empereur Maximin,fit fabriquer des Actes de Pilate dans lesquelsil accumula contre Jésus-Christ tous les crimes, tous lesblasphèmes, toutes les horreurs qu'il est possible d'imaginer. Par un édit public, il ordonna de les ré

pandre dans toutes les provinces de l'empire. Ilvoulut en outre que ce pamphlet abominable, misdans les mains de la jeunesse à la place des autres

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CHAPITRE SIXIÈME.

livres classiques, fût soigneusement expliqué pales maîtres et appris de mémoire par les élèves1.

» N'imitons-nous pas Maximin, nous qui mettonles livres du Paganisme entre les mains des enfants An non cum Maximino sentimus, qui pueris ethn proponimus; qui les menaçons, qui les punissons

s'ilsne les apprennent parfaitement et qui les forçonsainsi à s'éloigner de la religion, en devenant pluvite insoumis et libertins? Jeunes, ils retiennent ;adolescents, ils n'ont rien de plus pressé que de fairece qu'ils ont appris; et toute la vie les maximesperverses que leur a inculquées une répétition fréquente restent gravées dans leur mémoire :RetinetU tenelli, qwd inox cumadoleverint impiété conentur. »

Ce beati travail, qu'il semble avoir écrit pour

nous, l'illustre docteur le termine par cette maximefondamentale, que la littérature chrétienne suffit etau delà aux peuples chrétiens ; et i! invite TEtfropeà répondre aux admirateurs et aux propagateursdu Paganisme ce que les juifs répondirent aux Spartiates : « Nous n'avons besoin de rien ; les livres sacrés que nous avons sous la main nous suffisent Nihil Iwum indigere ui qui ex libris sacm quos hbemus in manibuS; solalium capiamus. »

* Eusob.> lib. IX, c. v clvu.

8

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CHAPITRE VI!

S E I Z I È M E S I È C L E .

Réponse à une difficulté. — Quelques chefs-d'œuvre des latinistes ac

tuels. — Protestations contre la Renaissance et son enseignementen Italie. — Le Père Jean de Saint-Démétrius. — Relie comparaison. — Eu Espagne, le Père Paz, jésuite. — II prouve que Pétudedu Paganisme profane la parole de Dieu, dégoûte de l'Écrituresainte, porte aux études frivoles, appauvritla raison, tue Pesprit deprière, prépare des révolutions.

Les énergiques protestations dont la France retentit, trouvent de puissants échos dans le reste de

l'Europe. Comme leurs devanciers, les moderneschampions de la Renaissance prétendent qu'on nepeut apprendre le beau latin que dans les auteursprofanes; ils vont jusqu'à dire que si le clergé cessaide les étudier, il ne pourrait plus correspondre convenablement avec les Congrégations romaines.

Après celle de M. Thiers, qui affirme que l'antiquité païenne est la plus belle chose du monde, on npas écrit,à propos de la question des classiques, sur

laquelle pourtant un si grand nombre de personnesne se sont pas fait faute de déraisonner, une impertinence comparable à celle-là. La vérité est, comm

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CHAPITRE SEPTIÈME. H 7

dit Érasme, que le seul moyen de bien parler latinaujourd'hui, c'est de parler tout autrement que lesauteurs païens, attendu que le latin païen ne peutêtre le truchement des idées et des choses chrétiennes, à plus forte raison, ecclésiastiques. La véritest que le latin chrétien jouit seul de ce privilège

et que, si nous parlions ou écrivions le latin commsaint Bernard, saint Grégoire, saint Léon, nous serions à justetitre des phénix, partout, môme à Rome.

Il sied bien vraiment d'éloigner la jeunesse, surtout le clergé, de l'élude des auteurs chrétiens,quand soi-même, après avoir étudié pendant huit ansles auteurs païens, on arrive dans unMémoire officielde quelques pages, à commettre jusqu'àvingt"sept fautes de latin; quand, dans un écrit plus solen

nel encore, on appelle les suisses de l'ÉgliseHelve-tiiy desHelvétiens; quand on se fait gloire de parlerlatin dans toutes les occasions et qu'on décore uninscription de deux lignes d'un affreux barbarisme,en donnant à un vénérable chapitre la qualificationà'emcritissimusf quand on est obligé, pour être compris, même des bacheliers, de faire en français laplupart des cours, sans excepter celui de Droit romain ; quand les futurs docteurs en sont réduitsà payer des faiseurs de profession pour rédiger leurthèse latine1 ; quand, dans les examens de philoso-

1 Le tarif est connu : cela coûte 40 francs.

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phie et de théologie, les élèves peuvent à peine dcrocher quelques phrases qui ne sont ni du latinchrétien ni du latin païen, mais une version laborieuse de leurs idées dans une langue inconnueAprès cela, n'est-on pas bienvenu à se montrer délicat, à l'endroit du latin de l'Église et des Pères?

Quoi qu'il en soit deces énormités, et de beaucoupd'autres que nous pourrions citer, l'objection n'estpas nouvelle. En Italie, au foyer même de la Renaissance, un membre illustre de la famille de sainFrançois, la réfuta victorieusement, il y a trois siècles. Comme on peut apprendre une bonne architecture, en étudiant la Sainte-Chapelle de Paris, parexemple, et la métropole de Reims; une bonne philosophie en étudiant saint Anselme et saint Thomas

le savant religieux prouve qu'on peut apprendre unbon latin, en étudiant exclusivement les auteurs ebrétions. Il fait mieux : il montre l'aberration de ceuxqui vont chercher la belle langue latine dans les auteurs profanes, et les avantages d'un ordre supé

rieur qu'on trouve à l'étudier dans les auteurs duChristianisme. Sa thèse, comme on voit, a des rapports avec celle d'Érasme; elle lui parait tellemenimportante qu'il ne craint pas de la développer dansun sermon.

« Un livre classique, dit-il à ses auditeursqui réunit la richesse de la pensée à la richesse

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CHAPITRE SEPTIÈME. 110

do l'expression, est préférable à celui qui napour lui que la forme ou la parole. En effet, laforme est aux livres ce que, dans les amandes, lcoquille est au noyau. Lequel, dites-moi, vaut lmieux, de la coquille ou du noyau? Si on npeut avoir le noyau sans la coquille, quel est celu

qui ne désirerait trouver des amandes, dont lenoyau et la coquille fussent également bons? Voulant donc apprendre le latin, notre plus grand désirdoit être do trouver des livres qui joignenth labeauté de la forme l'excellence du fond. Et, poucontinuer la métaphore, si l'amande, dont le noyauest délicieux, n'avait pas une coquille aussi bellque l'amande vide ou amère, vous en meltriez-vonbeaucoup en peine et votre choix hésiterait-il un

instant? Ne diriez-vous pas : Quand on achète dosamandos, c'est bien plus pour satisfaire le sens dugoût que celui de la vue? Qui agirait autrementvous paraîtrait fou.

» Si donc vous voulez des ouvrages qui serventout ensemble à apprendre le latin et à former l'esprit et le cœur, voua en trouverez en abondancedans les auteurs chrétiens, soit en prose soit en versQui peut nier que saint Jérôme et saint Cyprien offrentce double avantage? Qui peut nier que les Lettres desaint Bernard soient les plus familières, les plus aimablement saintes, les plus utiles qui aient jamais

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120 LA RENAISSANCE

clé écrites? Qui peut nier que les poêles qui onchanté saint François, saint Bernard, l'auguste Eucharistie, soient tout ensemble des modèles d'élégance et des foyers d'inspiration, bien supérieurs auxpoôtes païens? Et si vous voulez dans un seul auteurchrétien et martyr, de la prose et de la poésie, vous

avc2Boëce, que saint Thomas d'Aquin ne craint pasd'égaler à Cicéron pour l'éloquence, età Virgile pourles vers:Nientelimendoson Tomasodi Aqaim <Fag-guagliarlo a Cicéronein prosa et a Virgilio in verso.Croyez-moi donc, laissons de côté, dans l'étude delangues, les auteurs païens qui ne peuvent servir àrien pour la conduite de la vie, et faisons usage deauteurs chrétiens: Ad laudemetgloriam Palris cl Filaet Spiritus Sancti. Amen!.

L'Espagne, comme l'Italie, proteste contre l'envahissement du Paganisme. A la voix du fils de sainFrançois se joint celle du Pore Paz, de la compagnide Jésus. Le grand docteur s'attache particulièrementà dénoncer les affreux ravages que fait l'élude deauteurs païens, même parmi le clergé séculier erégulier. Puisé dans les gymnases et les universités, l'engouement pour l'antiquité profane pénètre dans le sanctuaire et dans les cloîtres, dé

1 F. Giovanni da S. Démetrio, Prediche^ elr. Vcnoaia, ir>f»8.Ouvrage approuvé par los supérieurs do Tordre et par l'Inqusition.

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CHAPITRE SEPTIÈME.

goûte des éludes sérieuses, éteint l'esprit de piétéet, affadissant le sel conservateur de la société, préparc une corruption générale.

Écoutons le nouveau Jérémie déplorant ce malheur, venu de la Renaissance : « A vous, dit-ilmon discours, professeurs de théologie, professeur

d'Écriture sainte et prédicateurs des divins oracles.Combien j'en vois aujourd'hui parmi vous qui, passionnés pour les livres païens, //6mGcntilium nimisaddktos *, mettent de côté l'Écriture et les Pères,raffolent des fables mythologiques, apprennent parcœur les sentences des philosophes, lisent et relisenles histoires profanes et vont sans rougir débitertout cela du haut des chaires, au peuple avide dela parole de Dieu!

» Déjà, dans les bibliothèques d'un grand nombre,inbibliothecismultorum,saint Augustin, saint Jérôme,saint Grégoire, saint Ambroise et les autres Pères nefigurentplus que comme ornement.Lesauteurs qu'ilsachètent pour les étudier sont les poètes, les philosophes, les historiens profanes de la Grèce et deRome:Poetœ veroet gentiles philosophiet profanœ gmco-nm et latinorwnhistoriéead occupationem comparait-lur. En chaire et dans la conversation, les premiers

se taisent; les seconds parlent; ceux-là, effacés do lmémoire, dorment dans leur tombe; ceux-ci osent1 De vit. spirit., in-fol., Luge!,, 4614.

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se montrer jusque dans les discours sacrés ; ceuxque Dieu a choisis pour enseigner sont repoussésccox que l'Église permet à peino :quos Ecclesia vix

pcrmittit*, dans l'éducation de l'adolescence, deviennent les docteurs on Israël. Gomme si, chez lechrétiens, Ovide valait mieux que saint Paul; Cicé

ron était un moraliste plus persuasif que l'ÉvangileHomère ou Sénèque avaient plus d'autorité que leSaint-Esprit?

» Dans l'âge mûr, dans la vieillesse et même danla décrépitude, après avoir étudié les saintes lettreslire de pareils auteurs, les ruminer, les disposer ensermons, les prêcher chaque jour dansles assembléesdes fidèles : quelle excuse peut avoir une semblablconduite? On regarderait comme une irrévérence

sacrilège de placer sur l'autel du Dieu vivant, oùnous offrons l'auguste sacrifice, l'image de JésusChrist et l'image de César; l'image de la sainteVierge et celle de Vénus; l'image de saint Pierre ecelle de Pompée; l'image de saint Paul et celle d'Hé-liogabale; l'image d'un saint et l'image d'un histrion. Pourquoi ne serait-ce pas une faute plus grave,dans l'église, où nous nous assemblons pour entendre parler Jésus-Christ, de citer tantôt Jésus-

Christ, tantôt Ovide, tantôt saint Paul, tantôt Vir-1 Ce ttiœ est précieux; il témoigne de la persistance immuab

de l'esprit de l'Église.

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CHAPITRE SEPTIÈME. 423

gile; et dans le même discours, les prophètes et lepoètes, les évangélistes et les philosophes, les sainet les comédiens?

» Vous le faites, dites-vous, pour expliquer l'Écriture ! — Pour être expliquée, l'Écriture n'a pas besoin d'un genre d'interprétation que les Pères n'ont

pas connu. Le plomb et l'étain ne rendent pas l'orplus brillant, ils le souillent et le ternissent. Voscitations d'auteurs païens n'élucident pas le textesacré, elles l'obscurcissent et rembarrassent.

»—Maisc'estpour attirer le peuple par cet assaisonnement? — Gomme si l'Église n'avait pas danl'Écriture sainte elle-même et dans les Pères, de quoattirer les âmes, sans recourir à ces vils condiments Hisvilissimissaïsamentis indigeat.L'ail peut paraître

sur la table de l'esclave et assaisonner son pain; maisl'ail est banni de la table des rois, à qui il faut desassaisonnements plus relevés. La prédication est latable du grand roi, à laquelle il invite les chrétiensses enfants : et vous y apportez les assaisonnementdestinés aux esclaves! D'où vient cette étrange conduite ? de ce que vous ne connaissez plus la suavitde l'Écriture ; Scriplurœsacrœ suavitatemignoratis.»

Profanation de la parole de Dieu venue de la Re

naissance, comme la profanation de l'art chrétien etde la poésie chrétienne : tel est le premier résultatde l'étude passionnée du Paganisme.Ilen est d'autres

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encore plus déplorables. « Cette élude, continuel'homme de Dieu, dégoûte de l'Écriture sainte etdes lettres chrétiennes; elle entraîne aux études frivoles et, par conséquent, appauvrit la raison. Quipeut dire combien l'étude des auteurs païens éloignedes saintes Écritures :Quiseœplicet quantum isli his

profanis sludiis ah studio divinarum Scripturarumaweentur! L'homme qui aime une courtisane, serefroidit pour son épouse. L'âme passionnée pourles futilités païennes, n'a que du dégoût pour ladoctrine céleste. Peu à peu, elle s'énerve et ne peuplus supporter la majesté des Écritures. Blasée, illui faut des romans assaisonnés d'un sel putride,

pulrido sale conditum remplis de sottises et de vanités : tels sont les livres qui ne quittent pas semains et qu'elle convoite des yeux. »

Continuant de décrire les ravages de cette lèpre,« L'étude dont je parle, ajoute le Père, déplaît àDieu; car elle trouble la tranquillité de l'âme et laremplit d'images vaines, qui la profanent et qui la

souillent. Comment pourrait-elle être agréable àDieu, l'âme qui est le sanctuaire du Saint-Esprit etqui se meuble volontairement de vers profanesd'histoires profanes et de maximes profanes? Cotloétude est un immense malheurpour l'Église, un immense obstacle à la conversion des fidèles \ »

* Sciant tamen hi, istis profanis studiis maximam sanclse E

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CHAPITRE SEPTIÈME. mL'auteur rappelle la sévère correction infligée à

saint Jérôme; puiscomme s'il avait eu mission denous justifier sur tous les points, il dit que cetteélude tue l'esprit de prière et prépare au monde decruels déchirements. Elle tue l'esprit de prière. « Jene sais comment l'admirateur des païens n'a pas

honte, après avoir lu leurs vers ou leur prose, de seprésenter devant son Créateur, de chanterlespoésiesdu prophète-roi, ou de méditer sur la vie de notredivin Sauveur. N'a-t-il pas lu dans saint Paul; Vousne pouvez boire en même temps au calice du Seigneur et au calice des démons? Comment ose-t-ilaprès la lecture d'un livre profane, oulascif,ou peuchaste, aller à la prière et demander le vin de l'intelligence et de l'amour? À mes yeux, celui qui agit

de la sorlo est un effronté; et je sais d'avance qu'iln'obtiendra rien :Satis pwfricatœ frontis est qui hocaudct, et satis mihi compertumest, quod non oblimaL

» Ceux qui se présentent à la prière, l'&me remplie de semblables vanités, trouveront dans le Seigneur un juste juge qui se moquera d'eux. Où sont,leur dira-t-il, vos dieux en qui vous mettiez votreconfiance et votre gloire, dont les victimes vous nourissaient de leur graisse et dont les libations vou

abreuvaient de leur vin? Qu'ils se lèvent et viennentclesiao et conversion! fi leliutn jacluram atferro, quoi alio Ioco profes?o dicemus.

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m LARENAISSANCE.

à votre secours; qu'ils vous tirent de vos nécessitévous repaissent do leurs fictions, vous fortifient dleurs niaiseries et vous remplissent de leurs voluptéscar, n1attendez de moi ni goût, ni amour pour leschoses célestes: vous vous en êtes rendus indignos :

Indignas reddidislis. »

Et de nos jours, des catholiques, des prêtres etmême, dit-on, certains évéques se font gloire de n jamais s'endormir, sans avoir conversé plusieurheures avec Horace et Virgile!

L'esprit païen, introduit danslc3 Ames par l'enseignement, s'y trouve en lutte avec l'esprit chrétien reçu au baptême. Le pieux jésuite voit dansla présence de ces deux éléments, le germe dluttes et de tiraillements intérieurs qui, un jour

manifestés dans l'ordre social, deviendront des révolutions et des catastrophes. « Si dans le sein dRebecca, dit-il, deux frères se combattaient et torturaient les entrailles maternelles, au point de forcer Rebecca elle-même à s'écrier : « S'il devait enêtre ainsi, qu'était-il besoin de devenir mère? » queferont dans Vàme doux doctrines, non pas sœurs,mais ennemies; dont l'une élève vers le ciel, el'autre abaisse vers la terre? Quel miraclo feravivre l'esprit chrétien dans un cœur paganisé parles sales exemples des faux dieux et par les vainefictions des poëtes? Quelle société peut exister entr

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CHAPITRE SEPTIEME. « 7

Jésus-Christ et Béiial, entre la lumière et les ténèbres , entre le fidèle et l'infidèle? Quel rapporty a-t-il entre David et Horace, entre l'Evangile etVirgile, entre les apôtres et Cicéron :Quid fadt cum Psalterio Horalius, cum EvangeliisMaro9 cum ApostolisCkcro? »

Tels sont, au rapport d'un témoin oculaire, lesétranges ravages causés dans le clergé lui-même, la fin du seizième siècle, par l'étude passionnée dPaganisme. Que dirait-il aujourd'hui? Or, cet engouement fanatique pour l'antiquité profane, quifascine et qui corrompt les prêtres même et les religieux, d'où venait-il? Évidemment de l'éducationde collège. Mais si l'étude passionnée des auteurpaïens fait de tels ravages dans des âmes favori

sées de tant de grâces particulières, mûries parl'âge, éclairées par l'expérience: que fera-t-elle, àl4àge des passions, dans l'âme ardente et inexpérimentée de la jeunesse? Ainsi appliqués aux étudede collège, tous les raisonnements du Père Paz deviennent sans contestation des argumentsa fortiori.Ses vénérables confrères en sont-ils convaincus ?

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CHAPITRE VIII.

SEIZIÈME SIÈCLE.

Le Père Posscvin. — La Renaissance et son enseignement; cause «mal. — Remède. — Analyse de laBibliolheca selecta*— Approbation de cet ouvrage. — Le Père Possevin traça le môme programmd'études que nous : l'Écriture sainte, les Actes des martyrs, lesPères, les auteurs païens par extraits, enseignés chrétiennement et

seulement dansles classes supérieures.

Contemporain du Père Paz, et , comme lui,

membre de la compagnie de Jésus, le Père Possevin est encore plus explicite. Avec une grandsupériorité de génie, ii signale l'éducation païenneintroduite par la Renaissance, comme la causedes maux de l'Europe et le principe de sa ruinefuture. Ayant eu plusieurs fois, dans nos différents ouvrages, occasion de citer cet homme éminent, nous nous bornerons à rapporter ici quelques-unes de ses paroles. « L'éducation f?iil tout

dit-il avec Aristote:Non parum sed folum est, quaquisquedisciplina imbuatur apuera. Au milieu mômede Rome, à la vue de leur dispersion , accomplisse

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CHAPITRE HUITIÈME. \Î0

ment palpable des prophéties et des menaces deJésus-Christ contre Jérusalem et contrela Synagogue,en présence des arcs de triomphe, monuments de lavictoire de Titus, les juifs restent juifs. Pourquoi?Parce que dès l'enfance, ils reçoivent avec le laitles doctrines empoisonnées du judaïsme. Opiniâtres

dans leur haine du christianisme, très-rarement ilsse convertissent. Il en est de même des Turcs, deTartares, des hérétiques et des schismatiques : L'éducation fait tout1. »

« Quelle pensez-vous donc que soit la cause redoutable de ce que nous voyons aujourd'hui? D'oùvient que les âmes s'engouffrent dans leurs propresappétits, dans les impuretés, dans les usures, dansles blasphèmes, dans l'athéisme? sinon parce que

dès la jeunesse, dans les écoles mêmes qui sont lpépinières de l'État, on enseigne tout, excepté lapiété. On y étudie tout, excepté les auteurs chrétiens :Si èletiootjnialita cosa che i sincerie crislimiœutori; ou si on y parle quelquefois de christianismetout cela se trouve mêlé avec les choses les plus salet les plus lascives, véritables pestes de l'âme? Àquoi sert, je vous le demande, de verser un verrede bon vin dans un tonneau de vinaigre; c'est-à

dire, d'enseigner un peu de catéchisme chaque semaine et de verser en même temps dans les âmes1 Raggim.y p. J9.

XII. 9

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430 LA RENAISSANCE.

des barils entiers de vinaigre et de vin empoisonné! Après avoir dit, comme nous, que le seul moye

de sauver la sociétéc'est de porter la cognée à laracine do l'arbre, en bannissant de l'éducation leslivres païens, impies et obscènes; comme nous, déclare quec'est là une question do vie ou de mort,

de laquelle dépend le salut du monde: Unode' prin-cipali punli questo, onde dipendala salule delV uni-verso. Puis il met en poussière la fameuse objectiontiréo de la nécessité d'étudier le beau grec et lebeau latin. « Oui, s'écrie-t-il, sous prétexte d'apprendre à la jeunesse le beau grec et le beau latin , vous lui apprenez la langue de l'enfer. Sortisdu collège, vos jeunes gens, devenus magistratsmédecins, négociants, n'importe quoi, oublieron

bien vite les quelques mots de latin qu'ils auronappris ; mais ce qu'ils n'oublieront jamais, ce sontles leçons et les exemples de libertinage qu'ils auront étudiés. Coût passionné pour les lectures dangereuses et frivoles, dégoût pour la parole de Dieupoussé jusqu'au vomissement : voilà ce qu'il leurreste*

Et puis ces auteurs païens, inutiles pour ouvrirles trésors scientifiques de l'Europe, je ne les banni

pas entièrement, dit le Père; mais je ne veux pasquo la jeunesse dépense sa vie à étudier des fablesJe ne veux pas qu'elle étudie les auteurs païens

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CHAPITRE HUITIÈME. 431

avant d'avoir posé les solides fondements de la religion et de la piété, en se nourrissant des auteursqui offrent d'ailleurs toute l'élégance nécessaire:Prima chesiano corroborate conquei sodi fondamentidi piclà) i quali ancora da elegantissimilibri possanoimpararsi. L'étude des autours païens doit être ré

servée pour l'âge mûr,in elà matura, alors que laraison plus développée est capable de distinguer lebien du mal et que le danger est passé. Grâce à cetantidote, les écrivains profanes ne seront plus dessources de poisons, et on ne verra plus les âmesprodigues d'elles-mêmes, se précipiter dans le paganisme pour arriver, en dernière analyse, à se nourrirdes siliques, des épluchures et des écorces de légumes qu'on donne aux pourceaux,che sidanno a'

porci. »Pour achever de porter la conviction dans l'âmede ses auditeurs, le Père Possevin invoque, commnous, en faveur de sa thèse, et l'histoire contemporaine et la tradition tout entière, depuis saint Augustin jusqu'au dernier concile de Latran. Avoirébranlé dans ses fondements l'enseignement corrupteur de la Renaissance, n'est, pour l'illustre championque la première partie de sa tâche : la seconde es

de tracer un programme d'études, tel que le réclamaient alors et que le réclament plus énergiquemenaujourd'hui, la religion et la société. On le trouve

9.

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LA RENAISSANCE

développé dans saBibliolhccaselecla de ratione stu~dionim.

Publiéà Rome en 1592, dédié an pape Clément VIIdont Possevin était l'ami intime, approuvé par lmaître du sacré palais, recommandé par le générade la Compagnie, qui l'appelleopus ad gloriam Dei

perutile, destiné à servir de compendium et de directoire aux jésuites dans l'éducation de la jeunesseet dans leur lutte contre l'invasion des doctrines impies et immorales, sorties par torrents des entraillesde la Renaissance, ce précieux ouvrage réunit touteles conditions pour être regardé comme l'expressionde l'esprit de l'Église et de la Compagnie de Jésusrelativemeut aux études classiques, à la fin du seizième siècle.

Ajoutons que la Bibliothèquen'est pas un morceau oratoire, comme le célèbreDiscoursdu mômeauteur, que nous avons analysé, et dans lequel, fautde raisons pour en infirmer la valeur, quelques-unsde nos adversaires ont voulu trouver les exagérations de l'éloquence. La Bibliothèque est un ouvragdidactique. Il fut composé dans le calme de la méditation, après les nombreux voyages dans lesquelsen qualité de nonce apostolique, Possevin avait été

même de reconnaître les maux et les besoins dl'Église et de la société dans l'Europe entière. Or, leprogramme du Père Possevin est littéralement celui

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Cil APITRK HUITIÈME. 433

que nous avons proposé : mêmes livres, mémo esprit, mêmes précautions. Seulement le savant jésuitrencontra partout des approbateurs, et nous, nousavons partout soulevé des tempêtes : progrès del'esprit chrétien !

Nous avons donné pour premier classique la JK-

bliaparvula. « La première chose, dit le Père Pos-sevin, qu'il faut verser dans l'âme innocente et puredes enfants, c'est la vérité chrétienne, afin qu'ilsconnaissent la source de laquelle les païens ont tirce qu'il y a de bon dans leurs livres, s'il y a quelquechose de bon :Fonlemundeelhniciderivarunt insuaslibres> si quid boni deprompsere*. Il imporle-extrêmement qu'ils boivent le lait chrétien avant le païen.Ceux qui sont élevés autrement ont plus tard la

plus grande peine à se laisser instruire par la sagessedivine, qui devait être leur première maîtresse. Onleur fera donc étudier un abrégé clair et court del'Ancien et du Nouveau Testament. Comme celui dSulpice Sévère ne satisfait pas de tout point, on

pourra leur en donner un autre plus étendu, si onveut, composé exclusivement du texte sacre:Epi»tonteaiia eco ipsis tantvm divinœ Scriplurœlibris con- fecla> et s'étendanl depuis la création du monde jusqu'au temps deNotre*Seigneur Jésus-Christ :A

1 Cap. X M , lib. IV.

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m LA RENAISSANCE.

mundoconditoasquc ad Domini NostriJésus Christitempera. »

A l'Abrégé de l'Histoire sainte nous avons ajouté,comme second classique, des extraits des livres sapienliaux. « Les enfants devenus plus grands,jamgrandiwihw, dit le Père Possevin, étudieront un

choix des maximes des Proverbes, de l'Ecclésiastede l'Ecclésiastique et de la Sagesse :Selcctarumsen-imliammexProverbiis et Ecclesiaslis,sivectiamEccle-sistici ac Sapientiœlibellus.Pourquoi nepRs commencer ainsi à former leur jugement aux oracles de lasagesse éternelle plutôt qu'aux maximes d'Isocratcd'Épictèle et des autres qu'ils pourront lire plustard? »

Afin de préparer les jeunes gens à la vie publique

nous leur montrons les maximes de la divine sagesen action, dans les vies des grands rois et des hérode l'Ancien Testament :c'est notre troisième classique. « Aux jeunes gens, continue Possevin, qsont destinés aux fonctions publiques ou à la carrière des armes, on expliquera avec avantage lehistoires de Josué, des rois et des grands hommeque Dieu, dans son infinie sagesse, a voulu laisscomme modèles à la postérité :QuosDcus in sacris

litteris summaprudenliaposteris proponi voluit.Pour les peuples chrétiens tout sort de l'Évangiletout doit y ramener. Le faire bien connaître est le

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CHAPITRE MUTTlftlîE. *3S

point capital de l'éducation. Sans cela point d'éducation, ou une éducation anormale, non moins funesteà la société qu'à la religion: notre quatrième classique est le texte môme de l'Évangile : « Les enfan

facti gramUxiscuii, dit le Père, écouleront l'explication et apprendront par cœur uu abrégé deluvie de

Notre-Seigneur Jésus-Christ,compendiumaliquod vitœ D. JV. J. C. et audiant et mémorisemandant. »Or, l'Évangile est tout ensemble un Fait et un

Code, Fait, il a ses racines dans le passé; et l'histoire de l'Ancien Testament a préparé l'enfant àle bien comprendre. Code, il a besoin d'un commentaire. Le meilleur commentaire, parce. qu'ilest le plus intelligible et le pluspersuasif, c'estl'exemple. Pour cinquième classique, nous donnon

la Oeur des vies des saints et les actes des martvrsPossevin la donne avant nous!.Au commentaire pratique de l'Évangile, la Pro

vidence a pris soin d'ajouter un commentaire oral.Par l'élégance, la grâce, la clarté, l'énergie dustyle, par la richesse des pensées, l'élévation desentiments, la noblesse et la fraîcheur des images, la puissance dés raisonnements, en un mot,par la magnificence de la forme et du fond, ce com

mentaire est le plus beau monument du génie del'homme, si tant est que l'homme seul ail pu l'éle-1 C. xxii, p. 330.

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LA RENAISSANCE.

ver : nous avons nommé les ouvrages des Pères dl'Église.Cecommentaire splendide se développe dannos classiques; il figure avec le même honneur dansceux du Père Possevin :SanetiPaires lectitandi sunt.

Après avoir demandé comme nous, comme toutla tradition catholique, comme le bon sens le plu

vulgaire, l'introduction la plus large possible de l'élément chrétien, dans les études classiques, l'illustr jésuite passe à l'enseignement des auteurs païensSur ce point il exige les trois choses que nous avonnous-même demandées: une extrême prudence, uneexpurgation très-sévère et un enseignement chrétienSoixante pages in-folio ne lui paraissent pas trop longues pour énumérer les précautions à prendre, si onveut que les auteurs païens ne deviennent pas fu

nestes aux mœurs, à la foi et à la raison même deenfants.« La première faute à éviter, dit-il,c'est de parler

avec emphase des auteurs païens. Les louanges exagérées qu'on leur donne faussent le jugement de l

jeunesse. Habituée à croire ses matlres sur paroleelle imagine que les auteurs païens sont tels qu'oles lui fait admirer. Ainsi, ceux qui donnent àPlaton le surnom dedivin j et qui citent en sa fa

veur les témoignages des Pères de l'Église, notamment de saint Augustin, sans rapporter ce que plustard ils ont écrit contre lui, lorsqu'ils ont reconnu

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CHAPITRE HUITIÈME 437

le venin de sa philosophie, ceux-là font un mal immense à la philosophie et à la religion :Sane philosophiezatque religionimagnopere incommodant.»

Cette faute, si judicieusement signalée par le PèrePossevin et si imprudemment, pour ne pas dire seffrontément commise partout, depuis la Renaissance

nous l'avons vingt fois signalée nous-mênie. Osonajouter que nous l'avons rendue désormais impossible à tout homme qui se respecte, en montrant telqu'ils sont les prétendus grands hommes de l'antiquité païenne.

Passant à l'étude des prosateurs païens, latins etgrecs, le Père indique les nombreux dangers quellprésente, signale une foule de précautions à prendrepour les neutraliser et arrive aux poètes. Plus sévère

que nous, il conclut non pas à l'expurga4ion, maisau bannissement des poêles obscènes. Reproduisanun mot célèbre, il ne craint pas de les appeler deséducteurs effrontés, plus coupables que les entremetteurs et les proxénètes: Perniciosissimislenonibusdétériores.

« L'expurgation, dit-il, est dangereuse et mêmeimpossible : elle est dangereuse. H y a quelqueannées, on a publié à Rome les poètes profanes ex

purgéscbscamitadesublata>

mais on n'a pas obtenuce qu'on espérait. Les vers supprimés ont été remplacés par des étoiles ou par des blancs. Ces lacune

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438 LA RENAISSANCE.

ont été un aiguillon pour la curiosité du lecteur : ia voulu voir les passages tout entiers. De plus, oaccompagne ces classiques expurgés de commentaires , de dictionnaires remplis des infamies supprimées dans le texte :FœdUatibuseisdem scatenlia.

Elle est impossible: pour masquer les suppressions,

il en est qui ont imaginé de substituer aux vers ouaux mots impurs de l'original, des termes plus honnêtes. Je n'approuve nullement ce stratagème :Non probaiur. D'une part, ce travail est absurde, attenduquon ne peut jamais déguiser la pieuse fraude;d'autre part, il est impossible, attendu que quelle quesoit l'expurgation, la pièce dont le sujet est obscènretient toujours quelque chose de son odeur primitive : Quia quantacumqueadhibeatnrpurgatio, semper

tamenliber, cujus argumentum turpe sit, prislinum acnativum redolet odorem.Les mots, les images, lesallusions, les sentiments, tout l'ensemble de la pièceimprégnés du virus dont l'âme de l'auteur était remplie, se versent goutte à goutte dans celle du lecteuralors même qu'il n'y pense pas :Quod virus hause-runt ab auctoris anima, id in lectoris mentent, quam-vis ea de renihil cogitantem, latenter instillant. »

Au lieu de perdre le temps à expurger les auteurs

païens, nous en avons fait des extraits* Sur ce pointcomme sur tous les autres, nous sommes heurouxde nous trouverd'accord avec le P. Possevin. Après

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CHAPITRE HUITIÈME. 439

une sévère mais juste critique d'Homère et de Virgile, dans laquelle il contre jusqu'à l'évidence quec'est un contre-sens monstrueux de mettre ces poètes entre les mains de la jeunesse, il indique lespassages qu'il faut en extraire.« Ily a peu de choses,dit-il, à prendre dans les églogues qui, presque

toutes, respirent l'amour impudique: Amatoriis sea-tent. Présenter à la jeunesse Énée comme un modèlede vertus,c'est révolter le sens chrétien; lui faireexpliquer le sixième livre de l'Enéide, est une aberration que je n'ai jamais pu comprendre: Certe mihinunquamprobalum fuerit ut adolescentibusprwUgc-

retur. »Reste, pour compléter la réforme, à enseigner

chrétiennement les auteurs païens. Selon nous, le

conditions fondamentales de cet enseignement sont 1° de réserver les auteurs païens pour les classesupérieures; c'est alors que les jeunes gens, fortement nourris d'auteurs chrétiens, pourront voyageren Egypte sans devenir Égyptiens, et faire aveavantage une étude comparée de la littérature chrétienne et de la littérature païenne; 2° de montrer lasupériorité, sous tous les rapports, des auteurs chrétiens sur les auteurs païens. Telle est mot pour mo

la pensée du P. Possevin. « Qu'on ne nous objectpas, dit-il, les anciens Pères de l'Église.S'ilsontétudié avec soin les auteurs profanes, c'était bien

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440 LA RENAISSANCE

moins pour apprendreà bien direque pour ruinerle Paganisme,« Commeil faut, dit saint Grégoirede Nazianze,une grande habiletéet une grandeprudence pour chercherde l'or dans la boue, il nepeut entrer dans l'esprit d'un homme vertueuxet debon sens d'étudier les auteurs païens, avantde

s'être nourri des livres chrétienset y avoir apprisle moyen d'arracherles armes des mains de nosennemis1. »

Quant à la comparaison des auteurs chrétiens avecles auteurspaïens,notre illustre devancier fait mieuxque de la recommander: il endonne le modèle.Onpeut lire dansson ouvrage avec quel talentil faitressortir la supériorité des Pères de l'Église surles prosateurs de l'antiquité, et celle des poêles

chrétienssur lespoëtes profanes*• Telleest saconviction,qu'il intituleun de seschapitres : Il n'y a point de vraie éloquence chezlespaïens3. Aprèsl'avoir établisur despreuves, qu'ilest plus faciledenier a priori que de détruire, il montre dans un ma-

1 Nec probi necjudiciorecte utentis esthocmoliri, priusquamianciorum Scriptorum librosevolverimus, quibus edocemurquarationeea tela ex hostium manibus extorquenda sint.P. 476.

