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Lysane Grégoire Présidente Encore une fois cette année, notre soirée témoignages a été rien de moins que formidable ! Marika Paré, membre du CA et étudiante sage-femme, en a assuré l'organi- sation avec brio. Personnellement, je crai- gnais que planifier un thème aussi précis que l'AVAC ne risque de rendre la soirée moins populaire. Quelle belle erreur ! En cette soirée du 29 mars, le salon de la mai- son de naissance Côte-des-Neiges était rem- pli à pleine capacité. La quasi-totalité des femmes qui assistaient à la soirée avaient eu des césariennes et espéraient un AVAC. Certaines étaient enceintes et c'était très touchant d'imaginer comment elles pou- vaient se projeter dans l'idée de vivre un accouchement naturel après la souffrance d'une césarienne. Quatre femmes ont témoigné de leur césari- enne puis de leur accouchement par les voies prévues par dame nature. Quatre his- toires totalement différentes, quatre expéri- ences de vie partagées généreusement avec toute une gamme d'émotions. On a rit, on a pleuré et surtout, on a senti combien le geste de donner la vie est fondateur dans la vie d'une femme. Le cheminement de ces femmes vers la " guérison " de leur confi- ance en elles-mêmes est éloquent et très inspirant. Le Groupe MAMAN organise ces soirées témoignages dans le cadre de sa mission d'information et de sensibilisation dans une perspective d'autonomie. Nous vous encourageons à organiser de telles soirées dans vos régions ; contactez-nous et nous ferons tout notre possible pour vous appuy- er et contribuer à la visibilité de votre événement. Les " vedettes " de la soirée étaient Antoinette Geha, Marie-Josée Aubin, Anne Guinot et Céline Bianchi. Les trois dernières ont couché sur papier leur témoignage et nous sommes très heureuses de pouvoir enrichir nos pages de leurs his- toires. Voici d’abord un aperçu de l'aventure particulière qu'Antoinette a partagée avec nous ce soir-là. Le bulletin d'information du Groupe MAMAN Volume 11 - Numéro 1 - Septembre 2007 - Page 9 La soirée témoignages du GM Spécial AVAC Un public captivé durant plus de 3 heures ! Antoinette est venue à la soirée accompag- née de sa mère, de sa grande fille Sabrina et de sa petite dernière, Sandra, alors âgée de 5 mois. D'entrée de jeu, elle déclare : " Quand on veut, on peut, il s'agit de s'en- tourer des bonnes personnes ! ". Elle nous relate sa première grossesse, qui se déroule bien et qui est suivie par un gynécologue. L'échographie réalisée à 34 semaines de grossesse révèle qu'elle attend un gros bébé, d'un poids prévu à terme de 4 kilos. Le gynécologue craint un diabète de grossesse et il veut pratiquement qu'Antoinette cesse de manger pour ne s'en tenir qu'aux fruits et légumes ! À 37½ semaines de grossesse, Antoinette perd ses eaux et c'est un peu en panique qu'elle se rend à l'hôpital. Dès son arrivée, on l'examine et on constate que son col n'est dilaté que de un centimètre et que la tête du bébé n'est pas engagée. On décide alors de lui installer un soluté et on lui administre des antibiotiques. On ne lui permet pour toute " nourriture " que des glaçons et elle doit demeurer allongée, sans mouvements permis. Le lendemain matin, on l'examine à nouveau et elle n'est toujours qu'à un cen- timètre de dilatation. Le travail est jugé non efficace et on lui injecte de l'ocytocine syn- thétique (Pitocin). Elle passe tout l'avant-midi en travail douloureux avec, pour seul encouragement, une infirmière qui entre et sort, prenant juste le temps de vérifier les tracés du moni- teur. En après-midi, sa dilatation est à trois centimètres, elle n'en peut plus de la douleur et demande la péridurale. Bientôt, elle ne pourra plus marcher car elle a les jambes carrément paralysées par l'anesthésie. Après 16 heures de travail, le médecin lui communique son évaluation de la situation : " Le bébé est gros et sa tête ne semble pas vouloir descendre, il va falloir faire une césarienne. " Antoinette est épuisée, elle reçoit la nouvelle comme un soulagement, se disant qu'elle n'aura pas à subir la poussée d'un gros bébé. Sabrina vient au monde à 21h et Antoinette ne peut voir sa belle fille de 3,8 kilos que durant quelques minutes dans la salle d'opération, sans pouvoir l'allaiter, car on l'emmène pour l'observer, à cause du fait qu'elle a avalé du liquide amniotique. La séparation de sa fille est plus difficile à sup- L'histoire d'Antoinette Geha Témoignage

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Lysane GrégoirePrésidente

Encore une fois cette année, notre soiréetémoignages a été rien de moins queformidable ! Marika Paré, membre du CA etétudiante sage-femme, en a assuré l'organi-sation avec brio. Personnellement, je crai-gnais que planifier un thème aussi précisque l'AVAC ne risque de rendre la soiréemoins populaire. Quelle belle erreur ! Encette soirée du 29 mars, le salon de la mai-son de naissance Côte-des-Neiges était rem-pli à pleine capacité. La quasi-totalité desfemmes qui assistaient à la soirée avaient eudes césariennes et espéraient un AVAC.Certaines étaient enceintes et c'était trèstouchant d'imaginer comment elles pou-vaient se projeter dans l'idée de vivre unaccouchement naturel après la souffranced'une césarienne.

Quatre femmes ont témoigné de leur césari-enne puis de leur accouchement par lesvoies prévues par dame nature. Quatre his-toires totalement différentes, quatre expéri-ences de vie partagées généreusement avectoute une gamme d'émotions. On a rit, on apleuré et surtout, on a senti combien le gestede donner la vie est fondateur dans la vied'une femme. Le cheminement de cesfemmes vers la " guérison " de leur confi-ance en elles-mêmes est éloquent et trèsinspirant.

Le Groupe MAMAN organise ces soiréestémoignages dans le cadre de sa missiond'information et de sensibilisation dans uneperspective d'autonomie. Nous vousencourageons à organiser de telles soiréesdans vos régions ; contactez-nous et nousferons tout notre possible pour vous appuy-er et contribuer à la visibilité de votreévénement.

Les " vedettes " de la soirée étaientAntoinette Geha, Marie-Josée Aubin, AnneGuinot et Céline Bianchi. Les troisdernières ont couché sur papier leurtémoignage et nous sommes très heureusesde pouvoir enrichir nos pages de leurs his-toires. Voici d’abord un aperçu de l'aventureparticulière qu'Antoinette a partagée avecnous ce soir-là.

Le bulletin d'information du Groupe MAMAN Volume 11 - Numéro 1 - Septembre 2007 - Page 9

La soirée témoignages du GMSpécial AVAC

Un public captivé durant plus de 3 heures !

Antoinette est venue à la soirée accompag-née de sa mère, de sa grande fille Sabrina etde sa petite dernière, Sandra, alors âgée de5 mois. D'entrée de jeu, elle déclare : "Quand on veut, on peut, il s'agit de s'en-tourer des bonnes personnes ! ". Elle nousrelate sa première grossesse, qui se déroulebien et qui est suivie par un gynécologue.L'échographie réalisée à 34 semaines degrossesse révèle qu'elle attend un gros bébé,d'un poids prévu à terme de 4 kilos. Legynécologue craint un diabète de grossesseet il veut pratiquement qu'Antoinette cessede manger pour ne s'en tenir qu'aux fruits etlégumes !

À 37½ semaines de grossesse, Antoinetteperd ses eaux et c'est un peu en paniquequ'elle se rend à l'hôpital. Dès son arrivée,

on l'examine et on constate que son col n'estdilaté que de un centimètre et que la tête dubébé n'est pas engagée. On décide alors delui installer un soluté et on lui administredes antibiotiques. On ne lui permet pourtoute " nourriture " que des glaçons et elledoit demeurer allongée, sans mouvementspermis. Le lendemain matin, on l'examine ànouveau et elle n'est toujours qu'à un cen-timètre de dilatation. Le travail est jugé nonefficace et on lui injecte de l'ocytocine syn-thétique (Pitocin).

