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JEAN D. KABONGO LA VALORISATION RÉSIDUELLE : UNE ÉTUDE DE CAS DANS DOUZE FIRMES CANADIENNES Thèse présentée à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval dans le cadre du programme de doctorat en sciences de l’administration pour l’obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.) DÉPARTEMENT DE MANAGEMENT FACULTÉ DES SCIENCES DE L’ADMINISTRATION UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC Octobre 2006 ©Jean D. Kabongo, 2006

LA VALORISATION RÉSIDUELLE : UNE ÉTUDE DE … · pratiques d’utilisation et de transformation des sous-produits et des matières résiduelles dans les procédés productifs. Les

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JEAN D. KABONGO

LA VALORISATION RÉSIDUELLE : UNE ÉTUDE DE CAS

DANS DOUZE FIRMES CANADIENNES

Thèse présentée à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval dans le cadre du programme de doctorat en sciences de l’administration pour l’obtention

du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.)

DÉPARTEMENT DE MANAGEMENT FACULTÉ DES SCIENCES DE L’ADMINISTRATION

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

Octobre 2006

©Jean D. Kabongo, 2006

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RÉSUMÉ

Depuis une vingtaine d’années, la valorisation des sous-produits industriels et des matières

résiduelles dans les procédés productifs suscite beaucoup d’intérêt de la part des dirigeants industriels

et politiques. Cet intérêt grandissant se justifie sans doute par le désir de nouvelles opportunités

d’affaires et par l’urgence qu’il y a à mettre en œuvre les principes du développement durable aux

échelles macroéconomique et microéconomique. Depuis lors, la valorisation résiduelle a fait l’objet de

nombreuses recherches qui s’articulent autour du concept d’écologie industrielle. Celle-ci propose un

cadre de référence à l’optimisation de l’usage des ressources dans les systèmes productifs. Les

recherches ont été largement dominées par les approches scientifiques et d’ingénierie. Ces approches

abordent l’écologie industrielle, en particulier la valorisation résiduelle, dans la perspective de l’analyse

des flux de matière et d’énergie et du développement des technologies de réduction et de

transformation des déchets, essentiellement au niveau global et interentreprises. Cependant, de telles

approches ignorent largement le fonctionnement des pratiques de valorisation résiduelle au niveau

intra-entreprise. Ainsi, en ce qui concerne la valorisation résiduelle, la vision technoscientifique pose le

problème de l’écologie industrielle en termes de modélisation mathématique et de description des

outils de mise en œuvre de l’écologie industrielle.

La présente recherche aborde la problématique de la valorisation résiduelle dans une perspective

différente. Elle se veut managériale. Elle s’attache à analyser les mécanismes de la valorisation

résiduelle comme pratique d’écologie industrielle à l’échelle des différentes fonctions des entreprises

industrielles canadiennes étudiées. Par cette analyse, la recherche vise à comprendre les enjeux de ces

pratiques pour la gestion des ces entreprises ainsi que les difficultés auxquelles les gestionnaires de ces

mêmes entreprises font face. Pour atteindre cet objectif, cette recherche repose sur une approche

qualitative et empirique prenant la forme d’une étude de cas qui emprunte des éléments de la grounded

theory. Pour mieux analyser la valorisation résiduelle dans la perspective managériale, le cadre

conceptuel est forgé à partir d’une synthèse des courants de pensée en écologie industrielle identifiés

dans la littérature. Le cadre conceptuel proposé repose ainsi sur les notions de reconnaissance

d’opportunités, de transformation des sous-produits industriels et de gestion des processus d’affaires.

C’est à partir de ces trois notions que les concepts fondamentaux de l’étude ont été définis.

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À partir des résultats portant sur les définitions de la valorisation ainsi que sur les motivations

favorisant des initiatives d’écologie industrielle dans les entreprises visitées, la recherche propose un

modèle conceptuel de la valorisation résiduelle, modèle qui repose sur les concepts d’introduction, de

transformation des résidus en produits à valeur commerciale, de réseau d’échange des sous-produits et

de développement des marchés pour les produits élaborés à partir des résidus industriels (ITEM). Ce

modèle conceptuel a permis d’examiner les structures et le fonctionnement des pratiques de

valorisation dans les entreprises étudiées. Cet examen montre que l’utilisation des sous-produits

industriels se fait aux trois échelles de la chaîne de production : à l’entrée, puis pendant le processus de

conversion de ces résidus et, enfin, à la sortie des produits élaborés. Les différents modes d’utilisation

des sous-produits définissent à leur tour quatre modes de valorisation résiduelle : la transformation des

résidus en produits à valeur commerciale, la substitution des matières nobles par différents résidus,

l’utilisation des matières résiduelles comme source énergétique et l’utilisation des matières résiduelles

pour renforcer la qualité des produits finis. À partir de ces modes d’utilisation identifiés, la présente

étude propose une typologie des pratiques de valorisation résiduelle.

L’analyse de la gestion environnementale des pratiques de valorisation dans les cas étudiés

montre que la valorisation résiduelle éco-efficiente constitue la forme la plus avancée des pratiques

d’écologie industrielle, c’est-à-dire celle qui se rapproche le plus des principes écologiques

d’optimisation de l’usage des ressources dans les procédés productifs (Frosch et Gallopoulos, 1989).

L’intégration de l’écologie et de l’économie se traduit par un processus graduel, sous-jacent aux

résultats économiques favorables de l’entreprise. La valorisation résiduelle soulève des problèmes

majeurs par rapport à l’introduction de résidus dans les procédés, à la transformation de ceux-ci en

produits commerciaux et au développement des marchés. L’intensité et l’extension de la plupart de ces

problèmes font de la valorisation résiduelle un type particulier d’activité industrielle appelé ici « hyper-

flexible », en comparaison avec d’autres activités basées sur l’introduction des matières premières

standardisées.

Les résultats de la présente thèse montrent, d’abord, la pertinence de l’analyse des pratiques de

valorisation résiduelle dans une perspective empirique et de gestion. Ce qui remet en cause deux

choses : les approches physico-chimiques sont les seules qui offrent un cadre de référence, et les bases

sur lesquelles devrait reposer l’écologie industrielle sont un moyen de mettre en œuvre les principes du

développement durable. Plusieurs études théoriques ont tenté de soutenir cette tendance dans le

développement actuel de l’écologie industrielle comme domaine d’étude et de recherche. La présente

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recherche contribue à montrer que la prise en compte de la dimension managériale ou les expériences

de valorisation des sous-produits industriels dans les entreprises font partie intégrante des thèmes de

l’écologie industrielle au même titre que les modélisations et les analyses physico-chimiques. Ce qui

apporte une réponse au débat actuel portant sur le statut « positif » ou « normatif » de l’écologie

industrielle. La présente thèse montre ainsi la nécessité d’incorporer l’approche managériale dans le

développement de l’écologie industrielle.

Ensuite, les résultats de la présente recherche donnent une consistance opérationnelle aux

pratiques d’utilisation et de transformation des sous-produits et des matières résiduelles dans les

procédés productifs. Les différents concepts construits et défendus dans cette étude précisent et

délimitent les frontières de la valorisation résiduelle comme pratique d’écologie industrielle, ce qui

contribue à consolider les concepts et à donner de la rigueur aux concepts et aux termes utilisés en

écologie industrielle, et de façon plus précise, la valorisation résiduelle. Enfin, à partir des expériences

concrètes du vécu des gestionnaires, la thèse contribue à montrer les difficultés opérationnelles de la

valorisation résiduelle, comme pratique d’écologie industrielle dans l’entreprise.

Mots clés : écologie industrielle, valorisation résiduelle, développement durable, environnement,

optimisation, procédé, sous-produits, matières résiduelles, gestion environnementale, introduction,

transformation, échange, marché.

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REMERCIEMENTS

L’élaboration de cette thèse, qui représente le couronnement de mon cheminement dans le

programme de doctorat, n’aurait pu se faire sans le soutien moral, intellectuel et financier d’un grand

nombre de personnes.

J’exprime ma profonde reconnaissance au professeur Olivier Boiral pour la confiance qu’il m’a

témoignée en acceptant de diriger ma thèse. Sa disponibilité, ses conseils et ses remarques pertinentes

ont contribué à enrichir mon expérience dans la conduite de ma recherche. Mes remerciements vont

également aux membres du jury de la thèse, les professeurs Marie-Josée Roy, Gérard Verna, Paule

Halley, Dominique Bourg ainsi qu’Antoine Gautier, directeur du programme de doctorat, pour avoir

accepté de suivre et d’évaluer cette thèse.

Je remercie de façon particulière M. Gérard Croteau du ministère de l’Environnement du

Québec pour les précieuses discussions et les nombreux échanges de données qui m’ont permis

d’élargir ma vision du domaine de l’écologie industrielle.

Je remercie les représentants du Fonds québécois de recherche sur la nature et les technologies,

en particulier Mme Marise Ouellet, pour la bourse d’excellence qui m’a été accordée afin de poursuivre

mes études de doctorat.

Ma reconnaissance va également aux responsables et aux gestionnaires des entreprises qui ont

accepté de participer à cette étude. Sans leur disponibilité et leur ouverture d’esprit, celle-ci n’aurait pas

pu être réalisée. Je remercie ainsi, au nom des tous les participants à l’étude, MM. Claude Fortin, vice-

président de Nova Pb; Alain Bergeron, chef de l’environnement chez Magnola; Pierre Beaulieu,

directeur de l’énergie et de l’environnement chez Ciment Saint-Laurent; Alain Beaudet, coordinateur à

l’environnement chez Lafarge; Paul Turcot, directeur général de Royal-Mat; Richard Turcotte,

coordinateur à l’environnement chez Papiers Stadacona; Claude Bourgault, directeur général de

Rothsay-Laurenco; Michel Allard, directeur général de Recmix; Daniel Gosselin, directeur général

d’Animat; Jean-Marie Raymond, directeur général de Scopcat; Duong Nguyen, vice-président de

Bitumar; et Jacquelin Dea, ingénieur de procédé chez Kronos.

Je remercie Mme Josette Brogan et Mme Line Poirier pour l’aide à la correction de cette thèse.

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À ma femme, Rosa, et à ma fille, Nathalie

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ...................................................................................................................................................................ii

REMERCIEMENTS..............................................................................................................................................v

TABLE DES MATIÈRES ..................................................................................................................................vii

LISTE DES FIGURES........................................................................................................................................xii

LISTE DES TABLEAUX..................................................................................................................................xiii

LISTE DES ABRÉVIATIONS ........................................................................................................................xiv

INTRODUCTION GÉNÉRALE ......................................................................................................................1

PREMIÈRE PARTIE.........................................................................................................................................5

REVUE DE LITTÉRATURE SUR L’ÉCOLOGIE INDUSTRIELLE ET CADRE

CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE ....................................................................................................5

CHAPITRE 1...........................................................................................................................................................7

LA VALORISATION DES DÉCHETS : ARRIÈRE-PLAN HISTORIQUE ET THÉORIQUE ....7

1.1. La gestion des déchets dans l’histoire 8 1.2. L’intégration des systèmes productifs : pratiques anciennes 12 1.3. Les antécédents de l’émergence de l’écologie industrielle contemporaine 15

CHAPITRE 2.........................................................................................................................................................19

LES DÉFINITIONS ET LES FONDEMENTS DE L’ÉCOLOGIE INDUSTRIELLE..................19

2.1. Les définitions et les objectifs de l’écologie industrielle 20 2.1.1. Les définitions contextuelles...............................................................................................21

2.1.2. La perspective physico-chimique.......................................................................................27

2.1.3. Les objectifs principaux de l’écologie industrielle...........................................................32

2.2. Du bio-mimétisme à la valorisation résiduelle 36 2.2.1. Bio-mimétisme et écologie industrielle .............................................................................37

2.2.2. La perspective systémique...................................................................................................38

2.2.3. La valorisation résiduelle .....................................................................................................39

2.3. La mise en œuvre de l’écologie industrielle 50 2.3.1. Les trois échelles opérationnelles de l’écologie industrielle ..........................................50

2.3.2. Les stratégies régionale et globale de l’écologie industrielle..........................................53

2.3.3. L’écologie industrielle à l’échelle interentreprises ...........................................................57

2.3.4. L’écologie industrielle à l’échelle intra-entreprise ...........................................................66

2.4. Les typologies d’écologie industrielle 82 2.4.1. La typologie de Boons et Baas (1997)...............................................................................82

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2.4.2. La typologie d’Andersen (2003) .........................................................................................83

2.5. Les éléments fondamentaux de l’écologie industrielle 87 CHAPITRE 3.........................................................................................................................................................90

L'ANALYSE CRITIQUE DE LA LITTÉRATURE SUR L’ÉCOLOGIE INDUSTRIELLE..........90

3.1. Les principaux courants de pensée en écologie industrielle 90 3.1.1. Les courants de pensée idéologiques selon Opoku (2004) ...........................................91

3.1.2. Les courants de pensée pratiques d’optimisation des ressources ................................97

3.2. Les limites de la littérature sur l’écologie industrielle 105 3.2.1. Manque de définitions rigoureuses................................................................................. 105

3.2.2. Concepts abstraits.............................................................................................................. 106

3.2.3. Délimitation des frontières de l’écologie industrielle .................................................. 107

3.3. Les obstacles à l’écologie industrielle 108 3.3.1. Les obstacles d’ordre technique ...................................................................................... 109

3.3.2. Les obstacles d’ordre structurel....................................................................................... 111

3.3.3. Les obstacles d’ordre socioculturel................................................................................. 112

3.3.4. Les obstacles d’ordre institutionnel................................................................................ 114

CHAPITRE 4...................................................................................................................................................... 118

LE CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE............................................................................. 118

4.1. La perspective de recherche : approche managériale 118 4.2. La construction du cadre conceptuel 121

4.2.1. La reconnaissance de l’opportunité ................................................................................ 121

4.2.2. La valorisation résiduelle comme utilisation et transformation ou axe matériel.... 123

4.2.3. La valorisation résiduelle comme réorganisation et gestion des processus d’affaires

ou « axe formel » ................................................................................................................................... 128

DEUXIÈME PARTIE................................................................................................................................... 134

FONDEMENTS MÉTHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE ......................................... 134

CHAPITRE 5...................................................................................................................................................... 136

LA MÉTHODOLOGIE ET LES TECHNIQUES DE RECHERCHE ............................................. 136

5.1. L’approche méthodologique 136 5.2. La collecte d’information 140 5.3. Les entreprises étudiées 141

5.3.1. Les critères de choix des entreprises étudiées .............................................................. 141

5.3.2. La présentation des cas étudiés ....................................................................................... 142

5.3.3. La présentation du questionnaire.................................................................................... 155

5.4. L’analyse et l’interprétation des résultats 159

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5.4.1. La collecte des données .................................................................................................... 159

5.4.2. La retranscription des verbatims..................................................................................... 160

5.4.3. La construction des catégories de données................................................................... 160

5.4.4. L’analyse de chaque cas étudié ........................................................................................ 165

5.4.5. L’interprétation globale des résultats.............................................................................. 165

TROISIÈME PARTIE .................................................................................................................................. 168

LES RÉSULTATS DE L’ÉTUDE ............................................................................................................ 168

CHAPITRE 6...................................................................................................................................................... 170

LA VALORISATION RÉSIDUELLE EN PRATIQUE......................................................................... 170

6.1. Des perceptions contrastées de la valorisation résiduelle 170 6.1.1. L’accès aux matières premières ....................................................................................... 171

6.1.2. Le cycle de traitement ....................................................................................................... 172

6.1.3. La valeur commerciale ...................................................................................................... 175

6.1.4. Les bénéfices pour l’environnement .............................................................................. 176

6.2. Les motivations pour la valorisation résiduelle 179 6.2.1. Le profit économique et le leadership du marché ....................................................... 179

6.2.2. La solution à un problème précis.................................................................................... 181

6.2.3. Les politiques gouvernementales, les lois et les règlements....................................... 182

6.2.4. L’image corporative........................................................................................................... 184

CHAPITRE 7...................................................................................................................................................... 186

LE MODÈLE CONCEPTUEL DE LA VALORISATION RÉSIDUELLE..................................... 186

7.1. Les éléments de la valorisation résiduelle 187 7.1.1. L’introduction des sous-produits.................................................................................... 187

7.1.2. La transformation des sous-produits ou matières résiduelles.................................... 190

7.1.3. L’échange des sous-produits............................................................................................ 192

7.1.4. Le développement des marchés...................................................................................... 194

7.2. La valorisation résiduelle revisitée 196 CHAPITRE 8...................................................................................................................................................... 197

LES STRUCTURES ET LE FONCTIONNEMENT DE LA VALORISATION RÉSIDUELLE197

8.1. Les échelles de valorisation résiduelle 197 8.1.1. La valorisation à l’entrée................................................................................................... 197

8.1.2. La valorisation pendant le processus de transformation............................................ 198

8.1.3. La valorisation à la sortie .................................................................................................. 199

8.2. Les modes de valorisation résiduelle 203

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8.2.1. L’élaboration des produits finis....................................................................................... 204

8.2.2. La substitution des matières conventionnelles............................................................. 204

8.2.3. La source alternative d’énergie ........................................................................................ 206

8.2.4. Le renforcement de la qualité des produits finis.......................................................... 207

8.3. Les types identifiés de valorisation résiduelle 210 8.3.1. La valorisation primaire optimale ................................................................................... 211

8.3.2. La valorisation primaire maximale.................................................................................. 213

8.3.3. La valorisation secondaire optimale ............................................................................... 214

8.3.4. La valorisation secondaire maximale.............................................................................. 215

CHAPITRE 9...................................................................................................................................................... 217

LA GESTION ENVIRONNEMENTALE DE LA VALORISATION RÉSIDUELLE................ 217

9.1. Les pratiques de gestion environnementale de la valorisation résiduelle 218 9.1.1. La politique environnementale........................................................................................ 218

9.1.2. Les indicateurs de performance environnementale..................................................... 221

9.1.3. Le paradoxe de la valorisation résiduelle ....................................................................... 224

9.2. Le processus d’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise 228 9.2.1. La conscientisation ou la connaissance du métier ....................................................... 230

9.2.2. La structuration des activités de valorisation................................................................ 231

9.2.3. L’affirmation de la fonctionnalité des procédés........................................................... 231

9.2.4. La consolidation vers l’éco-efficience ............................................................................ 232

CHAPITRE 10.................................................................................................................................................... 236

LES FACTEURS DE SUCCÈS DE LA VALORISATION RÉSIDUELLE...................................... 236

10.1. Mobiliser les ressources 236 10.1.1. La disponibilité des matières résiduelles à valoriser .................................................... 236

10.1.2. Les moyens financiers et économiques ......................................................................... 238

10.1.3. Le personnel motivé et engagé........................................................................................ 240

10.2. Structurer les opérations résiduelles 242 10.2.1. Les structures en amont et en aval ................................................................................. 242

10.2.2. Les structures de pré-conditionnement et de transfert des technologies................ 244

10.3. Développer et gérer les compétences clés 248 10.3.1. La maîtrise de la variabilité des flux des matières ........................................................ 250

10.3.2. La maîtrise des procédés et innovation technologique............................................... 252

10.3.3. La maîtrise de savoir-faire professionnels ..................................................................... 253

10.3.4. La maîtrise des aspects commerciaux ............................................................................ 256

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10.4. Rationaliser les méthodes 258 CHAPITRE 11.................................................................................................................................................... 261

LES PROBLÈMES DE VALORISATION RÉSIDUELLE................................................................... 261

11.1. L’hyper-flexibilité fonctionnelle 261 11.1.1. La valorisation résiduelle comme type particulier d’activités industrielles .............. 262

11.1.2. La valorisation résiduelle comme une activité stochastique ...................................... 263

11.2. La dynamique de la valorisation résiduelle : difficultés générales 264 11.2.1. Administration générale des intrants.............................................................................. 267

11.2.2. La gestion opérationnelle des intrants ........................................................................... 271

11.2.3. La gestion des aspects réglementaires............................................................................ 278

11.2.4. L’administration générale du processus de transformation ....................................... 293

11.2.5. La gestion des opérations de transformation ............................................................... 296

11.2.6. Le développement des marchés et des ventes.............................................................. 300

CONCLUSION GÉNÉRALE ....................................................................................................................... 306

BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................................................ 320

ANNEXES .......................................................................................................................................................... 345

LE QUESTIONNAIRE DE RECHERCHE ............................................................................................. 346

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LISTE DES FIGURES

Figure 1. Niveaux d’opération de l’écologie industrielle (Lifset et Graedel, 2002)......................... 51

Figure 2. Processus d’identification des types d’écologie industrielle (Andersen, 2003, p. 23) ..... 85

Figure 3. Modèle intégrateur des éléments fondamentaux de l’écologie industrielle ...................... 88

Figure 4. Dimensions et concepts fondamentaux de la recherche .................................................. 122

Figure 5. Schématisation de la recherche sur la valorisation résiduelle ......................................... 137

Figure 6. Construction des catégories .............................................................................................. 162

Figure 7. Définitions de la valorisation résiduelle........................................................................... 171

Figure 8. Éléments de la valorisation résiduelle .............................................................................. 186

Figure 9. Échelles d’utilisation des matières résiduelles................................................................. 198

Figure 10. Types de valorisation résiduelle ..................................................................................... 211

Figure 11 : Modèle intégrateur de l’écologie et de l’économie de l’entreprise .............................. 229

Figure 12. Structures de valorisation résiduelle............................................................................... 248

Figure 13. Compétences clés de la valorisation résiduelle.............................................................. 249

Figure 14. Matrice des problèmes de la valorisation résiduelle ...................................................... 266

Figure 15. Problèmes d’administration générale des intrants ......................................................... 267

Figure 16. Problèmes de gestion opérationnelle des intrants ......................................................... 271

Figure 17. Problèmes de gestion des aspects réglementaires......................................................... 278

Figure 18. Types de réglementations environnementales ............................................................... 286

Figure 19. Problèmes d’administration générale du processus de transformation ........................ 293

Figure 20. Problèmes de gestion des opérations de transformation............................................... 297

Figure 21. Problèmes de développement des marchés et des ventes ............................................. 301

Figure 22. Problèmes de valorisation résiduelle............................................................................. 304

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Gestion des déchets dans l’histoire des hommes............................................................... 9

Tableau 2. Exemples d’intégration des systèmes productifs dans le passé ...................................... 13

Tableau 3. Définitions contextuelles de l’écologie industrielle ........................................................ 22

Tableau 4. Valorisation résiduelle et logistique inversée .................................................................. 46

Tableau 5. Types de comptabilité environnementale (EPA, 1995) .................................................. 79

Tableau 6. Courants de pensée idéologique....................................................................................... 92

Tableau 7. Courants de pensée d’optimisation des ressources.......................................................... 98

Tableau 8. Obstacles à l’écologie industrielle ................................................................................. 110

Tableau 9. Résumé des cas étudiés .................................................................................................. 143

Tableau 10. Catégories et passages codés........................................................................................ 163

Tableau 11. Indice de valorisation (iV) dans quelques cas analysés .............................................. 188

Tableau 12. Indice de valorisation (iV) dans les cimenteries analysées ......................................... 188

Tableau 13. Modes de valorisation selon les cas étudiés ................................................................ 203

Tableau 14. Gestion environnementale de la valorisation résiduelle.............................................. 219

Tableau 15. Lois, règlements et guides gouvernementaux qui traitent de la gestion des matières résiduelles inorganiques ........................................................................................................... 283

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LISTE DES ABRÉVIATIONS

AFPCC Association des fabricants des produits chimiques du Canada

BTU British Thermal Unit

CBOT Chicago Board Of Trade

CEAQT Commission européenne de l’environnement, de l’agriculture et des questions

territoriales sur l’agriculture

Cl2 Chlore gazeux

CNUCD Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement

CO2 Gaz carbonique

CTTÉI Centre de transfert technologique en écologie industrielle

DFE Design for Environment

EMAS Environmental Management and Audit Scheme

EPA Environmental Protection Agency

GES Gaz à effet de serre

GRN Global Recycling Network

HACCP Analyse des risques et points de contrôle critique

H2SO4 Acide sulfurique

HCl Acide chlorhydrique

ISO International Standards Organization

LCA Life-Cycle Assessment

MFA Material Flow Analysis

MgCl2 Chlorure de magnésium

NMEN National Materials Exchange Network

NPE Nonylphénol et ses dérivés éthoxylés

ONG Organisation non gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies

QI Quantité introduite

QV Quantité valorisée

SF6 Hexafluorure de soufre

TiO2 Bioxyde de titane

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TRNEE Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie

UNEP United Nations Environment Programme

VRP Valorisation résiduelle primaire

VRS Valorisation résiduelle secondaire

WBCSD World Business Council for Sustainable Development

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1

INTRODUCTION GÉNÉRALE

La valorisation résiduelle constitue un phénomène qui fait l’objet de nombreuses recherches

depuis le début des années 1990 (Guide et Srivastava, 1998; Guide, 2000; Fleischmann et al., 2001;

Ferrer et Whybark, 2001; Guide et Van Wassenhove, 2002). Depuis les années 1990, bon nombre de

ces recherches s’articulent autour du concept d’écologie industrielle (Frosch et Gallopoulos, 1989;

Frosch, 1992). L’écologie industrielle s’est constituée comme un domaine d’étude et de recherche qui

tente d’introduire des transformations profondes dans les systèmes de production et de consommation

(Frosch et Gallopoulos, 1989; Frosch, 1992; Graedel et Allenby, 1995; Allenby, 1997; Erkman, 1998;

Lifset et Graedel, 2002) en vue d’atteindre les objectifs du développement durable (DeSimone et

Popoff, 1997). Des efforts constants sont déployés dans plusieurs secteurs industriels pour récupérer

les sous-produits et les utiliser comme intrants principaux dans les procédés de production. Par cette

forme d’optimisation de l’usage des ressources de la part de nombreuses entreprises, l’écologie

industrielle apparaît de plus en plus comme la démarche la plus appropriée pour mettre en œuvre les

principes du développement durable dans les organisations (Tibbs, 1993; Van Barkel et Lafleur, 1997;

Laville, 2002). Selon bon nombre de chercheurs, l’écologie industrielle repose sur la volonté, de la part

des différents acteurs économiques, de fonder les activités productives sur de nouvelles valeurs visant

la préservation des écosystèmes naturels, ainsi que la conception de produits et de procédés qui laissent

moins ou presque pas d’impacts négatifs sur l’environnement (Graedel et Allenby, 1995; Chertow,

1998).

Le rôle des entreprises dans le développement de l’écologie industrielle a été souligné par

plusieurs chercheurs (Tibbs, 1993; Van Berkel, Willems et Lafleur, 1997; Allenby, 1999a). L’utilisation

des résidus industriels comme matières premières présente des opportunités d’affaires (Tibbs, 1993), ce

qui intéresse de nombreux industriels et instances gouvernementales (Boiral et Croteau, 2001b). D’une

part, cette utilisation présente des alternatives à la quête de solutions aux problèmes de gestion

d’énormes quantités de déchets générés chaque année par l’industrie. D’autre part, l’utilisation des

résidus industriels ouvre des voies vers des stratégies organisationnelles : la croissance et la pérennité

de l’entreprise, la restructuration des opérations de production, la recherche de partenaires ou encore le

développement de ressources humaines. Bien que les firmes industrielles soient considérées par les

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2

spécialistes de l’écologie industrielle comme des partenaires dans l’adoption de nouvelles stratégies de

conception des produits et des procédés industriels (Lifset et Graedel, 2002), les études de cas qui

permettraient de comprendre la valorisation résiduelle comme pratique d’écologie industrielle sont

encore peu nombreuses.

Cependant, il existe une littérature abondante qui se rapporte au domaine de l’écologie

industrielle. Cette vaste littérature repose, pour l’essentiel, sur des réflexions théoriques et des

modélisations mathématiques qui, elles, portent sur l’analyse de flux de matière et d’énergie dans les

systèmes actuels de production industrielle (Ibenholt, 2002; Bartelmus, 2002; Bringezu et Moriguchi,

2002; De Bruyn, 2002). Quelques travaux portent sur la mise en œuvre des principes d’écologie

industrielle à l’échelle de l’entreprise. Ces travaux soulignent les facteurs de réussite de cette mise en

œuvre, en particulier la valorisation résiduelle au sein des entreprises. Ils portent sur divers aspects : le

développement de nouvelles technologies (Ausubel et Langford, 1997; Grübler, 1998; Chertow, 2001);

l’adaptation des procédés aux matières résiduelles à utiliser (Ausubel, 1996; Hendrickson et al., 2002); le

développement des réseaux d’échange des matériaux et l’approvisionnement constant de ces derniers

(Schwarz et Steininger, 1997; Sagar et Frosch, 1997; Côté et Cohen-Rosenthal, 1998; Guide, 2000); le

développement de l’avantage concurrentiel (Esty et Porter, 1998); ainsi que la révision des mécanismes

réglementaires (Graedel et Allenby, 1995; Allenby, 1999a).

L’examen d’un grand nombre de ces travaux a mené à deux constats. Primo, il y a de nombreuses

contributions portant sur des modèles mathématiques d’optimisation et de design technologique de

l’usage des ressources. Ces données se proposent de décrire les outils de mise en œuvre de l’écologie

industrielle en mettant un accent particulier sur le développement des technologies de réduction et de

transformation des déchets ainsi que sur les modèles mathématiques d’analyse globale des flux de

matière et d’énergie dans les systèmes industriels de production. Secundo, la plupart des travaux portant

sur l’écologie industrielle tentent de mieux comprendre, dans une perspective élargie, les principes de

l’écologie industrielle, de théoriser les mécanismes d’échange et de transformation des flux de

production et, de façon plus générale, de démontrer le potentiel de la généralisation de cette démarche

à un niveau macro-économique. Par contre, peu d’études empiriques visant à comprendre le

fonctionnement des pratiques de récupération et de transformation des sous-produits industriels et les

difficultés auxquelles les responsables des entreprises engagées dans la valorisation résiduelle font face,

ont été réalisées jusqu’à maintenant. La présente thèse entend répondre à cette lacune.

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3

Cette thèse porte sur la valorisation résiduelle comme pratique d’écologie industrielle dans les

entreprises industrielles. La valorisation résiduelle peut s’entendre par la récupération, l’utilisation et la

transformation des résidus industriels et des sous-produits dans les procédés de production

industrielle. La pertinence du sujet est issue des limites de la littérature sur l’écologie industrielle et sur

la valorisation résiduelle en particulier. Le problème central se situe à deux niveaux : d’abord,

comprendre le fonctionnement de la valorisation résiduelle dans les entreprises industrielles

canadiennes; ensuite, analyser les difficultés auxquelles les gestionnaires de ces entreprises font face.

Les questions de recherche portent sur les pratiques de récupération et de transformation des

résidus et des sous-produits industriels dans des entreprises canadiennes. De façon spécifique, elles

portent sur l’analyse du fonctionnement de ces pratiques. En ce sens, cette analyse sous-entend les

antécédents, les caractéristiques principales, le contexte précis des pratiques de la valorisation

résiduelle, et ce, selon les perceptions des responsables de la planification et de la gestion quotidienne

de ces mêmes pratiques. Ainsi, les questions auxquelles se propose de répondre cette étude s’articulent

de la façon suivante :

• quels sont les modes de fonctionnement des pratiques de valorisation résiduelle dans les

entreprises canadiennes étudiées?

• quelles sont les difficultés relatives à la valorisation résiduelle et auxquelles les gestionnaires

font face?

L’objectif principal de la présente recherche est d’analyser les mécanismes de la valorisation

résiduelle à l’échelle des différentes fonctions des entreprises par une approche inductive et empirique

qui vise à faire comprendre les enjeux de ces mêmes pratiques pour la gestion de ces entreprises. De

façon plus élaborée :

« L’analyse des pratiques de valorisation des sous-produits industriels dans les entreprises canadiennes…

Les pratiques de valorisation des sous-produits industriels se traduisent, entre autres, par la

récupération, l’introduction et l’utilisation de ceux-ci comme intrants principaux dans les procédés de

production. La recherche vise à analyser les différentes formes opérationnelles mises en pratique par

les entreprises étudiées. La présente thèse s’attache à identifier les structures et les fonctionnements de

ces pratiques, et à proposer des modèles conceptuels de celles-ci. Elle cherche également à connaître et

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à documenter les difficultés rencontrées par les entreprises dans le processus de mise en œuvre des

pratiques de valorisation résiduelle.

… par une approche inductive et empirique…

La présente recherche s’appuie d’abord sur une démarche qualitative. D’abord, l’importance est

accordée au sens que les participants donnent à leurs expériences et à la structure de leur monde

(entreprise, unité de travail, etc.); ensuite, cette démarche est descriptive; enfin, elle est inductive, c’est-

à-dire qu’elle se base sur la construction de concepts, d’hypothèses et de théories à partir de détails

pertinents fournis par les participants tout au long de la recherche.

… qui vise à faire comprendre les enjeux de ces mêmes pratiques pour la gestion de ces entreprises. »

L’étude vise à comprendre les implications des pratiques de valorisation des sous-produits industriels

pour la gestion des entreprises engagées dans cette démarche. Ces enjeux portent sur les conditions qui

facilitent ou qui limitent les initiatives de valorisation résiduelle dans un contexte donné.

Quant aux objectifs secondaires de la présente recherche, ce sont les suivants :

• connaître les caractéristiques de la valorisation des sous-produits industriels selon les

perceptions des participants à l’étude;

• comprendre les motivations pour la valorisation résiduelle;

• comprendre le processus d’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise;

• comprendre la relation entre la productivité et l’environnement dans les pratiques de

valorisation résiduelle;

• comprendre les facteurs de succès de la valorisation résiduelle.

La présente thèse se divise en trois grandes parties. Dans la première, la revue des grands

travaux portant sur l’écologie industrielle et sur la valorisation résiduelle est présentée et discutée.

Ensuite, le cadre conceptuel de la recherche est défini et précisé. La deuxième partie porte sur la

méthodologie et les techniques de recherche utilisées. Enfin, la troisième partie aborde l’essentiel des

résultats de l’étude. Le chapitre portant sur les conclusions et les discussions présente la synthèse de

ces résultats et discute des contributions de la présente étude au développement de l’écologie

industrielle, en particulier de la valorisation résiduelle.

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PREMIÈRE PARTIE

REVUE DE LITTÉRATURE SUR L’ÉCOLOGIE

INDUSTRIELLE ET CADRE CONCEPTUEL DE LA

RECHERCHE

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Cette première partie se compose de quatre chapitres. Le premier présente les généralités et les

perspectives historiques de la gestion des déchets dans l’histoire des humains. Le deuxième chapitre,

consacré à la revue de la littérature sur l’écologie industrielle, porte sur la vision et les fondements de ce

domaine d’étude et de recherche. Le principal objectif de cette revue de la littérature est double :

fonder la recherche sur la compréhension de grands travaux concernant le domaine émergent de

l’écologie industrielle et identifier les lacunes et les biais de cette même littérature, particulièrement en

ce qui touche la valorisation résiduelle. C’est à partir de cette compréhension et de cette identification

des lacunes de la littérature qu’il devient possible de positionner les résultats de l’étude sur la

valorisation résiduelle par rapport aux théories et aux concepts en application dans les sciences de

l’administration et, en particulier, dans les sciences du management. Le troisième chapitre porte sur

l’analyse critique de la littérature de l’écologie industrielle et sur des réflexions concernant les courants

de pensée identifiés en écologie industrielle, les obstacles à l’écologie industrielle et les mécanismes

réglementaires.

Bien que la revue de littérature porte sur l’écologie industrielle comme problématique générale,

l’accent sera mis sur la valorisation résiduelle comme pratique de celle-ci. C’est ce qui justifie

l’introduction de nombreux exemples tirés des expériences concrètes des entreprises industrielles. Ces

exemples visent à illustrer les principes de l’écologie industrielle et, dans le cas de la présente thèse, de

la valorisation résiduelle – et à en montrer le fonctionnement.

Le quatrième chapitre porte sur le cadre conceptuel de la recherche, qui sera précisé à partir de

la synthèse de grands travaux du domaine et de différentes approches adoptées pour analyser les

pratiques d’optimisation de l’usage des ressources disponibles, en particulier la valorisation résiduelle.

La description des concepts fondamentaux de ce cadre part du postulat selon lequel la valorisation

résiduelle repose, d’une part, sur l’utilisation et la transformation « propre » des résidus industriels ou

sous-produits en produits à valeur commerciale et, d’autre part, sur la gestion des processus d’affaires à

l’échelle des différentes fonctions des entreprises engagées.

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CHAPITRE 1

LA VALORISATION DES DÉCHETS : ARRIÈRE-PLAN HISTORIQUE ET THÉORIQUE

« The dump was our poetry and our history. »1 - Wallace Stegner

« Garbage is intolerable in a free society. »

- Richard Denison

L’écologie industrielle constitue un champ d’étude et de recherche qui a émergé au cœur des

préoccupations portant sur l’économie des ressources et les dommages sur l’environnement causés par

l’accélération des activités industrielles. Elle est souvent présentée comme une vision révolutionnaire

d’analyse et de gestion efficace des déchets qui permettrait de réduire la quantité de matières résiduelles

en circulation par la conversion des systèmes productifs actuels en boucle fermée (Frosch et

Gallopoulos, 1989; Frosch, 1992; Graedel et Allenby, 1995; Erkman,1998; Bourg, 2003). L’intégration

des systèmes productifs, c’est-à-dire l’utilisation des résidus ou sous-produits d’un procédé comme

intrants principaux d’un autre procédé est souvent associée à l’émergence de l’écologie industrielle. Ne

s’agit-il pas là plutôt de la redécouverte, par les spécialistes de l’écologie industrielle, des pratiques

millénaires souvent ignorées ou oubliées2?

L’histoire nous montre que la récupération et la valorisation des déchets ne sont pas des

phénomènes nouveaux. Elles ne représentent pas non plus de nouveaux thèmes dans la littérature

scientifique (Desrochers, 2000a; 2000b; 2002b; Medina, 1998). C’est ce que tente de retracer ce

chapitre. Dans un premier temps, le chapitre présentera une brève synthèse historique de la gestion des

déchets depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Dans un deuxième temps, prenant appui en particulier sur

1 Ces citations, empruntées de Benjamin (2003), montrent bien l’évolution de la gestion des déchets dans

l’histoire des humains. De la décharge dans la rue, cette gestion a évolué vers des méthodes beaucoup plus rationnelles qui contemplent l’élimination de la notion des déchets et l’élaboration systématique, si possible, de produits à partir de ceux-ci.

2 « Trop souvent ce qui est présenté comme original ou nouveau n’est qu’une redécouverte d’un passé parfois récent trop vite oublié » (Marmonier et Thiétart, 1988, p. 163).

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les travaux de Medina (1998) et de Desrochers (2000a; 2000b; 2002b), le chapitre montrera que la

récupération des matières, et donc la réalisation des boucles productives, constituent en effet des

pratiques très anciennes. La récupération et la transformation des matières résiduelles se situent donc

dans une longue trajectoire de l’histoire des hommes. Les entreprises engagées dans cette démarche

aujourd’hui ne font peut-être que perpétrer une vieille tradition qui fait partie intégrante de la condition

humaine : la quête d’opportunité. Dans un troisième temps, enfin, le chapitre retracera les antécédents

de l’avènement de l’écologie industrielle comme champ d’étude à l’époque contemporaine.

La mise en perspective des phénomènes de la récupération et de la transformation des déchets à

travers les temps permettra de mieux présenter la problématique de l’écologie industrielle, en

particulier la valorisation résiduelle dans les contextes actuels.

1.1. La gestion des déchets dans l’histoire

Produire et consommer sont des nécessités vitales pour les hommes. Ainsi, les déchets

constituent des sous-produits3 inévitables des activités de production et de consommation qui

caractérisent l’histoire des hommes, comme l’illustrent de nombreuses études, en particulier celles de

Rathje et Murphy (1992), de De Silguy (1996) et de Strasser (1999)4. Ces études indiquent ainsi que,

depuis des milliers d’années, trois moyens étaient connus et utilisés pour composer avec la génération

de déchets : la décharge, l’incinération et la réutilisation ou le recyclage5. Le tableau 1 à la page suivante

résume l’essentiel de l’information sur les hommes et la gestion de leurs déchets.

S’il a existé une période d’harmonie entre les activités des hommes et la présence des déchets

parmi eux, cet équilibre a été rompu par les changements des modes de vie causés par la fondation de

cités et l’accumulation des populations dans ces dernières. Cette accumulation s’accompagne du

développement des activités commerciales et, au Moyen Âge, de plus en plus de gens abandonnent les

campagnes pour s’installer dans les villes sédentarisées. C’est alors que le problème de la gestion des

déchets surgit. Les études ci-dessus mentionnées indiquent que pendant plusieurs siècles, les villes ont

3 Le terme « sous-produit » est utilisé ici dans le sens de « produit dérivé d’une activité ». 4 Cette section présente en effet une synthèse de ces études. 5 Le terme recyclage est souvent utilisé pour désigner les activités de réemploi et de réutilisation, connues et

utilisées depuis des milliers d’années par les humains. Cependant, ce terme ne fera son apparition dans le langage courant que plus tard, vers les années 1920. Les compagnies pétrolières l’ont « inventé » pour décrire le processus industriel de réutilisation des produits pétroliers (Gorman, 2001, cité dans Zimring, 2002).

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été envahies par la présence et l’accumulation des déchets, débris ou détritus partout, ce qui occasionne

des problèmes sanitaires sérieux. Comme le montrent Rathje et Murphy, la présence de véritables

villes-dépotoires était monnaie courante du Moyen Âge jusqu’au début du 18ème siècle :

For thousands of years, it was commonplace to dump rubbish on site - on the floor, or out the window. Scavenging domestic animals, chiefly pigs and dogs, consumed the edible parts, and poor people salvaged what they could. The rest was covered and built upon. Over time, entire cities gradually were extended upward, rising on massive mounds called tells, which contained the remains of prior centuries (Rathje et Murphy, 1992, chapitre 2, cités dans Benjamin, 2003).

Tableau 1. Gestion des déchets dans l’histoire des hommes

Époque Caractéristiques et modes de vie

Méthode de gestion Enjeux majeurs

Antiquité Sédentarisation des hommes

Collecte : vases de pierre cuite Récupération : résidus organiques comme engrais

Pas d’enjeux majeurs

Du Moyen-Âge au 18ème siècle

Développement des villes Développement du commerce Développement du métier de chiffonnier Développement des industries Institutionalisation du métier de recycleur

Décharge dans la rue Récupération : résidus organiques comme engrais Recyclage Ramassage forcé Collecte par les municipalités

Sanitaires, épidémies Changements d’habitudes Imposition de mesures rigoureuses Pollution des eaux et des sols

19ème siècle Découvertes scientifiques sur le rôle des bactéries Révolution industrielle : engrais chimiques Augmentation de la quantité des déchets L’industrie du recyclage se développe

Balayeuses mécaniques Triage: récipients (poubelle) Incinération

Sensibilisation aux règles d’hygiène Pollution de l’air

20ème siècle à nos jours

Augmentation de la quantité des déchets ménagers et industriels Consumérisme Crise énergétique

Enfouissement RETOUR : réemploi-réutilisation-recyclage-valorisation-élimination

Écologiques et environnementaux Économie des ressources Gaspillage

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La vie dans de tels capharnaüms était source de nombreux cas de pollution des eaux, des sols et

de l’air et de nombreux problèmes hygiéniques. Le manque d’hygiène et l’accumulation des bactéries

ont été à l’origine des maladies et des épidémies qui ont marqué l’histoire de l’humanité. Parmi ces

épidémies, il convient d’en mentionner deux : d’abord, la peste qui a décimé presque 25 millions de

personnes en Europe au 14ème siècle et ensuite, la coqueluche qui a laissé également un grand nombre

de morts au 16ème siècle. Vers la fin du 16ème siècle et avec l’évolution des mœurs, les hommes vont

progresser vers la recherche de moyens beaucoup plus élaborés pour gérer les quantités d’ordures

accumulées à l’extérieur des villes. Les autorités se saisissent de la question et commencent à prendre

des mesures incitant au nettoyage des rues, au ramassage des ordures et à l’imposition de taxes et

d’amendes pour mieux organiser le transport et la collecte des ordures. En France, en particulier,

comme le résume Vorburger (2005), les autorités de Paris ordonnaient aux habitants de déposer leurs

ordures dans des paniers clos et de balayer devant leur porte; la royauté s’occupait du ramassage et de

l’évacuation des déchets, ce qui se traduirait par l’instauration des paniers à ordures sous François 1er.

L’imposition de toutes ces mesures rigoureuses de la part des autorités des villes pour améliorer

la situation rencontrait bien des résistances parmi les populations. En effet, cela représentait des

changements majeurs dans les habitudes des gens. Les progrès dans ce sens étaient donc lents. Entre

temps, un véritable métier lié au ramassage des ordures se développait dans les villes : le métier de

chiffonnier. Les chiffonniers parcourent les cités pour ramasser tout ce qui peut avoir une certaine

valeur à leurs yeux. Parmi les objets récupérés, il y a évidemment des morceaux de cuir ou de métal, de

vieux vêtements et bouts de tissus, des débris de verre et des os d'animaux (De Silguy, 1996). Ces

objets sont nettoyés, réutilisés ou transformés en d’autres objets utiles à la société. Cependant, le métier

de chiffonnier est considéré comme un travail sale, méprisé par la société. Les chiffonniers sont des

gens pauvres qui gagnent leur pain en parcourant les rues et les dépotoirs, en ramassant et en triant ce

que les autres, en particulier les gens riches, mettent au rebut. La notion de déchet est associée à un

objet impur, pollué, sale et sans valeur (Douglas, 1966).

