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LA RÉPUBLIQUE ROMAINE

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L'Italie antique

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« QUE SAIS-JE ? » LE POINT DES CONNAISSANCES ACTUELLES

N° 686

LA

RÉPUBLIQUE ROMAINE

par

André CLERICI Inspecteur d'Acalémie Agrégé de l'Université

et Antoine OLIVE SI Maître-Assistant

à la Faculté des Lettres et Sciences humaines d'Aix

Agrégé de l'Université

QUATRIÈME ÉDITION MISE A JOUR

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS

1968 TRENTE-DEUXIÈME MILLE

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AUTRES OUVRAGES DE A. OLIVESI

Antoine OLIVESI, La Commune de 1871 à Marseille et ses origines (Préface de Georges BOURGIN). Librairie Marcel Rivière & C Paris, 1950. (Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche scientifique.)

En collaboration avec Marcel RONCA YOLO, Géographie électorale des Bouches-du-Rhône sous la IVe République, « Cahiers de la Fondation Nationale des Sciences politiques », Librairie Armand Colin, Paris, 1961. (Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche scientifique.)

AUTRES OUVRAGES DE A. CLERICI

André CLERICI, Histoire des peuples noirs, C.E.D.A., Abidjan, 1963. Histoire de la Côte d'Ivoire, C.E.D.A., Abidjan, 1963.

Dépôt légal. — 1 édition : 3e trimestre 1955 4e édition : 3 trimestre 1968

Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays

© 1955, Presses Universitaires de France

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CHAPITRE PREMIER

LES DÉBUTS D'UNE RÉPUBLIQUE PATRICIENNE ET ITALIOTE (509-396)

I. — Milieux urbains et mondes ruraux en Italie à la fin du VIe siècle av. J.-C.

Au VI siècle av. J.-C., la péninsule italienne, déjà irriguée par les courants commerciaux venus de l'Orient, n'ignore pas les formes de civilisation ur- baine que lui ont apportées les Grecs et les Etrusques. Si l'activité des premiers se limite surtout aux régions côtières, les Etrusques, alors à leur apogée, ont établi une domination plus terrienne, de la Cisalpine à la Campanie. Tout en conservant leur originalité, ils se sont mêlés davantage aux peuples indigènes et ont réalisé un contact plus étroit entre la ville et les mondes ruraux.

Face aux civilisations supérieures des côtes et des plaines, les mondes ruraux, précisément, cons- tituent la majorité de la population italienne. Leur domaine est l'Apennin central et méridional dont les sites escarpés permettent la défense, dont les vallées rares, encaissées, limitent les cultures, où l'activité humaine est orientée vers la vie pastorale, rendue plus instable encore par des sécheresses fré- quentes. Les peuples sabelliques (Samnites, Sabins, Lucaniens, etc.), derniers arrivants de la vague d'invasion indo-européenne, ont dû se contenter de ces montagnes pauvres. Ce sont donc avant tout des éleveurs, ce qui implique une structure sociale

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assez lâche dont l'élément fondamental est le pagus, c'est-à-dire un ensemble de tribus répandues dans des hameaux (vici). Ils ignorent la notion de ville. Leurs centres les plus importants sont des oppida aux énormes remparts, assez vastes pour englober plusieurs vici et la seule richesse à défendre, les troupeaux. Tel est le cas de Bovianum, gros village au nom caractéristique, en pays samnite. De ces genres de vie ne pouvaient naître que des institu- tions peu homogènes. Un particularisme prononcé, au surplus, limitait sensiblement les pouvoirs de leurs chefs, les meddices.

Plus forte, plus solide était l'organisation reli- gieuse des peuples sabelliques. Leurs divinités sont agraires : Cérès, Mars qui, devenu romain, sera plus tard uniquement dieu de la guerre. Leurs sanc- tuaires (lac Nemi, mont Soracte), sont des lieux de rencontre et d'échanges. Leur religion, toute pri- mitive, est pénétrée de magie, de totémisme même, comme en témoignent l'adoration du pic, du loup, du serpent, ainsi que leurs chants sacrés mystérieux et rythmés, les carmina. Une de leurs coutumes est révélatrice, le ver sacrum (printemps sacré) où s'exprime le lien qui unit la terre à la religion : lors d'une famine provoquée par la sécheresse, on vouait à Mars tout ce que produirait le printemps suivant, même les enfants à naître. Ces derniers, à vingt ans, partiraient à la recherche de terres nouvelles sur les traces d'un taureau lâché dans la montagne... C'est là comme un symbole de précolonisation, avec son aspect démographique, que l'on retrouvera dans l'histoire de Rome. Celle-ci sera profondément mar- quée par de telles influences italiotes. Ces peuples sabelliques, jeunes, dynamiques, constituaient une force redoutable qui s'exprimait par une armée courageuse dont le type est le fameux guerrier mon-

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tagnard de Capestrano : il s'agit d'une statue sculptée dans le calcaire de l'Apennin, au VI siècle (Musée national de Rome). Avec son armure bril- lante, son glaive et son chapeau à larges bords, il est très différent de l'hoplite grec ou du futur légionnaire romain.