Elle passe tout l'avant-midi en travaildouloureux avec, pour seul encouragement,une infirmière qui entre et sort, prenantjuste le temps de vérifier les tracés du moni-teur. En après-midi, sa dilatation est à troiscentimètres, elle n'en peut plus de la

douleur et demande la péridurale. Bientôt,elle ne pourra plus marcher car elle a lesjambes carrément paralysées parl'anesthésie. Après 16 heures de travail, lemédecin lui communique son évaluation dela situation : " Le bébé est gros et sa tête nesemble pas vouloir descendre, il va falloirfaire une césarienne. " Antoinette estépuisée, elle reçoit la nouvelle comme unsoulagement, se disant qu'elle n'aura pas àsubir la poussée d'un gros bébé.

Sabrina vient au monde à 21h et Antoinettene peut voir sa belle fille de 3,8 kilos quedurant quelques minutes dans la salled'opération, sans pouvoir l'allaiter, car onl'emmène pour l'observer, à cause du faitqu'elle a avalé du liquide amniotique. Laséparation de sa fille est plus difficile à sup-

L'histoire d'Antoinette Geha Témoignage

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porter que la césarienne. Je laisse Antoinetteraconter le début de son allaitement dans cetextrait d'un témoignage qu'elle a publié surle site de la Ligue La Leche :

" Vers trois heures du matin, l'infirmière m'aenfin ramené mon bébé dans ma chambreaprès près de six heures de séparation. Àl'hôpital où j'ai accouché, je ne pouvais pasgarder mon bébé avec moi suite à la césari-enne. L'infirmière m'a dit qu'elle allait memontrer comment allaiter mon bébé. Elle luia pris le visage d'une main et a pris mon seinde l'autre ; elle a voulu qu'elle ouvre sabouche. Ma petite fille pleurait beaucoupcar il était évident qu'elle ne s'y prenait pasavec douceur mais plutôt avec impatience.Je lui ai dit que je souhaitais essayer seule.Elle m'a dit qu'elle n'était pas disponibletoute la nuit pour me montrer comment faireet que le bébé devait manger tout de suite

(c'était l'heure !). Ça m'a vraiment choquée; de plus, j'avais des douleurs dans tout lecorps qui m'empêchaient de bouger et jesentais que je ne pouvais pas y parvenirtoute seule. Je lui ai dit que, pour cette nuit,elle pouvait lui donner les compléments etque le matin je voudrais à tout prix qu'elleme la ramène pour essayer de l'allaiter. Elleest partie avec mon bébé dans les bras.

Je rêvais depuis longtemps à un allaitementréussi mais les circonstances ont fait ensorte que le début a été un peu difficile.Malgré tout, j'ai voulu persévérer. Le matinsuivant, l'infirmière est revenue avec monbébé. Cette fois-ci, je lui ai dit que jesouhaitais qu'elle me laisse seule, que jevoulais l'allaiter toute seule. C'est avecdouceur que je lui ai dit d'ouvrir la bouche.Elle m'a écoutée et a pu boire quelques

gouttes de colostrum. Comme j'étais fièrede moi. J'ai su qu'il fallait s'y prendre avecdouceur et calme et suivre son instinctmaternel. J'ai poursuivi mon allaitement àl'hôpital jour et nuit, j'ai allaité en positioncouchée. Ma montée laiteuse a eu lieu env-iron quatre jours après l'accouchement.Alors que ma fille buvait au sein, la pre-mière odeur du lait qui venait de couler m'avraiment marquée pour toujours. Quellebelle sensation de savoir que son bébés'abreuve et grandit grâce au lait de sa mèrerempli d'amour pour lui. "

Suite à sa césarienne, Antoinette a beaucouplu : Une autre césarienne, non merci(Hélène Vadeboncoeur), Une naissanceheureuse (Isabelle Brabant) et Au cœur de lanaissance (Lysane Grégoire et Stéphanie St-Amant dir.) qu'Antoinette qualifie de, et jecite, " top du top, qui m'a donné beaucoup

de courage pouravoir un AVAC ".

Antoinette setrouve enceinte ànouveau. Elleappelle la maisonde naissanceCôte-des-Neiges,mais il n'y a plusde place pour elle.À celle de Pointe-Claire, elle seretrouve sur laliste d'attente. Elleappelle son gyné-cologue et luiexplique son pro-jet de vivre unAVAC. Ce dernierl'avise qu'elle aplus de 50 % dechances de vivreune césarienne par

crainte d'une dystocie céphalo-pelvienne. Ilajoute " Ton bassin ne fait pas passer lesbébés et il y a des risques de rupture utérine.Si tu veux essayer un AVAC, tu peux tou-jours essayer par toi-même, mais moi jeprédis une deuxième césarienne ".Antoinette se dit intérieurement " Quoi ? Jesuis difforme ! ". Elle a l'impression d'êtreconsidérée comme venant d'une autreplanète avec son désir d'AVAC. Elle pleurebeaucoup devant la perspective de vivre uneautre césarienne et se désole de n'avoir pasde place en maison de naissance.

Puis la chance tourne, une place se libère etelle rencontre une sage-femme à la maisonde naissance Lac Saint-Louis. Tout de suite,elle se sent en confiance, la sage-femmecroit en elle, elle l'encourage et lui ditqu'elle est capable d'accoucher. Antoinettese sent tout à coup plus autonome.

Durant sa grossesse, à un certain moment,l'hémoglobine d'Antoinette est un peubasse, et si elle ne remonte pas, elle risquede devoir accoucher à l'hôpital.Heureusement, sa formule sanguines'améliore et ce nuage se dissipe. Quand ellepense à son accouchement prochain, elle sedit qu'en allaitant Sabrina, cela stimulera sescontractions et pourra lui éviter l'inductionau Pitocin. Elle a une échographie à 20semaines et ensuite, elle n'en veut plus,préférant ne pas savoir quel serait le poidsprévu de son bébé.

Le temps passe et le terme arrive. À 40semaines, elle perd le bouchon muqueux. Sasage-femme lui rend visite et l'examenrévèle un col à un centimètre de dilatation.La tête du bébé est flottante. Antoinette estun peu angoissée car on dirait que le scé-nario se reproduit, et elle craint d'en arriverà la césarienne. Mais elle garde espoir etchasse les idées négatives. La nuit passe,Antoinette a des contractions et ne dort pasvraiment. Au petit matin, son col est tou-jours à un centimètre. Pour ne pas que lescénario se répète, Antoinette peut changercertaines scènes. Cette fois, elle ne resterapas clouée au lit. Elle décide de prendre unedouche et de continuer sa journée normale-ment, avec Sabrina et sa mère.

La journée passe, le travail se poursuit. Ausoir, Antoinette décide de rester à la maisonpour cette deuxième nuit. Cette fois, sescontractions l'empêchent complètement dedormir. Le lendemain, elle se rend à la mai-son de naissance. Elle prend un bain qui lasoulage. Son mari est toujours à ses côtés etsa présence est indispensable. Elle se senttraitée aux petits oignons, la sage-femme luiassure une ambiance feutrée, lumièretamisée, bougie, massage… Tout cela l'aideà se détendre tout en poursuivant son tra-vail. La sage-femme s'occupe d'elle et passeulement du bébé, contrairement à cequ'elle avait connu lors de son premier tra-vail. La sage-femme lui offre aussi de déli-cieux repas qui l'aident à reprendre desénergies et de la force. De plus, elle a ledroit de se reposer avec son mari dans uneambiance intime sans être dérangée parquiconque. Le " sac magique " est aussid'une grande utilité, de même que la déco-ration de la chambre, qui invite à la relax-ation et à la visualisation.

Une troisième nuit blanche attendAntoinette qui, on s'en doute, est de plus enplus épuisée. Le matin suivant, elle sent queses forces la quittent. Elle a vraiment besoinde se reposer sinon, elle ne voit pas com-ment elle pourra affronter la poussée. Elledemande un transfert à l'hôpital et unepéridurale pour prendre quelques heures desommeil avant de pousser. À ce moment,

Le bulletin d'information du Groupe MAMAN Volume 11 - Numéro 1 - Septembre 2007 - Page 10

Antoinette accompagnée de sa mère et de ses filles, Sabrina et Sandra.

