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LA TOXICITE FERREUSE DANS LES SOLS DE RIZIERES IMPORTANCE DU PROBLEME CAUSES ET MECANISMES MIS EN JEU CONSEQUENCES POUR L'UTILISATION DES SOLS Jean-François VIZIER Antenne ORSTOM auprès du CEA DB-SRA Cadarache (France) mai 1988 Y\ ORsj'oivl Fonds Documentaire

LA TOXICITE FERREUSE LES SOLS DE - CORE

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LA TOXICITE FERREUSE DANS LES SOLS DE RIZIERES

IMPORTANCE DU PROBLEME CAUSES ET MECANISMES MIS EN JEU

CONSEQUENCES POUR L'UTILISATION DES SOLS

Jean-François VIZIER

Antenne ORSTOM auprès du CEA DB-SRA Cadarache (France)

mai 1988

Y\ ORsj'oivl Fonds Documentaire

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INTRODUCTION

La toxicité ferreuse es t parfol; invoquée pour expliquer l e Spéris- sement du riz inondé. Le b u t de cette note e s t , b part i r de données b i - bliographiques, de présenter les conditions, les mécanismes q u i peuvent conduire i¡ une t e l l e toxicité e t d'en t i r e r les conséquences pour l a pré- venir dans les sols ''8 risque".

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.1 - GENERALITES SUR CERTAINS PROBLEMES D'UTILISATION DES SOLS DE RIZIERES LIES A L'EXISTENCE DE PHENOMENES DE TOXICITE POUR LES PLANTES : LA TO- XICITE FERREUSE.

De vastes zones favorables à la riziculture sur le plan Climatique, hydrique , restent inoccupées en raison de problèmes que posent pour leur uti l isation, la salinité, 1 'a lcal ini té , la forte acidité e t des toxicités aluminique, ferreuse ou liées à. l a présence de fortes quantités de matiè- re organi que.

Ces problèmes sont économiquement tres importants. Dans les régions t rés densément peuplées de l'Asie du sud e t du sud-est par exemple, de te l les zones inutilisées, représentent envi'ron 100 millions d'hectares (Ponnamperuma, 1983). L'importance de ce chiffre ressort bien de la com- paraison q u i peut en être fa i te avec les superficies occupées par les sols subissant un excès d'eau dans l e s régions intertropicales du globe (wet- land soi ls) ; celles-ci sont estimées à 550 millions d'hectares, don t 30% seulement (soi t 150 millions d'hectares), seraient u t i l i sks (IRRI, 1984).

Quelques uns de ces problèmes d 'ut i l isat ion des sols, sont spécifi-

- l a salinité apparaît dans des sols des régions côtières, plus ou ques de certaines zones :

moins concernés par des invasions ou remontées d'eau de mer ou encore dans des sols de régions intérieures présentant une forte évaporation;

- 1 ' acidi té, 1 a toxi ci t é al umi n i que consti tuent les prob1 èmes ma jeurs des sols sulfatés acides des estuaires, des deltas soumis à l 'action des ma rées ;

sols de tourbSères (Van Menvoort e t a l . , 1985). - les toxicités associées à la matière organique apparaissent dans des

Plus généralement, 1 'u t i l isat ion des sols subissant u n excès d'eau peut être 1 imitée par des conditions physi Co-chimiques extrêmes (for te acidité ou forte alcalinité) e t des concentrations exceptionnellement éle- vées de substances ou d'éléments dues à des apports (sels) , ou à la nature du '*matériau" saturé d'eau (riche en matière organique, en soufre) ou en- core à la plus grande solubilité de certaines formes chimiques des consti- tuants du sol dans u n milieu réducteur. C'est cette dernière raison q u i

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peut e t re invoquée pour ce que l ' o n appelle "toxicité ferreuse'' : i l s ' a g i t en e f fe t de graves désordres nutritionnels pour les plantes, observés dans des sols saturés d'eau présentant de fortes concentrations de fer fer- reux (Tanaka e t Yoshida, 1970).

