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LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION GÉNÉRALE 9 MARS 2020, HEBDOMADAIRE, N° 10 ISSN 0242-5777 LA PERTINENCE DE LA SÉLECTION, LA FIABILITÉ DES ANALYSES NUMÉRO SPÉCIAL 259 Femmes de justice. « La voix des femmes », Aperçu rapide Ombeline Mahuzier et Isabelle Gentil 282 Le tribunal judiciaire : entre carte et Territoire, Étude du praticien Gwenola Joly-Coz 286 L’Association française des femmes juristes en actions, Témoignage Saskia Henninger 258 Anne Levade, être constitutionnel, Portrait par Florence Creux-Thomas 278 Avocat.e.s, Chronique sous la direction de Florence G’sell, avec Stéphane Bortoluzzi, Cécile Caseau-Roche, Stéphanie Grayot-Dirx, Ludovic Jariel, Joël Moret-Bailly et Charles Vautrot- Schwarz 277 Une autre jurisprudence ?, Étude Pascale Deumier 257 Femmes, par Patrice Spinosi, Édito 279 Femmes. Le bracelet anti-rapprochement au service de la lutte contre les violences faites aux femmes, Mot de La Semaine (avec vidéo), Haritini Matsopoulou 284 « Si nous voulons l’égalité et la fin des violences, il faut que le droit passe », 3 questions à Valence Borgia FEMMES ET DROIT

LA SEMAINE JURIDIQUE - Tendance Droit

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Page 1: LA SEMAINE JURIDIQUE - Tendance Droit

LA SEMAINEJURIDIQUE ÉDITION GÉNÉRALE9 MARS 2020, HEBDOMADAIRE, N° 10 ISSN 0242-5777

LA PERTINENCE DE LA SÉLECTION, LA FIABILITÉ DES ANALYSES

NUMÉRO SPÉCIAL

259 Femmes de justice. « La voix des femmes », Aperçu rapide Ombeline Mahuzier et Isabelle Gentil

282 Le tribunal judiciaire : entre carte et Territoire, Étude du praticien Gwenola Joly-Coz

286 L’Association française des femmes juristes en actions, Témoignage Saskia Henninger

258 Anne Levade, être constitutionnel, Portrait par Florence Creux-Thomas

278 Avocat.e.s, Chronique sous la direction de Florence G’sell, avec Stéphane Bortoluzzi, Cécile Caseau-Roche, Stéphanie Grayot-Dirx, Ludovic Jariel, Joël Moret-Bailly et Charles Vautrot-Schwarz

277 Une autre jurisprudence ?, Étude Pascale Deumier

257 Femmes, par Patrice Spinosi, Édito

279 Femmes. Le bracelet anti-rapprochement au service de la lutte contre les violences faites aux femmes, Mot de La Semaine (avec vidéo), Haritini Matsopoulou

284 « Si nous voulons l’égalité et la fi n des violences, il faut que le droit passe », 3 questions à Valence Borgia

FEMMES ET DROIT

Page 2: LA SEMAINE JURIDIQUE - Tendance Droit

La Fondation des Femmes est la structure de référence en France en matière de droits des femmes et de lutte contre les violences faites aux femmes. Grâce aux dons, elle apporte un soutien financier, juridique et matériel aux initiatives associatives à fort impact sur tous le territoire. Les dons ouvrent droit à une réduction d’impôt de 66 %

AGISSEZ. FAITES UN DON À LA FONDATION DES FEMMES.

CHAQUE ANNÉE EN FRANCE,PRÈS DE 220 000 FEMMES SONT VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES.ENSEMBLE, AIDONS-LES !

www.fondationdesfemmes.org

Source : E

tat des lieux de l’O

bservatoire Parisien des violences faites aux femmes (OPVF)

2018.

Page 3: LA SEMAINE JURIDIQUE - Tendance Droit

LA SEMAINE DE LA DOCTRINE

ÉTUDE P. 473

277 Open Data - Une autre jurisprudence ?, par Pascale Deumier

CHRONIQUE P. 480

278 Avocats - Avocats, sous la direction de Florence G’sell, avec Stéphane Bortoluzzi, Cécile Caseau-Roche, Sté-phanie Grayot-Dirx, Ludovic Jariel, Joël Moret-Bailly et Charles Vautrot-Schwarz

Sommaire La Semaine Juridique - Édition Générale - N° 10, 9 mars 2020

LA SEMAINE DU DROIT

ÉDITORIAL P. 437

257 Édito - Femmes, par Patrice Spinosi

DERNIÈRE MINUTE P. 440

ACTEURS P. 441

258 Universités - Anne Levade, être constitutionnel

APERÇUS RAPIDES P. 442

259 Femmes et droit - Femmes de justice. « La voix des femmes », par Ombeline Mahuzier et Isa-belle Gentil

260 Environnement - Rapport « Une justice pour l’environnement ». Des constats lucides et des préco-nisations fortes, sources d’inspi-ration d’un projet de loi en cours d’adoption, par Laurent Fonbaus-tier

■ CIVIL ET PROCÉDURE CIVILE P. 450

261 Journal offi ciel du 27 février au 4 mars 2020

262 Arrêts P de la Cour de cassation du 10 au 23 février 2020

263 Appel - Selon la Cour de cassa-tion, la communication électro-nique assure la célérité et l’effi ca-cité de la procédure d’appel (Cass. 2e civ., 9 janv. 2020, n° 18-24.513, P+B+I) ➤ note Anne Leborgne

■ PÉNAL ET PROCÉDURE PÉNALE P. 454

264 Lutte contre le terrorisme - Publication d’une circulaire de politique pénale en matière de lutte contre le terrorisme (Circ. n° JUSD2003946C, 17 févr. 2020)

265 Journal offi ciel du 13 février au 4 mars 2020

266 Arrêts P de la Cour de cassation du 27 janvier au 9 février 2020

267 Infractions contre les biens - Il n’y a pas délit à fournir l’instru-ment d’une fraude fi scale (Cass. crim., 7 janv. 2020, n° 18-84.755, P+B+I) ➤ note Emmanuel Dreyer

■ AFFAIRES P. 459

268 Journal offi ciel du 27 février au 11 mars 2020

269 Arrêts P de la Cour de cassation du 10 au 23 février 2020

270 Avocats - Retrait d’une SCP : droits patrimoniaux de l’associé et expertise de l’article 1843-4 du Code civil (Cass. 1re civ., 8 janv. 2020, n° 17-13.863, P+B+I) ➤ note Dorothée Gallois-Cochet