Les progrès scientifiques, et en particulier les connaissances dans les domaines de la

bactériologie à la fin du 19ème siècle, vont donner le ton à une véritable gestion des déchets. Les

autorités municipales se sont vues confier la lourde responsabilité de l’organisation de cette gestion par

la mise sur pied de méthodes efficaces pour assurer le ramassage, la collecte et le transport des ordures,

le nettoyage des rues ainsi que l’éducation de la population en matière d’hygiène et de savoir-vivre. En

France, par exemple, comme l’explique De Silguy (1996), le 24 novembre 1883, Eugène Poubelle, alors

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préfet de Paris, obligeait tous les propriétaires à se procurer des récipients spéciaux pour le dépôt des

déchets de leurs locataires. Il s'agissait d’une première expérience de collecte sélective puisque les gens

devraient séparer ou trier leurs déchets selon trois catégories : les matières putrescibles, les papiers et

les chiffons, la céramique et les coquilles d'huîtres. Cependant, ce projet n’a connu au départ que peu

de succès. Il a fallu attendre des années pour voir s’installer une véritable collecte sélective. Dans le

même ordre d’idées de la réorganisation de la gestion des déchets par les autorités municipales, il est

intéressant de noter que, presque à la même époque qu’en France et que dans le reste de l’Europe,

Benjamin Franklin, homme d’État et philosphe américain, instaurait le premier service de nettoyage au

niveau municipal aux États-Unis (Rathje et Murphy, 1992). Ainsi, vers les années 1880, des services de

collecte municipale des déchets existaient dans 25 % des villes américaines. La ville de New York était

la première ville à instaurer un véritable système complet de service de gestion des déchets du secteur

public. D’après les études de Melosi (1981; 2000), vers les années 1910, la gestion des déchets faisait

partie intégrante du service du secteur public dans 80 % des villes américaines.

L’accumulation des déchets ménagers et industriels6 dans des dépotoirs près des villes n’était pas

non plus la solution face à l’augmentation en quantité de ces derniers. C’est alors que (re)surgissent les

méthodes d’incinération et d’enfouissement des déchets. Comme le documente Benjamin (2003),

l’incinération des déchets était déjà une méthode utilisée par les hommes depuis des milliers d’années.

Cependant, le premier incinérateur moderne, appelé « destructeur », fut inauguré à Nottingham en

Angleterre en 1874. Onze ans plus tard, un modèle américain, appelé « cremator », fut construit à New

York. Malgré les problèmes de pollution de l’air que comporte cette méthode - des odeurs atroces, des

fumées intenses et des gaz nocifs se dégageaient des incinérateurs -, elle a semblé aider à réduire le

volume de déchets mis au rebut dans une proportion de 85 % à 95 % (Benjamin, 2003).

L’autre méthode de gestion des déchets utilisée au début du 20ème siècle était l’enfouissement.

Les premières expériences des sites d’enfouissement sanitaire ont été conduites en Grande-Bretagne

dans les années 1920. Dès le débuts des années 1930, des lieux d'enfouissement sanitaire sont créés, en

particulier aux États-Unis et au Canada, pour remplacer les dépotoirs habituels. Ainsi, l’amoncellement

et le recouvrement des déchets se font de façon plus rationnelle dans un site choisi avec soin. Après la

Seconde Guerre mondiale, les sites d'enfouissement sanitaire commencent à remplacer les

6 Il convient de préciser que si le terme « déchet » renvoie à un débris, à un objet considéré comme sans valeur,

le terme « résidu » désigne une matière qui subsiste après une opération physique ou chimique (Le Petit Larousse illustré, 2002).

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incinérateurs. Dans les années 1970, 300 à 400 sites sont créés chaque année aux États-Unis

(Benjamin, 2003). La crise des prix du pétrole de 1973 qui a été à l’origine de la récession économique

dans la plupart des pays industrialisés et la prise de conscience que l’immense majorité des déchets

industriels enfouis peuvent être reconverrtis en ressources (Allen, 1993) ont rremis à la page les

activités millénaires de réemploi, de réutilisation, de recyclage et de valorisation des déchets7.

L’organisation de ces activités à travers les temps montre que, dans une large mesure, elles constituent

des exemples d’intégration des systèmes productifs.

1.2. L’intégration des systèmes productifs : pratiques anciennes

À chaque époque de l’histoire, les hommes se sont toujours intéressés, à des degrés divers, à la

récupération des résidus générés par le processus de fabrication de divers produits et à leur

transformation en matières premières servant à fabriquer d’autres produits. C’est l’intégration ou le

bouclage des systèmes productifs. Bien que considérés dans le sens large du terme, l’intégration des

systèmes productifs faisait partie des modes de vie et de production des sociétés anciennes.

Recycling has been carried out on a massive scale throughout human history, and undoubtedly dates from prehistoric times, when implements and animal skins were first modified and converted from one use to another. Hence, in a broad sens, recycling indeed has a “proven record” (Wiseman, 1997).

Il n’y a donc aucun doute que les déchets et les sous-produits étaient réutilisés ou recyclés depuis

les temps préhistoriques. L’analyse historique des modes de vie et du développement des anciennes

civilisations - les Grecs, les Romains, les Chinois, les Aztèques, les Songhaïs8, pour ne citer que

ceux-là - nous montre de nombreux exemples des pratiques d’intégration des systèmes productifs.

L’idée de récupérer et de valoriser les résidus industriels est donc vieille comme le monde. En quoi

consistait la réalisation des boucles des systèmes productifs dans le passé et avant l’avènement de

l’écologie industrielle contemporaine? Medina (1998) et Desrochers (2000a; 2000b; 2002b) ont compilé

7 Le sens précis de ces termes est donné au chapitre deuxième portant sur l’écologie industrielle. 8 Empire songhaï : empire africain qui, lors de son apogée (XVIe s.), s'étendait du Sénégal à la boucle du

Niger. Il disparut après l'occupation marocaine (1591). Ses souverains les plus illustres furent Sonni Ali (1464-1492) et Askia Mohammed (1492-1528) (Le Petit Larousse illustré, 2002).

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et documenté quelques exemples9. Le tableau 2 présente l’essentiel de ces illustrations groupées par

secteurs d’activité, époques, brèves descriptions des pratiques et enjeux majeurs.

Tableau 2. Exemples d’intégration des systèmes productifs dans le passé Secteurs d’activité Époques Pratiques Enjeux majeurs

Sous-produits animaliers et déchets organiques

5000 av. J.-C. 79-69 av. J.-C. 19ème et 20ème siècles

Les déchets des êtres vivants, en particulier les excréments des hommes et des animaux, sont utilisés comme fertilisants des sols (Medina, 1998). Récupération et valorisation des urines chez les Romains (Medina, 1998). Récupération et utilisation des déchets organiques pour la fabrication des parfums, des lubrifiants, de la glycérine, des bougies, des savons (Medina, 1998). Réutilisation des déchets du coton (Thornley, 1912). Réutilisation des sous-produits du processus de la fabrication de la bière (Riley, 1913). Réutilisation des déchets des oranges (Cruess, 1914). Valorisation des résidus des poissons pour la fabrication des fertilisants (Turrentine, 1915). Valorisation des déchets des graines et pulpes de la tomate (Rabak, 1917). Récupération et transformation des déchets provenant des usines de pâtes et papiers (Strachan, 1918).

Économiques Économiques et écologiques (réduction des déchets)

Métallurgie

3000 av. J.-C. 20ème siècle

Récupération et valorisation des résidus des métaux, en particulier le bronze, puis le fer. Récupération des métaux précieux à partir des résidus liquides (Gee, 1920)

Économiques

Industrie chimique 19ème et 20ème siècles Utilisation des déchets de la cheminée (Silver, 1876). Valorisation des déchets provenant de la liqueur de sulfate.

Économiques

9 L’idée générale n’est pas de décrire en détail ces exemples, mais plutôt de montrer qu’il s’agit bien des cas de ce

que l’on désigne aujourd’hui, dans une large mesure, par « bouclage des systèmes productifs ».

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À la différence des activités des chiffonniers qui devaient vivre en partie de ce qu’ils récupéraient

des piles entassées de déchets, les illustrations documentées par les auteurs ci-dessus mentionnés

montrent que les pratiques de récupération et d’élaboration des divers produits à partir des déchets ou

des sous-produits étaient plutôt centrées sur des activités commerciales (Medina, 1998). Comme le

montre le tableau 2, des expériences concrètes et variées d’application des principes de bouclage des

systèmes productifs et de valorisation des déchets dans des secteurs industriels divers ont fait l’objet de

nombreuses études, en particulier depuis les années 1800 (Simmonds, 1862; Simmonds, 1876; Silver,

1876; Koller, 1918; Spooner, 1918; Strachan, 1918; Johnsen, 1919; Gee, 1920; Talbor, 1920; Kershaw,

1928, cités dans Desrochers, 2000). À titre d’illustration, Gee (1920) a traité le problème de la

récupération des métaux précieux à partir des résidus liquides. De nombreuses entreprises industrielles

s’engagent aujourd’hui dans ce genre d’activités dans les secteurs de la production chimique. C’est le

cas de la multinationale Noranda, et en particulier de son usine de Montréal-Est au Québec. Strachan

(1918) a analysé et documenté quelques pratiques de récupération et de transformation des déchets

provenant des usines de pâtes et papiers. La plupart des usines de production de papier et de carton

valorisent aujourd’hui leurs déchets industriels. C’est le cas de l’usine de Papiers Stadacona de la ville

de Québec. À cela, il convient d’ajouter que plusieurs entreprises « font de l’écologie industrielle » sans

le savoir.

Bien que les exemples documentés d’intégration des systèmes productifs se limitent à la

description des pratiques d’élaboration des divers produits à partir des sous-produits en majorité

périssables10, comme le fait remrquer Desrochers (2000a, p. 31), ces exemples suggèrent que ces

mêmes pratiques se sont développées dans des époques et des contextes spatio-temporels particuliers.

Dès lors, ces pratiques constituent des exemples à part entière de réalisation des boucles productives et

donc des illustrations de l’écologie industrielle. Certes, les contextes technologiques, politiques et

socioculturels ont largement évolué. Ainsi, sur la question précise du caractère « nouveau » ou

« ancien » de l’écologie industrielle, il apparaît que les questions que se pose l’écologie industrielle

contemporaine11 peuvent être ou ne pas être nouvelles. Cependant, les circonstances des sociétés

industrialisées d’aujourd’hui, en particulier l’accélération de la production industrielle, la montée du

consumérisme, l’intégration des économies et des marchés, les enjeux écologiques et

10 Sous-produits et déchets organiques : des restes d’animaux morts ou encore des produits agricoles de la ferme. 11 Par opposition aux pratiques de récupération et de transformation des déchets avant l’avènement de l’écologie

industrielle comme domaine d’étude et de recherche.

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environnementaux, n’exigent-elles pas des approches différentes aux questions auxquelles les hommes

et les femmes ont tenté de répondre depuis l’époque préhistorique? Quelles sont alors les

circonstances qui ont mené à l’émergence de l’approche de l’écologie industrielle contemporaine

comme champ d’étude et de recherche? C’est ce que tente de montrer la section suivante.

1.3. Les antécédents de l’émergence de l’écologie industrielle

contemporaine

L’analyse critique et historique d’une discipline scientifique ou d’un courant de pensée permet

d’examiner les différents moments de son évolution et de comprendre les contextes politique,

économique ou socioculturel de son avènement. L’objectif de cette section est de retracer les étapes les

plus importantes de l’émergence de l’écologie industrielle comme approche qui tente de repenser les

processus de production et de consommation. Les antécédents de l’écologie industrielle peuvent être

divisés en deux grandes périodes : les années antérieures à 1950 et les années s’étalant de 1950 à 1989.

Vers la fin du 19ème siècle, les industriels commencent à prendre conscience des limites de

l’abondance des matières premières. L’approvisionnement de ces matières, en particulier le coton, le

fer, le caoutchouc se fait de plus en plus difficile pour couvrir la demande de l’industrie. La pensée

économique néoclassique s’articule autour de la notion de rareté. Shaler (1905), par exemple, a publié

un ouvrage dans lequel il a tenté de démontrer que la consommation des ressources minérales avait

atteint des limites alarmantes. Dans ces contextes, et comme l’indique Zimring (2002), les responsables

des entreprises ne considèrent plus les déchets comme des objets encombrants dont il faut se

débarasser, mais plutôt comme des matières dont on peut encore chercher à tirer profit. Le recyclage

est alors encouragé dans la mesure où il permet, selon les perceptions des gens, de protéger les

ressources, de réduire les déchets et d’économiser les matières premières. Depuis les années 1867,

Marx et Engels ont appliqué la notion de métabolisme12 à l’analyse des rapports entre l’homme et son

monde naturel. C’est le métabolisme sociétal (Fischer-Kowalski, 2002).

Dans les années de l’Après-Guerre, c’est le boom de la croissance économique dans la plupart

des pays développés avec, comme conséquence, l’accélération de l’activité industrielle, l’augmentation

12 Métabolisme (du grec metabolê, changement) : ensemble des réactions chimiques de transformation de

matière et d'énergie, catalysées par des enzymes, qui s'accomplissent dans tous les tissus de l'organisme vivant ; ensemble des réactions biochimiques concernant une substance donnée. Métabolisme du glucose (Le Petit Larousse illustré, 2002).

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de la consommation et, partant, l’augmentation de la quantité de déchets, les problèmes de pollution,

l’exploitation massive des ressources, etc. La recherche d’un équilibre entre l’activité économique et la

permanence des ressources disponibles se traduit par l’une des préoccupations majeures de la société.

Pour plusideurs, il était devenu plus qu’évident que le développement industriel proposé ne tenait plus

le coup et qu’il fallait considérer l’impact des activités industrielles sur l’environnement.

L’environnement devenait alors le centre de l’agenda du politique et de la politique à l’échelle

internationale. Plusieurs études montraient l’urgence de changer les modes de vie et de production, en

particulier celle de Commoner (1971) :

If we are to survive economically as well as biologically, industry, agriculture, and transportation will have to meet the inescapable demands of the ecosystem. These essential demands include essentially complete containment and reclamation of wastes… essentially complete recycling of all reusable metal, glass, and paper products; and ecologically sound planning govern land use…present productive technologies need to be redesigned to conform as closely as possible to ecological requirements. (Commoner, 1971, p. 282-283, cité dans O’Rourke, Connelly et Koshland, 1996)

Dans cette perspective, l’analyse des facteurs d’ordre économique, politique, social et culturel qui

accompagnent les changements dans les modes de production et de consommation ont fait l’objet de

nombreuses autres études au sein de plusieurs disciplines. C’est ainsi que, depuis les années 1980, les

analyses de plusieurs travaux s’articulent autour d’une nouvelle approche pour la conception

industrielle de produits et de procédés et l’adoption de stratégies industrielles durables.

Ainsi, les origines de l’approche de l’écologie industrielle contemporaine sont nombreuses et elles

touchent plusieurs disciplines et tendances de la recherche d’harmonie entre l’environnement et les

activités industrielles. La chronologie suivante illustre, sans pour autant être exhaustive, les

circonstances qui ont mené à l’émergence de l’approche de l’écologie industrielle en prenant appui sur

Erkman (1998), Croteau (2001) et Fischer-Kowalski (2002).

Avant les années 1950

• L’idée de préserver l’environnement conduit à des pratiques assez structurées de gestion de

déchets et de leurs sous-produits.

• La pensée économique néo-classique s’est développée depuis le 19ème siècle. C’est :

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L’abandon de la théorie de la valeur d’un bien basée exclusivement sur le travail : le prix d’un bien est vu comme représentant la rareté de ce bien, plutôt qu’une mesure du coût du travail. La rareté vient de l’interaction de ce qui est disponible – l’offre – et de ce qui est désiré par les gens – la demande; le mécanisme de marchés mène à une allocation des ressources efficace sous certaines conditions (Barla, 2001);

• 1867 : Marx et Engels introduisent la notion de métabolisme sociétal.

• 1905 : Nathaniel Shaler publie le livre Man and the Earth, dans lequel il soutient que la

consommation de ressources minérales a atteint des degrés alarmants.

• 1921 : publication du rapport Waste in Industry, par le Committee on Elimination of Waste

in Industry.

De 1950 à 1989

Cette période se caractérise en son début par des pressions de divers groupes écologistes relativement

à l’état de l’environnement et par la prise de conscience de la problématique environnementale par des

institutions publiques et privées à l’échelle régionale et globale, notamment dans les pays développés.

Quelques faits importants à noter :

• 1959 : Eugene Odum publie l’ouvrage Fundamentals of Ecology.

• 1969 : table de travail organisée par l’ONU sur les systèmes industriels et l’environnement,

préalable au Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE)13 en 1972.

• 1971: Nicholas Georgescu-Roegen publie l’ouvrage The Entropy Law and the Economic Process,

dans lequel il démontre la dégradation physique irréversible que la société industrielle impose à

la Terre. Il est considéré comme le fondateur de l’économie écologique.

• 1971: Howard Odum publie l’ouvrage Environment, Power and Society.

• 1971: Barry Commoner publie l’ouvrage The Closing Circle, traduit en français l'année suivante

sous le titre de L'encerclement. Problèmes de survie en milieu terrestre.

• 1972 : publication du rapport du Groupe de travail Industrie-Écologie sur les perspectives des

technologies industrielles du ministère japonais du Commerce international et de l’Industrie

sous la direction de Chihiro Watanabe. 13 Issu de La Conférence de Stockholm de 1972, le Programme des Nations Unies pour l'environnement

(United Nations Environment Programme : UNEP) fournit un mécanisme intégrateur et interactif par lequel un grand nombre d'efforts réalisés par des organismes distincts (intergouvernementaux, non gouvernementaux, nationaux et régionaux) se trouvent renforcés puisque mis en corrélation (www.pnue.org).

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• 1976 : table des Nations unies européennes (ECE), tenue du séminaire sur les technologies de

production sans déchets.

• 1983 : publication à Bruxelles de l’ouvrage collectif L’écosystème Belgique. Essai d’écologie industrielle.

• 1987 : publication du rapport de la Commission mondiale sur l'environnement et le

développement (commission Brundtland). Ce rapport définit la notion du développement

durable comme étant « Un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans

compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » (p. 51).

• 1989 : publication de l’article de Frosch et Gallopoulos dans la revue Scientific American. Cet

article, intitulé Strategies for Manufacturing semble être le véritable moteur du déclenchement de

l’écologie industrielle comme champ d’étude et de recherche selon bon nombre de chercheurs

(Lifset et Graedel, 2002; Allenby, 1999; Erkman, 1998; Lowe, Warren et Moran, 1997; Graedel

et Allenby, 1995; Allen,1993; Jelinski, Graedel, Laudise, McCall et Patel, 1992). Frosch et

Gallopoulos (1989) suggèrent, entre autres, que « … la consommation d'énergie et de

matériaux doit être optimisée, en minimisant les déchets et les rejets de chaque

transformation » (p. 146).

Qu’est-ce, alors, que l’écologie industrielle contemporaine? Quelles sont les méthodes qu’elle propose

pour tenter de résoudre les questions liées aux impacts des activités industrielles sur l’environnement?

Voilà l’objectif du chapitre suivant.

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CHAPITRE 2

LES DÉFINITIONS ET LES FONDEMENTS DE L’ÉCOLOGIE INDUSTRIELLE

Industrial ecology is central to all new field of study. Over the past ten years, it has developed into a discipline in its own rights, with an emerging body of theory, tools and practice. It has its own sets of literature, including dedicated journals and conferences (Bourg, 2003, p. 13-14).

Le présent chapitre tâchera de présenter les définitions et les fondements de l’approche de

l’écologie industrielle à partir de la compréhension du concept même d’écologie industrielle, qui définit

le cadre général sur lequel repose cette recherche. Dans la perspective de cette compréhension, le

chapitre tentera d’introduire, de présenter et d’analyser progressivement les éléments fondamentaux de

l’écologie industrielle. La valorisation résiduelle se traduit, dans le cadre de la présente recherche, par

une pratique d’écologie industrielle. Le chapitre se compose de cinq sections.

La première section présente et analyse, dans une vision critique, les définitions et les objectifs de

l’écologie industrielle. La deuxième section positionne la valorisation résiduelle comme une pratique

d’écologie industrielle et montre en quoi elle se distingue de la logistique inversée. Les niveaux

d’application de l’écologie industrielle constituent l’essentiel de la troisième section. La quatrième

section présente les typologies de l’écologie industrielle, en particulier les modèles proposés par Boos

et Baas (1997) et Andersen (2003). La cinquième section tient lieu de conclusion. Elle récapitule

l’essentiel des aspects traités dans le chapitre et propose un modèle intégrateur des termes et des

éléments fondamentaux de l’écologie industrielle.

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2.1. Les définitions et les objectifs de l’écologie industrielle

Avant de présenter les définitions proposées de l’écologie industrielle comme domaine d’étude

et de recherche et d’en discuter, il convient d’abord de comprendre le pourquoi de la dénomination

« écologie14 industrielle15 ». Plusieurs auteurs ont tenté de montrer et de justifier les caractères industriel

et écologique de l’approche de l’écologie industrielle (Allenby et Cooper, 1994; Garner et Keoleian, 1995;

Graedel, 1996) en prenant appui sur des études écologiques, physiques ou encore biologiques publiées

depuis les années 1970 par bon nombre de chercheurs (Holling, 1978, 1986; Odum, 1986; Odum,

1989; Ayres, 1989a). Lifset et Graedel (2002) ont fait une synthèse de ces deux dimensions

interdépendantes de l’écologie industrielle. Selon ces auteurs, l’approche de l’écologie industrielle est

industrielle parce qu’elle porte sur la production industrielle, les procédés et les processus de fabrication.

Elle s’appuie sur l’idée selon laquelle les entreprises sont des agents de la performance

environnementale dans la mesure où elles peuvent disposer des moyens technologiques nécessaires

pour la conception des produits et des procédés qui réduiraient les impacts sur l’environnement

(Socolow et al., 1994). L’industrie, dans son ensemble, est concernée parce qu’elle est considérée

comme une source importante de dommages sur l’environnement (Graedel et Allenby, 1995).

Toujours selon Lifset et Graedel (2002), l’écologie industrielle se comprend comme écologique parce qu’il s’agit d’appliquer le fonctionnement des écosystèmes naturels aux systèmes industriels

actuels (Frosch et Gallopoulos, 1989). C’est ce qui est désigné par l’analogie biologique (Allenby et

Cooper, 1994; Wernick et Ausubel, 1997)16. En outre, la dénomination écologique se justifie parce que

14 Écologie : ce terme, créé par Haeckel (1866) à partir du mot grec οιχοζ (maison), désigne à l’origine l’étude des

habitats naturels des espèces vivantes. Selon Serge Frontier (1999), l’écologie, dans sa version médiatisée, est aujourd’hui synonyme de science de l’environnement, et particulièrement de l’environnement humain dans la mesure où il est porteur de problèmes sociaux et économiques aigus (cadre de vie, ressources renouvelables ou non, déchets, bruit, santé…).

15 Industrie : l’ensemble des activités économiques qui produisent des biens matériels par la transformation et la mise en œuvre des matières premières (Le Petit Larousse illustré, 2002).

16 Le domaine de l’écologie industrielle est défini par l’utilisation des métaphores. Cette façon de définir l’écologie industrielle va susciter des discussions sur le caractère normatif ou objectif de l’écologie industrielle et sur la clarté et la précision de ses concepts. Boons et Roome (2001) estiment à cet effet que, dans la mesure où une métaphore est normative, elle fournit, dans le cadre de l’écologie industrielle, des modèles et des perspectives sur les facteurs et les évènements observés, comme les activités industrielles et les flux qui en résultent. Par ailleurs, le véritable enjeu d’une métaphore n’est pas de discerner ce qu’elle est capable d’expliquer, mais d’explorer les différentes manières d’appliquer un phénomène (Vorburger, 2005).

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l’écologie industrielle considère toutes les activités humaines comme faisant partie des écosystèmes

naturels. En ce sens, elle examine l’origine des ressources disponibles, leur utilisation et les facteurs qui

influencent leur usage (Frosch, 1992). Cette vision dite « globale » va jouer un rôle déterminant dans la

légitimation de l’écologie industrielle dans la mesure où elle essaie de montrer que les dommages sur

l’environnement sont fonction de trois facteurs essentiels : la croissance de la population, le niveau des

activités industrielles et économiques de cette population et les impacts environnementaux dus à ces

activités industrielles et économiques (Ehrlich et Holdren, 1971; Allenby, 1999). L’approche de

l’écologie industrielle est donc globale par opposition aux approches des questions environnementales

essentiellement centrées sur la prévention du risque, sur la réduction de la pollution et des dommages

des activités humaines sur le milieu naturel (approche anthropocentriste), sur les améliorations

incrémentales, sur les actions à envisager de la part des entreprises de façon individuelle, ainsi que sur

les technologies (équipements de dépollution et antipollution) qui coûtent de plus en plus cher

(Erkman, 1998).

Ces deux dimensions interdépendantes (écologique et industrielle) montrent la vision de l’écologie

industrielle comme la démarche la plus appropriée pour mettre en œuvre les principes de

développement durable dans les organisations (Van Barkel, Willems et Lafleur, 1997; Van Barkel et

Lafleur, 1997). L’écologie industrielle, bien que suscitant un courant de sensibilisation général aux

problèmes de l’environnement et de l’industrie, n’est pourtant pas définie de façon monolithique.

2.1.1. Les définitions contextuelles

Comment est-ce que l’écologie industrielle est définie dans la littérature? Il existe plusieurs

tentatives de définitions de l’écologie industrielle. D’ailleurs, De Kruijf et Weterings (1997), cités dans

Brand et Bruijn (1998), font remarquer que l’écologie industrielle est entendue comme un outil de

développement durable, une méthode de gestion des déchets, une approche de production industrielle,

un thème de recherche ou encore un sujet de discussion. Il est cependant intéressant de noter que les

définitions proposées sont profondément marquées par le contexte ou les cercles d’étude dans lesquels

elles sont formulées. Fayerabend (1979) soutient en effet que l’élaboration des théories scientifiques -

dans ce cas précis, les définitions d’un champ d’étude - ne peut pas être isolée des conditions socio-

économiques dans lesquelles ces théories sont produites. L’analyse des travaux portant sur ces

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définitions montre que trois grands types ou cercles de conception de l’écologie industrielle se

profilent : les ingénieurs, les dirigeants d’entreprises et les écologistes ou environnementalistes. Cette

façon d’analyser les définitions de l’écologie industrielle semble pertinente parce qu’elle permettra

d’identifier par la suite les principaux courants de pensée en écologie industrielle ainsi que les manières

d’appliquer ses principes. Les termes clés de chacune de ces définitions montrent des différences de

conceptualisation quant à la perception de ce que devrait être l’écologie industrielle, l’échelle

d’application de ses principes fondamentaux et les acteurs principaux visés (tableau 3).

Tableau 3. Définitions contextuelles de l’écologie industrielle

Cercle de conception

Concepts fondamentaux Échelle d’application Principaux acteurs visés

Ingénieurs

Analyse, flux de matières et d’énergie, écosystèmes industriels, capacité de support, développement durable

Systèmes de production et de consommation, échelle macro

Scientifiques, secteurs industriels

Dirigeants

Programme intégré de gestion, efficience des équipements, outils de décisions stratégiques

Procédés de production industrielle, échelle micro

Entreprises industrielles, partenaires d’échange des sous-produits

Écologistes ou environnementalistes

Philosophie de gestion, usage et transformation des déchets, gestion des questions environnementales

Systèmes de production et de consommation, échelles macro et micro

Gouvernements, secteurs industriels, dirigeants d’entreprises industrielles

Le cercle des ingénieurs

Le cercle des ingénieurs est représenté par Frosch (1992), White (1994), Graedel et Allenby

(1995) ainsi que Garner et Keoleian (1995) :

The idea of industrial ecology is based upon a straight-forward analogy with natural ecological systems (…) We need to think of waste and products at the end of their lives in the industrial food web both as material and as energy (Frosch, 1992, p. 800). L’étude du flux des ressources et de l’énergie dans les systèmes de production industrielle et de consommation; de l’effet de ces flux sur l’environnement; des facteurs économiques, politiques, légaux, et sociaux sur le flux; de l’usage et de la transformation des ressources et de l’énergie (White, 1994, p. v). L’étude des voies et moyens pour permettre à l’humanité de maintenir, de façon délibérée et rationnelle, une capacité appropriée de support de l’environnement tout en assurant un développement économique, technologique et culturel durable. C’est aussi

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l’étude objective et multidisciplinaire des systèmes industriels et économiques, et de leurs liens avec les systèmes naturels fondamentaux (Graedel et Allenby, 1995, p. 9). L’étude physique, chimique, biologique et économique des interactions entre les systèmes industriels de production et de consommation et les écosystèmes naturels (Garner et Keoleian, 1995, p. 2).

Selon tous ces auteurs, l’écologie industrielle peut être perçue comme un moyen pour

comprendre le flux de matière et d’énergie dans les systèmes de production et de consommation. Cette

compréhension repose essentiellement sur les analyses physiques et chimiques des matières dans les

systèmes actuels de production et de consommation. Elle se fonde sur l’utilisation et le développement

des moyens technologiques pour arriver à un développement durable dans le sens défini ci-dessus.

Cette analyse s’appuie sur les principes du métabolisme industriel, tels que décrits par Ayres (1989). Le

métabolisme industriel, par analogie au métabolisme sociétal tel que proposé par Marx et Engels en

1867, se définit comme l’étude des flux de matériaux et d’énergie, utilisés dans la production

industrielle, dans le but de détecter la présence des substances chimiques et physiques toxiques pour

l’environnement (Erkman, 1998). Si les concepts d’analyse de flux de matières et d’énergie,

d’écosystèmes industriels, de capacité de support et de développement durable constituent les éléments

fondamentaux de l’écologie industrielle, le cercle des ingénieurs entend appliquer les principes de

l’écologie industrielle à l’échelle macro. L’analyse de flux de matières et d’énergie comprend l’origine

des ressources, leur usage et les facteurs qui influencent leur utilisation dans les systèmes de production

et de consommation. Dans cette perspective, l’information résultant de l’analyse de flux et de matière

constitue le moteur de l’écologie industrielle (Graedel et Allenby, 1995).

Les principaux acteurs visés sont les scientifiques des différents domaines, en particulier les

chimistes, les physiciens, les biologistes ou les ingénieurs des disciplines des sciences de

l’environnement. Ceux-ci devraient donc générer et examiner l’information nécessaire portant sur

l’optimisation de l’usage des ressources disponibles. Cette optimisation se traduit, entre autres, par la

diminution de la consommation des ressources en matières premières et par la maximalisation de

l’efficience de celles-ci dans le but d’arriver à un meilleur résultat par quantité unitaire de matière

utilisée, sans accroître la pression sur l’environnement (Van Doren, 2002).

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Le cercle des dirigeants

Le cercle des dirigeants est représenté par Piasecki (1992) et Tibbs (1993) :

Industrial ecology is the management science of focusing a corporation’s expertise on this third variable-toxic emission per unit of resource used. Thus, industrial ecology is involved with changing the efficiency of machines, not just changing the law or the firm’s compliance strategy (Piasecki, 1992, p. 7). Applied industrial ecology is an integrated management and technical program. On the management side, it offers tools for analysis of the interface between industry and the environment, and provides a basis for developing strategic options and policy decisions. On the technical side industrial ecology offers specific engineering and operational programs for data gathering, technology deployment and product design (Tibbs, 1993, p. 9).

Pour ces auteurs19, l’écologie industrielle peut être conçue comme un moyen pour réutiliser,

transformer et recycler les déchets industriels. Cette vision part du postulat selon lequel la valorisation

des déchets industriels, et donc leur élimination ou encore réduction, contribue à l’amélioration des

conditions générales de l’environnement (Frosch et Gallopoulos, 1989; 1992). Cette réutilisation des

déchets à l’échelle des procédés de production industrielle renforce ainsi le rôle des entreprises

industrielles dans le développement de l’écologie industrielle tel que souligné par Tibbs (1993). C’est

ainsi que les termes de programme intégré de gestion, d’efficience des équipements ou d’outils de

décisions stratégiques constituent les fondements de l’approche de l’écologie industrielle. Cette

perspective fait de l’écologie industrielle un système de coordination entre les technologies, les

procédés industriels et les habitudes de consommation (Frosh et Gallopoulos, 1992). L’accent est donc

mis sur la transformation des systèmes productifs actuels en écosystèmes industriels.

À la différence des ingénieurs, les dirigeants conçoivent l’écologie industrielle comme un moyen

d’intégrer les systèmes productifs principalement à l’échelle intra-entreprise et interentreprises. Tibbs

19 Certains facteurs externes aux idées lancées par Frosch et Gallopoulos en 1989 ont permis leur facile

acceptation et leur rapide diffusion dans le milieu des scientifiques et des affaires aux États-Unis, notamment le prestige de la revue Scientific American, le nom de l’entreprise General Motors associée aux chercheurs, le contexte général à ce moment-là, contexte où les questions environnementales suscitaient des intérêts stratégiques pour plusieurs acteurs économiques et, surtout, le rôle joué par Hardin Tibbs, un consultant anglais qui travaillait pour la prestigieuse firme américaine Arthur D. Little dans l’adaptation et la diffusion des idées clés de Frosch et Gallopoulos dans le monde des affaires aux États-Unis, avec la collaboration d’Arthur D. Little en 1991 et, deux ans plus tard, en 1993, dans la revue Global Business Network (Erkman, 1998).

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(1993) suggère sept manières différentes pour atteindre cette intégration : l’amélioration des systèmes

d’usage et de transformation des matières; la création des boucles des pratiques industrielles; la

réduction de la quantité de matière utilisée dans les procédés industriels; la systématisation des modèles

d’utilisation de l’énergie; l’équilibre entre les intrants et les extrants en rapport avec la capacité des

écosystèmes naturels; la structuration des politiques réglementaires; et la mise sur pied de nouvelles

structures d’actions harmonisées, des réseaux de communication et d’information.

En ce sens, les principaux acteurs visés dans l’échange des divers sous-produits industriels utilisés

et transformés sont les gestionnaires des entreprises industrielles et les partenaires.

Le cercle des écologistes ou environnementalistes

Le cercle des écologistes ou environnementalistes est représenté entre autres par Hawken20 (1993) :

One of the most comprehensive proposals toward sustainable industrial methods is being called “industrial ecology” (...) Recognizing that industrial processes that harm and waste are, by definition, less economic and therefore more costly in the long run, companies and industries are trying to dovetail their material and waste flows, attempting to eliminate pollution by tailoring manufacturing by-products so that they become the raw material of subsequent processes. This philosophy goes well beyond the hygiene of curtailing waste; it entails using waste so that it is no longer waste at all. Industrial ecology provides a positive means for corporations to address environmental needs while also working within their own natural predilections (Hawken, 1993, p. 61).

Selon cet auteur, l’écologie industrielle peut être envisagée comme un moyen pour éliminer la

pollution et la notion de déchet et ainsi promouvoir le développement durable. Hawken (1993)

soutient que le développement durable porte sur les liens entre les deux systèmes les plus

complexes sur la terre : l’être humain et la vie sur la terre. Les liens entre ces deux systèmes complexes

marquent l’existence de chaque individu, déterminent l’essor ou le déclin de chaque civilisation. Cette

dernière perception renforce l’idée de bon nombre de chercheurs (Gladwin, 1993; Fischer et Schot,

1993; Paton, 1994) selon laquelle l’écologie industrielle est une nouvelle approche du management 20 Paul Hawken, environnementaliste, journaliste et homme d’affaires. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont

The Ecology of Commerce en 1993. Ce livre est à l’origine de la conversion de bon nombre d’hommes d’affaires et de leurs entreprises au développement durable. Le cas le plus évoqué est celui de l’entreprise Patagonia qui travaille dans le domaine du textile (Boiral et Kabongo, 2004).

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environnemental. L’écologie industrielle est perçue comme un moyen de poursuivre, voire de

renforcer l’intégration des préoccupations environnementales dans les pratiques des entreprises. Ce qui

établit un lien étroit à développer entre l’écologie industrielle et l’engagement environnemental de

l’entreprise. D’ailleurs, comme il sera indiqué plus loin dans ce chapitre, Andersen (2003) conçoit les

systèmes de gestion environnementale comme un type particulier de l’écologie industrielle.

Ferrand (2000) conçoit le management environnemental comme une philosophie d’entreprise,

une prise de conscience :

Une façon de penser et d’agir qui favorise à la fois la prise en compte de l’environnement dans les activités des organisations et l’amélioration de leurs performances. C’est d’abord et avant tout une volonté continue d’optimisation des matières et des ressources qui contribuent aux flux de production, de distribution et d’utilisation des produits ou des services d’une entreprise. La planification et l’implantation de mesures et de programmes spécifiques viennent après (p. 5).

Gladwin (1993) soutient que les pratiques du management environnemental se présentent

comme l’une des voies du processus de transformation de l’entreprise contemporaine en une

organisation durable. Pour Post et Altman (1994), le management environnemental devrait être centré

sur la gestion de la qualité de l’environnement, sur les stratégies concurrentielles, sur l’innovation

technologique et le contrôle des impacts environnementaux et sur le changement de valeurs au sein de

l’entreprise. Pour concrétiser cette vision de l’engagement environnemental ou écologique de

l’entreprise, Fischer et Schot (1993) ont fondé Greening of Industry Network, un réseau d’échange

d’information et d’expériences entre les hommes d’affaires et les chercheurs dans le domaine de

l’environnement. Paton (1994), pour sa part, soutient que les principes de l’écologie industrielle sont

indispensables pour une approche intégrée de gestion qui inclut une vision claire de ce qui doit être

accompli, un plan d’affaires fonctionnel, des processus d’affaires efficaces et une réelle compréhension

des impacts financiers de la réutilisation ou du recyclage.

Ainsi, dans cette vision, les principes de l’écologie industrielle constituent les bases sur lesquelles

devraient reposer la production industrielle et la création de nouvelles entreprises industrielles centrées

sur les nouvelles valeurs de protection de l’environnement. Ainsi, pour les environnementalistes ou

écologistes, l’écologie industrielle repose sur une nouvelle philosophie de gestion centrée sur l’usage et

la transformation des déchets et la recherche des solutions aux questions environnementales par la

prise de responsabilité aux niveaux environnemental, économique et social. En ce sens, l’écologie

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industrielle s’applique aux échelles macro et micro et ses acteurs sont les gouvernements, les secteurs

industriels ou les dirigeants d’entreprises.

Le fait que l’écologie industrielle soit perçue à différents niveaux et de différentes manières pose

le problème de sa présentation comme approche qui tente de résoudre les problèmes

environnementaux. Comme la section suivante tente de le montrer, l’écologie industrielle est largement

présentée dans une perspective physico-chimique.

2.1.2. La perspective physico-chimique

La vision selon laquelle l’écologie industrielle se traduit par l’étude physique et chimique de

l’ensemble des systèmes industriels de production et de consommation domine largement la littérature

sur le domaine. Ce qui s’apparente à une présentation monolithique du domaine ou croyance

fondamentale de ce que devrait être l’écologie industrielle. Trois points essentiels permettent d’illustrer

ce propos : la présentation de l’écologie industrielle dans les manuels classiques, sa présentation dans la

revue Journal of Industrial Ecology et le contenu de l’anthologie sur le domaine publiée en 2002 sous la

direction de Robert et Leslie Ayres (2002).

Les manuels classiques de l’écologie industrielle

Le premier point porte sur les manuels « classiques » parus peu après l’institutionnalisation de

l’écologie industrielle comme domaine d’étude et de recherche. En effet, depuis les années 1990,

l’écologie industrielle connaît un développement spectaculaire sur le plan institutionnel et conceptuel.

Des conférences internationales sont organisées un peu partout à travers le monde, de prestigieuses

institutions publiques et privées soutiennent les efforts de promotion de ses principes, entre autres la

National Academy of Engineering et Environmental Protection Agency (EPA). Les recherches sont menées avec

l’appui des nouvelles technologies et la production savante sur l’écologie industrielle prend de

l’ampleur. Dans ce sens, Graedel et Allenby (1995) s’adressent plus particulièrement à leurs collègues

ingénieurs dans leur ouvrage intitulé Industrial Ecology :

Industrial ecology, like biological ecology, has as its focus the cycling of resources rather than their extraction and eventual discard following use. The sustainable development of the planet is, in fact, dependent on achieving such cycling, and corporations, customers, and governments are turning from “end-of-pipe” thinking to forward-looking approaches to product and process design. To help today’s as well as

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tomorrow’s engineers be part of these developments, this timely volume offers an introduction to this rapidly evolving field. (Graedel et Allenby, 1995, page couverture)

Cet ouvrage est centré essentiellement sur la conception des divers produits selon les principes

de l’écologie industrielle ou Design for Environment (DFE). Après avoir introduit des considérations

générales portant sur la situation mondiale de l’approvisionnement des matières premières et sur

l’urgence de réduire la production des déchets, l’ouvrage consacre de nombreux chapitres à la

description détaillée des processus de fabrication des produits à partir des déchets industriels.

L’innovation technologique, en particulier l’approche de l’analyse du cycle de vie des produits et des

procédés et la conception des produits sont des thèmes centraux de ce manuel classique.

Dans son ouvrage cherchant à présenter les différents thèmes de l’écologie industrielle aux

étudiants inscrits dans divers programmes universitaires (sciences de l’ingénieur, économie,

management, environnement, sciences politiques) et aux fonctionnaires des gouvernements et

employés des organismes non-gouvernementaux, Allenby (1999a) établit la différence entre les

perspectives de développement durable et d’écologie industrielle pour ainsi soutenir que cette dernière

repose essentiellement sur les approches scientifiques et d’ingénierie :

Important disciplines contributing to industrial ecology include the physical and biological sciences, engineering, economics, law, anthropology, policy studies and business studies. Even given this broad scope, however, it is important to note that the distinction between the vision of sustainable development, which is heavily normative and thus relies on political and cultural systems for its definition, and industrial ecology, which is an objective field of study, and thus relies on traditional, scientific, engineering, and other disciplinary research for its development…(Allenby, 1999a, p. 12-13).

À l’instar de l’ouvrage publié en collaboration avec Graedel, Allenby (1999a) renforce sa vision

technoscientifique en illustrant, par beaucoup plus de détails, l’application des principes d’écologie

industrielle dans le cas de l’industrie de l’automobile. Comme on peut l’imaginer, les thèmes centraux

s’articulent autour de la consommation et de la réduction de l’énergie par des modélisations

mathématiques. La vision de l’écologie industrielle présentée dans l’ouvrage de Allenby (1999a) sépare

les sciences « pures » des autres dites « sociales » et considère que seules les premières peuvent apporter

une contribution au développement de l’écologie industrielle.

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Ce prétendu caractère scientifique et technologique se retrouve également dans la présentation

de l’ouvrage d’Erkman (1998) considéré comme le premier du genre en langue française :

Les traditionnelles remises en cause du système industriel, dominées par les questions de pollution et d’épuisement des ressources, ne suffisent plus. Une approche nouvelle, plus large, est en train d’émerger depuis quelques années : l’écologie industrielle. Au lieu de voir le système industriel comme séparé de la Biosphère, il est possible de le considérer comme un cas particulier d’écosystème. L’écologie industrielle s’intéresse à l’évolution à long terme du système industriel dans son ensemble, et pas seulement aux problèmes d’environnement. Cet ouvrage offre la première synthèse en français sur ce domaine en plein essor, au carrefour des sciences de l’ingénieur, de la biologie, de la géographie, de l’économie et de nombreuses autres sciences (Erkman, 1998, page couverture).

La revue Journal of Industrial Ecology

Le deuxième point porte sur la revue Journal of Industrial Ecology. Créée depuis 1997, cette revue

spécialisée fait montre d’une orientation technoscientifique (perspective physico-chimique) dans les

thèmes choisis et la majorité des articles publiés. Il est manifeste que la revue s’inscrit en accord avec la

définition de l’écologie industrielle de White (1994) et qu’en outre, l’approche de l’analyse du cycle de

vie des produits déjà largement présentée dans Graedel et Allenby (1995) et Allenby (1999a) y est

privilégiée. Cela confirme l’idée que cette approche est considérée, en écologie industrielle, comme

institutionnelle ou encore classique (Ehrenfeld, 1997a; Heiskanen, 2000; Frankl, 2002). L’analyse du

cycle de vie des produits est définie en ces termes :

Life Cycle Assessment (LCA) is a technique for assessing the environmental aspects and potential impacts associated with a product by compiling an inventory of relevant inputs and outputs of a system; evaluating the potential environmental impacts associated with those inputs and outputs; and interpreting the results of the inventory and impact phases in relation to the objectives of the study (Udo de Haes, 2002, p. 140).

Cette vision part du postulat selon lequel les impacts environnementaux de l’utilisation d’un

produit sont liés à cette utilisation et aux procédés ayant servi à la fabrication du même produit.

L’analyse du cycle de vie constitue l’essentiel des études et des réflexions publiées dans Journal of

Industrial Ecology, par exemple celles de McLaren, Wright, Parkinson et Jackson (1999), de Keoleian et

Spiltzley (1999), de Satish (1999), d’Hertwich, Hammitt et Pease (2000), de Field, de Kirchain et Clark

(2000), de Peters et Lundie (2001), ainsi que de Smith (2003). Cette approche s’attache à quantifier les

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impacts environnementaux de l’usage des matières et des substances, en particulier la conception de

produits (Den Hond, 2000, p. 64). Pourtant, la revue Journal of Industrial Ecology est présentée22 comme

offrant un espace d’échanges dans le développement tant théorique que pratique du domaine de

l’écologie industrielle :

Journal of Industrial Ecology is an international, peer-reviewed, multi-disciplinary quarterly designed to foster both understanding and practice in the emerging field of industrial ecology. The journal addresses a series of related topics: material and energy flows studies (industrial metabolism); dematerialization and decarbonization; life cycle planning, design and assessment; design for the environment; extended producer responsibility (product stewardship); eco-industrial parks (industrial symbiosis); product-oriented environmental policy; and eco-efficiency;…

Industrial ecology is a rapidly-growing field that systematically examines local, regional and global materials and energy uses and flows in products, processes, industrial sectors and economies. It focuses on the potential role of industry in reducing environmental burdens throughout the product life cycle, from the extraction of raw materials, to the production of goods, to the use of those goods and to the management of the resulting wastes (présentation de la revue Journal of Industrial Ecology).

La présentation de la revue reconnaît, d’une part, le rôle potentiel des entreprises industrielles

dans les efforts de réduction des impacts sur l’environnement et, d’autre part, leur rôle dans la gestion

des matières résiduelles issues des procédés de production, ce qui sous-entend des liens clairs et à

développer entre les dimensions de gestion des entreprises engagées dans les pratiques d’écologie

industrielle et l’optimisation des ressources. Cependant, les expériences « qualitatives » et concrètes des

entreprises qui mettent en application les principes de l’écologie industrielle ne semblent pas encore

être des sujets des études publiées.