2 Oratoria Ciceronis contulimuscum Patribus, atquo monstra-

vimus neque copiam oeque eloquenliamlis defuisse, quîn eliamcopiosiorem atque efScaciorem exlitisse.C. xvm, p. 223.» Lib.XVIII,c. xn .

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CHAPITRE HUITIÈME

gnifîquc tableau que l'éloquence même des Pèrepâlit devant celle des saintes Écritures.

Ajoutez une énergique protestation contre la profanation de la langue Iatino chrétienne par l'introduction des mots païens; une protestation nonmoins énergique contre les peintres et les sculp

teurs de la Renaissance, corrupteurs de Fart et desmœurs; et vous aurez une faible idée du célèbretravail du plus grand homme peut-être de la Société de Jésus. Rappelez-vous en même tempque toutes ces idées ont été publiées à Rome par u

jésuite, intime ami du Pape, pour servir de remèdeau mal et de directoire aux Jésuites; qu'elles ont étéapprouvées par la censure romaine, louées hautement par le général de la Compagnie : et vous

resterez, comme nos adversaires, intimement convaincus, que pour les avoir reproduites, noussommes un novateur audacieux et un insulteur del'Église et des Jésuites.

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CHAPITRE IX.DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.

Le théologien protestant Andreae.— ïl pavle commenn Père de l'Église. —Tl condamne hautement l'éducation païenne, dontil montreles conséquences.—Demande les auteurs chrétiens, dontil démontrela supériorité.— Un autre prouve que l'éducation classiquetuel'esprit national.— Perrault dévoilela cause qui s'opposeà la réforme des études.— Balzac fait voirque l'étude admiraiivedespaïens éteint2e génieet fausse le sens moral.— Clavigny, qu'ellealtère 2edroit public.— Le Père d'Argentan, qu'elle égareet souilleles âmes.

Telle est en même temps l'évidence de notre thèset son importance capitale, qu'elle compte parmises défenseurs,leshommes les plus éminents de tousles âgeset de tous lespays, sans distinction d'état

ou de religion. Deux jésuites, l'un Espagnolet l'autre Italien, ferment notre généalogieau seizièmesiècle: un théologien protestant d'Allemagne l'ouvreau dix-septième.

Dans un dialogue intitrJléThéophile1 , et qui eut1 Theophilus, sîvc conciliai», de christiana religiono sanctiu

colenda... de litleratura rationabilius docenda. Edit, 4706.

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CHAPITRE NEUVIÈME 443

un grand retentissement par toute l'Europe, JeanYalentin Andreae s'exprime ainsi : «Théophile:La base et le dernier mot de toute bonne éducation , c'est la piété. —Démocide: Connu. — Théo

phile : Pas tant que vous croyez. Par piété jen'entends ni certaines pratiques religieuses, ni des

sentiments plus ou moins tendres pour Dieu, maisune foi forte, éclairée, une charité vraie qui remplit l'àmo de la jeunesse et qui Vaccompagne pendant toute la vie. —Dèimcide: Vous voulez fabriquer des moines. —Théophile; Je veux former deschrétiens. N'est-il pas vrai que l'homme est faitpour Dieu, que la vie est un chemin qui le-reconduit à celui de qui il est venu? N est-il pas vrai quel'éducation fait l'homme? N'est-il pas vrai quec'est

pendant cette période de la vie, que l'homme doitapprendre à connaître Dieu, à l'aimer parfaitementsans hypocrisie ni dissimulation? »

De ces aphorismes sur lesquels s'appuient, pourla battre en brèche, tous les adversaires de l'éducation païenne, Andreae tire des conséquences nonmoins incontestables que ses principes.

« Théophile: J'affirme donc et je soutiens que leslettres sacrées, oracles de Dieu lui-même, semence

de toutes vertus, doivent être enseignées à la jeunesse, expliquées à son entendement, confiées sa mémoire, plutôt que les fables d'Énée ou les

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U i LA RENAISSANCE.

métamorphoses d'Ovide, J'affirme qu'un enfant chrétien doit mieux connaître les maximes de la sagesséternelle que les vers de Virgile; savoir par cœur etrépéter plus souvent les hymnes sacrées, que lechants obscènes consacrés à Vénus. En un mot, jsoutiens que l'éducation doit imprimer dans toute

âme baptisée les vérités de la religion, plus profondément que les vaines et dangereuses fictions de lreligion païenne: Qmmpaganœinanitatis lenocinium firmius imprimai.

vDémocide: Mais si Ton donne tant de temps àl'étude des lettres chrétiennes, que reslera-t-il pourles belles lettres? — Théophile: Vraiment ! commesi les lettres chrétiennes elles-mêmes n'étaient patrès-belles et très-élégantes? Les plus savants hom

mes, Érasme, Vives, Fabricius, ne l'ont-ils pamontré jusqu'à l'évidence! Mais nous aimons mieuxfaire admirer les lettres païennes à la jeunesse, afinque le chemin de son cœur soit plus facile à Sataet moins facile à Jésus-Christ. Nous ne voulons paqu'elle aime les choses de l'esprit plus que celles dla chair, afin de ne lui épargner aucun combat pourle reste de la vie. Tout commande de prémunir leâmes par l'étude sérieuse du Christianisme, plutôtque de l'efféminer par les attraits séducteurs du Paganisme; la garder à Jésus-Christ, plutôt que la livrer au monde : et nous faisons le contraire! Nou

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CHAPITRE NEUVIÈME. 445

oublions que les jeunes gens ne sont bons qu'autantqu'ils sont chrétiens, et toujours d'autant plus mauvais qu'ils sont moins chrétiens :Salis fuluri boni,si vere christiani, ianlo vevosemper pejores quantoillud minus. »

Descendant au fond même de la question, An

dreae rappelle que le Christianisme est essentiellement humilité et chasteté, tandis que le Paganismeest orgueil et volupté, et que l'étude assidue de lalittérature païenne et des arts païens forme dans la

jeunesse, et par conséquent dans la société, un esprit païen qui l'étiolé et qui la tue. En preuve, cethomme, qu'on prendrait plutôt pour un Père del'Église, que pour un théologien protestant, invoquetoute la tradition.

Environné des grands noms de saint Jérôme et desaint Augustin : « Non, s'écrie-t-il, les enfantchrétiens étant faits pour le ciel, ce ne sont pas deentraves qu'il faut leur mettre aux pieds, ce sontdes ailes qu'il faut leur donner.Cen'est pas àl'imagede Romulus, de Lycurgue ou de Dracon que le chrétien doit être formé,c'est à l'image de Jésus-Christ.Affections, goûts, vie, langage, tout en lui doit êtrconforme à ce divin modèle. Sa littérature doit être

non celle de Virgile ou d'Homère, mais celle de David ; non celle de Cicéron et de Déraosthène, maicelle de Paul et d'Isaïe. Oreilles corrompues qui lin

XII. 40

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UG LA RENAISSANCE.

lent à la voix de Platon et non à celle de Jean; jugement faux, qui préfère Aristote à Moïse; langumalade, qui goûte plus Cicéron que Paul; cœur dbois, qui trouve plus de force dans Sénèque quedans Jésus-Christ. Délire, fable, babillage, glacetout ce quin'est pas à la hauteur de Jésus-Christ et

des auteurs chrétiens, dont une seule parole renferme plus de vie que mille paroles profabes, edévore toute la sagesse païenne, comme le serpende Moïse dévora les anguilles des magiciens.

« Dénwcide.Vous dites des choses étonnantes. —Théophile.Cen'est pas ce que je dis qui est étonnant,c'est ce que nous faisons. Nous confessons de bouchJésus-Christ, et nous le mettons au dernier rangdans nos études! Et toutefois, en formant pour lui

le jeunesse, nous formerons des littérateurs et descitoyens. Bien élever la jeunesse,c'est former ouréformer la société :Recte curare adolescentiam, est efforniare aul reformate etiam rempublicam.

Appauvrissement de la raison, oblitération dusens chrétien, compression de l'intelligence, labeuingrat et stérile, tel est, aux yeux de l'auteur, le prétendu développement de l'âme chrétienne par renseignement des auteurs païens. « Malheureuse mé

moire, s'écrie-t-il, qu'on remplit de pareilles fadaises1 Temps néfaste, qui se consume dans depareilles niaiseries! Argent perdu, qui les paye!

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CHAPITRE NEUVIÈME 147

0 punitions indignes, larmes imméritées, jeunessedéflorée, corps énervé, généreux élans brisés! Pourquoi? Pour une choso que j'appelerai du nom leplus doux, rien; Oh rem, unoverbo, sed mitissimo,nihili. »

La coutume absurde, introduite par la Renaissance,

de faire étudier à la fois deux ou trois littératures,deux ou trois poésies, deux ou trois phiiosophiesdivise les forces de l'âme, étouffe le génie, peuplle monde de médiocrités orgueilleuses. De ce faiplus sensible aujourd'hui que jamais, l'auteur conclut de nouveau à l'unité chrétienne de renseignement, a Quoi de plus raisonnable, dit-il, qued'affermir, même en étudiantleslangues, les fondementsde la vie présente et de la vie future? Quoi de plti

juste que de préférer dans l'étude, la vocation d'Abraham à l'exil de Cicéron; la prison de Joseph autonneau de Régulus; la sortie d'Egypte à l'expédition de Xerxès; le Décalogue aux douze Tables; lcombat de David au parricide d'Horace; les pérégrinations de l'Église aux aventures d'Apulée?

« Les meilleurs maîtres de la vie sont, non lepoêles, mais les prophètes; non les rhéteurs, mais lesPères; non les philologues, mais les théologiens. E

cependant cette vérité si simple, je ne la persuaderapasà tous. Ils aiment mieux faire passer l'âge de l'innocence dans les sentines, dans les cloaques, dan

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m LA RENAISSANCE

les lupanars, et l'immoler à Moloch, que de le conserverpur au Dieu quiTa sauvé: Malunt per sentinas,cloacas et lupanaria^ imo Molochi rénovait ignenijinnoœiam œtatenitransire^ quam impollutamChristosoteri sistereatqne eomecrare. Malheureux que noussommés! nous dépensons plus de temps et de coup

de fouet, de sueur, d'ennui, de mémoire et de santépour perdre la jeunesse, qu'il n'en faudrait pour lasauver1 Faire d'un arbuste chrétien une ronce; d'uninnocent oiseau un paon orgueilleux; d'un être intelligent un âne :c'est un crime :Facere eoo homineingeniosoasinum, faeinus. »

Tels sont aux yeux de ce témoin non suspect, lerésultats de la Renaissance et de son enseignementÀ l'affaiblissement de la foi et de la raison publiqu

se joint, suivant un de ses contemporains, la pertede l'esprit monarchique, remplacé par l'esprit républicain, source de tiraillements et de révolutions<* Trouver à redire à l'usage de faire étudier aux

jeunes gens, dit-il, les auteurs païens,c'est ressembler à ces anciens Romains qui blasmoient ceuxqui envoyoient leurs enfants aux escholes de lGrèce, où ils se formoient aux mœurs et humeursdes Grecs. Ils disoient que ceux qui estoient instruit

en un Estât monarchie ne pouvoient être que suspects à ceux qui vivoient en république, et aussi quceux qui estudioient aux escholes en pays de répu

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CHAPITRE NEUVIÈME, 449

blique se formoient en l'esprit des opinions de vivren république, de quoy il en estoit survenu degrands inconvénients aux Estais monarchies1. »

Loin d'augmenter la foi chez les nations chrétiennes, F engouement pour l'antiquité classique lheurte et l'ébranlé; loin de purifier les mœurs, il les

corrompt; loin de fortifier l'esprit national, il faussela civilisation: ainsi se résument les témoignages quenous venons de rapporter» Quiconque sait lier deuxidées en conclut avec raison que la littérature et learts, placés sous la même influence, au lieu de progresser, accomplissent un mouvement rétrograde.Devenus les écoliers des Grecs et des Romains, nouavons perdu notre originalité. Les inspirations naturelles et spontanées du génie ont été étouffées. Nou

avons cesséd'être nous-mêmes pour devenir, commedit Horace, un servile troupeau d'imitateurs. Poésies,harangues, romans, théâtres, peintures, sculptures, n'ont plus été qu'un calque malheureux del'ancien paganisme.

Cette étrange aberration fut démontrée par undes littérateurs les plus sensés du dix-septième siècle, l'académicien Perrault. Mais tel était déjà l'empire de l'intérêt chez les uns et du parti pris chez les

autres, que sa voix se perdit dans les airs : il fallaitdes révolutions pour rendre le mondeattentif. Per-* Voir Mercure de France, an. 4G52, p. 2i0.

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450 LA RENAISSANCE

rault lui-môme avait prévu le résultat de ses effortsIl n'en protesta pas moins avec l'énergie d'un grandcœur et le désintéressement d'un bon citoyen, contrela cause qui, encore aujourd'hui, s'oppose à la réforme si nécessaire de l'éducation. « Je suis bienloin, dit-il, d'aspirer à m'acquérir de la réputation,

puisque je blesse les sentiments d'une grande partiede ceux qui la donnent. Je veux dire un certainpeuple tumultueux de savants qui, entêtés de l'antiquité, n'estiment que le talent d'entendre bien lesvieux auteurs, qui ne s'extasient que sur l'explication vraisemblable d'un passage obscur et sur la restitution heureuse d'un endroit corrompu1. » Voilàpour le parti pris.

Voici pour l'intérêt. « J'ai encore moins prétendu

convertir cette nation de savants. Quand ils seraienten état de goûter mes raisons, ce qui n'arrivera jamais, ils perdraient trop à changer d'avis, et la demande qu'on leur en ferait serait incivile. Ce seraitla même chose que si on proposait un décri générades monnaies, à des gens qui auraient tout leur bienen argent comptant et rien en fonds. Que deviendraient leurs trésors de lieux communs et de remarques? Toutes ces richesses n'auraient plus de cours

en l'état où elles sont. Il faudrait les refondre et leurdonner une nouvelle forme et une nouvelle em1 Parallèle desanciens, etc.,préf.

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CHANTRE NEUVIÈME

preinte, ce que le génie seul peut faire, et ce génieils ne l'ont pas. Cela ne serait pas raisonnable; ilfaut que tout homme qui peut dire à propos, etmême hors de propos, un vers de Pindare ou d'A-nacréon, ait quelque rang distingué dans le monde.Quelle confusion si celte sorte de mérite venait

s'anéantir ! Le moindre homme de bon sens seraitcomparable aux savants illustres, et même leur passerait sur le ventre, malgré tout le latin et tout logrec dont ils sont hérissés1. »

L'opinion de Perrault est soutenue parBalzac.Quoique adorateur de la Renaissance, le prince de l'Académie ne peut s'empêcher de reconnaître qu'elle rendle monde moderne esclave de l'antiquité païenneet que, par l'appas trompeur de la belle littérature,

elle conduit les nations à leur ruine. Voici ses remarquables paroles : « Ne nous laissons pas éblouir à lréputation de la sagesse des Grecs. Une fois en notrvie, servons-nous de la liberté de notre jugement,qui ne doit pas toujours être subalterne de celuides Grecs et des Romains.... Assurément, il n'y apoint de meilleur moyen d'amollir la vigueur descourages que d'occuper les esprits à des exercicepaisibles et sédentaires, et l'oisiveté ne peut entrer

dans les États bien policés par une plus subtile eplus dangereuse tromperie que celle des lettres. Ce1 Parallèle des anciens,de, préf.

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452 LA RENAISSANCE.

sont ces personnes oisives et paresseuses qui epartie ont ruiné le commerce et l'agriculture, quisont cause de la faiblesse de notre état et de la lâcheté de notre siècle*. »

S'il est dangereux de regarder les païens commenos modèles en éloquence et en poésie, il l'est plu

encore de les prendre pour nos maîtres en vertus.Sans crainte de se contredire, Balzac fait bonne justice des saints du Paganisme et de la sottise de leuradmirateurs : « Les païens, dit-il, assidus, maismalheureux courtisans de la nature, ont vieilli dansla basse-cour; mais nous, favoris de Dieu, quoiquindignes favoris, dès le premier jour nous avons étreçus dans le cabinet. »

Un contemporain de Balzac, Clavigny de Sainte

Honorine, rappelle l'ancienne défense de l'Église esa tolérance actuelle, relativement à la lecture deauteurs païens, s'élève avec force contre cette lecture , devenue une passion depuis la Renaissanceet montre, entre autres choses, qu elle perd l'Europe en faussant la notion du droit public,a La lecture des auteurs profanes, dit-il, fut autrefois siodieuse que la simple allégation que fit saint Paciede quelques vers de Virgile fut un scandale public

L'Église appréhendait que les mœurs du Christianisme ne s'altérassent par l'étude de ces auteurs,1 JU Prince, ' h . X I I .

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CHAPITRE NEUVIÈME. 453

qui ont corrompu les vérités les plus essentielles,honoré le vice, approuvéla vengeanceet Tirrécon-ciliation »

Il ajoute quesi aujourd'hui cette lecture n'estpasabsolument défendue2 , « lezèleen estcriminel; lesanges l'ont puni sur un Père de l'Église,et cefutde

cette passionque saint Paulin témoigna qu'il s'étaitdétaché quandil écrit à Ausone :« Vous m'exhortezde retourner danslecommerce des muses profanes;un cœur vaincude lagrâce n'est point capable d'encenser Apollon. Cette affectionm'a été communeavec vous, maisle Dieu que j'adore présentementdemandedes inclinations plus innocentes. L'artdessophistes, les illusionsde la philosophieet lasciencedes Grecs, formentle discourset ne remplissentle

cœur que de vanité. Il y a cependant une fin au-dessus de la parole, et ceux qui passent leurviedans l'étude de l'élégance cherchentla porte dupalais et n'y entrent jamais.»

Parce qu'il y a quelques bonnes vérités danslespaïens, ce n'est pas uneraison de leslire. « Si Mahomet,dit Pierre de Cluny, a permis la sensualité,n'a-t-il pas recommandéla prière? Ce mélangede

1 Le discernement et l'usage des livres suspects,in-18, 4672,p. 4.

2 De Boccaceà Clavigny; en moinsde trois siècles, quel progrès de l'esprit paYonl

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m LA RENAISSANCE.

bien et de mal est une adresse qui leur est communavec les hérétiques, les athées, les infidèles... Aritote, dit Origène, est le chef des politiques athéeIl permet aux conquérants de mettre l'injustice enusage pour assujettir leurs ennemis. Tacite permetà l'intérêt général ce qu'Aristote abandonne aux

passions de la gloire. Il veut que le violement delois ou les souffrances particulières se trouvent réparées dans l'utilité publique, qui est le principe dela raison d'État. Les considérations de la religion nefont point obstacle à ces politiques. Ils soumettentoujours les lois de la conscience aux besoins dleurs affaires, et jamais le culte n'est préféré à leurintérêt. Horace a permis de corrompre jusqu'auxplus saintes apparences pour fortifier la perfidie...

... Da fallere, da sanctum justumque videri,Noctem peccatis et fraudibus objice nubem.

C'est demander à Dieu la fourbe en oraison. »Le monstrueux contre-sens de l'éducation classi

que, qui frappe si vivement les hommes du mondefait gémir les hommes de Dieu, « Hélas! s'écrie saint et célèbre Père d'Argentan, qu'il me semble déplorable d'élever parmi les fables et les mensonges, leenfants des chrétiens, que Dieu destine pour être conduits par la voie des grandes vérités de la foi, à lapossession éternelle de la vérité infinie! On les en-

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CHAPITRE NEUVIÈME.

voie aux écoles pour apprendre la vérité, et on lesachemine d'abord parle mensonge. On a grand soinde leur faire savoir avant toutes choses les fictiondes poêles, les amours des faux dieux et toutes lerêveries de l'antiquité fabuleuse: et puis on ditqu'ils savent les belles lettres! Et moi je dirais vo

lontiers qu'ils ne savent que de très-vilaines ignorances1 *>Le Père d'Argentan parle comme saint Augustin,

et saint Augustin n'est que l'écho de la traditionchrétienne et du sens commun. Tant il est vrai que,dans la question des classiques, les novateurs nsont pas ceux que l'on croit.

1 Grandeursde Dieu, 44" confér.

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CHAPITRE X.

D I X - S E P T I È M E S I È C L E .

Bayle. — Il proteste contre l'étude de Cicéron* — Maliebranche. — Imontre que l'éducation classique reconduit le inonde au Paganisme— De Cbantcresne. — Il demande la même réforme que nous. —— Bossuet. — Ce qu'il pense de Virgile et des auteurs païens.—Fénelon. —11 rappelle les défenses de l'Église primitive et veut qu'oétudie l'Écriture et les Pères. — Fleury. —11 propose notre plan d'études. — Sacy. — Il démontre les inconvénients de la méthode actuelle. — Savoir de nos adversaires.

Du sein de la république des lettres, à l'époquede son enivrement le plus complet, partaient, commnous venons de le voir, d'incessantes protestationcontre le Paganisme. Afin que rien ne manque àl'universalité du témoignage, citons encore quelquenoms, choisis entre mille. Après les protestants,les académiciens, les hommes du monde, vienBayle, le sceptique. Tout mécréant qu'il était, ceVoltaire du dix-septième siècle, était scandalisde voir entre les mains de la jeunesse, le plus renommé des auteurs païens. * Je m'étonne, dit-ilqu'on donne pour modèle à la jeunesse les écrits d

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CHAPITRE DIXIÈME. 457

Cicéron9 le pins médisant, le plus emporté, le plussatirique des hommes, dont les harangues sontpleines des plus violentes invectives qui se puissevoir. Nous ressemblons à ceux qui s'accoutument sbien à Veau-de-vie, que le meilleur vin leur paraifaible1. » Que devait-il penser des autres ?

Malebranche est d'accord avec Bayle. En voyanl'éducation devenue païenne, il annonce le retourde la société au Paganisme. Telle est déjà, à ses yeuxla profondeur du mal, qu'il désespère de faire goûterle remède, indiqué pourtant d'une manière si nettepar le bon sens et par la tradition. « Il faut, dit-il,être homme, chrétien, Français, avant que d'êtregrammairien, poëte, historien, étranger. En unmot, il faut commencer ses études par les science

les plus nécessaires, ou par celles qui peuvent lplus cohtribuer à la perfection de l'esprit et ducœur2.

« Je vois bien que je ne dis que des paradoxeset qu'il faudrait de grands discours pour persuaderles autres hommes de mes sentiments. Mais qu'onouvre du moins les yeux. Quoil voit-on que ceuqui savent bien Virgile et Horace, soient plus sageque ceux qui entendent médiocrement saint Paul?

C'est l'expérience qui doit convaincre ceux qui ne1 Lettres critiq., etc.

2 Depuis la Renaissance l'éducation fait tout le contraire.

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veulent pas consulter la raison. Quelle est donc l'expérience qui prouve que la lecture de Cicéron estplus utile, que celle des paroles toutes divines de lsagesse éternelle...? Pauvres enfants! on vous élèvcomme des citoyens de l'ancienne Rome; vous eaurez le langage et les mœurs On ne pense poin

à faire de vous des hommes raisonnables, de vraichrétiens, des habitants de la sainte cité. Saint Augustin s'en plaint inutilement, etc'est en vain que

je m'en tourmente. »Les expurgations, les catéchismes, les conféren

ces, les congrégations pieuses, les brillants Salutsne seront que des palliatifs insignifiants. Tant quel'élément païen continuera d'être la base de l'enseignement littéraire, « on verra toujours, ajoute le

profond philosophe, les jeunes gens, à la sortie dcollège, lorsqu'ils devraient être savants (car ensuite, presque tous n'étudient plus), on les verra,dis-je, ignorants dans la connaissance de l'hommede là religion et de la morale2. »

L'auteur de Y Éducationd*un Prince, M. de Chaii-teresne, parle comme Bayle etMallebranche. « Danl'éducation des enfants, dit-il, on doit tout rapporterà la morale de Jésus-Christ, même ce qu'on doit leu

* Dans le sièclo suivant, la prophétie s'accomplit au milieu l'effroi du monde.

2 Traité demorale,c. x.

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CHAPITRE DIXIÈME. 459

montrer de rhétorique ; car la rhétorique est fondéesur la vraie morale, puisqu'elle doit toujours imprimer une idée aimable de celui qui parle et le fairepasser pour honnête homme. Il y a, par exemple, unair de vanité, d'affectation et d'amour tendre de laréputation dans Pline le Jeune, qui gâte ses lettres e

qui fait qu'elles sont d'un mauvais genre, parce qu'onne saurait se le représenter que comme un hoitomcvain et léger.Le même défaut rend la personne deCicéron méprisable, parce qu'il parait dans tous sesouvrages. Il n'y a point d'homme d'honneur qui voulût être semblable à Horace et à Martial, dans leurmalignité et leur impudence. Or, donner ces idéeslà de soi-même,c'est pécher contre la vraie rhétorique. »

Le moyen de parer à cet inconvénient est, suivant M. de Chanteresne, de faire ce que nous demandons: donner pour base à l'éducation les auteurschrétiens et enseigner chrétiennement les auteurspaïens qu'on croit pouvoir laisser entre les mains dela jeunesse.

Bossuet ne pense pas mieux de Virgile que Bayleou M. de Chanteresne d'Horace, de Martial, dePline et de Cicéron. Est-il bien démontré que l'évê

que de Meaux fut grand partisan d'un système d'éducation, qui oblige le jeune chrétien à vouer unesorte de culte aux auteurs profanes et à faire ses dé-

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460 LÀ RENAISSANCE.

lices de Virgileen particulier, lui quistigmatisecepoète en l'appelant Yavocat du vrai et du faux; unbon épicurien; un adorateur de la mine gloire et uncontempteur de la vérité? Bossuetqui voyait « avecdouleur les poètes et les beaux esprits chrétiensprendre le même esprit,et la religion ne pasplus

entrer désormais dansle desseinet la compositionde leurs ouvrages,que dans ceux des païens1 ? »Bossuetqui, parlant du Télémaque, je veux dire

de l'applicationla plus châtiéedu Paganismeà l'éducation de la jeunesse, prononcele jugement suivant : « Le Télémaquede M. deCambrai est, sousle nom du fils d'Ulysse,un roman instructif pourMgr le duc de Bourgogne. Cet ouvrage partage les esprits; la cabale Vadmire; le reste du mondele trouve

peu sérieuxet peu digne d'un prêtre * »; Bossuetenfin, qui aimait si peu la phraséologie païenne,résultat de l'enseignement classique, qu'ilne pouvait supporter mêmele motdivus, substitué à celuidesanctus, pour désigner les héros du Christianisme,dont l'Église consacreles vertus par des honneurspublics8?

S'il pouvait rester quelques doutessur les sentiments intimesde l'évêque de Meaux, il suffirait,pour les lever, d'entendre son historien : « Bos~

i Traité de laconcup , c.x v m . —2 T. XV,édit Défori*,p. 2 î7 . — » lettre à l'abbéNicaise,9 fév. 4679.

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CHAPITRE DIXIÈME 461

suet, dit-il, aurait désiré que la poésie, dans son langage sublime, eût dédaigné ces frivoles ornementsqui avaient été imaginés pour ajouter une dangereuse séduction aux enchantements d'an culte quine parlait qu'aux sens;d'une religion qui n'offrait àl'adoration des peuples que des tableaux volup

tueux , des souvenirs coupables et de grands scandales. Il croyait que les grandes images, les noblespensées, la richesse, la force, l'originalité d'expression répandues dans les livres sacrés, pouvaiensuppléer avec avantage aux plus heureuses conceptions d'une poétique étrangère à la religion, à lamorale, à la législationf aux habitudes des peuplesmodernes. Il craignait qu'elles ne servissent plussouvent dans la jeunesse à égarer l'imagination et à

ouvrir le cœur à la séduction des passions, qu'à inspirer ces grandes conceptions qui ont honoré quelques grands génies, auxquels il était loin de refuser son admiration! . »

Le doute que nous venons d'énoncer à l'égard doBossuet, nous nous permettrons de l'exprimer ausujet de Fénelon. Malgré l'éducation de collège qul'avait passionné pour l'antiquité profane et qui l'é-garait, jusqu'à lui faire regarder les cathédrales go

thiques comme des œuvres barbares, est-il certainque l'archevêque de Cambrai excluait, comme in-1 Hi$t.% etc., par le carJ. de Beausset,U II, p. 332.

XII. 44

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dignes, de l'enseignement littéraire, les auteurs chrétiens? Tenait-il les auteurs païens pour indispensables à la formation du goût, de l'esprit et du cœurde la jeunesse chrétienne? Est-ce de notre part uneprétention exagérée de le compter, sous quelquerapport, parmi nos ancêtres?

Après avoir indiqué le fait déplorable, mais trèslogique, que nous avons démontré, savoir, que leRenaissants du seizième siècle avaient été la plupart des rationalistes et des débauchés, Fénelon sefait direpar son interlocuteur: « Je voudrais qu'unhomme eût étudié solidementpendant la jeunesse,tout ce qu'il y a de plus utile dans la poésie et danl'éloquence grecque et latine. » A quoi Fénelons'empresse de répondre: « Cela n'est pas nécessaire.

Il est vrai que quand on a bien fait ses études, onen peut tirer un grand fruit pour l'intelligence mêmede l'Écriture1, comme saint Basile l'a montré dansun traité qu'il a fait exprès sur ce sujet; mais aprèstout, on peut s'en passer.Dans lespremiers siècles

de l'Église, on s'en passait effectivement*.» Ceux qui avaient étudié ces choses lorsqu'il

étaient dans le siècle, en tiraient de grands avantages pour la religion lorsqu'ils étaient pasteurs. Mai

1 Bien comprendre le Christianisme, voilà donc le but même détudes païennes.

2 Et on dit que je suis un novateur1

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CHAPITRE DIXIÈME. 463

on ne permettait pas à ceux qui les ignoraient de lesapprendre, lorsqu'ils étaient déjà engagés dansl'étude des saintes lettres.Onétait persuadé que VÉ-criture suffisait : de là vient ce que vous voyezdans les constitutions apostoliques, qui exhortent lesfidèles à ne lire point les auteurs païens. En effet, on

n'a pas besoin, comme nous l'avons vu, de chercher ailleurs ce qui peut former le goût et le jugement pour l'éloquence même1. »

Ainsi, Fénelon pense, comme l'Église primitiveque le livre divin suffît pour former la jeunesse,comme il suffît pour former la société elle-même tous les genres de perfection. Avons-nous dit autrechose?

Mais cen'est pas tout.Al'éludedu texte sacré, Fé

nelon ajoute celle des Pères, qui en sont les magnfiques commentateurs. N'est-ce pas là encore ce qunous avons dit? Il faut l'entendre vengeant cesgrands hommes des coupables dédains de la Renaissance. «LesPères de l'Église, dit-il, sont nos maîtresC'étaient des esprits très-élevés, de grandes âmes,pleines de sentiments héroïques, des gens qui avaienune expérience merveilleuse des esprits et des cœurdes hommes qui avaient acquis une grande auto

rité et une grande facilité de parler. On voit mêmequ'ils étaient très-polis; c'est-à-dire, parfaitement1 Dialogue sur ïéloq., etc.

44.

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instruits de toutes les bienséances; soit pour écrire,soit pour parler en public, soit pour converser familièrement, soit pour remplir toutes les fonctions dla vie civile. Aussi trouve-t-on dans leurs écrits ungrande politesse, non*seulementde paroles > mais desentiments et de mœurs. Cette politesse qui s'accord

très-bien avec la simplicité et qui les rendait gracieuet insinuants, faisait de grands effets pour la religion.C'est ce qu'on ne saurait trop étudier en eux. Ainsi, après l'Écriture, voilà les sourcespures. »

Fénelon ne s'en tient pas aux conseils. Dans unlettre, récemment découverte, il règle ainsi lesétudes du duc de Bourgogne pour Tannée \ 696 Les livres sapientiaux, les livres poétiques de l'Écriture, des traités choisis de saint Jérôme, de saint

Augustin, de saint Cyprien, de saint Ambroise, dePrudence et de saint Paulin1. N'est-ce pas là, quantau fond, toute la réforme que nous avons demandée?

Quelques-uns de nos adversaires s'étonnent queBossuet et Fénelon n'aient pas été plus explicites sules dangers de l'enseignement païen, et de leurétonnement ils se font une arme contre nous. Ilsoublient que Bossuet et Fénelon étaient fils de leuéducation de collège, au point de regarder nos ca

thédrales gothiques comme des œuvres barbares; ilsoublient queleshommes, même les plus clairvoyants,* Voir Annal dephil. chrét., fév. 4857, p. 461.

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CHAPITRE DIXIÈME. 465

n'aperçoivent pas toujours les dernières conséquenced'une institution nouvelle oud'une coutume qui s'établit; ils oublient que F expérience du système qunous combattonsn'était pas faite. Si Bossuet et Fé-nelon vivaient aujourd'hui,s'ils voyaient commenous, le paganisme déborder de toutes parts dans les

idées et dans les mœurs, comme il débordait de leutemps dans les lettres et dans les arts,s'ilsavaient vula révolution française, ce drame épouvantable quidans chacune de ses phases, fut la parodie atroce ouridicule du paganisme gréco-romain, et dans sonensemble la traduction littérale des études de collège: dans quel camp pcnse-t-on qu'ils combattraient?

Restons encore à la cour de LouisXIVet citons unnouveau témoin. Dans sonChoix desétudes> Fleury

se fonde sur la tradition et rappelle, comme nous, laconduite de la primitive Église: « La principale étudedes chrétiens, dit-il, était la méditation de la loi deDieu et de toutes les saintes Écritures, suivant latradition des Pasteurs qui avaient fidèlement conservé la doctrine des apôtres. Ils appelaient tout lereste Études étrangères ou extérieures, et les rejetaient comme faisant partie des mœurs despaïens.Les poètes, parce qu'ils étaient les prophètes du

diable; les philosophes etlesorateurs, parce qu'ilsétaient les corrupteurs de la foi, de la morale et de lavérité. On ne peut nier toutefois qu'il n'y eût plu-

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66 LA RENAISSANCE.

sieurs chrétiens très - savants dans les livres depaïens et dans les sciences profanes; mais si Toveut bien l'examiner, on trouvera que la plupartavaient fait ces études avant d'être chrétiens*. »

Malgré les faits particuliers qu'on peut citer, cetterépulsion générale pour les auteurs païens a duré

jusqu'à la Renaissance. « Ce qu'il y a de remarquable, dit Fleury, c'est que les autres peuples oneu le même éloignement pour les livres étrangers leur état social ou contraires à leur religion. Jamaisles Arabes ne s'appliquèrent à la langue grecque; isuffisait, pour Ja leur faire mépriser, que ce fût lalangue de leurs ennemis. Leur religion leur défendait de lire les poêles grecs; ils avaient une (elhorreur de l'idolâtrie, qu'ils ne se croyaient pas

permis seulement de prononcer les noms des faudieux3; et entre tant de milliers de volumes qu'ilsont écrits, à peine en trouvera-t-on quelqu'un quiles nomme. Ils étaient donc bien éloigués d'étuditontes ces fables, dont nos portes modernes ont ét

si curieux8

. »Fleury blâme avec sévérité ces fils do la Renai

sance qui, au mépris de la tradition chrétienne emême du sens commun, « passent leur vie à étu

dier le latin et le grec, la mythologie, la poétiquet la rhétorique païennes, et qui professent pour le t N. IV. —* Cette horreur leur venait des juifs.— 3 N. VI.