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son col est dilaté à 8 cm et la seule stimula-tion qu'a eu son travail est l'allaitement deSabrina et ce, depuis qu'elle a perdu sonbouchon muqueux. L'allaitement lui permetde relaxer, de se détendre et d'oublier un peula douleur des contractions. Sa fille Sabrinan'hésite pas à lui donner quelques bisous etcâlins quand elle sent sa mère souffrante, cequi soulage beaucoup Antoinette. Son maril'emmène en voiture à l'hôpital vers 5 heuresdu matin. Une fois à l'hôpital, le médecin atoute une surprise devant l'effet évident dela tétée sur les contractions d'Antoinette.

Après quelques heures de sommeil, le soirvenu, le col d'Antoinette est à 10 cm et lapoche des eaux se rompt lors de l'examen dela gynécologue. Antoinette demande aumédecin pourquoi elle a rompu ses mem-branes (Antoinette ne veut aucune interven-tion qui risquerait de la conduire vers unecésarienne, surtout en sachant que la tête dubébé n'est pas engagée.) La gynécologue luidit : " Ne t'en fais pas, les eaux se sontrompues d'elles-mêmes avec mon examenet je sens la tête du bébé qui est engagéedans ton bassin, le nez pointant vers le bas !" Antoinette est tellement heureuse qu'ellen'y croit pas ! Elle est arrivée à son but, dixcentimètres, bébé engagé dans le bassin(elle qui était sensée avoir un petitbassin…). Elle est maintenant prête àpousser et à mettre ce bébé au monde !Antoinette suit les consignes " Respirez,bloquez, poussez… ". Elle pousse avectoute l'énergie qu'elle peut aller puiser auplus profond d'elle-même. Elle est soutenuepar son mari, qui l'encourage par des mas-sages et qui compte avec elle à chacune despoussées. Ses deux anges gardiens (la sage-

femme et sa stagiaire) lui donnent à boireentre les contractions, lui massent lesjambes et l'encouragent dans ses efforts ;Antoinette se fait la remarque que leurprésence est si utile ! Vers la fin, elle entendla gynécologue lui dire qu'elle doit pousserplus fort, sinon elle devra utiliser une ven-touse ou les forceps… Antoinette pousseplus fort, elle ne lâche pas, elle pousseencore, durantdes heures et desheures, ellepousse toujours.Après cinqheures depoussée, sesefforts sont enfinrécompensés. Çay est, elle a réus-si toute seule,elle a fait naîtreson bébé qu'on adéposé sur elle.C'est le plus beaumoment de savie, sa fille laregarde, c'estmagnifique, elleentend les genspleurer autourd'elle, on lui dit :" Wow! Tu asréussi! "Antoinette et sonmari fondent en larme, de joie.

À ce moment de son témoignage,Antoinette s'adresse à son auditoire pourleur souhaiter à toutes de réaliser leur rêved'AVAC. N'est-elle pas l'exemple vivant que

c'est possible, ajoute-t-elle. À sa naissance,la " petite " Sandra faisait 4,8 kilos et sesfontanelles n'étaient même paschevauchées. " Finalement, se ditAntoinette, mon bassin est bien meilleurque ce que je pensais ! " Elle allaitera entandem et ne connaîtra pas les baby bluesqui ont suivi sa césarienne. Elle conclue : "Après une césarienne, on cherche à nous

consoler en nous disant qu'au moins, le bébéest en santé. C'est vrai, mais malgré tout, onveut se sentir une femme complète. " Merci,Antoinette, d'avoir partagé avec nous cetteaventure extraordinaire.

Le bulletin d'information du Groupe MAMAN Volume 11 - Numéro 1 - Septembre 2007 - Page 11

Après l’aventure de sa naissance, Sandra se repose.

Au coeur de la NAISSANCETémoignages et réflexions sur l'accouchement

Sous la direction deLysane Grégoire et Stéphanie St-Amant

Au coeur de la naissance est un partage d'expériences qui fait valoir les bénéfices ressentis par ces femmes qui ont fait le choix fondamentald'accoucher naturellement. Leurs récits authentiques ne manqueront

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Marie-Josée Aubin

Lorsque j'étais à l'université, j'ai suiviplusieurs cours portant sur la médicalisationdu corps des femmes, si bien que je m'étaisfait une opinion assez tranchée sur l'ac-couchement médicalisé. À cette époque, jene voulais pas d'enfant, mais je savais que jene voudrais jamais accoucher à l'hôpital.

Lorsque nous attendions notre premierbébé, en 2001, Sébastien et moi avionsdécidé d'avoir recours à une sage-femmereconnue dans sa communauté, puisqu'àcette époque, il n'était pas légalement possi-ble d'utiliser les services desmaisons de naissance pour unaccouchement à domicile.Nous nous sommes préparéspour cet accouchement dansune grande innocence et avecune belle confiance en la vie. À34 semaines de grossesse, monmédecin de famille évalue quenotre bébé se présente par lesfesses, et nous convenons deconfirmer cela à l'aide d'uneéchographie. À 35 semaines,c'est confirmé : le bébé est ensiège ! Je continue tout demême d'avoir confiance en monbébé, après tout, l'accouche-ment est encore loin !

Notre sage-femme me proposel'acupuncture, l'ostéopathie,rendez-vous auxquels je meprésente à plusieurs reprisespendant six jours.Malheureusement, le travail sedéclenche spontanément unesemaine plus tard, soit à 36semaines, alors que le bébé esttoujours en siège. Nous choisis-sons de nous rendre à l'hôpital Lasalle,puisqu'il est possible qu'on y respecte monchoix d'accouchement vaginal. Finalement,le bébé n'a pas le menton fléchi sur le ster-num, et il est donc possible que le mentonsoit retenu par le col. Nous choisissons doncd'opter pour la césarienne.

Même après cette déception et ce deuil d'unaccouchement qui n'a pas eu lieu, je n'aijamais eu un seul doute sur ma capacité àdonner naissance, à accoucher. La rencontreavec Maxine ne s'est pas déroulée comme jel'aurais souhaité, mais je sais que la rencon-tre avec moi-même n'est que partie remise.

En 2003, alors que nous attendons notredeuxième bébé, la loi sur les sages-femmesne leur permet pas d'assister les femmes

ayant eu une césarienne. L'accouchement enmaison de naissance est donc exclu.Comme j'ai vraiment apprécié d'avoir étéreçue avec respect à Lasalle, je décide d'yretourner pour cet accouchement qui, pourmoi cela ne fait aucun doute, sera un AVAC.

Notre petite Lia est née le 15 décembre. Lescontractions débutent vers 2h durant la nuit.Sébastien doit se lever à 5h pour se rendreau travail. Il me propose de rester avec moi,ce que je refuse. Avec une belle naïveté, jesuis persuadée que nous n'aurons pas cebébé avant plusieurs heures, les contactions

sont vraiment très tolérables et assezespacées. De plus, cet accouchement estconsidéré comme un premier, ce sera doncsans doute très long.