■ SOCIAL P. 464

271 Journal offi ciel du 27 février au 4 mars 2020

272 Arrêts P de la Cour de cassation du 10 au 23 février 2020

■ PUBLIC ET FISCAL P. 465

273 Journal offi ciel du 27 février au 4 mars 2020

274 Arrêts P de la Cour de cassation et A du Conseil d’État du 10 au 23 février 2020

275 Environnement - Charte de l’envi-ronnement : le temps de la récolte (Cons. const., 20 déc. 2019, n° 2019-794 DC, Loi d’orientation des mobi-lités ; Cons. const., 31 janv. 2020, n° 2019-823 QPC, Interdiction de la production, du stockage et de la circulation de certains produits phytopharmaceutiques) ➤ note Yann Aguila et Lucie Rollini

EN RÉGION P. 472

Cour d’appel de Reims - Atelier régio-nal de jurisprudence, sous la direction de Catherine Graftieaux

276 Contrat de travail - Le non-res-pect par un salarié de son obliga-tion de confi dentialité justifi e son licenciement pour faute grave (CA Reims, ch. soc., 4 déc. 2019) ➤ act. Frédéric Grégoire

La Conférence des doyens - 2020 : l’année des bouleversements à la faculté de droit et de science politique, par Julien Boudon

VIE DES IDÉES P. 488

279 Violences conjugales - Femmes. Le bracelet anti-rap-prochement au service de la lutte contre les vio-lences faites aux femmes, par Haritini Matsopoulou (avec vidéo)

280 Événement - Libres et égales : une exposition photo sur l’île de la Cité (Île de la cité, Paris, du 6 mars au 8 avril 2020 )

281 Événement - Inauguration de La Cité audacieuse à Paris (5 mars 2020, Fondation des femmes)

Page 4: LA SEMAINE JURIDIQUE - Tendance Droit

ÉTUDE P. 490

282 Justice - Le tribunal judiciaire : entre carte et territoire (L. n° 2019-222, 23 mars 2019), GwenolaJoly-Coz

EN QUESTIONS P. 494

283 Environnement - Un projet de loi pour renforcer la justice environ-nementale, par Béatrice Parance et Sébastien Mabile

INFORMATIONS PROFESSIONNELLES P. 496

284 Femmes et droit - « Si nous voulons l’égalité et la fi n des vio-lences, il faut que le droit passe », 3 questions à Valence Borgia

285 Femmes et droit - Petits-déjeu-ners de l’égalité femmes-hommes (Min. Justice, communiqué, 28 févr. 2020)

286 Femmes et droit - L’Association française des femmes juristes en actions, Témoignage S. Henninger

287 Fête du droit - « Le droit est une science qui a aussi le droit à sa fête ! », 3 questions à Jean-Michel Jude

288 Avocats - Réforme des retraites : les avocats étrillent le recours à l’article 49-3 (CNB, communiqué, 2 mars 2020)

289 Avocats - Une commission sur l’avenir économique de la profes-sion d’avocat (CNB, communiqué, 2 mars 2020)

290 Avocats - Nouvelle composi-tion de la Commission nationale de l’examen d’accès au CRFPA (A. 3 févr. 2020)

291 Professions du droit - Fixation des tarifs réglementés de certains professionnels du droit (D. n° 2020-179, 28 févr. 2020 ; AA. 28 févr. 2020)

292 Notaires - Tarif des notaires (D. n° 2020-179 ; 28 févr. 2020, A. 28 févr. 2020)

LA SEMAINE DU PRATICIEN LA SEMAINE JURIDIQUEJuris-Classeur Périodique (JCP)94e année

Président Directeur Général, Directeur de la publication : Philippe CarillonDirectrice éditoriale : Clémentine [email protected]

Directeur scientifi que : Nicolas Molfessis

Comité scientifi que : D. Bureau, L. Cadiet, C. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel-Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck

Comité d’experts : C. Champalaune, W. Feugère, J.-P. Jean, D. Musson, É. Negron, B. Stirn, L. Vallée, E. Vasseur

Rédactrice en chef : Hélène Béranger Tél. : 01.45.58.93.24 - [email protected]édactrice en chef adjointe : Élise Fils Tél. : 01.45.58.92.86 - elise.fi [email protected]Éditeur : Florence Creux-ThomasTél. : 01.45.58.92.42 - [email protected]

Avec la collaboration de :Ch. Blondel-Angebault, M. Garnier, M. Joseph Parmentier, É. Mallet, Cl. Sirinelli, rédacteurs-analystes JurisData, Cécile Lazarus, N. Berna, coordinatrice ARJ, Joseph Jehl, docteur en droit

Maquette et direction artistique : Philippe BlancMise en page : Studio Orient Express

Publicité :Direction Marketing Opérationnel / Publicité : Caroline Spire, responsable clientèle publicité[email protected] – 01 45 58 94 69Catherine Thevin, responsable du marketing opé[email protected] – 01 45 58 93 05

Correspondance :Hélène BérangerLa Semaine Juridique (Édition générale)141, rue de Javel - 75747 Paris Cedex 15

Relations clients :Tél. : 01 71 72 47 [email protected]

Abonnement annuel 2020 :• France (métropole) : 846.41 euros ttc (829 euros ht)• DOM-TOM et pays étrangers : 915 euros ht

Prix de vente au numéro :• France (métropole) : 35,74 euros ttc (35 euros ht)• DOM-TOM et pays étrangers : 39 euros ht

Offre « spéciale étudiants » : http://etudiant.lexisnexis.fr/

LexisNexis SASA au capital de 1.584.800 euros - 552 029 431 RCS ParisPrincipal associé : Reed Elsevier France SASiège social : 141, rue de Javel - 75747 Paris Cedex 15

Imprimeur : Evoluprint - SGIT SASParc Industriel Euronord, 10, rue du Parc, 31150 Bruguières

Dépôt légal : à parutionCommission paritaire : n° 1121 T 80376

Origine du papier : AllemagneTaux de fi bres recyclées : 6 %Certifi cation : 100 %Impact sur l’eau : PTOT = 0,01 kg / tonne

Sur la diffusion abonnés, deux encarts « Evaluation du Préjudice corporel » et « Revues offre catalogue » sont déposés sur la 3e de couverture

Photos : droits réservés.Image de couverture : © TiphaineEtTalons

@ LexisNexis SA 2020Cette œuvre est protégée par les dispositions du Code de la propriété intellectuelle, notamment par celles de ses dispositions relatives à la propriété littéraire et artistique et aux droits d’auteur. Ces droits sont la propriété exclusive de LexisNexis SA. Toute reproduction intégrale ou partielle, par quelque moyen que ce soit, non autorisée par LexisNexis SA ou ses ayants droit, est strictement interdite.LexisNexis SA se réserve notamment tous droits au titre de la reproduction par reprographie destinée à réaliser des copies de la présente oeuvre sous quelque forme que ce soit aux fi ns de vente, de location, de publicité, de promotion ou de toute autre utili-sation commerciale conformément aux dispositions de l’article L. 122-10 du Code de la propriété intellectuelle relatives à la gestion collective du droit de reproduction par reprographie. Avertissement de l’éditeur : “Toute utilisation ou traitement automatisé, par des tiers, de données personnelles pouvant fi gurer dans cette revue sont formellement interdits”.

