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La sédimentation en milieu océanique. Préparation à l’agrégation SV-STU, Université d’Orsay Leçon de contre-option (niveau général) de géologie Proposition de plan par : Mathieu Rodriguez, Pr. Agrégé & Dr. Géologie marine. Adresse mail : [email protected] Introduction : Définition du sujet: Sédimentation : ensemble des processus d’érosion, d’altération, de transport et de dépôts des particules sédimentaires dans un environnement donné. Domaine océanique : étendue d’eau salée dont le substrat est de la croûte océanique (basaltique). Cette définition exclut le plateau continental [Cependant, à faible profondeur, des récifs frangeants se développent sur le flanc d’édifices volcaniques, comme par exemple au niveau des points chauds. Le substratum étant de composition basaltique, ce mode de sédimentation est inclus dans le sujet.] Les océans recouvrent 70% de la surface de la terre. Si l’on exclut les marges, ce pourcentage n’est plus que de 50%. Présenter les grandes provinces morphologiques du domaine océanique : plateau continental, pente, glacis, abysses, dorsales, zones de subduction. Le domaine océanique est un bassin sédimentaire car il s’agit d’une dépression dans laquelle se déposent les sédiments. Rappels : paramètres physico-chimiques d’un océan : salinité de l’eau ~35, température (30°C en surface, -2°C dans les grands fonds + notion de pycnocline (à 200m de fond)). La différence latitudinale de T° est à l’origine de la circulation thermohaline et des courants de fond. Difficultés d’observation des grands fonds sous-marins : les fortes pressions empêchent les observations directes. Au cours des 30 dernières années : développement de nouvelles technologies permettant d’étudier la sédimentation océanique, en parallèle des études réalisées à Terre sur les formations sédimentaires émergées. Problématique : *Mise en évidence de la diversité des sédiments, de leur nature, et de leur répartition. Quels sont les sources et les modes de sédimentation dominants ? Quels sont les facteurs qui déterminent cette répartition ? *Quelles sont les morphologies et les structures associées aux dépôts sédimentaires ? Comment les dépôts sédimentaires se forment ? Quels sont les processus mécaniques et chimiques impliqués ? *Quels sont les paramètres de contrôle de la sédimentation au cours du temps ?

La sédimentation en milieu océanique · Le domaine océanique est un bassin sédimentaire car il s’agit d’une dépression dans laquelle se déposent les sédiments. Rappels

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La sédimentation en milieu océanique.

Préparation à l’agrégation SV-STU, Université d’Orsay

Leçon de contre-option (niveau général) de géologie

Proposition de plan par :

Mathieu Rodriguez, Pr. Agrégé & Dr. Géologie marine.

Adresse mail : [email protected]

Introduction : Définition du sujet:

Sédimentation : ensemble des processus d’érosion, d’altération, de transport et de dépôts des particules sédimentaires dans un environnement donné.

Domaine océanique : étendue d’eau salée dont le substrat est de la croûte océanique (basaltique). Cette définition exclut le plateau continental [Cependant, à faible profondeur, des récifs frangeants se développent sur le flanc d’édifices volcaniques, comme par exemple au niveau des points chauds. Le substratum étant de composition basaltique, ce mode de sédimentation est inclus dans le sujet.] Les océans recouvrent 70% de la surface de la terre. Si l’on exclut les marges, ce pourcentage n’est plus que de 50%.

Présenter les grandes provinces morphologiques du domaine océanique : plateau continental, pente, glacis, abysses, dorsales, zones de subduction. Le domaine océanique est un bassin sédimentaire car il s’agit d’une dépression dans laquelle se déposent les sédiments.

Rappels : paramètres physico-chimiques d’un océan : salinité de l’eau ~35, température (30°C en surface, -2°C dans les grands fonds + notion de pycnocline (à 200m de fond)). La différence latitudinale de T° est à l’origine de la circulation thermohaline et des courants de fond.