À 7h, je suis de plus en plus certaine que cen'est pas une fausse alerte, la douleur s'in-tensifie, je ne suis plus capable de parlerdurant les contractions… Je ne suis pascapable de faire une rôtie à ma fille de deuxans qui s'impatiente. J'appelle le père deSébastien, Michel, pour qu'il vienne s'occu-per de Maxine. Un autre bain, un peu demarche… Il est déjà près de 9h30. Pourmoi, ce sera très long, je ne compte rien, niles intervalles, ni la durée des contractions,je pratique le " lâcher prise " ! Michel, quiétait policier, a vu plusieurs femmes

accoucher, puisqu'à ses débuts, les policiersétaient aussi ambulanciers. Il me demanded'appeler Sébastien afin d'aller à l'hôpital. Jerefuse en lui disant qu'on a plein de tempsdevant nous. Mais le 15 décembre 2003,c'est la première tempête de neige de l'an-née, il neige à plein ciel et il y a énormé-ment de circulation sur les autoroutes. Noushabitons St-Eustache, nous sommes donc àune trentaine de minutes de Lasalle par beautemps et sans trafic. Michel me laisse allerun peu, mais pas tellement longtemps après,il me redemande d'appeler Sébastien, ce queje refuse toujours. J'ai droit à un regard

sévère et d'une voix grave, ilme dit : " Écoute-moi bien, tuas des contractions aux troisminutes, qui durent plusqu'une minute. Y a une tem-pête. Sébas est pas arrivé, pisvous êtes pas proches d'êtrearrivés à Lasalle. Faque si tul'appelles pas, moi je l'ap-pelle. " J'appelle Sébas !(J'avoue n'avoir eu aucuneidée que j'avais des contrac-tions aux trois minutes).Lorsqu'il arrive à la maison,mes contractions, que je cal-cule un peu plus maintenant,sont aux deux minutes et ellessont toujours assez longues.J'hésite, nous sommes à cinqminutes de l'hôpital St-Eustache et, à cause de latempérature, à plus d'uneheure de Lasalle. Sébastieninsiste un peu pour aller à St-Eustache et je lui avoue que jene sais pas si le bébé pourraattendre d'arriver à Lasalle. Jetranche : On va à Lasalle,parce que pour des raisons

totalement irrationnelles et nébuleuses, jene veux pas accoucher à St-Eustache. Jevais m'arranger pour que le bébé attende :Finie, la visualisation du type " Je m'ouvresur le passage de mon enfant. " et " Mon colest une fleur. ". Je vois plutôt mon col atten-dre et je vois mon bébé bien haut, ça semblebien marcher, les contractions s'espacentaux trois ou quatre minutes.

Nous arrivons à l'hôpital vers midi trente, lelâcher prise revient, tout va vite, les con-tractions se rapprochent et s'intensifient.Nous passons à la salle d'évaluation aprèsplusieurs arrêts sur la rampe au mur.L'infirmière ne voit pas la nécessité de m'in-staller le moniteur pour confirmer que jesuis en travail. Elle me fait un examen vagi-

Le bulletin d'information du Groupe MAMAN Volume 11 - Numéro 1 - Septembre 2007 - Page 12

Ça va trop vite ! Témoignage

Marie-Josée, enceinte, le soir de son témoignage.

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nal, mais elle ne me dit rien à propos de sesobservations. En fait, cela m'importe peu, sije suis à trois centimètres, je ne serai pasdéçue, mais je ne tiens pas à le savoir main-tenant. Elle me demande de lui fournir unéchantillon d'urine avant qu'on m'emmènedans ma chambre. Je suis incapable de fairedeux pas sans avoir une contraction, celaprend une éternité pour que je lui remettemon petit pot plein.

L'infirmière me pro-pose une chaiseroulante pour me con-duire à ma chambre. Jerefuse, je veuxmarcher pour faireaccélérer le travail.Elle insiste, elle me ditque je pourrai marchertant que je veux unefois rendue, mais quece sera plus rapide enchaise. Au rythmed'une contraction auxdeux pas, elle avaitprobablement raison,cela aurait été inter-minable, ma chambreétait vraiment loin !

Aussitôt dans la cham-bre, une autre infir-mière me demande sije veux l'épidurale, jelui réponds un " Non,merci. " très poli. Uneautre rajoute que, si jela veux, c'est main-tenant, parce que jesuis à huit centimètres.C'est en fait de cettefaçon que j'ai appris que c'était presque ter-miné ! " Ça ne se peut pas, ça va trop vite…", je suis surprise et un peu déçue, j'ai atten-du ce moment depuis si longtemps et c'estdéjà presque terminé.

L'infirmière qui nous est attitrée est unefemme d'un certain âge qui semble froide etun peu sèche. Elle insiste à plusieurs repris-es pour que Sébastien aille faire l'admission,je lui indique clairement qu'il n'ira nullepart, qu'il reste avec moi.

Comme je sens que ça pousse, l'infirmièreme fait un autre examen et me dit que je suispresque à neuf centimètres. Je décide derester quelques minutes sur le côté pour meremettre un peu, beaucoup plus de la vitesseà laquelle tout cela se déroule que de ladouleur. L'infirmière sort, j'ai une autre con-traction, à la suivante, je porte ma main àma vulve et je touche le bébé : " Sébas, lebébé est là. " Il s'approche, j'ouvre lesjambes, il confirme. Il part d'un pas lent et

se dirige vers la porte pour avertir l'infir-mière. Ils se croisent dans l'encadrement dela porte et Sébastien lui dit qu'on voit lebébé. Elle lui répond avec un air dont je merappellerai toute ma vie : " Ben voyonsMonsieur, il y deux minutes, elle n'étaitmême pas complète ! " J'ai une autre con-traction, j'ouvre les jambes et je lui montre.J'avoue, avec le recul, avoir pris un certainplaisir à la voir littéralement sauter sur la

cloche pour demander au médecin de seprésenter sur le champ. Moins d'une minuteplus tard, le médecin et une interne arriventen courant. La seule phrase que je répète enboucle est " Ça va trop vite, je ne suis pasprête. " Le médecin me demande de pouss-er " Ça va trop vite, je ne suis pas prête. "Sébastien essaie de me convaincre : "Marie, t'a pas le choix, le bébé est là ! "(petit couronnement). Je lui tends le bras, jeveux qu'il m'aide à me relever, à m'ac-croupir, à me mettre sur mes pieds, je neveux pas accoucher couchée sur le dos. "Marie, le bébé est là ! " (grand couron-nement). J'ai appris qu'on ne se bouge passans aide avec un bébé aussi proche de lasortie !

Je pousse pendant deux autres contractionset le médecin me dit : " Viens chercher tonbébé. " Mon premier réflexe est que je nesuis pas capable, que je n'en ai pas envie et,en même temps, je sais que si je ne le faispas, je vais le regretter amèrement. Je

rassemble toutes les forces qui me restent etje vais chercher ma fille. Ça fait tellementde bien de la sentir hors de moi. Il est14h09.

La naissance de Lia m'a permis de con-firmer ce que je savais depuis longtemps :J'étais capable.

Il me reste tout de même au fond de moi,pour fermer la boucle, ce désir de vivre un

accouchement à domi-cile parce que nonseulement je suiscapable, maisaccoucher c'est nor-mal !

Notre petit Tommy estné le 21 juillet dernier,dans le confort denotre maison, en com-pagnie de nos deuxfilles.

Puisque depuis 2005,la loi sur les sages-femmes leur permetde suivre les femmesayant déjà eu unecésarienne et puisquela question de l'assur-ance responsabilitépour l'accouchement àdomicile est réglée, ilm'est maintenant pos-sible d'avoir recoursaux services de lamaison de naissancede Blainville.

Lors des rencontresavec notre sage-

femme, Sébastien et moi exposons claire-ment nos besoins, nous savons que nouspouvons nous débrouiller seul, mais nousavons besoin d'elle si quelque chose devaitaller moins bien. En d'autres mots, on veutêtre chez nous parce qu'on veut la paix ! Eton veut le vivre pleinement.

Quatre jours avant l'accouchement, magrande Maxine parle au bébé et lui dit : " Tuarrives dans quatre dodos… " Et chaquejour, elle fait le décompte… et elle avait rai-son. Tout au long de la semaine, j'ai euplusieurs épisodes de contractions prépara-toires assez intenses. Si bien que, dans lanuit du 21, lorsque les contractions ontdébuté, je me suis levée, j'ai pris un bain, j'aimangé, ce qui avait plus ou moins fait cess-er les contractions les jours précédents. Vers5h le matin, je fais trop de bruit, je respiretrop fort, Sébastien se réveille. Les contrac-tions sont aux trois minutes et durent envi-ron une minute. Elles font vraiment mal, jen'ai aucun doute, ce sera aujourd'hui. À 7h,

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Marie-Josée et son conjoint, Sébastien, chez eux et en paix.