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« Portraits de femmes »

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Page 437LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 10 - 9 MARS 2020 - © LEXISNEXIS SA

257

Femmes

La domination masculine craque de toute part. Le droit, comme l’économie ou la politique, ces bastions du conservatisme, n’est pas res-

té à l’écart de ce mouvement majeur de notre société contemporaine. Les femmes en ont marre. Marre de n’être envisagées qu’en considération de leur sexe, marre du regard des hommes en général. Le phénomène initié depuis plusieurs années semble ne connaître aucun plafond de verre. Adèle Hae-nel, en quittant les César, incarne ce moment où les femmes ne cherchent même plus à se justifi er de leur opinion. Utiliser les formes de contestation ou d’explication d’un système dominé par les hommes n’apparaît plus utile. « Désormais on se lève et on se casse », comme l’écrit justement Virginie Despentes dans Libération. La rupture est la seule issue. Bru-tale, frontale, comme une arme, une punition. C’est d’ailleurs peut être la menace que les hommes craignent le plus. Et pour cause, ne plus être regar-dés les a toujours terrifi és. Il faudra pourtant du temps pour que l’ancien monde, arqué sur son phal-lus, comprenne qu’à défaut de changer, il est voué à disparaître. La décision de la Cour de cassation rendue il y a quelques semaines relativement aux Femen illustre bien à quel point nos institutions ont du mal à prendre la mesure de cette nouvelle reven-dication féministe. Une femme avait été poursuivie pour avoir poignardé seins nus une statue de cire de Vladimir Poutine au musée Grévin. La cour d’appel de Paris l’a relaxée par deux fois considérant que le délit d’exhibition sexuelle n’était pas constitué faute

d’intention sexuelle de la jeune femme, laquelle ne visait nullement à offenser la pudeur d’autrui. La solution pouvait sembler, sinon de bon sens, du moins répondre à l’air du temps. Mais la Chambre criminelle a refusé de revenir sur un raisonnement qu’elle avait forgé dans les années 60, dont nous avions déjà dénoncé le caractère largement

anachronique ( Bikini : JCP G 2019, act. 883, Edito ). Pour les hauts magistrats les seins des femmes étant des organes sexuels, les montrer en public doit être qualifi é d’exhibition sexuelle. Ayant quand même conscience de l’inopportunité sociale de cette solu-tion, la Cour de cassation confi rme néanmoins la relaxe en jugeant qu’une condamnation porterait une atteinte disproportionnée à la liberté d’expres-sion. Mais ce faisant, la Cour de cassation se trompe de combat. La question n’était pas tant qu’une femme puisse exhiber sa poitrine en public pour promouvoir un message politique que de lui recon-naître très simplement le droit de disposer libre-ment de son corps. Ce qui était ici dénoncé c’était bien le délit d’exhibition sexuelle en lui-même le-quel n’envisage la femme qu’à travers le regard de l’homme. C’est parce que les hommes voient dans les seins des organes sexuels qu’ils imposent qu’ils ne soient pas dévoilés dans l’espace public. Et cela indifféremment de la volonté de ces femmes dont le corps se voit alors juridiquement contraint par le désir des hommes. Pour légitime et objective qu’elle puisse apparaître en droit, la solution de la Cour de cassation semble bien passer à côté des enjeux de la modernité.

Patrice Spinosi

« Il faudra du temps pour que l’ancien monde, arqué sur son phallus, comprenne qu’à défaut de changer, il est voué à disparaître. »

Page 6: LA SEMAINE JURIDIQUE - Tendance Droit

LA SEMAINE DU DROIT LES ACTEURS

Page 441

258

LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 10 - 9 MARS 2020 - © LEXISNEXIS SA

Universités

258

Anne Levade, être constitutionnel Anne Levade a été désignée membre du collège de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) qui s’est réuni pour la première fois le 18 février. La constitutionnaliste est l’une des rares femmes à s’être imposée dans cette discipline.

crire les statuts du parti puis pour organiser la primaire de 2016. Au milieu des ténors de la droite qui se déchirent, les médias la voient en « Dame de fer ». Entre vives tensions et rebondissements, Anne Levade garde de ces 5 années un souvenir positif et une grande inquiétude : « Après

l’élimination des partis traditionnels au 1 er tour, on a incriminé les primaires. Or la primaire n’est qu’un symptôme. Les partis n’étaient plus légitimes à désigner leur candidat ». Inattendue, l’explosion des partis est, pour cette spécialiste des institutions internes et européennes, « l’une des étapes d’un processus de mise en cause du modèle de la démocratie représentative et de ses insti-tutions ». Ce « dégagisme » rappelle la crise vécue au moment du rejet de la Constitution européenne fondé sur les mêmes critiques : insuffi sance démocratique, technocratie, institutions déconnectées de la réalité. Oui mais, que met-on à la place ? s’inquiète l’universitaire pour qui « Inventer une 6 e République qui serait une nouvelle démo-cratie représentative serait une erreur fatale. Notre Constitution permet de maintenir le bateau à fl ots là où les trous dans la cale sont de plus en plus importants ». Face à cette crise sociale profonde, Anne Levade a accepté de rejoindre l’HATVP. « Les indicateurs de confi ance sont en berne. La Haute autorité est un instrument parmi d’autres de nature à la rétablir ». 6 ans ont passé depuis sa création, 15 000 personnes sont déclarantes et, au 1 er février, l’instance présidée par Didier Migaud est devenue compétente en matière de déontologie de la Haute fonction publique. L’heure n’est plus à la « transparence voyeuriste », les déclarants « jouent le jeu » et l’instance s’est « inscrite dans le paysage institutionnel » constate sa nouvelle membre. Avec les élections muni-cipales et son lot de déclarations, elle est une nouvelle fois placée sous les feux de l’actualité.