Les plaines côtières, sur les versants adriatiques ou tyrrhéniens, exerçaient sur ces montagnards une attraction inévitable. La Campanie, par exemple, naturellement fertile, où réapparaît en sources multiples l'eau filtrée à travers les roches calcaires de l'Apennin donne, dans ces sols irrigués et faciles à travailler, de belles moissons d'épeautre, de mil et de blé. D'autres plaines, comme celles du Latium, avaient des sols plus durs à travailler et exigeaient des efforts d'assèchement dans les zones plus maré- cageuses. Mais le montagnard était attiré par la plaine, par son espace d'abord et ses pâturages d'automne et d'hiver qu'elle offrait aux troupeaux descendant des hauteurs par les drailles (tratturi). Phénomène séculaire de pulsation normale qui tra- duisait un certain équilibre entre deux genres de vie complémentaires. En dehors de la transhumance, ces descentes de montagnards pouvaient aussi prendre l'aspect d'une fixation temporaire de jour- naliers qui venaient se louer pour les travaux agri- coles. Descentes pacifiques, absorption de main- d'œuvre par la plaine, ce sont là des formes de géo- graphie humaine permanentes, familières à tous les pays méditerranéens.

Mais survienne dans la montagne une sécheresse prolongée qui décime le bétail, coïncidant avec une surpopulation momentanée, alors l'équilibre se rompt et la descente des montagnards, désormais violente, prend des aspects d'invasion et de con- quête : c'est la phase aiguë qui transforme en mo-

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ment historique un mouvement lent et continu de caractère géographique. Nous connaissons trois, au moins, de ces grandes descentes qui ont frappé les historiens anciens : la fin du VI siècle, le dernier tiers du V siècle, et le milieu du IV siècle, si im- portant pour le développement de Rome. Puis, le mouvement s'apaise de lui-même, redevient normal et régulier : les envahisseurs se transforment à leur tour en sédentaires qui, une ou deux générations plus tard, s'opposeront aux nouveaux montagnards qui descendent. Dans une telle évolution, les civi- lisations urbaines sont périodiquement mises en pé- ril : on ne peut comprendre l'histoire de l'Italie et de Rome du VI au III siècle av. J.-C. sans avoir à l'esprit cette antithèse entre l'urbs et le pagus, entre les milieux urbains et les mondes ruraux de la montagne.

C'est dans cette perspective qu'il faut replacer la « Révo- lution de 509 » si importante pour les débuts de la République romaine. Il y a, autour de cette date, une coïncidence frappante entre la première grande descente des montagnards et l'état de moindre résistance offert par des civilisations urbaines qui se déchirent en rivalités commerciales : les Grecs s'opposent entre eux ou aux Etrusques. Ainsi, par exemple, en 530, la ville de Siris est détruite par sa voisine Sybaris qu'elle concur- rençait pour le portage dans le Bruttium ; Sybaris, à son tour, sera détruite en 510 par Crotone, alliée à d'autres cités grecques. Or, Sybaris était une des rares villes grecques avec lesquelles les Etrusques entretenaient de bons rapports ; bien plus, elle était pour eux le seul port d'accès vers un Orient avec lequel ils avaient gardé des relations culturelles et commerciales impossibles à établir par le détroit de Messine que contrôlaient des Grecs hostiles. C'est pourquoi Sybaris était le port de transit obligatoire pour les marchandises de luxe que les Etrusques recevaient de Milet : ces échanges avec Milet cor- respondaient, en Etrurie, à une grande prospérité économique et à la phase ionisante, si riche, de leur art. La destruction de Sybaris signifia pour les Etrusques, coupés de l'Orient, un début d'asphyxie économique et une aggravation des conflits avec les Grecs. Ainsi, ces milieux urbains d'Italie se nuisaient

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par leurs progrès mêmes : les Grecs isolaient les Etrusques de l'Orient et les Etrusques avaient empêché les Grecs de colo- niser au nord de Cumes.

Et c'est à ce moment, aux environs de 509, que se produit brutalement la descente des montagnards plus ou moins contenus, jusque-là, par les citadins des régions littorales : les Samnites déferlent vers l'Apulie, les Lucaniens vers le golfe de Tarente, les Iapyges vers le Bruttium, et les Sabins vers le La- tium. La révolte de 509 doit s'interpréter, dans la perspective de cette invasion sabine, jointe à une révolte des Latins contre les Etrusques où Rome semble n'avoir joué qu'un rôle secondaire. Plus tard, les historiens romains, avec de multiples anecdotes, transformeront cet événement en révolution inté- rieure du peuple romain contre des tyrans étrangers, les Tarquins, et en feront l'acte de naissance de la République romaine.