Difficultés d’observation des grands fonds sous-marins : les fortes pressions empêchent les observations directes. Au cours des 30 dernières années : développement de nouvelles technologies permettant d’étudier la sédimentation océanique, en parallèle des études réalisées à Terre sur les formations sédimentaires émergées.

Problématique :

*Mise en évidence de la diversité des sédiments, de leur nature, et de leur répartition. Quels sont les sources et les modes de sédimentation dominants ? Quels sont les facteurs qui déterminent cette répartition ?

*Quelles sont les morphologies et les structures associées aux dépôts sédimentaires ? Comment les dépôts sédimentaires se forment ? Quels sont les processus mécaniques et chimiques impliqués ?

*Quels sont les paramètres de contrôle de la sédimentation au cours du temps ?

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1) Origine, diversité et répartition des sédiments océaniques. A) Les techniques d’exploration des milieux sous-marins profonds.

a) L’imagerie sous-marine.

Les sondeurs multi-faisceaux, le SAR. Objectifs : Description de la topographie et de la morphologie des fonds sous-marins.

b) La sismique réflexion.

Objectifs : Faciès sismique : indications sur la nature des dépôts. Etude de la structure des dépôts/ Stratigraphie.

c) les carottiers et les forages

Objectifs : Nature des dépôts, séquence, datations des dépôts, stratigraphie.

Principe de toutes ces techniques résumé in : Océanologie, Biju-Duval & Savoye.

B) Répartition mondiale des différents types de sédiments. La répartition des principaux faciès sédimentaires dans les océans actuels révèle la prédominance

de deux modes de sédimentation. La sédimentation détritique est localisée sur les marges passives. Les figures les plus frappantes sont les grands éventails turbiditiques situés à l’embouchure des grands fleuves, comme l’Indus ou l’Amazone, dont l’épaisseur des dépôts dépasse parfois la dizaine de kilomètres, et ceci sur des superficies pouvant dépasser le million de km². Les plates formes sont également dominées sous les tropiques par la sédimentation carbonatée, formée par les organismes récifaux. Dans les océans, le plancton est responsable de la sédimentation de boue calcaire, composées de coccolithes ou de Foraminifères. Au niveau des pôles, ou des zones d’upwelling, une fraction biogène siliceuse s’exprime sous la forme de diatomées ou de radiolaires. Dans les grandes plaines abyssales, là où aucun autre mode de sédimentation ne s’exprime, les fonds sont tapissés de boues rouges pélagiques, à très faibles taux de sédimentation.

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On distingue différentes fractions :

a) Volcanogène :

Dorsales, points chauds, arc volcaniques. Téphras. Ecoulements pyroclastiques évoluant en courant de turbidité lors de l’entrée en mer. Grand intérêt pour la stratigraphie évènementielle.

b) Authigène :

Sédiments néoformés par diagenèse, sur place. 1% de la sédimentation totale. Faible taux de sédimentation (1mm/1000 ans), mais sur de grandes surfaces. Exemple : les boues rouges des grands fonds. S’expriment là où les autres modes de sédimentation ne se manifestent pas.

c) Biogène : Deux grands types : carbonaté et siliceux. Ne pas oublier : Sédimentation récifale, dans eau non turbide, dont la température est comprise entre 18 et 25°C, et la Matière organique, 1% de la sédimentation totale mais grand intérêt économique (pétrôle)!

d) Terrigène :

Fraction la plus importante des apports vers l’océan. Rôle majeur des fleuves : représentent 90% des apports terrigènes, soit 18 Gt/an. Dont : 65% en suspension (vaste répartition), 20% dissous (alimente fraction authigène), 15% Transport sur le fond (proche des continents). Autres sources d’apports terrigènes glaciers et icebergs, vent, érosion côtière.

e) Autres sources :

Les pockmarks, les clathrates, les volcans de boue…c-à-d les phénomènes liés à l’échappement de fluides.