Florence Creux-Thomas

À l’université Paris 1 Pan-théon-Sorbonne qu’elle

vient d’intégrer, comme à Créteil pendant 20 ans, Anne Levade est toujours restée fi dèle au rendez-vous. Son cours de droit constitutionnel aux étudiants de première année n’est pas négo-ciable. « Je ne le lâcherai jamais ! C’est un cours fondateur ». Anne Levade, professeure charismatique à la voix chaude marque son auditoire. Inspirée par des professeurs à la forte personnalité, tel Pierre Delvolvé en droit administratif, bachelière précoce, l’étudiante est très tôt fascinée par le droit public et l’État en tant qu’objet juridique. Un parcours brillant et tout tracé - 2 DEA, une thèse intitulée « Souveraineté et compétence des États » lui ouvrent la voie de l’agrégation de droit public en 1998. Le jury est présidé par Louis Favoreu, « l’une de mes bonnes fées avec Guy Carcassonne ». Sur 30 agrégés, 4 femmes. Et une carrière où les femmes ne sont pas légion. « Être une femme ne m’a jamais desservie. Je ne saurais dire si je suis féministe, mais je ne suis pas pour la parité », atteste cette fi lle unique d’un fonctionnaire international de l’Agence spatiale européenne. À l’université, la place des femmes « a beaucoup évolué », d’abord « parce qu’il y en a de plus en plus ». Mais il y a aussi « une désaffection des hommes pour l’université » préoccupante. Anne Levade est rapidement appelée à par-ticiper à des instances publiques. En 2002, à 32 ans, elle est la plus jeune à siéger au sein de la commission Avril sur le statut pénal du chef de l’État. En 2007, au comité Balladur chargé d’une réfl exion sur la révision de la Constitution, elle est la seule représentante féminine. « Les journalistes trouvaient cela terrible, mais je n’en ai jamais souffert ». L’universitaire constate surtout que les travaux de ces comités ont été suivis d’effet. De cette mise en abîme du droit en pra-tique, elle tire une certaine jubilation. À l’UMP, on recourt à son expertise pour réé-

Ils ont dit

« Le sexisme fait système et est présent dans le quoti-dien des femmes. Il y a urgence à rendre visible et à forger des outils dans tous les domaines, afi n de le faire reculer » (B. Grésy, présidente du HCE, 2 mars 2020).

« Être dans la pierre, et pas seulement dans la rue, comme le 25 novembre et le 8 mars [respectivement journées pour l’éli-mination de la violence à l’égard des femmes et de lutte pour les droits de femmes], nous permet d’asseoir nos combats. D’avoir, en quelque sorte, une chambre à soi, comme l’écrivait Virginia Woolf », se félicite Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, lors de la visite de La « Cité audacieuse » (Libération, 3 mars 2020).

« On attendait un geste fort de la garde des Sceaux compte tenu des diffi cultés économiques rencontrées par une partie de la profession, on nous propose une mission », a réagi Christiane Féral-Schuhl, présidente du CNB. « J’aurais préféré que la hausse signifi cative soit chiffrée. On acte un petit pas » (Le Monde, 29 févr. 2020).

« Le contentieux environne-mental représente seu-lement 1 % des condam-nations pénales et 0,5 % des condamnations civiles. Ces chiffres ne refl ètent pas pour autant la réalité des atteintes qui sont portées quotidiennement à l’environnement et à la biodiversité ». L’irruption de la justice négociée devrait permettre « d’apporter une réponse judiciaire plus rapide, ciblant la réparation du préjudice occasionné et responsabi-lisant les entreprises » (N. Belloubet, Le Monde, 5 mars 2020).

« La convention judiciaire d’intérêt public est le prolonge-ment d’une évolution culturelle de la justice. Le plaider-coupable, avec la comparution sur reconnaissance de culpabilité, avait déjà gagné le droit des affaires. Mais ce nouvel outil a permis à la France de montrer, notamment aux États-Unis, qu’elle était en mesure de sanctionner sévè-rement les atteintes à la probité », explique Me Dezeuze (Le Monde, 5 mars 2020).

Page 7: LA SEMAINE JURIDIQUE - Tendance Droit

LA SEMAINE DU DROIT APERÇUS RAPIDES259

Page 442 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 10 - 9 MARS 2020

FEMMES ET DROIT

259

Femmes de justice

➜ L’association Femmes de justice a mis à l’honneur la voix des femmes lors de son assemblée générale du 6 mars 2020 ➜ Leur parole mérite d’être valorisée et entendue ➜ Il est indispensable que les femmes de justice s’emparent des espaces de parole nécessaires à l’expression de leurs idées et de leurs combats en faveur d’une égalité et d’une parité réelle dans leurs parcours professionnels ➜ Femmes de justice les accompagne individuellement et collectivement dans cette conquête essentielle et milite pour que ces voix puissantes soient entendues

«La voix des femmes » c’est le thème central que l’association Femmes de justice a choisi pour

son assemblée générale fi xée, à dessein cette année, le vendredi 6 mars. C’était aussi le titre du premier journal fé-ministe fondé le 20 mars 1848 par Eugénie Niboyet, écrivaine et journaliste militante féministe, publication qui lutta, en vain, au début de la Deuxième République pour que le droit de vote leur soit attribué. Il faudra attendre, hélas, un siècle avant que cette voix et cette exigence soient enten-dues et que ce droit soit enfi n accordé aux femmes, en même temps que celui d’en-trer dans la magistrature. C’est du reste toute la diffi culté lorsque l’on évoque la voix des femmes. S’il est faux de dire qu’elle n’existe pas ou qu’elle serait moins forte que celle des hommes, elle peine en revanche à se faire entendre. Souvent interrompue, décrédibilisée ou récupérée, la parole des femmes est de fait plus inaudible qu’inexistante. De nom-breuses femmes ont décrit ce phénomène qui vient entraver ou étouffer leur voix : « mansplaining, manterrupting, mans-preading », autant de termes évoquant l’art consommé de certains hommes à s’appro-prier d’autorité l’espace de la parole au préjudice des femmes.

1. De la visibilité à l’audibilité Si l’association Femmes de justice milite depuis 2014 pour promouvoir la visibilité des femmes au sein du ministère de la Jus-tice, elle met également tout en œuvre pour que leurs voix soient amplifi ées, écoutées et entendues. La voix des femmes peine en effet à se faire entendre dans un univers largement dominé par la parole des hommes. Au sein des groupes de travail, des formations pro-fessionnelles, des colloques, des audiences solennelles, la parole est encore majoritai-

rement confi ée aux hommes. Plus souvent sollicités que les femmes en qualité de sa-chants ou d’experts dans les colloques ou les formations, plus fréquemment désignés dans les groupes de travail, nos collègues masculins prennent la parole de façon na-turelle et souvent la gardent. Les stéréotypes ont la vie dure, ne qua-lifi e-t-on pas de « ténor » un avocat, un homme politique, dont l’art oratoire jus-tifi e la réputation d’excellence ? Il n’existe pas d’équivalent féminin et le terme « diva » qui pourrait être utilisé aurait immanqua-blement une connotation péjorative, syno-nyme d’une attitude capricieuse plus que de l’expression d’un véritable talent. On cite volontiers (et à raison) l’émotion ressentie à l’écoute de Robert Badinter, prônant à la tribune de l’Assemblée nationale l’abolition de la peine de mort en 1981, mais la parole de Simone Veil, dans la même enceinte, défendant avec force en 1975 le droit des femmes à disposer de leurs corps mérite tout autant de rester dans l’histoire. Celles qui se sont emparées hier de la parole pour en faire le vecteur de leurs combats sont sources d’inspiration pour la généra-tion des femmes d’aujourd’hui. Dans la série que Léa Salamé consacrait, l’été dernier sur une radio nationale, aux « femmes puissantes » Christiane Taubira