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CHAPITRE DIXIÈME. manciens un respect si aveugle, qu'ils ont suivi leurerreurs plutôt que de se donnerla liberté d'en juger.»Victimes du môme engouement, les protestantsallèrent plus loin : « ils regardèrent les études profanes comme des moyens nécessaires à la réforma

*

lion de l'Église, et voulurent faire passer le renouvellement des lettres pour le premier signe que Dieeût donné de sa vocation sur ce point. »

Dans le blâme qu'il inflige aux Renaissants, Fleurest d'autant moins suspect qu'il est du nombre: « Lelangage de la philosophie scolastique, ajoute-t-immédiatement,n'est digne par lui-même d'aucunrespect particulier; il en est de même de l'architecture de nos anciennes églises. Cette architectureque nous nommonsgothique, n'est ni plus vénérable

ni plus sainte, pour avoir été appliquée à des usagesaints dans les temps où l'on n'en connaissait pasde meilleure. Ce serait une délicatesse ridicule dene vouloir pas entrer dans les églises qui sont bâtiede la sorte1. » Ainsi, les uns ne veulent pas lirel'Écriture, crainte de se gâter le style, et les autreshésitent à entrer dans nos cathédrales gothiques,crainte de se fausser le goût. Voilà où en étaientcertains humanistes du siècle de Louis XIV. Et on

prétend nous les donner, eux et leur siècle, comm1 N. XIII.

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468 LA RENAISSANCE.

les régulateurs infaillibles de nos jugements etoutes choses !

Il faut le dire à sa louange, toutpaïen qu'il est,Fleury obéit encore à l'esprit chrétien. En parlantde l'Écriture et des Pères, il ne craint pas de heurterde front ces puristes inintelligents, pour qui le beau

naturel, poétique ou oratoire ne se trouve que dansles auteurs païens : « Lorsque les enfants, dit-ilseront capables de lire l'Écriture sainte, il faut prendre soin de leur en faire connaître les beautés extérieures , je veux dire l'excellence des différenstyles. Qu'ils voient dans les histoires combien lefaits sont choisis et arrangés, combien la narrationest courte, vive et claire tout ensemble; qu'ils remarquent dans la poésie la noblesse de rélocution

la variété des figures, la hauteur des pensées; danles livres de morale, l'élégance et la brièveté desentences; dans les prophètes la véhémence dereproches et des menaces et la richesse des exprèsions »

L'Écriture n'est pas seulement le type de la belleéloquence et de la belle narration historique, ellest encore la source unique de la belle poésie. Apravoir montré l'infériorité des païens latins et grecs

« il faut, ajoute Fleury, pour trouver une poésiepure, établie sur un fondement solide, où l'on1 N. XVII.

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CHAPITRE DIXIÈME. 469

puisse goûter en sûreté le plaisir que peut donnerle langage aux hommes, remonter jusqu'aux cantiques de Moïse, de David et des autres vrais prophètes. C'est là qu'il faut prendre la véritable idéede la poésie. Toute autre poésie est un jeu d'enfanou un abus sacrilège des dons de Dieu1. »

Purifier le goût corrompu par la Renaissance,réconcilier le bel esprit avec le ton sens et la vertutel est, suivant Fleury, le devoir sacré de l'éducation. Le premier moyen d'y réussir est, à ses yeuxl'étude de l'Écriture sainte; le second, celle desPères et des grands auteurs chrétiens. Avons-nousdit autre chose?

Déplorant comme nous l'ignorance et même lemépris du Christianisme dans lesquels notre édu

cation classique fait grandir le monde lettré : « Ilme semble fâcheux, dit-il, que la plupart deschrétiens qui ont étudié, connaissent mieux Virgileet Cicéron que saint Augustin ou saint Chrysos-tome. Vous diriez qu'il n'y ait eu de l'esprit et dela science que chez les païens, et que les auteurchrétiens ne soient bons que pour les prêtres oules dévots.Leur titre de Saint leur nuit, et fait croiresans doute à la plupart des gens que leurs ouvrages

ne sont pleins que d'exhortations ou de méditationsennuyeuses.1 N. XXXII.

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470 LA RENAISSANCE.

» On va chercher la philosophie dans À ris tote,et on a dans saint Augustin une philosophie toutchrétienne. Pourquoi ne cherche-t-on pas l'éloquence dans saint Ghrysostome, dans saint Grégoire de Nazianze et dans saint Cyprien, aussi bieque dans Démosthène et dans Cicéron? Pourquoi n'

cherche-t-on pas la morale, plutôt que dans Plutarque et dans Sénèque? Je voudrais qu'un jeunehomme fût averti de bonne heure que plusieursaints, même des plus zélés pour la religion et deplus sévères dans les mœurs, ont été de très-beauesprits et des hommes très-polis, et ques'ils ontméprisé les lettres et les sciences humaines c'a étavec une entière connaissance1. »

Pour exprimer, cent cinquante ans avant nous,

l'ensemble de nos idées, il ne reste plus à Fleurqu'à faire justice de trois choses : la prétention deRenaissants à connaître parfaitement le beau grec ele beau latin; le contre-sens qui fait étudier les auteurs païens, avant que les enfants soient en âge d'etirer aucun profit; enfin l'importance exagérée qu'onattache à cette étude : il n'y manque pas.

« Il faut, dit il, se guérir de l'erreur que l'onpuisse apprendre parfaitement le latin, ni aucune

autre langue morte. Nous ne pouvons savoir que cqui est écrit et nous ne pouvons même entendre tou* N. XVIL

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CHAPITRE DIXIÈME 474

ce qui est écrit. Combien ya-t-il de mots dans Catonet dans les autres auteurs que personne n'entendplus? Dans les discours même que nous croyonentendre le mieux, il y a des finesses que nous npouvons comprendre, comme celles que remarquÀulugelle en certains endroits de Cicéron et de Vir

gile. Que s'il est presque impossible d'apprendre danla dernière perfection, même les langues vivantes qune nous sont pas naturelles, que peut-on espérer decelles qui ne subsistent plus que dans les livres1 ?

« Les auteurs païens demeurent inutiles et méprisés pour l'ordinaire faute de lecteurs proportionnés. On les fait lire à des enfants qui n'entendraientpas même en français des discours semblables, fautd'expérience des choses de la vie et d'attention aux

affaires sérieuses. Cen'est pas que quand on entendbien des poëtes anciens il n'y ait à profiter, particulièrement des Grecs. Mais pour les lire avec plaisir il faut savoir si bien leur langue, leur mythologie et leurs mœurs, que l'utilité ou le plaisir quen revient ne me semble pas digne de ce travail8. t>

Pendant que Fleury proteste au nom du senscommun contre l'élude passionnée des auteurspaïens et rappelle, comme nous, l'Europe moderne

aux sources de sa vie, l'Écriture sainte et les Pères,Mabiilons'élèveau nom du sens chrétien contre les* N.XVIL—'N.xxxm.

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m LA RENAISSANCE.

pédagogues, assez impertinents pour bannir dudictionnaire les mots consacrés par l'Église, sous prétexte qu'ils ne se trouvent pas dans les écrivains dusiècle d'Auguste.

« Il faut éviter, dit le savant religieux, l'excès dcertaines gens qui ont une estime si aveugle de l'an

tiquité, qu'ils font scrupule de se servir de quelques mots latins qui ne se trouvent pas dans Cicéroet dans les auteurs profanes du siècle d'or; en sortequ'ils ne peuvent pas même se résoudre à se servides mots que la religion chrétienne a consacrés, een substituent d'autres à leur place qui vont quelquefois jusqu'à l'impiété.C'est ainsi, comme a remarqué Muret, que quelques-uns se servent du mo

persuasio au lieu de fides, et que les hérétiques de

nos jours, qui se piquaient de bien parler, ont employé leSanclificum crustulumpour marquer Y Eucharistie. Il ne faudrait plus que se servir du mot Jupiter au lieu de Christus9 qui assurément ne setrouve pas dans Cicéron.

» Mais ce qui me paraît insupportable,c'est queles catholiques mêmes font difficulté de se servir dmot sacré deSalvator, et mettent en sa place celuide Sermtor, à cause que l'autre ne se trouve pas

chez les païens. Il y a longtemps que saint Augustis'est récrié contre ce désordre. Voici ses paroles :« Que les grammairiens disent tant qu'ils voudron

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CHAPITRE DIXIÈME. 473

que le termeSalvator n'est pas latin : il suffit auxchrétiens qu'il exprime bien la vérité de ce qu'ilscroient.11 est vrai que les mots deSahare et de Salvator n'étaient pas latins avant la venue du Sauveur;mais le Sauveur étant venu chez les Latins, n'a-t-ipas eu le droit de les rendre latins :Sahare et Sal

vator non fuerunt latina aniequamveniret Salvator;quando ad Latinos venit Iiœcet latina fecit 1? Apprenons au moins des païens mêmes à être plus religieux et à retenir les termes que la religion aconsacrés: lllamutari velat rcligioet consecratis aten-dum est.Apprenons, dis-je, que l'usage et la coutume donnent le cours aux paroles, comme la figurdu prince à la monnaie :Consuetudocertissima lo-quendi magistra,utendumqueplane sermonevt nummo

oui publica formaest *. »Érasme, Muret, le P. Possevin et une foule d'autres avaient parlé comme Mabilion. Mais le parti prisest semblable à ces idoles qui ont des yeux et qune voient pas, des oreilles et qui n'entendent pasLe dix-septième siècle vit paraître je ne sais combien d'élucubrations en vers et en prose, de lexiques, d'apparats, de dictionnaires à l'usage de la

jeunesse, d'où sont bannis les termes mêmes consa

crés par l'Église, ou dans lesquels ils se trouven1 Ser. 299, n. 6.

2 Quintil., lib. I, c. vi. — Mabill.,Étui, monast., part. H, c. ir.

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474 LÀ RENAISSANCE

accompagnés d'un stigmate d'ignominie* Ce purismridicule, ces innovations sacrilèges venaient de lmême source que la corruption des mœurs et l'affaiblissement de la foi, c'est-à-dire de l'étude passionnée de l'antiquité païenne.

Aux réclamations incessantes que nous avons ci

tées contre cette coutume infernale,flumen tarla-reurn, qui devait conduire l'Europe à l'abîme enfaussant la voie de la jeunesse, ajoutons, entrbeaucoup d'autres, celles de Sacy. « Comment, ditil, les parents et les maîtres pourraient ils former leesprits tendres des enfants, pour les fortifier contrela contagion du siècle, qu'en leur apprenant debonne heure les principales maximes de l'Évangilqui conviennent à leur âge? Mais, hélas! il n'arriv

que trop souvent qu'au lieu des histoires édifianteet instructives qui sont à leur portée, on les entretient de contes fades et ridicules qui ne peuvenque les rendre sots et impertinents. On leur fait lireordinairement des poètes peu chastes et les histoirefabuleuses des anciens, qui salissent l'imaginatiodes enfants et leur remplissent l'esprit de sentimenttout païens, avant qu'ils soient instruits des véritéchrétiennes nécessaires au salut1. »

Comme Fleury et la plupart de nos devanciersSacy invoque l'autorité de la tradition. Il cite le* Comment, sur la 2e Ép. à Timoth., c. m.

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CHAPITRE DIXIÈME 475

plaintes de saint Augustin et ii indique les mêmeprécautions que nous avons indiquées nous-même« On demanderait, dit-il, seulement pour retirerquelques avantages de l'étude des auteurs profanes,trois choses pour en faire un bon usage. La première , qu'entre ces auteurs, surtout les poêles, on

fît choix de quelques-uns, les plus utiles et les moincorrompus, et qu'on ne les fit lire qu'après les avoirexpurgés de certains endroits dangereux.

» La seconde,c'est que l'étude des auteurs païnnsne préjudicierait en rien à celle qu'on doit faire faireaux jeunes gens des livres de l'Écriture, qui conviennent à leur âge et à l'état auquel on les destineEnfin la troisième,c'est qu'au lieu de charger lamémoire des jeunes gens des oraisons de Cicéron

des vers de Virgile et d'Horace,qui dans la suite neleur sont d'aucuneutilité > on leur fît apprendre parcœur les plus beaux endroits du Nouveau Testamenet les Livres sapientiaux. L'expérience prouve quetous ceux qui ont été instruits de la sorte, en retirenun grand profit pour leur salut et pour l'édificationdes autres. »

Nous pourrions grossir la liste de nos ancêtres audix-septième siècle. Thomassin, Ferrier, Nicole e

bien d'autres viendraient répéter ce que nous avonsentendu, à savoir: que l'Europe moderne fait fausseroute, parce qu'elle s'abreuve aux sources empoi-

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476 LA RENAISSANCE.

sonnées du Paganisme gréco-romain; que cette routeaboutit à l'abîme, et que le seul moyen de préveniune suprême catastrophe,c'est la réforme chrétiennede l'éducation.

Avant de passer à l'audition de nouveaux témoins, arrêtons-nous un instant pour admirer le sa

voir de nos adversaires. Avec la fierté d'hommesûrs de leur fait, ils écrivent : « La thèse deM. Gaume est fausse historiquement. Il n'a d'autredevancier dans sa croisade contre le Paganisme, qule P. Possevin au seizième siècle. »

« —Mentez,mentez hardiment, disait Voltaire, ilen restera toujours quelque chose. » Ah! qu'ils sontbien les fils de leur père]

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CHAPITRE XIDIX-SEPTIÈME SIÈCLE.

Le Ver rongeur publiéen 1641. —Approbation solennelle donnée à ceouvrage. — Titres de quelques chapitres. — Analyse. — L'auteur aprévu tout ce que nous voyons. Il a dit tont ce que nous avons dinous-méme. — Source du niai : le Paganisme classique. — Ces! démon qui l'a réintroduit dans le monde. —11 cause le* mômes ravages que dans l'antiquité, il appauvrit la raison, il fausse le jugement, il affaiblit le sens moral.

Au litre de novateur dont ils me gratifient, tesavocats de renseignement actuel joignent celui d'in

sulteur de l'Église. Ces deux compliments ne sonpas les moins flatteurs qu'ils m'aient adressés. Malheureusement pour eux ou pour moi, je ne mériteni l'un ni l'autre : on l'a vu déjà et on va le voirplus clairement encore.

Au milieu du dix-septième siècleparut un ouvragein-quarto dequatre cent soixantepages, sur la grandequestion de la réforme chrétienne des études.C'estla protestation la plus complète, la mieux motivéet la plus solennelle contre le système d'enseignement introduit par la Renaissance. L'auteur dit toutce que nous avons dit : même point de départ, mê

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478 LA RENAISSANCE.

mes raisons, môme plan, môme but, marnes prévisions. Si avant de soulever la question , nous avionconnu ce chef-d'œuvre, il nous aurait suffi do lerééditer : c'est le Ver rongeur publié en 4641.

L'auteur n'est pas un homme obscur,c'est un savant religieux, professeur de théologio, qui con

naît à merveille l'antiquité païenne, l'antiquité chrétienne, les besoins de son époque et la question declassiques. 11 no se présente pas seul devant le public, son livre est revôtu des approbations les pluimposantes. La première est celle du célèbre cardinade Sourdis, archevêque do Bordeaux, qui, par l'organe de son théologal et de son grand vicaire, l'undocteur de Sorbonnc, l'autre protonotaire apostolique, déclare que l'ouvrage « ne contient rien qu

ne soit orthodoxe et de singulièie piété, et qui nserve au grand avantage de la république chrétienne, pour la connaissance et le choix de la vraiscience.»Les secondes émanent de six docteurs deFacultés de théologie de Paris et de Bordeaux. Il

certifient qu'après dix mois d'examen, ils ont reconnu l'ouvrage « parfaitement orthodoxe, très-utilet digne de voir le jour. » Enfin, l'approbation duprovincial de Tordre couronne toutes les autres. Cevénérable religieux déclare quec'est«par ses ordresque l'ouvrage a été examiné, et qu'il en autorisel'impression. »

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CHAPITRE ONZIÈME. -479

Évidemment,le livre qui seprésente avecde pareilles garanties mérite confiance.Ou moins, il neviendra à l'esprit de personne de dire que l'auteur est un insulteur de l'Église et dasordres religieux. Supposéque ce livre contienne littéralementtoutes nos doctrines, nous laissonsà nosamis et

même à nos ennemis le soin de conclure. Resteàsavoir s'il est tel quenous le prétendons. Le titreseul de quelques chapitres, jointà unerapide analyse, suffira pour éclaircirce doute1.

« Que les prophanes Académies de l'antiquité sonindignes de tenir quelque rang dansleChristianisme.

)) Que les plus sages écrivainsde la prophaneantiquité po s'accordent pas bien avecla simplicitéde l'Académie chrestience.

» Que l'usage desmeilleurs livresdu Paganismen'est pas nécessaireaux disciplesde l'Académie.» Que lespoëtes prophanesde la genlilité sont

indignes d'exercer l'imagination des jeunes escolierqui fréquententlesescoles chrestiennes.

» Que leshistoriens prophanesde l'antiquité nedoivent plus êtreles premiers à remplir la mémoiredes jeunes disciples]de notre sainte Académie.

» Que lesauteurs payensqui ont lemieux rai-1 L'ouvrageest intitulé: Le triomphe deVAcadémiechrétienne

sur la prophane, par le R. P.Félix Dumas, religieux récollet* lecteur en la sacrée théologie; impriméà BorJoauxen4641,

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CHAPITRE ONZIÈME. 481

» Que l'étude des seuls livres chrestieus peut imprimerà notre jeunesse de l'horreur contrelessculptures deshonnôles et les tableaux impudiques.

» Que les instructions de notre divine Académipeuvent faire haïr absolument à la France les insolentes libertés du théâtre. »

Comme on voit, leVer rongeur est tout entier dansces différents titres. Sous la plume vigoureuse dPère Dumas, ces titres deviennent autant de thèsevictorieusement démontrées. L'analyse de l'ouvragrend encore plus frappanto Ja parfaite conformité denos idées avec celles de l'auteur. A !a vue du maqui se manifeste aujourd'hui, dans des proportionset avec des caractères inconnus du moyen âge, nouavons dit: «LePaganisme est revenu dans le monde

avec la Renaissance; seul, il explique ce que nouvoyons ;c'est lui qui conduit l'Europe à l'abîme:L'unique moyen de salut qui nous reste,c'est l'éducation profondément chrétienne des générations influentes. » A voir et à dire cela maintenant, il peun'y avoir pas grand mérite; mais l'avoir vu et l'avoirdit il y a deux cents ans,c'est à coup sur le fait d'ungénie supérieur.

« Non, dit l'illustre et pieux écrivain, il ne fautattribuer le mal qui grandit à vued'œil et qui menace le monde de catastrophes inconnues, ni à ladécadence naturelle des choses humaines, ni à l'am

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482 LA RENAISSANCE.

bitioDdes princes, ni à l ' insubordination des peuples.La cause en est dans l 'éducation de la jeunesse etsurtout d e la je un es se é c l a i r é e , mi se lo ngt emps e ncontact avec l 'antiquité profane. C'est l 'avis deshommes les plus graves de notre temps. Vous n'ignorez pas combien est recevable cet écrivain du siècle

quand il dit: qu'i l déteste le dérèglement de plusi eurs es ch ol es q u i , au li eu d e former d e bons etsavants escoliers, judicieux et gens de bieu, no produ is en t et n'é lèvent pour la plupart que de s i g nor an t s , de s indiscrets , de s p e r d u s , d es gen s vol age se t é ce rve l é s1 . Le mal est tel dans ces générations,qu'il décourage le zèle le plus apostolique, qui abando nn e les homm es pou r s 'occuper spéc ial emen t de sfemmes. »

Venant aux preuves, l 'auteur décri t l 'engouementgénéra l pour l 'ant iquit é pa ïe nn e, et la mont re en opposition formelle avec l'esprit de l 'Eglise: « Intéresseles j eune s ge ns a v e c passi on pour un e ode d' Hora ceformer de s quere lle s pour u n e phr ase d e C ic ér on ,

justifier avec gr an de s con testa tions d'esprit la li ce ncpoétique d'un vers de Virgile, apprendre à déclamer avec un peu de grâce quelque oraison oupo ëme d' un aut eur paï en : voilà l 'emploi d es j eunesg e n s , voilà les plus sérieux empressements de leuré t u d e s ! »

* DéLancre,Tableau del'inconstancedeb e$prii%liv. lit, dise.

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CHAPITRE ONZIÈME. 483

Voici pour rage mûr : « Où ne tient plus comptedes règles des saints Pères, ni de l'esprit du Christianisme, ni des dangers des auteurs païens. Combien voyons-nous aujourd'hui d'hommes de lettresqui passent leur vie dans un continuel entretien avecles volumes profanes de l'antiquité; qui suivent ces

fausses lumières pour se conduire dans les précipices, et qui sont pleins de mépris pour les auteurschrétiens, quoiqu'ils sachent fort bien que leursécrits contiennent la science, Péloqucnce et tout cqui peut satisfaire les raisonnables avidités de l'esprit! N'est-ce pas violer avec plus de lâcheté lcanon des apôtres, qui excommunie ceux qui portende l'huile au temple des idoles, ou qui, de leurpropres mains, allument leur lampe1 ?

» Ce goût, contracté dès l'enfance, ne les abandonne pas, et on les voit dans l'âge mûr, dans lacellule môme des couvents, dégoûtés des auteurchrétions, revenir aux auteurs païens, composer desfables et des romans, pour s'être, dès leur enfancehabitués à s'entretenir longtemps avec les livrespaïens. De là vient que, par un très-sévère maistrès-juste châtiment de Dieu, dit un sage théologienils sont privés de l'intelligence et des consolationque les livres chrétiens donnent aux âmes pureshumbles et dociles :Sewnssimum est judkivmDo*

1 Can. 70.

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CHAPITRE ONZIÈME. 485

triomphant dans le monde avec ses roses et sa hainpour le genre humain, surtout pour l'enfance. Aprèsavoir rapporté vingt exemples de la rage particulièredu démon contre les petits enfants, dans l'ancienPaganisme et chez les nations encore idolâtres, iajoute: « Depuis quelques siècles, Satans'est ap

pliqué parmi les nations chrétiennes à corrompre lesenfants, en leur ôtant les livres chrétiens et en lelivrant aux auteurs païens. Cet ange apostat eut bienPimpudence d'étaler sous les yeux du Fils de Dieles grandeurs, les richesses, la pompe et toute lamagnificence du monde, pour l'obliger à aimer cevain éclat et à lui présenter des vœux et dédier seservices, en reconnaissance des offres qu'il lui faisait.

» Ainsi, par les mêmes ruses et souplesses, il persuadé à une infinité de professeurs que tout ceque nous avons hérité des auteurs païens porte unmonde de trésors et de lumières, pour nous instruireou pour nous divertir. C'est ainsi qu'il nous charmeencore et qu'il corrompt l'enfance, pour nous attirerà son service en pratiquant les choses profanesQue si saint Augustin accuse avec raison ses maîtred'école de l'avoir, en lui faisant étudier les livres

païens, exposé à être la proie des corbeaux de l'enfer, il nous faut bien croire que cet esprit malin necesse de tromper et de séduire encore aujourd'hui

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436 LA RENAISSANCE.

des millions de chrétiens par les livres des gentilsafin d'entretenir le règne do vice. »

Le démon reconnu pour père de la Renaissance efaisant, pour séduire l'Europe, miroiter devant ellele beau païen, le grave théologien s'écrie : « Que

jugement devons-nous donc faire de tant de maître

d'école à qui l'on confie la conduite de la jeunesschrétienne, et qui n'ont d'affection et de complaisance que pour les livres du Paganisme? Ne faut-ipas dire avec Terlullien, qu'ils sont esclaves des rusede Satan ;Hœcprima- diabolo fides ab initia crudi-tionis œdi/îcatur 1 ? Qu'ils préfèrent le calice de Ba-bylone à celui du Sauveur, selon l'allégorie d'uncélèbre religieux2 ? Qu'il*préparent des précurseursà VAntéchrist*au lieu de rendre leurs écoliers lés

disciples de la sagesse incarnée, et qu'ils sont semblables à ces scarabés qui vivent d'ordure et dontla voix bourdonne dans le bois pourri.» Ainsi s'explique ouvertement saint Jérôme, en faveur de notresujet*•

Ces énergiques paroles ne sont pas, comme quelques-uns pourraient lè croire, de vaines déclamations, ou, comme ils nous l'ont reproché, des exagérations insoutenables. Des faits nombreux et acca

blants se pressent sous la plume de l'auteur pour jhstifier la sévérité de son jugement. Décrivant lè* Lib. de Idolol., c. x . —2 Paz, obi supra. —* In Habac., c. n.

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CHAPITRE ONZIÈME 487

ravages du JPagaiiismë en Europe, il le montre prb-duisant tous les maux qui signalèrent son règnedans l'antiquité.

D'abord, il appauvrit ia raison. Les livres chrétiens ouvrent devant nous des horizons sans limitesC'est là que l'esprit humain, soutenu par la foi, pé

nètre dans l'infini el apprend à connaître les mystères de Dieu et lès Mystères de Thomme, les mystèredu présent et les mystères de l'avenir: connaissances sublimes qui seules peuvent développer convenablement une intelligence destinée à la possessioéternelle delà vérité. « L'auteur chrétien n'a rien debas ni de puéril; au contraire, il tient l'esprit d'unétudiant toujours haut et généreux, ltti donne entrée aux pensées diviues, l'élève au-dessus de

choses mortelles, lui fait prendre goût à la lecturedes choses sacrées, porte une vraie liberté à son entendement et le dispose à de plus grandes illustrations.

» La vérité est la nourriture derame. Mais cettepure et solide nourriture, propre à fortifier l'entendement des jeunes chrétiens, tie se trouvé pas chezles infidèles du temps passé. Les auteurs païens nparlent que des choses, des folies, des crimes et de

vanités de ce monde. Leurs écrits ne sent que deoignons et des poireaux d'Egypte qui remplissent,comme dit un grand homme, la cervelle de mille

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488 LA RENAISSANCE

vapeurs épaissesqui ternissent l'imagination et obscurcissent l'entendement. C'estdu pain de mensonge,agréableau goût, mais qui remplitla bouchede gravier, comme parle Salomon, aussitôt qu'ilest presséentre lesdents1.

» Jugez de là si lesmaîtres qui font aujourd'hui

étudier à leurs disciplesles idolâtres, ne ravalentpas leur espritet neretardent pas le développementde leur raison? Hé! n'est-il pas vrai que cespédagogues obligentde jeunes princesà faire la cour àleurs valets?Je conclus donc, avec les plus habilescompagniesdu royaume, que si on diffère pluslongtempsà suivre lesauteurs chrétiens, nousserons richesde latin et pauvres de raison2. »

Il fausse le jugement. « Aujourd'huile monde est

rempli de ces esprits mal conditionnésqui jugentmal de toutes choses. Frappés, commedit legraveTertullien. d'un double aveuglement,ils croientvoir ce quin'est pas et nevoient pas ce quiest*.De là vient qu'ils préfèrentles idoles de Babyloneau sanctuaire de Jérusalem, les roseaux du désertaux colonnesdu temple, et lesauteurs païensauxauteurs chrétiens. Cette fausse estime prendsa naissance,dit saint Isidore4, despremières impressions

1 Prov., c. xx. —2 ïlélas! nous sommes pauvresdo raisonetnousne sommespasriches do latin.—3 Apol.,c. ix. —4 Lib. III,

Sentent,

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CHAPITRE ONZIÈME 4*9

que les livres païens ont laissées dans l'entendemende ces arbitres téméraires.C'est dans les bassesécoles qu'on leur a persuadé que ces fameux docteurs de la profane antiquité ont toujours possédédes qualités plus avantageuses que les nôtres; qu'ilont été conduits par les mouvements d'un génie plu

pur et plus sublime; que leurs idées ont porté plushaut que nos spéculations; que leurs acquêts ontplus participé de l'invention, et que nos industriesont emprunté de leurs études tout ce qu'on voit decurieux et de poli dans les lettres humaines. »

L'exposé des erreurs et des pauvretés des pluscélèbres auteurs païens fait complète justice de cejugement erroné. De là, l'illustre écrivain conclut endisant avec Cassiodore: c Ces maîtres de l'antique

idolâtrien'ont donc aucun droit de diriger nos espritset moins encore de tenir la régence dans les universités et parmi les collèges du Christianisme. Leur autorité ne nous est pas moins suspecte que leur superstition nous est odieuse. »

Il affaiblit le sens moral. «C'est engager la jeunesse dans un mauvais sentier que de lui procurerson instruction par des infidèles, qui font des vicesinfâmes leurs idoles, qui glorifient la haine, la vengeance, la cruauté, ramourdéshonnéte, et qui ôtentla crainto du mal en étant celle de la justice divinepar les applaudissements ou impunités qui suiven

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m LA RENAISSANCE.

leurs plus damnables actions.C'est faire voir parécritaux enfants les vices qui ont corrompu l'innocencde leurs pères ;c'est leur donner l'entrée à de mauvaises habitudes, par de célèbres exemples;c'est

jeter de l'huile sur les flammes de leur concupicence; c'est préparer, comme dit saint Augustin,

un agréable poison pour faire mourir toutes les bonnes dispositions qu'ils avaient à la vertu :Prava diserte dicta valdesunt noooia1. »

Ce n'est pas seulement en rendant le vice aimable et en désarmant la justice de Dieu, que les auteurs profanes affaiblissent dans la jeunesse le senmoral, c'est encore en substituant aux vertus chrétiennes des vertus purement humaines, dont ils luiapprennent à se contenter. « Vous dites, continue

l'admirable écrivain, que les auteurs chrétiens sontinutiles à la jeunesse de nos écoles; que les vertumorales lui sont seulement nécessaires pour la disposer à l'exercice des vertus chrétiennes, et que leécrits des païens sont remplis de mille bons préceptes qui en enseignent la pratique assurée.C'est soutenir qu'il y a un âge où l'homme chrétien est dispensé des devoirs de sa religion et des obligationqu'il a épousées avec la foi; que les droits de Diesont limités sur les parties de sa vie mortelle; qu'iy a un temps auquel il est permis à une âme de ne

1 De origin. peccat n lib. II.

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CHAPITRE ONZIÈME.

point rapporter à Dieu ses plus belles actions, sibelles on peut appeler celles à qui saint Augustindonne le nom de vices, pour n'être pas ajustées àcelte dernière fia1. »

Malgré les avertissements prophétiques de nos illustres devanciers, les éludes païennes ont continu

dans les écoles: et aujourd'hui l'Europe chrétiennevoit dans son sein des générations innombrables denaturalistes qui se contentent des vertus humaines,qui laissent auxmystiquesles préceptes de l'Évangileet qui en morale se proclament fièrement disciplede Socrate. Et on n'ouvrira pas les yeux !

1 De Civ. Dei,]ib. X, c. xxv.

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CHAPITRE DOUZIEME 493

à-dire de la vie déposée en loi par le saint baptême : à cela tout doit se rapporter. « L'être tire sonaccroissement du principe qui le produit :c'est unaxiome :Ex iisdem nulrimur ex quitus nascimur.L'arbre qui sort de terre prend sa nourriture dumême lieu. Il en est de même de l'enfant chrétien

Ayant reçu une seconde naissance et comme unnouvel être dans le sein de l'Église, il doit êtrenourri du lait de sa mère, c'est-à-dire des principesde la religion par des leçons continuelles de piété

jusqu'à ce qu'il arrive à l'Age parfaitenJésus-Christ.Il est bien évident quec'est seulement dans les auteurs chrétiens qu'on peut trouver les fontaines decette vie. Voilà pourquoi ils sont les maîtres nécessaires de la jeunesse \ »

L'auteur le prouve en montrant, dans un tableaud'une haute éloquence, l'opposition radicale desauteurs païens avec chaque article du Symbole echaque précepte du Décalogue. « Il est donc certainconclut-il, que les païens étaient les violateurperpétuels du Symbole et du Décalogue et que ldérèglement de leur vie a passé jusque dans iacomposition de leurs écrits. Et vous voulez que l

1 Doctores sacri mente ac vkiiantibus oculis tenendi sunt qtanquam arcturi nunquam occidentfs lucentia sidéra, siabili fsteterunt, et lucem fldoi fandento', erroris occasum nescieru— Abb. Ruport., lib. III, in Joan.

XII. 43

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LA RENAISSANCE.

jeunesse que vous envoyez à leur écolo ne s'hbitue pas insensiblement, par une contagion maligne, à l'imitation des mêmes péchés! Jugez vous-mêmes de la vérité de ce discours, ot si je n'ai paraison de dire qu'il faut, si on vent conserver la foet les mœurs, préférer absolument nos auteurs

chrétiens. Seuls, ils peuvent imprimer dans l'espril'exacte observance de la religion, soit par l'éloquence du langage, soit par l'éloquence plus fortde l'exemple, qui est, suivant saint Grégoire deNysse, le meilleur commentaire et la leçon la plunécessaire qu'on puisse donner à la jeunesse chrétienne.... Maîtres pédagogues, où avez-vous donla tête quand vous élevez la jeunesse chrétiennavez des livres païens? »

L'affaiblissement de la foi, la corruption desmœurs dans des proportions effrayantes, et l'ébranlement général de la religion en Europe, voilà cque le regard pénétrant de l'éminent écrivain voyaitil y a deux siècles. L'histoire n'a que trop prouvéqu'il avait bien vu. Avec non moins d'autorité,elle vérifie ses prédictions relativement à l'ordresocial. Caractériser comme nous pourrions le faireaujourd'hui les dangers que l'enseignement clas

sique fait courir à la société, annoncer que l'Europepérirait par là, c'est, nous le répétons, le privilègedu génie. Telle était, d'ailleurs, chose bien remar-

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CHAPITRE DOUZIÈME. 135

43.

quablc! la conviction dos contemporains les plusclairvoyants du P. Dumas.

« Nos plus sages Français, dit-il, portent leursvues plus avant que sept sentinelles1, et découvrantde loin l'étendue du pays qui termine leur horizon,ils publient que le monde s'altère, qu'il perd chaque

jour sa bonté et sa perfection par un continuel déchet, qui sera suivid'une entière défaillance; qu'ilest à craindre que le tout ne suive la partie; que la

jeunesse, qui a déjà pris le penchant vers le mal, nedispose par avance le siècle futur au déluged'unemalice universelle.C'est pourquoi il importe, disent-ils,de prévenir au plus tôt ce malheur et d'en couperentièrement les racines.

» Or, comme la force aussi bien que l'infirmité

du corps humain vient ordinairement de la premièrenourriture de l'enfance, comme la vigueur et la durée d'un arbre dépendent du suc et de la fermeté dela racine; de même le bonheur ou le malheur dessociétés vient de la bonne ou de la mauvaise éducation de la jeunesse. Tout cela supposé commtrès-véritable, que pouvons-nous attendre de bonpour la religion et pour la société, si ceux qudoivent nous survivre achèvent leurs éludes par le

livres profanes du siècle, après avoir commencé pa* Eccli.yc. 33.