C) Les facteurs de répartition de la sédimentation océanique. a) Facteurs de répartition de la sédimentation terrigène

La position des grands fleuves et des grandes chaînes de montagne contrôle la position des grands systèmes turbiditiques : par exemple, les éventails de l’Indus, du Bengale ou du Brahmapoutre reçoivent les produits de l’érosion de l’Himalaya. En Méditerranée, l’éventail du Nil est alimenté par un fleuve qui traverse la moitié du continent africain. Dans le passé, l’érosion des grandes montagnes a donc dû favoriser la sédimentation détritique (cependant les relations entre surrection d’un relief et érosion sont très complexes et sont actuellement profondément remises en question dans la communauté scientifique). Les zones sismiques favorisent les glissements de terrain et les courants de turbidité. Les zones balayées par les courants de fond favorisent les dépôts de contourites : la répartition de ce type de sédimentation est donc dépendante de la circulation thermo-haline. Les grands courants contrôlent également la trajectoire des icebergs/ dépôts d’IRD. A la physiographie se rajoute le contrôle exercé par les ceintures climatiques. L’axe de rotation de la terre étant incliné, l’insolation varie avec la latitude. Il en résulte différents couverts végétaux, et différents sols. Les sols équatoriaux sont les plus sensibles à l’altération, alors que celle-ci est faible dans les zones froides (podzols). D’autre part, les variations latitudinales de la pluviométrie contrôle le régime des crues, et donc les apports à l’océan.

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Exemples de corps contouritiques observés par sismique réflexion dans le Golfe de Cadix, au large de

Gibraltar. Les dépôts sont ici formés par la veine d’eau méditerranéenne.

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b) Facteurs de répartition de la sédimentation biogène

Les dépôts récifaux sont localisés sous les tropiques. Les coraux sont des organismes symbiotiques qui nécessitent un milieu et une niche écologique particulière pour se développer : des eaux chaudes (18 à 25°C), et peu profondes pour pouvoir capter la lumière (<100m). C’est pourquoi ces dépôts sont essentiellement localisés sur les hauts fonds océaniques, les rides asismiques, les plateaux océaniques ou encore les volcans de point chaud. Notons l’exception des récifs d’eaux froides. Les sédiments calcaires à moindre teneur en CaCO3 (30 à 60%) sont situés dans les profondeurs au dessus de la CCD, en dessous de laquelle ils sont dissous. La CCD (pour Calcite Compensation Depth) est fonction de la concentration en CO2 des eaux océaniques. En surface, les eaux sont appauvries en CO2 par l’activité photosynthétique du phytoplancton. En revanche, elles sont enrichies en profondeur par l’oxydation de la matière organique qui sédimente vers le fond. Plus une eau est riche en C02, plus elle est acide et corrosive. La dissolution des carbonates se fait selon l’équation : CaCO3+CO2+H2O = Ca2+

+ 2HCO3-. La profondeur de la CCD est d’environ 5000 m, cependant le pouvoir de dissolution des eaux augmente dès 4000 m, lorsque l’on passe la lysocline. L’aragonite, autre état cristallin des carbonates, est plus sensible à la dissolution, et commence à disparaître vers 2000 m de profondeur. Cependant, la circulation thermo-haline génère une variation de la profondeur de la CCD à la surface du globe : en effet, les eaux profondes de l’Atlantique sont jeunes, et peu concentrées en CO2, contrairement aux eaux du Pacifique qui se sont enrichies du CO2 issu de la décomposition de la matière organique tout au long de leur parcours, sur une durée d’environ 800 ans. Par conséquent, la profondeur de la CCD est de 5000 m dans l’Atlantique, contre 4300 m dans le Pacifique. La sédimentation biogène siliceuse est soumise à un contrôle qui est lié à celui de la sédimentation carbonatée. Les eaux des hautes latitudes sont peu concentrées en CO2, ce qui explique la dominance de la sédimentation siliceuse par rapport à la sédimentation carbonatée. Au niveau de l’équateur, les sédiments siliceux sont rencontrés dans les grands fonds, en dessous des profondeurs de la CCD. Ces dépôts ne sont pas, contrairement aux ceintures des hautes latitudes, l’image d’une forte productivité siliceuse : le faciès siliceux s’exprime par défaut, les carbonates ayant été dissous. Les zones d’upwelling (ex. les côtes du Chili) favorisent la production siliceuse, en raison de la remontée d’eaux enrichies en nutriments. Tout comme les carbonates, les sédiments siliceux sont dissous avec la profondeur, mais par des mécanismes différents : en effet, l’eau étant sous saturée en SiO2, la dissolution est immédiate dès lors que la matière organique est décomposée. On estime que seuls 2% de la production siliceuse initiale sont conservés dans les sédiments. La sédimentation biogène semble donc contrôlée par la productivité (elle-même dépendante de la température des eaux et de la lumière pour le phytoplancton), mais aussi par les paramètres géochimiques de l’océan, qui varient dans l’espace à cause de la circulation thermo-haline. Un contrôle bathymétrique s’exerce également dans le cas de la silice des grands fonds équatoriaux. In fine, c’est la profondeur de l’océan qui contrôle la répartition.