A Handbook of Industrial Ecology

Enfin, le troisième point porte sur les contributions de l’anthologie sur l’écologie industrielle, A Handbook of Industrial Ecology, conçue et réalisée par Robert U. Ayres et Leslie W. Ayres en 2002. Cette

anthologie comprend quarante-six chapitres sur l’état actuel des connaissances en écologie industrielle.

22 Présentation officielle de Journal of Industrial Ecology dans chaque numéro publié sous format papier et sur la

page d’accueil Internet de la revue à l’adresse http://mitpress.mit.edu.

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L’analyse physique et chimique des matières par des modèles mathématiques domine l’essentiel de ces

contributions. Celles-ci tentent de décrire les outils d’analyse des flux des matières et de l’énergie

(analyse de cycle de vie des matières et des substances) dans les systèmes de production et de

consommation et de montrer la généralisation de l’approche de l’écologie industrielle aux échelles

nationale, régionale et sectorielle.

Les considérations qui viennent d’être présentées montrent que dans l’ensemble, l’écologie

industrielle semble se réduire à l’analyse physique et chimique des matières qui transitent dans les

systèmes de production. La vision selon laquelle l’écologie industrielle se traduit par l’étude physique et

chimique de l’ensemble des systèmes industriels de production et de consommation domine largement

la littérature sur le domaine. Cette même vision a débouché sur des définitions descriptives et abstraites

du domaine nouvellement constitué de l’écologie industrielle23. La plupart de ces définitions résultent

des idées portant sur ce que les spécialistes aimeraient que l’écologie industrielle soit et non sur une

construction des concepts à partir des observations des liens qui existent entre l’industrie et l’écologie.

Sans traiter davantage des discussions portant sur le caractère positif ou normatif de l’écologie

industrielle (Lifset et Graedel, 2002; Boons et Roome, 2001; Allenby, 2001), il semble simplificateur de

réduire l’écologie industrielle à une discipline technoscientifique qui tente de trouver des solutions à la

problématique environnementale par les seules analyses physique et chimique de flux de matière et

d’énergie dans les systèmes actuels de production.

La présente thèse entend montrer comment les expériences de valorisation des sous-produits

industriels dans certaines entreprises font partie intégrante des thèmes de l’écologie industrielle au

même titre que les modélisations et les analyses de flux de matière ou de substances. Cela signifie qu’il

n’est pas suffisant de simplement les concevoir et de les décrire comme des conséquences probables

de l’écologie industrielle sur les entreprises, comme ont tenté de le suggérer quelques auteurs (Graedel

et Allenby, 1995; Allenby, 1999b). Allenby (1999b) rejette les expériences des entreprises parce qu’elles

ne constituent pas des données objectives, lesquelles sont étroitement subordonnées au

développement de l’écologie industrielle. Selon cette position, seule la valorisation résiduelle qui

montre des évidences de l’analyse de flux des matières et de l’énergie ou qui développe des formules de

la conception des produits décrites dans les ouvrages classiques évoqués ci-dessus devient sujet

d’étude. 23 Cet aspect sera développé dans le chapitre troisième portant sur l’analyse critique de la littérature sur l’écologie

industrielle.

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L’élaboration des produits à partir des résidus industriels telle que pratiquée par bon nombre

d’entreprises est un élément déterminant ou critique du développement de l’écologie industrielle.

Comme il vient d’être indiqué, les définitions actuelles de l’écologie industrielle intègrent très peu les

pratiques de la valorisation résiduelle, comme le suggèrent Lifset et Graedel (2002) :

While the firm and unit process is important, much of industrial ecology focuses at the inter-firm and inter-facility level, in part, as described above, because a systems perspective emphasizes unexpected outcomes-and possibly environmental gains-to be revealed when a broader scope is used and because pollution prevention, a related endeavor, has effectively addressed many of the important issues at the firm, facility or unit process level (p. 10).

Il nous faut trouver une définition « fonctionnelle » de l’écologie industrielle qui intègre de façon

spécifique la valorisation résiduelle. En ce sens, prenant appui sur White (1994) ainsi que sur Boiral et

Croteau (2001a), l’écologie industrielle pourrait être envisagée comme l’étude du flux des ressources et

de l’énergie dans les systèmes de production industrielle et de consommation; de l’utilisation et de la

transformation sécuritaire de ces ressources, c’est-à-dire de l’énergie et des matières résiduelles; des

implications de ces actions sur les entreprises; de l’effet de ce flux sur l’environnement; et enfin, des

facteurs économiques, politiques, légaux et sociaux liés au flux.

Cette définition semble tenir compte non seulement des caractéristiques essentielles ci-dessus

mentionnées et attribuées à l’écologie industrielle (White, 1994; Socolow et al., 1994; Graedel et

Allenby, 1995; Allenby, 1999a; Cohen-Rosenthal, 2000), mais aussi et surtout, elle considère la

pertinence de la valorisation résiduelle comme partie intégrante de l’écologie industrielle. C’est donc

dans cette vision managériale24, c’est-à-dire l’analyse des mécanismes de la valorisation résiduelle et de

leurs conséquences sur la gestion des entreprises engagées dans cette démarche, que s’inscrit la

présente thèse.

2.1.3. Les objectifs principaux de l’écologie industrielle

À l’instar des définitions proposées de l’écologie industrielle telle qu’elles ont été analysées dans la

section précédente, les objectifs poursuivis par cette approche sont présentés de façon différente selon

24 L’approche managériale sera davantage développée au chapitre portant sur le cadre conceptuel de la

recherche.

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les auteurs. L’examen d’un nombre de travaux montre que l’écologie industrielle comporte un objectif

général et des objectifs spécifiques.

Comme objectif général, l’écologie industrielle cherche à améliorer et à maintenir une qualité

acceptable de l’environnement, c’est-à-dire à promouvoir une croissance durable basée sur le respect

de l’environnement (Frosch, 1992). Graedel et Allenby (1995) considèrent que l’élimination de la

notion de déchet constitue une façon de rendre opérationnel cet objectif.

One of the most important concepts of industrial ecology is that, like the biological system, it rejects the concept of waste…Hence, materials and products that are obsolete should be termed residues rather than wastes, and it should be recognized that wastes are merely residues that our economy has not learned to use efficiently (Graedel et Allenby, 1995, p. 10).

C’est aussi dans cette vision fondée sur l’action, la pratique et l’obligation des résultats que

Hawken (1993) conçoit l’écologie industrielle. Il est intéressant de noter ici le lien entre, d’une part,

l’amélioration et le maintien d’une qualité acceptable de l’environnement comme objectif général de

l’écologie industrielle et, d’autre part, l’élimination de la notion de déchet des systèmes de production

et de consommation (Hawken, 1993). Dans une réflexion philosophique sur les fondements de

l’écologie industrielle, Frosch (1992) présente l’écologie industrielle dans la perspective opérationnelle

d’optimisation de l’usage des ressources, en particulier la valorisation, c’est-à-dire l’utilisation et la

transformation des déchets industriels.

Partant de l’objectif général tel que défini par Frosch (1992), Wernick et Ausubel (1997)25

élaborent un peu plus les objectifs spécifiques de l’écologie industrielle. Selon ces auteurs, ces objectifs

spécifiques se répartissent selon les trois axes suivants : développer un corpus des savoirs techniques

rigoureux dans les domaines de l’environnement et de l’industrie; développer de nouvelles stratégies de

production industrielle; et promouvoir une économie durable. L’écologie industrielle se propose ainsi

de réorganiser l’ensemble des systèmes productifs actuels dans le but de les rendre compatibles avec les

systèmes naturels à long terme. Cette réorganisation se traduit par ce qu’on appelle « éco-

structuration ». Selon la vision de Lifset et Graedel (2002), les trois objectifs spécifiques se traduisent

25 Ce texte de Wernick et Ausubel (1997) présente l’essentiel de l’écologie industrielle en mettant un accent

particulier sur les pistes de recherche pour le développement du domaine.

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par les actions suivantes : analyser la problématique environnementale de façon objective; optimiser

l’usage des ressources; et, introduire des changements dans les systèmes de production et de

consommation.

Par l’analyse objective de la problématique environnementale, l’écologie industrielle cherche à

décrire les interactions humaines en rapport avec leurs impacts sur l’environnement (Allenby, 1999a).

Ce qui suppose le développement de nouvelles connaissances et de techniques de réduction de ces

mêmes impacts sur l’environnement telles qu’évoquées par Wernick et Ausubel (1997). Optimiser

l’usage des matières et de l’énergie sous-entend principalement la réduction et la valorisation des

déchets dans les procédés de production, lesquels devraient reposer sur de nouvelles stratégies

industrielles (Wernick et Ausubel, 1997). Les changements visés dans les systèmes de production et de

consommation sont, entre autres, la diminution de la consommation des ressources et des émissions

toxiques; l’exploration de l’utilisation des énergies renouvelables et non polluantes; l'utilisation de

ressources plus abondantes, comme le gaz; la substitution du pétrole par le gaz naturel ou l’hydrogène;

le changement d’une économie basée sur l’utilisation des produits vers une autre qui repose sur la

notion de service (Erkman, 1998). Ce qui montre que l’écologie industrielle présente une vision centrée

sur trois domaines : l’environnement, l’économie et la société de façon générale. C’est sur la base de

ces objectifs « spécifiques » (Wernick et Ausubel, 1997; Lifset et Graedel, 2002) que l’écologie

industrielle va orienter la recherche et les applications de ses principes. Cette recherche va déboucher

sur des méthodologies26 d’optimisation de l’usage des ressources qui s’articulent en particulier autour

des concepts d’émission zéro (Pauli, 1997); de substitution des matières (Labys, 2002); de

dématérialisation (De Bruyn, 2002); et d’économie fonctionnelle ou de service qui consiste à vendre les

services liés aux produits plutôt que les produits eux-mêmes (Stahel, 2003). Dans cette logique, les

producteurs des biens de consommation devraient optimiser les flux de matières et d’énergie

nécessaires à leur production et fabriquer des produits qui durent plus longtemps (Van Doren, 2002;

Stahel, 2003).

Les objectifs de l’écologie industrielle qui viennent d’être exposés montrent son caractère

multidisciplinaire comme domaine d’étude et de recherche. En effet, les thèmes abordés par l’écologie

industrielle touchent de nombreux domaines de recherche, en particulier l’optimisation efficace des

matières et de l’énergie, le développement de nouvelles matières, les nouvelles technologies, les bases

26 Ces méthodologies sont présentées dans la section portant sur la mise en œuvre de l’écologie industrielle.

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des données scientifiques, les systèmes économiques, les réglementations environnementales, la

gestion des organisations, et le changement des habitudes de consommation. Ces thèmes embrassent

également de nombreuses branches des sciences sociales, en particulier la sociologie, l’anthropologie et

les sciences politiques. Cependant, le fait d’incorporer de nombreuses disciplines dans la recherche des

voies et moyens vers un développement harmonieux avec les écosystèmes naturels pose deux

problèmes majeurs : d’une part, la définition claire des objectifs en raison des différentes

interprétations possibles de ce que devrait être l’écologie industrielle et, d’autre part, le réalisme et

l’abstraction de son ambitieux programme d’action.

L’écologie industrielle : vision pragmatique ?

Les différentes façons de concevoir et de présenter les objectifs de l’écologie industrielle font

l’objet de critiques. Ces critiques touchent de façon directe la vision pragmatique que présente

l’approche de l’écologie industrielle. La vision pragmatique prend ici le sens de réaliste et d’efficace. En

d’autres termes, les objectifs poursuivis par l’écologie industrielle ne revêtent-ils pas un caractère

idéaliste ou encore spéculatif ? O’Rourke, Connelly et Koshland (1996) considèrent que l’écologie

industrielle propose de nouvelles manières susceptibles d’apporter des solutions à la problématique

environnementale : la réalisation des boucles de systèmes productifs et le changement du mode de vie

et de consommation. Cependant, les objectifs qu’elle poursuit demeurent trop larges. Ces auteurs

estiment que les transformations radicales de l’ensemble de l’industrie et la réalisation de boucles de

systèmes productifs telles que proposées par les spécialistes de l’écologie industrielle impliquent deux

principes bien connus des spécialistes du domaine de l’économie de l’environnement : l’information

environnementale nécessaire aux décideurs et concepteurs des produits (getting the right information) et

l’incorporation des externalités négatives dans les mécanismes du marché (getting the right price).

O’Rourke, Connelly et Koshland (1996) estiment que les objectifs de l’écologie industrielle n’indiquent

pas de façon précise comment l’information nécessaire et l’incorporation des externalités négatives

pourraient corriger et introduire des transformations dans les systèmes productifs actuels.

Pour sa part, Den Hond (2000) soutient que si l’idée d’introduire des changements profonds

dans les systèmes de production industrielle et de consommation est susceptible d’apporter des

résultats satisfaisants, les structures de fonctionnement actuel de ces systèmes semblent cependant

limiter le développement des pratiques d’écologie industrielle.

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Industrial ecology is presented as a strong metaphor that may advance positive radical change in industrial resource efficiency and, consequently, in significant reduction of environmental pollution. Most of research into industrial ecology focuses on describing materials flows and transformation and developing tools for controlling them. However, studies into the manageability of materials flows indicate, on the one hand, that currently market and regulatory failures exist which inhibit the implementation of the principles of industrial ecology and, on the other hand, that decisions of actors, such as firms and consumers, that shape the flow and transformation of materials – at least in the societal context – are only partly informed by price, information and laws. These are major challenges for industrial ecology, not only in research but also in the practical implications for eco-industrial parks and dematerialization (Den Hond, 2000, p. 67).

Les considérations de ces auteurs montrent la pertinence de comprendre les mécanismes et le

fonctionnement de l’écologie industrielle. Ce qui signifie que la redéfinition et la délimitation des

frontières entre les différentes approches de l’écologie industrielle pourraient clarifier la vision

pragmatique de l’écologie industrielle. Cette redéfinition et délimitation apporteraient une consistance

opérationnelle aux pratiques et aux concepts utilisés en écologie industrielle. Bien que largement

présentée comme une discipline des sciences « pures » (Garner et Keoleian, 1995) ou encore comme

l’analyse des flux des matières et de l’énergie dans les systèmes de production industrielle et de

consommation (White, 1994), et bien que les objectifs poursuivis pour optimiser l’usage des ressources

soient assez larges (O’Rourke, Connelly et Koshland, 1996), l’écologie industrielle tente d’aborder et

d’explorer la question de l’amélioration et du maintien d’une qualité acceptable de l’environnement

dans des perspectives diverses : le bouclage des systèmes productifs, l’analyse du cycle de vie des

produits et des procédés, et le développement des réseaux d’échange des déchets entre entreprises, les

déchets comme matières premières, entre autres (Lifset et Graedel, 2002).

2.2. Du bio-mimétisme à la valorisation résiduelle

À la base de l’écologie industrielle se trouve l’idée de comprendre et d’imiter le fonctionnement

des processus biologiques et écologiques. L’écologie industrielle s’inspire donc du bio-mimétisme.

D’une part, l’écologie industrielle cherche à mieux co-exister avec la nature et, d’autre part, à améliorer

les principes de conception et le mode de fonctionnement des systèmes actuels de production (Van

Doren, 2002). S’inspirer de la nature se traduit par une recherche d’optimisation de l’usage des

ressources qui vise et la réduction de la quantité de déchets dans les systèmes de production et de

consommation, et leur utilisation comme matières premières dans différents procédés industriels.

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L’optimisation de l’usage des ressources sous-entend donc l’analyse et la compréhension du

fonctionnement des systèmes actuels de production en les comparant aux écosystèmes naturels, l’étude

du flux de matière et d’énergie par une approche systémique, et la transformation des sous-produits

dans les procédés industriels.

2.2.1. Bio-mimétisme et écologie industrielle

L’écologie industrielle repose sur le rapport des ressemblances qui existent entre les systèmes de

production industrielle et de consommation et les écosystèmes naturels (Frosch, 1992). En d’autres

termes, l’écologie industrielle part de l’idée selon laquelle les systèmes de production et de

consommation devraient fonctionner comme le font les écosystèmes naturels (Frosch et Gallopoulos,

1989; Frosch, 1992). Par l’analyse et la comparaison entre les systèmes actuels de production et de

consommation et les écosystèmes naturels, l’écologie industrielle tente de s’inspirer des modes de

production de la plus vieille industrie de tous les temps : la nature elle-même.

Pour atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée, l’écologie industrielle utilise la nature comme

modèle et s’appuie sur les principes et les stratégies proposés par le bio-mimétisme. Le bio-mimétisme

est défini par Benyus (1997) comme la discipline qui étudie les modèles de la nature et qui cherche à les

imiter ou à s’en inspirer pour la conception ou la mise en place des processus et des outils destinés à

résoudre les problèmes humains. Benyus (1997, chapitre 1) soutient qu’imiter la nature revient à

appliquer certaines stratégies et principes qui reposent sur des lois naturelles : « la nature fonctionne à

l’énergie solaire; elle utilise seulement l’énergie dont elle a besoin; elle adapte la forme à la fonction; elle

recycle tout; elle récompense la coopération; elle mise sur la diversité; elle fait appel à l’expertise locale;

elle n’admet pas d’excès; elle convertit ses limites en pouvoir d’action ».

L’écologie industrielle propose ainsi de mettre en pratique ces principes dans le but d’atteindre

l’un des ses principaux objectifs, c’est-à-dire d’optimiser l’usage des ressources disponibles dans les

systèmes de production et de consommation. C’est dans ce sens qu’elle propose d’analyser l’ensemble

des systèmes industriels de production et de consommation dans une perspective systémique.

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2.2.2. La perspective systémique

L’écologie industrielle aborde les questions environnementales dans la perspective systémique

des interactions entre les systèmes de production industrielle et de consommation et les écosystèmes

naturels. Si l’ensemble des activités de production industrielle et de consommation doivent être

conçues à l’image de la nature, alors ces activités constituent des systèmes et elles doivent être

analysées en tant que tels (Allenby et Cooper, 1994). La vision systémique permet d’analyser la

problématique de l’optimisation de l’usage des ressources dans son ensemble et d’éviter des analyses

partiales et cloisonnées qui peuvent déboucher non seulement sur l’oubli de certaines variables

importantes, mais aussi et surtout sur des conséquences inattendues (Lifset et Graedel, 2002, p. 6).

Pour ce faire, l’écologie industrielle se propose de retrouver le lien avec la nature, de réintroduire la

notion fondamentale de cycle, et de s’interroger sur le rôle symbiotique de chacun des acteurs de ce

cycle : le producteur, le consommateur et le décomposeur (Van Doren, 2002).

Le fait que les questions de l’optimisation de l’usage des ressources soient abordées à partir des

perspectives différentes (économiques, politiques, légales et sociales), comme le montre la définition de

l’écologie industrielle proposée par White (1994), constitue un exemple de l’approche systémique.

Étant donné que des spécialistes de plusieurs disciplines (sciences de la vie, économie, sciences de

l’ingénieur, anthropologie, sociologie, philosophie, management) s’intéressent aux questions centrales

de l’écologie industrielle et proposent des voies et des moyens pour le développement de la discipline

nouvellement constituée est une autre illustration de la perspective systémique proposée par les

spécialistes du domaine.

Sur le plan de l’usage de matière et d’énergie, Lifset et Graedel (2002) soutiennent que le modèle

« intrants, transformation et sortants » sur lequel repose l’approche systémique donne lieu à plusieurs

pratiques d’écologie industrielle, en particulier l’analyse de cycle de vie des produits et des procédés,

l’analyse des flux des matières et de l’énergie, l’analyse et la gestion de la chaîne des produits, la

politique intégrée des produits, le management « vert » de la chaîne de fournisseurs et la responsabilité

élargie du producteur. Ces différentes pratiques prennent les formes de méthodologie ou encore

d’outils de mise en œuvre de l’écologie industrielle (Wernick et Ausubel, 1997). La vision systémique

montre la pertinence d’analyser les questions environnementales dans une perspective beaucoup plus

globale. La mise en application au sein des divers secteurs industriels des principes et des stratégies

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calqués sur le modèle de la nature prouve que l’optimisation de l’usage des ressources peut prendre

plusieurs formes en particulier la valorisation des résidus et des sous-produits industriels.

2.2.3. La valorisation résiduelle

La valorisation résiduelle se traduit par la forme la plus élégante d’optimisation de l’usage des

ressources dans les procédés de production industrielle. Il s’agit en effet de la mise en application de

certains principes du bio-mimétisme tels que mentionné par Benyus (1997) : « la nature recycle tout »

ou encore « la nature n’utilise que l’énergie dont elle a besoin ». C’est dans ce sens que se comprend

l’idée d’éliminer la notion de déchet des systèmes actuels de production, idée proposée par Hawken

(1993). La valorisation fait donc de la notion de déchet comme ressource le pivot de ses activités. La

Loi sur la qualité de l’environnement du ministère québécois de l’Environnement apporte des précisions sur

les concepts de valorisation et de matière résiduelle.

D’abord, cette Loi sur la qualité de l’environnement, dans sa première section, définit le concept de

matière résiduelle en ces termes :

Tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau ou produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que le détenteur destine à l’abandon. (Section I, 1-11)

Ainsi, les pneus hors d’usage, les batteries au plomb-acide, les filtres à huile usagés, les huiles

usagées ou encore les animaux morts de la ferme constituent des exemples de matières résiduelles.

Dans le cadre de la recherche, le concept de sous-produit désigne tout résidu d’un processus de

production ou de transformation dans un procédé de production ou un produit dérivé. En ce sens, les

boues de désencrage, les résidus miniers, les scories d’acier inoxydable ou encore les stériles de minerai

de fer constituent des exemples de sous-produits industriels.

La même Loi sur la qualité de l’environnement, dans sa septième section portant sur la gestion des

matières résiduelles, définit les concepts de valorisation et d’élimination en ces termes :

Valorisation : toute opération visant le réemploi, le recyclage, le compostage, la régénération ou toute autre action qui ne constitue pas de l’élimination, à obtenir à partir de matières résiduelles des éléments ou des produits utiles ou de l’énergie;…

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Élimination : toute opération visant le dépôt ou le rejet définitif de matières résiduelles dans l’environnement, notamment par la mise en décharge, stockage ou incinération, y compris les opérations de traitement ou de transfert de matières résiduelles effectuées en vue de leur élimination (Section VII- paragraphe 1 article 53.1).

La définition de ces notions constitue un aspect important dans la mesure où, comme il a été

indiqué au chapitre premier sur l’historique de la gestion des déchets dans l’histoire des hommes, la

gestion efficace des matières résiduelles et le traitement de ces diverses matières constitue l’une des

préoccupations majeures de la société. Aujourd’hui, dans la plupart des pays, la gestion intégrée des

matières résiduelles solides d’origine domestique s’appuie sur des principes qui se traduisent par

l’expression « 3RV-E » basés sur une hiérarchie : réduction à la source, réemploi, recyclage, valorisation

et élimination (Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008).

Dans une vision beaucoup plus centrée sur des activités industrielles, le centre de transfert

technologique en écologie industrielle (CTTÉI) situé à Sorel-Tracy au Québec définit la valorisation

résiduelle comme la transformation d’un produit sans intérêt en un produit ou une matière à valeur

ajoutée pour lequel il existe une demande. Cette façon de concevoir la valorisation résiduelle montre

qu’elle constitue une manière de capitaliser les opportunités d’affaires (Tibbs, 1993). C’est dans cette

perspective de la valorisation résiduelle comme activité commerciale que se situe la présente thèse. Il

est important de préciser que cette dernière entend analyser principalement la valorisation résiduelle

des matières résiduelles inorganiques industrielles telles que, entre autres, les résidus miniers, les résidus

de production de l’acier, les résidus de l’explotation des carrières, les résidus de la production de

l’industrie de l’aluminium, les résidus de l’industrie chimique, les déchets commerciaux et

institutionnels, ainsi que les déchets municipaux (CTTÉI).

Comme pratique d’écologie industrielle, la valorisation résiduelle repose donc sur la récupération

et l’utilisation ou la transformation des sous-produits et des matières résiduelles dans les procédés

productifs. Desachy (1996, p. 32) conçoit la récupération des déchets comme une « collecte séparée ou

un tri qui permet de valoriser les matériaux ou l’énergie contenus dans les déchets, de limiter leur

apport dans les installations de traitement, ou de leur faire suivre une filière de traitement spécifique »

(cité dans Vorburger, 2005). L’utilisation peut-être entendue comme l’usage ou l’introduction des sous-

produits ou des matières résiduelles dans l’un ou l’autre procédé de production. Ces différentes

matières résiduelles ou sous-produits sont introduits parce qu’ils représentent encore de la valeur aux

yeux des gestionnaires (Rogers et Tibben-Lembke, 2001). L’introduction des pneus hors d’usage dans

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les fours à haute tension pour brûler le clinker et fabriquer la poudre grise du ciment constitue une

illustration de l’utilisation des matières résiduelles (Van Oss et Pandovani, 2002). La transformation

désigne le processus d’élaboration de nouveaux produits finis ou semi-finis à partir de sous-produits

ou matières résiduelles, lesquels produits sont destinés à des marchés ciblés (Tibbs, 1993).

Cette vision de la récupération, de l’utilisation ou de la transformation des matières résiduelles

montre que la valorisation résiduelle telle que définit ci-dessus se différencie des modes de traitement

des déchets par réemploi, réutilisation ou recyclage, comme le montrent Gouilliard et Legendre (2003)

cités dans Vorburger (2005). En effet, selon ces auteurs, le réemploi renvoie à utilisation, une nouvelle

fois, d’un produit ou d’un objet usagé, pour un usage analogue à celui de sa première utilisation ou

pour une autre utilité sans qu’il y ait de traitement intermédiaire. La réutilisation repose sur l’utilisation,

à nouveau, d’un déchet, pour un usage différent de son premier emploi. Comme les résultats de la

présente étude vont le préciser, la transformation ou le traitement des matières résiduelles dans les

procédés industriels constitue une des dimensions importantes de la valorisation résiduelle. Cette

dimension ne ressort pas dans les pratiques de réemploi ou de réutilisation.

Par contre, le recyclage - défini comme la récupération et la réintroduction, dans le cycle de

production, d’un matériau contenu dans un déchet, en remplacement total ou partiel d'une matière

première neuve (Gouilliard et Legendre, 2003, cités dans Vorburger, 2005) - considère le traitement ou

la modification physique de l’objet initial. Cependant, cette modification ne vise pas la conversion de

cet objet en un autre totalement différent. La valorisation résiduelle met en valeur un résidu par

d’autres voies autres que le réemploi, la réutilisation ou le recyclage (Environnement Canada). En

suivant la stratégie basée sur des principes des 3RV-E, la valorisation constitue la dernière étape pour

éviter que les résidus soient envoyés aux sites d’enfouissement ou éliminés. Ce qui justifie l’idée selon

laquelle la valorisation résiduelle se traduit par la forme la plus élégante d’optimisation de l’usage des

ressources dans les procédés de production industrielle.

Le principe selon lequel « la nature recycle tout » renvoie à deux notions principales associées à

la valorisation résiduelle : la quête du « zéro déchet » et le bouclage des systèmes productifs. La quête

du « zéro déchet » s’inspire du principe selon lequel la nature produit sans laisser beaucoup de déchets

ou en ne laissant que peu de déchets. Dans le cadre des opérations industrielles, la « zéro déchet »

signifie la réduction de la quantité de déchets dans les systèmes de production et de consommation

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(Pauli, 1997), et l’utilisation de ces déchets comme matières premières dans différents procédés

industriels :

The first is to obey the waste-equals-food principle and entirely eliminate waste from our industrial production. This not only saves resources outright, but it rearranges our relationship to resources from a linear to a cyclical one, greatly enhancing our ability to lead prosperous lives while reducing environmental degradation (Hawken, 1993, p. 209).

Le bouclage des systèmes productifs vient du principe selon lequel la nature recycle tout ce

qu’elle produit. Graedel et Allenby (1995) ont développé le concept de bouclage (closing loop) des

systèmes productifs à partir du concept d’analogie biologique : une activité industrielle devrait produire

le moins de déchets possible ou presque pas de déchets et utiliser autant que possible les déchets

générés. La plupart des systèmes de production actuels (linéaires) produisent encore beaucoup de

déchets. Un système cyclique en produit moins et l’idéal est d’arriver à un système totalement cyclique,

qui produirait zéro déchet. Tous les déchets d’un procédé devraient être considérés comme les

matières premières d’un autre procédé (Frosch et Gallopoulos, 1989; Garner et Keoleain, 1995). C’est

en application des principes de « zéro déchet » et de bouclage des systèmes productifs que de plus en

plus d’entreprises fondent leurs activités de valorisation des matières résiduelles et d’échange des sous-

produits. Donnons ici l’exemple de Solplast, une entreprise montréalaise de recyclage des produits en

plastique.

Concrètement, Solplast recycle du polyéthylène et du polypropylène, des matériaux que l’on retrouve dans la plupart des contenants en plastique. L’entreprise de recyclage s’approvisionne auprès des centres de tri spécialisés en récupération et directement auprès des industries productrices. Utilisant des équipements à la fine pointe de la technologie, Solplast transforme cette matière première sous forme de granules. Ce nouveau matériau peut alors être réutilisé pour la fabrication de divers produits de consommation. En plus de vendre cette matière première recyclée à d’autres entreprises manufacturières, Solplast fabrique ses propres produits, principalement de solides palettes destinées à la manutention des marchandises et des bacs de recyclage pour les municipalités (Rochette, p. 35).

À l’instar de l’entreprise Solplast, l’émergence d’entreprises éco-industrielles dans plusieurs

secteurs industriels témoigne de l’engagement environnemental de ces mêmes entreprises et de

l’application des principes et des stratégies du bio-mimétisme. Cet engagement et les actions

entreprises s’inscrivent dans la restructuration écologique ou éco-restructuration des systèmes de

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production et de consommation. Déployer des efforts constants pour développer des produits et des

procédés à partir de divers déchets fait partie des objectifs que se sont donnés les entreprises qui

travaillent dans le domaine de la récupération et de la transformation des résidus. Le bouclage du cycle

des matières, un autre volet de la restructuration écologique, constitue également un champ où les

entreprises industrielles développent de l’expertise. Pour mieux comprendre ce développement,

donnons l’exemple d’une entreprise qui travaille dans un autre secteur d’activité, celui de la

récupération des déchets métalliques.

L’entreprise Option Métal Recyclé récupère, traite et remet en marché des résidus métalliques

ferreux et non ferreux. Ainsi, plus de 600 tonnes de métaux sont transformées. La plupart de ces

matières résiduelles proviennent des panneaux de signalisation, des poteaux de feux de circulation et de

fils électriques (Reid, 2003).

Les exemples présentés de Solplast et de Québec Métal Recyclé montrent que la valorisation

résiduelle se traduit par la mise en évidence des opportunités d’affaires que représente l’utilisation des

divers sous-produits et des diverses matières résiduelles dans les procédés de production industrielle. À

ce niveau, trois points essentiels méritent d’être soulignés.

D’abord, la récupération et la valorisation des matières résiduelles constituent des enjeux

stratégiques pour les entreprises industrielles. Loin des considérations d’ordre environnemental ou

éthique qu’implique l’introduction des déchets dans les procédés de fabrication, cette utilisation

modifie l’ensemble des processus d’affaires des entreprises industrielles. La stratégie est conçue ici dans

le sens que lui donne Steiner (1979), c’est-à-dire l’ensemble de ce que les gestionnaires font pour

contrer les actions actuelles ou futures des concurrents sur les marchés. Comme enjeux stratégiques, la

récupération et la transformation mènent les dirigeants d’entreprises à faire des choix et à se

démarquer des autres, et les entreprises à « être différentes » (Porter 1980, 1985, 1986, 1991).

Ensuite, l’entreprise fonde et crée cette différence en prenant appui sur les ressources dont elle

dispose. La vision des ressources disponibles de l’entreprise est comprise ici dans le sens large que lui

donne Daft (1983), cité dans Barney (1991, p. 101) :

Firm resources include all assets, capabilities, organizational processes, firm attributes, information, knowledge, etc. controlled by the firm that enable the firm to conceive of and implement strategies that improve its efficiency and effectiveness.

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Ces ressources permettent à l’entreprise de former une chaîne de valeurs qui la distinguent et la

caractérisent. C’est donc dans le choix que les dirigeants font des activités qui vont les différencier des

autres entreprises que repose l’avantage concurrentiel (Porter, 1980, 1985). La mobilisation des

ressources, c’est-à-dire la mise en commun, l’acquisition et le développement des ressources

nécessaires en vue de la valorisation efficiente et effective des sous-produits industriels et des matières

résiduelles, peut mener à la création de valeur. La création de valeur est entendue ici comme la

transformation des sous-produits industriels et des matières résiduelles en biens destinés à des

marchés. Ces biens sont élaborés dans le respect total des normes environnementales et dans

l’application des principes d’écologie industrielle.

Enfin, le succès des pratiques de récupération et de transformation des sous-produits industriels

et des matières résiduelles est crucial pour la pérennité de l’entreprise. Dès lors, identifier les facteurs

de succès des pratiques de valorisation résiduelle devient un des points centraux du management des

entreprises engagées dans cette démarche. Les facteurs de succès se traduisent par des éléments

critiques identifiables susceptibles de conduire aux résultats positifs sur les plans commercial,

organisationnel et environnemental des pratiques de récupération et de transformation des sous-

produits et des matières résiduelles dans les procédés industriels. Après avoir examiné les grands

travaux portant sur la conception écologique des produits, Johansson (2002) a identifié les facteurs

critiques de succès de l’incorporation des considérations écologiques dans le développement des

produits destinés à des marchés ciblés. Selon Johansson (2002), le succès de l’incorporation des

considérations écologiques dans le développement des produits et donc, par anticipation, le succès de

la valorisation résiduelle repose sur les six dimensions critiques suivantes : la nature de la gestion mise

en place, les relations avec les clients, les relations avec les fournisseurs, le processus de développement

des produits mis en place, le développement des compétences organisationnelles et les facteurs

motivationnels.

La définition de la valorisation résiduelle comme activité commerciale donnée ci-dessus serait

incomplète sans la différencier de la logistique inversée, une autre pratique industrielle de récupération

et de transformation des produits finis largement répandue. Cette distinction permettra de préciser

davantage, du moins pour le moment, la notion de valorisation résiduelle.

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La valorisation résiduelle et la logistique inversée : similarités et différences

La valorisation résiduelle repose sur la récupération et la transformation sécuritaire des sous-

produits et des matières résiduelles dans les procédés industriels. En ce sens, elle s’apparente en partie

aux activités industrielles et opérationnelles dans le domaine de la récupération des produits en fin de

cycle de vie. Ce qui fait partie intégrante du domaine d’étude et de recherche connu sous le nom de

« reverse logistics » ou logistique renversée. Rogers et Tibben-Lembke (1999) conçoivent la « reverse

logistics » comme

The process of planning, implementing, and controlling the efficient, cost effective flow of materials, in-process inventory, finished goods and related information from the point of consumption to the point of origin for the purpose of recapturing value of proper disposal (p. 2).

Loin des considérations portant sur les motivations économiques et commerciales de ces

pratiques qui s’observent de plus en plus dans plusieurs secteurs industriels depuis quelques décennies

(Guide, 2000), il est intéressant de faire dès à présent la distinction entre la valorisation résiduelle,

thème central de la présente recherche, et la logistique inversée. Ce qui permettra de mettre en relief les

similarités et les différences de ces deux approches de l’écologie industrielle. Comme le montre le

tableau 4 à la page suivante, cette distinction s’articule autour de quatre points essentiels : la finalité ou

l’objectif principal, les types de produits récupérés, les enjeux majeurs et les acteurs principaux.

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Tableau 4. Valorisation résiduelle et logistique inversée

Points de comparaison Valorisation résiduelle Logistique inversée

Finalité ou objectif principal

Faible valeur ajoutée. La récupération et l’utilisation ou la transformation des sous-produits et des matières résiduelles dans les procédés productifs.

Haute valeur ajoutée. La planification, le contrôle d’inventaire, l’analyse numérique, le traitement de l’information logistique des opérations et le contrôle statistique des données portant sur les intrants (Guide, 2000; Rogers et Tibben-Lembke, 2001).

Types de matières récupérées

Variable. Toute matière résiduelle pouvant être réutilisée ou valorisée dans les procédés de production (Frosch, 1992).

Spécifique. Pièces détachées, emballages et biens de consommation (Fleishman et al., 1997).

Enjeux majeurs

Multiples. Économiques, politiques, légaux, environnementaux et socioculturels (Tibbs, 1993; White, 1994).

Triple. Économiques, légaux et sociétaux (Gungor et Gupta, 1999).

Acteurs principaux

Chaînes intégrées d’approvisionnement. Entreprises industrielles et parties prenantes (Seuring, 2004).

Chaînes simples d’approvisionnement. Entreprises industrielles (Fuller, 1995).

Le premier point de différence entre la valorisation résiduelle et la logistique inversée est relatif à

la finalité de chacune de ces approches d’écologie industrielle. Tandis que la valorisation porte sur la

récupération et la transformation des matières résiduelles en majorité à faible valeur ajoutée, la

logistique inversée vise à optimiser le retour des produits à haute valeur ajoutée dans la chaîne de

production. L’essentiel des études dans le domaine de la logistique inversée repose sur le contrôle

d’inventaire, l’analyse numérique, le traitement de l’information logistique des opérations et le contrôle

statistique des données portant sur les intrants (Fleischmann et al., 1997; Van der Laan et al., 1999;

Guide, 2000; Rogers et Tibben-Lembke, 2001; Dekker et al., 2004; Inderfurth, 2005). La notion de

matière résiduelle introduit ici une grande différence entre les deux approches. Comme le montrent De

Brito et Dekker (2004), cette notion de matière résiduelle induit des conséquences environnementales

et légales importantes. Les activités de valorisation résiduelle, comme il sera montré dans cette thèse,

sont sujet à de strictes normes environnementales compte tenu du fait qu’elles sont susceptibles de

causer des dommages à l’environnement. La logistique inversée se préoccupe peu des problèmes liés à

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la gestion et au traitement des matières résiduelles. C’est ainsi que selon Camm (2001), les points

saillants de la logistique inversée dans le domaine de l’environnement concernent en particulier la

consommation des ressources naturelles non renouvelables, les émissions d’air, la congestion sur les

routes, la pollution par le bruit et l’élimination des déchets dangereux et non dangereux.

Le deuxième point de différence concerne les types de produits récupérés dans le cadre des

opérations industrielles de valorisation résiduelle et de logistique inversée. La valorisation résiduelle

contemple, dans la vision de Frosch (1992), la récupération de toute matière résiduelle à laquelle on

peut encore donner une valeur commerciale par le processus de transformation industrielle. Elle vise

ainsi la récupération d’une grande variété de matières autrefois enfouies tels que les pneus hors d’usage,

les boues de désencrage, les scories d’acier inoxydable ou encore les résidus provenant des fermes. La

logistique inversée, quant à elle, vise le retour d’un type spécifique de produits tels que les ordinateurs,

les imprimantes, les équipements médicaux ou encore les moteurs d’automobiles (Linton et al., 2002;

Rogers et Tibben-Lembke, 2001; Guide, 2000). En ce sens, Rogers et Tibben-Lembke (2001)

soulignent que la logistique inversée repose essentiellement sur la fonction de gestion des opérations

dans la mesure où elle englobe tous les aspects de la chaîne d’approvisionnement tant au niveau

manufacturier, de la production que du commerce de détail. Cependant, comme le montre l’étude de

Boiral et Kabongo (2004), les activités de valorisation résiduelle vont au-delà des seuls aspects

opérationnels : elles incluent toutes les activités fonctionnelles de l’entreprise. Ce qui se justifie dans la

mesure où, comme le présentent Ferrer et Guide (2002), la transformation ou conversion des matières

récupérées en divers produits est complète dans le cas de la valorisation résiduelle. Par contre, la

logistique inversée ne considère qu’une transformation limitée d’équipements finis récupérés en fin de

cycle de vie.

Le troisième point de différence entre la valorisation résiduelle et la logistique inversée touche les

enjeux majeurs de ces deux approches. Tel que l’ont souligné plusieurs auteurs, la mise en application

des principes de « zéro déchet » et de bouclage des systèmes productifs induit des enjeux multiples :

économiques, politiques, environnementaux, légaux ou encore socioculturels. La définition de

l’écologie industrielle proposée par White (1994) laisse entrevoir ces enjeux. Les stratégies d’adoption

des pratiques de l’écologie industrielle développées par Tibbs (1993) montrent également les défis

rencontrés par les responsables d’entreprises engagées dans cette démarche. Comme il sera exposé un

peu plus loin dans cette thèse, le choix des initiatives de valorisation résiduelle tient compte de tous ces

enjeux multiples. Or, selon Gungor et Gupta (1999), l’application et l’organisation des opérations de

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logistique inversée ne considèrent que trois types d’enjeux majeurs : économiques, légaux et éthiques

ou de responsabilité corporative.

D’abord, les enjeux économiques sont au cœur des stratégies opérationnelles de l’optimisation du

retour d’équipements en fin de cycle de vie. Ce qui vient renforcer l’idée de miser sur les produits à

haute valeur ajoutée. Les entreprises engagées dans la logistique inversée visent ainsi la réduction des

coûts d’opération de façon significative. Comme le montrent Guide et Van Wassenhove (2003), dans

les années 1990, l’industrie des téléphones cellulaires a fait des gains économiques importants avec le

retour puis la commercialisation d’importantes quantités d’appareils usagés. Ces équipements étaient

fourbis avant d’être remis sur le marché. En effet, dans le domaine de l’industrie électronique, par

exemple, le cycle de vie de plusieurs produits est relativement court. Ce qui offre aux entreprises des

opportunités de les récupérer et de les réintroduire, totalement ou en partie, dans la chaîne

d’approvisionnement.

Ensuite, en logistique inversée, les enjeux légaux sont pris en compte comme conséquence du

développement de nouvelles stratégies industrielles (Wernick et Ausubel, 1997) et de l’application des

principes de l’économie fonctionnelle, centrée plutôt sur le service que sur l’usage et qui favorise la

longévité et la fiabilité ainsi que la réutilisation des produits (Stahel, 2003). Dans la plupart des pays

industrialisés, les nouvelles législations obligent les fabricants, les importateurs ou encore les

distributeurs d’équipements électriques et électroniques à reprendre ces produits en fin de cycle de vie.

Bloemholf et al. (2003) indiquent à cet égard que les industries de l’automobile et de la fabrication

d’équipements électriques et électroniques sont particulièrement la cible de nombreuses pressions

légales comme le résultat de la restructuration de l’ensemble des modes de production et de

consommation dans les sociétés industrialisées.

Enfin, à l’exemple de l’adoption des stratégies environnementales dans les pratiques

industrielles, bon nombre de fabricants d’équipements électriques et électroniques apprécient les

expériences de logistique inversée comme étant une manière d’affirmer leur engagement

environnemental ou leur responsabilité éthique et corporative en matière de protection de

l’environnement. Cette vision reste cependant liée à l’obligation légale de reprendre les produits finis

en fin de cycle de vie. Par ailleurs, independamment du fait que les fabricants voient dans ces

expériences un moyen de réduire les coûts opérationnels ou qu’ils soient dans l’obligation de mettre

sur pied des initiatives visant le retour des produits selon les législations en vigueur, les résultats de

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l’étude menée par Bansal et Roth (2000), et qui porte sur les raisons d’adopter des stratégies

« écologiques », montrent que la logistique inversée se traduit également par une façon élégante

d’améliorer l’image corporative aux yeux des consommateurs.

Le quatrième et dernier point de différence entre la valorisation résiduelle et la logistique

inversée a trait aux acteurs principaux. Les acteurs principaux sont ici tous les intervenants qui

prennent une part déterminante dans la réussite des opérations de valorisation résiduelle ou de

logistique inversée. La finalité ou les objectifs poursuivis par chacune des approches indiquent

l’importance et le rôle joué par les différents acteurs dans le développement des activités respectives de

l’écologie industrielle. Les acteurs principaux de la valorisation et de la logistique inversée se

distinguent par leur participation dans le développement des chaînes d’approvisionnement, considérés

comme une dimension essentielle dans la réalisation du bouclage des systèmes productifs (Graedel et

Allenby, 1995).

La distinction faite par Seuring (2004) entre les chaînes intégrées d’approvisionnement et les

chaînes simples d’approvisionnement dégage la différence entre le rôle des acteurs dans la valorisation

résiduelle et la logistique inversée. Seuring (2004) applique cinq critères pour mettre en évidence cette

distinction : le fondement physique, le fondement conceptuel, les types d’acteurs, la nature de la

coopération et les objectifs poursuivis. Les chaînes intégrées d’approvisionnement se fondent

physiquement sur le flux de matières et de substances, tandis que les chaînes simples

d’approvisionnement reposent sur les matières et le flux d’information portant sur celles-ci. Les

chaînes intégrées reposent sur la notion d’évaluation de cycle de vie par opposition à celle de logistique

dans le cas des chaînes simples. Si les entreprises industrielles et les parties prenantes font partie des

acteurs principaux dans les chaînes intégrées, seules les entreprises industrielles jouent un rôle

déterminant dans le cas des chaînes simples d’alimentation. Fuller (1995), par contre, identifie les

chaînes simples comme étant composées principalement de manufacturiers, de grossistes et de

détaillants.

Cette démarcation entre les acteurs principaux se note dans la nature de la coopération entre les

différentes filières. Cette coopération est multiple dans le cas des chaînes intégrées et dans le cas des

chaînes simples, elle est verticale et se limite à l’étendue de la chaîne. Les objectifs poursuivis par les

acteurs engagés renforcent davantage la distinction entre la valorisation résiduelle et la logistique

inversée. Alors que, dans les chaînes intégrées, les acteurs s’attachent à réduire les impacts négatifs sur

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l’environnement, ceux qui sont engagés dans les chaînes simples recherchent l’amélioration de

l’efficacité de l’approvisionnement. De toute évidence, la valorisation résiduelle s’identifie avec les

chaînes intégrées d’approvisionnement au moment où la logistique inversée s’apparente aux chaînes

simples d’alimentation en produits finis récupérés.

Ayant précisé la distinction nécessaire et souvent oubliée entre la valorisation résiduelle et la

logistique inversée comme l’indiquent Ferrer et Guide (2002), la section suivante poursuit la

compréhension du concept d’écologie industrielle en analysant cette fois-ci les différentes stratégies de

sa mise en œuvre.