POINTS-CLÉS

Ombeline Mahuzier, présidente de l’association Femmes de justice

Isabelle Gentil, secrétaire générale de Femmes de justice

« La voix des femmes »

Page 8: LA SEMAINE JURIDIQUE - Tendance Droit

LA SEMAINE DU DROIT APERÇUS RAPIDES 259

Page 443LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 10 - 9 MARS 2020 - © LEXISNEXIS SA

s’exprimait ainsi : « Une femme puissante, c’est une femme qui peut s’emparer de la parole en toutes circonstances ». Cette parole il faut bien souvent que les femmes s’en emparent car elle ne leur est pas donnée facilement. Vecteur des idées elle est bien source de puissance. Sans elle nous sommes inaudibles individuellement et collectivement. Elle est indispensable pour porter les revendications auprès des décideurs et faire avancer la cause de la pa-rité et de l’égalité professionnelle. Femmes de justice s’y emploie, donnant un écho indispensable aux préoccupations de ses adhérentes et permettant que leurs voix se fassent entendre avec force.

A. - Une parole pour mettre en valeur toutes les femmes de justice

Régulièrement sollicitée par des universités ou des médias, Femmes de justice pour-suit son action de plaidoyer, contribue aux débats publics et prend la parole aux colloques, évènements et conférences aux-quelles elle est conviée. Qu’il s’agisse de mettre en lumière les pionnières, ou les femmes de justice d’au-jourd’hui, cet engagement se traduit par des actions concrètes allant du récit de parcours remarquables, illustrant les publications de l’association, aux multiples interventions lors des assemblées générales, et des évè-nements marquants auxquels Femmes de justice est associée. Ainsi lors du colloque à la Cour de cassa-tion, le 11 mars 2019, intitulé « Femmes, droit et justice », plusieurs représentantes de l’association ont pris place à la tribune pour évoquer le combat mené par les pion-nières et leur rendre hommage, mais aussi pour souligner les diffi cultés qui perdurent aujourd’hui dans le parcours des femmes se heurtant au plafond de verre et subissant un sexisme toujours présent. Le 25 février 2019, à l’invitation de l’Asso-ciation Droit pénal fondamental (ADPF) réunissant les membres du Master 2 Droit pénal fondamental de l’université Paris 1, Panthéon-Sorbonne, Femmes de justice est intervenue lors du débat intitulé « L’accès des femmes à la justice pénale », pour évo-quer les aspects sociologiques de la délin-

quance féminine, mais aussi l’évolution des textes et des pratiques professionnelles dans la prise en charge de la parole et de la souf-france des femmes victimes. En outre Femmes de justice a été associée à plusieurs évènements majeurs, tels le col-loque « La parité en politique » organisé à l’Assemblée nationale le 10 octobre 2019 ou les 1 res Assises de l’égalité organisées par la commission égalité et diversité du Conseil de l’ordre du barreau de Paris le 8 mars 2019.

À travers ses prises de parole publiques, l’association Femmes de justice contribue ainsi à diffuser les connaissances et à sensi-biliser la société aux inégalités réelles et per-sistantes entre les femmes et les hommes, pour enfi n permettre l’émergence d’une culture de l’égalité.

B. - Une parole en faveur d’une égalité réelle

Femmes de justice soutient et encourage toutes les actions destinées à renforcer l’éga-lité femmes-hommes, la parité et la mixité au sein du ministère de la Justice, comme auprès des acteurs publics, et notamment de l’Assemblée nationale. La féminisation des titres et fonctions, pour laquelle Femmes de justice a lutté avec force depuis sa création, a ainsi enfi n trouvé un écho dans une note de la ministre de la Justice du 2 octobre 2018, qui décline, tardivement, la circulaire du premier mi-nistre du 21 novembre 2017 (Circ. n° PR-

MX1732742C : JO 22 nov. 2017, texte n° 4) . La Cour de cassation avait, du reste, déposé sur ce thème un rapport au mois de mai 2019, à l’issue d’un groupe de travail auquel participait Gwenola Joly-Coz, membre

fondatrice et chargée de mission du conseil d’administration de Femmes de justice. Pour autant, force est de constater que l’usage du féminin dans les discours, les titres, les fonctions et les habitudes reste encore très minoritaire, et souvent perçu comme inapte à incarner l’autorité ou la solennité d’une mission, quand il n’est pas tout simplement supposé dévaloriser la fonction ! Femmes de justice s’est ainsi engagée aux côtés de la ministre de la Justice et de la

haute fonctionnaire pour l’égalité femmes/hommes dans l’élaboration d’un texte d’en-gagement pour une parole non sexiste (V. http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Egalite_

FH_Lettre_D_engagement.pdf ). Sa contri-bution à la rédaction de ce texte, signé par les directions d’administration centrale, les écoles du ministère et plusieurs établis-sements, cours d’appels et juridictions, a permis de relayer les voix des femmes, qui s’élevaient depuis longtemps pour deman-der la composition équilibrée des panels d’intervenants dans les tables rondes, la mixité dans les représentations photogra-phiques, et la présence de noms de femmes dans l’espace public comme les noms de salles et de bibliothèques dont elles restent encore très largement exclues. Mais pour que la voix des femmes soit en-tendue, et leur parole dans l’espace public comme au sein des instances de décision considérée comme légitime, encore faut-il qu’une juste place leur soit réservée, dans la société en général et dans le monde du travail en particulier. Auditionnée par la députée Laurence Gayte, dans le cadre du projet de loi sur la transfor-mation de la fonction publique (L. n° 2019-

828, 6 août 2019 : JO 7 sept. 2019, texte

« Pour que la voix des femmes soit entendue, et leur parole dans l’espace public comme au sein des instances de décision considérée comme légitime, encore faut-il qu’une juste place leur soit réservée, dans la société en général et dans le monde du travail en particulier. »

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n° 1) au sein de la Délégation aux droits des femmes à l’Assemblée nationale, Femmes de justice a porté cette conviction, et expli-qué les leviers identifi és en faveur de l’éga-lité réelle femmes/hommes et de la parité et notamment la nécessité de repenser les règles de mobilité, de mieux organiser les temps de travail, de fi xer des objectifs chif-frés et de former tout un chacun aux biais inconscients. L’association a d’ailleurs contribué à l’éla-boration de propositions d’amendements élaborés en commun avec les réseaux fémi-nins de la fonction publique, afi n de voir fi xés des objectifs de nominations pari-taires, et que soient évalués et résorbés les écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes, non justifi és par des diffé-rences de situation.