Par la suite, ne traiter que des fractions terrigènes et biogènes, en raison de leur expression dominante dans la sédimentation mondiale.

2) Les processus de dépôt des sédiments en milieu océanique. A) Les processus gravitaires

Les processus gravitaires sont définis comme l’ensemble des processus de transport de sédiments de la plate-forme vers les fonds abyssaux réalisés sous l’action de la gravité. Il s’agit des glissements de terrain, des écoulements et des courants de gravité. Ils constituent le mécanisme majeur de transfert de matériel détritique du continent vers l’océan. En fonction de la présence de fluides interstitiels en son sein, la masse de sédiments déstabilisée évolue de façon différente lorsqu’elle dévale la pente continentale. Un tri des particules sédimentaires s’opère selon le mode de transport impliqué. L’analyse des séquences de dépôt permet donc de déterminer le processus de transport à

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l’origine du dépôt. Les turbidites sont les dépôts associés à un processus gravitaire particulier : les courants de turbidité (CT), encore appelés avalanches sous –marines.

La séquence des turbidites, hydrodynamique de l’environnement de dépôt L’étude de la séquence de Bouma permet de reconstituer les propriétés hydrodynamiques du CT et leur évolution au cours de sa propagation. _La séquence de Bouma comprend 5 termes, et évolue de la base au sommet selon un granoclassement normal (=décroissant). Elle débute par une surface d’érosion, qui correspond au matériel érodé par le passage du courant de turbidité à l’origine du dépôt. Il est impossible de connaître la quantité de temps enregistrée par cette surface d’érosion. Le premier terme (Ta) au sens strict est composé de sables grossiers, à tri hétérogène. Il correspond au dépôt d’un écoulement hyperconcentré. _Les termes suivants correspondent à des dépôts d’écoulement turbulent : Le terme Tb est composé de sables fins et laminés qui évoluent vers le terme Tc composé de silts plus fins. Le terme Tc est structuré par des laminations obliques, ou des convolutes qui résultent de la déstructuration des lamines par échappement de l’eau. Le terme Td est formé par une alternance de silts et d’argiles. Enfin, le terme Te est composé d’hémipélagites qui correspondent à la décantation finale des particules fines encore en suspension dans le nuage turbide en fin de parcours. La grano- décroissance atteste de la perte d’énergie, et donc de compétence, du CT au cours du temps et en un endroit donné. Le dépôt de l’ensemble de la séquence se fait en quelques heures, quelques jours au maximum et confirme le caractère évènementiel des CT.