2.3. La mise en œuvre de l’écologie industrielle

Comment rendre opérationnels les principes de l’écologie industrielle? L’optimisation de l’usage

des ressources, le développement de nouvelles stratégies de production industrielle et la promotion

d’une économie durable touchent la dimension pratique de l’écologie industrielle. La mise en œuvre

peut être envisagée à trois échelles différentes : régionale et globale, interentreprises et entreprise.

Tandis que l’écologie industrielle, aux échelles « macro » et régionale, s’attache à définir les grandes

orientations au niveau de l’analyse des flux des matières et de l’énergie, de la dématérialisation, du

développement des éco-parcs industriels et de l’analyse du cycle de vie des produits (Lifset et Graedel,

2002), l’écologie industrielle dans l’entreprise répond à des besoins spécifiques et concrets de sa mise

en application dans différents secteurs industriels. Cette section portant sur la mise en application de

l’écologie industrielle s’articule autour des quatre points suivants : le modèle opérationnel de mise en

œuvre de l’écologie industrielle tel que proposé par Lifset et Graedel (2002); les stratégies nationales et

régionales; les stratégies interentreprises, en particulier le développement des éco-parcs industriels et

l’échange des sous-produits; et les stratégies de mise en œuvre à l’échelle de l’entreprise.

2.3.1. Les trois échelles opérationnelles de l’écologie industrielle

Le cadre conceptuel de l’écologie industrielle en ce qui touche les différentes échelles

d’opérations et de mise en œuvre de ses principes a été proposé par Lifset et Graedel (2002) à partir de

la synthèse de plusieurs contributions portant sur le domaine. Selon ce modèle largement accepté par

les spécialistes du domaine, le développement durable est le principe sur lequel repose l’approche de

l’écologie industrielle. Les différents niveaux d’opération comprennent les interactions intra-entreprise

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(avec, comme applications, la nouvelle conception des produits et des procédés, la prévention de la

pollution, l’éco-efficience et la comptabilité verte); les interactions interentreprises (les parcs éco-

industriels ainsi que l’analyse du cycle de vie des produits et des procédés); et les interactions régionales

et globales (l’analyse des flux des matériaux et de l’énergie, la dématérialisation et la décarbonisation).

La figure 1 ci-dessous illustre bien ces niveaux d’opération de l’écologie industrielle.

La restructuration des niveaux opérationnels constitue une tentative de rendre intelligible le

concept d’écologie industrielle. En effet, l’éco-restructuration vise à rendre les systèmes industriels plus

compatibles avec la Biosphère, sur un mode de fonctionnement viable à long terme (Tranchant et al.,

2004). Cette restructuration a eu un double effet sur le développement de l’écologie industrielle comme

domaine d’étude et de recherche. En premier lieu, elle a permis le développement des différentes

approches reposant sur l’un ou l’autre niveau d’opération de l’écologie industrielle. En deuxième lieu,

cette même structuration opérationnelle a aussi permis le développement d’outils de mise en œuvre de

l’écologie industrielle aux échelles micro, interentreprises et macro.

Figure 1. Niveaux d’opération de l’écologie industrielle (Lifset et Graedel, 2002)

L’analyse des antécédents de l’émergence de l’écologie industrielle comme champ d’étude

montre que la période qui a précédé son éclosion était caractérisée par la recherche d’une approche

Écologie industrielle

Global Inter-entreprises

Intra-entreprise

1. Conception des produits2. Prévention de la pollution3. Éco-efficience 4. Comptabilité verte

1. Parcs éco-industriels2. Analyse du cycle de vie

1. Analyse des flux des matières 2. Dématérialisation 3. Décarbonisation

Développement durable

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différente pour la conception industrielle de produits et de procédés et la mise en œuvre de stratégies

durables de production industrielle. Ainsi, pour certains auteurs, en particulier DeSimone et Popoff

(1997), l’écologie industrielle constitue une façon de mettre en œuvre le développement durable. Le

concept d’écologie industrielle repose avant tout sur la réflexion systématique et critique, c’est-à-dire

philosophique, sur les rapports que les hommes entretiennent avec le milieu naturel comme le

soulignent Den Hond (2000), Boons et Roome (2001) ainsi que Bourg (2003). Les activités de

production industrielle et de consommation, partie intégrante de la totalité de l’expérience humaine,

sont au centre des préoccupations des spécialistes de l’écologie industrielle. Cette réflexion a pour but

d’orienter la praxis vers de nouvelles formes de fonctionnement des systèmes industriels actuels. Les

impacts négatifs de l’ensemble des activités industrielles sur l’environnement constituent le point de

départ de cette réflexion (Frosch et Gallopoulos, 1989; Frosch, 1992; Garner et Keoleian, 1995;

Graedel et Allenby, 1995).

Socolow et al. (1994), par exemple, soutiennent que l’écologie industrielle est une métaphore qui

permet de remettre en question toute notre civilisation27. Allenby (1999a) se place dans cette optique

en soutenant que le développement durable constitue la base sur laquelle repose l’approche de

l’écologie industrielle. Cette vision est partagée par plusieurs spécialistes. Ainsi, selon Boiral et Croteau

(2001b), les principes d’écologie industrielle représentent l’application la plus concrète et la plus

complète du concept de développement durable. Dans cette perspective, ils conçoivent l’écologie

industrielle comme étant :

Une approche intégrée d’analyse et de réduction des flux de matières et d’énergie visant à améliorer l’éco-efficience des métabolismes industriels par la promotion de technologies, de valeurs et de pratiques destinées à assurer la protection, la durabilité ainsi que le renouvellement des ressources nécessaires au développement (Boiral et Croteau, 2001b, p. 17).

L’écologie industrielle se traduit ainsi par une tentative de mise en œuvre des principes du

développement durable à trois niveaux différents : régional, interentreprises et intra-entreprise. Ces

trois niveaux sont analysés dans les sections suivantes.

27 La civilisation prise dans le sens général.

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2.3.2. Les stratégies régionale et globale de l’écologie industrielle

La première échelle opérationnelle de l’écologie industrielle est régionale ou encore globale

(Lifset et Graedel, 2002). L’approche régionale et globale découle de la notion de métabolisme

industriel développé par Robert Ayres depuis les années 1960. Le métabolisme industriel se définit

comme l’étude des flux de matériaux et d’énergie utilisés dans la production industrielle dans le but de

détecter la présence de substances chimiques et physiques toxiques pour l’environnement (Erkman,

1998). Le métabolisme industriel est considéré comme étant à l’origine de l’écologie industrielle

comme domaine d’étude et de recherche (Fischer-Kowalski, 2003). L’analyse des flux des matières et

de l’énergie, la dématérialisation et la décarbonisation constituent des stratégies de mise en œuvre de

l’écologie industrielle aux échelles régionale et globale (Lifset et Graedel, 2002).

Analyse des flux des matières

Telle qu’elle a été définie ci-dessus, l’analyse des flux des matières se traduit par l’analyse de la

quantité de matières premières transformées en unité de temps dans les chaînes de production

(Bringezu et Moriguchi, 2002). Les différents efforts d’analyse des interactions entre les principes de la

thermodynamique et les approches utilisées en économie, entre les systèmes de production et de

consommation et les impacts des activités industrielles sur l’environnement (Ayres et Kneese, 1969)

ont démontré l’importance de l’analyse de l’écologie industrielle aux échelles nationale et régionale.

Rogich et Matos (2002) présentent l’étude de cas sur la comptabilité du flux des matières aux États-

Unis et dans le monde; Bringezu (2002) analyse la gestion durable des matières et des ressources en

Allemagne et en Europe; Moriguchi (2002) applique les principes de l’analyse des flux des matières

dans le cas du Japon; Durney (2002) présente l’étude de l’écologie industrielle en Australie; et Schandl

et Schulz (2002) font la même chose dans le cas du Royaume-Uni.

Ces différentes études aux échelles nationales montrent, d’une part, la pertinence du débat

portant sur la croissance et le développement économique, et d’autre part, l’importance de l’utilisation

rationnelle de l’énergie et des ressources naturelles. Moriguchi (2002) montre comment le Japon a pu

surmonter la crise énergétique des années 1970 et 1980 grâce aux mesures et aux réglementations

encourageant l’innovation technologique et l’utilisation efficiente de l’énergie. Selon Bringezu (2002), et

de façon générale, les résultats des différentes études sur le flux des matières en Allemagne et en

Europe ont suscité beaucoup d’intérêt sur les plans régional et communautaire. Par exemple, de

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nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) ont vu le jour. Ces organismes tentent de

promouvoir de nouvelles valeurs écologiques en finançant des projets de développement régional et

communautaire qui reposent principalement sur l’identification des voies et moyens pour optimiser

l’usage des ressources :

In 1997, the German Federal Office for Building and Regional Planning (FOBRP 1999) initiated a competition between 26 “regions of the future”. The results were presented at the Urban 21 conference in Berlin 2000. Several pilot projects designed to create more efficient materials and energy flows were also conducted within those regions (Bringezu, 2002, p. 300).

Ces considérations montrent l’intérêt que suscite l’écologie industrielle comme forme de mise en

œuvre des principes du développement durable. Si les résultats des études portant sur l’écologie

industrielle dans certaines régions (Bringezu, 2002) semblent déboucher sur des initiatives concrètes et

viables de sa mise en œuvre, des études portant sur le flux de matières et d’énergie dans d’autres

régions ont permis de montrer plutôt le manque d’infrastructure nécessaire pour analyser et

comprendre les interactions dans les systèmes de production et de consommation. C’est le cas de

l’étude de Durney (2002) portant sur l’écologie industrielle en Australie. Les conclusions de cette étude

révèlent deux tendances principales et pertinentes pour le développement de l’écologie industrielle

selon Wernick et Ausubel (1997) : d’abord, la nécessité d’une harmonisation des activités de l’écologie

industrielle aux échelles régionale et internationale; ensuite, la pertinence de l’analyse des flux des

matières aux niveaux des différents secteurs des industries nationales.

Dématérialisation et décarbonisation

La dématérialisation désigne le processus qui vise l’utilisation, dans les différents procédés de

production, de la quantité et de la qualité d’intrants nécessaires (matière et énergie) en tenant compte

de l’efficacité et de l’utilité des produits, des services à obtenir et des impacts de ceux-ci sur

l’environnement (Bernardini et Galli, 1993). La dématérialisation renvoie à la quantité de matière tandis

que la décarbonisation renvoie à la quantité d’énergie. En ce sens, la dématérialisation ou la

décarbonisation apparaît comme une conséquence logique du bouclage des systèmes productifs dans la

mesure où elle vise l’utilisation de moins de matière et d’énergie pour assurer la production industrielle.

La dématérialisation est mesurée en termes de volume de matière et d’énergie utilisées par unité

d’activité économique ou encore per capita. La dématérialisation est considérée par bon nombre de

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spécialistes comme l’une des méthodes ou outils de mise en œuvre de l’écologie industrielle (Wernick

et Ausubel, 1997; Ayres et Ayres, 1996).

La dématérialisation pratiquée par l’entreprise Procter & Gamble illustre bien ce point. Procter

& Gamble a mis sur pied des procédés innovateurs qui permettent de réduire la quantité de matière

utilisée dans la fabrication de ses divers produits et de leurs emballages. Selon les documents de cette

entreprise, les versions concentrées de ses produits de nettoyage Tide et Cher (en liquide et en poudre)

éliminent la quantité d’énergie nécessaire pour emballer, expédier ou encore distribuer les produits. La

production des petits contenants permet aussi d’éliminer l’équivalent de 600 000 BTU (British Thermal

Unit - unité anglo-saxonne de mesure calorifique qui équivaut à 1 055,06 joules) et de 35 livres de

déchets solides pour chaque lot de 1 000 bouteilles de détergent. La même source indique que d’autres

produits en forme concentrée sont fabriqués, en particulier le café Folgers ainsi que les savons Ivory et

Dawn. En outre, plus de 90 % du papier d’emballage est fabriqué à partir de fibres recyclées. Ces

exemples de dématérialisation et de recyclage dans l’entreprise Procter & Gamble démontrent que les

initiatives d’écologie industrielle prennent naissance dans les unités de production à l’échelle de

l’entreprise.

Bien que l’idée de réduire la quantité de matière et d’énergie (la dématérialisation) accompagne le

progrès technologique amorcé depuis la révolution industrielle, les spécialistes de l’écologie industrielle

soutiennent que des efforts devraient être fournis pour éviter tout gaspillage possible. La

dématérialisation s’appliquerait ainsi aux échelles des différents secteurs industriel, régional, national et

global de l’économie (Wernick, Herman, Govin et Ausubel, 1997; Adriaanse et al., 1997). Elle suppose

donc l’innovation technologique pour produire plus avec moins de matière et d’énergie. Cette notion

de dématérialisation renvoie également à un changement de conception du rapport entre les biens

offerts aux consommateurs et les services ou les bénéfices qu’ils en retirent.

Donnons un exemple de décarbonisation. Selon l’organisme Business Sustainable Development,

l’entreprise canadienne de transport de poids lourds Bison Transport constitue un exemple d’efficience

énergétique dans le cadre des pratiques d’écologie industrielle. Avec plus de 500 tracteurs sur les routes

nord-américaines, Bison Transport est engagée dans le programme canadien Voluntary Challenge and

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Registry29 , qui incite les entreprises à réduire de façon volontaire les émissions de GES. Les entreprises

et les industries inscrites dans ce programme représentent environ 70 % des GES produits au Canada.

Conscients que cette initiative allait avoir des impacts tant sur le plan environnemental que sur le plan

économique de l’entreprise, les dirigeants de Bison Transport ont dû investir dans l’achat de 160

nouveaux tracteurs aérodynamiques, sécuritaires et confortables de marque Volvo pour les chauffeurs.

L’efficience en consommation atteint les 12 litres au mille pour une puissance de 425 chevaux, en

comparaison des 14-15 litres nécessaires pour les tracteurs d’une même puissance. L’entreprise a

également demandé au constructeur des tracteurs un peu plus légers afin de réduire davantage la

consommation de carburant. Comme résultat, Bison Transport a réussi à réduire de 20 % sa

consommation de carburant. Ce qui signifie également une importante réduction des émissions de

GES. Si cette stratégie a reposé essentiellement sur l’achat et la conception de nouveaux tracteurs, la

formation des employés a constitué aussi un élément de force. Il a fallu enseigner à ceux-ci à rouler à

une vitesse inférieure à 70 milles par heure sur les routes américaines.

Les exemples de dématérialisation et de décarbonisation présentés se traduisent par des actions

envisagées au niveau de l’entreprise. Ces exemples montrent que les changements dans les systèmes de

production commencent par une restructuration des entreprises individuelles. Les stratégies pour

introduire ces changements ont d’abord et avant tout pour point de départ l’unité de production dans

l’entreprise avant de devenir une approche interentreprises ou régionale. Ces exemples de

dématérialisation et de décarbonisation montrent ainsi la pertinence du rôle des entreprises dans le

choix des initiatives d’écologie industrielle. Cette logique pragmatique et opérationnelle se fonde sur

deux points essentiels. En premier lieu, les entreprises sont des agents et des partenaires des

changements qui doivent être introduits dans les systèmes de production et de consommation

(Socolow et al., 1994). Bien que ces changements doivent être réalisés dans la totalité des processus

d’affaires, ils reposent d’abord et avant tout sur la conception des équipements capables de recevoir

des matières résiduelles comme principaux intrants et sur l’élaboration des produits à partir de ces

mêmes matières. En deuxième lieu, ce sont les entreprises qui possèdent les moyens nécessaires pour

développer les compétences requises pour réaliser ces changements.

29 Depuis janvier 2005, ce programme n’existe plus. Il a été intégré dans l’Association canadienne de

normalisation dont le but principal est d’offrir aux entreprises les outils nécessaires pour mesurer, rapporter et gérer leurs émissions de gaz à effet de serre, les réduire ou encore les éliminer.

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2.3.3. L’écologie industrielle à l’échelle interentreprises

La deuxième échelle d’opération de l’écologie industrielle est l’échelle interentreprises. À ce

niveau, l’optimisation de l’usage des ressources repose essentiellement sur la coopération entre

entreprises et l’échange des sous-produits en se basant sur le modèle de la symbiose industrielle de

Kalundborg. C’est ainsi que la structuration de Lifset et Graedel (2002) propose comme méthodologie

le développement des éco-parcs industriels ou les symbioses industrielles; l’évaluation du cycle de vie

des produits; et la mise sur pied des initiatives aux niveaux des secteurs industriels. Après avoir

présenté l’essentiel sur les symbioses industrielles, en particulier la coopération interentreprises,

l’utilisation des déchets comme ressources et l’importance de la proximité géographique dans le

développement des initiatives de valorisation résiduelle, le cas de la symbiose industrielle de

Kalundborg sera brièvement présenté.

Symbioses industrielles

Les spécialistes de l’écologie industrielle reconnaissent que les échanges interentreprises

constituent un moyen privilégié de développer et de consolider l’optimisation de l’usage des ressources

dans les systèmes de production industrielle (Frosch et Gallopoulos, 1989; Frosch, 1992; Chertow,

2001). Cette utilisation est considérée comme la base même du concept d’écologie industrielle (Frosch

et Gallopoulos, 1989). Ce qui démontre bien l’importance que revêt la mise sur pied des structures

d’échange des divers déchets industriels.

En écologie, le terme symbiose est défini comme suit : « L’association étroite de deux ou

plusieurs organismes différents, mutuellement bénéfiques, voire indispensables à leur survie » (Le Petit

Larousse). C’est par analogie qu’il est appliqué aux échanges des déchets industriels entre les entreprises.

Les entreprises, ensemble avec les systèmes de production et de consommation, forment les

écosystèmes industriels (Frosch et Gallopoulos, 1989). Ces écosystèmes industriels devraient, d’une

part, optimiser l’usage des ressources par la réduction de la quantité de déchets générés et, d’autre part,

réutiliser ces déchets comme matières premières dans différents procédés industriels (Graedel et

Allenby, 1995). Le concept de symbiose industrielle repose sur cette idée-maître.

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Chertow (2000) définit ainsi la symbiose industrielle :

The part of industrial ecology known as industrial symbiosis engages traditionally separate industries in a collective approach to competitive advantage involving physical exchange of materials, energy, water, and by-products. The keys to industrial symbiosis are collaboration and the synergistic possibilities offered by geographic proximity (Chertow, 2000, p. 314).

Cette définition montre que le concept de symbiose industrielle repose sur trois éléments

essentiels : la coopération entre les entreprises, l’échange des industriels et la proximité géographique.

Coopération ou réseaux d’échanges

La coopération entre entreprises est un thème qui fait l’objet de nombreuses études et

recherches dans le domaine de la gestion. Une présentation des diverses contributions dans ce

domaine permettra d’apprécier son utilisation dans le cadre des symbioses industrielles. Ces

contributions portent, entre autres et en particulier, sur la compréhension du concept même de

collaboration (rapprochement, coopération, alliance), les motivations, les bénéfices, et le caractère

stratégique des différentes formes de coopérations entre entreprises, entre autres.

Les entreprises collaborent de diverses façons pour trouver des solutions à leurs problèmes

communs, et ce, dans un contexte d’affaires de plus en plus compétitif. Dans l’économie du savoir, qui

caractérise depuis quelques décennies notre société, les entreprises échangent technologie, ressources

ou connaissances dans le but de mieux redéfinir leurs stratégies respectives, de renforcer leurs

compétences, de pénétrer de nouveaux marchés et de faire du bénéfice (Johnston et Lawrence, 1988;

Jarillo, 1988; Browing, Beyer et Shelter, 1995).

Tout en reconnaissant que les rapprochements entre entreprises constituent un phénomène

organisationnel croissant depuis les années 1980, la quasi-totalité des études consacrées à ces

rapprochements soulignent clairement l’existence d’une forte relation entre ces formes

organisationnelles et le succès de bon nombre de firmes dans les marchés concurrentiels (Postel-Vinay

et Audoux, 1993; Rainelli, Gaffard et Asquin, 1995; Aliouat, 1996). Dans ce sens, il apparaît pertinent

de souligner, comme l’ont fait bon nombre de chercheurs, en particulier Dulbecco et Rochhia (1995),

que la pérennité d’une entreprise dépend de sa capacité à développer des compétences à long terme en

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ayant recours aux relations interentreprises. Ces accords de coopération sont devenus, pour la plupart

des firmes d’aujourd’hui, des options stratégiques souhaitables, voire incontournables (Aliouat, 1996, p.

9).

Sur le plan conceptuel, les rapprochements entre entreprises sont définis de plusieurs façons

selon les auteurs. Pour Aliouat (1996), la coopération est une concertation plus ou moins à long terme

entre les firmes qui ne renoncent pas à leur indépendance juridique et à leur autonomie de décision

(p. 12). Dans cette vision, l’alliance devient une option stratégique de coopération ou de collaboration

entre deux ou plusieurs entreprises concurrentes. Stopford et Wells (1972), Hagedoorn et Schakenraad

(1994), ainsi que bien d’autres auteurs ont démontré que le succès des premières formes de

coopération entre les entreprises dans le domaine de la technologie, déjà dans les années 1950-1960,

semble avoir propulsé ces modes de rapprochement et donné lieu à un phénomène multiplicateur à

l’échelle de toute l’industrie.

Il apparaît évident pour plusieurs chercheurs que, quelles que soient les formes de coopération,

celles-ci représentent une réponse des entreprises aux questions spécifiques liées au contexte interne et

externe. Ces questions portent tant sur le développement et la maîtrise des procédés et des

compétences que sur la façon d’atteindre les objectifs fixés. Les modes de coopération font partie

intégrante d’une stratégie organisationnelle. C’est dans ce sens que Niosi (1995, p. 11) apporte un peu

plus de précision sur la question du rapprochement entre les entreprises en définissant ainsi les

alliances dans le domaine technologique : « Des engagements entre deux ou plusieurs firmes, dans le

but de réaliser le développement de nouveaux produits ou de procédés, ou les deux, ou l’amélioration

de produits ou de procédés existants, ou les deux. ».

Ainsi, bon nombre de spécialistes admettent qu’une alliance interentreprises est un

rapprochement stratégique d’entreprises indépendantes sous forme d’accord de coopération ou de

coparticipation (Schermerhorn, Hunt et Osborn, 2002, p. 310). Si les collaborations entre entreprises

sont perçues et définies dans une perspective d’économie des entreprises participantes, Gulati (1998)

intègre dans sa vision des alliances stratégiques une perspective sociale qui dépasse les frontières des

seules entreprises engagées. Selon lui, l’engagement des entreprises dans des alliances stratégiques

comporte des dimensions structurelle, cognitive, institutionnelle et culturelle. C’est ce qui justifie, selon

Gulati (1998), les frontières verticales et horizontales de ces alliances :

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Strategic alliances are voluntary arrangements between firms involving exchange, sharing or codevelopment products, technologies, or service. They can occur as a result of a wide range of motives and goals, take a variety of forms, and occur across vertical and horizontal boundaries (Gulati, 1998, p. 293).

Ces définitions et distinctions montrent clairement que les alliances interentreprises reposent sur

la recherche commune de bénéfices économiques, base pour la croissance de toute entreprise. Comme

nouvelles formes d’organisation des entreprises, ces alliances modifient les frontières d’une entreprise

et la notion même de concurrence. De nombreux exemples classiques montrent comment des firmes

concurrentes deviennent des partenaires d’affaires. Hamel, Doz et Prahalad (1989) soulignent que la

recherche du bénéfice économique et des avantages concurrentiels privilégie le développement des

connaissances et des alliances même avec les concurrents :

Successful companies view each alliance as a window on their partner’s broad capacities. They use the alliance to build skills in areas outside the formal agreement and systematic diffuse new knowledge throughout their organization. Using an alliance with a competitor to acquire new technologies or skills is not devious. It reflects the commitment and the capacity of each partner to absorb the skills of the other (Hamel, Doz et Prahalad, 1989, p. 134).

La coopération interentreprises dans le domaine de l’environnement a fait l’objet de plusieurs

réflexions et études empiriques (Boiral et Jolly, 1997; Ehrenfeld et Gertler, 1997; Keckler et Allen,

1999; Korhonen et Savolainen, 2001; Fichtner, Tietze-Stöckinger et Rentz, 2004). Dans l’ensemble, ces

travaux montrent que les entreprises ou encore les organisations qui collaborent dans le domaine de

l’environnement forment des réseaux d’échange de sous-produits ou de matières résiduelles. Plusieurs

études se sont attachées à comprendre le fonctionnement de ces réseaux d’échange.

Boiral et Jolly (1997), par exemple, distinguent deux types de collaboration : l’alliance

interentreprises et la collaboration interorganisationnelle. Si, dans une alliance interentreprises, les

partenaires cherchent d’abord et avant tout le bénéfice économique, ce bénéfice est élargi par contre

dans une collaboration interorganisationnelle dans laquelle « … les participants sont plus diversifiés et

s’attachent à trouver des solutions à des enjeux qui dépassent les intérêts particuliers de chaque partie

prenante » (Boiral et Jolly, 1997, p. 66).

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En partant d’une étude empirique portant sur les échanges effectués dans le cadre d’une

symbiose industrielle (écosystème industriel ou encore éco-parc industriel), Fichtner, Tietze-Stöckinger

et Rentz (2004) distinguent à leur tour deux types de réseaux : le réseau des fournisseurs industriels et

le réseau des récupérateurs. Les premiers sont des entreprises qui fournissent des marchandises ou des

services de logistique à d’autres entreprises situées géographiquement dans le même éco-parc

industriel. Les récupérateurs sont des équipes de travail appartenant à différentes entreprises qui sont

chargées de réduire les coûts de la gestion des déchets ou encore de se procurer des résidus industriels.

Selon Fichtner, Tietze-Stöckinger et Rentz (2004), le réseau des récupérateurs se divise lui-même en

deux autres catégories : les récupérateurs ayant des investissements en commun et ceux qui n’en ont

pas.

Comme dans le cas de tout rapprochement stratégique entre entreprises, les études portant sur

les différentes formes de rapprochement dans le domaine de l’environnement arrivent à la même

conclusion : ces collaborations apportent, de façon générale, des avantages environnementaux et

économiques aux partenaires impliqués.

Les déchets comme ressources

Les différentes formes de collaboration dans le domaine de l’écologie industrielle s’articulent

autour de l’échange des déchets industriels. Cet échange repose sur la notion de bouclage des cycles de

production (Graedel et Allenby, 1995) déjà évoquée. Les différentes formes de collaboration favorisent

l’optimisation de l’usage des ressources dans les systèmes de production industrielle (Frosch et

Gallopoulos, 1989; Frosch, 1992), ainsi que la récupération, la transformation des déchets industriels et

le recyclage (Ayres et Kneese, 1968, 1969). Cette idée centrale repose sur trois postulats : d’abord, la

conceptualisation des déchets comme composants des systèmes productifs (Frosch et Gallopoulos,

1989 ; Frosch, 1992 ; Allen, 2002); ensuite, le design des procédés et des produits en fonction de ces

nouveaux composants (Ausubel, 1996); et enfin, le fonctionnement des systèmes de production qui

facilitent ces échanges (DiPietro, 1994; Graedel et Allenby, 1995). L’utilisation des déchets industriels

ou encore des sous-produits comme intrants principaux constitue, en effet, l’un des principes

fondateurs de l’approche de l’écologie industrielle : « waste from one industrial process can serve as the

raw material for another, thereby reducing the impact of industrial activity on the environment »

(Frosch et Gallopoulos, 1989, p. 144).

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Comme il a été mentionné, cette vision de « déchet industriel-matières premières » a été reprise

par Hawken, qui insiste sur le changement de mentalité dans la conceptualisation de l’ensemble des

systèmes actuels de production et de consommation. La conception de déchets comme matières

premières implique la compréhension et l’assimilation de la transformation de la notion de déchet par

tous les acteurs économiques. En ce sens, la définition des concepts, en particulier la notion de déchet,

constitue ainsi un aspect important dans l’utilisation des déchets comme ressources en écologie

industrielle. La transformation de la notion de déchet implique la création de nouvelles lois et

réglementations (Lehman, 1999; Malcolm et Clift, 2002).

L’utilisation des déchets comme ressources implique ainsi le développement de l’écologie

industrielle dans trois domaines particuliers : celui des déchets comme matières primaires, secondaires

ou dérivées (Allen, 1993), la récupération de ces matières (Ayres, Ferrer et Van Leynseele, 1997;

Tibben-Lembke et Rogers, 2002) et la réglementation sur l’utilisation et la gestion de ces mêmes

matières résiduelles (Lehman, 1999).

La proximité géographique

À côté de la collaboration entre entreprises et de l’échange des déchets industriels, le troisième

élément essentiel de la définition de la symbiose industrielle proposée par Chertow (2000) se traduit

par la proximité géographique. Cet élément semble avoir joué un rôle déterminant dans le

développement de l’approche de l’écologie industrielle centrée sur les éco-parcs industriels. Après avoir

souligné les éléments essentiels de cette approche, quelques exemples d’application ainsi qu’une

appréciation critique de cette même approche seront présentés.

Le développement des éco-parcs industriels apparaît comme une approche de l’écologie

industrielle largement soutenue par bon nombre d’auteurs (Gertler, 1995; Schwarz et Steiniger, 1997;

Thermoshare, 1997; Ehrenfeld et Gertler, 1997; Côté et Cohen-Rosenthal, 1998; Keckler et Allen,

1999; Chertow, 2000; Hollander, 2001; Ehrenfeld et Chertow, 2002). Cette approche repose

essentiellement sur les concepts de proximité géographique, de réduction du coût des transports et de

décisions stratégiques (Chertow, 2000). D’abord, la proximité géographique des centres

d’approvisionnement en matières premières offre des avantages stratégiques aux gestionnaires

(Krugman, 1991; Porter, 1998). Ensuite, l’échange et l’utilisation des résidus industriels dans les

secteurs industriels sont perçus comme des moyens de réduire les coûts des matières premières et du

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transport de celles-ci (Desrochers, 2002). Enfin, la mise en œuvre du modèle de bouclage des cycles

productifs évoqué par Graedel et Allenby (1995) se traduit par des actions stratégiques de la part des

dirigeants d’entreprises (Tibbs, 1993).

Comme le montrent plusieurs études, l’échange des résidus industriels et des sous-produits offre

des avantages sur le plan environnemental et le plan économique (Gertler, 1995; Ehrenfeld et Gertler,

1997 ; Erkmen, 1998). Les avantages environnementaux s’articulent autour de l’usage de moins de

matières premières nobles, de la génération de moins de déchets dans les systèmes productifs, et de la

mise en œuvre d’une société durable. Les avantages économiques se traduisent en particulier par la

conversion des coûts de production en gains, par la réduction des coûts des matières premières et par

la maximisation de l’usage des matières. Les partisans du développement d’éco-parcs industriels

soutiennent que ces avantages se perçoivent plus lorsque les entreprises industrielles sont situées sur

un même territoire géographique.

Erkman (1998) définit ainsi l’éco-parc industriel : « Une zone où les entreprises coopèrent pour

optimiser l’usage des ressources, notamment en valorisant mutuellement leurs déchets (les déchets

d’une entreprise servant de matière première à une autre » (Erkman, 1998, p. 29). Les exemples

d’établissement d’éco-parcs industriels sont nombreux dans diverses régions du monde. Parmi ces

exemples, il y a entre autres Kalundborg au Danemark (Gertler, 1995; Ehrenfeld et Gertler, 1997;

Ehrenfeld et Chertow, 2002); Riverside dans le Vermont; Londonderry au New Hampshire;

Brownsville au Texas; Red Hills dans le Mississippi; Guayama à Puerto-Rico; et Tampico au Mexique

(Chertow, 2000). Depuis les années 1990, des recherches sur le développement des éco-parcs

industriels ont lieu au Canada (Côté et Cohen-Rosenthal, 1998), en particulier à Burnside, en Nouvelle-

Écosse, depuis 1997, avec la collaboration de l’université Dalhousie, d’Environnement Canada et

d’Industrie Canada. Près de 65 des 1 200 entreprises de Burnside participent à ce projet. Des projets

sont en cours de réalisation à Sarnia, à Sault Sainte-Marie, à Fort Saskatchewan, à Bruce et à Saint-Jean

(Nouveau-Brunswick). Au Québec, depuis 1997, quelques projets privés et des études d’opportunités

d’éco-parcs industriels sont en réalisation.

L’idée d’implanter des éco-parcs industriels est attrayante et ell pourrait aider à résoudre les

problèmes d’accumulation et de non-valorisation des déchets produits par les entreprises (Cohen-

Rosenthal, 2003). Mais les questions liées à la planification, à la dimension géographique, à la

valorisation des ressources, à l’échange des déchets, aux forces du marché, à l’intervention des

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institutions publiques, à la complexité des échanges, etc. semblent encore préoccuper les chercheurs

(Erkman, 1998; Côté et Cohen-Rosenthal, 1998; Lifset et Graedel, 2002; Desrochers, 2002, 2000).

Lifset et Graedel (2002) font remarquer que l’écologie industrielle n’a pas, pour seul objectif, celui

d’établir partout des éco-parcs industriels.

Cette remarque de Lifset et Graedel (2002) constitue une critique de l’approche de l’écologie

industrielle centrée sur le développement des éco-parcs industriels. Ce qui montre la nécessité de bien

définir le concept de symbiose industrielle. Lowe, Moran et Warren (1997) proposent une vision large

du concept d’éco-parc industriel. Selon ces auteurs, ce dernier ne devrait pas seulement être compris

en termes de réseaux d’échange, d’entreprises de recyclage ou encore de communauté d’entreprises à

vocation environnementale. Chertow (2000) s’appuie sur cette vision multidimensionnelle de symbiose

industrielle proposée par Lowe, Moran et Warren (1997) pour définir cinq types ou modèles d’éco-

parcs industriels. Ces modèles reposent sur des échanges de matières résiduelles de façon générale

(type 1); des échanges à l’intérieur d’une usine, d’une entreprise ou encore d’une organisation (type 2);

des échanges entre entreprises situées dans un parc industriel (type 3); des échanges entre entreprises

qui ne sont pas situées dans un parc industriel (type 4); et enfin, des échanges entre entreprises

organisées de façon virtuelle à travers une vaste région géographique (type 5) (Chertow, 2000, p. 321).

Selon le modèle de Chertow (2000), le type 1 s’apparente aux collaborations

interorganisationnelles évoquées par Boiral et Jolly (1997). Dans ces formes de collaboration, les

intervenants sont diversifiés et les échanges se font souvent dans un sens unique. C’est le cas de

l’entreprise Recyclage Vanier. Comme le rapporte Reid (2003), cette entreprise de la région de Québec

a développé une expertise qui lui permet de récupérer et de traiter l’équivalent de 215 000 arbres tous

les cinq ans. Cette entreprise détruit en effet des documents confidentiels provenant d’institutions

financières, de compagnies d’assurances, d’hôpitaux, de services juridiques et de différents ministères.

Elle traite environ 2 000 tonnes de documents confidentiels par année. La récupération et la

destruction des sapins de Noël et des déchets monstres (meubles, électroménagers, etc.) par différentes

municipalités rentrent également dans le cadre des échanges des résidus de façon générale selon le type

1, tel que défini par Chertow (2000).

La compagnie Papiers Stadacona pratique, entre autres, les échanges de type 2. Divers déchets

ramassés sur le site de son usine située à Québec alimentent son centre de production d’énergie par

combustion. Les types 3 et 4 reposent sur la localisation ou non des entreprises dans une zone

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géographiquement délimitée. Les exemples de synergies industrielles fournis par Boiral et Croteau

(2001b) rentreraient dans le type 5 de la classification de Chertow (2000). Ces auteurs citent, entre

autres, le cas de la compagnie Air Liquide Canada qui utilise du gaz carbonique provenant de

l’entreprise Kronos pour la fabrication de gaz carbonique industriel.

La typologie de Chertow (2000) tente de rendre intelligible le concept de symbiose industrielle

en définissant les formes que peuvent prendre les échanges interentreprises en tenant compte des

résidus et des structures mises en place. Comme déjà souligné, la symbiose industrielle de Kalundborg

sert de modèle de référence aux échanges des sous-produits et à l’établissement des éco-parcs

industriels dans diverses régions du monde (Gertler, 1995; Ehrenfeld et Gertler, 1997; Côté et Cohen-

Rosenthal, 1998; Erkman, 1998; Ehrenfeld et Chertow, 2002). Quelles sont donc les particularités de

ce modèle classique pour l’écologie industrielle à l’échelle interentreprises?

Modèle de Kalundborg

L’exemple le plus évoqué de l’analogie biologique dans la littérature portant sur l’écologie

industrielle est celui de la symbiose industrielle de Kalundborg basée essentiellement sur l’échange de

déchets entre les principales entreprises (Gertler, 1995; Ehrenfeld et Gertler, 1997). L’idée centrale de

Kalundborg s’appuie sur trois points essentiels déjà évoqués: la conceptualisation des déchets

industriels comme composantes des systèmes productifs, le design des procédés et des produits en

fonction de ces nouvelles composantes et les modes de fonctionnement qui facilitent les échanges de

ces déchets. Selon bon nombre de chercheurs, le succès de Kalundborg a été de démontrer la

fonctionnalité de la plupart des concepts d’écologie industrielle. Plusieurs leçons sont à tirer des idées

de Kalundborg sur le plan écologique des interactions entre les entreprises. Erkman (1998, p. 26) en

fait une synthèse approximative :

- une réduction de la consommation des ressources, en particulier le pétrole, le charbon et l’eau;

- une réduction des émissions des gaz à effet de serre et des polluants, notamment le gaz

carbonique (CO2) et le dioxyde de souffre (SO2);

- une (forte) réutilisation des déchets, en particulier des cendres, du soufre, du gypse, de l’azote

et du phosphore;

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- des avantages économiques considérables pour l’économie de la région en général. Par

exemple, Kalundborg représente, selon Erkman (1998), un investissement total en 25 ans de

plus de 60 millions de dollars; un revenu annuel de plus de 10 millions de dollars; un revenu

cumulé de plus de 120 millions de dollars; et un temps moyen d’amortissement inférieur à 5

ans.

Le succès de la symbiose industrielle de Kalundborg semble donc incontestable dans une

certaine mesure. Elle montre que le succès des pratiques de l’écologie industrielle à l’échelle

interentreprises repose en grande partie sur la nature des collaborations entre les entreprises (Boiral et

Jolly, 1997; Fichtner, Tietze-Stöckinger et Rentz, 2004), sur les spécificités des matières échangées

(Chertow, 1998; Allen, 2002), sur les structures mises en place (Chertow, 2000) et sur les intervenants

qui participent aux échanges (Gertler, 1995). L’écologie industrielle à l’échelle interentreprises s’attache

ainsi à définir les grandes orientations au niveau du développement des éco-parcs industriels et de

l’échange des sous-produits entre les entreprises. Ce qui repose sur l’idée centrale de l’optimisation de

l’usage des ressources telle que proposée par Ayres et Kneese (1968, 1969). L’écologie industrielle dans

l’entreprise s’inscrit dans cette même lignée. Elle tente de répondre à des besoins spécifiques et

concrets de sa mise en application dans différents secteurs industriels.

2.3.4. L’écologie industrielle à l’échelle intra-entreprise

L’écologie industrielle dans l’entreprise constitue la troisième façon de rendre opérationnelle

l’optimisation de l’usage des ressources selon le modèle de Lifset et Graedel (2002). Les stratégies

opérationnelles s’articulent autour des termes de conception de produits, de prévention de la pollution,

d’éco-efficience et de comptabilité environnementale.

Conception de produits ou Design for Environment

Le premier élément de la modélisation de Lifset et Graedel (2002) est la conception de produits

ou Design for Environment. Elle est définie par Graedel et Allenby (1995, p. 398) comme étant « An

engineering perspective in which the environmentally related characteristics of a product, process, or

facility design are optimized ».

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Cette définition montre que la conception environnementale ou écologique des produits et des

procédés suppose que la mise en pratique de l’écologie industrielle à l’échelle de l’entreprise revient

d’abord et avant tout à changer systématiquement la façon de produire et de consommer les biens et

les services. Cette façon de concevoir les produits et les procédés se traduit par l’intégration

systématique des considérations environnementales dans la conception des produits et des procédés

(Graedel et Allenby, 1995; Allenby, 1999a). Cette intégration suppose la combinaison des différentes

techniques et méthodes d’évaluation : l’analyse des flux des matières (Bringezu et Moriguchi, 2002;

Van der Voet, 2002), l’évaluation du cycle de vie (Udo de Haes, 2002) et l’évaluation des impacts

environnementaux (Steen, 2002). Les réflexions théoriques sur la conception des produits et

l’invention des procédés assument que l’idée derrière la stratégie de conception écologique est de

s’assurer que toutes les considérations pertinentes et les contraintes sont intégrées dans les procédés de

réalisation d’un produit (Wernick et Ausubel, 1997). En ce sens, la conception environnementale

devient une composante de la définition du produit à fabriquer ou du procédé utilisé. Ainsi, les

pratiques d’écologie industrielle mèneraient, en premier lieu, à une nouvelle conception des produits et

des procédés « propres » et durables.

Les pratiques de nombreuses entreprises semblent s’inscrire dans le cadre de la stratégie de la

conception écologique des produits et des procédés. L’entreprise Peintures Récupérées du Québec de

Victoriaville est une excellente illustration. En opération depuis 1994, cette entreprise récupère et

valorise les résidus de peintures. Selon les documents de cette entreprise, sa stratégie repose sur deux

points essentiels : éliminer les dommages causés à l’environnement par les restants de peintures et

responsabiliser les fabricants de peintures quant à la gestion de surplus :

Peintures Récupérées du Québec inc. est à l'heure actuelle la seule entreprise au Québec à mettre sur le marché de la peinture récupérée. Le produit fini représente 64 % de tous les produits reçus. Les contenants d'acier (21 % des arrivages) sont récupérés, pressés et expédiés dans une fonderie. Enfin, les déchets, comme la peinture sèche et autres (15 % des arrivages), sont pour le moment non traités et en partie éliminés par des entreprises spécialisées dans ce domaine (Documents de l’entreprise).

Avec la collaboration des détaillants tels que Rona et La Coopérative Fédérée du Québec, cette

entreprise a mis dix ans pour développer un procédé innovateur de valorisation des résidus de

peintures de grandes marques. Avec plus de 2 600 tonnes de résidus traités en 2003, l’entreprise vend

des peintures d’aussi grande qualité que les originales. Sa nouvelle marque de peinture, Boomerang, a

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gagné en 2004 le prix de la catégorie « Nouveauté : tendances et décor » au Salon de l’Association

canadienne des détaillants en quincaillerie (ACDQ). Toujours selon les documents de l’entreprise, les

critères de sélection étaient basés sur le design, l’originalité, les fonctions et le coût du produit.

Tous nos produits sont fabriqués à 100 % de restants de peintures de marques reconnues. C'est pourquoi leur qualité est égale à celle des peintures distribuées au Québec. Lavable, facile à appliquer et doté d'un excellent pouvoir cachant, notre produit est vendu sur le marché à moins de la moitié du prix d'une peinture neuve de qualité égale;… Afin d'obtenir la meilleure qualité possible, tous les produits sont inspectés et contrôlés avant d'être mis en marché. Ainsi, vous aussi pouvez donner un coup de pinceau pour la nature, soit en achetant un produit récupéré, soit en rapportant vos restants de peintures au dépôt le plus proche! (Documents de l’entreprise)

Sur le plan économique, Peintures Récupérées du Québec est rentable. La preuve en est que

cette entreprise, qui a commencé tout d’abord comme un organisme à but non lucratif, vient d’être

achetée par un groupe industriel, la Société Laurentides. La nouvelle société entend investir dans divers

projets dans le but d’assurer une croissance rapide avec la récupération des peintures usées. L’exemple

de Peintures Récupérées montre le bon fonctionnement de la nouvelle conception de produits et de

procédés. Sur quoi repose en effet le succès d’une telle initiative? Paton (1994) soutient que le succès

de la nouvelle conception de l’environnement repose sur une approche intégrée de gestion qui inclut

une vision claire de ce qui doit être accompli, un plan d’affaires fonctionnel, des processus d’affaires

efficaces et une réelle compréhension des impacts financiers de la réutilisation ou du recyclage.

L’exemple de Peintures Récupérées du Québec illustre bien ces propos.

En premier lieu, la nouvelle conception de l’environnement vise l’amélioration des

performances environnementales et commerciales de l’entreprise. Pour ce faire, les produits conçus

devraient réduire les impacts sur l’environnement, être sécuritaires, optimiser la consommation

d’énergie et de matières, rencontrer ou dépasser les normes établies, être réutilisables ou recyclables, et

être éliminés de façon sécuritaire sur le plan environnemental. Ensuite, le plan d’affaires devrait inclure

les exigences environnementales comme faisant partie de ses facteurs de succès. La bonne gestion des

processus d’affaires permet de mieux évaluer les impacts environnementaux des produits et des

procédés utilisés pour les fabriquer. Ces processus se traduisent par la conception des produits, la

conception des procédés de fabrication, la gestion des matériaux, la gestion de la chaîne des

fournisseurs, la commande des matières premières, et le service et support technique après vente.

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Enfin, les impacts financiers de la nouvelle conception de l’environnement sont multiples et variés. De

nombreux exemples démontrent en effet qu’un produit écologique bien conçu au départ tend à être

rentable (Hawken, 1993; King et Lenox, 2001).

Le parcours et le succès de Peintures Récupérées du Québec montrent les enjeux stratégiques de

la conception écologique des produits et des procédés. Ces enjeux s’articulent autour de trois points

essentiels : le choix du matériau à valoriser, les stratégies de récupération et l’innovation technologique.

Ce qui pourrait se traduire par une bonne planification de la conception environnementale des

produits et des procédés. Les dirigeants des entreprises sont appelés à faire de nombreux choix portant

sur la technologie, les équipements, la gestion de matière ou encore le mode de fonctionnement du

procédé (Graedel et Allenby, 1995, p. 183-189). En ce qui concerne la conception du produit en

particulier, ces choix devraient porter sur la définition du produit, la gestion de la matière, les

interactions entre le produit et le procédé choisi, les interactions avec les fournisseurs et la

commercialisation du produit élaboré.