2 - LA SOLUBILITE DU FER DANS LES SOLS ET SA DISPONIBILITE POUR LA PLANTE. DESEQUILIBRE NUTRITIONNEL ET TOXICITE FERREUSE.

Dans les sols drainés, bien aérés, les teneurs en fe r présentes dans l a so lu t ion du sol sont extrêmement faibles par rapport a celles de f e r total . Ces teneurs sont contrõl ées par l a solubili t é des hydroxydes fer- riques q u i e s t fonction du pH e t la présence de complexes formés par l e fe r avec la matière organique du sol (Lindsay e t Schwab, 1982).

Dans les sols saturés d'eau, l a réduction du fer's'accompagne d'une augmentation de sa solubilité (1). Les quantités de fer présentes dans l a solution du sol ne sont cependant pas simplement fonction du développement des réaction d'oxydo-réduction conduisant à l a formation de fe r ferreux. Des expériences effectuées sur des sols saturés d'eau, correspondant à des mil deux "ouvert" ou "fermé" s u i v a n t q u ' i 1 y a ou pas renouvellement de 1 'eau saturant la terre, mettent en évidence la succession de deux périodes d i s - tinctes sur le plan de la physico-chimie e t de l a dynamique du fer :

une baisse du potentiel d'oxydo-réduction, une augmentation du pH pour les sol s acides, une rapide croissance des teneurs en f e r réduit dans l e sol e t dans la phase liquide;

- une deuxième période, au delà d ' u n certain temps de saturation, e s t caractérisée par une stabilisation des valeurs de E h , de pH e t si l ' o n no- t e une stabilisation (voire une légère augmentation en milieu "fermé") des teneurs en fer réduit dans le sol, celles-ci diminuent dans l a phase liquide.

On observe donc, au delà d 'une certaine durée de saturation, variable suivant les sols, une immobilisation progressive partielle du fer ferreux, attribuée ii la formation de composés du fer moins solubles (hydroxydes fer- roso-ferriques) ou à 1 'adsorption de f e r ferreux (Vizier, 1974, 1978, 1987).

- une première période, en début de saturation, es t caractérisée par

L'apport de fer aux ptantes peut se faire sous forme de Fe3t, Fe2' e t de complexes organo-métal 1 i ques e t pl us parti cul ièrement de ché1 ates (Menge1 , (1) La forme réduite devient prédominante dés lors que pe + pH es t infé-

rieur ii 12 (pe = Eh/59, Eh en mV - Lindsay e t a l . , 1982).

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e t Kirkby, 1978). L'assimilabilité du fer par la plante dépend d' inter- actions à l 'interface sol-racine qui sont fonction des formes et .des te- neurs en éléments absorbables e t de propriétés physiologiques, morpholo- giques des racines, q u i assuren't une régulation de l'absorption des nutri- ments suivant les besoins de la plante.

La forte compéti t iv i té existant entre éléments absorbables à 1 ' in ter- face sol -racine peut perturber 1 ' absorption s6l ecti ve des nutriments par 1 a p l ante e t entrai ner des déséqui 1 i bres n u t r i tionnel s. Si 1 ' absorpt ion de fer est influencée e t parfois limitëe par la présence de fortes quantités de phosphate, calcium mais aussi de fln2+, Cu2+, Mg'+, K+ e t Zn2+, on note souvent, B 1-Linverse, qu'une forte absorption de fer s'accompagne d'une dé- ficience en l ' u n ou plusieurs des éléments suivants : P, K , Ca, Mg, rrln (Tanaka, Loe, Navasero, 1966; Benckiser, Ottow, Watanabe, Sant iago, 1984). Les antagonismes existant dans 1 'absorption des différents ions, ne son t cependant pas toujours faci les 5 mettre en évi'dence. L'antagonisme exi s- t a n t entre les absorptions de Mn e t de Fe par exemple - deux éléments dont la solubilité augmente du f a i t de leur réduction en milieu saturé d'eau - a souvent été relevé (Rapports de 1'1RRI). Cependant, i l apparai t q u ' u n e faible absorption de Mn soi t davantage due à une faible concentra- t i o n en Mn assimilable par l a plante qu'ã une t rop forte absorption de fer (Van der Vorm e t al . , 1979). Plus q u ' u n antagonisme, i l semble que l 'absor- p t i o n de chacun de ces deux é l h e n t s est favorisée par des conditions dif- férentes de milieu : celle de Mn l 'é tant par la présence de nitrate par exemple, tandis que celle de fe r le serait par la présence d'azote ammo- niacal (Menge1 e t a l . , 1978).