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49Ô LA RENAISSANCE

ceux de l'antiquité païenne? Quel serale résultatd'une méthodequi fait marcher les ténèbres avantla lumière? Qu'espérerde cette malheureuse pratique desbasses écolesqui abusent impunémentdeleur liberté, en ne proposant à la jeunesse que laseule imitationdes Grecs et desRomains,qui ont

fleuri durant l'idolâtrie?» Quel progrèsde malicene doit-on pas craindrede cet aveuglementqui porte au méprisou à l'oublides admirables ouvragesde nosdocteurs,nés pouréclairer l'adolescence aussi bienque l'âge robuste?Ce serait êtreSTUPIDE OU AVEUGLE, de nier qu'ilsnesont pas lesmeilleurs guidesde la jeunesseet qu'ilsne possèdentpas toute la gloire des bonnes lettres.Leurs maximes ne sontque probité ; leurs raisonne

ments, sagesse; leurs discours,le plus excellentlivre du monde, puisqu'ils réunissentla richessedufond à la beauté de la forme. Si bien que, par unprodige qui passe l'admiration,ilsrendent vertueuxceux qui seveulent taireet éloquents ceuxqui sontobligésde parler »

Les prédictionsdu pieux et profond philosophesout devenuesde l'histoire. Depuisque lesrévolu-

1 Gloriosaest scientia (nostra) litterarumqua) quod primumest in homino mores purgat; quod secundum verborum graliasubminUtrat;ita utroquo beneûcio mirabililer oraatet tacitesetloquentes. — Cas&iol., lib. III,Variât, epist.

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CHAPITRE DOUZIÈME. *!)9

jamin suivît ses frères au voyage d'Egypte 11 fauaussi accorder que cette raison n'existe plus, puisque nous sommes tellement riches en lous les genrede composition, que l'abondance actuellereparc avecusure la disette passée. »

Seconde objection : Le beau style, la pureté du

langage. A celte objection vingt fois réfutée, lP. Dumas se contente d'opposer la négation très-nelle des hommes les plus compétents. « On ne peumieux répondre, dit-il, à cetto nouvelle instance qupar la décision des plus célèbres orateurs du Christianisme, soit anciens, soit modernes. Ils tiennend'un commun accord que c'est être mauvais estimateur des bonnes choses de donner la préféronceaux auteurs profanes et d'accorder plus de perfection à leurs esprits et plus de gloire à leurs étudesqu'aux plus éloquents personnages do notre religion.

)> A dire vrai, il faudrait être slupide pour nesavoir pas que l'Église est aujourd'hui assez richeen toute sorte de bons livres, composés par sepropres enfanta et dignes d'être le véritable modèlede la jeunesse, également parfaits dans l'éloquence

1 Voir saint Basile, saint Grégoire, saint Jérôme, saint Augu

tin etalii passim. Il faut voir, en particulier, avec quelle richosôed'érudition et quelle lucidi'c de raisonnement il discute l'opinide saint Basile, et la montre entièrement favorable a notre thè

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200 LA RENAISSANCE.

ot assurés dans la doctrine, selon la longue et puissante démonstration que le docte Bozius en a faitedans ses écrits :Iniqui sunt censores qui ingeniiset studiiselhnicorumplus tribuunt quam chrislianorum1.Et on veut que la jeunesse s'abaisse ventre à terrepour boire les eaux troubles du Ni!, quand nous

avons de belles sources dans la Palestine! »Troisième objection : Les choses utiles qu'ontrouve dans les auteurs païens. Après avoir démontré qu'on peut, comme Pie IX Ta déclaré dans sonencyclique, apprendro parfaitement l'art d'écrire etde parlerdans les auteurs chrétiens, le Père s'adressede nouveau aux défenseurs quand même derenseignement classique. Il leur dit : « Quelles sont lechoses utiles que vous prétendez trouver exclu

sivement dans les auteurs païens? Des vertus morales? Il est certain que l'étude en est incomparable*ment plus assurée, plus libre, plus généreuse, pluparfaite dans nos auteurs que dans les païens.Pourquoi donc, ajoute un sage écrivain du tempsétant question d'aller sur les pas de ceux qui nous onfrayé le chemin, n'aimerions-nous pas mieux suivr

1 Canss.Betk.ylib. III, c. v; saint Augustin,Dedo&r. ehrisL,lib. IV; Lact., lit. V,De juslit., c. iv; S. Hier., EpisL J*6;Lndov. GranattM inRhetor. ; Ant. Posscv. inBiblioth.—Personnen';t mis celto vériïé dans un plus grand jour que le P. Dumas lmême. Voir son cl'èbreTraité de Véloqumce sacrée,in-4°.

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CHAPITRE DOUZIÈME 201

de vraies que de fausses lumières? Des chrétienque des païens? Des saints que des idolâtres? D'unAugustin que d'un Sénèque et d'un Epictète, qu'onvoudrait quelquefois substituer à leur place? Ayonshonte d'être conduits par des aveugles et d'apprendre des païens l'estimo que nous devons faire de la

vertu.» Voulez-vous parler de belles maximes et deconnaissances agréables? Quelles sont celles quvous manquent dans nos auteurs chrétiens? Pourune belle sentence, combien de sophismes, de mensonges et d'impuretés dans les livres profanes! Leplus belles maximes, les plus rares renseignementdes auteurs païens, dit saint Ambroise, donnentplutôt la mort que la vie. Examiné de près, leur or

n'est que du plomb. Ils ont de grands mots et desphrases sonores; ils parlent de Dieu et ils adorentle diable :Dcumlorpmntur sirnulacra adorant 1. D'oùvous pouvez inférer si ce grand docteur approuverait aujourd'hui de voir les auteurs pa)ens aux mainsdes enfants catholiques, Pouvez-vous soutenir qu'in'approuverait pas, et saint Augustin avec lui,l'établissement d'une académie tellement chrétienneque les livres profanes en seraient bannis à perpétuité, et sans espérance d'y pouvoir jamais pins

1 In Apor., vi ; lib. H,epirf. 12.

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LA RENAISSANCE.

faire leur demeure, que les oiseaux de nuit dansFile de Crète?

» Mais nous ne permettons, dites-vous, dans noécoles, que la seule lecture des autours païens, qusont les plus sages et les meilleurs de la gentilitEh ! plût à Dieu que dix mille étudiants du royaume

n'eussent pas aujourd'hui l'occasion de vous témoigner invinciblement le contraire!» Mais, quand la jeunesse chrétienne de notre

temps pourrait, sans hasarder son salut, faire des acquêts sur les terres idolâtres, que sont ces richesses?Legain d'un marchand qui, ayant fait un voyage auxIndes, en vient chargé de perroquets, de fleurs, depeaux, déplumes, au lieu de perles, d'or, d'argentet de pierreries *. Nos sages répètent donc avec sain

Isidore : Quel profit ya-t-ilà faire de grands progrèsdans les sciences humaines, pour s'exposer à s'appauvrir d'autant des vérités divines; à se rendre savant en tous les secrets de la mythologie des faudieux, pour ne concevoir que du dégoût pour lemystères de Notre-Seigneur? Il faut donc renonceaux livres païens, qui nous empêchent de nous affectionner aux lettres chrétiennes: Cavendisunt ergogentiliumlibri, etproptcr amorem sunt scripturarmnvilandi *. »

Quatrième objection : L'ennui quo causerait à la1 Saint Augustin., lib.Demagi$L t c. ix. —2 Lib. III,Sentent.

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CHAPITRE DOUZIÈME 203

jeunesse l'étude des auteurs chrétiens. Récemmenencore, cette objection était soutenue devant nousmême par un prêtre.C'est une objectiona priori.Nulle expérience ne la justifie. Or,a priori, elleest absurde. L'âme humaine est naturellement chrétienne :Animanaturalilerchristiana, dit Tertullien;

et saint Augustin ajoute: Nihilfortinsdesiderat animaquamveritalem.Entre elle et la vérité, il y a un secretattrait. Dans l'enfant, cet altrait est d'autant plusfort que l'enfant n'a aucune raison de craindre lavérité. D'ailleurs, si l'objection était fondée, il faudrait s'abstenir de faire étudier le catéchisme auxenfants: est-ce là ce que prétendent les adversaires1 ?

Quoi qu'il en soit, notre illustre devancier a répondu pour nous : « La jeunesse, dites-vous,

n'est pas en état de commencer ses études par Vu-sage familier de nos divers auteurs. Blâmez donc lconduite universelle pratiquée parmi les Romainsqui, au rapport de l'orateur Quintilien-, baillaientaux enfants, dès la sortie du premier âge, Homèreet Virgile, pour leur servir d'entrée aux bonnes lettres, puisque ces deux poètes n'excèdent pas moinla capacité de l'enfance que les plus éloquents de

* Nous pouvons affirmer, sur les témoignages nombreux d'évques et de professeurs, que los jeunes gens étudient les classiquchrétiens avec unentrain qu'ils n'ont jamais eu pour l'étude dosauteurs païens.

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204 LA RENAISSANCE.

nos écrivains. Néanmoins ils agissaient de la sortedit Fabius, afin que cette première vue portât lesenfants à étudier un jour ces deux auteurs avecplus de suffisance. Blâmez aussi les Pères de l'Églisentre autres saint Jérômo, qui veut qu'on commencepar nos divins auteurs. Reconnaissez plutôt que

l'éducation du jeune chrétien qui se fait avec desautours païens est insensée, qu'elle ne peut séduireque les esprits médiocres, qui attachent plus de prixaux fleurs qu'aux fruits, aux mots qu'aux choses. »

Il ajoute que le vrai moyen de dégoûter les jeunegens de l'étude des livres chrétiens, de les condamner pour toujours à l'ignorance de la religion, docorrompre leurs mœurs et de les porter aux mauvaises lectures, c'est de faire leur éducation ave

des classiques païens.« La malice, dit-il, qui de nos jours flétrit lebonnes mœurs, n'a point une naissance semblableà celles des truffes, qui n'ont ni racines ni chevelures. Au contraire, elle a ses racines comme learbres, sa source comme les ruisseaux. Or, del'éducation païenne est venu cet abus détestablequi fait, en ce temps, concevoir du dégoût poules bons livres et de l'estime pour les mauvais; quipar un aveuglement qu'on ne saurait assez déplorer, entraîne un grand nombre d'esprits généreux à lire les vieux livres païens, sans jamais leu

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CHAPITRE DOUZIÈME. 205

permettre de lire quelquefois nos livres chrétiensCe désordre passe si avant que, pour obliger la

jeunesse françaiseà lire un livre, il faut seulementTassurer qu'il instruit aux pratiques de l'amour dés-honnête, qu'il censure le pouvoir, qu'il justifie lebal et la comédie, qu'il autorise l'athéisme ou le

libertinage; en un mot, qu'il canonise tous les viceet décrédite toutes les vertus. Voilà l'extrémité dumalheur où l'étude des livres païens a porté le plugrand nombre des habitants du royaume qui fontprofession de bonnes lettres. »

Et plus loin : « Lesmeilleurs espritsdu royaumepublient que la jeunesse n'a que du dégoût pourles plus rares volumes de notre religion dès qu'ellsort des écoles1, et que le seul moyen de préve

nir ce désordre est de lui faire étudier, dès la sortiedu premier âge, ces mêmes ouvrages. Redevenupaïenneà l'école des païens, notre jeunesse ne connaît plus que l'oisiveté, l'intrigue, la mollesse, unvie honteuse, l'ambition, la volupté. Présentez

je vous prie,à ces petits libertins, quelque excellent ouvrage chrétien, en leur disant qu'ils ont assezlu les livres païens que vous leur avez interprétésdans les basses écoles,à dessein, dites-vous, qu'ilsemploient le reste de leur vieà la lecture des meilleurs auteurs de notre sainte religion, ils ne man-

1 Que diraient-ils aujourd'hui?

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206 LA RENAISSANCE.

queront pas de vous répondre qu'ils lisent maintenant les romans et les tragi-comédies, dans le mémdessein qu'ils ont étudié les païens sous votre conduite ; qu'ils veulent s'instruire des règles de l'éloquence française, de môme que sous vos ordres iln'ont eu de commerce avec les païens que pour ap

prendre, durant leur adolescence, celles de la latine» C'est le langage que certains écoliers m'onttenu ces jours passés. Voyez cependant la ruse del'Esprit malin, qui couvre son dessein sous un prétexte si spécieux et qui débauche aujourd'hui dudivin service quantité de rares esprits, sous l'apparence de ces funestes études.C'est le précipice oùla jeunesse française tombe tous les jours, et où ellperd l'honneur, les biens, la santé, la conscience. »

Commencée il y a trois siècles, l'expérience eaujourd'hui consommée. À moins de se mentir àsoi-même, nul ne peut plus nier que l'étude classique des auteurs profanes ne se manifeste par troisrésultats incontestables : un entraînement généralaux études frivoles et dangereuses; un péril permanent pour la société, qui se recrute de générations fabuleusement ignorantes en matière de religion;un appauvrissement progressif de la raison hu

maine : affaiblissement tel qu'un grand nombre ensont veuus à ne plus pouvoir supporter la lectured'un article sérieux, même dans leur journal.

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CHAPITRE TREIZIÈME. 209

faut acheverlesétudes par l'éloquence,qui est auxautres sciencesce qu'est la grâce au visage et laformeà la matière. Je m'étonne cependantde voiraujourd'hui qu'onosefaire des leçonsde rhétoriqueà la jeunesse dansun âge où la raison n'est pasformée ou du moinsla dialectiquen'a pas précédé,

contre le conseildesplus sages docteurs Oùest lepeintre qui commenceson tableau par le colons?N'est-cepas mettre l'accessoire avantle principal?N'est-ce pas renverser l'ordre de l'art et de la nature , où lecorps devancela figureet où la matièreprécède toujoursla forme?»

Envisagé soit danslesauteursà étudier, soit dansTordre et lagradationdeséludes, riende plus chrétien, par conséquent,de plus logique,de meilleur,

de plus vraiet de plus nécessaireque ceplan d'éducation. Il donne à l'auteur tout droitde conclureences termes: « Les principes que je viens d'établir sonincontestablesaux yeux du bonsens, de la moraleet de lareligion; ce serait manquerde raison que deles contester. Commencez donc,moncher lecteur,si vous avez quelque zèle pourle commercedes lettres chrétiennes,à pratiquer sans délaice que vousne voudriez pas avoir négligéà l'heure de votremort. Condamnezles livres païensau bannissementet faites succéderà leur place nos meilleurs écri-

1 Bed.Ven>, lib. IV, Deelem.phiL ; Ricard., lib.I, Exempt.XII. 44

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310 LÀ RENAISSANCE.

vains, pour commencer le siècle d'or de notre sainteréforme. Du moins, imitez les politiques qui, voularemédier sérieusement à la corruption des mœurs,travaillentà décréditer les anciens usages avant d'euétablir do nouveaux. Ainsi, pour mieux autorisenos auteurs chrétiens, dépouillez au plus tôt la mau

vaise habitude que vous avez de louer par excèl'éloquence des auteurs profanes, puisque,d'unepart, c'est un piège tendu à la jeunesse, et que,d'autre part, l'éloquence profane est toujours inférieure aux mérites de ia sacrée \ »

La réforme demandée par l'illustro écrivain est,à ses yeux comme aux nôtres, l'unique moyenhumain de sauver la société. Or, par cela mômequ'elle est nécessaire, elle est possible. Ainsi ne l'en

tendent point les fils de la Renaissance. Menacédans leur fétichisme pour l'antiquité païenne, attaqués dans leurs habitudes routinières, inquiétésdans leurs intérêts, les nouveaux Michas crient àl'impossible, à Tabsurde, à la ruine des lettres, àla barbarie, si on touche à leurs idoles. Malheureux1qui ne voient pas, ou qui ne veulent pas voir, que

i <r Jo promets de vous le faire voir, si Dieu mo favorise de sgrAcoà.i»En effet le P. Dumas nous a laissé un second ouvragnon moins important et aussi considérable que le premier, intulé : Tableau de l'éloquence sacrée.Il est approuvé et combléd'éloges par douze docteur* en théologie.

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242 LA RENAISSANCE

fisent à nos besoins, sans qu'il faille employer le secours des Grecs et des Romains. »

Les Renaissants, qui ont sans cesse sur les lèvrele reproche d'exagération à l'adresse de leurs adversaires, tombent perpétuellement dans ce défautComme ils disent aujourd'hui, ils disaient alors

« Mais s'il en est ainsi, iln'est donc plus permis delire les auteurs païens et il faut absolument les brûler? »

« Je réponds que celte grande sévéritén'est pasnécessaire; nous demandons seulement qu'ils soienentièrement séparés d'avec les ouvrages destinés àl'éducation de la jeunesse. Que si dans les États onpunit les crimes atroces par des supplices qui ôtenla vie sans retour; s'il y a des exils, des servitudes,

des bannissements à perpétuité; si le mal, commdit l'angélique saint Thomas, n'aura jamais de placeparmi les idées de Dieu1 : pourquoi ceux qui tiennent la régence des écoles chrétiennes ne rendentils pas esclaves et ne renferment-ils pas sous clef llivres païens, puisqu'ils ont déjà fait tant de dégâtset de ravages sur l'esprit de la jeunesse? Qui empêche qu'on ne les bannisse, après qu'ils ont introduit dans nos écoles lespremières semences de l'hérésie, du libertinage, de l'athéisme et de tantd'autres impiétés et dissolutions? En un mot, à quo

* l^Part., q. 43, art. 3.

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CHAPITRE TREIZIÈME. m

tient-il que ceux qui sont dans le bas âge ne voienpasplus ces auteurs que des monstres? Suivons doncle conseil de saint Denis, qui dit qu'il ne faut pasmême les toucher *. »

Après avoir repoussé, comme nous, l'absurdeaccusation d'être un disciple d'Omar, le savant re

ligieux fait la concession que nous avons faite nousmême: il indique le temps et la mesure dans lesquelspeut être autorisée l'étude des auteurs païens.C'estune gloire pour nous de nous trouver d'accord avecce grand homme, comme il l'est lui-même avec lePères do l'Église. « Si cependant, ajoute-t-il, la curiosité des disciples demandait autre chose, il nesera pas difficile aux maîtres de leur marquer letemps auquel ils pourront lire les livres païens que

les sages tiennent être les moins suspects. Or, il escertain qu'il y a moins do danger à les voir dansl 'âge parfait, où le jugement est formé et le senscommun dans sa vigueur; où l'entendement, fortifiépar les livres de notre sainte Académie, est plus capable de connaître les qualités et les défauts d'unauteur profane, de discerner les erreurs parmi lesvérités et de séparer les axiomes d'une doctrinepaïenne qui sont pour la vertu, d'avec les mauvaisqui autorisent le vice.

» Il est donc indubitable que dans lavirilité 1 Lib. he EecL hicrarch.

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244 LA. RENAISSANCE.

rhomme chrétien, comme le sage Tertullien nousFassure, possède les conditions nécessaires pouvisiter les bibliothèques païennes, sans courir dehasard pour son salut, s'il se contente d'arrêter lesyeux sur les plus conformes à la vérité de la religion; car alors, prévenu et fortifié par notre sainte

doctrine, il n'a rien à craindre du poison. Que s'ilarrive que sa vue découvre quelque chose de mauvais, son âge, que je suppose assez avancé pourl'obliger d'être mis par les loishors de tutelle, luidonne la capacité de prendre le bon et de laisser lemauvais1. »

Jamais le bon sensa-t-il parlé un langage pluscalme et plus net? Nous le trouvons, accompagndes mêmes qualités, lorsque notre admirable prédé

cesseur dévoile les véritables motifs de l'opposition la réforme chrétienne des études. Autrefois, commaujourd'hui et comme toujours, les principaux sontla jalousie, la paresse, la routine et l'engouemenperfide pour le paganisme,<c II en est, dit-il, quicondamnent tout ce qu'ils n'ont pas inventé; quitiennent toutes les propositions nouvelles pour suspectes, sans considérer plutôt si elles sont raison

' Si fidelis cœperii sapere, prius sapiat oportet quod prius

dicit, id est de Deo et de fide. Deinde si lilteras discit inseridolorum prœdicatione, erit tam tut us quant qui scions venenab ignaro accipit nec bibit.De idoloL,c. x.

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CHAPITRE TREIZIÈME 215

nables ; qui se figurent des épines dans tous leschemins qu'on leur propose de suivre et qui, pouvant faire plus qu'on ne leur dit, font moins qu'ilsne doivent, parce qu'ils trouvent partout des impossibilités prétendues pour couvrir leur lâcheté :Ali-quostorquet livor edaœ% si quod non agunt fiât ab aliis1 •

« Comment, ajoule-t-il, après tant de raisonnements et d'autorités, l'usage des auteurs païens s'est-il perpétué dans les écoles? La cause en est dans latyrannie de la coutume et dans la tyrannie du vieilhomme.

» En matière d'éducation, nous sommes non desêtres raisonnables, mais des singes :NonadrationemvivimuSy sed ad similitudinem.Les sages mêmes ontcédé à la coutume, en ce qu'ils ont souffert dans no

écoles la lecture publique des écrivains idolâtresquoiqu'ils n'aient pas iguoré que ces productions duPaganisme ont toujours autorisé des excès contrairesà la morale et à la religion.C'est ce que les plussages têtes du Christianisme, qui ne raisonnent jamais avec le vulgaire et qui ne sont animées qude la seule passion de la vérité, ne peuvent approuver en ce siècle. Au contraire, ils appellentavec saint Augustin, cette coutume qui souffre delivres païens dans les écoles un torrent funesteet ils soupirent après ce dernier triomphe de l'Aca-

' fiers., Depara, ad Christ, trahend^ etc.

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CHAPITRE TR EI ZI ÈME. 849

modernes; de la nécessité d'une réforme radicale del'enseignement classique ; des dangers que le systèmpaïen fait courir à la religion et à la société; deTunique moyen capable d'arrêter les progrès de laRévolution; de l'obligation de l'employer immédiatement et résolument; de l'effrayante responsabilité

dont se chargent ceux qui, directement ou indirectement, s'opposent à celte œuvre de salut. Cesidées ne sont pas les idées d'un seul homme, ellesont celles des hommes les plus sages du dix-septième siècle; ces idées ne sont pas dénuées de valeurextrinsèque, elles sont approuvées, après un mûrexamen,par lesautorités les plus compétentes, qui lesdéclarent très- orthodoxes> très-utiles, très-dignesd'être répandues. Ces idées sont littéralement les

nôtres : que nos adversaires concluent.

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CHAPITRE XIVDIX-HUITIÈME SIÈCLE.

Le père André, jésuite. — Ce qu'il pense de renseignement de sa compagnie. — L'abbé de Saint-Pierre. — Son opinion. — Carrel, docteur en théologie. — Funestes effets de l'éducation classique sur clergé. — Demande delà reforme. — Falster, organe des esprits sagede son époque. — Demande le bannissement des auteurs païens. —Un autre signale le contre-sens de l'enseignement classique. — Ess

de réforme. — Montesquieu. — Bousseau.

La vérité nes'est jamais laissée sans témoignage.

Malgré Vaffaiblissement progressif du sens chrétienil y eut au dix-huitième siècle des voix courageusqui signalèrent hautement le ver rongeur des sociétés modernes, c'est-à-dire qui protestèrent avecénergie contre le système d'enseignement païen, endéclarant qu'il conduisait l'Europe au précipice.Forcéd'être court, nous citerons seulement quelquesnoms.

Le père André, jésuite, caractérise renseignement

classique de sa compagnie, et annonce a l'Europe cqu'elle doit en attendre. Au moisd'avril 1715, ilécrit à M. Larchevêque, répétiteur au collège des

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CHAPITRE QUATORZIÈME. » 4

Jésuites à Rouen : « Jevous plains,lui dit-il,nonpas tant d'être un écho,que d'être un échode sottises,et d'être gagé pour apprendreà des enfantsdesfadaises qu'il faut oublier pour être honnête hommeEst-ce que jamaison n'ouvrira lesyeux sur l'éducation de la jeunesse? »

Au moisde septembrede la même année, écrivant à M. l'abbé de Marbeuf, il s'exprime ainsi:« Je suis touchéau dernier point, quandje voiscenombre infinide jeunesse chrétienne,qui ne vientau collègeque pour se former l'espritau bon goût1

et le cœur à la vertu, n'en sortir qu'avec un esprit1 Comme preuvede ce que dit lepère André,et comme modèle

de ce bongoût, fruitexclusif,dit-on,de l'étude des auteurs païens,citons, entre mille,le passage suivantde VOraison funèbre de

Louis XIV,par lepère Porée,un desplus renommés confrèresdupère André, Après avoir fait sentirauxaits l'obligation qu'ilsont àLouis XIV: « Je metrompe, s'écrie l'orateur, ilsont tous sujet deseplaindrede vous.La Peinturese plaint de ne pouvoir exprimerladignitéde votre visage.LaSculpturese plaintde nepouvoir représenter la majesté de votre taille.La Poésie se plaintque,parla gran -

deur devos exploits, vous l'avez mise hors d'étatde feindre.L'Académiedesinscriptionsse plaintde nepouvoir trouverdes titresassez éclatants pour vous désigner. L'Histoirese plaint de ce quevous êtes cau*e qu'onla traiterade fabuleuse.La Langue françaisese plaintde ce quevous avez épuisé,par lenombre de vos vertus,la multitudede sestermes. Enfin, scienceset arts, tous ensemble,

se plaignentde ce qu'aprèsles avoir rendus riches, vousles avezappauvris; aprèsles avoir rendus discrets, vousles avez rendusmuets. .. » C'està rendie jalouxle panégyristede Trajan.

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CHAPITRE QUATORZIÈME. 223

ont transmis ce qu'elles ont reçu, et le dix-huitièmesiècle fut témoin de la Révolution française.

Le célèbre abbé de Saint-Pierre parle comme lepère André. Il est frappe du contre-sens de l'éducation classique, de la stérilité des pratiques religieuses qu'on y emploie et des mauvais résultats qu'elle

produit. « On nous amuse, dit-il, à faire des versgrecs, des amplifications de rhétorique, des verslatins. On nous apprend l'inutile, et on nous laisseignorer le plus important. D'où vient que les vertusdiminuent? N'en cherchez point d'autre cause quenotre éducation. D'où vient qu'on fait plus de casdes prières et autres petites dévotions extérieures,que du pardon des injures et autres parties de lala justice? N'en cherchez point d'autre cause que

l'éducation que nous avons prise au collège. Onporte dans la première jeunesse une grande partiedes opinions et des habitudes de l'enfance, et l'onporte dans la maturité de l'âge une partie des opinions et des habitudes de la jeunesse.

» Nous avons besoin de citoyens vertueux, patients, polis, discrets, appliqués, généreux. Cependant il ne sort communément de nos collèges qudes écoliers hautains, impatients, impolis, indis

crets, qui ne songent qu'à tromper les autres et às'en venger, qui courent après les distinctions frivoles et les beaux habits, qui font plus de cas de

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LA RENAISSANCE*

grandes richesses qne des grandes vertus et qui spiquent d'être distingués par leur fainéantise *. »Que dirait-il aujourd'hui?

Vers la même époque, un savant docteur en théologie s'élève avec force contre l'étude des auteurpaïens, surtout dans les écoles ecclésiastiques. Igno

rance et dégoût des lettres chrétiennes, légèreté devie, mauvais goût, perte de temps, corruption desmœurs, perte de Vesprit ecclésiastique: tels sont, àses yeux, les fruits de la longue fréquentation de l

jeunesse cléricale avec les auteurs païens. Il réclamde toute l'énergie de son zèle contre cet abus., contraire à la tradition de l'Église; démontre que leChristianisme est assez riche pour instruire ses enfants et ses ministres, et déclare que le latin païen

est inutile pour comprendre l'Écriture et les Pères.« Qu'importe, dit-il avec raison, que je me trouvearrêté sur la latinité de Cicéron, pourvu que je n'hésite pas dans la latinité de saint Augustin? QuePlauteaitdes phrases qui m'arrêteraient: c'est assezque saint Jérôme ne m'embarrasse pas. Ne saorais-

je courir dans le latin de la Vulgate, si je ne suirompu dans le style de Salluste et de Justin? On nesuppose pas une étude dans un auteur plus latinque Cicéron pour entendre Cicéron : pourquoi, pourentendre les écrivains latins de l'Église, exiger

1 Annal jroltt., etc., 1.1, p. 37, 59, 632.

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CHAPITRE QUATORZIÈME. m

qu'on se soit rendu versé dans les auteurs pluslatins1 ? »

Recherchant l'opinion des saints Pères sur cettequestion, il prouve qu'ilsn'ont nullement conseillél'étude des auteurs païens et qu'ilsn'ont jamais autorisé par leurs exemples ce qu'ils rejettent par leurs

paroles, « S'il y a, dit-il, dans les écrits de quelqusaint un mot d'un poëte, une sentence d'un philosophe, d'abord on infore que ce saint les lisait beaucoup. Il ne se peut de conséquence plus mal déduiteCes sortes de vers et de sentences courent dans llangage familier, en sorte que chacun les peut avoirappris sans aucune particulière lecture. II n'a étébesoin de rien autre pour deux ou trois vers rapportés par saint Paul. Il suffisaitd'être dans la société

humaine pour les savoir. D'ailleurs, il ne paraît aucun temps auquel on puisse imaginer que saint Paulse soit amusé aux poêles. Ce ne serait pas quand iconversait encore dans le Judaïsme, puisqu'il étaitde la secte des pharisiens, qui avaient en horreur

toute cette littérature *. Ce serait moins encore depuis sa vocation au Christianisme et à l'apostolat,où il ne prêche rien si fort que la vanité de la politesse et de la sagesse des païens.

* La Science eectës. suffisanteà elle-même,etc., par M. CarreLyon, 4700.

2 Et aussi les autres juifs.XII. 45

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LA RENAISSANCE.

» Plusieurs semblables allégations dans les écritdes autres saints se doivent prendre de la même façon. Si dans quelques Pères on trouve des vestiged'éloquence et d'érudition profane, il faut l'attribuer à des dispositions acquises lorsque Dieu les appelés. Mais il est à remarquer qu'ils s'en excu

saient. Quelle merveille, écrit saint Pacien, que jme sois servi d'une expression de Virgile! Je suistombé dans un péché de mon enfance. Mais vousmon frère, il paraît que vous osez bien faire maintenant votre étude de ce que vous voudriez que jedusse rougir d'avoir appris autrefois »

Appuyé tout à la fois sur le bon sens et sur la tradition, le docteur conclut en ces termes, qui sonles nôtres : « Si l'on se rend à ces sentiments, on n

fera que des éludes solides. Les faux attraits du Paganisme n'amuseront plus, mais tout le loisir serapour ces divines connaissances qui ont l'avantaged'éteindre la cupidité, que les connaissances humaines ne font qu'enflammer. La simplicité de la doctrine sainte nous ramènera à cette rectitude danslaquelle l'homme avait été créé, mais dont il est déchu en d'abandonnant à mille vaines recherches. »

En dehors du clergé, le savant Falster prévoit les

catastrophes inévitables auxquelles le Paganisme1 Ephl. 2 adSempron. Dans sa lettre à Magnus, saint Jérôme

tient le même langage.

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CHAPITRE QUATORZIÈME, « 7

redevenu triomphant, conduit les nations chrétiennes. Comme le père Dumas l'avait fait cent ans plustôt, il exprime les inquiétudes des sages ses contemporains. Pour lui;, comme pour eux, le remèdeau mal est dans le bannissement des auteurs païens,« Beaucoup de personnes, dit-il, pensent qu'il fau

extirper de l'enseignement la littérature païenne,comme une plante vénéneuse, et qu'on doit ôter demains des enfants tous les écrits des païens, pouleur faire étudier exclusivement les auteurs chrétiens : Scripta omnium genlilium demanibus junio-rum eooeutendia } c/mstianis scriptoribus operamunice dandam. »

Un autre signale le contre-sens de l'enseignemenclassique qui n'apprend rien, qui n'arme contre

rien et qui jette dans la société des générations entières sans goûts sérieux, sans principes arrêtés equi, devenues la société elle-même, marcheront d'aberrations en aberrations jusqu'à ce qu'elles arrivent au précipice. « Pourrait-on croire, dit-il, queles écoliers né rapportent de leurs études d'autresfruits que la fatigue et le dégoût, si l'expérience nenous en convainquait par autant d'exemples qu'il y ad'écoliers qui sortent des collèges? Car enfin, si un

jeune homme, ses classes faites, conserve encoquelque goût pour l'étude, cest un prodige.... Cequi fait encore mieux connaître les vices essentie

15.

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CHAPITRE QUATORZIEME. 229

occupent leurs écoliers rebutés, jusqu'aux vacancestant désirées. Mais quelles fonctions pour des prêtres et des religieux ! Les instructions qu'ils doivendonner aux fidèles roulent-elles principalement surl'histoire profane? Convient-il à un prêtre, et surtoutà celui qui s'est proposé un degré plus élevé de

perfection, de passer une grande partie de sa vie, etla partie la plus précieuse, à méditer et expliquerHomère, Virgile, Térence, Horace, Juvénal et tousles autres écrivains profanes!? »

Si du moins, en usant ses plus belles années apprendre le latin païen, qu'elle ne saura jamais,dit Muret, aussi bien que le dernier cuisinier deRome, la jeunesse moissonnait des idées utiles eintrouvables ailleurs! Mais non; tandis que les au

tours chrétiens lui offrent en abondance l'or pur detout alliage, elle ne trouve dans les auteurs païenque du plomb, ou si elle y rencontre quelques parcelles d'or, elles sont mêlées de terre, de boue, dmille corps étrangers. Il lui faut un lavage laborieux, un creuset fortement chauffé et habilementconstruit pour obtenir, après des peines infinies, unpour cent. C'est la supposition la plus favorable.Combien qui n'emploient ni lavage ni creuset, et qu

gardent dans le réservoir de leur âme les matières1 Essai sur lamanière de remplirles places,etc.,in-48,Cologne,

1762.

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230 LA RENAISSANCE,

hétérogènes et empoisonnées dont le minerai classque est mélangé! Avec ce produit falsifié, ils fabriquent la monnaie de leurs idées, de leurs sentimentet de leurs actions; ils la mettent en circulation parleurs discours et par leurs livres. La monnaie do bonaloi diminue de nombre et de valeur; la société fai

peu à peu banqueroute à la foi, à Dieu, à l'Égliseet finira par mourir insolvable.Dans la prévision de ce funeste résultat, quelque

prêtres animés de l'esprit de Dieu entreprirent, audernier siècle, d'opposer au mal le seul remède efficace : l'éducation chrétienne. Leur tentative ne futpas encouragée. Eilç fut même dénigrée: je ne diraipas par qui. Mais elle n'en reste pas moins commeune protestation authentique contre l'enseignement

païen, dont nous constatons la perpétuité. Plus clairvoyants que certains membres du clergé, les philosophes comprirent l'importance de cette entreprise.Us ne se dissimulaient pas qu'une éducation païennau sein des nations chrétiennes est une anomalie qu'elle produit le dualisme, et que le dualisme conduit à la ruine. « L'éducation des anciens, dit Montesquieu, avait un avantage sur la nôtre : ellen'était jamais démentie. Épaminondas, la dernièreannée de sa vie, disait, écoutait, voyait, faisait lemêmes choses que dans l'âge où il avait commencd'être instruit!. »

* £.<p. <*e*lois, liv. IV. c. tv.

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CHAPITRE QUATORZIÈME. 234

« C'est l'éducation, dit Rousseau, qui doit donneraux âmes la forme nationale, et diriger tellementleurs opinions et leurs goûts, qu'elles soient patriotepar inclination, par passion, par nécessité. Un enfant, en ouvrant les yeux, doit voirla patrie, et jusqu'à la mort ne doit plus voir qu'elle.Je veux qu'eu

apprenant à lire il lise les choses de son pays; qu'àdix ans il en connaisse (es productions; à douze, leprovinces; à quinze, l'histoire; à seize, les loisqu'il n'y ail pas dans son pays une belle action ouun homme illustre dont iln'ait la mémoire et lecœur plein et dont il ne puisse rendre compte àl'instant1. » A la place de patrie, mettez : religion,et vous êtes parfaitement dans le vrai.