Le cas d’une professeure de chimie, en Inde, qui a réussi à obtenir de l’essence à partir de résidus

de plastique, représente un deuxième exemple d’illustration de l’innovation technologique :

À première vue, l'histoire a tout d'un conte de fées. Dans un modeste laboratoire du centre de l'Inde, une professeure de chimie inconnue aurait trouvé un moyen de transformer des déchets de plastique en essence. Aucune perte, aucune pollution, et un carburant prêt à l'emploi, le tout pour la modique somme de 0,13 euro le litre d'essence produit. Cette histoire est pourtant vraie. La découverte spectaculaire d'Alka Zadgaonkar, professeure dans une petite université de la ville de Nagpur, a en effet été testée et validée par la Indian Oil Corporation (IOC), l'une des plus grandes compagnies pétrolières indiennes. Le procédé demande à être optimisé, mais ça marche, confirme Niranjan Raje, directeur de la branche Recherche et Développement de l’IOC;… Une petite révolution puisque, à ce jour, personne n'a trouvé le moyen efficace de se débarrasser des 150 millions de tonnes de matières plastiques produites chaque année dans le monde. Brevetée par l'organisation mondiale de propriété intellectuelle, l'invention pourrait notamment s'avérer providentielle pour l'Inde, qui, avec une production quotidienne de plus de 9 000 tonnes, croule sous les déchets de plastique. Bien que l'inventrice ait été approchée par plusieurs compagnies étrangères, elle refuse de leur vendre son brevet, estimant que l'invention doit d'abord servir à [son] propre pays. Elle calcule que si l'Inde utilisait ce procédé sur la moitié de ses déchets de plastique, non seulement elle limiterait la pollution, mais en plus elle bénéficierait chaque jour de 2,5 millions de litres d'essence supplémentaires (Prakash, 2004).

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L’entreprise québécoise Dry-Rex a mis au point un procédé innovateur qui permet, dans une

première étape, de sécher des boues et des écorces provenant de milieux industriels et municipaux et,

dans une deuxième étape, de les incinérer pour produire de la vapeur. Comme le souligne Simard

(2004, p. D3), « cette biomasse séchée remplace le gaz naturel ou le mazout que l'on utilise

habituellement. Aux plans environnemental et social, cette solution augmente la production de

l'électricité verte en n’utilisant que de la biomasse. »

Cette technologie tente ainsi d’éviter des solutions simplistes d’enfouissement et elle réduit les

émissions des gaz à effet de serre (GES) produites par les combustibles fossiles. Les bénéfices sur le

plan économique sont énormes, dans la mesure où cette technologie permet de réduire au maximum le

recours aux combustibles conventionnels (le gaz naturel, le charbon et le pétrole), dont les prix sont

élevés. En plus, les coûts d’exploitation de cette technologie semblent être nettement inférieurs à ceux

des technologies conventionnelles.

Ces exemples illustrent l’innovation technologique évoquée en écologie industrielle. Les activités

de ces entreprises reposent sur la récupération et sur la transformation des résidus en produits à valeur

commerciale. Cette transformation repose essentiellement, entre autres, sur le développement de

nouveaux procédés, sur l’adaptation de la technologie aux exigences environnementales, sur la

substitution des matières pour optimiser les ressources, sur l’apprentissage de nouvelles façons de faire

et sur le développement des compétences organisationnelles. Ces différentes dimensions inhérentes à

la gestion des organisations montrent une fois de plus la pertinence du rôle des entreprises dans le

développement de l’écologie industrielle.

La conception de produits suppose que mettre en pratique l’écologie industrielle revient d’abord

et avant tout à changer systématiquement la façon de produire et de consommer les biens et les

services (Stahel, 2003). La nouvelle conception des produits et des procédés se traduit par l’intégration

systématique des considérations environnementales dans la conception des produits et des procédés

(Graedel et Allenby, 1995; Allenby, 1999a). Ainsi, les pratiques d’écologie industrielle mèneraient, en

premier lieu, à une nouvelle conception des produits et des procédés « propres » et durables. Ce qui

suppose la combinaison des différentes techniques et méthodes d’évaluation depuis l’extraction des

matières premières jusqu’à la consommation des biens finis et à leur récupération ou réutilisation, en

passant par leur transformation au moyen de procédés modifiés « écologiquement ».

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Prévention de la pollution

La prévention de la pollution ou encore la production propre constitue une autre stratégie

opérationnelle de l’écologie industrielle à l’échelle de l’entreprise selon la modélisation de Lifset et

Graedel (2002). Jackson (2002, p. 38) l’a définie comme suit : « The continuous application of an

integrated, preventive environmental strategy applied to processes, products and services in pursuit of

economic, social, health, safety and environmental benefits. »

Comme pratique d’écologie industrielle, la prévention de la pollution est centrée sur les

changements dans les méthodes de gestion et dans les procédés, sur la réduction des polluants à la

source (logique d’intégration) et sur la réduction des déchets (Boiral, 1998, p. 29). Cette pratique vise à

réduire et à prévenir le risque et la pollution écologique. Elle repose sur des techniques diversifiées, en

particulier sur l’amélioration de l’efficience des systèmes productifs de l’entreprise et la substitution des

matières dangereuses par d’autres qui le sont moins (Jackson, 2002). Deux exemples concrets tirés des

expériences des entreprises C.S. Brooks et Irving Pulp and Paper, selon les sources d’Environnement

Canada (2004), permettent d’illustrer la prévention de la pollution comme stratégie d’écologie

industrielle.

Située à Magog (Québec), C.S. Brooks est une entreprise spécialisée dans la fabrication de

produits de literie. Comme toutes les entreprises qui travaillent dans ce domaine, elle utilise, pour le

blanchiment, l’impression au cadre, la teinture et la finition à partir de produits toxiques, en particulier

le nonylphénol et ses dérivés éthoxylés (NPE). Selon les spécialistes en chimie, le nonylphénol est

considéré comme un produit toxique difficilement biodégradable qui altère le rythme reproductif des

poissons. Sa présence est décelée dans les produits d’entretien, d’emballage ou encore dans les

pesticides. C’est par l’utilisation des vaporisateurs que ce produit arrive à s’infiltrer dans la chaîne

alimentaire. Dans un vaste programme de prévention de la pollution et dans une saine gestion de la

chaîne des fournisseurs, les dirigeants de C.S. Brooks s’engageaient en 2002 à réduire l’utilisation de

tous les produits contenant les NPE. Les analyses effectuées révélaient que 17 000 kg de NPE étaient

utilisés chaque année. C.S. Brooks a donc demandé à ses fournisseurs de lui proposer d’autres

produits.

Depuis janvier 2004, C.S. Brooks n’utilise, dans ses procédés, que deux produits contenants des

NPE. Selon les estimations faites par les services techniques de l’entreprise, 80 kg de NPE seront

utilisés en 2004, ce qui représente une réduction considérable. Sur le plan économique, cette réduction

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en approvisionnement des produits chimiques permettra à l’entreprise d’économiser environ 75 000 $

par année. Et sur le plan environnemental, l’entreprise a réussi à réduire la pollution dans ses

installations en remplaçant des produits toxiques par d’autres qui représentent moins de risques. En

agissant ainsi, C.S. Brooks a adopté la substitution comme stratégie de base pour prévenir et réduire la

pollution.

De la même manière que C.S. Brooks, Irving Pulp and Paper a lancé un programme ambitieux

de prévention de la pollution entre 1995 et 2000. Installée à Saint-John, au Nouveau-Brunswick

(Canada), cette entreprise travaille dans le domaine des pâtes et papiers. Comme la plupart des

papetières, Irving Pulp and Paper était confrontée au problème des rejets et des polluants qui

contaminent les eaux de surface. Les rejets des produits nocifs de cette entreprise pourraient causer des

dommages à l’écosystème aquatique. Pour contrer ce problème, l’entreprise a opté pour une stratégie

de substitution de technologie. L’analyse de technologies plus efficaces et plus rentables sur les plans

environnemental et économique a mené à deux technologies en particulier : celles du « lessivage de la

pâte brune » et de la « délignification à l’oxygène ».

Ces deux technologies ont apporté des gains significatifs : la diminution de la quantité d’eau

consommée, la réduction de la quantité d’énergie et des produits chimiques utilisés, et le retrait des

produits de bois inutilisables. En plus d’améliorer l’efficience des procédés de fabrication des pâtes et

papiers, ces modifications ont également permis le remplacement des produits de blanchiment qui ne

contiennent pas de chlore élémentaire, en particulier le péroxyde d’hydrogène. Et en amont du

procédé, ces transformations ont permis de réduire considérablement les rejets dans les eaux de

surface et de rendre l’effluent totalement non toxique.

Ce programme, qui s’est étalé sur cinq ans et qui a bénéficié de l’appui de tout le personnel, a

apporté des bénéfices à l’entreprise sur les plans environnemental et économique. Si, en fin

d’opération, l’entreprise a réussi à réduire le volume de son effluent devenu non toxique de 30 %, ces

changements dans les procédés lui permettent d’économiser environ 10 millions de dollars par année.

En plus, puisque les nouveaux procédés et les nouvelles technologies ont éliminé le système de

traitement secondaire, l’entreprise peut également économiser environ un million de dollars par année.

Cet exemple montre l’efficacité économique et environnementale de la stratégie de substitution de

technologie adoptée par l’entreprise Irving Pulp and Paper. Cette efficacité à la fois économique et

environnementale est désignée par le concept d’éco-efficience.

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Les liens entre la prévention de la pollution et l’écologie industrielle font l’objet de discussions

parmi les spécialistes du domaine (Oldenburg et Kenneth, 1997; Ehrenfeld, 2001; Lifset et Graedel,

2002; Jackson, 2002). Le problème se situe sur le plan opérationnel des pratiques d’optimisation de

l’usage des ressources dans les procédés de production de l’entreprise individuelle. Faudrait-il alors

parler d’écologie industrielle ou de prévention de la pollution, ou encore des deux? Le problème est

clairement posé dans Oldenburg et Kenneth (1997) quand ces deux auteurs se demandent s’il convient

de parler de l’écologie industrielle ou de la prévention de la pollution dans l’entreprise. Oldenburg et

Kenneth (1997) tentent de répondre à cette question en dressant un tableau de comparaison entre les

pratiques d’écologie industrielle et de prévention de la pollution. Ils soutiennent donc que les deux

domaines partent du même postulat selon lequel les systèmes actuels de production et de

consommation occasionnent des dommages à l'environnement et que des mesures doivent être prises

pour changer l'état des choses. Dans la pratique, la prévention de la pollution et l'écologie industrielle

présentent des similitudes et des différences. Si, pour la prévention de la pollution, l'objectif primordial

est de prévenir le risque et la pollution, l'écologie industrielle vise d'abord l'optimisation des ressources

et le développement durable. Cette même vision est partagée par Lifset et Graedel (2002) en

s’appuyant sur Allen (1996) :

Industrial ecology emphasizes the optimization of resource flows where other approaches to environmental science, management and policy sometimes stress the role of risk. For example, pollution prevention (P2) (also known as cleaner production or CP) emphasizes the reduction of risks, primarily, but not exclusively, from toxic substances at the facility or firm level (Lifset et Graedel, 2002, p. 11).

Toujours selon Oldenburg et Kenneth (1997), la prévention de la pollution s’inscrit dans les

activités individuelles des entreprises industrielles. Ainsi, les pratiques de l’écologie industrielle à

l’échelle de l’entreprise ne se réduisent pas à la seule prévention de la pollution. En plus, optimiser

l’usage des ressources à l’échelle de l’entreprise suppose la combinaison de plusieurs techniques

opérationnelles qui visent l’amélioration et le maintien de la qualité acceptable de l’environnement

(Wernick et Ausubel, 1997). Enfin, l’écologie industrielle à l’échelle de l’entreprise suppose, comme le

soutient Jackson (2002), la poursuite des objectifs des systèmes de management environnemental.

Éco-efficience

Le troisième élément de l’écologie industrielle à l’échelle de l’entreprise est l’éco-efficience.

Celle-ci apparaît comme une forme de mise en pratique des principes de développement durable à

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l’échelle de l’entreprise. Depuis les années 1990, ce concept connaît un développement rapide sur le

plan institutionnel et sur celui de la promotion de l’écologie industrielle à l’échelle de l’entreprise. Dans

cette perspective, l’éco-efficience est définie par Schmidheiny et Zorraquin (1998) comme

Un processus de changement dans lequel l’exploitation des ressources, la direction des investissements, l’orientation du développement technologique et les transformations au niveau de la direction de l’entreprise maximisent la valeur ajoutée tout en minimisant la consommation des ressources, les déchets et la pollution (Schmidheiny et Zorraquin, 1998, p. 7).

Cette conception de l’éco-efficience montre qu’à l’image de « zéro défaut » dans le domaine de

la qualité totale, l’éco-efficience s’apparente à un concept plus intégrateur dans la mesure où ce dernier

englobe toutes les activités fonctionnelles de l’entreprise (Boiral et Kabongo, 2004). L’éco-efficience

est également conçue dans les dimensions sociales et économiques des activités de production et de

consommation. Dans sa dimension sociale, le concept d’éco-efficience est compris sous l’angle de la

philosophie de gestion et de direction d’entreprise, se rapprochant du concept de développement

durable (Keoleian et Menerey, 1994; Ehrenfeld, 1997b). Ceci résulte de la définition de l’éco-efficience

par la WBCSD dans ces termes :

Eco-efficiency is achieved by the delivery of competitively priced goods and services that satisfy human needs and bring quality of life, while progressively reducing ecological impacts and resource intensity throughout the life cycle, to a level at least in line with the Earth’s estimated carrying capacity (DeSimone et Popoff, 1997, p. 47).

Comme on peut le constater, cette définition s’apparente beaucoup à celle du développement

durable de la Commission mondiale portant sur l’environnement et le développement, et selon laquelle

il s’agit d’« un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la

capacité des générations futures de répondre aux leurs » (Notre Avenir à Tous, rapport de la Commission

mondiale sur l'environnement et le développement, dite commission Brundtland). Ainsi, la dimension

sociale de l’éco-efficience met un accent sur l’efficacité avec laquelle les ressources écologiques sont

utilisées pour répondre aux besoins des êtres humains, à des prix compétitifs, tout en réduisant les

impacts environnementaux et l’intensité d’usage des ressources et de l’énergie, tout au long du cycle de

vie et en respectant la capacité de support des écosystèmes.

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La dimension économique apporte plutôt une approche métrique dans l’entreprise. En ce sens,

l’éco-efficience représente le rapport entre la valeur ajoutée et les impacts environnementaux des

activités de l’entreprise, selon DeSimone et Popoff (1997).

Eco-efficiency focuses as well on creating additional value by better meeting customer’s needs while maintaining or reducing environmental impacts. And its implementation draws on the insights of other business and environmental approaches such as quality management and pollution prevention (DeSimone et Popoff, 1997, p. 3).

L’éco-efficience mesure ainsi, pour l’entreprise, les rapports « ressources utilisées - impacts

causés sur l’environnement » et « qualité du produit – prix/besoin satisfait d’une entreprise ». L’usine

de Norsk Hydro de Bécancour (Québec) constitue une illustration du concept d’éco-efficience. En

opération depuis 1986, cette entreprise industrielle produit du magnésium pur et des alliages de ce

métal à partir de la magnésite, qui provient principalement de Chine. Avec une production annuelle

évaluée à 48 000 tonnes, le procédé d’électrolyse utilisé exige l’introduction et la manipulation de

produits potentiellement toxiques, notamment l’acide chlorhydrique (HCl) et le chlore gazeux (Cl2).

En plus, les multiples réactions chimiques survenant tout au long de ce procédé comportent un risque

de présence de polluants dans les effluents, par exemple l’acide chlorhydrique ou le chlorure de

magnésium (MgCl2), l’émanation de GES comme l’hexafluorure de soufre (SF6) ou encore le gaz

carbonique (CO2) et, éventuellement, la contamination des sols.

Pour réduire tous ces effets et maximiser l’usage des intrants dans les systèmes de production,

les dirigeants de Norsk Hydro de Bécancour s’engageaient, dès 1990, dans un vaste et ambitieux

programme de gestion efficace des processus. À l’instar des entreprises comme 3M, Interface ou

encore General Motors qui ont recentré leurs activités sur un modèle inspiré de l’éco-efficience

(Johansen, 1998; Isaak, 2002), Norsk Hydro s’engageait à « produire le maximum de magnésium avec

le minimum de ressources dans le respect de la génération actuelle et de celles qui vont suivre »30. Cette

vision, qui s’inscrit dans la perspective de rationalisation de l’usage des ressources, repose sur trois

actions : respecter les lois et les normes environnementales en vigueur, prévenir et éliminer tout

accident écologique, et réduire les pertes des matières premières et les émissions de polluants. Les

30 Laperrière, J. (2002), « La gestion préventive au quotidien : le cas de Norsk Hydro », conférence donnée en

2002 dans le cadre du cours Les systèmes de gestion environnementale, Faculté des sciences de l’administration, Université Laval, Québec.

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structurations au niveau des ressources humaines ont exigé la mise sur pied de programmes de

formation du personnel ainsi que de programmes d’information destinée à la clientèle et à la

population avoisinante.

Ces changements de gestion de Norsk Hydro se sont accompagnés d’actions concrètes et de

gestes quotidiens sur lesquels reposent les principes d’éco-efficience. En effet, des efforts soutenus ont

été déployés pour améliorer de façon constante l’efficacité des procédés. Qu’il s’agisse de la révision du

bon fonctionnement des équipements, du lavage des pompes de HCl (acide chlorhydrique), de NaOH

(hydroxyde de sodium), de NaOCl (hypochlorite de sodium), ou encore de l’achat de nouveaux

équipements, les employés sont sensibilisés aux problèmes de perte et de gaspillage des matières

utilisées. L’une des facettes des actions et des gestes concrets concerne plus directement le recyclage et

la revalorisation des rejets. Avec environ 17 400 tonnes de boues générées par année chez Norsk

Hydro, ses dirigeants s’engageaient à connaître les propriétés des résidus ainsi qu’à contrôler et à

calculer ces derniers, considérés désormais comme des ressources. L’analyse de la composition

physique et chimique des boues révélait qu’elles contiennent près de 18 % de magnésium. Ainsi, Norsk

Hydro est passé de l’enfouissement au développement d’un nouveau produit, le Mag III, la formule

commercialisée des boues de magnésium.

Si l’éco-efficience et les indicateurs de ses mesures représentent l’expression la plus concrète de

l’application du développement durable à l’échelle de l’entreprise (Schmidheiny et Zorraquin, 1998), les

liens entre les deux concepts demeurent cependant nébuleux. D’abord, les méthodologies et les outils

de mesure de l’éco-efficience s’apparentent souvent à des principes généraux que les entreprises sont

appelées à appliquer de façon volontaire. Ainsi, la réduction de la demande pour les produits et les

services, la réduction de l’intensité énergétique, la réduction de la dispersion des substances toxiques,

l’augmentation de la capacité de recyclage des matières, la maximisation de l’utilisation durable des

ressources renouvelables, l’augmentation de la durabilité des biens et services, qui constituent des

éléments clés selon le WBCSD (2000), apparaissent plus comme des idéaux à atteindre que comme des

pratiques réalistes et intégrées à la gestion quotidienne des opérations.

Ensuite, la complexité de la collecte des données, le manque de fiabilité des unités de mesure et

le caractère volontaire des indicateurs d’éco-efficience montrent que la portée et l’interprétation des

résultats sur l’éco-efficience présentent certaines limites pour la plupart des entreprises. Enfin,

l’intégration des réalités économiques et écologiques dans les indicateurs de performance pour

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l’ensemble des activités de l’entreprise rend complexe le calcul des différents indicateurs d’éco-

efficience (Helminen, 2000; Farber, Constanza et Wilson, 2002).

Paradoxalement, c’est cette dimension environnementale qui, en s’ajoutant à sa dimension

économique, en fait un concept innovateur dans le cadre de l’optimisation de l’usage des ressources.

Par essence, les entreprises recherchent la productivité. Les responsables des entreprises savent ce que

représente la réduction totale des coûts d’opération par unité de biens et de services produits. L’éco-

efficience ajoute des dimensions jusqu’ici négligées dans la production industrielle. L’attention

particulière portée aux gestes quotidiens quant à la façon d’utiliser l’énergie et l’eau, par exemple, peut

devenir une source significative d’économies supplémentaires. En ce sens, le calcul des indicateurs

d’éco-efficience apparaît comme une prise de conscience de l’utilisation efficace des ressources

disponibles pour le bénéfice des entreprises. Cette dimension fait partie de la perspective du

changement global qui devrait se produire dans les systèmes de production et de consommation par

l’optimisation de l’usage des ressources (Frosch et Gallopoulos, 1989; Tibbs, 1993; Graedel et Allenby,

1995; Allenby, 1999a).

Bien que l’éco-efficience comme application du développement durable à l’échelle de

l’entreprise présente certaines difficultés de compréhension et d’interprétation sur le plan conceptuel

(Helminen, 2000), la situation semble être différente sur le plan opérationnel. En effet, des études

empiriques montrent que des entreprises évoluant dans des secteurs d’activités aussi diversifiés que les

pâtes et papiers, la production chimique ou encore la fabrication d’automobiles affichent leur caractère

éco-efficient comme une réponse logique à de nouveaux impératifs de l’évolution des marchés et du

monde des affaires (Hart et Abuja, 1996; von Weizsäcker et al., 1997; Dobers et Wolf, 1999; Helminen,

2000; Cramer, 2000). Ces études portent essentiellement sur la réduction de certains impacts

environnementaux, sur la diminution de la consommation de matière et d’énergie et, partant, sur celle

de ressources naturelles dans une vision élargie, sur la réalisation d’économies substantielles, et sur le

positionnement des entreprises par rapport aux autres du même secteur en matière de performance

environnementale.

Comptabilité environnementale

Le quatrième et dernier élément de l’écologie industrielle à l’échelle de l’entreprise selon Lifset et

Graedel (2002) est la comptabilité environnementale ou verte. Le Petit Larousse définit le terme

« comptabilité » comme une « technique de mesure de l’activité d’un agent économique ». Selon

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l’organisme World Spy, le terme de « comptabilité verte » (green accounting) ou « comptabilité

environnementale » aurait été inventé vers 1989 par David Pearce, professeur d’économie

environnementale du University College de Londres. Comme le terme lui-même l’indique, il s’agit,

pour une entreprise, une région ou encore une nation, d’une technique de mesures économiques des

effets de la production et de la consommation sur l’environnement. Le rapport de la Commission

européenne de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales de février 2004 définit la

comptabilité environnementale dans ces termes :

La comptabilité environnementale est un système qui permet de répertorier, organiser, gérer et fournir des données et des informations sur l’environnement, par l’intermédiaire d’indicateurs physiques ou monétaires. Elle constitue un outil indispensable à la mise en œuvre du concept du développement durable et s’impose à l’heure actuelle comme un moyen d’assurer la préservation de l’environnement en Europe (CEAQT, 2004, document 10071, p. 1).

Dans une perspective plus technique, Fortin, Martel et Rakotosoa (1995), en s’appuyant sur

plusieurs sources et travaux, l’entendent comme suit :

La mesure de la performance environnementale de l’entreprise et la communication d’informations à caractère environnemental à toutes les parties intéressées. Prise dans son sens le plus large, cette expression [comptabilité environnementale] couvre tout autant les préoccupations de vérification environnementale que le contrôle de gestion, de comptabilité et de vérification financière ainsi que de fiscalité liées à l’interface entreprise-environnement (Fortin, Martel et Rakotosoa, 1995, p. 13).

Selon cette définition, Fortin, Martel et Rakotosoa (1995) conçoivent la comptabilité

environnementale comme outil de mesure du progrès de l’écologie industrielle dans l’entreprise. Cette

même vision est partagée par Lifset et Graedel (2002). Ces deux auteurs conçoivent la comptabilité

environnementale comme l’un des quatre éléments de la mise en œuvre de l’écologie industrielle dans

l’entreprise à côté de la conception des produits, la production propre et l’éco-efficience.

Les définitions ci-dessus présentées montrent que, de façon générale, la comptabilité

environnementale porte sur l’identification, la gestion et la communication de l’information sur les

activités environnementales en rapport avec la production des biens et des services. En d’autres

termes, la comptabilité environnementale analyse les coûts environnementaux de ces activités. La

compréhension, la connaissance et la comptabilité des coûts environnementaux deviennent ainsi un

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outil de prise de décision. Ces coûts pourraient être réduits ou encore éliminés par la mise sur pied des

différents types d’actions stratégiques comme, entre autres, la vente des sous-produits ou des déchets

industriels, l’achat des équipements appropriés et la conception des procédés ou des produits qui

laissent peu ou presque pas de dommages environnementaux (EPA, 1995, p. 1-3).

Comme stratégie opérationnelle, la comptabilité environnementale peut prendre deux formes :

la comptabilité financière environnementale (Ullman, 2003) et la comptabilité de gestion

environnementale(Schaltegger, 2003). La comptabilité financière environnementale vise à préparer les

résultats financiers de l’entreprise en incluant les activités et les coûts environnementaux. Ces rapports

sont destinés aux différentes parties prenantes. Quant à la comptabilité de gestion environnementale,

elle vise à utiliser les différents types d’information recueillie pour mieux planifier et organiser les

activités de l’entreprise. Ces deux formes de comptabilité environnementale à l’échelle de l’entreprise

se retrouvent dans la définition proposée par Fortin, Martel et Rakotosoa (1995). Le tableau 5 suivant

illustre les types de comptabilité environnementale (EPA, 1995).

La comptabilité environnementale repose en grande partie sur la comptabilisation des coûts

environnementaux. Il s’agit de tous les coûts supportés par l’entreprise dans le cadre d’actions

préventives ou correctives qui ont un impact sur l’environnement (Christophe, 1995; EPA, 1995;

Bartelmus et Seinfert, 2003). Les exemples des coûts environnementaux sont nombreux : les

opérations de décontamination ou de nettoyage de sites, les opérations de démantèlement

d’infrastructures, les opérations visant à diminuer la pollution, ou encore les opérations visant à

diminuer les risques de pollution (Graedel et Allenby, 1995).

Tableau 5. Types de comptabilité environnementale (EPA, 1995)

Type de comptabilité environnementale

Portée Audience

Comptabilité du PIB Nationale Externe (population générale)

Comptabilité environnementale financière

Entreprise Externe (parties prenantes)

Comptabilité environnementale de gestion

Entreprise, division, usine, ligne de produit ou système de production

Interne (gestionnaires)

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La comptabilité environnementale offre des outils et des techniques qui permettent de rendre

compte des actions environnementales de l’entreprise (Christophe, 1995). En ce sens, elle est utilisée

pour enregistrer les conséquences financières des actions environnementales (Dittenhofer, 1995) et les

rapports environnementaux. Ces rapports décrivent les actions environnementales en utilisant des

indicateurs autres que financiers, en particulier les indicateurs de performance environnementale

(Schaltegger, 2003). Selon le communiqué de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le

développement (CNUCD), l’entreprise Ciba Specialty Chemicals est l’une des premières à rendre

publiques ses informations environnementales. Ce même communiqué cite les propos du directeur

général de cette entreprise, lesquels montrent comment la comptabilité environnementale pourrait

devenir un véritable instrument de l’éco-efficacité des entreprises :

En associant dès 2001 des paramètres environnementaux essentiels aux bénéfices bruts de l’entreprise, nous avons pu montrer comment des produits de grande qualité créent de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de valeur, en utilisant moins de ressources et en réduisant au minimum l’impact sur l’environnement (Armin Meyer, président et directeur général de Ciba Specialty Chemicals).

Telle que définie par différents auteurs, la comptabilité verte ou environnementale semble

toucher plusieurs aspects de la gestion de l’entreprise : les coûts environnementaux, les bénéfices pour

l’environnement des activités de l’entreprise, la publication des données et des informations sur

l’environnement et le développement des indicateurs de mesure. Cependant, la revue de la littérature

montre que la comptabilité environnementale présente deux limites principales pour les entreprises. La

première limite tient à la complexité de la comptabilité environnementale comme outil d’évaluation des

impacts. Dittenhofer (1995, p. 40) soulève cette question en faisant remarquer que

The administration of the environmental affairs of an organization is complex; this complexity requires the expertise of engineers, lawyers, scientists, accountants and auditors.

Cette complexité tient principalement à la comptabilisation des coûts environnementaux.

Comme le souligne Bailey (1991), il existe plusieurs façons d’enregistrer et de catégoriser les coûts

environnementaux d’une entreprise. En d’autres termes, la définition des coûts, des actifs et des passifs

environnementaux pose problème (Graedel et Allenby, 1995). La deuxième limite repose sur la

divulgation des résultats de la comptabilité financière et environnementale aux différentes parties

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prenantes, en particulier les analystes financiers, les investisseurs et créanciers et les marchés financiers.

La difficulté pour la plupart des entreprises industrielles réside dans le fait que la comptabilité

environnementale implique la prise en compte des coûts sociaux dans les états financiers de

l’entreprise. Ce qui mène à la responsabilité sociale de l’entreprise. Cette question fait l’objet de

nombreuses discussions et débats parmi les spécialistes de l’écologie industrielle et les acteurs

économiques. À cet effet, Gradel et Allenby (1995) expriment des doutes quant à la prise en charge des

coûts environnementaux sociaux par les entreprises industrielles :

More fundamentally, there is a question as to the extent to which private firms should be encouraged to move independently toward a broader social responsibility for the achievement of a long-term stable carrying capacity (Graedel et Allenby, 1995, p. 87).

Les différentes échelles d’opérations et de mise en œuvre des principes de l’écologie industrielle

proposés par Lifset et Graedel (2002) peuvent prendre des formes différentes selon les contextes

politiques, économiques, légaux et socioculturels précis dans lesquels ces principes sont mis en

application. Ces contextes sont déterminés par, entre autres, l’intérêt pour l’écologie industrielle de la

part des responsables industriels et politiques, la nature des sous-produits disponibles, les types de

collaboration entre les entreprises et les structures de récupération des matières résiduelles mises en

place. Bien qu’en plein développement comme champ d’étude et de recherche, il convient de souligner

que quatre tendances de mise en pratique des principes de l’écologie industrielle s’affirment sur la

scène mondiale en suivant Bourg et Erkman (2003) : la mise sur pied des études de métabolisme

industriel à l’échelle des régions pour générer des outils de prise de décision, comme dans les cas

évoqués en Europe, en particulier en Allemagne; l’application des principes de l’écologie industrielle à

l’échelle du territoire urbain ou régional considéré comme un écosystème naturel; la formation des

parcs éco-industriels ainsi que l’implémentation des bouclages des systèmes productifs au niveau des

échanges locaux. Ces tendances confirment que l’écologie industrielle suscite l’intérêt de nombreux

acteurs économiques et politiques à l’échelle internationale, comme il a déjà été indiqué.

La compréhension du concept d’écologie industrielle serait incomplète sans l’examiner sous

l’angle des différentes classifications selon les auteurs. Les différentes classifications aideront à mettre

en évidence des dimensions pertinentes de la mise en œuvre des principes de l’écologie industrielle

telles que les moyens utilisés, l’intensité, l’espace, le temps ou encore la combinaison de ces différentes

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dimensions. Ce qui montre que l’écologie industrielle, ou du moins sa mise en application, n’est pas un

tout homogène.

2.4. Les typologies d’écologie industrielle

Bien que la mise en œuvre de l’écologie industrielle aux échelles intra-entreprise, interentreprises

et globale puisse prendre plusieurs formes, l’étude des traits caractéristiques spécifiques de ces formes

ou typologies permet de mieux expliquer et comprendre l’adoption de ses principes par les entreprises.

Plusieurs auteurs ont tenté de classifier les pratiques d’écologie industrielle. L’analyse que présente

cette section a porté en particulier sur les modèles de Boons et Baas (1997) et Andersen (2003).

2.4.1. La typologie de Boons et Baas (1997)

En analysant les pratiques d’écologie industrielle à partir d’une perspective à la fois sociologique

et organisationnelle tout en mettant un accent particulier sur le problème de coordination des activités

entre les différents acteurs économiques engagés, Boons et Baas (1997) ont proposé une typologie qui

distingue quatre types d’écologie industrielle. Ces différents types s’articulent autour de l’écologie

industrielle centrée sur le produit, la matière, la région géographique et le secteur industriel.

Dans le premier type d’écologie industrielle selon Boons et Baas (1997), les interactions entre les

acteurs économiques tournent autour du cycle de vie d’un produit. L’évaluation du cycle de vie d’un

produit (Udo de Haes, 2002) ou encore la politique intégrée d’un produit (Jackon, 1999) constituent

des concepts fondamentaux de ce type d’écologie industrielle. Les interactions dans le cadre de

l’industrie de fabrication d’automobiles (fournisseurs de matières premières, producteurs et

consommateurs) constituent une illustration de l’écologie industrielle centrée sur le produit.

Le deuxième type d’écologie industrielle est centré sur la matière. À l’instar du premier type, les

interactions entre les acteurs économiques engagés dans les pratiques d’écologie industrielle tournent

autour de l’optimisation de l’usage d’une matière : l’acier, l’aluminium, le magnésium ou encore le

plastique. Les interactions entre différents acteurs économiques dans une région géographique donnée

dans le cadre de l’optimisation de l’usage des ressources constituent le troisième type d’écologie

industrielle selon Boons et Baas (1997). Selon ces auteurs, ce type d’écologie industrielle s’apparente

aux interactions dans le développement de symbioses industrielles ou encore des éco-parcs industriels.

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Le quatrième type d’écologie industrielle selon Boons et Baas (1997) est basé sur le secteur industriel.

Un groupe d’entreprises engagées dans des activités de même nature dans le cadre de l’optimisation de

l’usage des ressources forment ce type d’écologie industrielle.

La typologie de l’écologie industrielle centrée sur le produit, la matière, la région géographique

ou encore le secteur d’activité industrielle a pour point de repère la coordination des différentes

activités dans une perspective sociologique. Si cette classification permet de mieux comprendre les

interactions entre divers acteurs économiques engagés dans les pratiques d’écologie industrielle ainsi

que les implications organisationnelles de ces mêmes pratiques, elle présente cependant trois limites

pour l’analyse des pratiques d’utilisation et de transformation des matières résiduelles ou des sous-

produits dans les entreprises.

D’abord, les caractéristiques sur lesquelles se fonde la classification semblent être générales.

Celles-ci reposent principalement sur les concepts de coordination et d’organisation des activités

d’écologie industrielle. Ensuite, les frontières entre l’écologie industrielle de type géographique et celle

de type sectoriel sont difficiles à établir. Si, par l’écologie industrielle de type géographique, on entend

les symbioses industrielles ou encore les éco-parc industriels, le type sectoriel ne semble pas être

clairement défini. Selon Boons et Baas (1997), les entreprises ayant les mêmes activités et qui

collaborent dans les projets d’optimisation de l’usage des ressources constituent l’écologie industrielle

de type sectoriel. Or, ceci représente un type particulier de symbiose industrielle selon Chertow (2000).

Enfin, la classification de Boons et Baas (1997) ne semble pas tenir compte des pratiques d’écologie

industrielle à l’échelle de l’entreprise. En effet, les quatre types d’écologie industrielle définis

représentent des activités d’optimisation de l’usage des ressources au-delà des frontières de l’entreprise

individuelle.

2.4.2. La typologie d’Andersen (2003)

Dans sa thèse doctorale portant sur les problèmes de transport dans l’écologie industrielle, Otto

Andersen (2003) conçoit un modèle théorique de classification des pratiques d’optimisation de l’usage

des ressources. Cet auteur distingue cinq types d’écologie industrielle : design de produits, analyse des

ressources, système de gestion environnementale, éco-parcs industriels et facteur X. L’identification

des divers types d’écologie industrielle répond à un processus de distinction entre différents niveaux et

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échelles d’analyse et d’application de l’écologie industrielle. La figure 2 à la page suivante illustre ce

processus d’identification selon Andersen (2003).

Dans le processus d’identification des types d’écologie industrielle, Andersen (2003) commence

par faire la distinction entre la perspective de design, qu’il nomme « perspective formelle », et la

structure ou perspective d’application et d’organisation dans l’ensemble de l’écosystème industriel.

L’application proprement dite de la perspective de design donne lieu au premier type d’écologie

industrielle : la conception de produits. L’application et l’organisation des initiatives d’écologie

industrielle tiennent compte de deux éléments : l’analyse et le changement. L’application proprement

dite de l’analyse donne lieu au deuxième type d’écologie industrielle : l’analyse des ressources.

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Figure 2. Processus d’identification des types d’écologie industrielle (Andersen, 2003, p. 23)

Design (perspective

formelle)

Structure (perspective systémique)

Conception de produit

Analyse Changement

Analyse des ressources

Entreprise Société

Système de management

environnemental

Écosystème Dématérialisation

Éco-parc

Facteur X

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L’application des changements à l’échelle de l’entreprise donne lieu au troisième type d’écologie

industrielle : les systèmes de management environnemental. Andersen (2003) prend appui sur les

travaux portant sur l’écologie industrielle dans l’entreprise, en particulier ceux de Gladwin (1993) et de

Paton (1994) pour soutenir que les systèmes de management environnemental comme type d’écologie

industrielle se caractérisent principalement par l’adoption et la mise en œuvre d’outils de gestion

environnementale tels que la norme ISO 14001 ou le système européen EMAS.

Andersen (2003) prend appui sur Erkman (1997) pour soutenir que les changements à l’échelle

de la société prennent deux directions : l’application des principes d’écologie industrielle à l’échelle des

écosystèmes industriels et la dématérialisation. L’application des changements à l’échelle des

écosystèmes industriels donne lieu au quatrième type d’écologie industrielle : les éco-parcs industriels.

Le cinquième type d’écologie industrielle, le facteur X, porte sur les stratégies d’amélioration de

l’efficience des ressources par la dématérialisation ou la décarbonisation. Le facteur X représente, d’une

part, la mesure de la réduction de matière ou d’énergie, et d’autre part, l’amélioration de l’efficience

dans les systèmes de production et de consommation (Schmidt-Bleek, 1993; von Weizsäcker et al.,

1997).

La typologie d’Andersen (2003) représente une façon de rendre intelligible les différentes formes

que prennent les pratiques d’écologie industrielle en tenant compte des différents niveaux d’analyse et

des changements à introduire dans les systèmes de production et de consommation. À l’opposée de

celle de Boons et Baas (1997), la typologie d’Andersen (2003) tient compte de la mise en œuvre de

l’écologie industrielle aux trois niveaux (régional ou global, interentreprises et entreprise) selon le

modèle de Lifset et Graedel (2002). À l’échelle de l’entreprise, les systèmes de management

environnemental constituent un type particulier d’écologie industrielle. Ce qui constitue une façon de

prendre en compte les efforts de réduction des impacts environnementaux de la part des entreprises

individuelles comme une forme particulière d’écologie industrielle. Cette vision semble reconnaître

que les changements à apporter dans les systèmes de production et de consommation ont comme

origine les unités de production dans les entreprises industrielles. C’est la perspective adoptée dans la

présente thèse.

Page 102: LA VALORISATION RÉSIDUELLE : UNE ÉTUDE DE … · pratiques d’utilisation et de transformation des sous-produits et des matières résiduelles dans les procédés productifs. Les

87

2.5. Les éléments fondamentaux de l’écologie industrielle

Le présent chapitre a tenté de présenter les définitions et les éléments de base de l’écologie

industrielle comme domaine d’étude et de recherche par l’examen de grands travaux du domaine.

L’analyse des différents travaux montre ainsi que l’écologie industrielle repose sur la volonté, de la part

des différents acteurs économiques, de bien gérer l’utilisation d’énergie, de matières et de capitaux de

façon à optimiser l’exploitation de ces ressources et d’en minimiser l’impact sur l’environnement

(Graedel et Allenby, 1995; Chertow, 1998). L’écologie industrielle constitue également une tentative de

mettre en œuvre les principes de développement durable (Allenby, 1999a). C’est ainsi qu’elle fonde ses

méthodes sur l’analyse des flux de matière et d’énergie et la conception écologique des produits à partir

de l’analogie avec les écosystèmes naturels (Allenby et Cooper, 1994; Wernick et Ausubel, 1997).

L’écologie industrielle n’est pas à proprement dit une nouvelle discipline en tant que telle, mais elle

pourrait être considérée comme une nouvelle pratique, orientée sur la synergie, et qui fait appel à

plusieurs disciplines traditionnelles qu’elle mobilise (sciences de l’ingénieur, sciences naturelles, sciences

humaines, économie, droit…) en les associant activement à la réalisation d’un même objectif (Van

Doren, 2002).

La mise en œuvre des principes d’optimisation de l’usage des ressources tient compte des trois

niveaux différents : régional ou global, interentreprises et entreprise. Si la dématérialisation caractérise

l’écologie industrielle aux échelles régionale ou globale, l’analyse du cycle de vie des produits et le

développement des symbioses industrielles ou éco-parcs basés sur l’échange des sous-produits

constituent l’essentiel de sa mise en œuvre à l’échelle interentreprises. À l’échelle de l’entreprise, les

pratiques de l’écologie industrielle reposent sur la conception des produits, sur la prévention de la

pollution, sur l’éco-efficience et sur la comptabilité environnementale (Lifset et Graedel, 2002). Les

types d’écologie industrielle selon Boons et Baas (1997) et Andersen (2003) montrent que la

classification des pratiques d’écologie industrielle peut répondre à des critères diversifiés, tels que la

coordination et l’organisation des activités d’écologie industrielle ou les différents niveaux d’analyse et

des changements à introduire dans les systèmes de production et de consommation. La recherche

contemporaine dans le domaine de l’écologie industrielle s’est beaucoup orientée, d’une part, vers la

description des méthodes d’analyse des flux des matières et de l’énergie dans les systèmes de

production et de consommation, et d’autre part, vers le développement d’outils pour la mise en œuvre

de l’écologie industrielle dans une perspective élargie. La figure 3 à la page suivante présente un modèle

intégrateur de la synthèse des éléments fondamentaux de l’écologie industrielle.

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Figure 3. Modèle intégrateur des éléments fondamentaux de l’écologie industrielle

Analogie biologique

Comprendre les flux de matière et

d’énergie

Conception écologique

des produits

Approche systémique

Stratégies régionales et

globales

Analyse des flux desmatières Dématérialisation Décarbonisation

Bouclage des systèmes productifs

Innovation technologique

Stratégies industrielles

Rôle des entreprises

Éliminer la notion de déchet

Échelle interentreprises

Échelle intra-entreprise

Analyse du cycle de vie Symbioses industrielles Coopération entre entreprises

Conception des produits Prévention de la pollutionÉco-efficience Comptabilité verte

Opérations

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D’abord, l’analyse des flux de matière et d’énergie dans les systèmes actuels de production et de

consommation repose sur une approche systémique. Étant donné l’étendue de l’analyse, les stratégies

proposées pour comprendre le fonctionnement du flux de matières et d’énergie sont essentiellement

régionales ou encore globales. Ensuite, l’analogie biologique est appliquée dans les systèmes industriels

pour réutiliser et transformer les sous-produits et les déchets industriels dans le but de réaliser le

bouclage des systèmes productifs. La réutilisation et la transformation des sous-produits industriels

reposent sur l’innovation technologique et le rôle que les entreprises sont appelées à jouer dans le

choix des différentes initiatives d’écologie industrielle. Ces initiatives, qui visent l’élimination de la

notion de déchet et de la pollution dans les procédés de production industrielle, peuvent être

appliquées aux échelles interentreprises et intra-entreprise.

La symbiose industrielle de Kalundborg montre la pertinence de l’approche de l’écologie

industrielle, avec entre autres, comme élément central, l’échange des sous-produits industriels basé sur

le développement des chaînes fonctionnelles d’approvisionnement (Seuring, 2004). Le développement

d’une telle structure susceptible de donner une consistance opérationnelle aux principes de l’écologie

industrielle présente cependant plusieurs défis liés aux facteurs conjoncturels qui influencent l’échange

et la transformation des sous-produits dans les systèmes actuels de production. Le développement

rapide que connaît, depuis les années 1990, l’écologie industrielle, tant sur le plan institutionnel que

conceptuel, et l’intérêt que suscitent ses idées séduisantes semblent présenter une vision monolithique

de l’approche de l’écologie industrielle : l’optimisation de l’usage des ressources fonctionne.

Cependant, un regard critique mérite d’être porté sur l’ensemble de la littérature portant sur l’écologie

industrielle.

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CHAPITRE 3

L’ANALYSE CRITIQUE DE LA LITTÉRATURE SUR L’ÉCOLOGIE INDUSTRIELLE

À partir du bilan de ce qui existe dans la littérature sur l’écologie industrielle, le présent chapitre

tente d’évaluer et de critiquer la pertinence des différents éléments sur lesquels se fonde l’approche de

l’écologie industrielle. Ce regard critique porte sur trois points essentiels. En premier lieu, une

appréciation critique des grands courants de pensée en écologie industrielle. Cette démarche permettra,

sur le plan conceptuel, de situer la recherche par rapport à l’un ou à l’autre courant de pensée ou

paradigme de recherche. En deuxième lieu, la présentation des limites de la littérature sur l’écologie

industrielle en mettant un accent particulier sur la présentation des termes ou éléments de base de

l’écologie industrielle. Cette présentation des limites a pour but d’apporter des précisions sur le

positionnement de la présente thèse par rapport aux grands travaux du domaine de l’écologie

industrielle. En troisième lieu, enfin, l’analyse des obstacles de la mise en œuvre de l’écologie

industrielle, en particulier la valorisation résiduelle.

3.1. Les principaux courants de pensée en écologie industrielle

La variété des thèmes abordés en écologie industrielle, la diversité des interprétations et, dans

une grande mesure, le manque de cohérence et de précision dans les efforts d’intégrer des stratégies de

réduction des déchets et de pollution dans les systèmes productifs et dans les mécanismes du marché

qui faciliteraient une meilleure optimisation des ressources (O’Rourke, Connelly et Koshland, 1996;

Desrochers, 2002) rendent difficile la classification des courants de pensée de façon systématique.

Pourtant, en ce qui touche la présente thèse, cette classification s’avère nécessaire pour deux raisons.

En premier lieu, elle permettrait de mieux comprendre les différentes interprétations des principes de

l’écologie industrielle de manière plus au moins systématique. En effet, au sein d’un champ de

recherche ou d’une discipline, un courant de pensée se développe à partir des caractéristiques distinctes

de l’objet dont on se fait la représentation. Ensuite, cette classification des courants de pensée

permettra de positionner la valorisation résiduelle comme pratique d’écologie industrielle par rapport à

l’un ou l’autre courant ou encore de s’appuyer sur des éléments empruntés de ces différents courants

pour construire le cadre conceptuel de l’étude.