Dans les sols bien drainés, aérés, les complexes organo-ferriques jouent u n rôle important étant donné que les quantités de fe r inorganique soluble - Fe3+, Fe(OH)i, Fe(OH)*+ - sont trés inférieures aux besoins de la plante. Ces composés organo-ferriques peuvent se former à partir d'ex- sudats racinaires, de substances organiques présentes dans l e sol ou de produits du métabolisme microbien. L'absorption du fer par les racines e s t précédée d ' u n e réduction de Fe3+ en Fezt et,pour les chglates, d'une sépa- ration du composé organique du fer. La réduction, au contact de l a racine serait assurée par une production d'électrons provenant des cellules raci - naires (Menge1 e t a l . , 1978). ou par des substances réductrices produi tes par certaines parties des racines (Uren, 1982).

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Dans les sols inondés, saturés d'eau, évoluant en conditions anaéro- bies, l es teneurs en fer dans l a phase l i q u i d e sont par contre, t rés net- tement supérieures aux besoins de la plante. Un mécanisme de régulation intervient au niveau de la racine. De l'oxygène, transféré des parties aériennes de la plante aux racines par l e s aérenchymes, e s t libéré dans l e sol e t oxyde l e fer ferreux au contact de l a racine, limitant ainsi son absorption (Van der Vom e t a l . , 1979). Ce t ransfer t d'oxygëne e s t efficace lorsque l a plante réagit bien 8 l 'inondation, par des adaptations métabo- 1 i ques q u i favori sent par exemple, 1 ' él ongati on i nternodale (Raski n e t Kende, 1984) ou la formation d'aérenchynes (Smirnoff e t Crawford, 1983 ...). Le maintien d 'une rhizosphere oxydée es t vi ta l pour l e riz, car i l pré- vient 1 'absorption de substances réduites en t rop fortes quanti tés par l a plante (Trolldenier, 1977).

La plante e s t donc suscepti'ble : - soit de favoriser l'absorption de f e r par réduction, dans des m i -

lieux aérés où cet élément se trouve en t r é s faibles quantités sous forme sol ubl e ;

que dans les milieux saturés d'eau, les teneurs en f e r réduit soluble sont t r o p importantes pour les besoins de l a plante.

par l a plante, on pourra observer soit une chlorose ferrique correspondant 2 une absorption déficitaire en fer , soi t une toxicité ferreuse traduisant au contraire, une absorption excédentaire.

- soit au contraire, d'en limiter l ' absorp t ion par oxydation, lors-

S i , pour diverses raisons, cette régulation ne peut pas ê t re assurée

Une toxicité ferreuse a été observée sur des sols ayant des teneurs t r é s variables de fe r réduit. Les niveaux de concentration en fe r dans l a solution a u sol 5 partir desquels une toxici té ferreuse a é té notée, sont différents suivant les auteurs, les sols étudiés e t les expériences réal i - sées :

- en culture hydroponique, des symptômes attribués b l a toxicité fer- reuse apparaissent lorsque la Concentration en fer ferreux e s t supérieure à 50 ppm (Tanaka e t a l . , 1966);

- dans l e s sols de rizières, les symptômes apparaissent pour des con- centrations en fer dans la sõ lu t ion , de :

= 100 à 500 ppm (Tanaka e t al., 1966), = 550 ppm (Tandano, 1974), = 30 b 3000 ppm (Van Bremen e t Moormann, 1978).

