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La TABLE MORVANDELLE ****************** La nourriture, demeurée très saine et parfois très rudimentaire, a été pour beaucoup dans l a santé du Morvandiau. Dans le PASSE TTTw A K A A W A TTTC Au 18e siècle, "les gens se regardent comme très heureux quand ils ont une mauvaise soupe et un très mauvais pain pendant toute l'année, pour toute nourriture". Toute la nourriture de ce peuple consiste "en pain de seigle pur ou mélangé d'orge, et en pommes de terre". Us aiment beaucoup aussi une bouillie faite avec de la farine d'avoine, de l'eau ou du lait, qu'ils appel- lent "poulitte", dans le langage ou patois du pays. Leur régime, cent ans après, ne s'était guère modifié. En 1838, dans le Morvan autunois, la nourriture des paysans "ne se compose, en général, que de mauvais pain de seigle, de pommes de terre cuites à l'eau et quelquefois as- saisonnées avec du laitage ou du porc salé dont l'usage est très répandu. Elle se compose aussi, suivant les localités, de bouillies d'orge, d'avoine, de maïs et de légumes". % 1859, "ils se nourrissent encore de mauvais fruits, la plupart sauva- ges, et de quelques herbes potagères de leurs jardins, cuites à l'eau, avec un peu d'huile de noix ou de navette ; le plus souvent sans sel ni aucun con- diment. Les plus aisés parmi eux se nourrissent de pain de seigle mêlé d'orge et de froment. Si on ajoute à cela des gâteaux de sarrasin, des pommes de terre en immense quantité, à neine e t rarement accommodées avec un peu de chair de porc, on a la base de la nourriture de l'habitant des montagnes du Morvan". Jusqu'à l a première moitié du 19e siècle, les repas étaient uniformé- ment composés de : - soupe à l'huile de navette, parfois avec une greille (morceau de lard) sans beurre, pour le matin ; - pain, pommes de terre ou purée de haricots secs ou gâteau de sarrasin ou picoulée ("poulitte", bouillie faite avec de la farine d'avoine et de

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La T A B L E M O R V A N D E L L E * * * * * * * * * * * * * * * * * *

La nourriture, demeurée très saine et parfois très rudimentaire, a été pour beaucoup dans l a santé du Morvandiau.

Dans l e PASSE T T T w A K A A W A T T T C

Au 18e siècle, "les gens se regardent comme très heureux quand i l s ont une mauvaise soupe et un très mauvais pain pendant toute l'année, pour toute nourriture". Toute l a nourriture de ce peuple consiste "en pain de seigle pur ou mélangé d'orge, et en pommes de terre". U s aiment beaucoup aussi une bouillie f a i t e avec de l a farine d'avoine, de l'eau ou du l a i t , qu'ils appel­lent "poulitte", dans le langage ou patois du pays.

Leur régime, cent ans après, ne s'était guère modifié. En 1838, dans l e Morvan autunois, l a nourriture des paysans "ne se compose, en général, que de mauvais pain de seigle, de pommes de terre cuites à l'eau et quelquefois as­saisonnées avec du laitage ou du porc salé dont l'usage est très répandu. E l l e se compose aussi, suivant les localités, de bouillies d'orge, d'avoine, de maïs et de légumes".

% 1859, " i l s se nourrissent encore de mauvais f r u i t s , l a plupart sauva­ges, et de quelques herbes potagères de leurs jardins, cuites à l'eau, avec un peu d'huile de noix ou de navette ; l e plus souvent sans s e l ni aucun con­diment. Les plus aisés parmi eux se nourrissent de pain de seigle mêlé d'orge et de froment. S i on ajoute à cela des gâteaux de sarrasin, des pommes de terre en immense quantité, à neine e t rarement accommodées avec un peu de chair de porc, on a l a base de l a nourriture de l'habitant des montagnes du Morvan".

Jusqu'à l a première moitié du 19e siècle, les repas étaient uniformé­ment composés de :

- soupe à l'huile de navette, parfois avec une g r e i l l e (morceau de lard) sans beurre, pour l e matin ;

- pain, pommes de terre ou purée de haricots secs ou gâteau de sarrasin ou picoulée ("poulitte", bouillie f a i t e avec de l a farine d'avoine et de

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l'eau ou du l a i t ) ou mâcres cuites à l'eau, pour le midi ;

- soupe et pommes de terre cuites à l'eau sans s e l (genre "robe des champs", épluchées et cuites avec très peu d'eau sur un feu v i f à l'étouffée), pour l e s o i r .

Le s e l était très cher.