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Le déclenchement d'un glissement de terrain et son évolution en courant de turbidité. Le déclenchement d’un glissement de terrain correspond à la rupture d’un plan de faiblesse dans la roche. Les processus à l’origine de la rupture sont divers : _ La simple action de la gravité, c’est-à-dire la présence d’une forte pente, peut suffire à déstabiliser un terrain (Le terme d’instabilité gravitaire fait cependant référence à la gravité en tant que moteur des glissements, et non en tant que facteur déclenchant). Cependant, toutes les zones de forte pente ne sont pas forcément le siège de déstabilisation importante, une forte cohésion des sédiments pouvant contrecarrer le rôle de la gravité. Le glissement de terre Neuve s'est initié sur une pente inférieure à 2°. _ Les séismes : la propagation des ondes sismiques génère une surpression interstitielle capable de liquéfier les sédiments, et d’entraîner leur déstabilisation. _ De la même façon, la houle générée par les tempêtes peut déstabiliser les sédiments dans les zones peu profondes (limite d’action des vagues de tempêtes à environ 100-120 m). _ Les forts taux de sédimentation peuvent induire un surpoids et faciliter l’action de la gravité, même sur une pente modérée. _ Les remontées de gaz.

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L’ensemble de ces processus jouent sur le comportement rhéologique des sédiments, qui se fluidifient. Les glissements peuvent rester cohésif et se déposer au pied de la pente. Les plus grands glissements ont souvent lieu sur les flancs de volcans (ex. 5000 km3 à Hawaï). Le plus grand glissement connu, le glissement des Aiguilles, situé sur le passage du courant du même nom au large de l’Afrique du Sud, aurait mobilisé plus de 20 000 km3. Lorsque les glissements perdent leur cohésion, ils évoluent en écoulement, qui sont de nature diverses : _ Lorsque la pression interne de fluide est maintenue, nous avons des coulées liquéfiées. _ Lorsqu’une matrice cohésive permet de transporter les blocs ensemble, nous avons des coulées (ou avalanches) de débris. _ Lorsque les blocs et les grains s’entrechoquent et dispersent l’énergie de l’écoulement, nous avons des coulées granulaires. Ces écoulements sont laminaires, mais ils incorporent de l’eau au fur et à mesure de leur déplacement, ce qui a pour effet de diluer les écoulements et d’augmenter leur turbulence. La turbulence permet de maintenir la matière en suspension, et, conjointement avec la dilution du matériel, augmente l’efficacité du transport des sédiments. Par exemple, les 200 km3

de matériel mobilisés par l’évènement des grands bancs de Terre Neuve en 1929 se sont propagé sur plus de 1000 km. Lorsqu’un écoulement devient turbulent, il s’agit d’un courant de turbidité !!!

(Rappel : la turbulence d’un écoulement se caractérise par le nombre de Reynolds : Re= uh/v Avec : h, hauteur de l’écoulement ; u, vitesse de l’écoulement ; v, viscosité.

Si Re est inférieur à 500, l’écoulement est laminaire ; supérieur à 2000, l’écoulement est turbulent ; entre 500 et 2000: l’écoulement adopte un régime transitoire)

Ces processus impriment une forte signature sur la morphologie des marges continentales.

Architecture et répartition spatiale des séquences de dépôts dans les systèmes turbiditiques profonds actuels

Le canyon

Le canyon est situé à l’embouchure d’un fleuve, et entaille la pente continentale. Il correspond à la voie de transit de la matière détritique continentale. La morphologie résulte de l’érosion par les cours d’eau qui creusent leur substrat pour atteindre leur profil d’équilibre en période de bas NM, ainsi que

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des multiples instabilités gravitaires qui se produisent sur les flancs des canyons en réponse aux fortes pentes générées par le surcreusement. Le canyon est classiquement divisé en trois domaines morphologiques :

_ La tête : La tête du canyon est confinée dans la pente, mais peut remonter jusqu’au plateau continental et entailler ce dernier, lorsque la connexion avec le fleuve est effective, ou récente.

_ Le corps : Localisé sur la pente continentale, le corps du canyon est caractérisé par des flancs escarpés, dont la pente varie entre 10 et 45°. C’est une dépression étroite et profonde, entaillée par le thalweg sur plusieurs dizaines de km de long. Cette dépression est creusée par les différents évènements turbiditiques qui se succèdent au cours du temps. Les CT sont canalisés par des chenaux, qui forment des méandres et migrent, à la manière des fleuves continentaux. Les migrations des chenaux sculptent des morphologies en terrasse sur les flancs du canyon.