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Une toxicité ferreuse apparaît l e plus souvent sur des sols présen- tant des déficiences en P, K, Ca, Mg. I1 semble ainsi , q u ' u n e absorption excédentaire de fer,toxique pour la plante, soi t au tan t l i ée a u n déssqui- l ibre nutritionnel dû 8 une faible disponibilité en P , K, Ca, Mg dans l e sol, q u ' a une forte concentration en fer réduit soluble (Benckiser, Ottow, e t a l . , 1984).

3 - REACTIONS DES PLANTES A UNE TOXICITE FERREUSE.

Des carences (en K, Z n , . . . ) , des toxicités (en Fe, H2S, acides orga- niques . . . ) provoquent u n déséquilibre dans la physiologie de l a plante e t se manifestent par différents symptômes - taches sur les feui l les , mau- vaise floraison, mauvais rendements - parfois identifiés sous l e nom de maladies d'Akiochi , d'Akagare, . . . . Des symptômes assez semblables, peu- vent ê t re dus ã des maladies vi'rales.

Malgré la difficulté d ' identifier les symptômes, certaines manifesta- tions observées au niveau des feuil les, sont généralement attribuées ã une toxi ci t é ferreuse. Deux principaux types de manifestations de cet te toxi - c i t é o n t été décrits dans la l i t t é ra ture :

- le "bronzage" (bronzing disease) : apparition de taches éparses de couleur brun-rouge sur les feuil les les plus basses, extension de ces t a - ches, les feuilles deviennent brunes puis de couleur gris foncé e t meu- rent (Ponnamperuma e t a l . , 1955) ;

les feuilles les plus basses, partant de l a pointe des feui l les , i l progres- se vers leurs bases. Ce jaunissement vire parfois 8 des couleurs plus vives jaune foncé, orange e t des s t r i e s brunes peuvent être discernables. Les feu-- i l l e s sont peu ã peu affectées-par le jaunissement, tandis que les p l u s bas- ses meurent (Howeler, 1973). Une variante de ces symptômes fo l ia i res , dé- c r i t e par Tanaka e t Yoshida (1970) sous l e nom de "yellow type", semble as- sez proche du '* j a u n i ssement'l .

- 1 e II jauni ssement" (orangi ng d i sease) : un jauni ssement apparaît sur

Les deux types de symptômes fol iaires pourraient correspondre, d'aprés Howeler (1973), à des mëcanismes d'absorption impliquant différemment l e f e r ferreux. Pour cet auteur, l e "jaunissement" correspond à une "toxicité ferreuse i n d i recte", due iì un déséqui 1 i bre nutritionnel des plantes, sur des milieux ayant des concentrations élevées de f e r ferreux en solution.

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Ces fortes teneurs en fer réduit, inhibent l a formation de nouvelles ra- cines, tandis que l a précipitation de fer oxydé au contact des plus an- ciennes, limi tent 1 'absorption de nutriments e t particulièrement en P e t Mg. Quant au "bronzage", i 1 correspond ti unel'toxici t é ferreuse di recte'' due à une forte absorption de f e r par des plantes en milieu présentant des concentrations élevées de cet élément en solution. Cette absorption excessive de fer est aggravée par des déficiences en P (affaiblissement de l ' é t a t énergétique de la plante), en Ca (augmentation de la perméabi- l i t é des membranes des cellules racinaires) e t K (accumulation de subs- tances carbonées monméres dans la sève) q u i provoquent une augmentation de l'exsudation organique par les racines, du nombre e t de l ' ac t iv i té des micro-organismes réducteurs e t par conséquent, une forte accumulation d'ions ferreux au contact de l a racine, susceptibles d 'être absorbés par l a plante (Benckiser e t a l . , 1984).