A mesure qu'a grandi l a facilité des communications, les chances de d i ­sette se sont éloignées. I l fut un temps où les élus de Bourgogne, signalant l a misère des peuples de l'Autunois, pouvaient écrire (en mars 1694) : " i l y a deux mois qu'ils ne vivent pour l a plupart que de l a seule racine de fou­gère. I l s sont attroupés dans les bois, d'où i l s volent tout ce qu'ils peu­vent attraper ; i l s mettent l e feu l a nuit dans les métairies, afin que, l e bétail se trouvant accablé dans les incendies, i l s puissent en dévorer les restes". En 1736, en 1771, l a famine sévit de nouveau. La désastreuse année 1847 v i t l e seigle se payer dans le Morvan jusqu'à 16 P le boisseau ; l a f a ­rine était introuvable. Au contraire, en 1879, où l e seigle manqua également, le prix du boisseau ne dépassa pas 8 P, et l'on put se procurer en grande quantité des farines et des seigles étrangers.

A l a f i n du siècle dernier, les ressources de l'alimentation étaient aussi abondantes et aussi variées dans le Morvan qu'en aucun autre pays de Prance. S i l e seigle, l a pomme de terre ( l a treuffe) et le blé noir en for­maient toujours les bases, e l l e s n'en étaient plus du moins les éléments ex­c l u s i f s . La viande est venue s'y ajouter. Jadis, au contraire, ne se consom­mait que très peu de viande fraîche, à peine une ou deux fois par mois, et quant au porc salé, qui f a i s a i t partie du régime, tout au plus en mangeait-on deux fo i s par semaine, l a quantité par ouvrier ne dépassant pas 200 g pour les deux repas. I l y eut plus d'arroi (assaisonnement) aux soupes éga­lement .

Les repas étaient devenus plus confortables :

- l e matin : soupe assaisonnée au lard ; - l e midi : pommes de terre salées ou ragoût au lard ou grapiau, sorte

de gâteau de blé noir, haricots alternés avec pommes de terre, r i z et macaro­nis ;

- l e soi r : soupe aux légumes suivant l a saison ; l a picoulée a dispa­ru.

Apparaissent aussi au menu : oeufs cuits durs (deux par personne pour un repas), fromage, poires sauvages ou blossons, quelques noix et châtaignes conservées avec du sable dans des b a r i l s . L'huile de "navette" était u t i l i ­sée pour l ' " a i r i v a i z e " , c'est-à-dire l'acconmodage. Pour les grandes fêtes, i l y avait un morceau de viande de boucherie, du boeuf de préférence ; l e d i ­manche, une tranche de jambon pour aviver l e rata.

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Sous bois, aux époques de t r a v a i l , l a nourriture était restée aussi sim­ple qu'aux anciens temps : soupe graissée avec un peu de lard foncé à l a poê­l e , pommes de terre. Les jours de fête, c'était le " f r i c h t i " au lard et aux pommes de terre. Mais les bûcherons vivaient surtout avec trois l i v r e s de pain par jour et i l s ne buvaient que de l'eau c l a i r e .

Longtemps, l e Morvandiau n'a eu d'autre boisson que l'eau c l a i r e des r i ­vières ou le breuvage résultat de l a fermentation des fr u i t s sauvages, le pourriau et l a mâcre "ponmée", boisson faite avec des poiames sauvages (craux) écrasées et mises à fermenter avec de l'eau dans un fût ou un cuvier. Ce n'est qu'aux grandes fêtes qu'il se risquait à boire du vin. Au début du siè­cle, l e marché principal des vins de Bourgogne était Château-Chinon. Mais, malheureusement, le Morvandiau s'est adonné de plus en plus à l a goutte. Cha­que hameau possède un ou plusieurs cabarets et l e vieux proverbe semble aban­donné, qui d i s a i t : "arzent économisé à boire, met du linge dans l'armoire". Cette progression constante des cabarets est une conséquence de l'industrie des nourrices. S i l'or rapporté de Paris a su modifier complètement et heureu­sement l'intérieur morvandiau, i l a malheureusement f a i t disparaître l a so­briété du paysan. Quoi qu'il en s o i t , les intérieurs riants s'accroissaient sans cesse.

"Les Morvandiaux n' sont pas chi fous De se quitter sans bouère un coup"

et i l s trinquent en chantant cet hymne :

"Aux varres, Morvandiaux, Laichons iau aux corgnaux, Queuvons, queuvons l a vingne Du souèr jusqu'au matingne".

AUJOURD'HUI n innni A A A A

a) Les mets caractéristiques des Morvandiaux, qui chérissent l ' a i l , l'oignon, l'échalotte, les cornichons et les radis noirs, sont :

- l a traditionnelle soupe au lard, aux choux ou à l'oignon ; - les oeufs au vin et à l a crème ; - l'omelette au jambon ; - le grapiau, crêpe épaisse f a i t e avec de l a farine de blé noir ( l e grapiau

sucré aux pommes e± exquis) ; - l'apoigne (farine délayée avec de l'eau et à laquelle on ajoute s e l , levain,

crème et parfois un oeuf, l e tout cuit au four) ; - l a tourtière levée ;

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- l a potée (jambon et chou pommé, quelques pommes de terre et carottes) ; - l a salade au lard fondu que l'on verse chaud sur les p i s s e n l i t s ; - les galettes au potiron et à l a semoule ; - l a potée aux "ponmées" ; - les daguenelles, poires séchées ; - les galibeurdas, prunes cuites avec du pain ; - l a tarte aux pruneaux ; - l a tête de veau ou "sansiot" ; - les grenadins de veau ; - l e "jau" au sang (jeune poulet de l'année au lard et aux petits oignons) ; - l e cochon de l a i t à l a persillade ; - l e marcassin rôti f a r c i de saucisson de ménage ; - l a galimafrée Vauban ; - le cul de veau à l a clamecycoise ; - les t a r t o u i l l a t s brament tartouillés, cuits au four sur des f e u i l l e s de

choux ; - les mias aux griottes...