C. - Une parole collective, qui s’associe à celle d’autres réseaux féminins

Fidèle à ses valeurs d’ouverture, de soro-rité et de dialogue, Femmes de justice a ap-porté sa voix et son énergie au soutien des démarches collectives visant à promou-voir la place des femmes dans la gouver-nance publique, et entretient des relations d’étroite collaboration avec les femmes des ministères de la Culture, de l’Ensei-gnement supérieur et de la Recherche, des Armées, de l’Intérieur, de la Cour des comptes, des Affaires étrangères et de Ber-cy notamment... Toujours engagée auprès des autres réseaux féminins, et adhérente du réseau Admi-nistration moderne (ADMOD) Femmes de justice a par exemple contribué aux courriers communs adressés aux secré-taires d’État Olivier Dussopt et Marlène Schiappa, assisté au colloque organisé par l’association Femmes de l’Intérieur, et par-ticipé aux petits-déjeuners organisés par la mutuelle Intériale en mai et septembre 2019 sur le thème du « bien-être au travail ». De nouveaux partenariats sont venus enri-chir ces échanges et ces réfl exions, comme avec l’association WIIS France, (Women In International Security), qui promeut l’expertise des femmes dans la sécurité et la défense, et nous a invitées à participer à une rencontre « Femmes, paix et sécurité »

organisée le 3 octobre 2019 avec l’ambas-sade du Canada.

2. L’accompagnement professionnel dans la prise de parole

Faire entendre la voix des femmes grâce à leur représentation dans les instances de réfl exion ou de direction ne suffi t pas. Il faut encore favoriser, au-delà des prises de parole collectives l’expression individuelle des femmes et les encourager à oser se faire entendre. Chacune doit pouvoir se sentir capable de s’emparer de la parole et de l’utiliser pour exprimer ses besoins, faire connaître ses idées, défendre ses intérêts, négocier ses conditions de travail, solliciter une promo-tion, faire valoir ses compétences, défendre un dossier.

A. - L’accompagnement professionnel et personnel

Depuis sa création, Femmes de justice pro-pose à ses adhérent . e . s des sessions d’ac-compagnement personnel et professionnel, de mentorat et de coaching. Ces forma-tions, encadrées par des professionnel . le . s sensibilisés à la question du genre et aux freins intériorisés par les femmes, sont des-tinées à faciliter leur expression en situation professionnelle, et à se projeter vers de nou-velles perspectives. Ces ateliers, réalisés à Paris mais aussi en régions, ont permis en 2019 d’accom-pagner davantage d’adhérentes dans la construction de leurs projets : média-training, en partenariat avec des experts du monde de l’audiovisuel, co-dévelop-pement et « personnal branding », per-mettant à chacune de travailler sur la valorisation de ses compétences et de ses talents. Conçus dans un esprit de bienveillance, ces ateliers sont autant d’occasions d’échanges informels où la parole se libère, où les ex-périences s’enrichissent du regard et de la parole des autres et où se nouent des liens de sororité très forts. Des exercices de mises en situation, permettent aussi d’expéri-

menter des techniques de communication, et de travailler, dans le cadre rassurant de l’atelier entre « pairs », sur la prise de parole et la présentation en public. Le verbal y est travaillé comme le non-verbal, afi n que les magistrates et directrices qui y participent prennent conscience de leur valeur et de leurs talents, se libèrent des freins qu’elles ont intériorisés et des contraintes systé-miques qui les entravent, et puissent ainsi faire des choix à la mesure de leur mérite, sereinement et sans autocensure, qu’il s’agisse de candidater sur un nouveau poste, d’entreprendre une activité, ou de s’affi rmer en réunion de travail.

B. - Les actions de formation auprès des écoles du ministère

Parce que la culture de l’égalité n’est pas innée, et que les stéréotypes guident notre inconscient et impactent nos choix, la prise de conscience est un enjeu majeur, et la question de la formation doit être prio-ritaire. Trop peu d’actions de formations encore sont dispensées au sein du ministère de la Justice, pour permettre aux managers comme aux agents de comprendre les res-sorts du plafond de verre, du sexisme ordi-naire, des inégalités professionnelles et des dangers de l’absence de mixité. Paradoxalement, parce que précisément ce ministère est composé très majoritairement de femmes, il a cru longtemps pouvoir se passer d’une politique d’égalité réelle, affi -chée et ambitieuse, considérant que dans ses rangs, très largement féminins, les femmes sortiraient « naturellement » pour prendre leur place, voire « trop » de place. On s’est d’ailleurs interrogé sur la « surféminisation » avant de s’interroger sur l’égalité et la parité. Ainsi les mécanismes systémiques d’évic-tion des femmes et de sous-évaluation de leurs compétences et de leurs mérites ont-ils naturellement perduré. Il est à présent urgent, que la formation à l’éga-lité entre les femmes et les hommes soit renforcée, diversifi ée, et étendue à tous et toutes, à commencer par les plus hauts cercles de décision, de management et de commandement. Femmes de justice souhaite que la sensibili-sation aux biais de genre bénéfi cie à toutes

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les personnes exerçant des responsabilités dans le domaine des ressources humaines du ministère de la Justice, à la direction des services judiciaires, aux membres de cabinets ministériels, aux chefs de cour, de juridiction et d’établissement, aux jurys de sélection et au nouveau Conseil supérieur de la magistrature installé en janvier 2019. L’association est également vigilante à la composition mixte des tables rondes, colloques et séminaires qui sont encore trop souvent composés d’intervenants, de sachants et d’experts très majoritairement masculins. Femmes de justice a ainsi entamé des démarches auprès de plusieurs écoles du ministère, qui ont permis de dessiner les contours d’un partenariat. L’association in-tervient ainsi dans plusieurs programmes de formation de l’ENM, à l’ENG et a entamé un dialogue avec l’ENPJJ et l’ENAP, à cette fi n. Ainsi, sous l’action conjuguée d’une plus grande mixité dans le choix des experts invités à prendre la parole, et de la valori-sation des talents individuels, la voix des femmes deviendra plus audible, plus forte et plus écoutée.

