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Pour citer cet article : Pino M, Rigaud A-S. La robotique comme nouvelle forme d’accompagnement de la personne âgée. Neurol psychiatr gériatr (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.npg.2014.02.006 ARTICLE IN PRESS Modele + NPG-420; No. of Pages 3 NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie (2014) xxx, xxx—xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ÉDITORIAL La robotique comme nouvelle forme d’accompagnement de la personne âgée Robotics: A new approach for providing health and social care to older adults M. Pino (PhD) (Ingénieur de recherche) a,, A.-S. Rigaud (PhD) (Professeur des universités, Praticien hospitalier) b a Pôle de gériatrie, hôpital Broca, GH Paris Centre, Assistance publique—Hôpitaux de Paris, 54-56, rue Pascal, 75013 Paris, France b EA 4468, Living Lab LUSAGE, université Paris Descartes, 15, rue de l’École de Médecine, 75006 Paris, France Du fait du vieillissement de la population, il apparaît nécessaire non seulement de conti- nuer à former des professionnels compétents pour s’occuper des personnes âgées, mais également de développer des technologies performantes susceptibles de fournir des ser- vices d’aide à la personne. En effet, les personnes âgées préfèrent en général rester au domicile plutôt que d’aller vivre en institution lorsque leur autonomie est compromise. Par ailleurs, le nombre d’aidants professionnels et familiaux n’augmentera probablement pas en proportion du nombre des personnes âgées nécessitant de l’aide. Ainsi, les impor- tants progrès de la robotique et de l’informatique permettent de penser que les robots et les agents virtuels pourront jouer un rôle important dans le domaine de l’assistance, du confort et de la santé des personnes âgées fragiles ou souffrant de troubles cognitifs en complément des aidants professionnels et familiaux [1]. On peut distinguer plusieurs catégories de robots selon les services proposés : les robots ménagers qui réalisent des tâches quotidiennes répétitives ou pénibles (par exemple aspirateur de poussière, tonte de gazon, nettoyage de piscine) ; les robots de téléprésence qui permettent à la personne âgée d’entrer en commu- nication avec ses proches ou avec des services d’aide à la personne à distance, par visioconférence ; Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (M. Pino). http://dx.doi.org/10.1016/j.npg.2014.02.006 1627-4830/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

La robotique comme nouvelle forme d’accompagnement de la personne âgée

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Page 1: La robotique comme nouvelle forme d’accompagnement de la personne âgée

ARTICLE IN PRESSModele +NPG-420; No. of Pages 3

NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie (2014) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

ÉDITORIAL

La robotique comme nouvelle formed’accompagnement de la personne âgée

Robotics: A new approach for providing health and social care toolder adults

M. Pino (PhD) (Ingénieur de recherche)a,∗,A.-S. Rigaud (PhD) (Professeur des universités,Praticien hospitalier)b

a Pôle de gériatrie, hôpital Broca, GH Paris Centre, Assistance publique—Hôpitaux de Paris,54-56, rue Pascal, 75013 Paris, Franceb EA 4468, Living Lab LUSAGE, université Paris Descartes, 15, rue de l’École de Médecine,

75006 Paris, France

Du fait du vieillissement de la population, il apparaît nécessaire non seulement de conti-nuer à former des professionnels compétents pour s’occuper des personnes âgées, maiségalement de développer des technologies performantes susceptibles de fournir des ser-vices d’aide à la personne. En effet, les personnes âgées préfèrent en général rester audomicile plutôt que d’aller vivre en institution lorsque leur autonomie est compromise.Par ailleurs, le nombre d’aidants professionnels et familiaux n’augmentera probablementpas en proportion du nombre des personnes âgées nécessitant de l’aide. Ainsi, les impor-tants progrès de la robotique et de l’informatique permettent de penser que les robots etles agents virtuels pourront jouer un rôle important dans le domaine de l’assistance, duconfort et de la santé des personnes âgées fragiles ou souffrant de troubles cognitifs encomplément des aidants professionnels et familiaux [1].

On peut distinguer plusieurs catégories de robots selon les services proposés :• les robots ménagers qui réalisent des tâches quotidiennes répétitives ou pénibles (par

exemple aspirateur de poussière, tonte de gazon, nettoyage de piscine) ;

Pour citer cet article : Pino M, Rigaud A-S. La robotique comme nouvelle forme d’accompagnement de la personne âgée.Neurol psychiatr gériatr (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.npg.2014.02.006

• les robots de téléprésence qui permettent à la personne âgée d’entrer en commu-nication avec ses proches ou avec des services d’aide à la personne à distance, parvisioconférence ;

∗ Auteur correspondant.Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (M. Pino).

http://dx.doi.org/10.1016/j.npg.2014.02.0061627-4830/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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les robots compagnons qui stimulent la personne par leurprésence et leur interaction avec eux. Ils pourraient avoirun effet bénéfique sur le sentiment de solitude voire surles fonctions cognitives ou la qualité de vie ;les robots « majordomes » qui facilitent la vie quotidiennedes personnes âgées en ayant un rôle de compensation(rappel de rendez-vous, de tâches) ou de sécurité (appeldes services d’aide ou de la famille en cas de chute).