Tite-Live lui-même, qui écrit au temps d'Auguste alors que Rome domine déjà le monde, ne dis- cute guère ses sources, les fastes et l'annalistique. Mais sur cette période obscure des débuts de la République, l'archéologie peut nous apporter de précieux renseignements. A la suite de fouilles récentes (1) (1), on a pu constater que l'importa- tion de poteries helléniques continua normalement à Rome et dans le Latium, après 509, et jusque vers 475 où elle s'interrompit brusquement, sans doute au moment de la défaite étrusque de Cumes. Le recul tyrrhénien n'aurait donc véritablement commencé qu'à cette époque et il n'est peut être pas certain que les Etrusques aient quitté défini- tivement Rome dès 509. La ville a pu connaître

(1) Les chiffres gras indiqués en cours de texte, à titre de notes, renvoient à la bibliographie numérotée, placée à la fin de l'ouvrage.

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encore, pendant un quart de siècle, des périodes de domination étrusque, ce qui permettrait de mieux comprendre l'épisode de Porsenna et la construction, après 509, de temples décorés par des artistes grecs comme au temps des Tarquins. Alors, compte tenu de ce décalage, peut se situer le début de cette cou- pure des influences grecques et orientales, de ce hiatus si important pour l'histoire ultérieure de Rome où l'arrivée de nouveaux éléments italiotes, dans un milieu sabin et latin préexistant, se traduisit par un certain rajeunissement, par une certaine rudesse que la cité n'aurait peut-être pas connus si elle était de- meurée dans un foyer de civilisation gréco-étrusque.

On ne peut concevoir, de même, un régime répu- blicain fondé de toutes pièces avec des institutions bien établies, en 509, et accepter totalement le processus traditionnel d'un conflit entre le patriciat et la plèbe qui aurait déjà existé à l'époque royale et qui fut ensuite jalonné par les étapes victorieuses de la montée plébéienne : création du tribunat, loi des Douze Tables et lois liciniennes. En réalité, la République romaine doit beaucoup aux rois étrusques qui ont transformé en urbs une société en majorité rurale encore.

La Rome des premiers âges était fondée sur des tribus à structure gentilice exprimées politiquement par des curies qui furent la première forme du Sénat romain, le pouvoir appartenant à quelques grandes familles dont les genres de vie, la richesse et les horizons étaient uniquement terriens. Il fallut l'ar- rivée des Etrusques pour donner à Rome son visage véritable de ville dans son aspect matériel comme dans son organisation institutionnelle.

La Rome étrusque du VI siècle est donc devenue une ville importante et se place peut-être après Syracuse et Tarente, tout au moins si l'on tient compte des fortifications. Les

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fouilles récentes entreprises par l'Ecole de Rome, près de Sainte-Sabine, ont prouvé, en effet, que le mur servien, c'est- à-dire le rempart daté traditionnellement du IV siècle av. J.-C. a bien été édifié au temps de Servius Tullius, au VI siècle av. J.-C. Son périmètre — 10 km — montre l'ampleur des travaux réalisés par les Etrusques, à qui l'on doit également un collecteur et un temple, l'un des plus vastes de l'Italie. L'urbs en formation attire les immigrants et présente une certaine animation. C'est encore une cité d'importance moyenne dont l'agriculture demeure l'activité essentielle, mais c'est bien une ville où s'exercent les influences religieuses et artistiques de l'Etrurie.

C'est pendant le règne de Servius Tullius, le Mastarna des Etrusques, que s'accomplirent surtout ces transformations. Servius fut un souverain autoritaire, qui brisa les cadres gen- tilices de l'ancienne Rome, et les remplaça par une commu- nauté de citoyens, le populus. Il existe bien un seul corps de citoyens, dont tous les membres ont des droits égaux : le jus connubii, le droit de contracter mariage sans restriction, le jus civilis et le jus commercii, qui impliquent l'égalité des droits en matière économique et sociale, et le jus suffragii, c'est-à-dire le droit de vote pour tous, même pour le peuple : on relève, en effet, des noms de plébéiens parmi les sénateurs, mais ce terme de plébéien ne doit pas laisser sup- poser qu'il y ait deux ordres séparés, le patriciat et la plèbe à l'époque royale. Bien entendu, on remarque une dispro- portion évidente entre les grandes familles de propriétaires fonciers et les classes les plus pauvres, artisans, petits com- merçants de la ville et paysans qui ont reçu deux jugères sur les terres publiques. Des liens de clientèle sont déjà noués entre ces différents groupes sociaux, mais il n'y a pas, à l'inté- rieur de ce populus, d'ordres distincts, et à plus forte raison, pas encore de conflit entre ce qui sera plus tard le patriciat et la plèbe. Et cette situation s'explique par la forte organisation qu'imposa Servius Tullius.