Avec les déchets de l a graisse de porc fondue, les morvandelles f a b r i ­quent ce qu'elles appellent l e pain de beursandes ou de gueriaudes. Biles connaissent les recettes du "cachisse", de l ' i a u du coin et du fameux breu-leau ou eau-de-vie sucrée que l'on f a i t brûler (excellent remède contre les coliques).

b) Les principales spécialités gastronomiques du Morvan sont :

- les brioches de Bazoches ; - les jambons, les galettes et les délicieux bonbons, "châtaignes du

Morvan", de Château-^hinon ; - les saucissons "de ménage", les pâtés de campagne et de lapin de Lormes

(renommé aussi pour ses "fromages du Morvan"), de Lucenay et de Montsauche ;

- les navets de Saulieu ; - les jambons et les sucres d'orge du Morvan, de Lormes ; - les jambons et l a rosette d'Arleuf...

c) S i l e Morvan peut figurer en bonne place dans l a gastronomie fran­çaise (Saulieu est un r e l a i s gastronomique), i l l e doit, non seulement à ses porcs gras à souhait "pour soigner votre bedaine", mais aussi à ses t r u i ­tes succulentes, s i nombreuses dans l'Yonne et l a Cure, que l'on prépare de tant de façons : aux amandes, au bleu, à l a crème meunière, en pâté. Enfin, ses écrevisses au Champagne ou vins de Bourgogne sont excellentes et ses étangs fournissent brochets, carpes, tanches et ombres.

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On mange bien dans nos montagnes qui honorent l a v i e i l l e mais bonne cuisine du t e r r o i r . C'est un f a i t que l'on ne peut discuter et, parmi les plats servis par les restaurants morvandiaux. nous retiendrons :

- l a jambon à l a mode d'Icy, - l a potée, - l a dodine de canard, - l e canard à l'orange ou aux châtaignes, - l a fricassée de poulet au vieux Bourgogne, - l a poularde des ducs de Bourgogne, - l e poulet à l'apéritif Cinzano ou au Kummel, - l a terrine de lièvre, - les escargots sur l e sang au Chablis, - l a croûte aux morilles, - l e pôchoux, matelote-bouillabaisse, - l e soufflé au Cointreau ou au Kirsch.

d) Chaque v i l l e et village a su, par l a main, l a science et l e goût de ses cuisiniers, cordons bleus, ménagères et paysannes, t i r e r des spécialités qui constituent un corps culinaire :

- A Chêteau-Chinon, nous trouvons t r u i t e s , brochets, écrevisses, jam­bon, poulet aux cèpes, et, bien entendu, des andouillettes ;

- Ânost est célèbre pour ses fromages ;

- Le lac des Settons offre toute une gamme de poissons et l'on parle d'un certain civet d'oie ;

- A Lormes, nous trouvons carpes, jambon, fromages de vache et de chè­vre, et comme friandise des sucres d'orge ;

- Saint-Honoré est l e centre de soins pour enfants, par excellence : asthme, coqueluche, affection des voies respiratoires ; mais les adultes y vont également. Le traitement par les eaux thermales est reconnu efficace et maints gourmets ne font pas f i de l'eau minérale, même au cours d'un ex­cellent repas ; i l faut savoir l a boire et bien entendu ne jamais l a mélan­ger au vin. Saint-Honoré s'enorgueillit de spécialités t e l l e s que trui t e s , écrevisses, escargots, beaucoup de champignons (cèpes et surtout morilles) ; ses oeufs durs au jambon et ses pâtés de gibier font vite oublier que vous êtes dans une station thermale.

e) Le Morvan n'est pas un pays de vigne. Toutefois, l e vin de Saint-Péreuse est assez renommé. "Le l i e u où sont les vignes... a l e s o l e i l trois

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ou quatre heures avant midi et tout l e reste de l a journée qui est l a gran­de chaleur du jour. Cela est cause, avec l a bonté du plant, qu'en ce l i e u seul et nulle part en Morvan sont les vins bons et excellents". Ce pays pos­sède environ 5 ha 25 a de vignes en rapport. Le vin produit est très agréa­ble à boire, plutôt acidulé. I l a de 8 à 10° d'alcool. La récolte v a r i a i t entre 60 et 100 h l , i l y a une trentaine d'années.