Puis, déplorant l'éducation païenne qu'il tourne

en dérision, il ajoute : « Les mœurs inclinent visiblement vers la décadence, et nous suivons de loiles traces des mêmes peuples dont nous ne laissonpas de craindre le sort. Par exemple, on m'assureque l'éducation de la jeunesse est beaucoup meilleurqu'autrefois, ce qui pourtant ne peut guère se prouver qu'en montrant qu'elle fait de meilleurs citoyens.Il est certain que les enfants font mieux la révérence, qu'ils savent plus galamment donner la main

aux dames et leur dire une infinité de gentillessespour lesquelles je leur ferais, moi, donner le fouet 1 Gouvernement de Pologne.,ch. iv.

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CHAPITRE XV.

DIX-HUITIÈME SIÈCLE.

L'auteur de VSssaid'éducation nationale.— Il montre le néant etl'anomalie de l'éducation classique. — Ignorance du latin. — Fklicule des comédies et des ampliGcations. — L'autenr de laMéthode d'éducation nationale.— Il prouve que l'éducation de collège corrompt les moeurs. — Tanière. —• Il rédameJe* auteurs chrétiens etles venge. — Condorcet. — Vernerey. — Le père Grou, jésuite.

Aux prêtres et aux philosophes se joignent, pour

protester contre renseignement classique, les gensdu monde. L'auteur deY Essai d'éducation nationale^publié en 4763, insiste, comme.tons les hommesensés, sur le néant et l'anomalie de l'éducationclassique. « J'en appelle, dit-il, à l'expérience et au

témoignage de la nation. Les connaissances qu'onacquiert au collège peuvent-elles s'appeler des connaissances? Après dix ans de travail, sait-on mêmela seule chose qu'on a étudiée, les langues > qui nsont que des instruments pour frayer la route dessciences? A l'exception d'un peu de latin, qu'il fautétudier de nouveau si on veut en faire usage, la

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234 LA RENAISSANCE.

jeunesse est intéressée à oublier, en entrant dans lemonde, presque toulce que ses prétendus instituteurslui ont appris. Est-co là le fruit que la nation devraitirer de dix années d'un travail assidu?... De centétudiants, il n'y en a pas cinquante à qui le latin soinécessaire. À peine en compterait-on quatre ou cinq

à qui il puisse être utile dans la suite de le parleou de l'écrire. Il n'y en a aucun qui puisse avoirbesoin de parler grec ou de faire des vers latins. Iest donc centre la raison de dresser un plan d éducation générale pour ce petit nombre de personnes.

Études stériles, divertissements ridicules, gymnastique absurde, telle est l'éducation introduitepar la Renaissance. « Dans nos collèges, continul'auteur, les seuls divertissements sont les énigmes

les ballets et les pièces dramatiques, aussi ridiculement composées que déclamées; exercices d'autantplus méprisables que la perte du temps se réunitaux exemples du plus mauvais goût.

» Je voudrais proscrire entièrement ces amplifications ridicules, ces amas de figures de commandeces paraphrases délayées. Quelles peuvent être leidées d'un jeune homme à qui on donne pour sujetd'amplification la harangue de César à ses soldatsdans les champs de Pharsale? Il ne connaît ni César,ni Pompée, ni les Romains, ni les intérêts, ni lfaiblesse, ni la force des deux partis. Le régent qu

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CHAPITRE QUINZIÈME. 235

ose se mettre à la place de César, ou Jui prêter sonsentiment, ne le connaît pas mieux. Il ne peut sortird'un fonds si mal préparé que des fruits mauvais etsans goût. J'aimerais mieux qu'un jeune hommesût faire la description nette d'une fleur, d'uneplante, d'un moulin, d'une charrue, que de savoir

faire toutes les amplifications de collège et autrepareilles inepties. On oublie vile les connaissanceacquises au collège, parce qu'elles n'ont aucun rapport avec la vie commune. »

Plus les mauvais fruits de l'éducation païenne approchent de leur pleine maturité, et plus les protestations et les avertissements se multiplient. La mêmannée 4763 paraît un autre ouvrage, intituléMéthode d'éducation nationale. Envisageant l'enseigne

ment des collèges sous le point de vue des mœurl'auteur voit l'Europe couverte de malversations,de filouteries, de mauvaise foi, d'oppressions, dviolences, d'impiétés. « Et pourquoi? s'écrie-t-ilc'est que nos écoles, nos collèges et nos universitéau lieu do donner aux jeunes gens les idées et lenotions qui pouvaient les conduire à la connaissancde Dieu, d'oux-mêmcs et de leurs devoirs, et lepréparer aux différents états de la société, leur enont fermé la porte, en ne s'attachant qu'à leur surcharger la mémoire de langues étrangères, d'amplifications, de poésies et de récits ennuyeux;c'est

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238 LA RENAISSANCE

jeslueuse simplicité dans laquelle réside la perfection de tous les ouvrages de la nature et de l'art, etqui caractérise si bien l'unité indivisible de l'Être,duquel émane toute beauté. « Les Psaumes, diM. de Fénelon, sont comme la manne qui avait ledivers goûts de toutes sortes d'aliments.On y trouve

tout : les plus vives et les plus magnifiques peintures, les expressions les plus fortes et les plutendres, les traits les plus hardis et les plus originaux et les charmes de la plus sublime poésie. Leodes les plus admirées des poètes profanes, qui nchantent que leurs dieux corrompus et leurs vainshéros, languissent et tombent dès qu'elles paraissentdevant ces cantiques sacrés. »

En conséquence, l'auteur s'indigne du mépris

stupide que les siècles fils de la Renaissance fodes livres saints comme livres classiques, « Je npuis, dit-il, m'empêcher de faire ici une observationdes plus douloureuses pour un Français, qui' senttous les avantages qu'une bonne éducation doit procurer à la société et tous les malheurs dont la mauvaise l'accable. L'idée de ne faire apprendre que dubon latin domine si fort tous nos collèges, qu'on lusacrifie les intérêts les plus précieux. Ne dirait-on

pas, en voyant l'attention scrupuleuse qu'on met àne faire expliquer dans tous les collèges que les auteurs du siècle d'Auguste, que le bonheur des par-

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CHAPITRE QUINZIÈME. 230

ticulicrs, des familles et de l'État dépond d'une pureet brillante latinité!

)> Cependant, quelle surprise pour un juste appréciateur dos choses, lorsque, jetant les yeux surles divers états qu'embrassent les écoliers au sortirdu collège, il n'y trouve aucun usage de celte lati

nité si vantée! Mais quand le latin serait aussi nécessaire qu'on le dit, quand en l'étudiant dans lesauteurs chrétiens il y aurait,ce queje n'admets pas,quelques risques â courir du côté du langage, ya-t-il un seul homme tant soit peu raisonnable qui,en opposant ce danger à la perte que font tous lesécoliers des fruits inestimables des livres, dont oleur refuse l'explication, balançât un moment lapréférence de l'un à l'autre? »

Après avoir montré tout ce qu'il y a de stérile etde malheureux dans l'étude obstinée du latin païen,Fauteur examine la manière de l'enseigner, et il latrouve absurde. « Partout, dit-il, l'homme au sortirdu berceau apprend sa langue maternelle sans lemoindre effort. Qu'on se rapproche donc le pluspossible de la marche de la Providence. Que faut-idonc penser en voyant les victimes que l'usage dévoue à un travail ingrat commencer, à l'âge du huitou neuf ans, une pénible carrière à peine finie àquinze ans, et dans laquelle les plus beaux jours dela vie, ces jours si précieux que réclament la con

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240 LÀ RENAISSANCE.

naissance, le goût et la pratique de tant de devoirsenvers Dieu et envers nous-mêmes, sont immoléà une langue étrangère, que la plupart des écoliersdétestent et abandonnent pour toujours au sortir ducollège1? »

Après le neveu d'un jésuite, écoutons un élève d

la Compagnie : « L'ancien enseignement n'était pamoins vicieux par sa forme que par le choix et ldistribution des objets. Pendant six années, uneétude progressive du latin faisait le fond de l'instruction , etc'était sur ce fond qu'on répandait les principes généraux de la grammaire, quelque connaissance dela géographie et de l'histoire, avec quelquesnotions de l'art de parler et d'écrire... Sous quelpoint de vue une langue étrangère doit-elle être con

sidérée dans une éducation générale? Ne suffît-il pade mettreles élèves en état de lire les livres vraimenutiles écrits dans cette langue, et de pouvoir sanmaître faire de nouveaux progrès?

» Peut-on regarder la connaissance approfondied'un idiome étranger, celle des beautés de stylequ'offrent les hommes de génie qui l'ont employécomme une do ces connaissances générales que touhomme éclairé, tout citoyen qui se destine aux em

plois de la société les plus importants, ne puissignorer? Par quel privilège singulier, lorsque le1 Traité de ï éducation t etc.

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CHAPITRE QUINZIÈME. 245

répand ensuite dans la société. Nous ne sommepoint idolâtres, il est vrai; mais nous ne sommechrétiens qu'à l'extérieur, si môme la plupart desgens de lettres le sont aujourd'hui, et dans le Tondnous sommes de vrais païens, et par l'esprit, et parle cœur, et par la conduite »

Avons-nous dit autre chose?* Morale Me de saint Augustin,1.1,ch. vin.

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CHAPITRE XVI.DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

Bernardin do Saint-Pierre. — Il dit que la dévolution est sortie descollèges.— Charles de Villers. — L'enseignement classique dénature la littérature nationale. — Charles Nodier. — Il pense commeBernardin de Salnl-Picrre. — Napoléon. — Il dit que l'éducationclassique ébranle la foi. — Kératry. — Il soutient que la connaissance de la religion est impossible avec renseignement actuel. —

M. de Salinis. — Il venge Je latin chrétien du mépris dont le frappel'éducation de collège. — De Gasparin. — Il déplore le contre-sende l'enseignement classique. — Monseigneur Dévie. — Il appelle l'tude des auteurs-païens un usage déploiablc. — Monseigneur Parisis—11 montre que le Rationalisme, c'est-à-dire la Révolution dansTordre intellectuel» est venu de l'étude des auteur? païens.

Le dix-neuvième siècle ne nous a pas attendupour protester contre renseignement classique. Apeine sorti des ruines sanglantes accumulées sur losol de l Europe par te terrible essai de restaurationpaïenne qu'on appelle la Révolution française, il signale hautement la cause de la catastrophe : «C'estle collège, dit Bernardin do Saint-Pierre, qui a pro

duit la Révolution, avec tous les maux dont elle ela source. Notre éducation publique altère le caractère national. Elle déprave les jeunes gens... ell

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CHAPITRE SEIZIÈME. 247

remplit leur esprit de contradictions, en insinuant,suivant les auteurs qu'on explique, des maximesrépublicaines, ambitieuses et désastreuses. On rendles hommes chrétiens par le catéchisme, païens pales vers de Virgile, grecs ou romains par l'élude deDémosthène ou de Cicéron : jamais français. L'effe

de cette éducation si vaine, si conttadictoire, satroce, est de les rendre pour toute leur vie bavards,cruels, trompeurs, hypocrites, sans principes, intolérants. Ils n'ont emporté du collège que le désir deremplir la première place en entrant dans la société.Ainsi tous les maux sortent du Collège \ »

Charles de Yillers voit en gémissant la jeunessde l'Europe nourrie, depuis la Renaissance, des rêveries mythologiques, former son goût sur des mo

dèles complètement étrangers à nos mœurs et à nocroyances. « Ainsi, s'écrie-t-il, a été tranché le fqui attachait notre culture poétique à la culture poétique de nos pères. Nous devînmes infidèles à leuesprit, pour nous livrer sans réserve à un espritétranger que nous entendions mal, qui n'avait aucunrapport avec notre vie réelle, avec notre religion,avec nos mœurs, avec notro histoire. L'Olympeavec ses idoles, remplaça le ciel des chrétiens et le

miracles.» Notre nature propre et originaire combat lou-1 Œuvres posthume*, p. 447, éd. 1840.

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laine, dès que j'ai su raisonner, et cela m'est arrivé d'assez bonne heure, à treize ans1. »

Pour prévenir ce funeste résultat, la présenced'un aumônier dans les collèges, les catéchismes eles instructions religieuses ne suffisent pas. « Nnous y trompons point, dit M. de Kératry, ce n'est

pas la présence dans les écoles, à jour fixe, d'unecclésiastique, quelque respectable qu'on le suppose, qui inculquera aux enfants un esprit religieuxde quelque durée. Celui-ci ne s'acquiert que par lacontinuité d'un enseignement où la loi divine setrouve comme infusée. Les études, fussent-ellepurement littéraires, doivent s'en ressentir. » Leprotestant Kératry parle comme le jésuite Possevin

L'éducation classique, qui heurte la foi des géné

rations de collège, qui les laisse grandir dans unehonteuse ignorance de la religion, leur inspire encorun superbe mépris du Christianisme. Médiocritédans les hommes, barbarie dans le langage, voilàce qu'il est pour elles. En 1825, une plume éloquente attaque cet odieux préjugé, venu de l'enseignement , et met en relief les beautés inimitables dla langue de l'Église. « Ce que Ton nomme styleécrivait M. l'abbé de Salinis, aujourd'hui archevêqued'Aucb, est assurément la chose dont l'auteur del 'Imitation s'est le moins occupé. Et, cependant, ce

<Mémorial de Sainte-Hélène,L II, p. 423.

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CHAPITRE SEIZIÈME.

livre est encore extrêmement remarquable, à ne leconsidérer que sous les rapports purement littéraires, et comme un des plus beaux monuments d'unelangue que Ton n'a pas su dignement apprécier.Boileau a eu l'air de se moquer du latin d'A. Kem-pis, et je ne le pardonne pas à cetillustre critique.

Le latin deVImitationn'est pas,il est vrai, le latin dusiècle d'Auguste; maisc'est une langueà part, formée par le Christianisme, et qui peut servir à mesurer la hauteur à laquelle cette religion éleva l'esprit humain...

» Pour exprimer toutes les hautes idées dont leChristianismeavaît agrandi l'intelligence de l'homme,tous les sentiments divins dont il avait enrichi soncœur, il fallut donner aux mots anciens une accep

tion plus élevée et créer une foule de mots nouveauxAinsi se forma, en partie avec les éléments de llangue latine, une langue toute différente, langueadmirable de la prière, de la contemplation et decelte haute philosophie quin'est autre chose que lareligion, ou les rapports entre Dieu et l'homme, manifestés dans le mystère de l'homme-Dieu. Quoiqucette langue nouvelle connaisse les secrets de cstyle harmonieux et pittoresque, qui enchantait les

peuples enfants de l'antiquité, elle attachera moinsd'importance à ces beautés, si j'ose le dire, matérielles...

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LA RENAISSANCE.

» Cette langue sera essentiellement simple; carieobjets qu'elle doit peindre sont trop élevés par euxmômes, pour qu'elle ossaye de les exagérer par determes ambitieux. C'est d'ailleurs la langue de lareligion universelle qui veut être entendue de tousMais si elle hait toutes les beautés qui sont l'ouvrag

do l'art, elle n'exclura pas les beautés d'un ordresupérieur qui naîtront de la nature môme des chosedont elle doit vous entretenir. Ayant à parler desrapports merveilleux du temps avec l'éternité, de lterre avec le ciel, du néant avec l'être infini, souvent, pour être vraie, elle sera forcée d'être originale et sublime. Alors, il n'est pas de tour si hardqui l'effraye, et elle rapprochera les idées, elle allierles mots qui semblaient le plus éloignés, avec un

justesse et un naturel étonnants. Tels sont en partiles caractères de la langue que le Christianisme formavec les débris de la langue de l'ancienne R o m e

Et cette langue admirable, la Renaissance la livrau mépris des pédants et de leurs écoliers, qui l'appellent une langue de cuisine!

Le système d'études qui fausse non-seulement lgoût, mais encore l'esprit et le cœur de toute la jeunesse de l'Europe, confond la raison des protestant

eux-mêmes :«tCe sera, dit M. de Gasparin, un desélonnements de l'avenir, d'apprendre qu'une société1 Mémorial catholique,4825, p. 230.

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CHAPITRE SEIZIÈME 253

qui se disait chrétienne a voué les sept ou huit plubelles années de la jeunesse de ses enfants à l'étudexclusive des païens »

A ce qu'il y a de plus éclairé parmi les protestants se joint ce qu'il y a de plus grave parmi lescatholiques. Yers 4836, un prélat dont la mémoire

est en vénération daus le clergé de France,Mgr De-vie, évoque de Belley, gémit devant Dieu sur lfuneste éducation qu'on donne a la jeunesse. Danla sainte indignation de son zèle, il flétrit les auteurs païens comme ils le méritent et montre ledangers de leurs livres, même expurgés. Il ne crainpas d'appeler l'étude des classiques profanes :unmage déplorable qui avait lieu autrefois comme au

jourd'hui. Aux prétendus grands hommes qu'on

donne pour maîtres à la jeunesse chrétienne, ilapplique le mot terrible de saint Augustin : Louéoù ils ne sont pas, torturés où ils sont :Laudantur vbi non sunt, crucianiur ubi sunLDes damnés pourformer des saints !

« On a beau dire, ajoute le digne évéque; malgréle soin qu'on avait sans doute, alors comme aujourd'hui, de supprimer certains passagesoù les passionsles plus honteuses se montrent à découvert, il étai

impossible de ne pas faire attention à l'épicuréismed'Horace, à certains vers de Virgile, aux Métamor-1 Avenir duProtestantisme»

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LA RENAISSANCE

phoses d'Ovide, aux intrigues de Cicéron, à la tendance qu'ils avaient tous à ne s'occuper que du présent et à perdre de vue l'avenir, qui est cependansi important. »

Le pieux auteur a raison de dire qu'aujourd'huicomme autrefois les classiques païens, môme expu

gés, sont dangereux non-seulement sous le rappordes mœurs, mais encore sous le rapport des idéesAussi, il parle des soins qu'apportait saint FrançoiRégis « à prémunir ses écoliers contre les dangerde cette philosophie toute païenne, de cet amour dla liberté et de l'indépendance qui ont porté leursfruits plus tard et dont on n'aperçoit pas assez levenin. » Puis il ajoute: « De sages et profonds penseurs sont persuadés que les idées républicaines qu

germent en France, et même dans toute l'Europe,sont suggérées par les auteurs grecs et latins qu'onmet entre les mains des écoliers »

En 483*7, un autre prélat, dont le nom est uneautorité, voit dans l'enseignement classique la sourcdu rationalisme, qui n'est autre chose que la révolution dans l'ordre intellectuel. « Pendant trois centans, écrit Mgr i'évêque de Langres, on a dit à toutela jeunesse étudiante, c'est-à-dire à celle qui devai

gouvernerla société: « Formez votre goût par l'étudedes bons modèles; or, les bons modèles grecs ot la-1 Mémorial du clergé, p. 246, édit. in-42. Lyon, 4842.

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CHAPITRE SEIZIÈME. 255

tins sont exclusivement les auteurs païens de Romet d'Athènes. Quant aux Pères, aux docteurs et àtous les écrivains de l'Eglise, leur style est défectueux et leur goût altéré: il faut donc bien se garder de se formerà leur école. » Voilà ce qu'on a ditet surtout ce qu'on a fait pratiquer à tous les étu

diants, h cet âge où il est rigoureusement vrai queles habitudes deviennent une seconde nature.» De là, qu'est-il arrivé? Ce qui devait arriver né

cessairement :c'est d'abord que toute celte jeunesses'est passionnée pour l'élude des prpductions du Paganisme , et que de l'admiration des paroles elle esarrivée à celle des pensées et des actions. En effen'est-ce pas alors que Ton a commencé à s'inclinerdevant les sept sages de la Grèce, presque autant qu

devant les quatre évangélistes; à s'extasier sur lespensées d'un Marc Aurcle et sur les œuvres philosophiques d'un Sénèque, de manière à laisser croirequ'il n'y avait rien de plus profond dans les livressaints ; enfin à vanter les vertus de Sparte et de Romeau point de faire presque pâlir les vertus chrétiennes?

» Croit-on que de pareils enseignements, devenuunanimes et- continuels, ne devaient pas à la longufaire baisser le sentiment de la foi et surexciter dé

mesurément l'orgueil de la raison?Serait-ce une témérité dédire qu'en mettant ainsi partout en relief les œuvres de l'homme, au grand préjudice de la

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256 LA RENAISSANCE.

révélation, qui est l'œuvre de Dieu par excellenceon préparait les voies au règne de ce rationalismeffréné qui en est venu publiquement à n'adorer quelui-même1 ? »

Usage déplorable, source empoisonnée, foyer doidées révolutionnaires, préparation au rationalisme

qui détruirait le Christianisme, si le Christianismen'élait divin : voilà de quelle manière le saintévoque de Belley et l'illustre évoque de Langres qualfient le système d'études que nous combattons. Et oprétend que ce système est autorisé par l'Égliseque l'attaquer, c'est injurier l'Église et insulter lescongrégations enseignantes! Il est vrai, lorsque lessavants prélats écrivaient, la grando époque de4 852 n'avait pas encore paru : époque de lumière o

la science historique et théologique de certainepersonnes a découvert tant de choses inconnues nos pères. Il nous reste à en tracer le rapide tableau

1 Let're au supérieur et directeurs de son petit séminaire. Deux ans plus tôt, en 4835, nous avions exprimé les mômes iddans leCatholicisme dansl'éducation, in-8°.

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CHAPITRE XVIL

D I X - N E U V I È M E S I È C L E .

Publication duVer rongeur. — II divise l'Europe en deux camps. —Composition du camp ennemi. — Sommes-nous resté «cul? — EFrance, nombre et qualités de nos défenseurs. — Les évoques, —Lettres. — Le clergé, — Lettres. — Les laïques. — Lettres, — LR. P. Muard et Proudhon.

Nous vouons d'esquisser rapidement l'histoire denotre généalogie, depuis la Renaissance jusqu'à l'apparition du Ver rongeur. Ce que les quatre dernierssiècles comptent de plus [éminent parmi les hommedont l'attentions'est fixée sur l'enseignement de collège figure à divers titres parmi nos aïeux. Pas unede nos idées qui ne se trouve dans leurs ouvrages

Comme on Va tant de fois répété depuis sept ans,nous ne sommes donc pas un novateur. Sommes-nous aujourd'hui le seul descendant de cette raceillustre? Est-il vrai, comme on se plaît encore à ledire, que le vide est autour de nous; que personnene partage nos idées, ou que les adhésions dont noupouvons nous flatterbrillent seulement par leur ra-

XH. w

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m LA RENAISSANCE.

reté et leur médiocrité , tandis que toutes les sympathies de l'intelligence et de la vertu sont acquises nos adversaires? — Nous allons répondre.

Constatons d'abord que la question des classiquea eu le privilège d'occuper l'Europe entière et mêmde la passionner. Traduit dans toutes les langues

le Ver rongeur est devenu, pendant plusieurs années,le thème de la discussion. Or, on conviendra sanpeine que l'Europe actuellen'est pas assez littéraire,pour se préoccuper longtemps et avec passion d'unsimple question de grec et de latin. Elle a vu danla question des classiques une question de souveraneté morale, et elle a eu raison. Le camp ennemsurtout ne s'y est pas trompé. À l'infaillible instincqui le caractérise, nous devons l'inestimable honneu

de compter autant d'adversaires qu'il y a de voltai*riens, de gallicans, d'éclectiques, de rationalistesde naturalistes, en un mot de révolutionnaires à undegré quelconque, en France, en Angleterre, en Espagne, en Allemagne et en Italie. Leurs brochuresleurs discours, leurs journaux, leurs diatribes ensont un témoignage authentique.

Cette opposition très-intelligente de la Révolutioa trouvé d'assez nombreux auxiliaires, du moins en

France, parmi les pontifes, les prêtres et les enfantde l'Église. Phénomène douloureux sans doutemais que nous avons vu sans surprise comme san

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CHAPITRE DIX-SEPTIÈME. 259

frayeur. Sans surprise : pouvions-nous oublier lamême opposition, venue du même camp, aux doctrines du Saint-Siège et à la liturgie romaine? N'avions-nous pas sous les yeux la grande coalition d1847, dirigée par un célèbre archevêque et composée de cinquante-quatre évêques, conjurés contre le

retour à l'unité liturgique? N'entendions-nous pasde nos oreilles les conversations et les discours, nlisions-nous pas les articles de journaux, les livreet les mandements dirigés contre le savant abbé deSolesmes, qu'on traitait de novateur, de brouillon,d'insulteur de Tépiscopat? Sans frayeur: malgré lesefforts contraires, le mouvement vers Home et verl'unité liturgique allait se développant, au point defaire pressentir une éclatante victoire. Croire que la

question des classiques, tombant inopinément danle monde, trouvant des esprits non préparés, froissanplus de préjugés, inquiétant plus d'intérêts, touchantle mal plus au vif, en un mot, plus grave que touteles autres, triompherait sans résistance : illusion

d'enfant. Grâce à Dieu, nous ne l'avons jamais eueLoin de là; les premières lignes duVer rongeur prédisent des tempêtes et une lutte en rapport avecl'importance de la cause.

Toutefois, est-il vrai que notre parole n'a pointeu d'écho, ou qu'elle n'en a trouvé que dans la partie la moins éclairée du clergé de France et la moin

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260 LA RENAISSANCE,

dévouée au Saint-Siège? Sur ce point, nous nous erapportons à la bonne foi de nos adversaires. Ils connaissent comme nous les prélats qui applaudissent nos efforts1} mais ils ne les connaissent pas tousOutre ceux qui ont manifesté hautement leurs sympathies, il en est qui nous les ont exprimées dan

des lettres particulières. Ces lettres, précieusemenconservées, sont plus nombreuses qu'on ne penseNous en citerons seulement quelques-unes, donon est loin de soupçonner l'origine :

« Monsieur et bien digne abbé, avant de répondre à votre aimable lettre du 22 juin, j'ai voulu lirevotre intéressant ouvrage(le Ver rongeur), afin depouvoir vous adresser mes félicitations et mes remer

cîments les plus sincères. Vous avez bien mis le doisur la plaie : nous sommes païens sans le savoir esouvent même sans le vouloir, parce que l'éducation et encore plus l'instruction n'ont été, depuisbien longtemps, employées qu'à déformer en nous lglorieux caractère d'enfants de Dieu et de frères deJésus-Christ.

» C'est à nous maintenant, qui jouissons d'unecertaine liberté d'enseignement, à refaire une autre

société,à la rechristianiser, si j'ose m'exprimer ainsi.i Ealrc autres Reims, Arras, Perpignan, Aucb, Avignon, Mo

tauban, Rodez, Saint-Claude, Gap, etc., etc.

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CHAPITRE DIX-SEPTIÈME. «64

Poar ma part, j'ai consacré ma vie à cette œuvre,et votre excellent livre servira encore ^ animer mozèle et à le diriger dans une meilleure voie.C'estdonc non-seulement un beau livre que vous avefait, mais une bonne, une excellente œuvre.

» Agréez-en, je vous prie, tous mes compliment

» 3 septembre 1851. »

« Monsieur le grand vicaire, nous écrit Mgr l'ar

chevêque de N..., j'ai lu votre ouvrage où j'ai trouvépartout le respectable auteur duCatéchismede persévérance. J'avais lu tous les articles de M. Danjousur la question que vous traitez avec une supérioritéincontestable. Le Ver rongeur est écrit d'un stylenoble et pur. C'est une excursion dans l'histoire del'enseignement aux diverses époques du christianisme , et une juste appréciation des maux causéspar le principe païen dans l'éducation. Dans ses fondements , votre thèse ne trouvera de contradicteursque dans les hommes sans foi.

» Recevez, etc.

» 5 septembre 4851. »

« Monsieur le grand vicaire, je partage toutes vosidées; mais des circonstances exceptionnelles, qu

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262 LÂ RENAISSANCE.

vous connaissez, m'empêchent de vous le dire touhaut.

» 4 4 juillet4 854.»

« Monseigneur, je viens vous remercier de l'envoque vous avez bien voulu me faire des deux volum

de classiques profanes expurgés, tout récemmenpubliés par vous. J'ai décidé qu'ils seraient adoptésdans mes petits séminaires, et je souhaite que ceexemple soit suivi dans tous les établissements d'instruction secondaire de ce diocèse.

» Je suis heureux d'avoir cotte occasion de vouexprimer la vive sympathie avec laquelle j'ai applaudi à vos généreux efforts pour la réforme derenseignement donné à la jeunesse catholique. J'a

vais souvent déploré comme vous que l'intelligencla mémoire et le cœur des générations naissantegrandissent dans une atmosphère presque exclusivement païenne, et que des enfants chrétiens eussent à passer l'époque la plus décisive de leur viecelle qui reçoit les impressions les plus durables de laquelle dépend tout l'avenir, dans une sorte d'intime familiarité avec des auteurs si fortement imprégnés de sensualisme et de maximes antichrétienne

» Grâce à votre courageuse initiative, de trèsheureux changements ont déjà été opérés dans denombreuses institutions et surtout dans les petits

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CHAPITRE DIX-SEPTIÈME. 263

séminaires. Les auteurs chrétiens ont trouvé unelarge place dans l'enseignement des lettres, et lerichesses incomparables qu'ils renferment, et qu'onappréciera de plus en plus, ne permettent pas dedouter que le mouvement n'aille en se généralisantUne place, sans doute, devait être laissée aux ora

teurs et aux poètes profanes. Vous ne la leur avezpas refusée, mais en faisant disparaîtrecequ'ils pouvaient avoir de dangereux, par les retranchementsqu'ils ont subis dans l'édition que vous avez eul'heureuse pensée de faire. J'unis donc de grandcœur mon suffrage à ceux si nombreux et si graveque vous avez reçus, et qui ont été une compensation bien méritée des attaques que vous a valuesvotre zèle pour une si belle cause.

» 46 décembre 4857. »

Citons une dernière lettre : « Monsieur l'abbé, jevous dois tous mes remercîments pour votre si remarquable ouvrage,le Ver rongeur. J'ai été charméde tout ce que j'y ai trouvé d'excellent et de bon.Je vous en offre donc mes compliments bien sincèreet mes remercîments bien empressés. J'ai fait parvenir au Saint-Père l'exemplaire de votre dit ou

vrage, dont vous avez bien voulu lui faire hommageSa Sainteté a d'autant plus agréé l'offre que vous luien avez faite, qu'Ëlîe .connaît bien tout votre mérite

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LA RENAISSANCE.

et spécialement votre attachement filial pour le SainSiège Apostolique.

» f A...,arch. de Myre,nonce apost.» Paris, 45 novembre 4851. *

S'agit-il des prêtres dans tous les degrés de la

hiérarchie : vicaires généraux, chanoines, directeurs de grands séminaires, curés, religieux et surtout professeurs de collèges catholiques et de petiséminaires,c'est par centaines que nous comptonsles lettres de sympathie qu'ils nous ont adresséedepuis sept ans, et qu'ils nous adressent encoreNous étonnerions bien des gens si des raisons facilà comprendre nous permettaient d'en nommer lesauteurs. Ici encore nous devons conserver l'ano

nyme et nous borner à quelques citations.

« Mon vénéré collègue, rendez grâces à vos advesaires: ils ont servi votre cause plus qu'il n'était dansleur pensée. VosLettres, si parfaites par le fond etpar la forme, feront des conversions, si j'en jugepar l'effet qu'elles ont produit sur l'esprit de notreévêque. Avant l'apparition de vos ouvrages, tousles ans, à la rentrée du grand séminaire, en par

lant de l'esprit qui doit y régner, j'avais soin de direque ce n'était pas l'esprit desConciones;que la première chose à faire était dedepaganiser son esprit et

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CHAPITRE DIX-SEPTIÈME. 255

son cœur. Cela vous prouve, en passant, combien j'étais disposé à adopter vos idées, puisqu'elles n'onfait qu'affermir les miennes et les développer.

» Oh! le beau ou plutôt l'affreux chapitre que j'aurais à ajouter auVer rongeur, sur l'influence quel'éducation païenne qu'on donne aux jeunes lévites

a exercée et qu'elle exerce encore sur les prêtresCourage dans votre sainte croisade! Dieu est avecvous; ce qui le prouvec'est que jamais vous n'avezaussi bien pensé, aussi bien écrit que dans vosLettres. Elles sont un modèle de discussion respectueuse, calme, forte et pleine de choses. Que Dievous récompense de cette bonno œuvre !

» N....» 29 juillet 4852. »

Un des professeurs des plus distingués, sans contredit, du clergé de France, s'exprime en ces termes « Monseigneur, je cède au désir qui me presse depuis longtemps de vous témoigner l'admiration quem'inspirent votre dévouement et vos importants travaux, mis au service d'une idée vraie, noble, bellet utile. LaRévolutioncomplète votre thèse et mesemble lui assurer une irrésistible évidence. QueNotre-Seigneur vous donne la grâce de servir encore longtemps et beaucoup son ÉgliseI C'est leplus grand honneur et le plus grand bonheur qu'on

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266 LA RENAISSANCE.

puisse souhaiter à ceux qu'on estime et, si je l'osaidire, à ceux qu'on aime.

)) D....» 40 octobre 4856. »

Les prêtres, curés et chanoines d'une grandeville, nous adressent collectivement la lettre sui

vante.: « Monsieur, tout ce qui touche aux intérêtsacrés de l'Église, notre mère, fait palpiter noscoeurs. C'est vous dire que nous avons été heureuxde la discussion que vous avez soulevée si à propau sujet des classiques. C'est vous dire que toutenos sympathies sont acquises à la cause que voudéfendez si généreusement et dont vous êtes lglorieux martyr.

» Oui, Monsieur, en signalant comme un abus

l'usage à peu près exclusif des auteurs païens dansl'enseignement, vous avez mis le doigt sur une plaitrop réelle, et dans le plan que vous tracez pourintroduire une réforme, vous montrez autant de modération que de prudence. Ce n'a pas été pour nousun léger sujet d'étonnement que même des évêqueaient cru pouvoir censurer vos vues et vos parolesMais lorsque vous avez pour vous la raison et le bodroit, nous admirons d'autant plus ce courage ferme,cette persévérance calme avec lesquels, sans tenicompte des injures de vos adversaires, vous saverelever leurs exagérations et leurs méprises.

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CHAPITRE DIX -SE PTIÈME. 267

» Vous avez prouvé que vous êtes digne d'être lechampion d'une si noble cause. Nous n'ignoronspas que vous avez reçu plus d'un témoignage desatisfaction des personnages les plus éminents; qudans tous les rangs de la société il y a des cœurchrétiens qui vous comprennent et partagent vos

convictions. Pour nous, humbles ministres du Seigneur, nous sentons parfaitement quelle est pourl'avenir religieux de notre patrie l'importance de lalutte que vous avez engagée, et nous éprouvons lbesoin de vous exprimer notre gratitude pour lamanière grande et généreuse, pour la science et letalent avec lesquels vous défendez la vérité : ettandis que vous soutenez si vaillamment le combatnous,du moins, nous prierons pour le succès d'unecause que Dieu a déjà bénie. N

» 4 janvier 4853. »

Terminons par une dernière lettre d'autant meilleure qu'elle résume toutes les précédentes, qu'ellene nous est point adressée et qu'elle est l'expression d'une longue expérience.