3. Une assemblée générale centrée sur la parole des femmes

L’année 2019 aura marqué un tournant dans la prise de parole des femmes, notam-

ment dans l’espace médiatique qui a relayé la parole des femmes victimes de violences, de harcèlement, d’agressions et de sexisme. Accusatrice, revendicative, expression d’une souffrance ou d’un désir de recon-naissance, cette parole a peu à peu investi l’espace public. C’était indispensable et c’est un grand pas. Le ministère de la Jus-tice d’ailleurs ne dispose toujours pas d’une plateforme de signalement pour détecter et prévenir les violences et le harcèlement sexuel ou sexiste...

Cette parole doit aussi s’entendre comme celle de femmes fortes, capables, debout, compétentes et talentueuses. Pour les professionnelles que nous sommes, faire toute la place à la voix des femmes c’est aussi entendre cette parole symbole d’auto-rité, de pouvoir, et de démocratie. Le 6 mars 2020 place Vendôme, dans ce lieu historique, les adhérentes et adhé-rents de l’association se sont réunis pour une assemblée générale annuelle excep-tionnelle, et ce sont des voix de femmes symboliques et fortes qui ont résonné : celle de Mme Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation. Deu-xième femme dans l’histoire à accéder

ainsi au plus haut poste de la hiérarchie judiciaire, dont le parcours est un modèle pour les générations qui la suivent, c’est aussi une femme engagée en faveur de l’égalité et de la parité, qui a apporté, dès sa création, son soutien à l’association. Sa parole est source d’encouragement et d’espoir, pour les femmes qui peuvent, suivant ses pas et par leurs propres che-mins, accomplir un parcours profession-nel d’excellence. Nous avons également eu l’honneur

d’écouter la voix de la garde des Sceaux, ministre de la Justice, Mme Nicole Bellou-bet, qui avait salué l’action déterminante de l’association Femmes de justice pour pro-mouvoir l’égalité et la visibilité des femmes du ministère, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes le 7 mars 2019 (V. JCP G 2019, act. 219, Edito

N. Belloubet ), et qui a clôturé nos échanges. Gageons que sous le haut patronage de ces femmes d’exception, les femmes de justice s’approprieront enfi n l’espace de parole qui doit être le leur pour donner à entendre cette musique indispensable à l’équilibre des genres que constitue la voix des femmes.

« Le ministère de la Justice ne dispose toujours pas d’une plateforme de signalement pour détecter et prévenir les violences et le harcèlement sexuel ou sexiste... »

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LA SEMAINE DE LA DOCTRINE LA VIE DES IDÉES

LE MOT DE LA SEMAINE

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Le bracelet anti-rapprochement au service de la lutte contre les violences faites aux femmes

Femmes

Dans la continuité des propositions du Grenelle des violences conjugales, la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 a inscrit dans le disposi-tif répressif la possibilité de contraindre l’auteur de tels actes à porter un bracelet anti-rappro-

chement pour garantir le respect de l’interdiction d’entrer en relation avec la victime, à condition que celle-ci consente ex-pressément à bénéfi cier de cette mesure. Ainsi, afi n d’assurer l’effectivité de ces nouvelles dispositions, le législateur a prévu que l’offi cier ou l’agent de police judiciaire donne connaissance de celles-ci à la victime au moment où il reçoit sa plainte (CPP,

art. 15-3-2) . S’agissant du bracelet anti-rapprochement, il intègre un émet-teur permettant à tout moment de déterminer à distance la localisation du condamné sur l’ensemble du territoire national et de vérifi er s’il s’approche de la victime à qui a été attribué un dispositif électronique permettant également de déterminer sa localisation. Le recours au bracelet anti-rapprochement est possible non seulement en cas de violences commises au sein du couple mais aussi en l’absence de toute cohabitation, la loi ayant tenu compte des circonstances de l’union libre. À vrai dire, l’adoption de ce dispositif ne constitue pas une in-novation, car le législateur, s’inspirant du droit espagnol, avait autorisé, par les lois n° 2010-769 du 9 juillet 2010 et n° 2017-258 du 28 février 2017, l’expérimentation de ce bracelet. Cette dernière n’a toutefois pas pu avoir lieu en raison du caractère élevé du seuil de condamnation de 5 ans qui conditionnait la mise en œuvre de cette mesure. Prenant en considération ces diffi cultés, la loi du 28 décembre 2019 a prévu la possibilité de recourir à ce dispositif en cas d’infraction punie d’une peine égale ou supérieure à 3 ans d’emprisonnement. Ce seuil couvre

l’ensemble des violences commises au sein du couple, y compris les menaces visées à l’article 222-18-3 du Code pénal qui, depuis la loi précitée, sont sanctionnées d’une peine de 3 (au lieu de 2) ans d’emprisonnement. La mise en œuvre du bracelet anti-rapprochement est autori-sée, en dehors de l’hypothèse de l’ordonnance de protection (C. civ., art. 515-11-1, I) , dans le cadre de la nouvelle peine de détention à domicile sous surveillance électronique (C. pén.,

art. 131-4-1 ; L. n° 2019-222, art. 71) et des obligations du sursis avec mise à l’épreuve (« sursis probatoire » à compter du 24 mars 2020. – C. pén., art. 132-45, 18° bis ), auquel renvoient les autres dispositifs d’exécution de la peine (suivi socio-judiciaire, libé-ration conditionnelle, surveillance judiciaire …). Il en résulte que cette mesure peut être ordonnée aussi bien par les juridic-tions de jugement que par celles de l’application des peines, qui peuvent interdire au condamné de se rapprocher de la victime à moins d’une certaine distance fi xée par la décision. Le légis-lateur a, par ailleurs, étendu cette obligation au cas du contrôle judiciaire (CPP, art. 138, 17° bis) , donc dans la phase préalable au jugement. Dans toutes les hypothèses précédentes, l’intéressé est avisé que la pose du bracelet ne peut être effectuée sans son consentement mais que le fait de la refuser constitue une violation des obliga-tions qui lui incombent et peut donner lieu à la révocation de la mesure. Ces dispositions se trouvent complétées par celles sur le « télé-phone grave danger ». Si la loi continue à confi er au seul pro-cureur de la République le pouvoir d’apprécier l’opportunité d’attribuer un téléphone grave danger, elle prend soin de souli-gner qu’une telle attribution peut être sollicitée par tout moyen. C’est qu’en effet, la tendance des parquets à utiliser les associa-tions locales comme fi ltre des demandes lui parvenant s’était développée en pratique. Il convenait donc que cette attribution puisse être sollicitée par toutes les voies possibles, y compris di-rectement par la victime ou par son avocat. Par ailleurs, la loi a comblé une lacune dénoncée par les victimes et les praticiens du droit, en élargissant les conditions d’attribution du téléphone grave danger lorsque l’auteur des violences est en fuite ou que l’interdiction judiciaire d’entrer en contact avec la victime n’a pas encore été prononcée.