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j'appelle notre sage-femme pour lui deman-der de venir tranquillement. J'appelle aussiSonia, une amie de longue date, qui a accep-té de venir s'occuper des filles, qui assis-teront à l'accouchement. Elles arriventtoutes deux vers 9h30, je suis dans le bain,de l'eau jusqu'aux oreilles, j'ai à peine le nezqui sort, la physiologie humaine m'y oblige! Notre sage-femme est d'une discrétionindescriptible, elle est probablement dans lasalle de bain depuis plusieurs minutes sansque je m'en sois rendu compte. Elle medemande si elle peut écouter le cœur dubébé, tout est beau. Elle me demande si jeveux un examen vaginal, pour elle ce n'estpas nécessaire pour confirmer que je suis entravail actif. Il n'y aura donc pas d'examenvaginal à ce moment. Je sors du bain, je mepromène, je regarde par la fenêtre mes fillesqui sautent sur le trampoline, il fait beau etc'est tellement calme !

Sébastien est avec moi, j'aimais beaucoupmon beau-père (que notre Tommy ne con-naîtra malheureusement pas autrement quepar nos souvenirs), mais j'aime tout demême mieux accoucher avec mon chum !

J'ai tellement apprécié l'incroyable respectde notre intimité de notre sage-femme, quim'a seulement demandé à deux reprises sitout se déroulait comme je le voulais. Elle atrès bien compris ce que je désirais et saprésence et sa discrétion m'ont permis de levivre pleinement.

Vers la fin de l'avant-midi, elle me demandesi j'accepterais d'avoir un examen vaginal ;le col est dilaté à plus de neuf centimètres.Cette fois-ci, je suis contente que ce soitpresque terminé. Je sais que je n'ai jamaistravaillé si fort ni eu si mal pour avoir Lia.

La deuxième sage-femme arrive juste unpeu avant la rupture des membranes. Soniaprépare les filles : Le bébé s'en vient vrai-ment bientôt.

Cette fois-ci, je sais que je ne bougerai plusquand le bébé s'apprêtera à sortir, aussitôtl'examen vaginal terminé, je m'appuie surSébastien qui est assis sur le divan. Cettefois-ci, je n'aurai pas mon bébé couchée surle dos, je reste à genoux, inclinée vers l'a-vant (on soupçonne que le bébé n'est pasparfaitement positionné, le nez vers mondos, je veux donc l'aider à compléter sarotation en restant penchée vers l'avant).

Lorsque les cheveux du bébé commencent àapparaître, les filles viennent nous rejoin-dre. Je sais qu'elles sont là, je sens qu'ellessont là, mais je ne les vois pas et elles n'ontjamais été si silencieuses de leur vie ! Jesuis tellement heureuse qu'elles soient avecnous, nous avons préparé cet accouchementensemble, je sais qu'elles voulaient être

présentes et, en même temps je sais quec'est plus important pour moi qu'elles soientlà, que ça l'est pour elles.

La poussée est douce, à notre rythme, à monbébé et à moi. Personne ne me dit quoi faire,ni comment le faire, c'est moi qui décide etpour moi, ça n'a pas de prix. Sébastienvoulait, dès notre premier accouchement,accueillir lui-même le bébé. C'est ce qui estprévu cette fois-ci. Mais à quelques minutesd'accoucher, je n'ai pas le courage de metasser pour qu'il puisse aller accueillir lebébé. Je savais, à ce moment précis, que jeserais déçue (et qu'il le serait aussi), mais jeme sentais incapable de prendre l'initiativede me déplacer.

Juste avant la naissance, alors que ma vulvebrûle beaucoup, je ne suis pas certaine de laprogression de la tête, mon instinct me ditqu'une bonne partie de la tête est sortie,mais en même temps, c'est comme si je nele sentais pas. Je demande si la tête est sor-tie un peu, et c'est ma petite Lia qui répondvite que toute la tête est sortie. J'ai alors lecourage de le confirmer en allant y toucher.J'ai trouvé très spécial de toucher toute latête du bébé alors que, pendant quelquessecondes, rien ne bougeait, que tout étaitsimple et que ça ne faisait pas si mal que ça,à ce moment là.

Après que les filles nous ont rejoints dans lachambre, le bébé est né dans les 15 ou 20minutes suivantes, vers 13h.

Nous ne savions pas quel était le sexe dubébé, et nous avons tous été très surpris de

voir un bébé garçon. Nous étions tous,Sébastien, moi, comme les filles, convain-cus que ce serait une fille !

Maxine, à cinq ans et demi, a rapidementpréféré retourner jouer avec ses amies : Elletrouvait le bébé beau, mais un peu dégueu-lasse. J'avoue avoir oublié de leur dire et deleur montrer des bébés visqueux, alors elles'attendait à un beau bébé propre ! Lia, àtrois ans et demi, n'a même pas vu que lebébé était sale et il a tout de suite eu droit àplein de becs. Elle dit fièrement à qui veutl'entendre : " C'est moi qui ai coupé le cor-don ! "

Quand nous disions, lors des rencontres pré-natales, que nous voulions avoir la paix

pour cet accouchement, cela pouvait sem-bler sec, mais ce que nous voulions en fait,c'était être au cœur de cet événement, ne pasavoir à demander, à justifier, à argumentersur ce que nous voulions.

L'accouchement de Tommy m'a appris quej'avais beaucoup plus d'instinct que je ne lecroyais (à part peut-être pour le sexe dubébé !) et cela me donne davantage confi-ance en moi.

On apprend toujours beaucoup à travers unaccouchement, les moins comme les plusidéaux. L'accouchement est un rite de pas-sage, pour le bébé, mais aussi pour la mère,le père et pour la famille. Le rôle d'un rite depassage est d'apprendre sur soi-même. Ence qui me concerne, ces trois accouche-ments ont influencé d'une façon détermi-nante la femme que je suis aujourd'hui.

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Céline BianchiMembre du CA du Groupe MAMANReprésentante régionale à Pointe-Claire

Bon, par où commencer ? C'est qu'elle estfichtrement longue, mon histoire ! Mais elleest très belle, je trouve, même si elle est unpeu triste par moments. Elle débute il y a àpeine plus de trente-trois ans, lorsque je suisnée par césarienne " élective " pour la sim-ple et mauvaise raison que mon grand frèreétait né de la même manière trois ans plustôt. Par la suite, ma mère, ayant enfantédeux fois sans jamais avoir connu une seulecontraction, n'avait cessé de me casser lesoreilles avec ses lamentations à ce sujet.

Vingt-neuf ans plus tard, avant même dem'être demandé si j'aimerais un jour avoirdes enfants, je me retrouvai devant un testde grossesse positif. Stupeur, panique,incrédulité, joie ? Oui, joie… Je passai lasemaine suivante chez moi avec le télé-phone décroché, le fil de la sonnettedébranché, les rideaux tirés, la lumièreéteinte, en mode réflexion.

Depuis la nuit des temps, l'idée d'avoir desenfants m'angoissait. Oh, ce n'était pas tantles mystères de la grossesse ni les respons-abilités de la maternité qui m'effarouchaientque la douleur insupportable de l'accouche-ment. J'avais prévu dès mon plus jeune âgeme faire poser la péridurale à 39 semainesde gestation afin de m'assurer de ne rienressentir lors de ce terrible événement. Parcontre, le 20 octobre 2003, devant la réalitédu fait accompli - et, surtout, celui qu'ilrestait à accomplir! - mon petit doigt medisait que même la péridurale neparviendrait pas à masquer l'incommensura-bilité de ce qui allait m'arriver…

Ça a commencé avec un livre. J'avais besoinde savoir ce qui m'arrivait et ce qui m'at-tendait. Je me souviens être allée à lalibrairie et avoir eu un mal fou à trouver unlivre qui ne prenait pas un ton qui me parais-sait infantilisant. J'en ai choisi un qui m'allaitet, une fois à la maison, j'ai lu d'une seuletraite le chapitre 10 : " Labour and birth ".Au bout de ma lecture, je me suis dit : "Tiensdonc, ça me paraît presque réalisable !".