« Valensole, le 43 aoiU 4852.» MESSIEURS,

)> Ayant été supérieur de deux petits séminaires,

Forcalquier et Ajaccio, j'ai suivi avec un vif intérêtla polémique que vous soutenez sur le choix des ouvrages qu'on doit mettre entre les mains de la jeu-

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268 LA RENAISSANCE

ncsse. J'adhère complètement à la doctrine clnVer rongeur de M. Gaume et à la thèse que vous avezdéveloppée avec tant de savoir. Combien de foisprofessant les humanités, n'avais-je pas dit à mesélèves : Mes enfants, je jette le poison à pleinemains dans vos poitrines! Et pourquoi inclinons

nous nos fronts marqués du signe du Christ devanles prétendus chefs-d'œuvre des siècles de Périclèet d'Auguste, tandis que nous avons là, sous nomains, dans les Pères de l'Église, toute une littérature chrétienne? C'est là que nous pourrions recueillir l'or à pleines mains, si nous n'étions pasesclaves de vains préjugés. Oh! comme mon cœude prêtre gémissait alors que j'avais à expliquer lesodes, les satires et les épttres de celui qui, se ren

dant justice à lui-même, disait :Ego degrege par-corum Epicuri! Jusque dans cet Homère si vanté,dans ce Virgile estimé si sage, je trouvais des pageinfectées de luxure. Combien de fois, au tribunade la pénitence, n'étais-je pas condamné à combattre dans mes pauvres enfants les impressions funestes qu'ils avaient reçues en classe de l'étudedes auteurs païens! Ah! du moins que, pendant leclasses de grammaire, c'est-à-dire jusqu'à latroi

sième inclusivement, on tienne nos jeunes chrétienloin de ces sources impures, loin de ces livres qusous de belles formes, cachent le venin le plus mo

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CHAPITRE DIX-SEPTIÈME. 839

tel, véritables sirènes qui, avec leur voix enchanteresse, entraînent tant de malheureux à leur perte!

» J'ai pris la peine de faire un extrait de tous leslivres classiques que le Paganisme nous a légués equi se trouvent disséminés dans toutes les classesà commencer par Phèdre lui-même, et de les en

voyer à quelqu'un de nos illustres adversaires, avecprière de m'en donner la traduction. Je ne sais quelsens catholique on pourrait donner à ce vers ;Et matronarum casta delibo oscula (Phèdre, fable xxi,livre IV). Comment expliquerait-il leMarte gravisde Virgile, et in eamdem devenere speluncanij dumême; et la scène hideuse qui se passa sur le monIda entre Jupiter et Junon, parée de la ceinture deVénus; et ce vers si souvent répété dans Homère

wjivca euviQ xxi cpcXorw; et tout l'Olympe convoquéau spectacle des turpitudes de Mars et de Vénus,et le persiflage de Lucien, et les saletés de Juvénal, etc., etc., etc.? Je disais ces jours-ci toute mapensée à un des plus savants évêques de France, e

je vis avec bonheur qu'il gémissait sur l'étrangethèse soutenue par de si bons catholiques.

» Pendant plus de vingt ans j'ai été condamné àfeuilleter ces livres déplorables. Je connais tout l

poison qu'ils renferment, et ce serait calmer un remords de ma conscience si, avant de mourir, il m'était donné de réparer le mal que j'ai fait à mes

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270 LA RENAISSANCE,

chers et bien-aimés élèves, alors que, me laissanentraîner par un fatal courant, je les initiais aux fatales doctrines de ceux que saint Paul a si bien caractérisés lorsqu'il a dit :Volontésesse sapicntesslulli facti sunt.

» Si vous croyez que ces courtes réflexions, in

spirées par une longue expérience, puissent trouveun petit coin dans votre excellent journal, je voudonne toute liberté de faire usage de ma signatureVous me feriez même plaisir, en tant que ce seraiune protestation contre un enseignement auquel jeme suis associé de trop longues années contre le cde ma conscience.

» Hommes de foi, ne vous découragez point continuez de combattre pour la gloire de Dieu et d

sa sainte Église! N'oubliez pas que, pour faire quelque bien dans ce monde, il faut passer par le baptême des tribulations; quilégitimecertaverit coro-nabitur.

» C'est avec un sentiment de profonde reconnaissance pour le bien que vous faites que je me disMessieurs, dans toute la sincérité de mon cœur, undo vos amis les plus dévoués1.

» SILVE,chanoinecuré. »* L'Univers, 45 septembre 4852. — Voir dos confessions sem

blables, entre autres celles du célèbre P. Thomassin, dans nLettres à Mgr Dupanloup.

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CHAPITRE DIX-SEPTIÈME. 27*

Voilà pour le clergé de France. Quant aux laïques, leurs sympathies n'ont été ni moins vives nimoins nombreuses. Parmi nos plus zélés collaborateurs, nous comptons des professeurs des collèges dParis et des inspecteurs de l'Université. Depuis lecommencement de la lutte jusqu'au moment où nous

écrivons, nous n'avons pas rencontré un seul pèrede famille qui, après un quart d'heure de conversation, n'ait été complètement d'accord avec nous.Plusieurs môme nous ont fourni, en confirmationde notre thèse, de terribles détails sur l'influencepassée et présente des auteurs païens. Forcé d'abréger, nous ne citerons que quelques-unes deleurs lettres.

«Monsieur le vicaire général, permettez- moi,tout inconnu que je suis de vous, de vous exprimer tout l'intérêt que je prends à la lutte que vousavez généreusement et résolument entreprise pourpour la plus belle, la plus vraie, la plus sainte descauses. Avec de la patience et une persévéranceinvincible, vous triompherez, n'en doutez pas, desobstacles qui semblent s'accumuler contre vos efforts. Vos lettres sur le Paganisme sont irréfutables.

D'ailleurs, une cause qui a pour elle l'appui publicde nos plus savants évéques est une cause gagnée.

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272 LÀ RENAISSANCE

» Déjà elle Test à moitié dans la liturgie romainet dans l'architecture ogivale. Qui oserait dire au

jourd'hui que ces deux questions ne marchent paà une victoire complète? Or, elles ne sont qu'unpartie de Ja vôtre. Soyez-en donc sûr, avec dutemps, de la persévérance et la lutte, la cause chré

tienne triomphera sur toute la ligne. Au reste,comme vous le dites si bien, et comme il n'est qutrop évident, la lutte de nos jours est partout entrel'esprit chrétien et l'esprit païen, entre Dieu et Satan.Dieu l'emportera dans notre belle France, où ilcompte encore à son service tant de capacités et ddévouements. Vous êtes un des plus avancés et deplus favorisés de Dieu. Puissiez-vous trouver en lutout ce qu'il vous faut de force morale et physique

pour ne pas succomber à l'immense tâche que vousvous êtes donnée!» Le comteDE M

» 2 . juillet 1852.»

A la même date nous recevions de l'autre extrémité de la France la lettre qu'on va lire : « Lescoups et les injures pleuvent sur vous, Monsieur,qui par vos longs et glorieux travaux avez si bien

mérité de l'Église et de la société. No vous inquiétez pas; on n'est digne d'être l'apôtre de lavérité qu'autant qu'on estprêta en être le martyr.

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CHAPITRE DIX-SEPTIÈME S »

Je comprends la haine des voltairiens; mais je necomprends ni certains évoques ni certains écrivainscatholiques : en vous attaquant, ils tirent sur leurstroupes. Qiae veulent-ils? Est-ce que par vos ouvrages la foi ou les mœurs sont mises en péril?Nonmais, disent-ils,c'est le beau, c'est la belle littéra

ture, la beile éloquence, la belle poésie, la bellpeinture, la belle architecture, l'antiquité classiqueen un mot, source de lumières et de beautés. Qudeviendrait le monde chrétien, grand Dieu! si oncessait de faire étudier pendant huit ans les auteurspaïens de Rome et de la Grèce?

» Je ne connais pas d'absurdité plus colossale.» Mais cen'est là que le côté le moins grave de

la grande question que vous avez si courageuse

ment soulevée. De la recherche avide du prétendubeau littéraire est venue la recherche et l'admiration du beau antique eu tout genre; et depuis laRenaissance, la société a eu pour unique préoccupation L'imitation, la reproduction des idées, des arts,des usages, des institutions, des mœurs de la sociétpaïenne* Qu'on nie ce fait constaté, reconnu partout le monde; qu'on nie la Renaissance, et alors in'y a pas à discuter avec des gens qui nient le soleien plein midi.Mais si on ne nie pas la Renaissance, ilest impossible à un chrétien, à plus forte raison à unévoque, d'y applaudir, autant qu'il serait impossible

XII. 48

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274 L 4 RENAISSANCE*

à un bon musulman d'applaudir à l'introductiondes idées chrétiennes en Turquie. Qu'on ait pu sefaire illusion aux temps passés, je le comprendsmais aujourd'hui, il n'y a plus d'excuse pour ne pasfaire de l'élément chrétien, artistique et littéraire, lanourriture des enfants chrétiens.

» Agréez, etc. » D»20 juin 4852. »

Citons une autre lettre non moins explicite queles précédentes : « Monsieur et vénérable abbé j'ai lu votre admirable livre le{Ver rongeur. J'aieu non le malheur, mais le bonheur de naitre

juif. Je vais m'expliquer. Si j'étais né catholique, j'aurais été nourri à l'école de l'antiquité et

je serais ou un socialiste de village, un chenapade cabaret ou bien un professeur de paganismecomme tant de mes amis. Mais étant néjuif, d'unemère qui fut une véritable sainte do la Bible, j'asucé le lait sacré. A douze ans, je savais la Bible hbraïque par cœur. A l'âge de dix-neuf ans seulement, j'ai étudié les auteurs païens, mais j'avaispassé quinze années dans l'étude sacrée* Qu'arrivat-il? les Juifs m'avaient appris à connaître Dieu, ecroyant à l'Ancien Testament, je devais naturellement arriver à croire au Nouveau, qui en est le complément : je n'avais qu'à descendre le fleuve.

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CHAPITRE DIX-SEPTIÈME 275

» Mais quand les études païennes s'emparèrentde mon âme. non-seulement elles m'arrachèrentla foi à l'Évangile, mais encore à l'Ancien Testament. Les Juifs avaient tait de moi un chrétien, leschrétiens avec leur enseignement classique m'onttransformé en païen; et comme je ne m'arrête ja

mais aux hommes, mais aux principes, je poussales conséquences jusqu'à l'extrême et devins athéeet communiste. Ce n'est qu'à l'âge de la raison,mûrie par l'expérience et fortifiée d'une grâce divinetoute particulière, co n'est qu'après être retourné àma chère Bible que je suis redevenu chrétien. Si lmonde veut comme moi redevenir chrétien, qu'ilétudie les sources chrétiennes et surtout la Bible een hébreu. Toute la littérature païenne anglaise,

française, allemande, ne vaut pas la première lignedes Psaumes \ En attendant, Dieu vous a choisi pouporter le premier coup au Baal ignoble du Paganisme. Gloire à vous!

» N»44 février 4852. »

* On connaît l'opinion du célèbre William John, fondateur l'Académie de Calcutta : « J'ai lu avec beaucoup d'attention saintes Écritures, et je pense que ce livre, indépendamment decéleste origine, contient plus d'éloquence, plus de vérités hisriques, plus de morale, en un mot plus de beautés de tous genrqu'on n'en pourrait recueillir dans tous les autres livres ensembdans quelque langue et dans quelque s»ècle qu'ils aient été coposés.»

48.

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276 LA RENAISSANCE

Trois mois plus tard, un célèbre docteur en médecine nous écrivait : « Votre thèse est surabondammentprouvée;d'anticanonique qu'elle était, la levéede boucliers a fini par devenir une boutade etun coupd'épéedans l'eau. Si on invoquait le témoignage depères de famille, ilsseraient tous unanimes. Oui, nou

avons passé toute notre jeunesse dans les petits séminaires, et on ne nous a appris qu'un pou de piétémais pas la foi. Nous ne connaissons ni notre hitoire catholique, ni notre littérature. Notre enseignement religieuxn'est nullement fondé. Ons'estadressé à notre cœur, à notre imagination, à nossens; et quand avec l'âge le cœur et l'imaginationfaiblissent, que reste-t-il pour alimenter la piété?

» Vous avez parlé du Paganisme dans les lettres

que serait-ce si vous aviez abordé le Paganismdans les sciences, dans la médecine surtout? Làquel Paganisme abject! Ne sommes-nous pas arrivés à ce qu'on discute en pleine Académie, l'accouchement prématuré, la syphilisation préventive, eà ce qu'on mentionne en plein Institut, des instruments que je répugne à vous nommer? Voilà où lePaganisme classique a reconduit l'Europe !

» N . . . P

» Février 4352. »

Aux témoignages des pères de famille se joignen

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CHAPITRE DIX-SEPTIÈME. 277

les ardentes sympathies d'une partie de la jeunesse.On est ému jusqu'au fond de l'âme en l'entendantflétrir l'enseignement païen dont elle est la victimeComme preuve, nous rapporterons seulement lalettre suivante, d'un jeune lauréat de l'Université:

« Monsieur, les pieux évêques du moyen âge savaient endosser la cuirasse et ceindre l'épée pourcombattre les ennemis de la foi, et montrer, ensauvant l'Église, comme ils servaient à l'occasiole Dieu des armées. Heureux temps, où le glaivavait toujours une croix pour poignée! Plaignonsles, ceux qui dans les temps d'affaissement moralcomposent avec l'ennemi et, se faisant une vertu dleur faiblesse, prennent pour de la charité leur lâche

condescendance et leur manque de courage.» Aussi, c'est avec une inquiétude toute pleind'intérêt et de sympathie que tous les vrais catholiques suivent la lutte vigoureuse et vaillante quvous soutenez contre le Paganisme. Vous le savetrop bien, l'ennemi est entré dans la maison. Satanfait son œuvre en silence et salit de ses blasphèmedes bouches de quinzeans.C'est une chose effrayantepour nous autres jeunes hommes de ne pouvoir nousreplier sur nous-mêmes sans nous trouver en facede ces odieux souvenirs, de ces hontes dont on nse lavejamais! Non, Monsieur, quelque grand que

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278 LA RENAISSANCE.

vous ayez vu le mal, vous n'avez pas pu le voir touentier. Il est des turpitudes qu'un homme toujourshonnête est incapable de deviner. Quand vous aurez jeté les yeux sur cet ignoble dessinaffiché avec unegrossière impudeurauco portes cVuncollège, aurez-vous compris foulo notre pensée?.... Je l'ignore

Monsieur, mais toujours est-il que tous les jeunegens honnêtes s'uniront à moi pour vous dire: Courage, persévérez dans votre guerre sainte. Laissezclabauder vos ennemis, et croyez que môme au seidelà jeunesse des écolos, si longtemps égarée, vocomptez de sincères admirateurs.

»N» Paris, 29 juin 185?. »

Avant de quitter la France pour interroger l'Europe, nous consignerons encore deux témoignagedont il n'est pas besoin de faire remarquer l'importance. Le premier est celui du R. P. Muard, fondateur des bénédictins-prêcheurs; le second, celui dProudhon. Un prêtre, digne émule des Apôtres parson zèle, des Pères de la Thébaïde par ses austéritésdes plus grands saints par l'héroïsme de ses vertusa paru de notre temps. Il a passé en faisant le bienet, consumé avant l'âge, les peuples l'ont canoniséSa tombe à peine fermée attire un concours non interrompu de pèlerins, qui viennent demander avec

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CHAPITRE DIX-SEPTIÈME. 279

confiance ce qu'on demande aux saints, des miracles.

Or, voici ce que l'homme de Dieu pensait denotre œuvre : « Ayant eu, pendant une mission,dit son historien, l'occasion d'examiner le coursd'études de Mgr Gaume, il en fut si content qu'il se

promit de le faire suivre dans son noviciat. Quelavantage, disait-il, de meubler l'esprit des jeunesgens de si bonnes et si belles choses! on en profitependant toute la viel . »

L'importance et la nécessité de cette réformeétaient des pensées qui ne le quittaient pas. « Quelques heures avant sa mort, nous écrit son fidèledisciple, s'entretenant avec quelques-uns de ses enfants, au nombre desquels je me trouvais, il ramenala conversation sur l'étude de l'Écriture sainte, etsurtout des Prophètes; il dit : « C'est là qu'on trouvetout ce qui peut éclairer l'intelligence et toucher lecœur. » Puis, il laissa échapper cette exclamation « Que nous sommes malheureux! pendantnos études

on ne nous a inspiré aucun goût pour les écrivainssacrés; nous avons reçu un enseignement presquepaïen2. »

Ces paroles sont comme le testament d'un saintau moment cle paraître devant Dieu : et on prétend

1 Vie,etc., par M. Bruliée.2 LoUfO du Pore Benoist, 43 novembre 4857.

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280 LA RENAISSANCE.

que nous défendons des théoriesinsoutenables et injurieuses à l'Église!

Après ie témoignage de la sainteté la plus éminente, écoutons celui de l'impiété la plus sataniqueProudhon, comme on peut le penser, prend sous sprotection les auteurs païens. Dans son dernier ou

vrage, il écrit cette phrase à double tranchant : « Jesais gré à Mgr Dupanloup d'avoir voulu réparer,autant qu'il est en lui, les torts de Mgr Gaume àl'endroit des classiques, bien qu'au fond Mgr Gaumme paraisseplus conséquent dans sa manière de voiret plus chrétien que Mgr Dupanloup *. »

Cet homme mord en baisant.* T. II, p. 64.

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CHAPITRE XVIII.DIX—NEUVIÈME SIÈCLE.

En Europe, nombre et qualités de nos défenseurs. — Tous les grand journaux catholiques soutiennent notre cause. — "Toutes les intellgencesd'élite sont avec nous : — En France, — En Angleterre, —En Hollande, — En Allemagne, — En Espagne, — En Savoie, —En Italie, les archevêques et évoques du royaume de Bïaples. —Lettres et mandements. —Hors de l'Europe : l'archevêque de LimaPévêque de la Havane, l'archevêque de Santiago, l'évoque de Jassen

Étendons les limites de notre horizon et voyon

quelle part l'Europe a prise à la question des classiques.Est-il vrai qu'on France et à l'étranger notrecause ne compte de défenseurs que parmi lehommes les moins intelligents ou d'un respect douteux pour TÉglise?C'est le contraire qui est lavérité. Par un privilège exceptionnel, la réformechrétienne des études, telle que nous l'avons demandée, jouit des sympathies de tout ce qu'il y ade plus élevé dans l'ordre intellectuel et de plu

catholique en Europe. D'abord elle a pour champions tous les grands journaux religieux: en France,Y Univers et le Messager du Midi; en Belgique, le

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282 LA RENAISSANCE

Bien publicde G and; en Hollande, laRevue néerlandaise; en Italie, VArmonia; en Espagne, la Régénération et laMonarchie espagnole,et d'antres encoreen différents pays. De quel droit placez-vous parmles pauvres d f esprit les habiles rédacteurs de tousces journaux? Quelle preuve avez-vous d'un blâm

déversé sur eux par le Saint-Siège, pour s'ôtre faitnos compagnons d'armes?Ce n'est pas assez; tout ce que l'Europe catho

lique compte aujourd'hui d'intelligences d'élite oud'hommes de génie est avec nous. Sans qu'il sobesoin de les nommer, toute la France connaît noillustres compagnons d'armes, soit dans le clergésoit parmi les laïques. En Angleterre nous avonsentre autres, les savants évoques de Birmingham

et de Noltingham, Pugin et le pieux lord Philippsune des âmes du mouvement catholique. Tontes seslettres respirent l'enthousiasme pour une réforme delaquelle dépendent,à sesyeux, le salut de l'Europe etle triomphe éclatant du Christianisme dans le mondeentier, ce Pour moi, nous écrit-il, je suis convaincuque la question comme vous l'avez posée, et commnous l'adoptons et la soutenons, doit infailliblementriompher, parce que tout ce que vous dites estvrai, solidement foadé et d'accord avec la consciencet la conviction chrétiennes. Soyez tranquille, votrcause est la cause de Dieu. Au fond, je suis co

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CltANTRE DIX-HUITIÈME 383

vaincu que tout chrétien sincère est de votre avisSi par hasard il soutient quelque chose contre,c'estreflet do quelque préjugé qui dénature la questiondevant ses yeux, et qui ne le laisse pas libre de l'envisager telle qu'elle est en réalité. »

Nommons encore, en Angleterre, l'immortel Pu-

gin, qui portait toujours avec lui notre premier ouvrage, etqui disait en mourant :« Je meurs content,puisque j'ai vu donner le coup de grâce au Paganisme. »

En Hollande, nous trouvonsM.AlberdingkTh vira,le grand catholique de ce pays. Il nous écrit : « Jeme sens un besoin irrésistible de vous exprimer"mareconnaissance et ma cordiale sympathie pour lathèse grande et vraie que, dans votre livrele Ver rongeur, vous avez lancée vaillamment au milieude l'arène des discussions sociales. Vous avez étabsolidement une des vérités les plus importantes equi désormaisn'est pins susceptibled'une réfutationraisonnable. Nous autres chrétiens germaniques,

enfants de Charlcmagne, nous ne voulons plus pounourrices de nos enfants les « belles filles antiques» ;nous ne formerons plus leur esprit et leur cœurdans le monde artificiel des Grecs et des Romains

» Les combats de la vérité sont rudes aujourd'hui.Vous l'avez éprouvé, comme nous, en vous attaquant au ver rongeurdo la société. J'aimeà prendre,

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284 LÀ RENAISSANCE.

quand je songe à votre livre,le motVer dans lasignification qu'il avait dansma belle langueduonzième siècie: ver est icorrn, et worm signifiaitmonstre. C'est un monstreà plusieurs tètes que vousavez attaqué; mais vous sortirez victorieuxdu combat par la forco des choseset de la logique.Je prie

Dieu qu'il vous continuesa grâceet qu'il vous conserve lesforces pour travaillerà sa gloire et au biende l'Église.

» Février 4?53.»

En Allemagne, c'est, entre plusieurs,le célèbrepubliciste baronde Moy deSons. Danssa Philoso

phie du droit, il appellela réforme classiquede tousses vœux,et définit la Renaissance: a le renverse

ment de l'ordre, puisqu'ellea soumis tout, jusqu'àFÉglise,aux idées païennes ressuscitées.»Le docteur Reithmeier,qui, pour hâter le triom

phe, publiedesclassiques chrétiens,« suivant l'impulsion donnéepar des hommes éminentsen doc

trine, en scienceet en piété, doclrina, eruditioneet pietate viri excellentes1. »

Le vénérable évêquede Ratisbonne, qui nousécrit : « Je pense comme vous,tecumsentio. Laréforme de l'éducation doit être l'objetde tous lesvœux et de tous les efforts. A cela no suffisentpas

1 Flor. Pair. y etc.,Monach., 4853.

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CHAPITRE DIX-HUITIÈME. 885

des maîtres chrétiens, il faut encore des livres chrétiens qui respirent le sens de Jésus-Christ, et que lemaîtres puissent faire pénétrer dans l'âme de leursdisciples: Taies esse libros qualessensum christiammspirenU Pour le moment, mon regret est de n'êtrepas libre, attendu quec'est lo gouvernement qui

nous trace le programme d'études littéraires.» Ie r mars 4853. »

Plus loin, nous trouvons l'illustre archevêqued'Erlau, primat de Hongrie, qui fait traduire leVer rongeur dans la langue de son pays, afin que leclergé puisse profiler de cet ouvrage, et qui daignnous envoyer la traduction en nous disant : « J'aicru que par cet envoi je vous donnerais de ma partune petite reconnaissance, et pent-ôlre une consolation dans les adversités que vous a causées cet ouvrage. Cette traduction même démontre mon opinion dans la question, et la persuasion où je suique je n'ai pas péché contre l'intention de TÉglise

qui veut avant tout former do bons chrétiens par lesmeilleurs moyens possibles.

» 5 décembre 4852. »

En Espagne, un des plus grands génies de cetemps, Donoso Corlès, envisage comme nous la stuation de l'Europe et trouve la cause de ce que nous

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286 LA RENAISSANCE

voyons, et de ce que nous verrons peut-être bientôdans la rentrée de l'élément païen au sein des nations chrétiennes. Il nous écrit en ces termes: « Mocher ami, votre ouvrage,le Ver rongeur, est excellent. Il n'y a que deux systèmes possibles d'éducation : le chrétien et le païen. La restauration du

dernier nous a conduits à l'abîme dans lequel nousommes, et nous n'en sortirons certainement que pala restauration du premier. Cela veut dire que je suiscomplètement d'accord avec vous. Il faut que votrouvrage soit publié et répandu. L'exécution répondau but : vous êtes toujours clair, logique, perspicace, et personne jusqu'ici n'a mis si décidément ldoigt dans la plaie.

» Vo avril 485.. »

Et ailleurs : « La rétrogradation a commencé enEurope avec la restauration du Paganismelittéraire,qui a amené successivement les restaurations du Paganismephilosophique,du Paganismereligieux et duPaganismepolitique. Aujourd'hui le monde est à laveille de la dernière de ces restaurations, la restauration du Paganisme socialiste.

» 4 juin 4849. »

Nous ne rapporterons pas ici l'opinion si solennellement exprimée du vénérable confesseur de l

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CHAPITRE DIX-HUITIÈME. 387

foi, Mgr l'évéqne d'Urgel1, ni ses efforts pour propager la réforme dans sa catholique patrie.

La Savoie nous présente le penseur le plus profond de ce pays et à coup sûr un des hommes leplus remarquables de l'Europe. « La Renaissance,écrit M. l'abbé Martinet, a dégradé le talent en le

ravalant aurôle de copiste.Ellea perverti les mœurs,parce que, au lieu de s'appliquer à cultiver et embellir les mœurs chrétiennes, elles'est faite l'interprète et l'admiratrice des idées puériles et des mœursdissolues de l'antiquité. Nos essais de restaurationpaïenne dans l'ordre politique ont été encore plusdésastreux. L'idée romaine de créer des nations desoldats régnant sur les autres par le droit de l'épéen'a enfanté que des guerres sanglantes. L'idée grec

que de faire des nations de législateurs et de fonctionnaires a produit le mépris des lois, du pouvoir,et nous a rendus ingouvernables. En somme, noéducateurs modernes n'ont rien négligé pour nousfaire rétrogader de vingt siècles, et obliger les peuplechrétiens à reprendre les misérables allures d'unemisérable antiquité8. »

En Italie, berceau de la Renaissance, nous trouvons le R. P. Ventura, Manzoni, le comte Tullio

Dandolo, l'éloquent et courageux abbé Margotti.1 Nous l'avons citée dans notre IX" livraison.

2 De Véduc. de l'homme.

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238 LA RENAISSANCE

Ces rois de la science et de la littérature ont exprimé si hautement leur opinion, qu'il est superflude la rapporter ici. Il en est. de même de réminencardinal-prince Altierr, dont nous avons cité l'admirable lettrel.

L'honneur et l'espérance de l'Italie, c'est de pou

voir ajouter à celte glorieuse liste un grand nombre de vénérables évêques, propagateurs aussi zéléqu intelligents de la réforme. Ce que, depuis sians, ils ont écrit, ce qu'ils ont fait pour en assurerle succès, ce qu'ils ont obtenu de consolants résutats sous tous les rapports, formerait une longue eintéressante histoire. Les matériaux sont en notrepossession : pourquoi faut-il que le défaut d'espacne nous permette pas de les publier? Bornons-nou

donc à quelques fragments.Le 4 avril 1853, l'illustre évêque d'Aquila écrivait à un de ses amis Ja lettre suivante: « Mon très-cher ami, je vous renvoie les trois volumes de l'abbGaume. Je les ai lus avec un immense plaisir et vourends les plus grandes actions de grâces pour m'avoir procuré l'occasion de voir développée compltement , et de main de maître, une question surlaquelle depuis longues années mon expérience pesonnelle avait appelé ma pensée et fait recourir àplus d'un expédient pour rendre plus chrétienne

1 IXe livraison, Avant-propos.

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CHAPITRE DIX-HUITIÈME. 289

l'instruction de la jeunesse, surtout de la jeunessecléricale.

» Je n'ajoute rien. Je vous prie seulement d'offrirmes sincères et respectueux hommages à l'abbéGaume, et de lui dire de ma part de ne pas se décourager à cause des contradictions qu'il rencontre

dans l'adoption de ses idées. Pauvres humains, nousommes ainsi faits! nous nous obstinons souvent àfermer les yeux pour ne pas voir ce que nous n'avonpas aperçu les premiers. Mais la vérité fait son chemin d'elle-même. Je Unis, parce qu'un tel hommen'a pas besoin de mes faibles encouragements.

» f F. L. FILIPPI, vesc. di Aquila.»

Cette lettre fut le commencement d'une active

correspondance entre nous et l'illustre évêque qui,nous sommes heureux de le dire, a été notre pluferme appui au milieu des tribulations et des fatiguede la lutte. Grâce à lui, la réforme.gagna rapidementonze diocèses du royaume de Naples. Jxs plus sa

vants évêques voulurent connaître la question.LeVer rongeur fut traduit en italien, et voici ce qu'enécrivait, dans une lettre qui ne nous est pas adresséele regrettable archevêque de Matera :

« Excellence Bévérendissime, à peine ai-je connla publication de l'ouvrage de l'abbé Gaume,ilVerme roditore,que je me suis empressé de le faire

XII. 49

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290 LA RENAISSANCE.

venir de Naples par la poste. Je commençai à le lireet j'en fus tellement enchanté, que je le dévorai enpeu de jours. Tout, tout m'a ravi: Tordre des ma*tières; l'évidence de la démonstration, si palpablequ'il faut nier, je ne dis pas le bon sens, mais lsens commun, pour n'en être pas convaincu ; la

clarté de l'élocution; l'élégance du style; la nettetéde l'exposition; le zèle et l'amour de la jeunesseet mille autres choses qui m'ont fait impression, mfont conclure que l'abbé Gaume est le vrai bienfaiteur de la société et le promoteur d'une ère nouvelleréparatrice dos maux passés: II vero benemerito déliasociekied ilprornoloredi una cranovella, réparatricedi passati danni.

» Je vous remercie de m'avoir fait connaître un s

grand trésor, et je vous assure que l'année prochaine,la méthode do l'abbé Gaume sera mise en pratiquedans mon séminaire.

» f Ant , , arch. de Matera.» 40 mai 4854. »

Les vénérables prélats ne s'en sont pas tenus à desimples approbations. Pour eux la réforme est undevoir de conscience: « Nous ne croyons pas, disent-ils, qu'un évéque qui la connaît et qui ne l'embrassepas puisse être en sûreté de conscience et tranquillau moment de la mort,un vcscovoil quale lo legessee non dasse subito opéra alla rifwma cristiana délie

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CHAPITRE DIX-HUITIÈME 291

scuole, non istarebbe benein eoscienza, ed inpunlo dimorte avrebbe troppodi chepentirsi \ » Aussi, malgré les criailleries et les oppositions inévitables, iont mis résolument la main à l'œuvre. Dieu a bénleurs efforts. Dans un mandement envoyé à tous leévéques d'Italie, l'illustre évéque d'Aquila a publié

le résultat de son expérience. Voici quelques passages de cette pièce capitale, que nous regretlonvivement de ne pouvoir citer en entier :

« Frère Louis Filippi, de l'ordre des Mineurs réformés de Saint-François, docteur en théologieconseiller royala latere, etc., évéque d'Aquila.»—Après avoir rappelé sa tendre sollicitude pour la jeunesse dont il a, pendant de longues années, dirig

les études, sollicitude devenue plus grande encorpar l'onction épiscopale et qui l'a conduit à réformerl'enseignement: « Nous ne voulons pas le dissimulecontinue l'éminent prélat; en inaugurantun nouveausystème d'études, nous éprouvâmes un momend'hésitation. Nous craignions que la pureté de nosvues n'eût pour résultat un tardif et irréparablemécompte. Mais, d'une part, soutenu par la bontéde la cause et par la haute raison des hommes illustres qui la défendent, nous étions, d'autre part,poussé par les motifs irrésistibles qui rendent néecs

' Letter, 4 ottob. 4853.40.

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292 LA RENAISSANCE

saire, dans les temps actuels, la réforme chrétiennede l'enseignement. Aussi nous attendions avec empressement, dans le silence des plus longues et deplus sérieuses réflexions, l'effet que nous devionnous en promettre.

» Grâce à Dieu, Fexpérience est faite. Nous som

mes désormais en état de l'affirmer hautement : lesuccès est aussi heureux qu'il est incontestable, enous pouvons, en toute confiance, prescrire d'unemanière invariable la pratique de cette méthode d'enseignement, suivie jusqu'à ce jour à titre d'essai. »

Le prélat démontre que l'enseignement avec leauteurs païens est un enseignement anormal, quiétiole l'intelligence en la faisant travailler sur le

vide, sur{'inapplicable y qui dégoûte l'enfant et retarde ses progrès, tandis que l'étude des autourschrétiens donne des résultats tout contraires. « Sinotre âme, comme dit Tertullien, est naturellementchrétienne, pourquoi étouffer ses affections? pour

quoi détourner de son objet celle sympathie innéqu'elle éprouve pour les grandes vérités de la religion? pourquoi ne pas plutôt la seconder de manièreà conduireà son plein développement celte tendancenaturelle, qui est comme le premier sourire de l'âmeà son Créateur? Avec les auteurs chrétiens, non-seulement les enfants apprennent mieux et plus vit

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CHAPITRE DIX-HUITIÈME. 293

le latin, ils acquièrent encore une ardeur, un goût,une passion pour la vérité religieuse. Ils sont enoutre préservés de ces funestes influences qu'envertu de la correspondance mystérieuse qui existeentre le fond et la forme de la pensée, entre les loide l'intelligence et celles du goût, les auteurs païen

exercent sur l'âme de la jeunesse. »Prenant à témoin ses professeurs, le. vénérableévoque ajoute ; aC'est ici un fait qui vous est pleinement démontré par deux années d'expérience del'enseignement de la langue latine avec des classiques chrétiens. Quel est celui de vos élèves qui npas étudié avec plaisir, qui n'a pas parfaitementcompris les choses enseignées dans ces livres? Lpublic éclairé n'a-t-il pas admiré l'exactitude et laprécision, vraiment étonnantes, avec lesquelles, danles examens publics de la (in de Tannée scolaireils ont expliqué et commenté leurs auteurs? Euxmêmes ont-ilsbronché à la difficile épreuve de traduire à livre ouvert et avec la plus grande facilité

n'importe quel passage on leur indiquait? Qui d'entre vouss'est jamais aperçu de la répugnance,même<Vun seul,pour l'étude des classiques chrétiens? Toutau contraire, n'avez-vous pas eu à vous louer grandement de leur ardeur à les étudier? »

Envisageant les avantages de la réforme sousd'autres rapports : « Par elle, dit le prélat, nous

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294 LA RENAISSANCE

contribuerons puissamment à raffermissement de lareligion, en trempant fortement dans les principesde la foi les jeunes générations destinées à la perpétuer au milieu des formidables épreuves qui l'environnent dans ce siècle corrompu et peu chrétienNous aiderons puissamment encore à sauver la so

ciété, en substituant, par une éducation profondément et constamment chrétienne, le surnaturalismeau naturalisme dans les idées et dans les mœurs les vrais principes d'ordre, de subordination, derésignation et de vraie liberté, aux principes contraires puisés si malheureusement et depuis silongtemps à l'école dessociétéspaïennes. »

La conclusion pratique ne pouvait être douteusele grand évêque [la tire en ces termes :«c À ce but

suprême tend la méthode d'enseignement qui désormais demeureirrévocablement établie dans notre séminaire, et que nous vous recommandons à tousprofesseurs qui dépendez de nous dans le diocèsNous avons la douce confiance que vous l'embra

serez , afin de réformer sur le même plan les établissements d'instruction littéraire. Nous aimons à croirequ'il ne se rencontrera aucun de ces maîtres qui

prurientes auribus, a verilaie quidem audit um aver-tenl> ad fabulas aulem convertentur;car il pourraitarriver qu'en punition de leur dédain pour le butque nous leur proposons et pour les motifs impo

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CHAPITRE DIX-HUITIÈME

sauts qui déterminent notre conduite, on vît se vérifier en quelques-uns celle parole de l'Apôtre :Qui~dam aberrantes, convwsi sunt in vaniloquium,volen-tes esse legis dcctores, non intelligentesneque quœdicuntur, nequede quibvs affamant l.