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Il convient de les appeler « courants de pensée » ou paradigmes de recherche parce qu’ils

représentent différentes conceptualisations de l’écologie industrielle comme domaine d’étude et de

recherche. Quelques auteurs ont tenté de classifier les courants de pensée en écologie industrielle.

L’analyse que présente la section suivante a porté en particulier sur les catégorisations de Opoku

(2004)31 et sur une tentative de catégorisation des courants de pensée centrés sur la valorisation

résiduelle comme pratique d’écologie industrielle.

3.1.1. Les courants de pensée idéologiques selon Opoku (2004)

Les conceptualisations idéologiques de l’écologie industrielle selon Opoku (2004) reposent sur

trois points principaux. D’abord, le développement d’une théorie politique de l’écologie industrielle qui

permettrait de comprendre comment les spécialistes du domaine entendent proposer l’adoption des

mesures politiques ou des actions concrètes visant à introduire des changements dans les modes de

production et de consommation des sociétés actuelles. Ensuite, la compréhension des choix de ces

actions politiques se fonde sur l’analyse des rapports qu’entretiennent les différents acteurs engagés

dans le processus de prise de décisions et leurs intérêts respectifs, sur les institutions ou espaces

d’échanges d’idées dans lesquels ces auteurs militent et sur les conceptions qu’ont les acteurs du flux de

matière et d’énergie. Enfin, la manière de gérer ces différents rapports constitue la base sur laquelle

repose les propositions à faire aux pouvoirs publics dans le but d’introduire des changements

structurels dans les modes de production et de développement. Selon Opoku (2004), ces propositions

supposent des moyens ou instruments de mise en œuvre des changements structurels visés. Ces

instruments peuvent prendre les formes d’outils administratifs ou encore économiques. Par exemple, la

diffusion de l’information portant sur le flux de matière et d’énergie ou encore les campagnes de

sensibilisation de la population aux habitudes de consommation et de préservation des ressources

constituent des illustrations des outils administratifs. Par ailleurs, les mesures incitatives visant

l’adoption de stratégies industrielles d’optimisation de l’usage des ressources sont des exemples d’outils

économiques. Les changements dans les modes de production et de développement proposés

supposent également des stratégies permettant de bien coordonner les actions envisagées.

C’est dans cette vision qui emprunte des éléments des théories des sciences politiques et de la

sociologie que Opoku (2004) propose quatre courants de pensée en écologie industrielle : réformiste

31 Basées en grande partie sur Vorburger (2005).

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souple, technocratique, radical et pragmatique. Bien que les frontières entre ces approches ne soient

pas claires, les éléments sur lequel repose la base de sa pensée tentent cependant de les distinguer : les

fondements, l’institution promotionnelle, les types d’instruments et les stratégies de mise en œuvre

(tableau 6).

Tableau 6. Courants de pensée idéologique

Perspective politique

Fondements Motivation première Types d’instruments

Stratégies

Reformiste souple

Promotion de l’éco-efficience technique (Graedel et Allenby, 1995; Ayres et Ayres, 2002)

Intérêts des acteurs engagés

Économiques Responsabilité élargie du producteur Ajustements continuels des systèmes dominants

Technocratique

Déterminisme technologique (Allenby, 1999b) Caractère positif ou objectif de l’écologie industrielle

Intérêts des acteurs engagés

Économiques Conception des produitsEfficience des marchés Changements dans les systèmes politiques

Radicale

Changement radical comme nouvel ordre social (Ehrenfeld, 2000) Caractère normatif de l’écologie industrielle Intégration de nouveaux rôles et règles pour tous les acteurs dans la société

Intérêts environnementaux

Administratifs et économiques

Organisations sociales : joints, collaboration, communautés. Changements dans les systèmes politiques

Pragmatique

Perspective holistique (Huber, 2000; Tibbs, 1993; Ayres et Ayres, 1996) Propositions concrètes des politiques publiques

Intérêts environnementaux

Administratifs et économiques

Efficacité de l’usage des matières : suffisance, efficience et cohérence Ajustements continuels des systèmes dominants

Le premier courant de pensée identifié en écologie industrielle selon Opoku (2004) se traduit par

l’approche réformiste souple. Pour les tenants de l’approche réformiste souple (Graedel et Allenby,

1995; Ayres et Ayres, 2002), les actions politiques à entreprendre se fondent essentiellement, du point

de vue méthodologique, sur la promotion des pratiques d’éco-efficience dans les entreprises

industrielles. Comme il a déjà été mentionné, le concept d’éco-efficience est compris sous l’angle de la

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philosophie de gestion et de direction d’entreprise. Ce qui se rapproche du concept de développement

durable (Keoleian et Menerey, 1994; Ehrenfeld, 1997b). Selon Opoku (2004), l’approche réformiste

souple se centre plutôt sur l’éco-efficience technique - c’est-à-dire sur la réduction d’impacts des

activités industrielles sur l’environnement en prenant appui sur les progrès technologiques - que sur

l’éco-efficience fonctionnelle qui, elle, se centre sur la réduction de ces impacts en tentant de modifier

les habitudes des consommateurs actuels.

Cette vision qui envisage la réduction des impacts des activités industrielles par les moyens des

progrès technologiques est le centre des théories de la modernisation de l’écologie développées dans

les années 1980. Ces théories insistent sur le caractère structurel des problèmes environnementaux et

du développement en général tout en soutenant que des changements significatifs dans le cadre de

l’amélioration des conditions de l’environnement viendraient de l’intégration des considérations

économiques et environnementales dans un projet de société qui vise un développement harmonieux

(Hajer, 1996; Dryzek, 1997). Les discussions sur la réorientation et la conceptualisation de l’écologie

industrielle dans le cadre de l’approche réformiste souple se déroulent au sein de la Commission

mondiale pour l’environnement et le développement. L’intégration des considérations économiques

dans la problématique environnementale suppose donc la modernisation des mécanismes de

l’économie des marchés, ce qui ne pourrait se produire sans la rationalisation de ces mécanismes et

l’introduction de mesures incitatives et donc économiques pour les acteurs industriels. En ce sens,

Opoku (2004) estime que l’approche réformiste souple privilégie d’abord les intérêts des acteurs

engagés. Comme stratégie de mise en œuvre ou de réorientation des pratiques industrielles, l’approche

réformiste souple s’appuie sur les pratiques de responsabilité élargie du producteur. Ces pratiques

constitue une des applications de la notion d’analyse du cycle de vie des produits dans les systèmes

productifs (Lifset, 1993). En somme, Opoku (2004) pense que les stratégies de mise en œuvre

envisagées par l’approche réformiste souple provoqueront des changements ou ajustements dans les

systèmes actuels de production et de consommation.

Le deuxième courant de pensée en écologie industrielle identifié selon Opoku (2004) se traduit

par l’approche technocratique. Pour les tenants de l’approche technocratique, la conceptualisation de

l’écologie industrielle repose sur la vision selon laquelle le monde social est fondamentalement

rationnel et, par conséquent, il est possible de comprendre les structures et le fonctionnement de

l’écologie industrielle par les méthodes scientifiques (Opoku, 2004, p. 323). Cela implique la négation

des considérations idéologiques ou morales associées aux principes de l’écologie industrielle. Cette

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approche est essentiellement représentée par Allenby (1999) qui considère que l’écologie industrielle

devrait être comprise comme une science positive et non comme une science normative, ce qui se

rapproche beaucoup des considérations portant sur la perspective physico-chimique, tel qu’évoqué

dans le chapitre précédent.

Comme caractéristique principale, l’approche technocratique de Allenby (1999b) met l’accent

sur le déterminisme technologique. Dans cette optique, cet auteur, en réaction à l’article de Boons et

Roome (2001) portant sur l’écologie industrielle comme un phénomène culturel, affirme sa position en

soutenant que la conceptualisation de l’écologie industrielle ne devrait pas reposer sur l’utilisation

partielle ou sélective des données portant sur l’environnement ni sur l’imposition des impératifs

idéologiques aux systèmes réalistes et complexes. Elle devrait plutôt reposer sur une vision objective de

l’ensemble de la problématique environnementale. Allenby (1999a; 1999b) envisage donc que les

progrès technologiques et la conception des produits par la mise en application des théories des

sciences de l’ingénieur sont susceptibles de déboucher sur une meilleure optimisation de l’usage des

ressources. C’est dans ce sens que Allenby (1999b) appuie les théories selon lesquelles les mécanismes

de l’économie du marché apporteront des solutions aux problèmes que se posent les spécialistes de

l’écologie industrielle. Ce qui suppose donc des changements majeurs dans les systèmes politiques

actuels. Allenby (1995; 1999b) utilise ses travaux comme espace de discussion. En effet, comme il a été

déjà mentionné, il est l’auteur, ensemble avec Thomas Graedel, du premier manuel « classique » sur

l’écologie industrielle. C’est dans cet ouvrage que ces auteurs ont proposé le cadre conceptuel et

analytique de l’écologie industrielle tel qu’il a été présenté dans le chapitre précédent. Ce cadre est

considéré par bon nombre de spécialistes comme une contribution importante au développement de

l’écologie industrielle comme domaine d’étude et de recherche. Opoku (2004) estime que l’approche

technocratique fomente les intérêts propres des acteurs.

Le troisième courant de pensée en écologie industrielle identifié par Opoku (2004) se traduit par

l’approche radicale. Bien que l’idée centrale de l’écologie industrielle repose sur l’introduction des

changements dans les systèmes de production et de consommation (Frosch et Gallopoulos, 1989;

Frosch, 1992; Graedel et Allenby, 1995; Allenby, 1997; Erkman, 1998; Lifset et Graedel, 2002) en vue

d’atteindre les objectifs du développement durable (DeSimone et Popoff, 1997), le courant de pensée

radical, représenté par Ehrenfeld (2000), chercheur au Centre de l’écologie industrielle rattaché à

l’Université de science et technologie de Norvège, propose un changement « radical » ou

paradigmatique des modes de production et de développement. L’approche radicale de Ehrenfeld

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95

(2000) repose sur la conceptualisation de l’écologie industrielle comme étant une approche normative

qui propose des principes et des métaphores susceptibles de mener l’humanité vers le développement

durable. Ces principes, qui reposent sur les notions de joint (connectedness), de collaboration (cooperation)

et de communauté (community), présentent pourtant des caractéristiques plus au moins opposées par

comparaison avec les éléments actuels des structures sociales dans des économies de marché et des

sociétés industrialisées. Ainsi, le caractère paradigmatique de l’écologie industrielle contraste avec la

façon dont elle est présentée comme science de la durabilité.

Cette vision contradictoire, selon Ehrenfeld (2000), se reflète dans la définition même du

concept de développement durable telle qu’elle est endosée par la Commision mondiale pour

l’environnement et le développement. En effet, cette définition repose sur les principes des théories

économiques néoclassiques. D’abord, ces théories considèrent le bien-être humain au même titre que

les produits économiques et elles prétendent que la croissance économique se produit lorsque les

mécanismes du marché fonctionnent de façon parfaite. Ensuite, elles définissent la rareté en termes de

disponibilité limitée des produits substituts à des prix concurrentiels, sans tenir compte des réalités

matérielles et physiques des facteurs dérivés de la nature d’où proviennent ces produits. Enfin, ces

théories assument qu’avec la croissance de la rareté économique, les innovations technologiques

permettront d’offrir des produits substituts à des prix beaucoup plus concurrentiels (Ehrenfeld, 2000,

p. 232).

Cette remise en question oblige Ehrenfeld (2000) à proposer sa conception du développement

durable. Le développement durable se fonde ainsi sur la possibilité donnée aux hommes et à toute

autre espèce de prospérer pour toujours sur la terre. L’accent est ainsi mis sur les notions de

« possibilité » et de « prospérité ». En ce sens, dans la vision radicale de Ehrenfeld (2000), le point de

démarcation réside dans la possibilité de concevoir et de construire les visions futures. Ce qui implique

que le développement durable oblige les humains à rompre avec les structures d’organisation sociale

actuelles. Comme stratégies de mise en œuvre, Ehrenfeld (2000) s’appuie sur les notions

métaphoriques de joint, de communauté et de collaboration sociale. Comme le soutient Opoku (2004),

bien que Ehrenfeld (2000) n’élabore pas beaucoup sur les types d’instruments pour sa vision de

changement social radical, il est à supposer que la logique derrière cette vision proposera des

instruments à la fois administratifs et économiques. Selon Opoku (2004), l’approche radicale place les

intérêts environnementaux au premier plan dans la restructuration des systèmes politiques. Les

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stratégies de mise en œuvre proposées sont susceptibles de provoquer des changements majeurs dans

ces mêmes systèmes.

Le quatrième et dernier courant de pensée identifié en écologie industrielle se traduit par

l’approche pragmatique. Selon Opoku (2004), cette approche se traduit par une intégration claire des

politiques publiques et industrielles et de la perspective holistique des questions environnementales.

Opoku (2004) montre, par l’analyse des travaux des tenants de cette approche (Tibbs, 1993; Ayres et

Ayres, 1996; Huber, 2000), que les actions à entreprendre pour introduire des changements dans les

systèmes de production et de consommation exigent une direction cohérente des politiques. En

premier lieu, Tibbs (1993) a souligné la nécessité d’adopter de nouvelles politiques innovatrices qui

nivelleraient de façon cohérente les résultats financiers, économiques et réglementaires à l’échelle

internationale. En deuxième lieu, Ayres et Ayres (1996) ont montré la faisabilité de faire passer des lois

visant à prélever les taxes publiques non pas sur le travail élaboré mais plutôt sur la consommation des

ressources et sur les émissions en termes de pollution comme moyens pour réduire les coûts

opérationnels et augmenter les coûts des matières. Ayres et Ayres (1996) ont ainsi démontré que cette

mesure pourrait avoir des effets bénéfiques avec le temps, en accélérant la croissance par la réalisation

des gains autant par la productivité des ressources que par la productivité du travail. En troisième lieu,

enfin, Huber (2000), prenant appui sur les notions ou stratégies de suffisance, d’efficience et de

consistance, montre comment les principes de l’écologie industrielle tentent d’équilibrer, aux échelles

macro et micro, les modes de production et de consommation. À l’instar de l’approche radicale,

Opoku (2004) estime que cette vision pragmatique place les préoccupations environnementales au

premier plan. Cependant, à l’opposé de la perspective radicale, les stratégies proposées de mise en

œuvre ne favorisent que des ajustements dans les systèmes actuels de production et de consommation.

La démarche suivie par Opoku (2004) pour identifier les différentes conceptualisations de

l’écologie industrielle (réformiste souple, technocratique, radicale et pragmatique) aboutit à

l’énonciation d’une théorie politique de l’écologie industrielle. Cette théorie place le discours portant

sur l’écologie industrielle dans la ligne de la modernisation écologique. Holm et Stauning (2002)

indiquent que la modernisation de l’écologie repose sur le postulat selon lequel les sociétés

industrialisées actuelles pouvent être guidées, à travers les institutions dominantes de l’économie du

marché, des politiques et des cultures, vers une réconciliation avec la nature ou l’environnement. Ainsi,

derrières les conceptualisations de l’écologie industrielle identifiées par Opoku (2004), c’est bien une

question politique qui est posée, face aux stratégies de l’introduction des changements dans les

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systèmes productifs actuels. Cette question politique tente de débattre, sur le plan philosophique ou

idéologique, la problématique de l’écologie industrielle comme moyen de mettre en œuvre le

développement durable, en analysant le rôle et la place des pouvoirs publics, le rôle et les intérêts des

acteurs engagés dans cette démarche ainsi que les institutions ou espaces publics où militent ces

acteurs. Opoku (2004) reconnaît bien que l’approche technocratique ou positiviste de Allenby (1999a;

1999b) constitue une négation de tout critère idéologique ou moral de l’écologie industrielle et que

l’approche radicale de Ehrenfeld (2000) se fonde sur une nouvelle vision philosophique de la notion

du développement durable. Ainsi, les approches réformiste, technocratique, radicale et pragmatique se

traduisent par des courants de pensée idéologiques de l’écologie industrielle.

La gestion du flux de matière et d’énergie appelle également un autre type d’interpellation : la

question expérimentale face à la transformation des sous-produits et des matières résiduelles qui

transitent dans les systèmes productifs. Cette question expérimentale rappelle que l’écologie industrielle

n’est pas seulement un champ d’étude : elle est aussi un domaine pratique (Boons et Roome, 2001).

D’où les approches centrées sur les pratiques d’optimisation de l’usage des ressources.

3.1.2. Les courants de pensée pratiques d’optimisation des

ressources

Les approches de l’écologie industrielle identifiées par Opoku (2004) reposent essentiellement

sur l’adoption des mesures politiques pour introduire des changements dans les systèmes de

production et de consommation. Bien qu’elles permettent de comprendre les différentes

conceptualisations de l’écologie industrielle comme manière de mettre en œuvre les principes de

développement durable dans une perspective de changement global, elles limitent cependant, dans une

certaine mesure, la compréhension de l’adoption de ces mêmes principes du développement durable

dans les secteurs industriels, en particulier les entreprises. C’est la question expérimentale et

symbiotique qui est posée ici, par opposition à la question politique discutée dans la section

précédente. L’analyse de la littérature a permis d’identifier ainsi trois principaux courants de pensée

d’optimisation des ressources en écologie industrielle : les approches analytiques, environnementales et

stratégiques. Trois éléments principaux permettent de faire la distinction entre ces différentes

approches : les fondements de l’écologie industrielle selon les différents auteurs; les caractéristiques

spécifiques de l’écologie industrielle selon les échelles d’application, et les outils qui permettent de gérer

les différents niveaux d’analyse des pratiques d’écologie industrielle (tabeau 7).

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Tableau 7. Courants de pensée d’optimisation des ressources

Courants de pensée

Fondements Caractéristiques Outils principaux

Analytiques

Métabolisme industriel (Ayres, 1989a, 1989b; Fischer-Kowalski, 2003) Application des principes d’équilibre des masses et application des lois de la thermodynamique (Diwekar et Small, 2002)

Description quantitative des matériaux Analyse des flux des matières et de l’énergie (AFM) Analyse des flux des substances (AFS)

Indicateurs d’équilibre des masses aux échelles nationale et régionale Indicateurs d’efficience

Environnementaux

Conception écologique de procédés, de produits et de services (Allen, 1993; Paton, 1994; Oldenburg et Kenneth, 1997; Jackson, 2002) La prise en compte des impacts des activités industrielles sur le milieu naturel (Gladwin, 1993; Fischer et Schot, 1993)

Production propre Réduction de la pollution Analyse du cycle de vie des produits

Les principes de précaution, de prévention et d’intégration Indicateurs de performance environnementale Normes de la série ISO 14000 ou EMAS

Stratégiques

Utilisation des résidus comme ressources (Tibbs, 1993; Allen et Behmanesh, 1994; Hart, 1995) Amélioration de la productivité (Esty et Porter, 1998)

Développement des produits Développement des procédés Développement des marchés Compétences clés

Analyse d’inventaires des matériaux Analyse coût-bénéfice Réorganisation du travail

Le premier courant de pensée d’optimisation des ressources identifié se traduit par les

approches analytiques. Pour les tenants des approches analytiques ou techniques et scientifiques,

l’optimisation (et donc l’écologie industrielle) se fonde essentiellement, du point de vue

méthodologique, sur l’analyse positive des quantités de matière et d’énergie qui se déplacent dans les

systèmes de production et de consommation. Cette vision se rapproche beaucoup du métabolisme

industriel (Fischer-Kowalski, 2003). À ce titre, Ayres (1989a, 1989b) soutient que comprendre la

structure et le fonctionnement du métabolisme industriel ou sociétal constitue le noyau de l'écologie

industrielle. L’analyse des flux des matières et de l’énergie qui constitue le centre de l’écologie

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industrielle dans la vision technique et scientifique prend les formes d’analyse des matériaux (Bringezu

et Moriguchi, 2002), du flux de substances (van der Voet, 2002), de comptabilité physique input-output

(Bartelmus, 2002), d’analyse du cycle de vie des produits (Udo de Haes, 2002) et d’évaluation d’impacts

environnementaux (Steen, 2002). Ces différentes formes d’analyse appliquent les principes d’équilibre

des masses et les lois de la thermodynamique qui sont bien connus des scientifiques et des ingénieurs

(Diwekar et Small, 2002).

En tenant compte de la nature des outils utilisés pour l’analyse des flux des matières et de ses

variations, les approches analytiques privilégient les interactions entre le flux des matières qui transitent

par des entreprises et régions géographiques (Bringezu, 2002; Rogich et Matos, 2002; Smil, 2002;

Moriguchi, 2002; Durney, 2002). Ces approches utilisent des indicateurs d’équilibre des masses et

d’efficience aux échelles nationales et régionales comme outils principaux d’analyse. Si l’on tient

compte des pratiques d’optimisation de l’usage des ressources dans les entreprises industrielles, il faut

toutefois souligner que les approches analytiques présentent quelques limites. Premièrement, ces

approches analysent les matériaux qui transitent dans les systèmes de production et de consommation

dans une vision élargie (Erkman, 1998). Elles appliquent l’écologie industrielle au niveau régional et par

pays (Moriguchi, 2002; Durney, 2002; Schandl et Schulz, 2002). Deuxièmement, les méthodes utilisées

nécessitent des investissements coûteux en équipements de laboratoire et en personnel qualifié

(scientifiques et ingénieurs de haut niveau) que les entreprises individuelles ne sont pas en mesure de

payer. Enfin, les analyses faites dans le cadre de l’analyse des flux des matières semblent ne pas tenir

suffisamment compte des interactions et des autres facteurs qui influencent le flux des matières et de

l’énergie. Plus concrètement, elles ne considèrent pas les implications directes au niveau de la gestion

des entreprises individuelles ni les enjeux socio-économiques et environnementaux qui y sont souvent

associés. En outre, la vision élargie de l’analyse des flux des matières semble négliger le rôle que

doivent jouer les entreprises dans le développement de l’écologie industrielle. La présente thèse

considère en effet les entreprises individuelles comme les unités d’action par excellence des pratiques

de récupération et de transformation des sous-produits. En ce sens, l’optimisation de l’usage des

ressources ne saurait se réduire aux seules approches technologiques et scientifiques. Plus encore, le

management comme domaine d’étude et de recherche apporterait une contribution importante à ce

développement.

Le deuxième courant de pensée identfiié relativement à l’optimisation des ressources se traduit

par les approches environnementales. Pour les tenants des approches environnementales,

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l’optimisation de l’usage des ressources se fonde méthodologiquement sur la nouvelle conception de

procédés, de produits et de services (Allen, 1993; Paton, 1994). Comme caractéristique principale, ces

approches mettent l’accent sur la production propre, qui se traduit par la prise en compte des impacts

des activités industrielles sur le milieu naturel (Gladwin, 1993; Fischer et Schot, 1993). Dans cette

optique, l’optimisation de l’usage des ressources prend les formes d’amélioration de l’efficience, de

substitution des matières polluantes utilisées dans les procédés par d’autres qui le sont moins, et de

récupération et d’utilisation des résidus industriels et ménagers (Jackson, 2002). Cette approche de

« cleaner production » tente d’apporter une vision globale d’analyse, contrairement aux visions

réductionnistes des approches environnementales développées dans les années 1980 (Bishop, 2000).

En ce sens, elle se définit comme « une application continue de la stratégie intégrée et préventive des

procédés, des produits et des services dans la poursuite des bénéfices économiques, sociaux, de santé,

de sécurité et environnementaux » (Jackson, 2002, p. 38). Cette vision globale inclut, à part la

prévention et la réduction de la pollution à la source, l’analyse de cycle de vie, la réduction des déchets

et les principes de développement durable.

Ainsi, ces approches utilisent comme outils d’application les principes de précaution, de

prévention et d’intégration (Jackson, 2002). Le principe de précaution vise la mise en place des

mesures réglementaires en vue de minimiser les causes potentielles de risque et de pollution des

activités de production industrielle. Le deuxième principe repose, en grande partie, sur la prévention de

la pollution et des risques écologiques associés aux activités de la production industrielle. Le principe

d’intégration tient compte de l’ensemble des flux de matière et d’énergie étant donné que la vision de la

« production propre » est d’analyser et de prévenir toutes les émissions durant le cycle de vie des

produits. Ceci concerne l’extraction des matières, la transformation et la production, la distribution,

l’usage ou la consommation, la réutilisation ou le recyclage et la dernière mise au rebut (Jackson, 2002).

Sur le plan opérationnel, les approches environnementales privilégient les niveaux

interentreprises et entreprise d’application des outils d’optimisation de l’usage des ressources. La mise

en application des trois principes de prévention, de précaution et d’intégration est très complexe et cela

dépend beaucoup des secteurs d’activités. Mais comme le soutient Jackson (1993, 1996), il y a

cependant deux stratégies qui se démarquent : l’amélioration de l’efficience (von Weizsäcker, Lovins et

Lovins, 1997) et la substitution des matières (Verschoor et Reijnders, 2000). Ces deux stratégies

peuvent être mises en application à des niveaux différents au sein des entreprises industrielles. Les

techniques utilisées se traduisent en particulier par le cycle de vie des produits, la catégorisation des

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substances et des produits, la comptabilité des matières, les audits de déchets et l'intégration des coûts

environnementaux (Oldenburg et Kenneth, 1997).

L’amélioration de l’efficience repose sur des actions qui visent principalement à minimiser les

impacts environnementaux des procédés, des cycles des produits et des activités économiques, en

réduisant les flux de matière dans ces mêmes procédés, cycles et produits. Au niveau des procédés, les

actions s’orientent vers le processus du « redesign » des procédés en vue de boucler les systèmes

productifs, vers la construction des installations pour mieux entreposer les matières premières, vers le

traitement amélioré des matières dans le but de prévenir tout accident, vers la mise sur pied de

programmes corporatifs d’action, etc. Dans les années 1970-1980, les entreprises américaines 3M (avec

le programme Pollution Prevention Pays), Dow Chemical et Dupont ont mené de vastes campagnes de

sensibilisation, ce qui leur a permis d’économiser quelques millions de dollars par année (Isaak, 2002).

Au niveau des produits, « l’analyse de cycle de vie » transpose les principes de l’optimisation de

l’usage des ressources au niveau des différentes étapes de la vie d’un produit, du berceau à la tombe

(Ehrenfeld, 1997a; Frankl, 2002). Ce concept a débouché sur diverses applications, notamment

l’analyse et la gestion de la chaîne des produits (Wisberg et Clift, 1999), la politique intégrée des

produits (Jackson, 1999), le management « vert » de la chaîne de fournisseurs (Sarkis, 1995) et la

responsabilité élargie du producteur (Lifset, 1993).

Les approches environnementales de l’optimisation de l’usage des ressources sont centrées

principalement sur le design des produits et des procédés. Ceux-ci devraient être propres, écologiques.

Les résultats de ces approches peuvent aider à mieux résoudre les problèmes liés à la pollution et au

risque écologique dans les systèmes de production et de consommation. Cependant, ces approches

présentent certaines limites. Celles-ci se traduisent par la perspective élargie des questions

environnementales, par l’accent mis sur les entreprises industrielles chimiques et par le caractère

juridique et positif des actions à entreprendre.

Les principes de précaution, de prévention et d’intégration sur lesquels se fondent les approches

environnementales de l’optimisation de l’usage des ressources ont une perspective élargie des questions

écologiques. Bien qu’Oldenburg et Kenneth (1997) soutiennent que la « production propre » vise la

planification des procédés des entreprises individuelles, certaines actions relèvent de l’analyse

sectorielle et régionale (cycle de vie des produits du berceau à la tombe). Ces actions font appel à des

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spécialistes de haut niveau (chimistes et ingénieurs). À ce titre, ces approches semblent se focaliser sur

les seules entreprises industrielles chimiques. Les autres secteurs d’activités (non chimiques) sont

quelque peu négligés.

Le principe de précaution a une forte orientation juridique. Les gouvernements doivent jouer un

rôle d’assistance technique (Oldenburg et Kenneth, 1997), ce qui rend très complexe l’interprétation de

certaines réglementations, surtout à l’échelle interrégionale. À l’instar des approches

technoscientifiques, les approches environnementales mettent également l’accent sur l’analyse physique

et chimique des substances qui transitent dans les systèmes de production et de consommation.

Les approches techniques, scientifiques et environnementales (production propre) partagent

beaucoup d’éléments communs. Les frontières entre les deux ne semblent pas encore bien tracées, à tel

point que les deux approches se réclament du concept d’écologie industrielle. Mais aux yeux de Lifset

et Graedel (2002), tandis que la « production propre » fait de la notion de risque le fondement de ses

actions, l’écologie industrielle, quant à elle, se fonde sur l’optimisation de l’usage des ressources dans

les flux de matière et d’énergie. Ce dont se réclament aussi les spécialistes de la « production propre ».

Le troisième courant de pensée d’optimisation des ressources identifié se traduit par les

approches stratégiques. Les approches stratégiques reposent, d’une part, sur le postulat selon lequel les

principes d’écologie industrielle appliqués au niveau des entreprises (par opposition aux niveaux

régionaux et globaux) représentent un moyen d’améliorer la productivité et le niveau de concurrence

(Esty et Porter, 1998) et, d’autre part, sur le principe suivant lequel il est possible d’utiliser les sous-

produits comme sources potentielles de matières premières dans les procédés de fabrication

industrielle (Allen, 1993; Allen et Behmanesh, 1994; Hart, 1995; Obernberger et Narodoslawsky, 1997;

Allen, 2002). Ces approches établissent le lien direct entre l’optimisation de l’usage des ressources et

l’amélioration de la productivité.

L’utilisation des sous-produits industriels comme matières premières présente des opportunités

d’affaires (Tibbs, 1993), ce qui intéresse de nombreux industriels et certaines instances

gouvernementales (Boiral et Croteau, 2001b). D’une part, cela présente des alternatives dans la quête

de solutions aux problèmes de gestion d’énormes quantités de déchets générés chaque année par

l’industrie. D’autre part, utiliser les sous-produits industriels ouvre des voies vers des stratégies

organisationnelles. Celles-ci se traduisent par un processus de positionnement dans un environnement

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concurrentiel et par un processus d’implantation de mesures qui permettent de soutenir efficacement

cette concurrence (Jauch et Osborn, 1981; Bantel et Osborn, 1995). En effet, les responsables

d’entreprises, en utilisant les sous-produits comme intrants principaux dans leurs procédés de

production industrielle, cherchent à améliorer les performances et à maîtriser certains coûts, ainsi qu’à

se différencier sur les marchés et à répondre aux exigences de nombreux acteurs (Bansal et Roth, 2000;

Preston et Sayin, 2000; King et Lenox, 2001).

Le contexte précis dans lequel évoluent les entreprises, les capacités internes de chacune, la

nature et les préoccupations des responsables, la nécessité de créer un avantage concurrentiel (Hafsi et

Toulouse, 1996) constituent quelques-uns des éléments de l’analyse des approches stratégiques. Il

apparaît que l’identification du potentiel des sous-produits industriels sert de point de départ pour la

formulation d’une stratégie d’entreprise. Cette identification s’apparente à la reconnaissance de

l’opportunité selon Lumkin, Hills et Shrader (2001). La stratégie est définie ici comme le processus

consistant à positionner l’organisation dans un environnement concurrentiel et à implanter les mesures

qui lui permettent de soutenir efficacement cette concurrence (Jauch et Osborn, 1981).

L’une des idées centrales des approches stratégiques est exprimée par la logique

« gagnant-gagnant ». L’incorporation des questions environnementales dans les pratiques de gestion

(Shrivastava, 1995a; Curcio et Wolf, 1996) ou dans le cadre de l’optimisation des ressources

disponibles ainsi que l’utilisation des déchets comme matières premières apportent des bénéfices aux

entreprises tant sur le plan commercial qu’environnemental (Esty et Porter, 1998). Le développement

des compétences clés (Prahalad et Hamel, 1990) ou encore des compétences organisationnelles basées

sur les ressources (Wernerfelt, 1984; Barney, 1991) constituent des outils de mise en application de

cette logique. Ce développement prend les formes de conception des produits « verts » en prenant

appui sur l’analyse d’inventaires, l’amélioration de produits et de procédés, l’analyse « coût-bénéfice » et

la réorganisation des processus d’affaires (Van Barkel, Willems et Lafleur, 1997). Comme le soulignent

Rugman et Verbeke (1998), le développement de ces compétences requiert des efforts supplémentaires

de la part des gestionnaires, ce qui peut prendre plusieurs années. Ce développement des compétences

repose sur le processus d’apprentissage de nouvelles façons de faire (Argyris et Schön, 1978).

La question qui mérite d’être posée est celle de savoir si les stratégies développées pour utiliser

les sous-produits comme matières premières sont motivées en premier lieu par la logique de profits à

réaliser ou par l’amélioration des performances environnementales. Des études empiriques sur cette

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question concluent que la logique « gagnant-gagnant » se centre davantage sur « l’écologisation » des

marchés (c’est-à-dire la production de produits écologiques et la promotion de ceux-ci auprès des

consommateurs) que sur l’amélioration des écosystèmes naturels; que les résultats des compétences

commerciales sont difficiles à garantir; et que les exemples évoqués pour illustrer la mise en œuvre des

stratégies environnementales correspondent de plus en plus à de grandes corporations. L’approche

stratégique se présente donc, dans son ensemble, comme une capitalisation de la problématique

environnementale au profit des seuls intérêts des entreprises (Levy, 1997; Banerjee, 2001; Kitzman,

2001; King et Lenox, 2001). Il apparaît pertinent d’analyser, dans cette logique de productivité, les

efforts des entreprises dans l’harmonisation de l’économie et de l’écologie de l’entreprise.

Comme précédemment mentionné, l’usage des sous-produits industriels en vue d’améliorer les

performances commerciales intéresse particulièrement les dirigeants d’entreprises. La révision et

l’appréciation critique des travaux portant sur les sous-produits comme matières premières (Finster,

Eagan et Hussey, 2001; Guide, Teuter et van Wassenhove, 2003; Geyer et Jackson, 2004) montrent

que trois actions stratégiques caractérisent en particulier les entreprises qui font de l’écologie

industrielle : récupérer les matières résiduelles rentables sur le plan économique, inventer et améliorer

les procédés pour les transformer, et améliorer les relations avec les différents partenaires

commerciaux.

La rentabilité commerciale des matières résiduelles et la valeur commerciale acceptable du

produit fini fabriqué à partir de ces matières sont parmi les critères qui motivent les entreprises à

choisir les sous-produits à récupérer et à transformer. Ensuite, vient, comme critère, le succès

opérationnel et technique. Enfin, la réussite dans les relations avec les filières de récupération. Les

exemples de valorisation résiduelle déjà mentionnés ainsi que les entreprises Solplast (recyclage du

polyéthylène et du polypropylène) et Option Métal Recyclé en sont des illustrations. Ces facteurs

aident à mieux comprendre le courant stratégique des pratiques d’écologie industrielle et, en particulier,

la récupération et la transformation des sous-produits industriels. La présente thèse s’inscrit dans ce

dernier cadre.

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3.2. Les limites de la littérature sur l’écologie industrielle

Après cette tentative de catégorisation des différents courants de pensée en écologie

industrielle, en particulier l’optimisation de l’usage des ressources dans les procédés productifs, il

convient maintenant de porter un regard critique sur la littérature portant sur l’écologie industrielle.

L’appréciation critique présentée porte en particulier sur la définition des termes utilisés en écologie

industrielle. Lors de la révision de grands travaux portant sur les concepts de base de l’écologie

industrielle (Frosch et Gallopoulos, 1989; Frosch, 1992; Allenby et Cooper, 1994; Graedel et Allenby,

1995; Allenby, 1999; Lifset et Graedel, 2002), nous nous sommes heurtés à certaines questions sous-

jacentes à la compréhension de ces termes et à l’extension de leur application dans divers secteurs

industriels. Si ces termes tentent de définir cette dernière comme domaine d’étude et de recherche, ils

présentent cependant certaines limites liées, en particulier, à l’élasticité, à l’abstraction de ces termes et à

la difficulté de tracer les frontières entre ce qui est écologie industrielle et ce qui ne l’est pas.

3.2.1. Manque de définitions rigoureuses

En premier lieu, la plupart des termes utilisés en écologie industrielle que nous avons étudiés

manquent de rigueur et, par conséquent, peuvent être interprétés de façon très élastique (O’Rourke,

Connelly et Koshland, 1996). Cette polysémie tient de la diversité des mesures et des pratiques

d’optimisation de l’usage des ressources dans divers secteurs industriels (Den Hond, 2000). Afin de

mieux comprendre ce manque de définitions rigoureuses, il convient de montrer clairement en quoi

consiste le manque de précision du sens de certains termes utilisés en écologie industrielle.

- L’analogie biologique est définie comme un rapport de ressemblances entre les systèmes de

production industrielle et de consommation et les écosystèmes naturels (Frosch, 1992). Cette

définition est tellement large qu’il est difficile de saisir la réalité ou l’idée qu’elle représente.

L’analogie biologique est-elle synonyme de bouclage des systèmes productifs, de mimétisme

écologique ou encore d’éco-parcs industriels? Ou s’agit-il des applications de l’analogie

biologique? Quels sont les différents types de ressemblances entre les systèmes actuels de

production industrielle et de consommation et les écosystèmes naturels? Voilà quelques-unes

des questions que soulève le manque de rigueur de la définition du concept d’analogie

biologique.

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- La perspective systémique n’est pas clairement définie dans la littérature. Lifset et Graedel

(2002, p. 6) tentent de la présenter ainsi : « Industrial ecology emphasizes the critical need for a

systems perspective in environmental analysis and decision making ». S’agit-il d’un concept de

base d’une discipline scientifique comme le présentent Lifset et Graedel (2002) ou d’une

approche particulière d’analyse des flux des matières et de l’énergie avec de multiples

applications telles que l’analyse de cycle de vie de produits? Quel est le lien entre la perspective

systémique et le métabolisme industriel? Sont-ils des synonymes ou des applications séparées

de l’analogie biologique?

- L’innovation technologique n’a pas de définition claire non plus. Ici encore, la réalité à laquelle

ce terme se réfère est mieux comprise par l’analyse de quelques-unes de ses applications, en

particulier la nouvelle conception des produits design for environment qui paraît être assez bien

définie. Si l’innovation technologique désigne en premier lieu la nouvelle conception des

produits, pourquoi alors ne pas parler de nouvelle conception des produits plutôt que

d’innovation technologique qui renvoie à plusieurs réalités à la fois?

- Il en est de même pour le rôle des entreprises dans le développement de l’écologie industrielle.

Tel que présenté dans la littérature, le rôle que les spécialistes de l’écologie industrielle

entendent être joué par les entreprises renvoie plus à une attitude à adopter et donc à une

condition structurelle de réussite ou de gestion de l’écologie industrielle. Ce rôle n’est pas

clairement défini.

- La dématérialisation apparaît comme le concept le mieux défini parmi ceux présentés (Lifset et

Graedel, 2002) comme éléments de base de l’écologie industrielle. La dématérialisation comme

processus qui vise l’utilisation, dans les différents procédés de production, de la quantité et de

la qualité d’intrants nécessaires (matière et énergie) en tenant compte de l’efficacité et de

l’utilité des produits, des services à obtenir et des impacts de ceux-ci sur l’environnement

(Lifset et Graedel, 2002) renvoie à l’une des caractéristiques principales de l’écologie

industrielle comme domaine d’étude et de recherche. En ce sens, la dématérialisation prend la

forme d’éco-efficience à l’échelle de l’écologie industrielle dans l’entreprise.

3.2.2. Concepts abstraits

En deuxième lieu, certains termes utilisés comme éléments de base en écologie industrielle

renvoient à des concepts très abstraits. Le concept d’analogie biologique, par exemple, a été l’objet de

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plusieurs discussions entre les spécialistes pour approfondir sa pertinence et justifier l’analogie entre les

secteurs industriels et les écosystèmes naturels, l’idée à la base même du concept d’écologie industrielle.

Ehrenfeld (2003), en établissant une nette différence entre une analogie et une métaphore, soutient que

ces deux notions ont été utilisées à tort et à travers en écologie industrielle. Selon lui, il convient de

reconnaître que sur le plan conceptuel et sur le plan pratique, l’équilibre et la ressemblance avec les

écosystèmes naturels ne sont pas assurés. Il serait donc pertinent de concevoir un autre modèle

d’analyse des questions environnementales et industrielles étant donné la complexité des deux systèmes

(industriel et écologique), qui présentent à la fois des éléments communs et des éléments qui les

séparent profondément.

Cette conclusion d’Ehrenfeld (2003) démontre une fois de plus le niveau d’abstraction des

concepts utilisés en écologie industrielle. Comme le soulignent O’Rourke, Connelly et Koshland

(1996), l’écologie industrielle est un ensemble cohérent de concepts, mais pas encore un corpus

théoriquement constitué.

3.2.3. Délimitation des frontières de l’écologie industrielle

En troisième lieu, la façon dont la plupart des termes fondamentaux de l’écologie industrielle

sont présentés ou encore définis actuellement rend difficile la délimitation de ses frontières (Lifset et

Graedel, 2002; Den Hond, 2000). En effet, l’intérêt que suscite l’écologie industrielle dans divers

milieux et la diversité des opportunités de l’optimisation de l’usage des ressources donnent lieu à la

multiplicité des concepts et des pratiques associées à l’écologie industrielle. Ceux-ci se traduisent en

particulier par le « bouclage des systèmes productifs », l’« analyse des flux de matière et d’énergie »,

l’« analyse du cycle de vie des produits et des procédés », le développement des « réseaux d’échange des

déchets entre entreprises », ainsi que la « dématérialisation et la transmatérialisation » des économies.

Étant donné que l’écologie industrielle analyse les questions touchant l’environnement, l’industrie et la

société (Graedel et Allenby, 1995; Socolow et al., 1994), la question est de savoir si tout effort relevant

de l’économie des ressources, du droit environnemental ou de l'ingénierie industrielle constitue une

composante de l’écologie industrielle. Où commence et où se termine l’écologie industrielle? Cette

question de délimitation des frontières de l’écologie industrielle renvoie à celle de manque de clarté

dans les objectifs mêmes de la discipline évoquée par O’Rourke, Connely et Koshland (1996).

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L’écologie industrielle est à la fois une vision du développement durable, un domaine d’étude et

de recherche et une source d’inspiration pour des initiatives opérationnelles dans les systèmes de

production et de consommation (Rajeski, 1997; Erkman, 1998; Den Hond, 2000). Elle présente une

vision large de la problématique environnementale et tente d’offrir des pistes de solutions pour réduire

les impacts des activités industrielles sur l’environnement. En même temps, il convient de souligner le

fait que l’écologie industrielle présente des facettes différentes quant à son interprétation et à sa

compréhension comme approche du développement durable.

Comme déjà mentionné, la présente recherche entend se centrer sur la valorisation résiduelle

comme pratique d’écologie industrielle. La compréhension des fonctionnements de l’utilisation des

sous-produits industriels dans les procédés productifs permettra de répondre aux lacunes ci-dessus

identifiées en proposant de bien définir la valorisation résiduelle, de donner une plus grande précision

dans l’emploi des termes associés à la valorisation résiduelle et de cerner les limites de celle-ci.

La section suivante transposera l’analyse critique de la littérature sur l’écologie industrielle vers

une autre dimension : celle des obstacles liés à sa mise en œuvre comme manière d’appliquer les

principes du développement durable. Si l’écologie industrielle présente des obstacles à sa mise en

œuvre, ceux-ci sont encore très peu explorés dans la vaste littérature sur l’écologie industrielle et, de

façon précise, la valorisation résiduelle.

3.3. Les obstacles à l’écologie industrielle

L’un des points sensibles de l’approche de l’écologie industrielle repose sur la question de savoir

dans quelles mesures on peut réaliser le bouclage des systèmes productifs à l’exemple de Kalundborg

et donc introduire des transformations profondes dans les systèmes actuels de production et de

consommation à l’image des écosystèmes naturels (Frosh et Gallopoulos, 1989). Ce qui conduit à

l’analyse des obstacles éventuels que présente la démarche d’une telle envergure aux échelles nationale

ou régionale, interentreprises et intra-entreprise. Les obstacles ou freins de l’écologie industrielle se

traduisent par l’ensemble des situations diverses externes et internes dans le temps et dans l’espace qui

tentent d’empêcher ou qui s’opposent directement ou indirectement à la mise sur pied des initiatives

viables de valorisation résiduelle. Frosch (1992) montre que les changements profonds dans les

systèmes de production proposés par les spécialistes de l’écologie industrielle, en particulier la

valorisation résiduelle, ne peuvent avoir lieu sans la flexibilité des mécanismes sociétaux sur lesquels se

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fondent les systèmes économiques actuels. Cette vision montre simplement que les spécialistes de

l’écologie industrielle reconnaissent que les changements dans les systèmes de production et de

consommation devraient être accompagnés de changements dans les structures sur lesquelles repose

l’optimisation de l’usage des ressources. Cependant, l’abondante littérature sur l’écologie industrielle

insiste très peu sur les obstacles à sa mise en œuvre. Il apparaît important de souligner ici que le fait de

reconnaître que la mise en œuvre de l’écologie industrielle présente des obstacles ne signifie pas sa

remise en cause comme approche de développement durable comme ont tenté de démontrer quelques

auteurs, en particulier O’Rourke, Connelly et Koshland (1996) ainsi que Desrochers (2000).

Bon nombre d’études ont tenté d’aborder la question des obstacles à la mise en œuvre de

l’écologie industrielle dans des perspectives diverses (Lifset, 1993; Allen, 1993; Esty, 1994; Frosch,

1996; Allenby, 1997; Wernick et Ausubel, 1997; Malcolm et Clift, 2002; Geyer et Jackson, 2004). Si la

plupart de ces travaux ont identifié les facteurs qui contribuent à freiner l’adoption des pratiques

d’écologie industrielle, très peu ont défini avec soin les obstacles particuliers et ont proposé des

mesures nécessaires pour les surmonter. Les sections suivantes présentent l’essentiel de ces obstacles.

Une façon de les ordonner serait de les classifier selon les obstacles d’ordre technique, structurel,

socioculturel et institutionnel. Le tableau 8 à la page suivante présente l’essentiel des obstacles à

l’écologie industrielle.