Des autoradiographies real i sées sur des essais en cul ture hydroponi - que-(75 ppm de Fe"), avec introduction de 59Fe, permettent de constater que les taches brunes sur les feuil les, sont plus riches en fer, Cette accumulation est plus rapide dans les vieil les feuil les, ce qui est en accord avec les observations f a i t e s , puisque ce sont les feuil les les plus basses, les plus anciennes, q u i présentent les premiers symptômes de "bronzage" ou de "jaunissement" (Tanaka e t a l . , 1966). Les teneurs en fe r , dans les plants affectés par une toxicité ferreuse, ne sont pas éga- les dans toutes les parties de l a plante; les plus fortes sont notées au niveau des racines (dans les racines e t sur leurs surfaces), les plus faibles, dans les jeunes feuilles (Van der Vorm e t a l . , 1979). Les concen- t ra t ions en fer dans les feuilles présentant des symptômes de toxicité sont variables suivant les variétés de r i z : pour certaines, l e "bron- zage" e s t net pour des teneurs en fe r de 300 ppm, pour d''autres i l s'agira de "jauni ssement" , 1 e '' bronzage'' é tan t observé pour des teneurs pl us él e- vées (Tanaka e t a l . , 1966). Des concentrations en fer dam les feuilles, supérieures au seuil de 300 ppm généralement admis pour l'apparition des symptômes attri bués à une toxici t é ferreuse, peuvent ne pas s ' accompagner de manifestations foliaires visibles. I1 s ' a g i t dans ce cas, de plantes ayant bénéficig- d 'un apport équi 1 i bré en nutriments; les concentrations en fe r y sont par ail'l-ears, p l u s faibles dans les racines, ce q u i indique l'existence d 'un bon transfert de cet élément des racines vers les parties aériennes. Cette remarque tend à montrer que si les symptômes de toxicité

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apparaissent l iés à des teneurs élevées de fe r dansla plante, i l s sont surtout dus 8 un déséquilibre nutritionnel (Benckiser e t a l . , 1984).

Au cours de leur croissance, les plants de r i z sont plus ou moins sensibles a la toxicité ferreuse. Cette sensibil i té es t plus forte en début de croissance, lors de la période de végétation e t en fin de crois- sance, lors de la période de maturation. Le riz serai t moins sensible aux fortes concentrations en fe r ferreux de l a solution du sol pendant la période intermédiaire de floraison e t d'épiaison, sauf si celles-ci sont exceptionnellement élevées (Tanaka e t a l . , 1966; Tandano, 1974).

4 - CONSEQUENCES POUR L'UTILISATION DES SOLS. PREVENTION DES RISQUES DE TOXICITE FERREUSE.

, La toxicité ferreuse affecte donc p l u s ou moins directement les plan- tes, dans des sols présentant gënsralenent de fortes teneurs en fer ' rédui t soluble. Se traduisant par des concentrations élevées mis variables suivant les parties de l a plante, cette toxicité se manifeste par des symptômes foliaires e t un dépérissement de l a plante.

La toxi ci t é ferreuse apparaft surtout 1 iée 8 des déséqui 1 i bres n u t r i - tionnel s. Concernant 1 'azote, él ément n u t r i t i f l e p lus important pour l e riz, on peut noter par exemple, qu'en l'absence d'apport par des f e r t i l i - sants, 1 'établissement d 'une rhizosphère réductrice est associée 5 une faïble disponibilité en azote au contact des racines (Okajima, 1958). Mais 1 es déséqui 1 i bres nutri ti onnel s sont surtout dus de fai b l es d i sponi b i 1 i - tés en P , K, Ca, Mg ... dans les sols. Un rôle particulièrement important sem6le attribué ä la déficience en potassium. Celle-ci accroît 1 'exsuda- tion de composés organiques par les racines, 1 'activité microbienne au contact des racines e t diminue l a capacité de l a plante à maintenir une rfiizosphère oxydée (Trolldenier, 1981).