_ L’embouchure : Située au pied de la marge continentale, l’embouchure du canyon correspond à une brusque inflexion de la pente du chenal d’alimentation, ainsi qu’à une diminution de la profondeur de ce chenal.

Le complexe chenal-levée

En bas de pente, les CT sont encore mobiles mais le courant perd de l’énergie en réponse à la diminution de la pente. Ainsi, si les chenaux restent érosifs en amont, ils évoluent vers une morphologie de plus en plus orientée vers le dépôt à l’aval. Les levées sont construites par le débordement des courants de turbidités qui passent par le chenal. La construction des levées est souvent dissymétrique en réponse à la force de Coriolis, qui favorise le débordement des CT vers le flanc nord du chenal (dans l’hémisphère Nord). Les levées sont de moins en moins hautes vers l’aval, en relation avec la diminution de la hauteur du CT au fur et à mesure que le matériel se dépose. Le débordement des CT crée des champs de dunes sédimentaires (sediment waves), comme sur le flanc W du canyon du Var. La morphologie des chenaux se caractérise par leur sinuosité, qui augmente avec l’âge. Les complexes de chenaux-levées sont des structures instables à l’échelle des temps géologiques, et les migrations par avulsion sont fréquentes. La granularité des dépôts de levée varie avec la distance à l’embouchure du canyon, mais aussi sur les flancs des levées, avec la distance à l’axe du chenal. La force du courant détermine la taille des

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éléments transportés : c’est la notion de compétence. Un courant fort peut transporter des éléments de grande taille (sables), alors qu’un courant faible ne peut transporter que des argiles ou des silts. Lorsqu’il atteint le bas de la pente, le CT perd progressivement de l’énergie. De l’amont vers l’aval, la granularité des dépôts devient plus fine, les particules grossières ayant été déposées en amont. Les dépôts de levée deviennent moins épais et leur granularité devient plus fine avec l’éloignement de l’axe du chenal. Les lobes de dépôt

Les lobes de dépôts, ou éventails turbiditiques (deep sea fans) sont situés à l’embouchure des chenaux, qui contrôlent la migration des lobes par avulsion. Ils peuvent atteindre des centaines de km. Les lobes présentent une diversité définie selon la granularité et l’expansion des dépôts, le degré de chenalisation des lobes, et leur surface totale d’extension. Les particules relativement fines qui constituent la partie haute de l’avalanche sous marine ont été déposées au niveau du complexe chenal- levée. Ainsi, le matériel qui arrive au niveau des lobes est plus grossier, de nature sableuse. Les lobes correspondent donc à des dépôts relativement grossiers par rapport aux hémipélagites des grands fonds. De la même façon que pour les dépôts de levées, les dépôts deviennent plus fins avec la distance et la perte progressive de la compétence du CT.

Vitesses des processus gravitaires

Lors de l’évènement de Terre Neuve, en 1929, la masse de sédiment mobilisée par l’écoulement a sectionné les câbles téléphoniques disposés dans les fonds sous-marins. Les heures auxquelles les câbles ont été coupés sont connues, tout comme leur distance à la côte. Cela permet de calculer la vitesse de l’écoulement turbiditique, qui est de l’ordre de 90 km/h . En seulement quelques heures, une forte épaisseur de sédiments est mise en place. Ainsi, dans une formation comme celle des grès d’Annot, composée de bancs gréseux pouvant atteindre 20 m de haut, le temps enregistré par les grès correspond à une durée insignifiante (de quelques heures à quelques jours), l’essentiel du temps étant enregistré dans les fins niveaux inter-turbiditiques sous la forme de surface d’érosion ou de couches pélagiques!