3.3.1. Les obstacles d’ordre technique

Les obstacles d’ordre technique portent sur l’impossibilité physique de mettre en œuvre les

initiatives de l’écologie industrielle. Selon Allen (2002), ceux-ci se traduisent essentiellement par le

manque d’information sur les sous-produits, le manque d’infrastructure de recyclage, les

réglementations en vigueur ainsi que les limites technologiques. Le manque de données fiables se situe

à trois niveaux : au niveau de l’analyse de la composition chimique et physique des matières, au niveau

de la quantité disponible et au niveau de la localisation géographique de ces matières. Par ailleurs,

l’information sur le flux des matières résiduelles ne sera disponible que s’il existe des infrastructures de

récupération et de recyclage au sein de l’industrie. Enfin, les réglementations environnementales

(méconnaissance, interprétation inadéquate et inflexibilité) constituent également des obstacles

techniques pour l’utilisation des sous-produits dans les entreprises industrielles.

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110

Tableau 8. Obstacles à l’écologie industrielle

Techniques Structurels Socioculturels Institutionnels

Manque de données sur les sous-produits : composition physique et chimique, quantité et localisation géographique (Allen, 2002) Manque d’infrastructure de recyclage (Allen, 2002) Manque de technologies appropriées (Allen, 2002)

Manque de marché pour l’échange et la commercialisation des sous-produits (Wernick et Ausubel, 1997) Manque d’information sur les sous-produits pour bien fixer les prix (Allen, 1993, 2002; Sharft et al., 1997; O’Rourke, Connelly et Koshland, 1996; Kneese, 1998) Manque de motivation pour améliorer et développer les pratiques d’écologie industrielle (Wernick et Ausubel, 1997; Jackson et Clift, 1998)

Discours, perceptions et attitudes des populations face aux projets d’écologie industrielle (Lash, Szerszynski et Wynne, 1996) Manque de formation aux valeurs écologiques (Eder, 1996) Manque de communication entre l’entreprise et la communauté (Van Oss et Pandovani, 2002, 2003).

Aspects réglementaires Manque de flexibilité des réglementations environnementales (Esty, 1994; Graedel et Allenby, 1995; Chertow et Esty, 1997; Frosch, 1997; Allenby, 1999a) Classification des matières résiduelles Graedel et Allenby, 1995; Frosch, 1997; Allen, 2002; Malcolm et Clift, 2002) Limites des normes et réglementations environnementales (Esty, 1994; Graedel et Allenby, 1995; Chertow et Esty, 1997; Allenby, 1999a) Aspects juridiques Manque de flexibilité des politiques juridiques-responsabilité légale et solidaire (Esty, 1994; Graedel et Allenby, 1995; Frosch, 1997) Pratiques d’antitrust (Esty, 1994; Graedel et Allenby, 1995; Frosch, 1997)

Les conclusions des études portant sur la récupération et le recyclage des matières plombifères

et les résidus industriels à base de nickel montrent des résultats intéressants en ce a trait au

développement du recyclage de ces matières (Steele et Allen, 1998; Allen, 2002). Les matières

plombifères, en particulier les batteries au plomb-acide, sont récupérées assez facilement et acheminées

vers les centres de recyclage parce qu’il existe des réseaux structurés de récupération et de transport de

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ces matières. Par contre, les matières contenant le nickel ne sont pas encore largement recyclées à

cause, justement, du manque de réseaux de récupération, de procédés techniques et d’équipements

nécessaires. À l’instar des matières résiduelles à base de nickel, de nombreux secteurs industriels

manquent encore des technologies nécessaires qui leur permettraient de récupérer et de valoriser bon

nombre de types de résidus (Allen, 2002).

3.3.2. Les obstacles d’ordre structurel

Les obstacles d’ordre structurel portent sur la planification, l’organisation et l’intégration des

activités liées à l’optimisation de l’usage des ressources dans les pratiques des entreprises industrielles.

Trois obstacles d’ordre structurel peuvent se dégager de l’ensemble des obstacles liés à l’écologie

industrielle. En premier lieu, le manque de marchés pour la commercialisation des résidus industriels.

L’optimisation de l’usage des ressources, en particulier la valorisation des résidus et des sous-produits,

repose sur la vitalité de l’échange et de la commercialisation de ces résidus et sous-produits industriels.

L’absence de structures fonctionnelles pourrait entraver le développement de ces espaces publics sur

lesquels reposent les initiatives de récupération des résidus (Wernick et Ausubel, 1997). Il existe des

exemples de ces marchés, en particulier le Chicago Board Of Trade (CBOT), le National Materials Exchange

Network (NMEN), le Global Recycling Network (GRN) ou encore l’organisme Recyc-Québec. Cependant,

beaucoup de secteurs industriels ne bénéficient pas encore des structures fonctionnelles qui

permettraient de faciliter la récupération des résidus industriels.

Le deuxième obstacle d’ordre structurel est lié au manque d’information sur les résidus ou

encore les sous-produits industriels. De l’avis de spécialistes tels qu’Allen (1993, 2002) et Sharft et al.

(1997), le manque de données fiables sur les résidus se situe à trois niveaux : au niveau de l’analyse de

la composition chimique et physique des matières, au niveau de la quantité disponible et au niveau de

la localisation géographique de ces matières. Par ailleurs, l’information sur le flux des matières

résiduelles ne sera disponible que s’il existe des infrastructures de récupération et de recyclage au sein

de l’industrie. O’Rourke, Connelly et Koshland (1996) soutiennent que ce manque d’information ne

permet pas aux dirigeants d’entreprise de planifier les activités de valorisation résiduelle et de prendre

des décisions stratégiques portant sur la réduction des coûts souvent associés à la mise en application

des projets d’écologie industrielle. Kneese (1998) pose le problème de restructuration des marchés à

partir d’une perspective économique :

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Why is interest not more widespread in achieving the benefits seen by industrial ecologists? To an economist, the question is why markets are failing to incorporate on their own the objectives of industrial ecology. The answer is that prices need to be fundamentally restructured so that prices reflect the full social costs of production (Kneese, 1998, p. 10).

Le troisième obstacle d’ordre structurel porte sur l’absence de motivation pour améliorer et

adopter des pratiques de l’écologie industrielle dans les décisions stratégiques des entreprises (Wernick

et Ausubel, 1997). Les changements dans les systèmes de production commencent par une

restructuration des entreprises individuelles. Les stratégies pour introduire ces changements ont

d’abord et avant tout pour point de départ l’unité de production dans l’entreprise individuelle (Diwekar

et Small, 2002). La question fondamentale de l’écologie industrielle, celle de savoir comment rendre

opérationnel le concept de développement durable dans une perspective viable économiquement

(Allenby et Cooper, 1994; Ayres et Ayres, 1996; Graedel, 1996; Allenby, 1999a), trouve en partie sa

réponse dans l’entreprise industrielle. Le manque de structures motivationnelles et de mécanismes

viables pourrait empêcher bon nombre d’entreprises d’adopter et d’intégrer les pratiques de l’écologie

industrielle dans leurs systèmes de gestion (Jackson et Clift, 1998). C’est le cas, par exemple, de

l’intégration de la comptabilité environnementale dans les systèmes comptables financiers

conventionnels ou encore des pratiques de l’éco-efficience.

3.3.3. Les obstacles d’ordre socioculturel

Les projets de valorisation des sous-produits touchent des aspects socioculturels et impliquent,

de façon générale, les populations qui résident dans les alentours des installations industrielles. Ces

populations tendent souvent à s’opposer aux initiatives d’utilisation et de transformation des sous-

produits industriels dans les procédés de production des entreprises installées près des zones

résidentielles ou lorsque le transport des matières résiduelles transitent par ces mêmes zones. C’est

l’attitude ou le syndrome classique du « pas dans ma cour » ou NIMBY (not in my backyard).

Robinson et Brown (2002, p. 25) concluent que les contraintes socioculturelles des activités de

production de l’agrégat naturel et, par voie de conséquence, les pratiques d’écologie industrielle

reposent sur les préoccupations et les perceptions des populations concernant la qualité de vie, la

santé, la valeur de la propriété foncière, la qualité de l’environnement, les règlements de zonage ou les

réglementations environnementales.

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Comme le montre l’étude empirique menée par Robinson et Brown (2002), les oppositions aux

projets d’écologie industrielle viennent des associations de résidents à l’échelle locale ou encore des

organismes non gouvernementaux (ONG) bien structurés et financés. Ces associations ou organismes

peuvent exercer de fortes pressions sur l’opinion des autorités locales et des élus en matière

d’environnement et de risques associés à celui-ci. Une fois de plus, et comme dans le cas des obstacles

institutionnels, leurs influences modifient et orientent les activités dans les dimensions politiques,

économiques, commerciales, culturelles et sociales de la société (Jamison, 1996). En guise de réponse à

ces multiples pressions et actions des groupes lobbyistes, certains fonctionnaires des gouvernements au

niveau local, provincial ou fédéral peuvent retarder la prise de décisions sur des dossiers touchant les

projets d’écologie industrielle ou encore refuser l’octroi des certificats d’autorisation, comme le

soutient Drew (1999).

Les entreprises industrielles ont la fâcheuse réputation d’être parmi les plus polluantes (Tibbs,

1993). Cette perception est encore amplifiée lorsqu’il s’agit de l’utilisation et de la manutention des

déchets industriels, même si ceux-ci ne représentent aucun danger sur le plan environnemental. C’est le

cas, par exemple, des papeteries dont la plupart ont modifié leurs procédés de production depuis les

années 1980 (la plupart des papeteries utilisent depuis les années 1980 le procédé de désencrage dans la

fabrication des papiers et du papier journal). En fait, l’une des priorités des intervenants en matière

d’optimisation est de travailler à l’élimination des mythes qui entourent la production industrielle ainsi

qu’à la récupération et à la valorisation des déchets.

La perception de la valorisation résiduelle qu’ont les communautés tient également compte du

discours qui traite de ces questions (Lash, Szerszynski et Wynne, 1996). Si ce discours n’est pas clair et

compréhensible pour la population, celle-ci tendra à s’opposer aux initiatives écologiques mêmes si ces

dernières présentent des bénéfices sur le plan environnemental. Le discours sur les questions

environnementales et les actions qui s’y rapportent devrait changer afin de permettre une certaine

transparence entre les entreprises et les communautés (Van Oss et Pandovani, 2002, 2003). En ce sens,

la transformation de la notion de déchet (qui passe de la conception du rebut à celle des ressources à

valoriser) ne devrait pas être limitée à l’usage des seuls responsables industriels. Cette transformation

devrait être comprise et assimilée par la population. Cela signifie que la population comprend ce que

veut dire « déchets comme matières premières » et les implications réelles de l’utilisation des déchets

sur l’environnement et l’économie des entreprises engagées dans cette démarche. Il appert que cette

transformation s’inscrit également dans le cadre de la modernisation écologique. Elle se traduit par la

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maturité écologique, ce qu’Eder (1996) désigne par la rationalité cognitive, morale et esthétique

inhérente à une culture de la modernité. Ainsi, la maturité écologique devrait permettre une

collaboration basée sur la transparence et l’échange d’informations qui alimentent mutuellement la

communauté et les entreprises industrielles engagées dans la valorisation résiduelle (Den Hond, 2000).

La perception qu’a la communauté des pratiques écologiques oriente bien souvent la collaboration, la

transparence et l’établissement d’un partenariat de longue durée.

3.3.4. Les obstacles d’ordre institutionnel

Les obstacles d’ordres institutionnels touchent de façon particulière les aspects réglementaires et

légaux liés aux pratiques de l’écologie industrielle, en particulier la valorisation résiduelle. Plusieurs

auteurs ont souligné le fait que la mise en œuvre des pratiques d’optimisation doit s’accompagner de

profondes restructurations à l’échelle des gouvernements locaux et nationaux (Esty, 1994; Graedel et

Allenby, 1995; Chertow et Esty, 1997; Allenby, 1999a). Tant au niveau réglementaire que juridique, les

difficultés des pratiques de valorisation résiduelle portent sur le manque d’actualisation et de flexibilité

des instruments de politiques réglementaires et juridiques (Esty, 1994).

Aspects réglementaires

Sur le plan réglementaire, Frosch (1997) souligne que ce manque d’actualisation repose, entre

autres, sur les facteurs suivants : l’origine ou la conceptualisation des normes environnementales, la

classification de nombreuses matières résiduelles, la lourdeur administrative, et l’application différente

ou sévère des normes environnementales selon les secteurs industriels.

Frosch (1997) fait remarquer que la réglementation environnementale en matière de traitement

des déchets aux États-Unis, par exemple, a d’abord été conçue pour trouver des solutions à des

questions spécifiques liées à l’élimination ou à l’enfouissement des déchets. Force est de reconnaître

que dans plusieurs pays industrialisés, la plupart des sous-produits industriels ou matières résiduelles

aujourd’hui valorisées étaient autrefois envoyés aux sites d’enfouissement. Ainsi, la plupart des

réglementations environnementales traitent les questions de valorisation résiduelle ou de recyclage

comme des formes particulières d’élimination des déchets. Au Québec, par exemple, le Programme

d’aide au réemploi, au recyclage et à la valorisation énergétique des pneus hors d’usage a été lancé en

1993. Selon Recyc-Québec, ce programme visait à orienter le flux annuel des pneus hors d’usage vers

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l’industrie du réchapage, du recyclage et de la valorisation énergétique en favorisant son émergence

tout en diminuant le recours à l’entreposage et à l’enfouissement.

Cette conceptualisation des normes environnementales en matière de recyclage ou de

valorisation résiduelle en termes d’élimination de l’enfouissement a conduit au manque de clarification

des concepts en matière de résidus, de déchets, de déchets dangereux, de déchets toxiques, ou tout

simplement à l’interdiction de les utiliser dans l’un ou l’autre contexte, pour ne citer que ces cas

(Graedel et Allenby, 1995; Frosch, 1997; Allenby, 1999a; Allen, 2002). Ce qui peut freiner la mise en

œuvre des projets intéressants de valorisation selon l’interprétation technique des réglementations

environnementales en vigueur, comme le montre le cas controversé de la classification des chiffons

imbibés de solvant.

For example, the waste classification of a solvent-laden rag used to clean machinery depends on how it was used. If the solvent is poured first on the machinery and then wiped with a clean rag, the rag is a hazardous waste. However, if the solvent is poured first on the rag and then the rag is used to wipe the machinery clean, the rag is not a hazardous waste (Starr et al., 1994, cité dans Frosch, 1997, p. 44).

Ces considerations montrent que la définition des concepts utilisés dans les réglementations

constitue souvent une contrainte pour les initiatives de valorisation résiduelle dans les entreprises

industrielles (Malcolm et Clift, 2002). Au problème du manque de clarification des concepts en matière

de résidus, de déchets, de déchets dangereux ou de déchets toxiques s’ajoute le problème de

l’application de normes rigoureuses et de façon différente selon les secteurs industriels. Au Québec,

par exemple, les stériles miniers de l’industrie de la valorisation résiduelle sont sujet à un contrôle plus

sévère que ne le sont les stériles des sablières et des carrières. Plusieurs études portant sur les obstacles

des pratiques de l’écologie industrielle, en particulier celles de Malcolm et Clift (2002) et de Geyer et

Jackson (2004), concluent que la question réglementaire centrale repose sur deux aspects : d’un côté,

les possibles impacts des activités d’optimisation de l’usage des ressources sur l’environnement, et de

l’autre, la peur de voir les initiatives d’écologie industrielle créer de nouveaux problèmes

environnementaux qui seraient difficiles à contrôler et à gérer. De nombreux exemples de

contradictions dans la mise en application des normes environnementales dans le traitement, la gestion

ou la valorisation des sous-produits montrent donc que, de façon générale, ces réglementations restent

centrées sur l’utilisation des sous-produits industriels comme forme particulière de leur mise au rebut,

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et non pas assez sur des efforts de compréhension de leur fonctionnalité et des réalités vécues au

niveau des secteurs industriels respectifs (Frosch, 1997).

Aspects juridiques

L’intégration des pratiques d’écologie industrielle dans les structures de production et de

consommation touche, entre autres, des dimensions telles que le commerce, la sécurité,

l’approvisionnement en biens et services et la protection des consommateurs, entre autres (Graedel et

Allenby, 1995; Allenby, 1999a). C’est à ces niveaux que se situent les difficultés légales majeures. Ces

enjeux se traduisent principalement par la responsabilité légale des entreprises génératrices de matières

résiduelles dangereuses, le principe de responsabilité solidaire et les pratiques d’antitrust (Esty, 1994).

Plusieurs auteurs soutiennent que le manque de flexibilité des instruments de politiques

juridiques fait que, de façon générale, les entreprises industrielles optent pour le dépôt définitif des

matières résiduelles dangereuses plutôt que par leur valorisation in situ ou leur échange moyennant

rétribution (Graedel et Allenby, 1995; Frosch, 1997; Allenby, 2002). Ce qui touche de façon précise les

dispositions pénales, c’est-à-dire les amendes en cas d’infraction ou la peine d’emprisonnement. Par

exemple, selon les lois environnementales en vigueur aux État-Unis, en cas de dommages causés à

l’environnement, la responsabilité incombe au premier vendeur des matières résiduelles dangereuses

même si celles-ci ont été transférées à des utilisateurs secondaires ou tertiaires. Ce qui freine les

transactions commerciales des matières résiduelles dangereuses dans plusieurs cas. En plus, la mise en

application du principe de responsabilité solidaire ou joint and several liability rend difficile la

détermination des responsabilités légales environnementales des différentes parties engagées dans un

cas de dommage ou atteinte à l’environnement issu de l’utilisation de matières résiduelles dangereuses.

D’autres chercheurs ont également évoqué le fait que le changement d’une économie basée sur

l’utilisation des produits vers une autre qui repose sur la notion de service (Erkam, 1998) pourrait avoir

comme conséquence fâcheuse la multiplication des pratiques d’antitrust (Graedel et Allenby, 1995;

Frosch, 1997). Les grandes corporations pourraient ainsi exercer leur pouvoir sur les filières de

location ou de distribution de services.

Trouver un équilibre entre les pressions extérieures, les contraintes et la gestion quotidienne des

entreprises implique une kyrielle d’enjeux pour les responsables d’entreprises. Ces enjeux se traduisent

en particulier par l’inscription aux engagements du développement durable, comme le montre Laville

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117

(2002) en prenant appui sur de nombreux exemples d’entreprises, telles que Patagonia ou Ben &

Jerry’s, qui ont opté pour des stratégies innovatrices de production; l’assurance de la pérennité des

activités industrielles dans l’utilisation des sous-produits, comme dans les cas déjà cités de Soplast et

Option Métal Recyclé; la création d’emplois dans des secteurs concurrentiels; l’accès à de nouveaux

marchés avec des produits issus des sous-produits tels que les tapis industriels fabriqués à partir des

pneus hors d’usage; et la croissance de ces entreprises en continuant à fabriquer des produits, en

grande partie, à faible valeur ajoutée.

La compréhension du concept d’écologie industrielle sur laquelle repose la présente recherche,

les limites des différents termes qui s’y rapportent, l’esquisse des courants de pensée identifiés en

écologie industrielle ainsi que les obstacles aux initiatives de valorisation des sous-produits industriels

qui viennent d’être présentés et analysés ont réuni les conditions nécessaires pour définir les

paramètres de l’étude. Le prochain chapitre tentera de définir le cadre conceptuel de la présente

recherche sur les mécanismes et le fonctionnement de la valorisation résiduelle.

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118

CHAPITRE 4

LE CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE

La valorisation résiduelle a été définie jusqu’à présent comme la mise en évidence des

opportunités d’affaires que représente l’utilisation des divers sous-produits et des diverses matières

résiduelles dans des procédés de production industrielle. Cette définition permet de restreindre la

présente recherche aux seules applications de la valorisation résiduelle comme pratique d’écologie

industrielle à l’échelle de l’entreprise. Ensuite, le fait que l’utilisation des sous-produits industriels soit

conçue comme une recherche d’opportunités d’affaires (Gungor et Gupta, 1999; Guide, 2000) amène

à fonder la présente recherche sur un corpus de concepts qui tiennent compte non seulement des

matières résiduelles utilisées dans des procédés industriels (Allen, 1993) mais aussi de la gestion des

processus entourant la récupération et l’utilisation de ces sous-produits dans les procédés industriels.

Cette façon de concevoir la récupération et l’utilisation des matières résiduelles dans des procédés

industriels vient des concepts qui ont émergé des premières données recueillies pour cette recherche.

Ces concepts révèlent et repositionnent le rôle de la gestion dans la compréhension de la mise en

œuvre des principes de valorisation résiduelle à l’échelle de l’entreprise (Van Barkel, Willems et Lafleur,

1997; Van Barkel et Lafleur, 1997). En d’autres termes, la valorisation résiduelle repose d’abord et

avant tout sur le choix des actions planifiées de la part des gestionnaires, lesquelles actions cherchent à

maximiser les opportunités d’utilisation des déchets industriels (Esty et Porter, 1998).

Dans un premier temps, ce chapitre sur le cadre conceptuel tâchera de présenter et de définir

l’approche managériale comme étant la perspective de recherche adoptée dans cette thèse. Dans un

deuxième temps, le chapitre tentera de définir les concepts fondamentaux de la recherche.

4.1. La perspective de recherche : approche managériale

La perspective de recherche proposée est l’approche managériale. Tout comme Erkman (1998)

suggère aux épistémologues le développement épistémologique de l’écologie industrielle, la présente

thèse soutient qu’il incombe aux spécialistes du management de développer l’approche managériale de

cette discipline. L’approche managériale de l’écologie industrielle s’entend comme l’analyse critique et

systématique des actions, des décisions et des stratégies des entreprises dans la valorisation des sous-

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produits industriels, et de leurs implications dans la gestion de celles-ci. Les résultats de cette analyse

critique offrent des outils pour la compréhension, l’enseignement32 et la promotion de l’écologie

industrielle, de même qu’une orientation en matière de politiques liées à la réglementation

environnementale. En ce sens, il apparaît que les analyses de l’approche managériale sont directes,

contrairement aux analyses historico-descriptives des approches technoscientifiques. Van Barkel,

Willems et Lafleur (1997) montrent la pertinence des outils managériaux pour mieux identifier, évaluer,

planifier et (ré)organiser les activités d’écologie industrielle dans les entreprises. Boons et Baas (1997)

soutiennent que les études portant sur les stratégies d’entreprises et sur le comportement

organisationnel pourraient aider à mieux comprendre les structures et le fonctionnement des pratiques

de l’ecologie industrielle.

La façon de procéder pour analyser les mécanismes de valorisation résiduelle dans les entreprises

répond aux critères d’évaluation utilisés en management, comme plusieurs spécialistes le suggèrent

(Emory, 1985; Van Barkel, Willems et Lafleur, 1997; Van Barkel et Lafleur, 1997; Cooper et Schindler,

1998; Zikmund, 2000; Sekarah, 2003). Ainsi, à l’instar des méthodes utilisées dans les approches

« technologiques et scientifiques », l’approche managériale privilégie la traduction et la conversion des

grands thèmes de l’écologie industrielle en un langage accessible et propre au management et au

monde des affaires. Ceci comporte un double avantage. D’une part, le fait de parler le « même

langage » facilite les interactions avec les milieux d’affaires et, d’autre part, cela évite de faire du

développement de l’écologie industrielle une affaire d’universitaires et d’intellectuels moins préoccupés

par ce qui se passe sur le terrain. En outre, cette méthode privilégie la compréhension des points

suivants :

- les stratégies corporatives de transformation des organisations dans la mise en œuvre des

pratiques de récupération et de transformation des sous-produits;

- le choix des outils de mise en œuvre de la valorisation des sous-produits industriels;

- la transition des modes de production vers des formes plus écologiques;

- la demande de biens et services écologiques qui augmente les attentes internes et externes des

dirigeants d’entreprises;

32 La thèse appuie l’introduction de programmes d’enseignement de l’écologie industrielle dans les écoles de

gestion, comme le font déjà quelques universités au Canada, aux États-Unis et en France. Depuis l’essor que l’écologie industrielle a connu dans les années 1990, de plus en plus de programmes sont offerts dans les écoles pour ingénieurs.

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- l’exigence adressée aux dirigeants de s’inscrire dans le schéma du développement durable;

- la reconnaissance du pouvoir et du rôle que jouent les entreprises dans la transformation des

systèmes de consommation; et,

- l’exemple des modèles opérationnels et de réussite des pratiques d’écologie industrielle.

Certains de ces éléments ont déjà été présentés sous une forme ou une autre par différents

auteurs et diverses organisations qui tentent de favoriser l’essor de l’écologie industrielle, en particulier

la valorisation résiduelle au sein des entreprises. À titre d’exemple, il convient de mentionner en

particulier les contributions de Hardin Tibbs qui ont donné un élan remarquable aux principes de

l’écologie industrielle dans les milieux d’affaires (Hawken, 1993; Benyus, 1997; Erkman, 1998), les

travaux de la Business Council for Sustainable Development (BCSD) qui ont donné naissance à l’idée

d’éco-efficacité (Erkman, 1998), les efforts de la TRNEE33 dans l’élaboration de différents indicateurs

d’éco-efficacité, les outils d’introduction des pratiques d’écologie industrielle dans les entreprises

développés par Van Barkel, Willems et Lafleur (1997) et la contribution de Boiral et Croteau (2001a)

relativement aux exemples d’application des pratiques d’écologie industrielle. Il reste toutefois à

accomplir le travail de récupération de tous ces éléments et de bien d’autres encore dans le but de les

ordonner sur le plan conceptuel et pratique.

Pour bien situer les pratiques de valorisation résiduelle dans le cadre de l’approche managériale

analytique, la présente étude porte, d’une part, sur les actions menées par les entreprises à de multiples

niveaux, tel que suggéré et, d’autre part, sur les implications de ces actions sur les différentes fonctions

au sein des entreprises, en particulier les ressources humaines, la gestion des opérations, les finances et

l’environnement. Ainsi, l’analyse pourrait, entre autres, aider à mieux comprendre la nouvelle

structuration des entreprises à partir de la découverte de nouvelles opportunités, les efforts déployés

pour mobiliser les connaissances, le changement organisationnel, les nouveaux partenariats, la

population et les gouvernements, l’augmentation de la part des marchés avec les produits issus de la

valorisation résiduelle, de même que l’adaptation des procédés aux exigences environnementales. Ce

travail ne sera toutefois possible que si les éléments de base de l’écologie industrielle sont exprimés en

des termes clairs et dans un langage propre aux milieux d’affaires.

33 Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie (Canada).

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121

4.2. La construction du cadre conceptuel

Le cadre conceptuel proposé pour cette recherche repose sur une axiomatisation de trois

dimensions essentielles de la valorisation résiduelle. À partir de ces trois dimensions, les concepts

fondamentaux de l’étude sont définis: la reconnaissance de l’opportunité; la valorisation résiduelle

comme utilisation et transformation des sous-produits et des matières résiduelles; et la gestion des

processus d’affaires.

Comme reposant essentiellement sur l’utilisation et la transformation des sous-produits et des

matières résiduelles en produits finis ou semi-finis destinés à des marchés ciblés, la valorisation

résiduelle se traduit, d’une part, par le processus d’utilisation et de transformation (axe matériel), et

d’autre part, par le processus de gestion des activités entourant cette utilisation et transformation dans

les procédés industriels (axe formel). C’est autour de ces deux axes que les concepts fondamentaux de

la recherche sont construits et que les mécanismes de la valorisation résiduelle dans les entreprises

industrielles sont analysés. D’abord, pour comprendre le processus d’utilisation et de transformation

des sous-produits, les concepts d’indice de valorisation, échelle ou créneau, mode de valorisation et

intégration de l’écologie et l’économie de l’entreprise sont définis et précisés. Ensuite, pour la

compréhension du processus de gestion des activités, les concepts suivants sont identifiés et proposés :

vocation résiduelle, motivation résiduelle, collaboration et coopération interentreprises ainsi que

apprentissage organisationnel. La figure 4 illustre la façon dont ces dimensions et ces concepts

s’intègrent dans le cadre de la recherche.

4.2.1. La reconnaissance de l’opportunité

La première grande dimension du cadre conceptuel est la notion de reconnaissance de

l’opportunité. Cette dernière est considérée comme un concept essentiel pour la compréhension du

phénomène d’entrepreneurship (Lumpkin, Hills et Shrader, 2001). En effet, comme définie ci-dessus,

la valorisation résiduelle comme pratique d’écologie industrielle repose sur l’adoption d’actions

innovatrices dans l’utilisation et la transformation des sous-produits et des matières résiduelles dans les

procédés industriels. Implicitement, l’analyse et la définition des concepts portant sur la réorganisation

des activités de la valorisation résiduelle (et donc de la gestion des processus fonctionnels des

entreprises engagées) passent par la compréhension du concept de reconnaissance de l’opportunité.

L’intention de cette thèse n’est certes pas d’analyser le phénomène de création d’entreprises nouvelles

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de valorisation résiduelle. Il apparaît plutôt que la reconnaissance de l’opportunité dans la création

d’initiatives de valorisation résiduelle joue un rôle déterminant dans la réorganisation et la gestion des

activités fonctionnelles de l’utilisation et la transformation des matières résiduelles et des sous-produits

industriels. La reconnaissance de l’opportunité constitue la source d’où jaillit l’orientation de

l’entreprise vers la valorisation résiduelle.

Figure 4. Dimensions et concepts fondamentaux de la recherche

La reconnaissance de l’opportunité est conçue comme un phénomène économique ou encore

comme un processus de créativité de la part des gestionnaires. Selon Kirzner (1973), la reconnaissance

de l’opportunité se traduit par un événement déclenché par des conditions économiques particulières.

Reconnaissance de l’opportunité

Valorisation résiduelle

Utilisation et transformation

Gestion des processus d’affaires

Axe matériel Axe formel

Indice de valorisation Échelle de valorisation Mode de valorisation Intégration de l’écologie et de l’économie

Vocation résiduelle Motivation résiduelle Collaboration et coopération Apprentissage organisationnel

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123

Dans cette logique, la reconnaissance de l’opportunité renvoie à la capacité d’identifier, de reconnaître

ou encore de détecter les occasions d’affaires là où les autres ne voient rien. C’est ce que Kirzner

désigne par l’éveil entrepreneurial (entrepreneurial alertness), qu’il définit d’ailleurs comme suit : « The

ability to notice opportunities that have hitherto been overlooked » (Kirzner, 1979, p. 48).

La reconnaissance de l’opportunité constitue également l’aboutissement d’une démarche

analytique dans laquelle l’entrepreneur joue un rôle déterminant de planification, d’identification et de

mise en pratique des occasions d’affaires trouvées dans son entourage. Ainsi, la reconnaissance de

l’opportunité est un processus d’identification des occasions d’affaires. Dans ce processus,

l’entrepreneur est appelé à bien utiliser et à bien gérer les facteurs contrôlables et incontrôlables qui

caractérisent son entourage. Comme l’ont déjà expliqué Lumpkin, Hills et Shrader (2001), la

reconnaissance de l’opportunité peut se traduire par un processus de créativité dans la mise sur pied de

nouvelles entreprises ou encore dans l’initiation de nouvelles activités de valorisation résiduelle au sein

des entreprises déjà existantes.

Après que le concept de reconnaissance de l’opportunité ait été défini et précisé, les concepts

fondamentaux portant sur les deux axes matériel et formel le seront à leur tour.

4.2.2. La valorisation résiduelle comme utilisation et

transformation ou axe matériel

La deuxième grande dimension du cadre conceptuel se traduit par l’utilisation et la

transformation des sous-produits et des matières résiduelles. L’axe matériel de la valorisation résiduelle

est constitué de différentes étapes liées à l’utilisation et à la transformation des sous-produits et des

matières résiduelles dans les procédés industriels. L’utilisation et la transformation supposent ainsi la

récupération des sous-produits ou matières résiduelles (Allen, 1993); leur réintroduction dans l’un ou

l’autre procédé (Frosch et Gallopoulos, 1989; Ehrenfeld et Gertler, 1997); et l’élaboration des produits

finis ou semi-finis à partir de ces résidus ou sous-produits (Hendrickson et al., 2002). Chacune de ces

actions implique la prise en compte de plusieurs dimensions qui se traduisent par différents concepts :

indice de valorisation, échelles de valorisation, modes de valorisation, et intégration de l’écologie et de

l’économie de l’entreprise.

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124

Indice de valorisation résiduelle

La valorisation résiduelle repose sur la récupération et la transformation des sous-produits et des

matières premières dans les procédés industriels. Elle s’appuie ainsi sur le modèle « intrants,

transformation et sortants ». Ce modèle tient beaucoup compte non seulement de la quantité de

matières utilisées et transformées dans les systèmes de production industrielle ou encore de l’analyse

des flux des matières (Bringezu et Moriguchi, 2002; Van der Voet, 2002; Ibenholt, 2002; Bringezu,

2003), mais aussi de l’efficience de l’utilisation de celles-ci (Schmidheiny et Zorraquin, 1998). Dans la

perspective stratégique de l’amélioration de la productivité avec l’utilisation des sous-produits comme

intrants principaux (Esty et Porter, 1998) et l’adoption des opportunités d’affaires (Tibbs, 1993), il est

intéressant d’analyser le rapport entre le volume des produits élaborés à partir des matières résiduelles

récupérées, introduites dans les procédés, et la quantité initiale de ces matières; ou encore entre le

volume des matières introduites comme intrants de remplacement et la quantité totale des matières

premières conventionnelles. D’où le concept d’indice de valorisation résiduelle. Ce concept est

développé à partir du concept d’éco-efficience et celui de waste ratio ou l’indice de déchet introduit par

l’entreprise américaine 3M Corporation (Richards et Frosch, 1994). À l’instar de ces deux concepts,

l’indice de valorisation permet de mesurer l’efficience de la transformation des sous-produits et des

matières résiduelles introduits et transformés dans les procédés industriels.

L’indice de valorisation résiduelle est entendu comme le rapport entre la quantité reçue ou

introduite de matières résiduelles ou sous-produits et la quantité de produits élaborés à partir de ces

mêmes matières résiduelles ou sous-produits dans les procédés de production sur une période bien

déterminée. La formule suivante montre comment se calcule cet indice :

Indice de valorisation = QIQV

QI = quantité introduite QV = quantité valorisée

L’indice de valorisation pourrait apporter une meilleure compréhension de l’axe matériel de la

valorisation résiduelle. L’hypothèse la plus plausible indique que, dans les conditions favorables de

production industrielle, l’entreprise de valorisation résiduelle a tout intérêt à améliorer son indice de

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valorisation. Si l’indice de valorisation est élevé, ceci laisserait entendre que l’entreprise transforme le

plus de matières résiduelles possible. Ce qui suppose l’efficacité des équipements utilisés et des

procédés mis en place, ou encore l’existence de structures fonctionnelles de récupération et d’échange

des sous-produits ou matières résiduelles transformées. Cet indice pourrait aider aussi à déterminer les

formes que prennent l’utilisation et la transformation des sous-produits dans les procédés productifs.

Ces considérations montrent que l’indice de valorisation pourrait mener à une meilleure

compréhension de la gestion des processus d’affaires ou axe formel de la valorisation résiduelle. Si cet

indice est élevé, c’est-à-dire si l’entreprise transforme le plus de matières résiduelles possibles, ceci

indiquerait que l’entreprise compte sur un système de gestion des compétences clés (Prahalad et

Hamel, 1990) qui permettrait de maintenir ou d’augmenter la valeur de son indice de valorisation. Pour

ce faire, les dirigeants pourraient miser sur les investissements dans la recherche et le développement,

la formation des employés, le benchmarking ou encore le développement de réseaux d’échange

d’information, tel que le montrent Van Berkel, Willems et Lafleur (1997).

Si l’indice de valorisation renvoie à l’efficience de l’utilisation et de la transformation des

matières introduites dans les procédés, l’identification des opportunités suppose la détermination de

l’endroit spécifique de l’utilisation et la transformation de ces mêmes matières sur la ligne de

production (Allen, 2002). D’où le concept d’échelle ou créneau de valorisation résiduelle.

Échelle ou créneau de valorisation résiduelle

L’échelle ou créneau de valorisation se traduit par le segment de la ligne de production où peut

être utilisé ou exploité un type donné de sous-produit ou de matière résiduelle. Van Oss et Pandovani

(2002, 2003) montrent comment l’industrie de la fabrication du ciment offre des opportunités

d’exploiter divers types de sous-produits et de matières résiduelles à des échelles différentes : à l’entrée

comme matières premières alternatives, pendant la transformation sous forme de combustibles de

remplacement et à la sortie du produit fini pour améliorer les propriétés de celui-ci.

La définition du créneau de valorisation résiduelle constitue une étape importante dans le

processus de récupération et de transformation des matières résiduelles. L’information pertinente sur

les matières résiduelles à exploiter, la rentabilité de ces matières, le développement des procédés mis en

place et la quantité de matières à introduire sur une base régulière constituent quelques-uns des

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facteurs déterminants. Afin de compléter le processus d’identification des opportunités, il faut bien

définir le créneau de valorisation. Ce dernier ne pourrait se comprendre sans déterminer la façon dont

les sous-produits ou matières résiduelles seront exploitées. Le concept de créneau conduit donc à celui

de mode de valorisation.

Mode de valorisation résiduelle

Un mode de valorisation résiduelle se traduit par la manière particulière dont se définit

l’utilisation des résidus industriels et des sous-produits sur la chaîne de production dans les unités de

production des entreprises industrielles. Bon nombre d’études analysent les synergies industrielles dans

le cadre des pratiques d’optimisation de l’usage des ressources entre différentes entreprises industrielles

(Gertler, 1995; Boiral et Croteau, 2001b; Bossilkov et Van Berkel, 2004). Bossilkov et Van Berkel

(2004) identifient principalement trois catégories de synergies industrielles dans le cas de la symbiose

de Kwinana : approvisionnement en matières premières et services de base, utilisation des divers sous-

produits et utilisation d’installations en commun. Pour leur part, Boiral et Croteau (2001b) ont identifié

quatre synergies industrielles au Québec en termes de transformation des produits finis ou semi-finis

en matières premières, de transformation de résidus industriels en matières premières, d’utilisation de

déchets industriels dans l’un ou l’autre procédé et de valorisation énergétique.

Si ces symbioses industrielles reposent sur l’idée de complémentarité des entreprises comme

dans le cas de Kalundborg (Ehrenfeld et Gertler, 1997), les modes de valorisation résiduelle reposent

plutôt sur la manière dont l’entreprise comme unité de production crée de la valeur dans sa chaîne de

production à partir des matières rebutées. Cependant, dans les deux cas de symbioses industrielles ou

modes de valorisation résiduelles, ces activités industrielles devraient refléter les deux dimensions

interdépendantes de l’écologie industrielle. D’où le concept d’intégration de l’écologie et de l’économie

de l’entreprise.

Intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise

L’intégration de l’écologie dans les pratiques de fabrication industrielle des entreprises constitue

la raison d’être de l’écologie industrielle (Frosch et Gallopoulos, 1989; Tibbs, 1993; Lifset et Graedel,

2002). Elle constitue également une question fondamentale dans la mesure où elle tente de montrer le

niveau de mise en application des principes d’écologie industrielle et donc de développement durable

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dans l’utilisation et la transformation des sous-produits et des matières résiduelles dans les procédés de

production industrielle. En d’autres termes, l’intégration de l’écologie et de l’économie permet de situer

la question de réduction, d’utilisation et de transformation des matières résiduelles et des sous-produits

(Frosch, 1992 ; Hawken, 1993) par rapport à la réduction des impacts environnementaux entourant la

production industrielle d’une entreprise (Jackson, 2002).

À la suite des postulats des approches analytiques, environnementales et stratégiques, l’intégration

de l’écologie et de l’économie est définie comme la philosophie de l’entreprise qui vise à

l’harmonisation et à l’introduction progressive et systématique des pratiques écologiques dans les

stratégies de production industrielle. L’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise se

traduit ainsi par le processus de construction de l’orientation écologique de l’entreprise (Miles et

Munilla, 1993) ou encore de la vision éco-centrique de celle-ci (Shrivastava, 1995b). Cette orientation

écologique repose sur la capacité de l’entreprise de mettre sur pied des programmes d’action qui

favorisent l’intégration de l’écologie et de l’économie (Labbat, 1991). Ces actions peuvent prendre,

entre autres, les formes suivantes : audits environnementaux, développement d’une politique

environnementale, formation des employés en environnement, développement et utilisation des

indicateurs de performance environnementale, adoption des certifications internationales de gestion

environnementale, programme de réduction de la pollution, création de poste de coordinateur en

environnement (Dorfman et al., 1992; Smart, 1992; Shrivastava, 1996).

Tibbs (1993) suggère que l’intégration de l’écologie dans les stratégies de production industrielle

se traduit par un processus graduel qui comporte huit étapes : la conformité aux normes

environnementales; la mise sur pied des initiatives partielles de recyclage; le développement des outils

de gestion écologique; l’intégration des bouclages des cycles productifs; l’introduction des changements

dans la conception de produits et d’emballage; l’intégration complète des considérations

environnementales dans la gestion des entreprises; le développement des synergies industrielles; et, la

mise sur pied des initiatives d’écologie industrielle.

Dans la vision de l’écologie industrielle, en particulier la valorisation résiduelle telle qu’elle est

conçue dans cette thèse, les entreprises sont appelées à améliorer de façon progressive les liens entre

l’environnement et leurs pratiques de production industrielle (Tibbs, 1993; Lifset et Graedel, 2002;

Jackson, 2002). Dès lors, l’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise constitue une

dimension importante dans la compréhension des choix stratégiques de valorisation résiduelle. Ce qui

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128

se mesure par la performance environnementale des pratiques de valorisation résiduelle, entendue

comme étant les résultats positifs obtenus par l’entreprise dans le temps, lesquels résultats montrent

une progression significative dans l’amélioration des conditions environnementales entourant

l’utilisation et la transformation des matières résiduelles et des sous-produits dans les procédés

industriels. Cette intégration signife que la valorisation résiduelle se traduit par une pratique d’écologie

industrielle.

Le modèle d’analyse des pratiques d’écologie industrielle proposé par Diwekar et Small (2002,

p. 15) est utilisé pour adapter les critères d’évaluation de cette progression dans le cas précis de la

valorisation résiduelle. Ces critères s’articulent, entre autres, autour de l’efficacité énergétique, de

l’optimisation de l’usage de matière et d’énergie par procédé (productivité), de la valorisation de tous

les déchets générés par les procédés de l’usine, de la substitution des matières pour optimiser les

ressources, des coûts d’opération par tonne de matière valorisée, du facteur « perte de matière » et de la

génération des déchets non-valorisables. L’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise est

entendue comme un processus d’amélioration des pratiques de gestion environnementale de la

valorisation.

À la suite de la définition des concepts fondamentaux qui portent sur l’utilisation et la

transformation des sous-produits et des matières résiduelles dans les procédés de production

industrielle, ou « axe matériel », la section suivante va procéder à la définition des concepts qui portent

sur la gestion ou la réorganisation des activités, ou « axe formel ».

4.2.3. La valorisation résiduelle comme réorganisation et gestion

des processus d’affaires ou « axe formel »

La troisième grande dimension du cadre conceptuel se traduit par la valorisation résiduelle

comme étant la gestion des processus d’affaires. L’axe formel de la valorisation résiduelle est composé

d’éléments liés à la planification et à la réorganisation du travail dans le but d’atteindre les objectifs

fixés par les gestionnaires de façon effective et efficiente. Comme utilisation et transformation des

sous-produits dans les procédés industriels, la valorisation résiduelle repose sur des activités

productives et commerciales au sein des entreprises. Ces activités impliquent la prise en compte des

différents aspects internes et externes de la gestion stratégique des entreprises. Bien que ces aspects

s’appuient sur les fonctions classiques de la gestion (planifier, organiser, diriger et contrôler), ils

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prennent des formes différentes en tenant compte de la nature même de la valorisation résiduelle et du

contexte précis dans lequel les entreprises s’engagent dans cette démarche.

Ainsi, l’axe formel de la valorisation résiduelle repose sur les concepts de vocation résiduelle, de

motivation résiduelle, de collaboration et coopération interentreprises, ainsi que d’apprentissage

organisationnel.

Vocation résiduelle

La compréhension de l’axe formel de la valorisation résiduelle commence par la compréhension

de la vocation résiduelle. La définition de la reconnaissance de l’opportunité qui a été retenue en

prenant appui sur Lumpkin, Hills et Shrader (2001) permet de définir la vocation résiduelle dans le

cadre de cette thèse. Il s’agit de la raison d’être d’une entreprise qui s’articule autour de la récupération

et de la transformation des sous-produits en produits finis ou semi-finis destinés à des marchés ciblés.

Cette même définition de la reconnaissance de l’opportunité permet de faire la distinction entre deux

types de vocation résiduelle : la vocation résiduelle primaire (VRP) et la vocation résiduelle secondaire

(VRS).

La valorisation résiduelle primaire représente les activités des entreprises dont la vocation

principale s’inscrit dans la récupération et la transformation des sous-produits industriels et des

matières résiduelles. La valorisation résiduelle secondaire représente les activités des entreprises dont la

valorisation fait partie des activités associées. Cette distinction permettra ainsi de faire des liens entre

ces types de vocation résiduelle et d’autres dimensions de la valorisation résiduelle, en particulier les

structures mises en place, la taille de l’entreprise, l’orientation économique, le type de matières

résiduelles ou de sous-produits transformés et l’importance de la gestion environnementale.

La notion de vocation résiduelle est intrinsèquement liée aux mobiles qui poussent les dirigeants

à opter pour les initiatives de valorisation résiduelle dans des circonstances données. Il apparaît

pertinent d’introduire le concept de motivation résiduelle.

Motivation résiduelle

Les motifs qui expliquent l’adoption et la mise sur pied des initiatives de valorisation résiduelle

comme pratique d’écologie industrielle constituent une dimension importante de la présente recherche.

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D’autres recherches se sont attachées à étudier les motivations qui poussent les dirigeants d’entreprises

à incorporer les considérations environnementales dans leurs pratiques de gestion. La plupart de ces

recherches portent sur des secteurs industriels diversifiés ou encore sur une dimension particulière de

l’incorporation de l’environnement dans la gestion des entreprises. Les résultats de ces études ont

révélé que les considérations économiques ou souci de compétitivité, la légitimation des pratiques ou

image de l’entreprise et la responsabilité écologique et éthique sont parmi les motivations dominantes

(Bansal et Roth, 2000; King et Lenox, 2001 ; Tzschentke, Kirk et Lynch, 2004).