Depuis quelques années, les agents virtuels, person-ages réalisés en images de synthèse associant des modulese production et de compréhension de la parole etes comportements non-verbaux (gestes, attitudes), ontommencé à être utilisés à des fins similaires : guider uneersonne dans la réalisation d’une tâche, rappeler des évè-ements, stimuler et accompagner l’utilisateur donnant laensation d’une présence humaine. Ces agents virtuels ont’ailleurs l’avantage de pouvoir être intégrés dans des sup-orts technologiques déjà existants comme l’ordinateur, leéléphone portable, l’écran de télévision. De plus en plustilisés pour offrir une assistance à distance et répondreux demandes des utilisateurs dans différents sites Internetu des bornes interactives d’aide ou d’achat situées danses lieux publics, les agents virtuels trouvent maintenant deouveaux champs d’application dans le domaine de la santé.

Cependant, bien que les apports de la robotique et de’informatique soient très prometteurs dans le secteur dea santé et de l’autonomie des personnes âgées, différentsspects restent encore à éclairer afin de permettre la diffu-ion large de ces technologies [2]. Par exemple, des travauxont encore à mener dans des domaines techniques tels quea perception de l’environnement via des réseaux de cap-eurs et la vidéo, l’intelligence artificielle, la mise en réseaues robots entre eux et avec d’autres technologies du domi-ile et de l’extérieur, la géolocalisation, l’autonomie desutils, la miniaturisation des batteries. . .

De plus, l’acceptation par les personnes, c’est-à-dire leait que la personne intègre effectivement le robot dans sonnvironnement, est essentielle. Dans ce contexte, la moti-ation de la personne à utiliser le robot ou l’agent virtuelst un facteur majeur et dépend en grande partie de l’utilitéercue de cette technologie. En effet, il est important deournir des services qui répondent vraiment aux besoins de laersonne et qui s’adaptent à son contexte et à l’évolutione sa situation dans le temps [3]. Dans la mesure où lesesoins diffèrent souvent d’une personne à l’autre, il appa-aît important de pouvoir personnaliser les services apportésar les robots ou les agents virtuels. La facilité à utiliseres technologies, le confort cognitif, physique et émotion-el vis-à-vis de ces nouveaux assistants de même que lelaisir à interagir avec ceux-ci sont aussi des éléments quiéterminent leur acceptation et leur adoption. Il faut doncnsister sur la nécessité de prendre en compte les capacitésognitives, sensorielles et motrices de l’utilisateur, ainsi quees préférences et ses centres d’intérêt lors du développe-ent de ces technologies [4].Les aspects émotionnels (esthétique, mode d’inte-

action, personnalité du robot. . .) jouent également un rôleans l’acceptation des robots et des agents virtuels. Par

Pour citer cet article : Pino M, Rigaud A-S. La robotique commeNeurol psychiatr gériatr (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.n

xemple, pour certaines personnes, l’utilisation des aidesechniques, en particulier des robots, leur renvoie unemage déficitaire du vieillissement vis-à-vis duquel elles

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entent de se démarquer. Pour d’autres, l’utilisation dees technologies « de pointe » contribue de facon positive

leur image de soi, par le constat qu’elles sont capables’apprendre à utiliser des nouveaux outils et d’avoir accèsux mêmes outils technologiques que les générations pluseunes.

De même, les aspects éthiques sont à prendre en consi-ération. La technologie ne doit pas nuire à la qualitée l’accompagnement du patient. En effet, alors queraditionnellement c’est l’aidant principal qui interagitlus fréquemment avec la personne malade, la mise enlace d’une « médiation technologique » risque de dégra-er ce lien si un cadre éthique à ces nouvelles formes’accompagnement n’est pas défini [5]. La liberté de laersonne âgée d’accepter ou de refuser l’usage du dispo-itif proposé, ainsi que la question du consentement sontuelques-uns des aspects qui méritent une réflexion appro-ondie du point de vue éthique.

Par ailleurs, il importe de démontrer les bénéfices de laobotique dans la vie quotidienne de la personne. En effet,a plupart des robots et des agents virtuels ont été testésn laboratoire auprès d’un petit nombre de personnes. Ilst maintenant essentiel d’évaluer leur bénéfice à domicile,’abord avec quelques personnes, puis avec des échantillonsmportants, sur des périodes d’essai prolongées et si pos-ible dans des études randomisées et contrôlées. Enfin, lauestion de l’accessibilité à tous des technologies pose leroblème du financement de ces outils. Il reste effective-ent à déterminer un modèle économique permettant laiffusion au plus grand nombre de ces outils qui sont encoreoûteux.