Pour prevenir efficacement les risques de toxicité ferreuse dans les

- d'effectuer u n suivi de 1 'évolut ion de "1 'ambiance physico-chimique" sa l s de rizières, i l convient :

du sol (mesures de Eh , pH e t de fer ferreux dans le sol saturé) en fonction de sa durée de saturation par l'eau;

- de connaître l a dynamique du f e r dans l e sol saturé, par l e suivi de sa réduction, de sa mobilisation e t donc de sa disponibilité croissante pour

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pour l a plante, puis de 1 ' appar i t ion de 1 'immobilisation progressive par- t ï e l l e du fer ferreux (mesure de f e r ferreux dans la solution du sol : celle-ci , difficile à réaliser i n situ en l'absence de système de pré1 èvement efficace, pourra ê t r e fa i t e sur des modèles expérimentaux reproduisant, en laboratoire, l es conditions de température e t surtout hydriques du m i 1 ïeu naturel ) ;

par des analyses de sol pouvant révéler des déficiences en certains élé- ments, mais surtout par des analyses de plantes lors d'essais en vases de végétation:

- de chercher à mettre en évidence des déséquilibres nutritionnels

Les données obtenues doivent permettre de préconiser des mesures v i s a n t à limiter les risques de toxîci té ferreuse. Ces mesures v o n t tendre à a g i r ou à simplement prendre en compte 1 'évolution de 1 ' é t a t d'oxydo- réduction du sol e t de la disponibilité en f e r réduit pour l a plante e t a corriger les déséquilibres nutritionnels les plus flagrants.

La prise en compte de l ' é t a t d'oxydo-réduction du sol e t de l a con- centration en fe r ferreux dans l a solution du sol, peut permettre de j u s t i f i e r des cpérations se rapportant au contrôle de 1 ' inondation des ri zi ères. La pré-inondation des r iz ières , avant l e repiquage, e s t parfois préconisée. Cette mesure se révèle efficace pour lut ter contre l a "toxi- c i t é ferreuse primaire" affectant l e s plants pendant la période végéta- t ive (Prade, 1987). La pré-inondation permet d'effectuer l e repiquage, donc de placer des plants f ragi l isés par cet te opération, dans un milieu saturé dans lequel 1 'imnobilisation progressive partielle du fer ferreux a déjà pu se développer, limitant ainsi l a concentration en fer dans l a solution du sol e t sa disponibilité pour l a plante. Un résultat analogue peut aussi ê t re obtenu par 1 ' interruption momentanée de 1 ' inondat ion juste aprés l e repiquage. Cette opération permet une pénétration de l'oxy- gène dans l e sol, une limitation de la réduction du fer e t de sa concen- tration dans l a solution du sol, donc de sa disponibilité pour l a plante.

La correction des déséqui 1 i b r e s nutritionnels les pl us fréquents consi stent à apporter du potassium (Troll denier, 1981 ; Prade, 1987) des phosphates, du calcaire (Durand, 1983;. .). Cette correction d0i. t pemet- t r e d 'évï ter la "toxicité ferreuse secondaire" (Prade, 1987) interyenant pendant la période de maturatïon de l a plante e t q u i appa ra î t attribuable

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autant à une mauvaise régulation de l'ahsorption des nutriments par la plante li.ée à un déséquilibre nutritionnel , qu'a une forte concentration en fe r ferreux dans la solutîon du sol.

CONCLUSION

Des désordres nutritionnels observés sur des plantes poussant dans des milieux saturés d'eau, inondés, présentant de fortes concentrations de fer ferreux, ont été attribués iî une toxicité ferreuse. Cette toxici- t é se révèle 5 l'observation par des symptômes foliaires bien identifiés, correspondant à des teneurs importantes de fer dans certaines parties de la plante (racines, vieilles feuil les). Cependant, en 1 ' é t a t actuel des connaissances, i l semble que les risques de toxicité ferreuse ou de dés- ordres nutritionnel s , dépendent au tan t ou pl us de 1 a re1 ation existant entre l ' é t a t général de la plante ou l e total des éléments absorbés e t les concentrations en fer dans la plante (évidement l iées aux fortes te- neurs en fer réduit dans la solution du sol) , que des seules concentra- tions en fer dans le sol e t la plante.

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