Au bout d'une semaine, j'annonçai la nou-velle à mes parents. Premièrement, pourpartager mon bonheur, mais aussi poursavoir ce que je devais faire ! Comme jen'avais même pas encore décidé si oui ounon je voulais des enfants (on avait plutôtdécidé à ma place) j'étais à des années-lumière d'une " philosophie de naissance ",m'étant toujours imaginé que les questionsse résoudraient au cours de la grossesse. Jene me doutais pas que la chose était dev-enue aujourd'hui si compliquée…

Ma mère me refila une liste d'obstétriciensde l'hôpital Royal Victoria. J'en choisis uneau hasard et téléphonai pour prendre un ren-dez-vous pour six semaines plus tard. Celame parut une éternité ! Trop de questionsdemeurant sans réponses, je poursuivis mesrecherches.

Entre-temps, j'avais trouvé le " filon " dessages-femmes et me trouvais quelque partsur les longues listes d'attente des deuxmaisons de naissance de la région mon-tréalaise. Je commençais à me rendre comptequ'énormément de grossesses se terminaientsur la table d'opération, et que la grandemajorité des femmes semblait avoir besoinde drogues pour commencer le travail, pourl'accélérer, pour l'arrêter, pour calmer ladouleur, pour arrêter les saignements, et celame paraissait absurde. Je commençais à avoirune vague idée de ce que j'espérais pour lanaissance de mon enfant. Mais je découvrisune chose très importante : Il aurait fallu queje réfléchisse à cette fameuse " philosophiede naissance " bien plus tôt…

Qu'allait-il m'arriver ? Quel serait le con-texte de mon accouchement ? Je m'aperce-vais que l'on vivait dans une culture de ter-reur vis-à-vis de l'enfantement, mais dequoi, au juste, devions-nous avoir peur ? Etsurtout, quels étaient mes choix ?

Cela me prit une seule rencontre avec monmédecin (cinq minutes) pour constater quele mot " choix " n'avait pas de sens là où jeme trouvais.

Au bout de la deuxième rencontre avec lemédecin (quatre minutes maximum), etsuite à une prise de becs pour une ridiculehistoire de multivitamines prénatales (je nesuis pas une grande consommatrice de pro-duits pharmaceutiques), je demandai letransfert de mon dossier au centre hospital-ier de Lasalle, dont on m'avait parlé en bien.

C'est là qu'on me proposa un plan de nais-sance, qu'on me demanda de m'exprimer surmes attentes, mes craintes, bref, ma "philosophie ". On ne me parla pas de vita-mines, et je n'abordai pas le sujet. Après lerendez-vous avec mon médecin, j'avais l'im-pression de vivre un superbe revirement desituation. Et surtout, je commençais à pren-dre confiance.

Un appel de la maison de naissance Côte-des-Neiges vint à lâcher un nouveau chiendans mon jeu de quilles, et je passai unebonne semaine dans un nouveau doute :suis-je assez courageuse pour (tenter d')accoucher loin de la fameuse péridurale ?Est-ce que mon corps est capable d'ac-coucher ? N'ayant moi-même pas été"accouchée", comment pouvais-je savoir sije pourrais le faire ? Et je l'aimais, moi, monobstétricien !

Par miracle, c'est exactement à cette périodeque j'eus l'honneur d'assister à l'accouche-ment d'une vache du fermier voisin de mesparents. Le veau arriva dans le calme et lapaix. Ce fut si simple ! Plof ! Il tomba dansla paille, tout gluant. Sa maman le lécha, il

Le poids des générations Témoignage

L’histoire de Céline et son langage imagé, du vrai cinéma, toutes émotions incluses.

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se leva, se mit à téter, j'eu une révélation :C'était exactement comme cela que jesouhaitais accoucher…

Je rencontrai ma sage-femme un mois plustard, à vingt-cinq semaines de grossesse. Jel'adorais, j'étais heureuse de me retrouverenfin au centre névralgique de ce qui m'ar-rivait. Je pouvais lui parler de mes espoirs,de mes craintes. J'étais enfin exactement làoù je voulais être, et ne pouvais pas croirema chance !

Mais à trente-quatre semaines de grossesse,ma sage-femme m'annonça que mon bébéétait en siège. Ma mère est née par le siègeà la suite d'un accouchement " très com-pliqué ", mon frère est né par césarienne àcause d'un positionnement transverse, cela

me semblait tout à coup parfaitementlogique que mon bébé se présente " mal ".Je me demandais même pourquoi je n'yavais pas songé plus tôt ! Un nuage noir vints'installer soudainement au-dessus de matête. Ma sage-femme eut beau me dire qu'ilrestait du temps, qu'il y avait des choses àfaire, bref, qu'il y avait encore beaucoup d'e-spoir, moi, je n'entendais que le tonnerre.J'étais dévastée. En un instant, toute la con-fiance que je m'étais si difficilement con-struite s'effrita comme une tour à bureauxun certain 11 septembre…

Je tentai tout pour me donner de l'espoir :L'acupuncture, la visualisation, la planche àrepasser appuyée sur le divan (celles quisont passées par là savent de quoi je cause),mais les jeux étaient faits. Dans ma tête, ilétait impossible que cet enfant se retourne.Et, comme de raison, le bébé resta la têtehaute, l'oreille collée au cœur battant - àfolle allure ! - de sa maman.

Je fus transférée à un obstétricien de l'hôpi-tal Ste-Mary's à 37 semaines de grossesse,

après que ce grand " tourneur de bébés " aitrefusé de tenter de retourner le mien - paraîtqu'il manquait d'eau, ou d'espace, ou detemps, ou de volonté, que sais-je ? Le 3 juin,le docteur et moi-même (eh oui) choisis-sions le 9 juin 2004 à neuf heures du matincomme date de naissance pour mon bébé. Àce stade, je flottais dans une sorte de résig-nation : J'allais me faire ouvrir le ventre afinde devenir maman, et il n'y avait rien à faire.J'étais terrorisée, mais prise au piège. Monsort me faisait bizarrement penser à celui duChrist en personne, quelques jours avant samort (au fait, je n'ai aucune éducationreligieuse) : Il savait qu'il allait se faire cru-cifier sous peu, il se doutait bien que çaallait faire mal, mais acceptait son sort,profitant de ses derniers instants pour

souper avec seschums et faire un peude philosophie…

Je me levai très tôt lematin du 9 juin, prisma douche avec lapetite éponge désin-fectante que l'onm'avait donnée laveille pour l'occa-sion, et regardai unedernière fois moncorps intact dans lemiroir.

Je n'ai ni l'espace nile courage de racon-ter l'horrible matinéeque je passai ce jour-là, les instants d'an-goisse et de panique,les sueurs froides etles tremblements queje vécus avant qu'on

ne me plante l'énorme aiguille dans lamoelle épinière et qu'on se mette à couperdans ma chair. En vérité, ce sont desmoments que je préfère oublier - et ce n'estplus de tristesse que je parle ici, mais biende la terreur la plus animale.

Par contre, dès la seconde où l'on posa mafille sur moi, toute la peur, la tristesse etl'amertume s'envolèrent. J'avais beau êtresur la table d'opération, les bras attachés(cloués?) en croix, une grande fentesanglante et béante sur l'abdomen, monbébé était sur moi, elle sentait le beurre et lemétal, et je riais de bonheur. Lorsque letourneur-de-bébés-devenu-ouvreur-de-ven -tres me serra la main, je le remerciai (!),sincèrement heureuse.

À partir de ce moment, mon unique but dansla vie fut de m'occuper de ma fille du mieuxque je le pouvais, et pour ce faire, il fallaitque je guérisse physiquement. La blessurepsychologique, je n'avais tout simplementplus le temps ni l'énergie de m'en occuper.