» Aquila,4 novembre4855. «

La publication de cette lettre pastorale a été nnévénement. Les évoques d'Italie ont étudié sérieusement la question. Déjà un bon noiçbre ont suivl'exemple de leur courageux confrère, et tous s'en

applaudissent. Voici, entre autres, ce que nousécritMgrde Castellaneta*. « Comme évéque, j'ai on*core mieux compris la nécessité de la réforme el'obligation où j'étais de l'embrasser, attendu que jesuis, comme le grand Possevin, convaincu quec'estun point d'où dépend le salut du monde. Ma conviction n'a fait que s'accroître lorsque j'ai vu suc-

' Le plan d'études irrévocablement adopté dans le diocèse d'quila, suivi avec des succès de plus en-plus brillants d'année année, et propagé dans plus dequarante diocèses du royaumo deNaples, ainsi que lo témoignent les lettres de l'illustre préla*, ptérieures à son mandement, est le nôtre avec tous les classiquque nou3avons publiés.

3 Mgr Bartol. d'Avanzo, évéque de Castellaneta, est un dplus savants évéques d'Italie. Il a été pendant seize ans profe

seur de dogme et d'hébreu au séminaire do Noie, et il est ateur de plusieurs ouvrages fort remarquables sur les grandes quetions de philosophie contemporaine.

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896 LA RENAISSANCE»

céder chez vous la question du traditionalisme àcelle des classiques. Ces deux questions, en effesont sœurs, et si elles se donnent la main, ellepeuvent sauver la génération future du chaos danslequel la nôtre a déjà un pied.

» Voici mon raisonnement : si l'âme humaine es

une table rase,tabula rasa, dans le sens où l'entendent, d'après saint Thomas, les traditionalistes catholiques, il s'ensuit nécessairement que, si on y écrle Christianisme au moyen des classiques chrétienTâme sera chrétienne; si le Paganisme, elle serpaïenne. De là vient, à mon avis, que ceux qui sonpour le traditionalisme en philosophie du R. P. Ventura et de Mgr Parisis sont tous pour l'enseignementdes classiques chrétiens. Mais si la raison humainest elle-même la maîtresse et la reine quidicte, soitau moyen d'une manifestation spontanée, soit del'instruction, ou d'une manière quelconque par laquelle les rationalistes expliquent l'origine des idéealors il sera indifférent pour l'enfant d'étudier les

classiques chrétiens ou les classiques païens. Eeffet, il aura toujours en lui-même le maître qui lufera discerner le vrai du faux, le bien du mal. Voilàpourquoi tous les rationalistes et même les semrationalistes en philosophie sont, peut-être sans en

savoir la raison, pour l'étude des auteurs païens, etpourquoi ils s'obstinent à soutenir qu'en étudiant :

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CHAPITRE DIX-HUITIEME «97

Ah !Cûrydon,Corydon! le jeune homme fera attentionà la phrase et non au sens. Telle est ma conviction

» Au reste, pour votre consolation, vous qui depuitant d'années êtes descendu si vaillamment dansl'arène, et qui, comme mo récrivait un de mes savants amis, êtes une gloire vivante de l'Église, j

vous dirai que Dieu a donné l'accroissement à labonne semence. La réforme est désormais adoptéepresque partout dans les séminaires de la PouilleJo me fais gloire d'en être l'apôtre. »

Telles sont, en substance, les lettres que le vénérable prélat nous a fait1 honneur de nous adresseren date des 28 juillet 1858 et 16 janvieri 859.

Confiant dans la force de la vérité, nous n'avons jusqu'ici fait aucun usage de tant de lettres si hono

rables et si consolantes. Nous voulions d'ailleuréviter d'irriter le débat en y jetant des noms propres; mais au moment de quitter l'arène,c'est undevoir pour nous de nommer quelques-uns de nocompagnons d'armes et de montrer au public qu'on

l'induit en erreur en lui répétant que nous sommesseul de notre avis, ou que les adhésions dont noupouvons nous flatter bnlîent seulement par leur rareté et leur médiocrité. C'est ainsi que les partisécrivent l'histoire.

Puisque nous sommes en voie de tout dire, nouallons faire connaître quelques-uns des nombreux

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893 LA RENAISSANCE.

encouragements qui nous sont venus des pays étrangers à l'Europe. Ils prouveront une fois de plus quenous ne nous battons par pour du grec et du latin,mais que notre grande et sainte cause est une question capitale qui intéresse le monde entier. « Je par*tage pleinement vos idées, nous écrit Mgr l'archevê

que de Lima, et j'ai l'espoir que leur applicationsera d'un secours efficace pour rendre au sentimentchrétien et religieux la ferveur et la force dont noudéplorons, ici comme en Europe, le funeste relâchement.

» 5 mars 4852. »

De son côté, le vénérable évêque de la Havannous dit : « Votre idée est grandiose; elle mérite

mon approbation. Ce serait un moyen bien sûr dopréserver nos jeunes gens d'une corruption qui chaque jour fait de rapides progrès parmi eux* Je nepuis que vous louer de vouloir affermir, par unmoyen si profondément religieux, les fondemen

d'un édifice que nous sommes tous si obligés de dfendre. Je ferai tout ce qui dépendra de moi pourvous prouver que je m'intéresse vivement à la réussite d'une oeuvre digne du plus grand succès.

» 8 février 4852. »

Entendons encore le savant archevêque do San

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CHAPITRE DIX-HUITIÈME 299

tiago : « Un homme comme vous, mon vénérablMonsieur, n'a pas besoin de mon pauvre et humblesuffrage. Vos productions littéraires prouvent quevous êtes compétent pour juger de la réforme del'enseignement. Sans hésiter, je vous assure que j'abonde dans votre idée dedépaganiser l'éducation,

les lettres, les sciences, la politique et toutes letendances do l'époque actuelle. Là eçt le cancer quronge la société. Je suis heureux de pouvoir applaudir au zèle qui vous anime pour les intérêts dela religion, et que vous avez manifesté principalemenpar le Catéchisme de persévérance et par le Ver rongeur, que je conserve précieusement.

» 4 4 mars 4852. »

Enfin, le moderne apôtre des Indes, le saintévoque deJassen, au Mpïssour, nous écrit cette lettre,capable à elle seule de nous consoler de toutes notribulations: « Monsieur le vicaire général, Dieu soibéni! Et vous, recevez mes pauvres, mais sincères fé

licitations et remercîments. Grâceà vous, nous avonstrouvé une collection d'ouvrages suffisants et nécessaires pour former un clergé indigène. Pauvresjeunes gens! à peine sortis de l'idolâtrie, tout entourésencore des fêtes brillantes de ce même culte, si célébré dans les classiques latins et grecs, commenconcevront-ils de l'horreur pour l'idolâtrie de leur

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300 LA RENAISSANCE.

pays, en la voyant sans cesse embellie par les auteurs païens que nous leur donnons à étudier?

» Mais surtout, quand nos jeunes clercs étudieront-ils Thisloire sainte, celle de l'Église et quelquchoso des saints Pères? Sera-ce après le sacerdoceEn auront-ils le temps, en auront-ils le goût? L'es

prit de ces livres s'inoculera-t-il chez eux, commil le ferait si, dans leurs éludes mêmes, ils s*y étaiehabitués ets'ils s'en étaient nourris? J'en doute fort,si j'en juge par notre expérience en Europe. Usignoreront donc toujours la scionce la plus nécessaire. Au lieu do connaître l'histoire de nos martyrset de nos docteurs, ils sauront colle du Jupiter, del'Hercule, de la Vénus de l'Europe. Au lieu de connaître les écrits d'un Cyprien, d'un Jérôme, d'unLactance, ils sauront quelques mots de Cicéron, dVirgile, d'Ovide, d'Horace.

» Que de fois u'ai-je pas gémi de n'avoir à fairetraduire à mes chers élèves qu'unDe virisde Romepaïenne, au lieu d'unDe viris de Rome chrétienne;

qu'un Epitomehistoriéegrœcœ, au lieu d'un Epitotnehistoriéeecclesiaslicœ! Et nous nous sommes fatiguéspour faire des traductions de ces ouvrages en langucanaraï Ah1 si j'avais eu quelques actes de martyrs,quelques vios de saints en latin, je les aurais traduits en langue vulgaire, et mes enfants auraientappris et le latin et l'histoire de ces grandes âmes.

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CHAPITRE DIX-HUITIÈME. 304

Us raconteraient ces histoiresà leurs parents et amis.Que clis-je? ces traductions mômes auraient pu êtredonnées en lecture aux peuples encore privés de celivres si édifiants !

» Si je n'avais voulu, Monsieur le grand vicaireque me procurer la collection de vos classiques, i

m'aurait suffi d'en faire la demande à notre séminaire de Paris; mais j'ai voulu vous'témoigner l'estime et l'admiration que j'ai pour vous depuis longtemps. J'ai voulu aussi, et pardonnez-le-moi, j'aiosé espérer que ma faible voix, venue d'au delà demers, bien loin dans l'intérieur de l'Inde, pourraitvous soutenir au milieu des oppositions et des attaques que soulève contre vous votre plan d'étudesen vous prouvant l'immense utilité de votre entreprise, bien au delà de vos prévisions peut-être.

» Je suis persuadé que, par toutes les Missionsvos ouvrages seront désormais admis comme livreclassiques. Si nos jeunes gens ont besoin d'être habtués et formés au courage moral, aux vertus qui

honorent l'humanité, à une foi solide, à une probitéinviolable, à la chasteté, à la fidélité conjugale§ans aller leur proposer pour modèle Aristide, Fabius , Scipion, Lucrèce ou Virginie, nous pouvonet nous devons bien plutôt leur présenter avec confiance et une juste fierté chrétienne cette fouie innombrable de héros de tout sexe, de tout âge et d

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80« LA RENAISSANCE»

tout pays, qui, au prix do leur sang, conservèrenleur foi, leur honneur, et pratiquèrent toutes lesvertus. En eux il n'y a ni ostentation, ni vanité, nintérêt humain, comme dans les héros de CornéliuNépos.

» Recevez donc encore une fois, Monsieur l

grand vicaire, l'expression simple, mais sincèremais affectueuse de ma reconnaissance et de moadmiration, pour votre heureuse initiative dans lachristianisalion de l'éducation de la jeunesse.

» %% novembre \ 852. »

Ici je dois faire un aveu : on relisant ces lettreetboaucoup d'autres du même genre, j'ai la faiblesse, malgré tout mon désir d'être agréable à meadversaires, de ne me croire, comme ils disent, nun barbare, ni un insulteur del'Église, ni un cham

pion de ilvéoriesinsoutenables. Si je me trompe, ilsconviendront, du moins, quec'est en haute et nombreuse compagnie.

Nous terminerons ce chapitre, qu'il serait faciled'étendre beaucoup, par deux nouveaux témoignages. Dans chacun des quatre derniers sièclesnous avons entendu des hommes opposés au Catholicisme , mais désireux de conserver en Europe ureste de Christianisme, protester avec nous contrele Paganisme classique, destructeur de l'un et de

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CHAPITRE DIX-HUITIÈME. 303

Fautre. Le même accord se retrouve depuis l'apparition du Ver rongeur.

En Allemagne, le docteur protestant Kapff donneen chiffres impitoyables, le tableau de la démoralisation actuelle de son pays, « où l'immense majorita pour devise : Mon Dieuc'est mon roi; mon Église

est là où l'on sonne avec les verres, et ma Bible est u jeu de cartes. » Puis il demande ce qui ruine lpeuple allemand sous le rapport religieux et moraet le conduit à la sauvagerie; il répond : a lapremière causeest le faux humanisme, ou l'adorationdes classiques païens. Bien des savants sont encorinfatués de l'antiquité païenne. Ils ne voient pascombien la dissolution intérieure et extérieure de laGrèce et de Rome atteste que ce genre d'éducation

est incapable de porter remède au mal qui dévore lasociété. La plupart des professeurs s'extasient devant leurs élèves sur Athènes et sur Rome, bienplus que sur Jérusalem. De là vient que les établissements d'instruction envoient si souvent dans lemonde des hommes qui ne connaissent pas mêmles rudiments du Christianisme, et qui ont, par conséquent, moins de religion que les païens euxmêmes1. »

Les puséistes anglais parlent comme les rationalistes allemands. Voici l'article tout récent del'Union,

* Tableau, etc., 4858. Voir (Vautres témoignages prolestants, tète de la IX9 livraison de laRévolution.

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304 LA RENAISSANCE

leur organe à Londres. Ce journal raconte une visite faite par le doyen Colet et par Érasme à lacathédrale de Canlorbéry, visite dans laquelle ceillustres personnages montrèrent une irrévérencetouteclassique à l'égard des reliques de saint Thomas , le courageux primat d'Angleterre.

Puis il continue : «C'est là une singulière histoire, et elle date de Tannée4 512! Mais ces deuxhommes étaient les apôtres de la Renaissance. Cotaient les premiers hérauts de la littérature classiqueet du nouvel Évangile! Il y avait là comme un présage de la terrible révolution qui allait bouleversela chrétienté; c'était le glas funèbre de l'anciennefoi qui sonnait!

» Mais ne devons-nous pas nous demander que

effet l'étude exclusive de la littérature classique dô produire sur la masse delà jeunesse chrétiennequand nous voyons ce qu'elle a produit sur dehommes tels que Érasme et le doyen Colet? Noudisons l'étudeexclusive, car, en considérant le sys

tème d'études qui a prévalu en Europe depuis troissiècles, nous pensons que ce terme est exact. Cetainement la proportion d'instruction chrétienne distribuée à la jeunesse chrétienne, même dans leécoles et les collèges les plus dignes d'estime, a ési faible, qu'elle ne pouvait neutraliser le poisonversé d'autre part.

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CHAPITRE DIX-HUITIÈME. 305

Écoulons là-dessus ce que disait, dans sa prisonde Sainte-Hélène, Napoléon Ie r, ce profond penseur, cet observateur si pénétrant de la naturehumaine : « Songeons un moment, s'écrie-t-il, oui» songeons un moment a l'extrême folie de ceux qu» prétendent nous élever! Ils devraient, à coup sur,

» faire tous leurs efforts pour éloigner de nos esprit» Tidée du paganisme et de l'idolâtrie; car, si quel-» que chose peut affaiblir le sentiment de la foi» c'est certainement un commerce continuel ave» les absurdités de la stupidité païenne. El pourtant» que font ces sages précepteurs? Ils nous transpor» tent au milieu des Grecs et des Romains, et de» innombrables divinités de leur absurde mytbolo» gie! C'est ce qui m'est arrivé dans mon enfance

» et je sais l'effet que co!a a produit sur mon esprit» C'était précisément le moment où iî eût été le plu» nécessaire de me nourrir dans les sentiments de l» foi, lorsque ces sentiments étaient encore puissant» que ces imbéciles me remplirent de toutes les so» tises de l'antiquité et portèrent un coup terrible» aux convictions do mon enfance, de sorte que » doute entra dans mon esprit à l'âge où je jouissai» à peine de l'usage de ma raison. Oui, tel fut mo j> malheur lorsque je n'étais encore qu'un enfant de» treize ans1 »

« Ce que Napoléon disait dans la solitude de sXII. 20

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306 LA RENAISSANCE.

lugubre prison n'était queY écho des paroles prononcées, quatorze cents ans auparavant, par le plugrand et le plus savant des docteurs de l'Église « J'ai appris, dit saint Augustin, j'ai appris en étudiant Virgile, bien des mots d'une douteuse uti»lité, on que j'aurais appris avec beaucoup plus

» d'utilité dans des livres pieux. Mes maîtres m'on» forcé de suivre les aventures de je ne sais que» fabuleux Ënée, tandis que j'oubliais mes pro» près erreurs. J'apprenais à verser des larmes sur» les malheurs do Didon, qui s'était tuée pour avoi» trop aimé, et je n'avais pas do larmes pour pleurer» la perte de mon âme, qui s'égarait loin de vous»ô mon Dieu! A ma vie! dans ces malheureuse» études! Hélas! infortuné que je suis! car que

» peut-il y avoir de plus malheureux qu'un homme» qui ne connaît pas son propre malheur! »« Voilà ce que pensait cet illustre Père de l'Églis

de l'éducation de son pays. Et cependant ce systèmpourrait être excusé, car la société de ce temps ve

nait à peine de sortir du Paganisme, les hommeshésitaient encore entre l'idolâtrie et le vrai Dieu, etles écoles n'avaient fait que conserver l'ancienneroutine. Néanmoins les avis de saint Augustin furenécoutés par la génération suivante, et depuis l'époque de saint Grégoire le Grand jusqu'à celle d'Érasmeet de Machiavel, ce fut un système d'éducation

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CHAPITRE 'DIX-HUITIÈME. 307

chrétienne qui prévalut dans toute la chrétienté.Qu'auraient dit saint Augustin et saint Jérômes'ilsavaient pu penser qu'après des siècles de Christianisme il viendrait des maîtres de la jeunesse quiabandonneraient de propos délibéré leur système,et qui remplaceraient la Bible et les Pères par les

classiques païens, qui, au lieu des actes des martyret des saints, rempliraient l'esprit des jeunes chrétiens des dégoûtantes histoires des dieux et dedéesses de la mythologie?

» Il y a là une incompréhensible aberration. Onne s'explique pas comment l'Europe chrétienne apu retourner à un système d'éducation flétri douzesiècles auparavant par saint Augustin. Et c'est cependant ce qu'a fait la Renaissance. Les classique

païens ont été exaltés, et ils occupent dans l'enseignement une place aussi importante qu'au temps oùles hommes adoraient le bois et la pierre, qu'autemps où ils adoraient comme des dieux immortelles auteurs des crimes les plus abominables. Degrands hommes, des hommes comme saint CharleBorromée, saint Ignace et son illustre disciple lsavant Possevin, se sont efforcés d'arrêter le torrent, mais ils ne purent y réussir. En vain les jésuites ont tenté, avec un noble zèle, d'extirper lvenin en expurgeant les classiques. Ils pouvaienbien cacher le poison, mais ils ne pouvaient pas em

20.

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30S LA RENAISSANCE.

pêcher la curiosité de la nature corrompue de pénétrer dans ces repaires d'obscénités. Ce que les jeunegens apprenaient dans les livres, ils le trouvaienreproduit d'une manière plus vivante encore par leciseau des sculpteurs, parla palette des peintres, desorte que l'atmosphère tout entière était corrompue.

Faut-il s'étonner des conséquences? Faut-il s'étonner que cette dégradation universelle des rois et denobles, plongés dans l'abîme du vice, ait engendrcette démocratie sauvage qui menace maintenant letrônes?

» Il est temps, quelle que soit la politique derois et des cours, que les parents chrétiens songenà ce qu'ils ont à faire, pour conduire leurs enfantsdons la voie qui sauvegardera leur honneur dans

celte vie et qui assurera leur bonheur dans l'autre.Mgr Gaume a proposé une réforme à cet égard enFrance. Cetéminent écrivain demande que les étudedes enfants, jusqu'en quatrième, soient consacréesà rÉcriture sainte, aux écrits des Pères et aux actes

des martyrs, en même temps qu'on leur donneraittoutes les connaissances d'histoire, de science od'industrie qui pourraient être en rapport avec lesdiverses professions qu'ils doivent embrasser plutard. Il ne veut pas qu on les initie à l'étude des auteurs païens avant que ces études aient été faiteset encore demande-t-il que l'élément païen n'entre

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CHAPITRE DIX-HUITIÈME. 309

dans renseignement qu'en de faibles proportions.» Ceplan d'enseignement a reçu les plus hautes ap

probations dans toutes les parties du monde chrétien. Le Pape, pour marquer son approbation, aélevé son auteur à la hante diguité de pretonotaireapostolique. Le cardinal Gousset, archevêque de

Reims, Ta encouragé par une lettre où il lui annonce qu'il adopte son plan pour tous les séminairede son diocèse. Plusieurs autres évoques de Francont suivi cet exemple, ainsi qu'un grand nombred'évêques d'Autriche et de Lombardie. On ne comptepas moins de douze évêques qui ont accepté cettréforme dans le royaume de Naples, et à leur tête setrouve Tillustre évêque d'Aquila, qui a montré tantde zèle à rappliquer, que Pie IX n'a pas craint de

l'honorer du titre à'apulre de la réforme dans Véducation. L'épiscopat espagnol n'a pas montré moinsd'empressement, et les vues de Mgr Gaume ont étéadoptées en Espagne, ainsi quo l'a témoigné le vénérable évêque d'Urgel.

» En résumé, nous voyons beaucoup de signequi nous encouragent dans nos efforts. Toute l'Europe se réveillo et sent le besoin de revenir à unChristianisme plus complet dans l'éducation, dansl'architecture, dans l'art, dans la politique. Tout lemonde désire l'avènement d'un système qui garantisse tous les droits et toutes les libertés, sous l'in

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LA RENAISSANCE*

flucnce d'un enseignement chrétien; d'un systèmeoù l'humanité puisse enfin accomplir ce commandement du Sauveur : « Rendez à César ce qui est àCésar, et à Dieu ce qui est à Dieu. »

* 3 décembre 4858. »

Nous n'avons rien à ajouter à ces remarquablesconsidérations, si ce n'est qu'elles sont de nature àfaire rougir certains catholiques, et dignes de toutel'attention des hommes d'État et des maîtres de la

jeunesse. Elles prouvent une fois de plus que le mcausé par un enseignement exclusivement païenfrappe tous les yeux. La renaissance du Paganisma été l'introduction au Protestantisme, et ces deuxfléaux, se fortifiant l'un par l'autre, ont amené tous

les maux contre lesquels se débat la société contemporaine.

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CHAPITRE XIX.

DIX-NEUVIÈME SIÈCLE*

La coalition «le 1847 *l de — Un épisode de la lutte. — Troitextes allégnta contre nous, — Leur valeur, — Voyage de Rome. —L'Index et le père Mortena. — Examen de mes ouvrages. — Consultation du père Cirino. — Toi l des adversaires de ne s'en prendre qa'àmoi. — Autres personnes à mettre à I*Index.

Qae les adversaires de la réforme me croient cequ'ils disent, j'ai do bonnes raisons d'en douter.

J'en aurais même pour affirmer qu'ils ne l'ont jamaiscru, ni peu ni beaucoup. Un jour, cependant, ilsvoulurent paraître convaincus. Comme ils avaientformé, en 1847, une coalition contre le promoteude la liturgie romaine, ils en formèrent une, en 'I852contre le promoteur de la réforme chrétienne desétudes. Mêmes motifs et mêmes prétextes, mêmemoyens et mêmes personnes. Dans l'un comme danl'autre cas, ils firent grand bruit de leurs convic

tions et même de leurs alarmes. On laissa le combaobligé contre le Protestantisme et le Rationalismepour courir sus aux novateurs qui venaient semer

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3*2 LA RENAISSANCE.

la division dans le camp de l'Église. Aux deux époques, il plut des mandements, des lettres, des articles de journaux et des livres. Bien que j'aie soula main les éléments officiels de celte histoire, je nl'écrirai pas, du moins aujourd'hui : je me contented'en retracer un épisode.

Pendant toute l'année 1852, les coups tombèrensur moi comme la grêle sur un champ de blé. Chacun s'en mêla : tout parut bon pour humilier, pourdécrier, pour écraser l'audacieux auteur duVer rongeur* Exagéré, logicien du faux, brouillon, barbare, disciple d'Omar et de Julien l'Apostat, pharisien, frère séparé, croisé en sabots, je devins toucela et mieux encore. Ces qualificationsclassiquesme touchaient peu. Je n'y répondis que par le silence. On ne réfute pas les injures, on les pardonnet on les laisse pour le compte de ceux qui se lpermettent.

Aux injures succédèrent les accusations. Un évéque, que je m'abstiens de nommer, m'accusa, dans

une pièce officielle, d'avoir violé les lois canoniquen publiant mes ouvrages. Je fus menacé d'une prochaine condamnation de l'Index. Pour étayer sonaccusation, le digne prélat ne trouva rien de mieuque les trois textes suivants : « Slatuimus et ord» namus quod nullum librum, aliquem(sic) impri-» mere seu imprimi facere prsesumat, nisi prius ab

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CHAPITRE DIX-NEUVIÈME. 313

y> episcopo diligenler examinelur et approbetur. —» Libri typis non cudanlur, nisi eorum editioni suf-» fragetur ordinarii auctoritas et approbalio. —Près*» byteri et diaconi sine sentenlia et volunlale epi» scopi nibil peragant. »

Ces textes furent laissés en latin, pour en mon

trer l'authenticité. Aux yeux de la plupart des lecteurs, peu familiarisés avec le droit canon, ils durent paraître péreruploires.

En voici la valeur : le premier est un textefabriqué avec un passage mutilé du cinquième concile dLalran, passage qui, rétabli dans son intégrité,prouve justement le contraire de ce qu'on prétendétablir !

Le second est untitre dechapitre donné pour un

article de loi. Or, ce titre, œuvre du compilateur,a le double mérite de ne rien prouver et de n'appartenir pas plus au droit canon que les titres ousommaires placés par les bénédictins en tête des ouvrages des Pères n'appartiennent à la Patrologie!

Le troisième est un canon apostolique relatif àY administrât ion temporelledesbiens de ïÉglise, qu'onapplique judicieusement à la publication des livres

Quant aux menaces de condamnation, on m'écri

vait : « Je sais de bonne part que vos ouvrages sondéférés à Rome et que vous allez être mis à l'Index. » Bien qu'il me fût impossible d'admettre qu

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SU LA RENAISSANCE.

des ouvrages publiquement approuvés par l'illustroarchevêque de Reims et encouragés par nos plus savants prélats fussent un outrage envers l'Églisecette accusation, je l'avoue, me causa, soit commprêtre, soit commo écrivain catholique, une peinfacile à comprendre. Je partis pour Rome: c'était au

mois de janvier 1853.Ma première visite fut pour le R. P. Modena,secrétaire de la Congrégation deY Index. Mon nomdécliné, le but de mon voyage indiqué, les menacrappelées, l'excellent religieux m'embrasse aveeffusion, en disant: a Ma che! nia che!credonodun~que i Francesi cheahbiamo il cervcllo nelle calcagne!Mais quoi! mais quoi ! les Français croient doncque nous avons la cervelle dans les talons! Vous

condamner, vous!... pour avoir voulu dépaganisel'enseignement \... Mais ce serait faire le procèsh toutnotre ordre, qui se glorifie d'avoir un martyr de lamême cause \ — Mais, mon père, si vous ne voulpas me condamner, je veux du moins que voum'examiniez : je suis venu à Rome pour cela, et jn'en quitterai qu'avec une absolution ou une condamnation dans ma poche.

« La congrégation, me fut-il répondu, n'examinque les ouvrages dénoncés. » Comme j'insistaisle vénérable religieux me dit en souriant: « Puisqu

* Savonarole.

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CHAPITRE DÏX-NEUVIÈME. 815

vous y tenez, adressez-vous au révérend père quvoilà; c'est le bon moyen de vous faire condamner.i>En parlant ainsi, il me montrait un des plus savantsconsulteurs de l'Index. « J'accepte»,répondis-je; etsur-le-champ je remis au docteur un exemplaire demes ouvrages1, en le priant de les examiner. Il

voulut bien accepter cette tâche, en ^adjoignant, parmodestie, d'autres habiles canonistes. Ceci se passait le 3 février. Le28, je reçus du trcs-révérendpère Cirino, consulteur général des clercs réguliers,etc., la consultation suivante:

« Monsieur et tros-mspectable abbé, les principede foi et de zèle qui vous ont inspiré le rare couragde soulever une question aussi utile et aussi délicatqu'est la question de l'abus des classiques païens

dans les écoles seront infailliblement reconnus eadmirés de quiconque voudra se procurer l'avantagede lire ce que vous avez publié à ce sujet.

» Attaquer de front une coutume invétérée et universelle a paru à quelques-uns une présomption et

uneinjureenvers L'Église. Rassurez-vous cependant car d'un autre côté des personnages, non point unpetit nombre ou obscurs, mais en grand nombre eton ne peut plus distingués, vous encouragent, vousecondent, et se font vos compagnons d'armes dan

* LeVer rongeur, les Lettres àmonseigneur Dupanloup, le /M- sumè de laquestion des classiques.

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346 LA RENAISSANCE

cette guerre contre le Paganisme, infiltré dans l'éducation et débordé sur les sociétés modernes. Gelsuffit pleinement pour rassurer votre cœur contretoutes les craintes qu'auraient pu y faire naître lesaccusations d'adversaires dignes d'ailleurs de considération et de respect.

» Je comprends qu'il est bien douloureux pour unfils tout dévoué de la sainte Église do s'entendre dénoncer au public comme un insulteur de l'Église eun violateur de ses lois. Cependant, quoique personnene puisseêtre juge dans sa propre cause, VotreRévérence voit bien que l'outrage qu'on lui reproched'avoir fait à l'Église n'est autre chose, en dernièreanalyse, qu'un désir et un conseil d'ôler desmains des jeunes enfants, et uniquement des jeuneenfants, les auteurs païens pour leur substituer l'Écriture, les saints Pères, les Actes des martyrs. Maiqu'est-ce que cela ?

» Empêcher les jeunes gens qui doivent étudier lgrec et le latin de puiser leurs premières idées dan

les auteurs païens, desquels, excepté la langue, on'apprend rien de bon et dont on peut apprendrebeaucoup de mal; et, d'autre part, leur mettre entreles mains des livres chrétiens où, tout en apprenanune langue, qui est aussi une langue grecque ou laline, l'esprit et le cœur des enfants, faciles à recevoir et fidèles à retenir les premières impressions, s

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CHAPITRE DIX-NEUV IÈME. 3H

pénètrent, presque sans s'en apercevoir, de religion,de vertu, de piété, qui, en fin de compte, sont l'essentiel de la vie morale de l'homme : rien de toucela assurément ne peut être appelé un outrage àl'Église- Je dirai plutôt que c'est un moyen de seconder ses vues, toujours dirigées au plus grand

bien de lindividu et de la société, dans l'ordre spirituel et éternel. l.e conseil d'une chose bonne, et jne crois pas, très-honoré Monsieur, qu'il y ait personne qui ne regarde comme telle votre méthodesupposé même qu'il n'en reconnaisse pas la nécessitél'opportunité, la convenance, un pareil conseil nefut jamais appelé un outrage.

» Tel cependant a été regardé par quelques-unsvotre système des premières études, parce qu'en le

proposant vous déclarez, directement ou indirectement, défectueux le système suivi dans les sémnaires et dans les collèges, dirigés par des ecclésiatiques ou par des ordres religieux.Mais déclarer défectueux et nuisible un système d'études littéraire

aussi universellement suivi qu'on voudra par desecclésiastiques, peut-on dire que c'est outragerl'Église? Il me semble que c'est faire trop d'honneurà Homère et à Virgile, à Dérooslhèae et à Cicéronque de déclarer l'Église solidaire de l'injure qu'onleur fait, en les bannissant de quelques écoles. Jne sache pas que l'Église ait jamais fait de canon

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318 LA RENAISSANCE,

pour sanctionner une règle, un programme d'étudesélémentaires. Aussi, chaque évêque, chaque congrgation religieuse, a pleine liberté de suivre telle méthode qu'elle reconnaît plus appropriée aux circonstances des temps et plus conforme à la pratiquedes lieux, ou bien d'introduire un système qu

lui soit tout à fait propre. Dans ce dernier cas, ceserait une nouveauté, jamais une injure aux autresévoques ou aux autres congrégations, bien moinencore à l'Église.

» L'Église n'a pasimposé l'usage des classiquespaïens, elle l'atoléré : la Chiesa non liaimpostoVusode' classiezpagani, lo ha tollerato. Elle ne regarderadonc pas comme une injure si on éloigne d'elleCE

QUI ÉTAIT EN ELLE, MAIS QUI NE VENAIT PASD'ELLE: Se SI

élimina da essa cio che era inessa^ e non provenivada essa. L'usage des classiques païens fut imposépar les exigences du siècle, et à grand regret adoptépar les pasteurs spirituels. Que ne fitpassaint Charlespour exclure du programme d'études de son séminaire les auteurs païens? Par une prudente condescendance, il dut cependanttolérer qu'on les y introduisît.

» On ne peut pas toujours faire lo bien qu'on voudrait, et le temps, fortifiant toujours do plus en plusun désordre, le sanctionne et fait qu'il s'avanceinaperçu, etc'est beaucoup si on parvient ensuite à

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CHAPITRE DIX-NEUVIÈME. 349

diminuer un peu le mal. Que si, à la fin, un hommse lève qui, ayant cru découvrir dans le systèmuniversellement adopté un principe et une sourcede démoralisation pour la société, pousse le cri d'alarme afin qu'on se réveille et qu'on s'omprossed'apporter au mal un remède efficace; et que cet

homme fasse cela sans outrepasser les bornes de lsoumission due à la suprême autorité, de laquelleil attend le jugement définitif; et qu'il le fasse sanvioler les lois de la charité, sans oublierles règles durespect envers ceux qui indirectement entrent encause : à aucun titre, un tel homme ne mérite lereproche d'injurier l'Église.

» Des désordres graves et largement répandus ont,à diverses époques, désolé l'Église.Tout fort d'Israël

sentait son cœur défaillir en voyant le vaste torrenpénétrer jusqu'au fond du sanctuaire. La voix dequelque humble cénobite, animée du saint Esprit,la voix d'un Hildebrand, d'un Bernard, d'un Gaétan, a dissipé le sommeil ou l'inertie des uns, en

couragé la timide vertu des autres. Or, ces hommesqui, dans le commencement peut-être, furent accusés d'exciter des scandales et des divisions danl'Église, de jeter la perturbation et l'incertitude dansles consciences, ont, à la fin, obtenu gain de causeet on a vu clairement que Dieu avait voulu se servid'eux pour faire connaître le mal, afin que la su-

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320 LA RENAISSANCE

prêmc autorité vint y apporter le remède. Du reste,les réponses que Votre Révérence a données auxaccusations ou aux objections de ce genre me paraissent de tout point triomphantes.

» Pour conclure, je dirai à Votre Révérence que,suivant ma manière de voir, elle peut sans inquié

tude, sans difficulté ou inconvénient soutenir sathèse, laquelle seconde les vues de l'Église, loin dles contrarier. Ainsi, toute mesure qu'on pourraitprendre contre elle à ce sujet ne serait, comme mele disait un éminentissime personnage, qu'un actedu droit d'abus. Jo veux espérer que, l'effervescencecalmée, les esprits devenus tranquilles, les vifs eardents débats assoupis, le temps donné à une réflexion plus profonde, on reconnaîtra qu'en dernière

analyse ce que vous désirez et conseillez ne conduni à la ruine, ni à la barbarie des langues; mais quec'est, au contraire, un systèmeen vertu duquel on lessaura mieux un jour qu'on ne les sait aujourd'hui.

» Agréez, Monsieur et excellent abbé, la manifetation de mon sentiment. Il est dicté par la plus intime conviction et par la profonde estime que j'apour vous. Je vous l'adresse pour consoler votrecœur abreuvé d'amertume par tant de contradictions, plus que pour vous rassurer sur votre œuvre,ce qui n'était pas nécessaire.