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Heures de rupture des câbles téléphoniques lors de l'évènement de Terre Neuve

B) Les processus pélagiques

La vitesse de sédimentation pélagique peut être approchée par la loi de Stockes. Une mise en garde : il ne faut pas confondre vitesse et taux de sédimentation : la loi Stockes permet de connaître la vitesse de chute de la particule sédimentaire dans la colonne d’eau ; alors que le taux de sédimentation correspond à la quantité de matière déposée en un intervalle de temps donné, qui est plus dépendante des facteurs de contrôle de la sédimentation (ex. productivité planctonique) que de la vitesse de chute des particules.

Loi de Stockes : Vs= 2/9.g. (ρ s – ρ f /η).r²

Avec : g , accélération de la pesanteur ; ρ f, densité du fluide ; ρ s, densité de la particule sédimentaire ; η, viscosité dynamique du fluide ; et r, rayon de la particule.

Attention : loi valable uniquement pour les particules dont r<1mm (voir détails in Dercourt et al.)

[C) Les processus biogènes : croissance des récifs, accumulation des coquilles...Pour le plancton, redondant avec la sédimentation pélagique] A traiter Rapidement!

3) Les facteurs de contrôle de la sédimentation en milieu marin au cours des temps géologiques. A) Les facteurs de contrôle de la sédimentation au quaternaire

Le contexte tectonique a peu varié au cours du quaternaire ; l’examen de cette période a pour but d’étudier le rôle du climat dans le contrôle de la sédimentation. Il existe de nombreuses évidences des variations du NM au cours de cette période : l’une des plus spectaculaires est la présence d’un fleuve Manche entre l’Angleterre et la France, aujourd’hui remplacé par une mer, suite à la fonte des glaces et à la remontée du NM. Le fleuve Manche alimentait au cours de la dernière période glaciaire les systèmes turbiditiques de la marge armoricaine. Actuellement, en période de haut NM, l’activité de ces systèmes est réduite car ils sont déconnectés du fleuve qui les nourrit.

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Les différentes terrasses de coraux qui se succèdent verticalement sur les flancs des volcans (ex. dans les Antilles) sont également les témoins des variations du NM, les coraux ne pouvant vivre que dans la zone photique de l’océan. Les études des isotopes de l’oxygène dans les forages Antarctique (ex. Vostock) ont mis en évidence l’alternance de périodes froides (période glaciaire, durée de 100 000 ans environ) et chaudes (période interglaciaire, durée de 20 000 ans) au niveau des pôles durant le quaternaire. Ces résultats sont à interpréter en parallèle des courbes de variation du δ18O des foraminifères benthiques, qui enregistre les variations du volume des glaces au cours du temps (l’isotope 16O étant piégé dans les glaces en période glaciaire, l’océan montre donc un enrichissement relatif en 18O). L’analyse fine des variations isotopiques de l’oxygène dans les glaces fait apparaître des cycles de différents ordres et périodes, à relier aux paramètres astronomiques de Milankovitch : l’excentricité (100 000 ans) ; l’obliquité (41 000 ans) ; la précession des équinoxes (20 000 ans) A l’échelle du quaternaire, les variations climatiques sont donc à l’origine des variations eustatiques, à travers les variations du volume des glaces contenu dans les calottes.

Si l’on compare à la situation actuelle, les calottes polaires ont généré de nombreuses singularités dans la sédimentation quaternaire : dépôts d’IRD, perturbation de la circulation thermo-haline lors de la fonte des glaces. [On peut discuter la validité du principe d’actualisme concernant la sédimentation détritique quaternaire, si l’on considère que les crues en réponse aux épisodes de fonte des glaces étaient sans commune mesure avec les crues actuelles, et que les débits des fleuves devaient être plus importants.] Ceci a joué un rôle sur la fréquence des turbidites et des hyperpycnites générées à l’embouchure des fleuves. De plus, l’extension des calottes a pu contrôler la physiographie (par exemple, l’extension du bassin versant du fleuve Manche).