L'allaitement fut facile (j'ai moi-même été

allaitée), et je retrouvai assez rapidement laforme, considérant l'importante mutilationque j'avais subie. Le " choc de la maternité" - cette soudaine et violente prise de con-science qui survient après la naissance d'unpremier enfant, lorsqu'on se rend compte del'ampleur de la tâche devant nous - s'occupad'effacer temporairement la douleur émo-tionnelle de ce qui m'était arrivé.

La vie était belle, j'avais un nouvel amour.

Mais lentement, au bout de quelques mois,une tristesse recommença à me hanter,sournoise. Je repris lentement mes lectures,encouragée par ma sage-femme, et apprisque non seulement n'étais-je pas seule àavoir subi une césarienne, mais que je n'é-tais pas seule à en avoir autant souffert.

Au bout d'un an, j'avais une bibliothèquebien garnie de livres sur la césarienne,l'AVAC et l'accouchement naturel. Ma fillemarchait. Mes règles réapparurent. Jem'aperçus soudain que mon corps me sem-blait à nouveau m'appartenir, que je lereconnaissais, comme un vieil ami… J'avaisenvie d'avoir un autre enfant.

Je n'ai eu aucun mal à convaincre monchum, et au bout de trois lunes, mes règlesne sont pas arrivées au moment prévu. Jesavais que j'étais enceinte, mais me suis toutde même dit : " Demain, j'achèterai un testde grossesse, et j'appellerai ensuite la mai-son de naissance. " Le lendemain, je me suisdit exactement la même chose. Le surlende-main, j'ai appelé la maison de naissance ; letest pouvait attendre. Je me suis assuré uneplace dans chacune des maisons de nais-sance et ai poursuivi mon chemin en atten-dant. Finalement, je me suis rendue à mesrendez-vous sans avoir passé aucun test degrossesse ; je SAVAIS que j'étais enceinte,et que j'aie raison ou pas me semblait sansimportance, car la vérité allait devenir trèsévidente sous peu.

Mon premier rendez-vous était à Côte-des-Neiges, avec " ma " sage-femme. Mais dèsque je suis entrée dans son bureau, je mesuis sentie mal à l'aise - comme propulséedans un endroit que je connaissais trop bien,où j'avais trop de souvenirs tristes et récentsde confusion et de perte de contrôle…

Lorsque j'ai rencontré ma deuxième sage-femme, je lui ai raconté mon histoire, ellem'a raconté brièvement la sienne, et on apas mal rigolé, il me semble. On n'a pasentendu le cœur du bébé au doppler, maison savait tout de même que j'étais enceinte.Ce début de grossesse a été beaucoup plusinstinctif que pour la première. J'avais uneenvie féroce de trouver moi-même lesréponses à mes questions, de me faire con-fiance, et pour ce faire, il fallait avant toutque je m'écoute.

J'ai commencé à feuilleter les études surl'AVAC - les taux de rupture utérine, ses symp-

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“...elle sentait le beurre et le métal, et je riais de bonheur”.

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tômes et facteurs de risque, les effets desdiverses interventions sur les risques de rup-ture utérine, les taux de morbidité et de mor-talité maternelle et néonatale suite à une rup-ture utérine, etc. J'arrivais toujours au mêmechiffre de 0,5 % - soit 1 sur 200. Et là, jeretournais les chiffres, en me disant que j'avais199 chances sur 200 de NE PAS connaître derupture utérine. Finalement, je mettais ceschiffres en perspective : Ma fille avait 4 % derisque de se trouver en siège à la fin de magrossesse, soit une chance sur 25. J'avais donc" seulement " huit fois plus de chances de faireexploser ma matrice lors d'une tentative de tra-vail ! Bref, je me remplissais la tête de chiffresinutiles et de logiques mathématiques, et toutceci dans le but de me défendre auprès depotentiels critiques…

J'ai passé une grossesse moins "magique"que la première. Je connaissais les étapes, lesattendant joyeusement au tournant, maisj'avais pas mal de pain sur la planche, avecune petite de dix-huit mois curieuse et têtue.Et, contrairement à la première fois, j'avaisdéjà goûté à la maternité - en fait, j'enmangeais matin, midi et soir. J'avais de nou-veaux dilemmes, et déjà mes complexes etculpabilités de jeune mère faisaient partie demon quotidien. La maternité était pour moiquelque chose de très, disons, intense. Autantj'avais hâte de tenir mon pitchou dans mesbras, autant l'idée d'avoir un deuxième enfantà qui me donner entièrement m'angoissait.

Vers six mois de grossesse, j'ai commencé àme palper obsessivement : Je voulais êtrecertaine de détecter un éventuel siège leplus tôt possible. Et vers ma trentièmesemaine, mes tâtonnements sont devenusmaniaques. J'étais absolument persuadéeque le bébé se trouvait de nouveau la têtevers le haut ! Ma névrose m'a amenéejusque chez l'acupuncteure, qui me fit destraitements au moxa.

Et un jour, couchée par terre avec deux bot-tins téléphoniques sous les hanches, monbébé m'a envoyé un franc coup de pied dansles côtes - chose que je n'avais jamaisressentie auparavant. J'ai retiré les livres quiservaient à surélever mon bassin et suisrestée allongée, les bras en croix. Je meforçai à rester attentive et calme quelquesminutes, afin de déterminer une fois pourtoutes la position de mon bébé, sans toucherà mon abdomen. Après analyse, j'en ai con-clu que ce petit coquin se trouvait bel et bientête en bas - et je le croyais réellement. J'aiannulé mon rendez-vous chez l'acupunc-teure, cessé mes inconfortables exercices etai attendu de voir ma sage-femme.

Elle m'a palpée longuement - une éternité,même ! - avant de me déclarer ce que jesavais déjà : " Ton bébé est parfaitementplacé ! " J'étais aux anges, oubliant mêmemon échographie de 34 semaines - la seuleque j'avais prévu passer afin d'être certaine

du positionnement du bébé - et j'ai poursuivimon petit bonhomme de chemin.

Mais une nouvelle angoisse n'a pas tardé às'installer dans mon esprit : Mon Dieu, j'al-lais devoir accoucher de cet enfant " pour devrai " ! Je reprenais exactement là où j'avaisdélaissé ma première grossesse…

J'ai arrêté net de lire mes études et statis-tiques, puisque cela n'avançait à rien - jen'avais pas d'autre choix que de poursuivremon idée jusqu'au bout, advienne que pour-ra. Je m'étais " peinte dans un coin ". Cen'est pas que je préférais accoucher à l'hôpi-tal ou avoir une autre césarienne - jamais dela vie ! J'avais tout simplement le trac ; jesavais que ce qui s'en venait allait être leshow de ma vie.

Je me souviens que, lors d'un gros contratdurant l'hiver, je rentrais à la maison enmétro tous les soirs. La marche de la stationjusqu'à ma maison durait environ huit min-utes, et tous les soirs en sortant de la bouchede métro, je vivais mon accouchement dansma tête. C'était très difficile, je souffrais etsuais, mais dans le calme et la confiance. Et

là, avec une dernière poussée, mon bébénaissait, tout chaud et gluant (plof ! dans lapaille ?) - j'avais réussi ! C'était inévitable-ment sous les rails du chemin de fer, justeaprès le IGA, que cela arrivait, et c'est làque j'éclatais en sanglots tous les soirs, jouraprès jour, naissance après naissance.C'était comme un péché secret, et j'étaisconvaincue qu'il ne me serait jamais permisde connaître autant de bonheur. Et durant lestrois minutes qu'il me restait avant la mai-son, je formulais une demande à Dieu pourqu'elle m'accorde un seul vœu - connaîtreune contraction, une seule, c'est tout ce queje demandais.

Je ne me rappelle pas bien de la fin de magrossesse, mais je me souviens qu'à monrendez vous du 17 mai 2006, date prévue demon accouchement, ma sage-femme, monchum et moi avons énormément ri.L'atmosphère était détendue et pétillante…

Et le soir du 22 mai, jour de Dollard ou fêtede la reine (dépendamment de votre reli-gion), alors que mon chum couchait bébé-

fille, c'est arrivé. Moi, Céline Bianchi,utérus cicatrisé et fille d'utérus deux foiscicatrisé, connus la première contractionressentie en deux générations ! J'ai eu undoute, mais au bout de cinq minutes, unedeuxième douleur d'environ 45 secondesm'a prise au bas du ventre. Mon vœu avaitété accordé, merci mon Dieu !