» Rome, 28 février1S53.»

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CHAPITRE DÏX-NEUVI ÈME . 324

Tel fut le résultat de mon voyage. Je n'ajouterairien, sinon qu'en 1852 les adversaires de la réforme avaient tort de ne menacer que moide3 condamnations du saint-siége. Aujourd'hui leur tortserait encore plus grand,s'ils continuaient de s'enprendre à moi seul. Le jour où ils se décideront à

déférer mes ouvrages à l'Index, ils voudront bien sesouvenir que je ne suis pas seul coupable. J'ai decomplices non moins coupables et plus dangereuque moi. Dans le passé, tous les hommes éminende l'Europe depuis quatre siècles, cardinaux, archevêques, dominicains, franciscains, jésuites, docteurs en théologie, dont j'ai cité les témoignages equi ont dit pis que moi de la Renaissance et de laPaganisation de l'Europe par l'enseignement clas

sique. Dans le présent, les plus hautes intelligencede France, d'Angleterre, d'Allemagne, de Hollanded'Espagne et d'Italie, qui toutes déclarent avec Do-noso Cortès, quec'est l'éducation païenne qui a conduit la société au précipice.

Il est quelques noms surtout qui doivent figureren tête de la liste des accusés. En première lignec'est le très-savant, très-romain, et jusqu'ici passablement orthodoxe, cardinal Gousset, archevêque deReims, qui, en approuvant publiquement par écritet avec élogele Ver rongeur et lesLettresà Monseigneur Dupanloup,a, par le fait, sanctionné de l'auto-

XII. 21

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322 LA RENAISSANCE,

rite de son nom, on, ce quin'est guère moins ré-préhensible, n'a pas signalé, comme c'était son devoir, « les injuresh l'Église et aux congrégationsreligieuses., les théories insoutenables et funesteles falsifications des Pères et des conciles, » dofourmillent mes ouvrages*

Immédiatement après lui, devront venir sur lamême liste, et être particulièrement recommandéà la juste sévérité de la sacrée Congrégation, ltrès-vénérable, mais très-coupable archevêque d'Er-lau, primat de Hongrie, qui a faittraduire danssa langue maternelleh Ver rongeur, afin d'en procurer la lecture à son clergé, et qui se permet d'écrire à l'auteur pour le féliciter du service qu'il arendu à l'Église; puis, l'incorrigible évéque d'Aquila, qui, non content de commettre le même délidans son diocèse, aux portes mêmes de Rome, meen pratique les insoutenables théories duVer rongeur; qui ose publier des mandements pour déclarerà tous les évêques d'Italie qu'il s'en trouve très-

bien; qui déjàa entraîné dans cette voie de perditionun bon nombre de ses collègues, entre autres le savant évéque de Castellaneta, devenu un nouveapôtre de ia malheureuse réforme; qui enfin, pourcomble de scandale, envoie des lettres de .grandvicaire à l'auteur si compromis duVsr rongeur»En Espagne, le vénérable confesseur de la foi

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CHAPITRE DIX-NEUVIÈME- 3*8

Mgrl'évêque d'Urgel, qui fait au delà des Pyrénées tout ce que l'évoque d'Aquila fait au delà desAlpes.

Ce n'est là qu'une partie des coupables.Pour rendre bonne et complète justice, il faudra

citer le plus grand nombre de mes principaux ad

versaires. En effet, le crime dont ils m'accusent, ilen sont eux-mêmes coupables, et, suivant euxcoupables avant moi. Ils vont même jusqu'à se fairede cette priorité un titre de gloire. Dans leurs écrits,ils demandent une réforme de l'enseignement classique. Demander la réforme d'une chose, c'est latrouver imparfaite, mauvaise, nuisible. Qu'est-ceque cela, sinon plaindre, désapprouver, blâmerceux qui l'ont faite, ceux qui la maintiennent, ceuxqui, directement ou indirectement, l'approuvent otla sanctionnent?

Mais cette méthode dont ils demandent la réforme est celle des corporations religieuses, et de

jésuites en particulier, qui en ont tracé le programme

officiel, progamme devenu celui de l'Université edes collèges dans toute l'Europe. Mais ne pas trouver parfaite cette méthode, mais demander qu'onla modifie, n'est-ce pas faire une chose injurieusaux corporations religieuses, à la compagnie dJésus, à l'Église elle-même, qui, suivant les adversaires, l'a autorisée du moins par son silence, e

si.

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ZU LA RENAISSANCE.

qui la pratique encore à Rome sous les yeux desouverains pontifes?

II suit de là que la culpabilité de mes accusateurest aussi évidente queJa mienne. J'ai demandé uneréforme plus complète qu'ils ne l'ont demandée euxmêmes : là est mon crime. J'aurais dû les imiter : il

ont deviné juste ce qu'il faut et ce qu'il ne faupas, soit. Mais enfin nous avons commis, eux emoi, un péché du même genre. La différence est dplus au moins. Cela signifie que si j'ai mérité lpotence, ils ont à tout le moins mérité les galèreQu'ils y aillent, et que tout soit dit.

Je serais long si, même sans sortir du camp danlequel je combats, je voulais compléter ma liste. Elne devra omettre ni l'illustre évêque d'Àrras, qui

se permet d'appeler la Renaissance et renseignement qui en est sortila plus redoutable épreuve deVÉglise depuisson berceau; ni M. le comte de Mon-talembert, qui écrit quela Renaissancea fait plus demal à F Europe que leProtestantisme. Il importe surtout de ne pas oublier l'éminent cardinal princeAltieri, camerlingue de la sainte Église romainequi, sous les yeux du Pape, ne craint pas d'approuver très-hautement et très-explicitement laRé-volution, destinée, entre autres, à donner la preuvehistorique des insoutenables et injurieuses théoriedu Ver rongeur.

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CHAPITRE DIX-NEUVIÈME

Enfin, pour rendre complet le triomphe de mesaccusateurs, je conseille de faire mettre le Pape luimême àVIndex.On va voir qu'avec un peu de logique, iln'est pas impossible d'y réussir. Quoi qu'onen dise, le titre dont le souverain Pontife a daignm'honorer a une signification qui réjouit les uns,

autant qu'elle importune les autres. Pour l'atténuer,que n'a-t-on pas fait et que n'a-t-on pas dit? Cequ'on a fait, je ne veux pas le rappeler; ce qu'on adit, tout le monde le sait. On a dit et on répète avecertain personnage que « ce titre ne signifie rienattendu que Sa Sainteté a accordé la même faveur àd'autres ecclésiastiques français, dont un au moinsest opposé à mes doctrines. »

Je le sais, les talents, les vertus, les services, lebonnes doctrines de ces vénérables prêtres étaientdes titres connus à cette haute distinction. Leurnomination n'a rien d'étonnant; ils sont protonotaires apostoliques PARCE QUE : mais moi je le suiQUOIQUE. Là est la valeur incommunicable du titre

qui m'a été conféré. A coup sûr, aux yeux de mesadversaires, grands et petits, ecclésiastiques oulaïques, s'il y avait en France un prêtre qui dût àtout jamais être exclu des honneurs de la prélatureromaine, c'est l'auteur impénitent du Ver rongeur,« Tinsulteur de l'Église et des ordres religieux , leviolateur des lois canoniques, le falsificateur de

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326 LA RENAISSANCE

Pères et des conciles, le champion obstiné de théries insoutenables et dangereuses. » Pourtant cprêtro est protonotaire apostoliqueI

Notez, je vous prio, la circonstance très-aggravante du temps. C'est après les débats retentissantsde 1852, après la publication dessavants ouvrages

de plusieurs prêtres et religieux, après toutes leaccusations, livres, mandements, journaux,Mémoires, adressés au Pape contre moi et mes écrits,que le Pape a daigné me donner ce témoignage éclatant de sa haute bienveillance.

Récompenser par des distinctions honorifiqueceux qui injurient l'Église,c'est à n'y rien comprendre. N'est-ce pas nfencourager à persévérerdans la mauvaise voie où je suis? Tout au moin

n'est-ce pas me déclarer moins coupable, qu'on lepubliait en 1852 et qu'on le répète aujourd'hui? Or,ceci étant le fait du souverain Pontife, et ce faipouvant avoir de fâcheuses conséquences pour lebonnes doctrines ou pour la discipline, les canonistes de la sacrée Congrégation prouveront sanspeine qu'il y a lieu à suivre : et voilà le Pape àY Index!

En attendant, je prierai mes adversaires, quicroient avoir raison avec d'illustres intelligencesde me permettre d'avoir tort avec des intelligencesnon moins illustres, conformément à la maxime de

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CHAPITRE DIX-NEUVIEME. 327

saint Augustin: In necessariis unitas, in dubiis liber-tas, in omnibuscari tas. Sicette autorité ne suffit pas,

je leur rappellerai leur propre déclaration: « Laquestion des auteurs classiquesa certainementunegrande importance. Tous ceuxde NN.SS. lesévoques qui ontexprimé leur opinionont déclaréque

la discusssionà cetégard était libre,à la conditionde la modération, de la bonne foi et du respectqu'exigent touteslescontroverses, surtout cellesoùtant et de sigraves intérêts sont en jeul. »

1

UAmi dela religion, 6 juillet 4 852.

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RÉSUMÉ GÉNÉRAL

CONCLUSION.

Notre tâche est finie; il nous reste à rappeler cequ'elle est : nous allons le faire en peu de mots.

I.

A la vue d'un champ couvert d'ivraie, le passant

dit sans crainte de se tromper : Ici on a semé del'ivraie. En traversant un pays où Ton professe leLuthéranisme, le Calvinisme, le Mahométisme, dit avec la même certitude : Ici on a semé du Luthéranisme, du Calvinisme, du Mahométisme. Quand

je vois un monde où se manifeste à tous les regardle Paganisme avec ses grands caractères, commenne serais-je pas autorisé à dire : On y a semé duPaganisme?

ILAux jours précurseurs de sa ruine, je veux dire

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RÉSUMÉ GÉNÉRAL

dans ces temps appelés, sans doute par antiphrase,les heauoosiècles de Périclès et d'Auguste, qu'était-ce que lo Paganisme gréco-romain? Dans Tordreintellectuel, c'étaitl'émancipation de la raison : incroyance et naturalisme en religion, rationalismeen philosophie, libre penser en toutes choses. Dan

l'ordre moral, c'étaitVémancipationde lachair : sensualisme dans les habitudes et dans les goûts, matérialisme dans les arts et dans la littérature, cultefiévreux de toutes les convoitises, ayantà leur service des millions de prolétaires et une civilisatiomatérielle portée à ses dernières limites. Dans l'or*dre politique, c'était lecêsarisme : concentration detous les pouvoirs entre les mains d'un homme, empereur et pontife, appelé Aréopage ou César. Centralisation et despotisme d'une part, suppression detoute liberté et haine de l'autre; crainte et malaisepartout.

III.

Comme conséquences palpables : L'indifférencpolitique pour tous les cultes, l'admission de toules dieux au même Panthéon, leoui et le non surtous les points, le mépris de tous les devoirs, la vse résumant en deux mots : du pain et des plaisirsle suicide à l'ordre du jour; Satan partout avec ses

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330 LÀ RENAISSANCE.

manifestations sensibles, ses prêtres, ses prestigeet ses oracles. Pour compléter le tableau, ajoutez, dla part des derniers païens d'Athènes et de Rome,la haine et le mépris du Christianisme : haine etmépris des hommes et des choses se révélant pal'injure, par la calomnie, par la spoliation, et arri

vant jusqu'au carnage.

IV.

Jetez Jes regards sur l'Europe actuelle; comparezle présent au passé; écoutez ce qui se dit; lisez cqui s'imprime; connaissez les projets de la Révolution , et dites quel est celui de tous ces caractèrequi nous manque aujourd'hui, ou qui, à moins d'un

miracle, nous manquera demain? Philosophie, politique, mœurs générales, peinture, sculpture, architecture, poésie, théâtre, littérature, tout, chezles nations modernes, ne s'est-il pas coloré d'unteinte fortement prononcée de Paganisme grécoromain? Les pratiques démoniaques elles-mêmede l'antiquité ne sont-elles pas revenues sur unevaste échelle? Pauvre Europe! on lui a si bien enseigné le Paganisme qu elle Ta appris par cœur; esans qu'elle s'en doute, eile ne fait que répéter saleçon ; elle dort dans les bras de Satan, qui retienson souffle pour ne pas la réveiller.

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RÉSUMÉ GÉNÉRAL. 331

V.Que le monde actuel redevienne païen, c'est une

affirmation qui ne peut être un paradoxe que pourles esprits peu habitués à réfléchir. II n'y a que deuxpuissances : Jésus-Christ et Bélial, le Catholicismet le Paganisme. La raison en est que l'un est le dernier mot de l'affirmation, comme l'autre est le dernier mot de la négation. Or, c'est uno loi du mondemoral aussi bien que du monde physique, que toules êtres gravitent perpétuellement vers leur centre.L'homme ne peut pas vivre sans religion. S'il sesoustrait à l'empire de Jésus-Christ, il retombe dansdes proportions analogues sous l'empire de Satan.Qu'il parvienne à rompre entièrement avec le Catho-

licismo, et nous le verrons, après avoir erré quelquetemps dans le désert de l'incrédulité, retourner auPaganisme sous une forme ou sous une autre.

VI.

Dans l'antiquité, le peuplejuif, figure anticipéedo tous les peuples, nous offre à chaque page deson histoire l'exemple de cette alternative inévitable. La Révolution française, avec son culte publide Vénus et de Cybèle, se dresse au milieu des siècles modernes comme un monument de celte im

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332 LA RENAISSANCE.

périssable loi. Ghautnette et ses pareils ne furentcomme on Ta dit, ni des énergumènes ni des fousc'étaient des logiciens. La Révolution de 1848 manifesté les mêmes tendances; et on affirme quedans leurs réunions nocturnes, les démocrates romains de 1840 adoraient au Capitole une statue

de Quirinus. Si le monde actuel, plus avancé danle mal que les Polythéistes de 1793, gravite vequelque chose, tenons pour certain que ce n'est nvers la Confession d'Augsbourg, ni vers le Talmudni vers le Coran : c'est tout simplement vers la religion de l'homme, esclave et dupe de Satan, qui n'eveut aucune que celle deson maître, le Paganismel.

VII.

Suivez la marche de cette portion de la sociétqui s'émancipe du règne de Jésus-Christ. Le point leplus avancé de son mouvement est marqué dans lrécent ouvrage de Proudhon. La révolution païenne,qui menace le monde, a deux périodes : la périodde destruclion et la période de reconstruction. Jusqu'à la catastrophe de 1793, son cri de guerre fut :

1

Dieu laissera-t il aux peuples apos'ats cette triste satisfactioTout porte à croire qu'il les anéantira plutôt que de permettrdu moins pour longtemps, un si insolent triomphe.

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RÉSUMÉ GÉNÉRAL. 333

Écrasons l'infâme! période de destruction. Aujourd'hui , debout sur les ruines qu'elle a faites, son cride guerre est :AtioronsSalan! période de reconstruction. En marquant celte seconde période, Prou-dhon n'est pas plus isolé que Voltaire lorsqu'il indiquait la première.

Dans l'Europe entière sa voix a de nombreuxéchos; nous n'en citerons qu'un seul. A l'heurequ'il est, M.Renan écrit : « De tous les êtres autrefois maudits, que la tolérance de notre siècle a relevés de leur anathème, Satan est sans contredit celuqui a le plus gagné au;x progrès des lumières et dl'universelle civilisation. Un siècle aussi fécond eréhabilitations de tontes sortes ne pouvait manquerde raisons pour excuser un révolutionnaire malheureux, que le besoin d'action jeta dans des entreprises hasardées. On pourrait faire valoir, pouratténuer sa faute, une foule de motifs contre lesquels nous n'aurions pas le droit d être sévères. »M. Renan n'est qu'un écolier. Les maîtres deman

dent le retour formel au Polythéisme et proposentd'adorer Satan, sous la forme la plus grossièrementobscène dont l'idolâtrie de l'Inde et les monumentsde Pompéi aient consetvé la trace. Voilà un faibleéchantillon de ce qu'on écrit, de ce qu'on veut. Oùen est un monde chrétien dans lequel l'expressionde pareils vœux, la manifestation de semblable

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334 LA RE NAISSANCE.

tendances sont devenues possibles? un monde qul'entend et qui ne proteste pas?

VIII.

Gomment, après dix-huit siècles de Christianismeles nations modernes en sont-elles venues à ressembler, presque comme deux gouttes d'eau, auxnations païennes dans les jours de leur décadenceDis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu esComme l'ancien peuple de Dieu, lo peuple chrétien s'est mis en contact intime et habituel avecdes Gentils; l'éclair a rencontré l'éclair; le péchéoriginel, l'orgueil et le sensualisme, innés danl'homme, se sont trouvés multipliés par l'orgueilpar le sensualisme, par le péché, parés de tous

leurs attraits séducteurs et constitués à l'état permanent au sein de l'antiquité gréco-romaine. L'Europe a couché dans le lit du lépreux, et elle a prila lèpre : voilà le fait. Sur l'époque, la nature et latransmission perpétuelle de ce fait, l'histoire, scrupuleusement étudiée dans les douze volumes de l Révolution, rend toute négation impossible.

IX.

Sinon pour échapper à la Révolution, du moinspour reconstruire l'édifice après la catastrophe, quel

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RÉSUMÉ GÉNÉRAL. 335

moyen reste à l'Europe? Un seul. C'est par Pédu-cation que le Paganisme est rentré chez les nationchrétiennes;c'est par l'éducation qu'il doit en sortir. Nul peuple chrétien ne peut vivre sans lo Christianisme. Tant vaut l'éducation, tant vaut le peuple*Voulez-vous sérieusement une Europe chrétienne?

ayez une éducation complètement chrétienne, danles livres et dans les hommes. Reconduisez l'Europaux sources de sa vie. Le jour où , par une mesureseule capable de dégager devant Dieu et devant lehommes, devant le présent et devant l'avenir, laresponsabilité de ceux qui gouvernent le mondeles générations qui font les autres à leur image sretrouveront, pendant les huit années décisives dela vie, en commerce intime et habituel — avecDieu,parlant par les saintes Écritures, — avec lesPbres,parlant par leurs immortels ouvrages, — aven les Martyrs, parlant pa** leurs actes héroïques, — avenos Aïeux chrétiens, parlant par leurs glorieusesannales, — avec laPhilosophie, les Scienceset les

Arts, parlant le langage de la Foi : ce jour-là, maisce jour-là seulement, la Révolution sera vaincueAlors commencera une autre Révolution assez puissante pour améliorer le présent et pour sauver l'avenir. Faire tout le reste, cela excepté,c'est ne rienfaire : la conscience le dit, l'expérience le prouve

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336 LA RENAISSANCE

Depuis quatre siècles, l'Église, la société, la famille chrétiennes battent on retraite sur toute laligne. Chaque jour elles perdent du terrain. Leursprincipes ébranlés, méprisés, niés, foulés auxpieds, ressemblent à des blessés désormais sanforce ou à des cadavres sur un champ de batailleQuelle est la cause de cette lamentable dérouteinouïe chez les nations chrétiennes? Les défenseu

ont-ils manqué?

Jamais ils ne furent plus nombreux,plus éloquents, plus solides. L'histoire des quatrederniers siècles est pleine de leurs héroïques effortsLe Christianisme aurait-il perdu quelque chose de saforce intrinsèque! Il est aujourd'hui ce qu'il était

hier, ce qu'il sera toujours : le principe divin qui atiré te monde de la barbarie, et qui en tire encoredes peuples d'anthropophages. Quel est donc cet effrayant mystère?

XI.

Évidemment, il y au cœur des nations moderneun répulsif permanent qui paralyse l'action du Christianisme et qui émousse les armes de ses soldatsÉvidemment encore, ce répulsif est un clément nouveau qui n'existait pas il y a quatre siècles. Cet élé

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RÉSOMfi GÉNÉRAL. 337

ment n'est donc pas simplement le péché originel,attendu que le péché originel existait il y a quatresiècles, et qu il n'a pas empêché le Christianisme derégner sur les âmes et de dominer l'Europe. Quel estdonc ce répulsif anticbrétien , col élément inconnude nos pères? Tournez, retournez la question sous

toutes ses faces, passez l'histoire au crible, et voutrouverez toujours pour résultat lo Paganisme revenu en Europe avec la Renaissance, introduit perpétuellement au cœur des jeunes générations parl'éducation de collège, et, de là, layoonant sur lasociété tout entière, dans laquelle il reproduit lesmêmes faits qui signalèrent son empire au sein denations de l'antiquité.

XII.Telle est pour nous la synthèse du mal, la formul

de ce que nous voyons, la donnée qui explique, qui explique seule, les événements autrement incompréhensibles des quatre derniers siècles: commela loi de l'attraction explique, et explique seule, lephénomènes du système planétaire. No pas l'admettre, c'est vous obliger à donner la vôtre. Expliquezdonc l'effrayante stérilité de la polémique chrétiennedepuis la Renaissance, et la marche toujours envahissante de la Révoluliou. Il est temps de parler; lasociété est malade, très-malade, vous en convenez

XII. 22

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333 LA RENAISSANCE,

dites donc ce qu'il faut faire pour l'empêcher depérir? Repousser Ja solution sous prétexte qu'ellvient de nous serait une erreur. Elle vous esdonnée par les plus hautes intelligences contemporaines dans l'Europe entière. Elle fut constammenproclamée par tous les hommes éminents qui depui

quatre siècles ont fixé leur attention sur l'enseignement dos classes lettrées. Dire qu'elle n'a pas été acceptée serait puéril. Comme s'il n'était pas facile decomprendre qu'on se fit illusion sur les dangersd'une éducation qui n'avait pas encore donné tousses fruits, et qu'on ait fermé l'oreille aux voix prophétiques qui signalaient le péril. N'est-ce pas ceque nous voyons encore tous les jours?

X I I LEn attendant qu'il vous plaise d'indiquer avec

précision la cause du mal qui dévore l'Europe moderne et de formuler, avec non moins de précision,le remède capable de le guérir, nous répéteronsqu'attaquer un ennemi, cen'est pas rester sur ladéfensive;c'est franchir ses frontières et porter lefeu sur ses terres. La Révolution étant lanégationabsolue, attaquer la Révolutionc'est proclamerY af

firmation absolue, la proclamer dans le lieu et dansle temps où elle peut l'être avec succès. Celte affirmation absolue,c'est le Catholicisme; ce lieu, ce

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RÉSUMÉ GÉNÉRAL

sont les jeunes âmes, ouvertes à toutes les impressions et vierges encore de la zizanie révolutionnairece temps est celui de l'éducation, il n'y en a pad'autre.

Si vous ne savez pas, si vous ne voulez pas metre à profit ce temps favorable, pour vous emparer

de la place encore libre et vous y établir solidemenpour semerexclusivement 1 et pure de tout alliagel'affirmation catholique dans les âmes, pour cultiveravec un soin jaloux celte précieuse semence, poula protéger jusqu'à ce qu'elle ait poussé de fortesracines et se soit épanouie en une végétation vigoureuse; si vous l'employez, même en partie, à semela grande négation qu'on appelle le Paganisme, c'està-dire la Révolution elle-même dans son essence

vous n'attaquez pas sérieusement la Révolution,vous préparez son triomphe dans la société en perpétuant son règne dans les âmes.

XIV.

Tel est le résumé do notre travail. Si rapide qu'ilsoit, ce résumé nous semble suffire pour justifierlo mot d'un des plus profonds penseurs de notreépoque, Donoso Corlès : « La question soulevée pa

1 Tous nos ouvrages, ol en particulier notre Préface aux clasiques profanes, expliquent le sens que nous donnons à ce mot.

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340 LA RENAISSANTE.

le Ver rongeur, nous disait-il, est la plus grave etmême la seule question du xix* siècle. À tous lepoints de vue,c'est la question de vie ou de mort.Qui n'en comprend pas l'importance ou l'opportunité ne comprend ni ce qu'il voit, ni ce qu'il dit,ni ce qu'il doit faire. Le passé, le présent, l'avenir

sont pour lui lettres closes. »

XV.

Rieu de plus vrai; à l'éducation des classes éclai

rées se rattachent aujourd'hui,plus que jamais,toutes les questions, de quelque nature qu'ellessoient : philosophiques, littéraires, scientifiquesartistiques, religieuses ou sociales. De la manièrdont elle sera résolue dépend le salut ou la ruineEn face de ce suprême intérêt, n'est-il pas tempsd'oublier nos petits intérêts, nos mesquines querelles, nos tristes préjugés? N'est-il pas temps dsortir de notre apathie, d'ouvrir les yeux, d'orien

ter la lutte et d'unir nos forces?XVI.

Le fait contemporain qui domine tous les autresc'est

le partage du monde en deux camps : unepartie de la société devient ouvertement païennel'autre franchement catholique. Tout accélère ce

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RÉSUMÉ GÉNÉRAL 34!

double mouvement. Le jour où il n'y aura plus surla terre que des païens el des chrétiens, il n'y auraplus que des persécuteurs et des martyrs. A qui restera la victoire? Dieu le sait. Puisque le présent nonous offre qu'un point d'appui chancelant, l'avenirdoit être le vrai champ du combat. L'avenir plein

d'espérance pour les uns, de terreur pour les autres,de mystère pour tous; par les uns salué comme letriomphe absolu du bien, par les autres redoutécomme le règne absolu du mal, par tous attenduavec anxiété, l'avenir sera ce que nous l'auronsfait. Quelles que soient les destinées du monde, l'éducation chrétienne que nous aurons donnée auxgénérations qui nous suivent ne sera pas sans fruit;elle formera deNOBLES VAINQUEURS OUde NOBLES VIC

TIMES.Tel est le but de la tâche laborieuse que nousvenons d'accomplir; tels sont les motifs qui pressentout homme préoccupé des grands intérêts qui sedébattent aujourd'hui, de prendre part à cette luttesuprême du bien contre le mal, du Paganisme contrele Christianisme, et de ne rien négliger dans laposition que Dieu lui a faite pour en assurer lesuccès :In his omnis homo miles.

Taris, 19 mars, féte rieSaiot-Jo?C|'h,i$Z9.FIN.

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TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS »

CHAPITRE PREMIER*MA GKNÉALOG1F,.— AYANT LA REKA188ANCE.

Son antiquité. — Coupd'oeil sur les temps antérieurs au Messie*— Surles temps postérieurs jusqu'à la Renaissance* — Constitution apostolique* — Réclamations incessantes contre l'étude des auteurpaïens. — Répulsion générale. — Trois grands faits : le latin dumoyen âge, la conduite du moyen âge, les caractères généraux dmoyen âge. — Deux faits particuliers : correction infligée à Pétrarque, titres du livre de Boccacc 21

CHAPITRE ILMA GKKÉALOGIB* — APHER IA ITCHAISSAKCF.

Quelques-uns de mes ancêtres du quinzième siècle.— Les prédicateuet les théologiens; ils réclament contre l'enseignement des auteur

païens. — Philelphe. — Bnschius. — Plan d'études de Philelplte semblable an nôtre. — Christophe de Carlebiez. Sa lettre signale commnous une rupture dans l'enseignement. — Savonarole» appelé le dernier Chrétien du moyen âge. — Héroïque antagoniste de la Renaissance. — Ce qu'il fait à Florence. — SonTraité de la division et de la dignité dessciences.— Élévation de son esprit. — Puissance

de sa logique. — Lntte à mort contre le Paganisme. — Triomphe dPart chrétien. — Ligue contre Savonarole. — Il est mis à mort. —11 est glorieusement réhabilite 35

CHAPITRE III.SEIZIÈME SIÈCLE.

Le concile de Latran. — Il flétrit la philosophie et la littérature païenne—Il les déclare infectées dans leurs racines. — Érasme* — Protestation énergique contre la Renaissance ot l'enseignement classique. —

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TABLE DES MATIÈRES

Il démontre que le latin chrétien est un très-bon latin; — qu'il estpour les sociétés modernes le seul truchement de leurs idées; — qu

c'ot un contre-sons monstrueux de prétendre former de grands écii-vains a>cc les auteurs païens ; — que les études classiques exercensur la religion et sur la société l'influence la plus désastreuse. — Jdemande des classiques chrétiens 63

CHAPITRE IV.

SWZ1UIE SIÈCLE.

Vives.— Il signale une rupture dans l'enseignement. —Il démontre ledanger des auteurs païens. — Scioppius. — Il dit les précautions qu'ia prises pourn'ètic pas corrompu par l'enseignement classique. —Ptlcantiona inconnues aujourd'hui.— Malgré tout, il devient stoïcien.— Autres réWamatirtns, — Léon X lui-même reconnaît le danger.—Adrien VI. — Il combat vigoureusement la Renaissance et les Renaisants.— Pau) IL —11 imite son prédécesseur. — Conduite des aufrespapes. — Mclchior Canus. — Il proteste contre l'étude des païensdont il montre lo danger. — Le P. Louis de Grenade déplore la pertedes aines causée par l'enseignement païen. — ftonifacio prouve qu'iappauvrit la raison: le maréchal de Ta vannes, qu'il conduit au régi

cide; Montaigne, qu'il nous rend païens 67

CHAPITRE V.S E I Z I È M E S I È C L E .

Le concile de Trente. — Son programme d'études. — Il ne parle pas de

auteurs païens. — Silence éloquent. — La septième règle de l'Index— Expuigation des auteurs païens, postérieure au concile. — SainCharles. — Sa conduite. — Le père Curci. — Usagediscret des auteurs païens. — Lutte contre la Renaissance. — Pic de la Mirandole. — Fabricius. —- Crispo. — Budée. — Comme Érasme, il prteste contre la Kenaissance qu il a encouragée. — Ses effets : dégoùl des études chrétiennes, l'indifférence en matière de religionl'impiété, le sensualisme. — Vanité de la beauté littéraire du Paganisme. —C'est un piège de Satan. — Justes inquiétudes de Budeesur l'avenir 5 4 3

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TABLE DES MATIÈRES.

CHAPITRE VI.SEIZ?ÈUE SIÈCLE.

Protestations dans toutes les classes de la société. —Loisel. — Bernarde la Rocheflavin. — Winiplicling. — Protestations en France. — Lcélèbre docteur Gabtiel du Puy-Hcrbault. — Il signale avec précisionet énergie l'origine du mal. — Son étendue. — Sa cause. — Son remède. — 11 semble avoir écrit pour noua 1*9

CHAPITRE VILSEIZIÈME SIÈCLE.

Réponse à une difficulté. — Quelques chefs-d'œuvre dos latinistes actuels. — Protestations contre la Renaissance et son enseignement. —En Italie. — Le Père Jean de Saint-Démétrius. — Belle comparai

son. — En Espagne» le Pèie Paz, jésuite. —H prouve que Pétudedu Paganisme profana la parole de Dieu, démonte de !'Écrituresainte, porte aux études frivoles, appauvrit ia raison, tue l'esprit deprière, prépare des révolutions 1 i6

CHAPITRE VIII.

SEIZIEME SIÈCLE.Le Père Possevin. — La Renaissance et son enseignement, cause d

mal. — Remède. — Analyse de laBïbliotheca selecta.— Approbation de cet ouvrage. — Le Père Possevin trace le même programmd'études que nous ; l'Écriture sainte, les Actes des martyrs, lesPères, les auteurs païens par extraits, enseignes chrétiennement eseulement dans les classes supérieures 128

CHAPITRE IX.M X - S E P T I K M E S I È C L E .

Le théologien protestant Andreac. — Il parle comme un Père de l'Église. — Il condamne hautement lMducalion païenne, dont il montrles conséquences.— Demande les auteurs chrétiens, dont il démontrela supériorité. —Vn autre prouve que l'éducation classique tueIVspiit national. — Perrault dévoile la cause qui s'oppose à la ré

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346 TABLE DES MATIÈRES.

forme des éludes. — Balzac fait voir que l'étude admirative depaïens éteint !o g«;nie et fausse le sens moral. — Clavjgny, qu'elle

altère droit public. — Le Père d'Argentan, qu'elle égare et souilleles âmes 142

CIIAPITKE X.D I X - S E P T I È M E SIÈCLE.

Ba\Ie. — Il proteste contre lYturie de Cicéron. — Malebranchc. —

montre que lVduration classique reconduit, le monde au Paganism"— De Chanteresne. — Jl demande la ntf me réforme que nous. —— Bossuet. — Ce qu'il pense de Virgile et des auteurs païen*. — Fnelon. —11 rappelle les défenses de l'Église primitive et veut qu'oétudie l'Écriture et les Pères. — Fleury. —11 propose notre plan d'études. — Sacy. — Il démontre les inconvénients de In méthode ac

tuelle. — Savoir de nos adversaires 156CHAPITRE XI.

MX-SEPTIÈUE SIKCLfi. LeVer rongeur jmbliéen 164 i. — Approbation solennelle donnée à ce

ouvrage. — Titres de quelques chapitres. — Analyse. — L'auteur aprévu tout ce que nous voyous. —11 a dit tout ce que nous avons dinoiBUiome.— Source du mal : le Paganisme classique. —C'est ledémon qui l'a réintroduit dans le monde. —11 cause les mêmes ravages que dans l'antiquité, il appauvrit la raison, il fausse le jugement, il affaiblit le sens moral 177

CHAPITRE XII.I H X - S F. P T I È M E S I E C L E .

Antre* ravagesdu Paganisme classique : il déprave le gont. — Il prostitue les arts, il 'lénature le théâtre, il ébranle la religion, il conduit la société au précipice. — Réponse aux objections. — Premièrobjection : la conduite des Pères. — Seconde objection : le beausljlc, la pureté du langage. — Troisième objection : les choses utilequ'on trouve dans les auteurs païens. — Quatrième objection : l'ennui que causerait à la jeunesse l'étude des auteurs chrétiens.

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TABLE DES MATIÈRES 347

CHAPITRE XIII.D 1 X - S E I T I È M E S I E C L E .

Vrai système d'études. — Farilit»^ d'exécution. — Pourquoi on s'y oppose. — Raisons de l'appliquer sans délai. — Crime de ceux qus'obstinent à le repousser et à suivre le système païen 507

CHAPITRE XIV,

PÏ\-HUITlftMR SIÈCLE.Le porc André, jésuite. — Ce qu'il pense de l'enseignement desa com

pagnie. — L'ahlié de Saint-Pierre. — Son opinion. — Carrel, d ateur en théologie. — Funestes effets de l'éducation classique svr clergé. — Demanded? la réforme. — Falstcr, organe des esprits sagosde son époque. — Demande le bannissement des auteurs païens. —

Un autre signale le contre-sens de l'enseignement classique. — Essde réforme. — Montesquieu. — Rousseau 220

CHAPITRE XV. î h x - h i u t i e m r siicLE.

L'auteur de VEstâtd'éducation nationale.— XI montre le néant etl'anomalie de l'édueation classique. — Ignorance du latin. — Ridicule des comédies et des amplifications. — L'an leur de laMéthode d'éducation nationale.— Il prouve que IVdncation de collège corrompt les nueurs. — Vanièrt. — Il réclame les auteurs chrétiens etles venge. — Condorcet. — V^rnerey. — Le père Grou, jésuite. 23

CHAPITRE XVI.m\-NErVlfcME SIÈCLE,

Bernardin de Saint-Pierre. — il dît que la Révolution est sortie descollège*. — Charles de Viiiers. — L'enseignement classique dénature la littérature nationale. — Charles Nodier. —11 pense commeBernardin de Saint-Pierre. — Napoléon. — Il dit que l'éducationclassique ébranle In foi. — Kératry. —11soutient que la connais

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