B) Les facteurs de contrôle de la sédimentation au Phanérozoïque.

La stratigraphie séquentielle, et l’analyse des cortèges de dépôts, permet d’étudier l’effet des variations du NM sur les dépôts sédimentaires. Il faut préciser que le modèle génétique de Vail n’est pas retrouvé tel quel dans la nature. La plupart des marges n’enregistrent que deux ou trois cortèges, et jamais la « limace » complète n’a été observée. Il s’agit d’un cadre théorique permettant l’interprétation des dépôts à l’échelle des bassins, ainsi que leur corrélation à l’échelle mondiale. A l’aide de profils sismiques, ou d’affleurements, il convient de présenter l’architecture des dépôts ainsi que les surfaces de discontinuités entre les cortèges. Les géométries progradantes sont l’image de régression marine ; tandis que les géométries agradantes sont l’image de transgression. Les surfaces érosives sont marquées par des réflecteurs tronqués en toplap, et se forment pendant les chutes du NM. Les surfaces d’inondation maximale sont marquées par des niveaux condensés, et se forment pendant les transgressions.

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Les variations glacio-eustatiques correspondent aux séquences de 4° à 6° ordre sur la charte de Vail. A l’échelle du phanérozoïque apparaissent des contrôles climatiques et tectoniques (cycles de Wilson) qui agissent sur la sédimentation à plus grande échelle de temps. La tectonique est responsable de la création des bassins sédimentaires et d’une partie de leur évolution, à travers la déchirure continentale. Avec le NM, c’est le principal facteur de contrôle de l’espace disponible. Parmi les évènements tectoniques majeurs, nous pouvons citer la fragmentation de la Pangée durant le mésozoïque, avec un volume des dorsales accru, en réponse à des épisodes magmatiques intenses. Les dorsales sont des reliefs importants (jusqu’à 2000 m d’altitude par rapport aux fonds abyssaux), dont la genèse est à l’origine de transgressions marines (exemple de la transgression Cénomanienne, marquée en France par un niveau de craie oolitique de 200 m d’épaisseur, en réponse à l’ouverture de l’océan Atlantique). L’érosion de grandes montagnes par collision continentale, comme l’Himalaya ou la chaîne hercynienne, a augmenté la fraction terrigène déversée dans les océans. Au mésozoïque, et plus particulièrement au crétacé, on peut considérer qu’il n’y avait pas de calottes polaires (bien que des résultats très récents aient mis en évidence la présence de calottes au crétacé supérieur). Le détroit de Panama était ouvert, et la circulation des eaux de fonds se faisait d’Est en Ouest. Il n’y avait pas de circulation N-S comme actuellement. De plus, la différence de T° entre les eaux de fond et les eaux de surface était quasi-inexistante, contrairement à aujourd’hui où près de 20 ° séparent les eaux de fond (à 2°) des eaux de surfaces (25° en moyenne). De cette absence de différence de température s’ensuit l’absence de brassage des eaux. Si l’on considère que la productivité biologique était plus importante au Crétacé, à cause de l’effet de serre produit par les émissions de gaz associées à l’activité magmatique des dorsales, les strates de l’océan situées en dessous de la zone photique devaient être anoxiques, l’O2 étant consommé par la décomposition du plancton et n’étant pas renouvelé par le brassage des eaux. Ces conditions anoxiques ont favorisé la préservation de la matière organique dans les dépôts sédimentaires, et son évolution en pétrole ou en gaz. Une autre conséquence de l’absence de brassage océanique est une migration de la CCD vers des profondeurs plus superficielles (elle était à 3 km dans l’océan Atlantique il y a 80 Ma, contre 5 km actuellement).

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La circulation thermohaline a été établie il y a seulement 5 Ma, avec la fermeture de Panama. A terme, cela a favorisé la formation d’une calotte glaciaire au pôle Nord.

CONCLUSION : Réaliser un schéma bilan des facteurs de contrôle de la sédimentation. Ci-dessous, exemple pour la sédimentation détritique