Haritini Matsopoulou, professeur de droit privé à l’université Paris-Saclay, expert du Club des juristes

www.lexisnexis.fr

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LA SEMAINE DE LA DOCTRINE LA VIE DES IDÉES 280-281

LA SEMAINE DE LA DOCTRINE LA VIE DES IDÉES

LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 10 - 9 MARS 2020 - © LEXISNEXIS SA

COLLOQUES Le droit face aux violences sexuelles

et/ou sexistes , colloque organisé sous le haut patronage de Mme Nicole Belloubet, ministre de la Justice, les 2 et 3 avril 2020, à la faculté de droit d’Angers, amphithéâtre

Volney, 19, rue René Rouchy, à Angers (49) (centrejeanbodin.univ-angers.fr).

Où en sont les entreprises sur le plan de l’égalité femme-homme ? , succession d’échanges, sous forme de débats et tables rondes, organisé par le Master 2 Droit et gestion des res-sources humaines, le jeudi

12 mars 2020, de 8h30 à 14h, sur le campus d’Issy-les-Moulineaux, 35, rue Gabriel Péri, à Issy-les-Moulineaux (92) (https://www.fl d-lille.fr/la-matinale-de-lalternance-en-droit-social-et-gestion-des-ressources-humaines/).

REVUE DE PRESSE H. Pauliat, Faut-il inscrire le terme fémini-

cide dans le Code pénal ? : JCP A 2020, act. 145

3 questions à Estelle Amram, Nota-riElles : « notre objectif est le partage, la convivialité, la réfl exion » : JCP N 2020, n° 10, 276

C. Terrenoire, L’Index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : JCP S 2020, 1059, Pratique sociale

C. Duparc, Contribution de la loi du 28 décembre 2019 à la lutte contre les violences au sein de la famille : JCP G 2020, act. 187, Aperçu rapide

D. Cohen, Ne tenons pas les femmes pour des incapables majeures ! : JCP G 2020, act. 116, Libres propos

P. Robert Diard, La vingt-cinquième heure judiciaire : JCP G 2020, act. 83, Édito

N. Molfessis, Le consentement : JCP G 2020, act. 1, Édito

C. Duparc, Les homicides conjugaux sous l’angle judiciaire – À propos du rapport de l’Inspection générale de la justice : JCP G 2019, act. 2286, Aperçu rapide

V. Wester-Ouisse, De l’incrimination du suicide d’un conjoint dit « suicide forcé » : JCP G 2019, doctr. 1351, Étude

M. Tirel, L’affaire Adèle H. : JCP G 2019, act. 1178, Edito

Anne Bouillon sème l’espérance : JCP G 2019, act. 1074, Portrait

Événements 280

Libres et égales : une exposition photo sur l’île de la Cité Île de la cité, Paris, du 6 mars au 8 avril 2020

À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes le 8 mars 2020 et sous l’égide de la garde des

Sceaux, Nicole Belloubet, une exposition photos a été réa-lisée par la photographe Sylvia Galmot et la Haute fonctionnaire à l’égalité femmes-hommes, Isabelle Rome. Elle sera présentée sur les grilles du palais de justice de l’Île de la cité jusqu’au 8 avril 2020. La vocation de cette exposition est de transmettre un message de solidarité et d’espoir pour toutes les femmes. L’institution judicaire est particulièrement engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes. De nouveaux dis-positifs tant législatifs qu’opérationnels sont nés du Grenelle consacré à cette thématique, comme des bonnes pratiques judiciaires. Il s’agit aujourd’hui de pouvoir donner un signe positif. Si tous les milieux sont touchés par ce fl éau indigne de notre civilisation, toutes les femmes sont en ca-pacité de se mobiliser. C’est pourquoi des femmes de différents horizons seront mises en lumière à cette occasion. Certaines d’entre elles sont célèbres -par exemple : Sandrine Bonnaire, Marie-Agnès Gillot, Barbara Cassin, Laetitia Casta, Isabelle Adjani ou encore Leila Slimani. D’autres sont moins connues mais particulièrement engagées, telles les prési-dentes des grands réseaux associatifs que sont Solidarité femmes, les CIDFF, France Victimes, Citoyens justice, ou des psychiatres pionnières comme Liliane Daligand ou Marie-France Hirigoyen. En réunissant ces 28 femmes, la photographe Sylvia Galmot fait passer un mes-sage de résilience par l’art et veut mettre en avant la force intérieure qui habite chacune d’entre elles, leurs envies, leur bienveillance. Ces femmes mises en lumière se battent pour les droits des femmes et contre les violences faites aux femmes. Chacune d’entre elles fera partager un message d’espoir qui fi gurera sous son portrait.

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Inauguration de La Cité audacieuse à Paris 5 mars 2020, Fondation des femmes

La Fondation des femmes (V. dans ce nu-méro JCP G 2020, prat. 284, 3 questions à

Valence Borgia ) a inauguré le 5 mars 2020 la Cité Audacieuse, premier lieu dédié au rayonnement des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes en France, dans le 6 e arrondissement de Paris. C’est en effet dans une ancienne école de la rue de Vaugirard que prendra place ce lieu dédié au Droit des femmes, après 9 mois de travaux de rénovation confi és notamment à un collectif d’architectes féministes. Créée en 2016, la Fondation des femmes portait depuis plusieurs années ce projet de cité dédiée au rayonnement du féminisme. Il est désormais devenu réalité, grâce au soutien de la Mairie de Paris et le concours de mécènes privés. La Cité audacieuse a pour vocation d’être le cœur battant du féminisme et d’in-carner la société de demain, véritablement égalitaire, permettant à l’ensemble de ces acteurs et actrices de « faire cité » derrière la devise « Liberté, Égalité, Sororité ». Une partie ouverte au public au rez-de-chaussée est un espace d’ani-mation public à la programmation ambitieuse, accueillant des ateliers, confé-rences et expositions, un espace enfants et prochainement, un café. À l’étage, elle accueille les bureaux de 15 associations dédiées aux droits des femmes et à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes – favorisant les syner-gies et l’innovation. Dans la cour, un coin de nature en devenir, où pourront s’ex-primer les initiatives au carrefour de l’écologie et du féminisme. Également, un espace de travail partagé pour jeunes pousses associatives, véritable laboratoire d’innovations sociales accueillant les porteuses de projets. Enfi n, un espace est réservé pour la mise en place de permanences sur rendez-vous, assurées par les associations spécialisées.

La Cité audacieuse, 9 rue de Vaugirard, Paris VI e . http://citeaudacieuse.fr/