II. — Le problème de la réforme servienne La tradition place au VI siècle la classification

des citoyens romains en centuries d'après leur for- tune, qui fut la première forme de la Constitution de Rome. Les historiens modernes ont aisément prouvé qu'une telle classification était impossible

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à une époque où il n'y avait pas de monnaie ro- maine, et ont placé au III siècle av. J.-C. la cons- titution dite servienne. Cependant, la tradition re- pose sur quelque chose de réel et les travaux des savants italiens Fraccaro et Bernardi, et surtout de l'historien anglais Hugh Last (2) ont, semble- t-il, démontré qu'il y a bien une organisation ser- vienne du vie siècle, fondée sur une évaluation des biens sans doute moins rigoureuse que l'échelle monétaire classique, mais donnant tout de même à Rome une structure sociale et politique que con- servera le régime républicain. Pourquoi donc les rois étrusques ont-ils ainsi classé les éléments d'un populus qu'ils avaient organisé ?

Essentiellement pour intégrer à des fins mili- taires les étrangers de condition libre, domiciliés dans le territoire romain. La politique extérieure active des chefs étrusques avait, par le refoulement des Sabins et un début d'expansion contre les Volsques et les Eques, donné une certaine préémi- nence à Rome, dans le Latium. Et c'est pourquoi l'armée romaine, de gentilice qu'elle était, devint, pour des besoins militaires, nationale. Elle était recrutée parmi tous les citoyens anciens ou récem- ment admis, que la réforme servienne répartit à l'intérieur de circonscriptions territoriales nou- velles qui sont les tribus. Ces dernières ne sont pas, comme le croyait Mommsen, des cadres territoriaux fondés exclusivement sur la propriété foncière, mais sont constituées par l'ensemble des individus et des familles vivant à l'intérieur de cette circonscription. Et c'est pourquoi il y a populus et non plus orga- nisation gentilice, car la tribu fondée sur le domicile l'emporte maintenant sur la curie, fondée sur le lien de parenté gentilice. A la même époque, à Athènes, la réforme de Clisthènes, par la division

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de l'Attique en dèmes, marquait la dislocation finale du génos. Est-il étonnant de considérer à Rome, dès cette époque, des tribus à caractère topo- graphique ? Pas tellement si l'on songe que toute la politique romaine ultérieure consistera à intégrer des éléments italiens dans des nouvelles tribus qui s'ajouteront aux seize tribus rustiques serviennes, en dehors des quatre tribus urbaines dont l'origine demeure obscure.

Ainsi, à l'intérieur des tribus, les habitants étaient recensés pour l'armée. Un tel recensement implique un cens qui confère la citoyenneté effective, c'est-à-dire une liste détaillée et tenue à jour des hommes susceptibles d'être recrutés. Il ne faut pas confondre ce cens à but militaire avec l'évaluation des fortunes établie plus tard par les censeurs à Rome, car la censure en tant que magistrature ne sera créée que dans la deuxième moitié du V siècle.

C'est donc à partir des tribus qu'est constituée l'armée romaine : c'est une armée nationale, parce que ce n'est plus l'armée des chefs de gentes, mais d'une société où l'on part du principe que le soldat doit fournir lui-même son équipement et ses armes : c'est pourquoi le cens distingue, parmi les citoyens de la tribu, des classes mobilisables, fondées sur la richesse. Ces classes étaient elles-mêmes divisées en centuries : la centurie était la cellule de base de l'armée et, à l'origine, com- prenait cent hommes. Mais, sur le nombre exact de classes et de centuries, les divergences entre historiens sont nombreuses. Pour M. H. Last, la division en cinq classes correspond bien à l'époque servienne et la légion romaine était divisée en soixante centuries, soit un effectif de six mille hommes : les trois premières classes étaient celles des hoplites, citoyens capa- bles de fournir un équipement lourd. Pour M. Bernardi (3), il ne peut exister, à cette époque, qu'une classis correspondant à un effectif de quatre mille hommes, soit quarante centuries : les troupes légères n'étaient levées qu'exceptionnellement parmi les membres de l'infra classem, alors que, selon H. Last, elles représentaient les citoyens des deux dernières classes. M. Piganiol, du reste, ne place la création de la classis que dans la deuxième moitié du V siècle.

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1968-3 - Imp. des Presses Universitaires de France, Vendôme (France) IMPRIMÉ EN FRANCE

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