Afin de progresser dans le champ de la robotique’assistance appliquée à la santé, différentes mesures ontté prises au niveau international et national. En particulier,a commission européenne a lancé un large programme deéveloppement de la robotique dans le cadre de son pro-ramme Horizon 2020. En France, la caisse nationale deolidarité pour l’autonomie (CNSA) a mis en place en 2010 unentre d’expertise national (CEN) en robotique (CENRob),insi que d’autres centres experts ciblant les domaines sui-ants : stimulation cognitive, interfaces hommes-machinest mobilité. L’objectif de ces CEN est d’accélérer la mise auoint et de démocratiser l’usage d’aides techniques ou deispositifs innovants et concourant à la compensation desandicaps.

Le fort potentiel économique du secteur des technologiesour la santé et l’autonomie est reconnu par les pouvoirsublics, avec la création de la filière Silver Economy pare gouvernement francais et l’initiative European Innova-ion Partnership on Active and Healthy Aging (EIP AHA) dea Commission Européenne. Ces démarches visent à sou-enir l’innovation et gagner la confiance des usagers pourévelopper le marché, car malgré leur utilité reconnue, laéconnaissance du public, les difficultés d’acceptation et’appropriation, les problèmes d’ergonomie, de fiabilité,’évolutivité et de compatibilité, les financements non coor-onnés ou insuffisants, freinent la démocratisation de ces

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Enfin, il faut souligner que de nombreux acteurs (entre-rises, laboratoire en technologie et en sciences humainest sociales ainsi que des associations d’usagers) s’impliquent

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très activement dans ce domaine. Nous souhaiterions parti-culièrement insister sur l’intérêt des Living Labs pour faireprogresser le secteur des technologies pour la santé etl’autonomie des personnes âgées [6,7]. L’approche LivingLab, recommandée par la commission Innovation 2030 [8],offre effectivement une méthodologie structurée pour leverles freins précédemment cités par :• la prise en compte des besoins et contraintes des acteurs

de l’écosystème et des caractéristiques du territoire ;• la promotion de l’innovation participative dans laquelle

les utilisateurs sont activement impliqués à tous les stadesde la chaîne de valeur ;

• l’expérimentation et l’évaluation des technologies enconditions réelles ;

• la création de valeur incluant des dimensions indivi-duelles, sociales et économiques.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

Références

Pour citer cet article : Pino M, Rigaud A-S. La robotique commeNeurol psychiatr gériatr (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.n

[1] Broadbent E, Stafford R, MacDonald B. Acceptance of healthcarerobots for the older population: review and future directions. IntJ Soc Robot 2009;1:319—30.

PRESSersonne âgée 3

2] Rigaud AS, Pino M, Wu YH, et al. L’aide aux personnes souffrantde maladie d’Alzheimer et à leurs aidants par les gérontechno-logies. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2011;9:91—100.

3] Wu YH, Faucounau V, Boulay M, et al. Robotic agents forsupporting community-dwelling elderly people with memorycomplaints: perceived needs and preferences. Health Informa-tics J 2010;17(1):33—40.

4] Granata C, Pino M, Legouverneur G, et al. Robot services forelderly with cognitive impairment: testing usability of graphicaluser interfaces. Technol Health Care 2013;21:217—31.

5] Wu YH, Fassert C, Rigaud AS. Designing robots for theelderly: appearance issue and beyond. Arch Gerontol Geriatr2012;54:121—6.

6] Picard R. Pertinence et valeur du concept de « Laboratoirevivant » (Living Lab) en santé et autonomie. Rapport CGEIET,no 2010/46/CGIET/SG, conseil général de l’industrie, del’énergie et des technologies. Paris: Ministère de l’Économie,des Finances et de l’Industrie; 2011 [http://www.cgeiet.economie.gouv.fr/Rapports/2011 10 05 2010 46 CGIET SG LL.pdf].

7] Pino M, Cristancho-Lacroix V, Kerhervé H, et al. Le laboratoireLUSAGE : un exemple de Living Lab dans le domaine des géron-technologies. Cah Annee Gerontol 2012;4:386—93.

8] Lauvergeon A. Un principe et sept ambitions pour l’innovation.Rapport de la commission Innovation 2030. Sous l’égide duministre du Redressement Productif et de la ministre déléguéechargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Innovation

nouvelle forme d’accompagnement de la personne âgée.pg.2014.02.006

et de l’Économie Numérique. Paris: Comission Innovation 2030,Présidence de la République francaise; 2013 [http://www.dgcis.gouv.fr/files/files/directions services/politique-et-enjeux/competitivite/innovation-2030/rapport-innovation.pdf].