J'ai très bien dormi cette nuit-là, et me suisréveillée vers six heures au matin du 23 maiavec une délicieuse contraction d'uneminute. Et rebelote cinq minutes plus tard.J'étais dans une autre dimension, à la foisfollement excitée et complètement lucide.

Ma mère est arrivée vers onze heures pours'occuper de notre fille, et mon chum et moisommes allés prendre un café (ok, unetisane à la menthe !), après que je sois alléefaire prendre ma photo au bureau deslicences pour mon permis de conduire… Etlorsqu'on est revenus à la maison, j'ai décidéde m'allonger un peu pour me reposer.

Une " grosse " contraction est survenue. Etune autre. Et une autre. Jusqu'à présent, mes" contractionnettes " captaient mon atten-

tion, m'empêchant (à peine) de parler, maisavaient été parfaitement supportables. Cettefois-ci, c'était autre chose. Ma mère est par-tie avec la petite et j'ai passé énormément detemps sur le bol de toilettes, où j'avais trou-vé un confort relatif. J'ai perdu mon bou-chon muqueux, et puis mes eaux, j'ai vomi,puis ai appelé ma sage-femme. Il était 17heures, et je commençais à avoir envied'être à la maison de naissance, ne sachanttrop combien de temps je serais encorecapable de me taper le voyage jusqu'àPointe-Claire. Mais on était en pleine heurede pointe, et Infos 690 nous mettait en gardeaux cinq minutes contre l'idée de s'aventur-er sur l'autoroute 20, encore moins en direc-tion de l'ouest…

Vers 19 heures, nous avons enfin pris laroute, en empruntant le chemin qui longe lecanal de Lachine et le Lac Saint-Louis. Il fai-sait beau pour la première fois depuis bellelurette. J'étais sur la banquette arrière et pre-nais mes contractions en gémissant douce-ment, tandis que mon chum me scrutait dansle rétroviseur en comptant dans sa tête.

Le bulletin d'information du Groupe MAMAN Volume 11 - Numéro 1 - Septembre 2007 - Page 17

Ahurie ! Céline a su capturé l’émotion de cette journée exceptionnelle...

Moi, Céline Bianchi,utérus cicatrisé et fille

d'utérus deux fois cicatrisé, connus la

première contractionressentie en deux

générations !

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Lorsque nous sommesarrivés à la maison denaissance, on a préparéla chambre et ma sage-femme m'a demandé sij'avais besoin dequelque chose. Je lui airépondu que j'avais vrai-ment envie de lasagnes ;un quart d'heure plustard, une assiette delasagnes fumantes étaitsur ma table de chevet.

Nous avons passé toutela soirée et une bonnepartie de la nuit seuls,mon chum et moi, àprendre les contractions.Ma sage-femme venaitnous voir aux 45 min-utes environ pourécouter le cœur du bébé,s'asseoir avec nous pen-dant quelques contrac-tions, puis elle repartait.C'était très calme.

Vers minuit, j'ai entendula femme dans la cham-bre voisine accoucher ;cela m'a impressionnée,mais j'avais hâte que cesoit mon tour…Un peuplus tard, je suis enfinentrée dans le bain. Celafaisait du bien.

Une heure et demie plustard, je suis sortie dubain et ma sage-femmem'a fait un toucher, pourme déclarer que j'étais à5 centimètres ! J'étais découragée, cela mesemblait éternel…

Vers cinq heures du matin, mes contractionsse sont espacées puis se sont estompées. Jeme suis dit que c'était cuit, qu'on allait sûre-ment me transférer pour arrêt de travail, etj'en ai profité pour dormir un peu. En fait, jen'en avais (presque) plus rien à cirer, memaudissant de m'être permis de croire que jepourrais accoucher toute seule comme unegrande. Ma sage-femme m'a assuréequ'avec le lever du soleil, les contractionsreprendraient ; je ne la croyais pas. J'étaisconvaincue que les bébés naissaient tou-jours la nuit, et le jour commençait douce-ment à poindre.

Un peu plus tard, je me suis réveillée et monchum m'a dit : "Allez, Céline, il faut que çaavance. Viens, on va à la cuisine !"L'expédition a été difficile mais salvatrice.J'ai ouvert la porte de ma chambre et aidécouvert ma sage-femme assoupie dans unlazy-boy à l'extérieur de ma chambre. Elle aouvert un œil et m'a suivie jusqu'à la cui-sine, où elle s'est fait un café. Une image

restera gravée dans mamémoire jusqu'à la finde mes jours : Je suisappuyée contre ledivan, dans la cuisine,et la sage-femme estassise à table, buvantun café fumant etmangeant un bol decéréales en regardantsa montre tandis que jeprends une contrac-tion. Je me trouvaisi n c r o y a b l e m e n tchanceuse de pouvoiraccoucher dans uneatmosphère aussi pais-ible et " normale ".

J'ai fini par retournerdans ma chambre, oùj'ai continué mon tra-vail, les contractionsdevenant de plus enplus puissantes avecchaque rayon de soleilqui pénétrait dans lapièce. Et, après avoirtangué longuementcomme un bouchonsur la mer en furie, j'é-tais " complète ".

J'étais dans le bainpour la deuxième foislorsque la poussée acommencé, lentement.On avait longtempsattendu que la pousséespontanée arrive, maisau bout d'un certainmoment, ma sage-

femme m'a encouragée à sortir du bain et àpousser par moi-même. Cela m'apris quelques con-tractions avant decomprendre le "truc ", mais en peude temps, moncorps savait quoifaire. Bordel, quej'ai eu mal ! J'enpleurais commeau jour de manaissance, entrechaque contrac-tion…

Au bout deplusieurs contrac-tions, ma sage-femme m'aencouragée àtoucher la tête dubébé ; elle était àun centimètre dela sortie, ratatinéecomme une

morille. Je me souviens m'être dit à cemoment précis : " C'est pas possible, je n'yarriverai pas, je veux rentrer à la maison, onoublie tout, ok? ".

Un peu plus tard - il paraît qu'il était midionze - la sage-femme m'a soudainementposé un bébé dans les bras, comme unepatate chaude qu'elle ne voulait pas tenir ! Jene savais même pas que la tête était sortie !Et c'est alors que j'ai poussé un cri que jen'oublierai jamais, un peu comme une poulelorsqu'elle vient de pondre son œuf. Ce cri aduré une éternité, et émanait du plus profondde mon être. Je ne peux pas décrire l'émotionà partir de laquelle est né ce cri : Ce n'étaitpas simplement de la joie ou du soulage-ment, mais ce que j'appelle aujourd'hui une "superémotion " - quelque chose de plus puis-sant que la victoire, de plus profond que lebonheur… Quelque chose d'inexplicable. Enun rien de temps, j'étais de retour de monvoyage, tout à fait lucide et présente.

J'ai pris une douche pendant que tous lesanges-gardiens de la maison de naissances'affairaient à faire le ménage de ma cham-bre. J'ai téléphoné à ma mère et on a bercéet embrassé notre petit garçon avant d'allermanger notre dîner dans la cuisine - deslasagnes réchauffées. Nous avons ensuitefait une sieste.

Nous sommes rentrés à la maison vers 19heures, où l'on a présenté bébé-gars àgrande sœur, Pépé, Mémé, Tonton etMatante Maryse. On a soupé en famille eton s'est finalement couchés, épuisés. J'aidormi sans interruption jusqu'au petit matin,d'un sommeil blanc, sans aucun rêve, nidouleur, ni même envie de faire pipi. Puisnous nous sommes levés, et la vie a reprisson cours.

Le bulletin d'information du Groupe MAMAN Volume 11 - Numéro 1 - Septembre 2007 - Page 18

“Superémotion”

Céline, Greta et Milo... “...et la vie a repris son cours”.