La motivation résiduelle s’entend par les facteurs qui déterminent et expliquent la vocation

résiduelle primaire ou secondaire de l’entreprise industrielle. Il existe peu d’études portant sur les

motivations résiduelles des entreprises. Ayres, Ferrer et Leynseele (1997) ont analysé les facteurs

déterminants dans la mise sur pied des pratiques de récupération des produits en fin de cycle de vie

dans les entreprises manufacturières telles que Rank Xerox, IBM ou encore SEMEA. Dans le cas

précis de ces entreprises, les motivations premières s’articulent autour des bénéfices en termes des

coûts à économiser par l’entreprise. Par exemple, la réduction des coûts d’opération et

d’enfouissement, la valeur à récupérer qui reste encore dans les produits rebutés, l’existence des

structures de récupération fonctionnelles, le coût de la main-d’œuvre, entre autres. Bien que ces

motivations peuvent se résumer comme faisant partie des considérations économiques et

commerciales, l’étude réalisée par Ayres, Ferrer et Leynseele (1997) montre cependant le caractère

spécifique de ces mêmes motivations économique pour un secteur industriel bien précis.

Les considérations d’ordre économique et commercial sur lesquelles reposent les motivations

résiduelles montrent que les dirigeants d’entreprises de valorisation résiduelle cherchent à tout prix à

maximiser les opportunités d’affaires découvertes par l’amélioration de l’indice de valorisation ou

encore par le changement de mode de valorisation. Ce qui ne saurait se faire sans collaboration, sans

coopération ou sans échange des sous-produits.

Collaboration, coopération et réseaux d’échange des sous-produits

La mise sur pied des initiatives de récupération et de transformation des sous-produits et des

matières résiduelles tient beaucoup compte de la dimension « échange de résidus entre les entreprises ».

Les différentes approches d’optimisation de l’usage des ressources, en particulier les approches

stratégiques, partent du postulat selon lequel il est possible d’utiliser des sous-produits et des matières

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résiduelles rebutées dans les procédés de fabrication industrielle (Keckler et Allen, 1999 ; Allen, 2002).

Les approches environnementales voient dans cet échange de sous-produits et de matières résiduelles

un moyen de réduire les impacts des activités industrielles sur l’environnement (Hawken, 1993).

La distinction faite par Boiral et Jolly (1997) entre l’alliance interentreprises et la collaboration

interorganisationnelle est ici retenue. En effet, selon ces deux auteurs, dans une alliance

interentreprises, les partenaires cherchent d’abord et avant tout le bénéfice économique tandis que

dans la collaboration interorganisationnelle, les partenaires sont beaucoup plus nombreux et cherchent

« à trouver des solutions à des enjeux qui dépassent les intérêts particuliers de chaque partie prenante »

(Boiral et Jolly, 1997, p. 66).

À la suite de la définition de symbiose industrielle proposée par Chertow (2000) et Fichtner,

Tietze-Stöckinger et Rentz (2004), le réseau d’échange des sous-produits et des matières résiduelles est

entendu comme étant un groupe d’entreprises et d’organismes engagés dans la collaboration qui

favorise l’utilisation et la transformation des résidus industriels dans les procédés de production.

Fichtner, Tietze-Stöckinger et Rentz (2004) ont identifié deux types de réseaux d’échange : le réseau

des fournisseurs industriels et le réseau des récupérateurs. Il serait pertinent de penser par ailleurs que

les échanges des sous-produits industriels entre entreprises ne reposent pas seulement sur les actions

des générateurs et des utilisateurs des matières, mais sur un ensemble d’intervenants, d’organismes et

de structures. Les structures des réseaux d’échanges des sous-produits peuvent être, à l’échelle externe,

des organisations professionnelles déjà établies, des cercles de gestionnaires d’une même région ou

d’un même secteur industriel, des chambres de commerce de divers paliers, des comités de citoyens,

des regroupements d’entreprises certifiées ISO 9000 ou ISO 1400, etc. À l’échelle interne, elles

peuvent prendre la forme de cercles d’optimisation des ressources (à l’instar des cercles de qualité), de

groupes de formation, de départements d’optimisation des ressources et de l’énergie, etc.

Les concepts de collaboration, de coopération ou d’échange qui viennent d’être introduits

montrent que le développement de réseaux d’échange des sous-produits fait partie du processus

d’apprentissage organisationnel de nouvelles formes d’utilisation et de transformation des sous-

produits et des matières résiduelles.

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132

Apprentissage organisationnel

Christensen et Peterson (1990) soutiennent que non seulement la recherche des solutions à des

problèmes spécifiques ou sociaux conduit à la reconnaissance des opportunités, mais surtout les

connaissances des techniques et des marchés constituent des conditions sine qua non de la découverte

des occasions d’affaires. Ce qui implique la pertinence de l’apprentissage dans le processus de

construction et de mise en pratique des opportunités découvertes. La stratégie formulée pour

récupérer et valoriser les déchets industriels se réalise par l’apprentissage de nouvelles façons de faire,

de nouvelles techniques de traitement des déchets. La valorisation résiduelle s’apparente à une création

artistique ex nihilo.

En ce sens, selon Fiol et Lyles (1985), l’apprentissage organisationnel se définit comme étant le

processus d’acquisition progressive de connaissances relatives aux techniques de réception, d’utilisation

et de conversion des sous-produits et des matières résiduelles. Comme dans tout processus

d’apprentissage, la valorisation résiduelle se centre sur le développement des compétences

organisationnelles, sur la production de la connaissance et sur l’apprentissage de cette connaissance par

les individus.

D’une part, la valorisation industrielle s’inscrit dans le cadre du changement dans l’entreprise et,

d’autre part, elle concerne le développement des produits dans des contextes incertains et complexes.

La valorisation privilégie en particulier les notions de compétences clés de l’entreprise (Prahalad et

Hamel, 1990), d’avantages concurrentiels (Edmondson et Moingeon, 1996), d’innovations

technologiques (Drejer, 2002), de détection d’erreurs et d’apprentissage dans l’action (Argyris et Schön,

1978), d’ajustements continuels (March, 1991) et d’entreprise apprenante (Pedler, Burgoyne et Boydell,

1991). La valorisation industrielle repose sur des actions d’entreprises apprenantes qui savent marier

l’écologie et l’économie par l’introduction de changements à des niveaux divers (individuel, groupal et

organisationnel) en tenant compte des contextes concurrentiels.

Avant de présenter l’approche méthodologique de recherche adoptée pour analyser les pratiques

de valorisation résiduelle dans douze entreprises industrielles canadiennes, un rappel sur le cadre

théorique de la thèse qui vient d’être présenté s’impose ici. La présente thèse prend appui sur la

synthèse des courants analytiques, environnementaux et stratégiques de l’optimisation de l’usage des

ressources dans les procédés de production industrielle. La valorisation résiduelle comme pratique

d’écologie industrielle tire son origine de la reconnaissance de l’opportunité ou du potentiel

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133

économique que représentent l’utilisation et la transformation des résidus comme matières premières

dans les procédés de production industrielle.

Entendue comme la source des opportunités d’affaires que représente l’utilisation et la

transformation sécuritaire des divers sous-produits et des diverses matières résiduelles en produits ou

matières à valeur ajoutée pour lesquels il existe une demande, la valorisation résiduelle repose sur deux

éléments principaux : l’utilisation et la transformation (axe matériel) et la gestion des processus

d’affaires (axe formel). À partir de ces concepts de base, la recherche est fondée sur d’autres concepts

qui permettent de mieux analyser l’objet de l’étude. Ces concepts reposent sur les notions d’indice de

valorisation, d’échelle de valorisation, de mode de valorisation, d’intégration de l’écologie et de

l’économie, de vocation résiduelle, de motivation résiduelle, de collaboration, de coopération et de

réseaux d’échanges et apprentissage.

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DEUXIÈME PARTIE

FONDEMENTS MÉTHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE

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135

Comme déjà indiqué dans l’introduction, la présente recherche porte sur l’analyse de la

valorisation résiduelle comme pratique d’écologie industrielle. Confronté aux approches techniques et

scientifiques, environnementales et stratégiques, le raisonnement présenté opte pour la synthèse de ces

approches, ce qui justifie la perspective managériale que la présente recherche tente d’adopter. Comme

les chapitres précédents ont tenté de le montrer, le phénomène de valorisation résiduelle est encore

peu étudié, du moins en ce qui a trait aux implications pour la gestion des entreprises industrielles.

Pourtant, celles-ci sont appelées à mettre en application les principes de l’écologie industrielle. Ce qui

semble être un paradoxe. Dans l’état actuel des choses, les approches techniques dominent amplement

les recherches dans le domaine de l’écologie industrielle. Le tour d’horizon de ces questions a permis

de présenter une analyse critique de la littérature dans le domaine de l’écologie industrielle et de retenir

les éléments clés qui permettront de construire le modèle d’analyse de cette recherche.

Le bagage conceptuel et théorique sur l’écologie industrielle issu de la revue de la littérature

permet d’aller sur le terrain pour interroger ceux qui savent et vivent la valorisation résiduelle. À l’instar

des entreprises qui travaillent dans la valorisation résiduelle, le parcours de la présente thèse ne s’inscrit

pas dans une démarche linéaire qui tente de découvrir un objet totalement constitué à l’avance. Cette

démarche est plutôt holistique. Ce modèle qualitatif d’analyse constitue en effet une façon de

construire la connaissance à partir des données empiriques. Ainsi, après avoir défini le cadre

conceptuel, c’est-à-dire l’approche managériale, comme cadre approprié d’analyse des pratiques de

valorisation dans les entreprises industrielles, il ne reste qu’à présenter et à déterminer la démarche

méthodologique de l’étude. C’est ce que tente de faire le prochain chapitre.

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136

CHAPITRE 5

LA MÉTHODOLOGIE ET LES TECHNIQUES DE

RECHERCHE

Le présent chapitre tentera de présenter en détail la démarche méthodologique suivie pour

mener à bien cette recherche portant sur la valorisation résiduelle. Cette démarche traduit la façon

particulière dont l’objet d’étude de la recherche est approché et cerné. Le chapitre se compose de trois

sections. La première section s’attachera à présenter les stratégies et les techniques de recherche.

L’approche méthodologique adoptée est celle d’une étude qualitative et empirique. La deuxième

section présentera en détail la démarche suivie pour la collecte des données. Enfin, la troisième section

présentera la façon dont les données recueillies ont été organisées et analysées. La figure 5 schématise

la démarche de la recherche en prenant appui sur Maxwell (1999).

5.1. L’approche méthodologique

L’approche méthodologique de la présente recherche sur la valorisation résiduelle repose

essentiellement sur les postulats de recherche qualitative et empirique (Yin, 1989; Strauss et Corbin,

1990; Creswell, 1994; Maxwell, 1999).

D’abord, l’importance est accordée à la signification et au sens que les participants donnent à

leurs expériences et à la structure de leur monde (entreprise, unité de travail, etc.); ensuite, le caractère

exploratoire de la recherche implique une démarche descriptive; enfin, elle est inductive dans le sens où

elle se base sur la construction de concepts, d’hypothèses et de théories à partir des détails pertinents

fournis par les participants tout au long de la recherche :

By the term qualitative research we mean any kind of research that produces findings not by means of statistical procedures or other means of quantification. It can refer to research about persons’ lives, stories, behavior, but also about organizational functioning, social movements, or interactional relationships (Strauss et Corbin, 1990, p. 17).

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Figure 5. Schématisation de la recherche sur la valorisation résiduelle

Ainsi, les réalités partagées et tenues pour pertinentes dans la conduite des recherches

qualitatives se reflètent dans tous les aspects de cette étude. Les questions traitées, telles que présentées

ci-dessus, se résument de la manière suivante : l’analyse des modes de fonctionnement de la

valorisation des sous-produits industriels dans douze entreprises canadiennes dans une approche

Objectifs

Analyser les mécanismes de la valorisation résiduelle Comprendre le fonctionnement de la valorisation Analyser les implications pour la gestion des entreprises

Cadre conceptuel

Littérature sur l’écologie industrielle Contributions portant sur la récupération des sous-produits Concepts portant sur la gestion des entreprises

Méthodologie

Entretiens semi-directifs Documents des entreprises Visites d’usines Transcription des verbatims Construction des catégories Étude de cas

Validité

Triangulation des sources, comparaison des données Re-visitation des concepts portant sur la récupération des sous-produits

Questions de recherche

Quels sont les processus de gestion sous-jacents à la valorisation résiduelle? Quelles sont les difficultés managériales de la valorisation résiduelle?

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inductive et empirique visant à mieux comprendre les expériences de ces entreprises, et l’exploration

des difficultés de cette mise en œuvre pour l’ensemble du système de gestion de ces mêmes

entreprises.

Trois éléments en particulier permettent d’orienter l’étude de cas comme stratégie de ce projet de

recherche.

D’abord, la dimension temporelle et la nature même de la valorisation des sous-produits

industriels dans les procédés de production : en effet, comme bon nombre de chercheurs l’ont fait

remarquer, la valorisation résiduelle constitue un phénomène contemporain qui a émergé (ou

réapparu) dans les années 1980 et qui suscite l’intérêt des dirigeants industriels et politiques (Graedel et

Allenby, 1995; Erkman, 1998; Allenby, 1999a). Ensuite, la nature des questions que ce projet de

recherche se propose d’analyser : ces questions tentent d’éclairer la façon dont les dirigeants

d’entreprises planifient, mettent en œuvre, dirigent, gèrent et contrôlent les activités liées à la

valorisation résiduelle. Ce qui revient à dire que ces mêmes questions s’orientent plus vers les

« Quoi? », « Comment? » et « Pourquoi ?». Enfin, les formes de collecte d’information : étant donné la

nature de l’objet de la présente recherche, plusieurs sources d’information peuvent être envisagées

pour la collecte de données. En mettant ces trois éléments ensemble, il appert que la méthode d’étude

de cas constitue la démarche la plus appropriée pour analyser les différentes dimensions des pratiques

de valorisation des sous-produits industriels.

Les trois éléments qui viennent d’être présentés s’inscrivent bien dans la conception de l’étude de

cas selon plusieurs chercheurs. Creswell (1998), par exemple, en prenant appui sur Stake (1994) et

Merriam (1988), met en relief la variété des sources d’information qui permet une analyse approfondie

d’une situation donnée dans le temps et dans l’espace :

[…] an exploration of a bounded system (bounded by time and place) or a case (or multiple cases) over time through detailed, in-depth data collection involving multiple sources of information rich in context (Creswell, 1998, p. 61).

Yin (1989), quant à lui, privilégie la dimension empirique et phénoménale de la recherche, en

plus de cette variété de sources d’information :

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139

A case study is an empirical inquiry that investigates a contemporary phenomenon within its real-life context; when the boundaries between phenomena and context are not clearly evident; and in which multiple sources of evidence are used (Yin, 1989, p. 23)

Dans le but de mieux explorer les nouvelles idées qui commencent à émerger, la thèse a eu

recours à la grounded theory. Cette démarche repose sur la catégorisation et le regroupement des données

qualitatives en vue de faciliter l’interprétation des résultats relatifs à un thème déterminé (Glaser et

Strauss, 1967; Strauss et Corbin, 1990) :

A grounded theory is one that is derived from the study of the phenomenon it represents. That is, it is discovered, developed, and provisionally verified through systematic data collection and analysis of data pertaining to that phenomenon. Therefore, data collection, analysis, and theory stand in reciprocal relationship with each other. One does not begin with a theory, then prove it. Rather, one begins with an area of study and what is relevant to that area is allowed to emerge (Strauss et Corbin, 1990, p. 23)

En fait, l’approche de recherche privilégiée est en quelque sorte une combinaison de l’étude de

cas et de la grounded theory. L’objectif primordial n’est pas de développer une théorie à partir des

données recueillies sur le terrain comme le fait la grounded theory. Cette méthode vient plutôt appuyer la

démarche entreprise dans l’étude de cas, en particulier en ce qui a trait au regroupement des thèmes

(catégories). Plusieurs auteurs reconnaissent l’enrichissement que représente la combinaison des

éléments méthodologiques puisés d’approches diverses (Creswell, 1994). C’est de cette façon que la

thèse a analysé le phénomène de valorisation résiduelle. Comme le soutient Silverman (1993), le plus

important est que la méthodologie choisie soit utile pour les fins recherchées :

A methodology is a general approach to studying a research topic. It establishes how one will go about studying any phenomenon. Like theories, methodologies cannot be true or false, only more or less useful (Silverman, 1993, p. 2)

Dans la démarche d’analyse qualitative accomplie dans le cadre de cette étude, plusieurs

dimensions associées à la mise en œuvre de la valorisation résiduelle sont prises en compte, en

particulier les activités de chaque entreprise, le contexte opératoire, les motivations et les niveaux

d’intégration des pratiques de valorisation des matières résiduelles, les types de synergie industrielle, les

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140

performances commerciales et environnementales, les difficultés rencontrées dans la gestion

quotidienne des ressources humaines, la gestion des opérations, les ventes et l’environnement.

5.2. La collecte d’information

La collecte de données a reposé, en grande partie, sur des entretiens individuels avec des

responsables de « départements » liés à l’environnement, aux opérations, à la production et aux ventes

dans des entreprises industrielles canadiennes qui appliquent certains principes de la valorisation

résiduelle. Dans bon nombre d’entreprises étudiées, les responsables comptent parmi les gestionnaires

qui connaissent à fond le dossier « écologie industrielle » et qui y travaillent depuis au moins cinq ans.

En effet, ils ont, pour la plupart, participé à la planification du projet de départ et ils s’occupent de sa

gestion quotidienne.

Au total, soixante entretiens ont été réalisés auprès de gestionnaires qui travaillent dans 12

entreprises industrielles canadiennes différentes, auprès de fonctionnaires du ministère de

l’Environnement du Québec et des entreprises du conditionnement des sous-produits. Comme la

méthode de cas utilisée pour mener cette recherche n’obéit pas à une logique d’échantillonnage et de

représentativité de la population (Yin, 1989), dans chaque entreprise concernée, un nombre limité de

participants a été rencontré. Ce nombre a varié de deux à huit. Cette variation dépend de plusieurs

facteurs tels que la taille de l’entreprise, la disponibilité des gestionnaires, la nature et la quantité

d’information pouvant être collectée. La nature et la quantité d’information dépendent de l’instrument

utilisé.

Quatre entretiens ont été réalisés en dehors des entreprises étudiées : un entretien avec un

fonctionnaire du ministère de l’Environnement du Québec et trois autres avec des gestionnaires

d’entreprises (Boulay et Services, Matrek Incorporés) dont les activités s’inscrivent dans le cadre du

pré-conditionnement de matières granulaires et d’huiles usées. Ces entretiens ont porté essentiellement

sur la nature des activités de valorisation résiduelle, sur les difficultés rencontrées ainsi que sur les

obstacles et difficultés au développement de la valorisation résiduelle au Canada. Avec ces quatre

entretiens additionnels, le nombre total des entretiens réalisés dans le cadre de la présente étude s’élève

à soixante. Une fois encore, prenant appui sur Yin (1989), ce n’est pas le nombre qui compte, mais

plutôt la qualité et la profondeur des données empiriques collectées.

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Comme technique complémentaire, la collecte des données a reposé sur des visites d’usines et

sur des documents internes d’entreprises. Les visites d’usines, qui se sont déroulées après les entretiens,

ont permis de faire des observations directes et de corroborer certaines informations transmises lors

des entretiens individuels.

Il apparaît pertinent de souligner que la présente étude a été menée dans le strict respect de

l’éthique de la recherche. L’étude n’a pas porté sur des sujets humains. Les engagements (par échange

de messages électroniques ou encore conversations téléphoniques) ont été pris avec les entreprises et

les participants à l’étude pour utiliser les données recueillies uniquement à des fins de recherche, garder

l’anonymat des participants à l’étude, et, respecter l’opinion exprimée par chacun lors de l’analyse et

l’interprétation générales des résultats. Les participants avaient la pleine liberté de répondre ou pas à

l’une ou l’autre question qui leur était posée.

5.3. Les entreprises étudiées

Avant de présenter l’analyse et l’interprétation des résultats de cette étude qualitative et

empirique, la présente section aborde la question des entreprises qui ont fait l’objet de l’étude. Pour se

faire, elle s’articule autour des trois points suivants : les critères de choix des entreprises étudiées, la

présentation de cas et la présentation du questionnaire de recherche.

5.3.1. Les critères de choix des entreprises étudiées

Afin de délimiter les paramètres de l’étude, le choix des entreprises industrielles à étudier a

reposé sur quatre critères : les pratiques de valorisation résiduelle, l’accessibilité de l’entreprise, la

disponibilité des gestionnaires et la proximité géographique.

Le premier critère sur lequel a reposé le choix des entreprises est la mise en œuvre des pratiques

de valorisation des matières résiduelles et des sous-produits industriels. Bon nombre d’entreprises

industrielles au Canada travaillent dans le domaine de l’écologie industrielle en mettant sur pied des

pratiques environnementales ou encore écologiques diverses telles que l’évaluation des impacts

environnementaux, la réhabilitation et la décontamination des sites, la mise en marche des programmes

de réduction et de prévention de la pollution ou encore l’adoption et l’implantation des normes

environnementales. Toutes ces pratiques reposent dans une large mesure sur les principes de

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développement durable en particulier l’écologie industrielle. Dans le cadre de la présente recherche, le

choix a porté uniquement sur les entreprises industrielles dont les activités s’inscrivent entièrement ou

partiellement dans le cadre de l’utilisation et la transformation des sous-produits et des matières

résiduelles dans les procédés industriels.

Le deuxième critère sur lequel a reposé le choix des cas à étudier est l’accessibilité de l’entreprise.

Comme dans le cas des initiatives de l’écologie industrielle mentionnées plus haut, plusieurs entreprises

mettent en œuvre les pratiques de valorisation résiduelle. Malheureusement et pour des raisons

diverses, toutes ne sont pas accessibles. Ce critère complète donc le premier. Par exemple, trois

entreprises contactées ont refusé de participer à l’étude en invoquant des raisons de restructuration de

leurs activités et de manque de temps.

Le troisième critère de choix a reposé sur la disponibilité des gestionnaires. Il était essentiel de

rencontrer des gestionnaires qui connaissent bien le dossier « écologie industrielle » en particulier la

valorisation résiduelle des activités de leurs entreprises respectives et qui y travaillent depuis au moins

cinq ans. Ainsi, non seulement l’entreprise doit-elle ouvrir ses portes, mais les gestionnaires ciblés se

doivent également d’être disponibles. Deux entreprises de valorisation résiduelle qui avaient déjà

accepté de participer à l’étude ont dû être abandonnées. En effet, les gestionnaires de ces entreprises

renvoyaient chaque fois à plus tard le début des entretiens.

Le quatrième et dernier critère est la proximité géographique. Compte tenu du budget

disponible, le périmètre géographique de l’étude a dû éetre délimité. Des entreprises situées en

Colombie-Britannique ou en Alberta n’ont pas pu être prises en considération, même si celles-ci

étaient accessibles et leurs gestionnaires prêts à accorder des entretiens.

5.3.2. La présentation des cas étudiés

Les douze entreprises industrielles canadiennes étudiées mettent en œuvre les pratiques de

valorisation des matières rebutées et de sous-produits appartenant à sept groupes différents : les pneus

hors d’usage, les scories des aciéries et les résidus miniers, les cimenteries, les batteries au plomb-acide,

les sous-produits animaliers, les résidus provenant des entreprises de pâtes et papiers et les produits

chimiques. Les sous-sections suivantes tenteront de décrire brièvement ces douze entreprises en les

groupant selon les secteurs d’activités. Cette description a pour but principal de partager avec le lecteur

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les caractéristiques essentielles de chaque cas analysé. En ce sens, la description porte sur les activités

industrielles, la structure organisationnelle et le nombre d’entretiens réalisés. Le tableau 8 résume les

douze entreprises et l’essentiel de leurs activités de valorisation résiduelle.

Tableau 9. Résumé des cas étudiés

Secteur industriel Nombre d’employés (E)

et entretiens réalisés (ER)

Activité principale Chiffre d’affaires en $ CAD

CAS 1 (ANIMAT) E: 40

ER: 4

Fabrique des tapis industriels pour les stalles d’animaux depuis 1983.

15 M

CAS 2 (ROYAL-MAT)

E: 117 ER: 6

Fabrique des tapis insonorisants, des tapis protecteurs pour les commerces et les industries, des garde-boue et de petits pneus à partir de la poudrette et des résidus de meulage depuis 1983.

35 M

CAS 3 (BITUMAR)

E: 115 ER: 4

Produit de l’asphalte liquide destiné aux industries du pavage des routes et de recouvrement des toitures.

50 M

Pneus hors d’usage

CAS 4 (SCOPCAT)

E: 25 ER: 3

Produit de la granule et de la poudrette depuis 1996.

5 M

CAS 5 (RECMIX) E: 30 ER: 2

Revalorise les scories d’acier inoxydable et les stériles de minerai de fer depuis 1985.

50 M

Scories des aciéries et résidus

miniers

CAS 6 (MAGNOLA) E: 360 ER: 8

Récupérait du magnésium à partir des résidus de la serpentine de 2000 à 2003.

N/A

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144

CAS 7 (LAFARGE) E: 388 ER: 6

Utilise une trentaine de résidus et de combustibles de substitution pour la fabrication d’environ 1 million de tonnes de ciment et de béton par année depuis 1998.

400 M

Cimenteries

CAS 8 (CIMENT SAINT-LAURENT) E: 200 ER: 4

Utilise plus de 80 types de résidus et de matières premières dérivées pour la production d’environ 1 million de tonnes de ciment et de béton par année depuis 1991.

390 M

Batteries au plomb-acide

CAS 9 (NOVA Pb) E: 140 ER: 7

Recycle les batteries d'automobiles et les résidus dangereux tels que les filtres à huile, les huiles usagées, les polymères et le carbonate de sodium depuis 1984.

50 M

Sous-produits

animaliers

CAS 10 (ROTHSAY-LAURENCO) E: 60 ER: 2

Recycle les huiles et les graisses de cuisson, et produit un carburant à base de déchets animaliers recyclables depuis 1966.

5 M

Pâtes et papiers

CAS 11 (PAPIERS STADACONA) E: 1000 ER: 6

Revalorise les boues de désencrage depuis 1990.

50 M

Produits

chimiques

CAS 12 (KRONOS) E: 388 ER: 4

Revalorise de l’acide sulfurique et récupère également de son procédé de fabrication de TiO2 le CO2 liquide qui en est dégagé.

35 M

Entretiens en dehors des cas

analysés

4

TOTAL

60 ENTRETIENS

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Pneus hors d’usage

Dans le cadre de cette thèse, la définition de « pneus hors d’usage » proposée par Recyc-Québec

a été retenue.

Il s’agit de pneus endommagés qui ne peuvent plus être réutilisés ou rechapés, ou de pneus comportant des défauts de fabrication. Les pneus hors d’usage peuvent être recyclés en produits finis caoutchoutés (tapis de dynamitage ou d’étable, asphalte caoutchouté, etc.) ou en d’autres sous-produits (noir de carbone, huiles, etc.). Ils peuvent également être dirigés vers la valorisation énergétique (cimenteries, centrales d’énergie, etc.). Il importe de faire la distinction entre un pneu hors d’usage et un pneu usé, ce dernier pouvant encore être réutilisé ou rechapé (Recyc-Québec)

Dans ce groupe, quatre entreprises ont été étudiées.

Cas 1 : Animat

Située à Saint-Élie-d’Orford, près de Sherbrooke, Animat compte sur une force de 40 employés. En

opération depuis 1983, cette entreprise fabrique des tapis industriels pour stalles d’animaux. La

structure organisationnelle de cette entreprise comprend trois grandes divisions : la gestion des ventes,

l’administration et la gestion de l’usine ou la production chargée des opérations de déchiquetage des

pneus et de la production des tapis industriels. La production annuelle est évaluée à 250 000 tapis

industriels ou 45 000 tonnes de tapis. Pour ce faire, Animat, entreprise inscrite dans le programme

gouvernemental de Recyc-Québec, traite environ 2 000 pneus de camions par jour. Avec un chiffre

d’affaires de 15 millions de dollars en 2003, Animat vend l’essentiel de sa production au Canada et au

Japon où l’entreprise vient de trouver un distributeur de produits agricoles. Animat ne compte pas de

certification internationale de la série ISO 9000 ou 14000, ni de politique environnementale. La

structure de l’entreprise ne compte pas non plus de poste directement lié à la fonction

« environnement ». Quatre entretiens ont été réalisés dans l’usine d’Animat de Saint-Élie-d’Orford. Le

contact principal s’est fait par le directeur général de l’usine.

Cas 2 : Royal-Mat

L’usine de Royal-Mat est située à Beauceville, au Québec. Avec ses 117 employés, Royal-Mat fabrique

une variété de produits à base de caoutchouc recyclé. Depuis ses débuts artisanaux en 1983,

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l’entreprise Royal-Mat s’est sans doute taillée une réputation industrielle grâce à l’ingéniosité de ses

fondateurs et à l’implication de ses employés. La structure organisationnelle de Royal-Mat comprend

les départements suivants : administration, production, ventes, recherche et développement et

comptabilité. La production est évaluée à 45 000 livres de caoutchouc, à 15 000 livres d’acier et à 5 000

livres de nylon par jour. Royal-Mat reçoit de Recyc-Québec 3,6 millions de pneus par année. Avec un

chiffre d’affaires de 35 millions de dollars, l’entreprise distribue ses produits au Canada principalement.

Aucun poste n’est lié directement à la fonction « environnement », et l’entreprise ne compte pas non

plus de certification internationale de type ISO 9000 ou 14000. Bien que la nature des activités de

l’entreprise requière un certificat d’opération livré par le ministère de l’Environnement, Royal-Mat n’a

pas de politique environnementale qui oriente ses actions. Six entretiens ont été réalisés dans l’usine de

Royal-Mat de Beauceville. Le contact avec cette entreprise s’est fait par le biais de son directeur

général.

Cas 3 : Bitumar

En opération depuis 1977, Bitumar s’est spécialisée dans la fabrication du bitume de polymère et

de caoutchouc ou d’asphalte liquide destiné aux industries de pavage des routes et du recouvrement

des toitures. Comptant sur une seule usine à Montréal à ses débuts, la croissance de l’entreprise et la

demande pour ses produits ont fait que l’entreprise s’est installée à Baltimore (Maryland) et une

troisième usine est en construction à Hamilton (Ontario). Aujourd’hui, Bitumar emploie 114

personnes, dont 85 à Montréal et 29 à Baltimore. Bitumar est une entreprise fortement spécialisée qui

compte parmi ses employés des professionnels tels des ingénieurs chimistes, des ingénieurs de

procédés, des ingénieurs mécaniques, des chimistes, des opérateurs, des techniciens d’usine en plus des

administrateurs de la compagnie.

C’est au début des années 1990 que Bitumar se lance dans la valorisation industrielle en

développant un procédé innovateur de production de bitume à partir de caoutchouc recyclé et de

pneus hors d’usage dans une proportion de 5, 10 et 15 %. La structure organisationnelle compte,

comme fonctions, les finances, les ventes, l’administration, les opérations et la technologie (recherche

et développement). Le dossier « environnement » est confié à un ingénieur qui y travaille à temps

partiel. Bien que l’entreprise n’ait pas encore développé de politique environnementale clairement

définie, cette personne s’assure du respect des normes et elle joue le rôle de liaison entre l’entreprise et

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les instances gouvernementales dans la résolution des questions environnementales. La production de

l’entreprise est estimée à 300 000 tonnes de bitume par année et un chiffre d’affaires de 100 millions de

dollars (80 millions à Montréal et 20 millions à Baltimore). L’entreprise est détentrice de deux brevets

pour le procédé de fabrication de bitume à partir du caoutchouc recyclé. En outre, l’usine de Montréal

est certifiée ISO 9001 depuis 1997 et elle est sur le point d’obtenir la certification ISO 14001. Au total,

quatre entretiens ont été réalisés dans cette entreprise. Le contact principal avec Bitumar s’est fait à

partir de son vice-président à la recherche et au développement.

Cas 4 : Scopcat (1996)

La Société coopérative des travailleurs du caoutchouc (Scopcat) a été formée en 1996. Les

fondateurs, habitués de l’industrie du recyclage, travaillaient tous pour le compte d’une entreprise de

recyclage de caoutchouc depuis 1991. Profitant de la faillite de cette dernière en 1996, du nouveau

créneau des produits fabriqués en caoutchouc recyclé et surtout du fait que le gouvernement du

Québec octroyait, à travers Recyc-Québec, des subventions pour les entreprises qui voulaient se lancer

dans la valorisation des matières résiduelles, vingt-cinq ex-employés se réunissaient pour créer Scopcat

(1996). Avec vingt-cinq travailleurs, cette entreprise se spécialise dans la conversion des pneus hors

d’usage en granule et en poudrette.

Ces granules de caoutchouc servent de matière première pour la fabrication de divers produits

en caoutchouc. Les entreprises clientes de Scopcat (1996) utilisent directement les granules dans leurs

procédés ou les transforment davantage pour en faire d’autres produits. Scopcat (1996) détient donc

une position clé de fournisseur de granules et de poudrette auprès des entreprises qui utilisent le

caoutchouc recyclé comme matière première.

Comme toute petite entreprise, Scopcat (1996) possède une structure simplifiée : un directeur

général, responsable de toutes les opérations (réception des matières premières, production,

commercialisation, finances) aidé par un assistant à la direction et un comptable. Dans son usine située

à Laval (Québec), Scopcat (1996) déchiquette 10 000 tonnes de pneus par année. De cette quantité,

60 % est converti en granules et en poudrette. Les 40 % restant sont constitués de résidus de métal

dont l’entreprise dispose. Cela représente environ 3 000 tonnes par année. Le chiffre d’affaires est de 5

millions de dollars. L’entreprise n’a pas de politique environnementale ni de certification internationale.

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Au total, trois entretiens ont été réalisés dans cette entreprise. Le contact principal s’est fait par

l’entremise de son directeur général.

Scories des aciéries et résidus miniers

Ces sous-produits sont connus sous le nom de « résidus inorganiques industriels ». Selon Recyc-

Québec, ce sont des matières résiduelles dont les industries se servent généralement dans leurs

procédés de fabrication et qu’elles doivent éliminer suite à une certaine forme de contamination. On

retrouve dans cette catégorie des produits tels que l’alumine, le carbonate de sodium, la poussière de

cimenterie et de perlite, les résidus des fonderies, etc. Dans ce groupe, deux entreprises seront étudiées.

Cas 5 : Recmix

Le centre des opérations de l’entreprise Recmix est basé à Sorel-Tracy, au Québec. En

opération depuis 1985, cette entreprise de l’industrie métallurgique est spécialisée dans la valorisation à

100 % des scories d’acier inoxydable (la seule en Amérique) et dans la récupération du métal des laitiers

et des scories. L’entreprise est membre de la multinationale Trocan qui a son siège social au 1200,

route des Aciéries à Contrecœur. Recmix possède des divisions au Canada, au Brésil et en Afrique du

Sud. Au Québec, il y a deux filiales de Trocan : Melri et Recmix. Melri se spécialise dans le service

direct aux aciéries tandis que Recmix a pour créneau la valorisation et la commercialisation.

Comptant sur une force de 30 employés, Recmix possède une structure assez simple : un

directeur général, un ingénieur en recherche et deux techniciens. Cette petite entreprise partage avec

Melri, la compagnie affiliée, quelques fonctions, par exemple les finances et l’environnement. Le même

ingénieur chargé du dossier « environnement » remplit cette fonction pour les deux entreprises sœurs.

Bien que l’entreprise possède ce poste en environnement, elle n’a cependant pas de politique

environnementale. Par contre, Recmix a signé, avec le ministère de l’Environnement, un protocole

innovateur à l’égard de la valorisation des scories et des stériles miniers. Aujourd’hui, ce protocole sert

de base aux ententes de valorisation qui sont négociées dans l’industrie métallurgique au Québec.

La compagnie traite environ 60 000 tonnes de scories d’acier inoxydable. Le produit

métallique récupéré correspond aux normes de l’industrie et il contient moins de 2,5 % de scories. Il

est vendu directement pour la production des aciers alliés spéciaux. De ces 60 000 tonnes de scories

par année, le taux de récupération varie selon le fournisseur. Avec un taux allant de 2 % à 8 %, la

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production est d’environ 4 800 tonnes d’acier inoxydable par année. Le produit résiduel est

commercialisé comme agrégat pierreux pour la construction des routes, des pavements, des remblais

routiers ainsi que pour la fabrication du béton. Le chiffre d’affaires atteint les 50 millions de dollars.

Recmix n’a pas de certification internationale de type ISO. Au total, trois entretiens ont été réalisés

dans cette entreprise. Le contact principal s’est fait par le biais du directeur général.

Cas 6 : Magnola

Construite juste à côté des résidus miniers entreposés par la mine JM Asbestos à Danville

(Québec), Métallurgie Magnola représente l’une des usines les plus modernes de l’industrie

métallurgique au Canada. Depuis 2000, cette filiale de la grande multinationale Noranda est spécialisée

dans la production du magnésium pur et de ses alliages (à partir des résidus de la serpentine), destinés

particulièrement aux industries de l’aluminium et des pièces moulées pour les automobiles. Le procédé

consiste à lixivier la serpentine à l’aide de l’acide chlorhydrique (HCl) pour sortir le magnésium de la

pierre. Le magnésium en solution est par la suite séché pour l’obtenir sous forme de sel. Et à partir de

ce sel, on procède par électrolyse (dissociation des ions chimiques des substances en solution ou en

fusion) pour finalement obtenir le magnésium.

Comme usine en rodage, Magnola s’était fixé l’objectif d’atteindre la production de 58 000

tonnes de magnésium par année pour 2004. La production annuelle a successivement été de 10 000

tonnes en 2001 et de 25 000 tonnes en 2002; en 2003, la production estimée était de 50 000 tonnes et

de 58 000 tonnes en 2004. Les difficultés du marché ont obligé Noranda à procéder à une fermeture

technique de l’usine en mai 2003. Au moment de cette fermeture, Magnola comptait sur une force de

360 employés directs et de 360 autres employés sous-traitants. La structure organisationnelle

comportait les fonctions suivantes : le président de Magnola, le directeur général et vice-président,

quatre grandes directions (entretien, technique, ressources humaines [la SST], comptabilité et

approvisionnement [achat, service électronique]). Les opérations de l’usine dépendaient directement du

directeur général (secteur « coulées », secteur « électrolyse » et secteur « préparation »). Les services de

qualité et d’environnement dépendaient aussi du directeur général. Le département « environnement »

était confié à un ingénieur à temps complet qui était aidé par deux techniciens. La politique

environnementale de l’entreprise était clairement définie.

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En automne 2002, le secteur « coulées » était certifié ISO 9001. Magnola comptait obtenir cette

certification pour l’ensemble de l’usine en automne 2003. L’usine avait déjà passé l’étape du pré-audit

dans le cadre de la certification ISO 14001. Elle était sur la bonne voie étant donné qu’il n’y avait pas

eu de non-conformités majeures lors de cette première étape. Au total, huit entretiens ont été réalisés

dans l’usine de Magnola, à Danville. Le contact principal s’est fait par l’intermédiaire du responsable de

l’information et des services à la communauté.

Cimenteries

Dans cette catégorie, deux cimenteries qui utilisent divers types de résidus pour la combustion et

pour renforcer les propriétés du béton ont été analysées. Deux usines ont été étudiées dans ce groupe.

Cas 7 : Lafarge

L’usine de la cimenterie Lafarge Canada Inc. est située à Saint-Constant (Québec). En opération

depuis les années 1950, cette usine produit principalement de la poudre grise pour la fabrication du

béton. Les activités de valorisation résiduelle ont commencé vers 1998-1999. Cette valorisation

consiste à introduire différents types de résidus : pour remplacer, lors de la combustion, les sources

d’énergie conventionnelles; pour remplacer les ingrédients conventionnels qui entrent dans la

fabrication du ciment; pour modifier les propriétés chimiques du béton. Comme filiale d’une grande

multinationale, l’usine de Saint-Constant bénéficie de l’expérience et de l’expertise d’autres usines du

groupe.

Comptant sur une force de 134 employés, la cimenterie Lafarge produit environ 1 million de

tonnes de ciment par année. Son chiffre d’affaires atteint les 400 millions de dollars. L’usine est

répartie en fonction de la production, et la structure organisationnelle est divisée en ateliers. Le

directeur de l’usine s’occupe de la gestion de l’ensemble de l’usine et les différents ateliers sont :

maintenance et entretien, qualité, optimisation, approvisionnement et production. Les services

administratifs comprennent le contrôleur et les ressources humaines.

L’usine compte sur une politique de la qualité et sur une politique environnementale. La

première est définie dans le cadre de la certification ISO 9001, version 2000, obtenue en 1997. La

deuxième, définie en 1999, découle de la « Charte environnementale Lafarge » adoptée au niveau de

toute l’entreprise il y a sept ans. Toutes les usines Lafarge ont également adopté une politique de santé

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et sécurité au travail. Il existe, à l’usine de Saint-Constant, un département « environnement » où

travaillent deux personnes à temps plein : un ingénieur, comme coordinateur, et une personne

supplémentaire, comme assistante en environnement. Cette personne s’occupe de l’intégration d’ISO

14001 dans l’usine : la formation, les procédures, la documentation, etc. Elle s’occupe aussi de gérer le

système complet ISO dans l’usine. L’usine travaille sur le dossier de la certification ISO 14001 et elle a

déjà passé l’étape de pré-audit. Il lui manque de petits détails à régler pour être dans le processus de

certification. Au total, six entretiens ont été réalisés dans l’usine Lafarge de Saint-Constant. Le contact

principal s’est fait par le biais du coordinateur en environnement.

Cas 8 : Ciment Saint-Laurent

L’usine de Ciment Saint-Laurent de Joliette (Québec) existe depuis 1965. C’est en 1976 que

Ciment Saint-Laurent a acheté l’usine de la famille Miron et qu’elle a installé son siège social à

Montréal. L’usine produit principalement de la poudre grise qui sert à la fabrication du béton. Les

activités de valorisation industrielle ont commencé en 1991. Aujourd’hui, l’usine utilise dans ses

procédés plus de 80 matières résiduelles pour la combustion, pour la substitution des composantes

naturelles dans la fabrication du ciment et pour l’amélioration des propriétés chimiques du béton.

Filiale de la multinationale suisse Holcim Ltd. et de sa filiale américaine Holcim US inc., l’usine

bénéficie de l’expertise de ses usines sœurs pour répondre aux besoins spécifiques de ses clients tout en

étant compétitive sur les marchés.

Comptant sur une force de 200 employés, l’usine produit environ 1 million de tonnes de ciment

par année. Le chiffre d’affaires atteint les 390 millions de dollars. La structure organisationnelle

comprend les grandes fonctions suivantes : production, entretien, qualité, ingénierie et projet,

comptabilité, environnement, ressources humaines et achat. Deux ingénieurs travaillent à temps plein à

la fonction « environnement », et l’entreprise possède une politique environnementale. Cette politique

environnementale a mené l’usine à la certification internationale ISO 14001 en mars 2003. Elle

comptait obtenir la certification ISO 9000 en 2004. Au total, quatre entretiens ont été réalisés dans

cette entreprise, à Joliette et au siège social de Montréal. Le contact principal s’est fait par le directeur

de l’énergie et de l’environnement.

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Batteries au plomb-acide

Dans ce groupe, une seule entreprise a fait l’objet de l’étude.

Cas 9 : Nova PB

L’entreprise Nova Pb de Sainte Catherine (Québec) est en opération depuis 1984. Elle recycle

les métaux ferreux, les métaux non ferreux et en particulier le plomb, les batteries d'automobiles et les

résidus dangereux tels que les filtres à huile, les huiles usagées, les polymères et le carbonate de sodium.

Nova Pb fabrique des lingots de plomb et des alliages de ce métal; elle fabrique également de la fritte

de verre à partir des brasques provenant des alumineries.

Avec ses 140 employés, Nova Pb produit entre 50 000 et 60 000 tonnes métriques de plomb

recyclé par année et 4 500 tonnes métriques de polypropylène par année (ces deux types de matières

provenant essentiellement des batteries hors d’usage). Les autres matières résiduelles telles que les

filtres et les huiles usées sont utilisées et consommées en production. Le chiffre d’affaires atteint les 50

millions de dollars. Le développement rapide de l’entreprise a amené ses dirigeants à diversifier les

activités de recyclage et à restructurer l’entreprise. La structure est composée d’un président, de cinq

vice-présidents, de directeurs, de contremaîtres, d’employés et d’ouvriers de la base. Le groupe

Lamifor, créé récemment, contrôle Nova Pb inc. Trois autres filiales ont été créées : Nova Fret

International pour les exportations de tout ce que produit Nova Pb, Cage Fret et Calsimarque. Cette

dernière est chargée de la production et de la commercialisation de la fritte de verre produite à partir

des brasques provenant des alumineries, et qui porte le nom commercial de Calsifrit. Certifiée ISO

14001 depuis septembre 2000, l’usine Nova Pb compte sur une politique environnementale qui oriente

ses activités.

Au total, sept entretiens ont été réalisés dans l’usine de Nova Pb de Sainte-Catherine. Le contact

principal s’est fait par l’intermédiaire de son vice-président aux opérations, chargé de la recherche et du

développement.

Résidus animaliers

L’entreprise Rothsay-Laurenco est la seule entreprise étudiée dans ce groupe.

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Cas 10 : Rothsay-Laurenco

Filiale de la grande compagnie canadienne Maple Leaf, Rothsay-Laurenco opère une usine à

Sainte-Catherine (Québec) depuis 1966. Elle recycle principalement les huiles et les graisses de cuisson;

elle fabrique de la farine d’os, de viande et de gras animal, et elle produit un carburant à base de

déchets animaliers recyclables. C’est cette dernière réalisation qui fait toute la fierté de Rothsay-

Laurenco. En effet, l’entreprise est sur le point de devenir, dans son domaine, l’une des plus

importantes au monde grâce à la production de biodiesel à partir des grasses animales.

Rothsay-Laurenco compte sur une force de 60 employés. Sa structure organisationnelle est assez

simple et elle comprend trois fonctions principales : la récupération des matières premières, la

transformation de ces dernières en farine protéinique, en gras animal et en biodiesel et, enfin, la

livraison aux meuneries. Entre ces fonctions, il y a, bien sûr, les fonctions administratives. Le chiffre

d’affaires de l’entreprise avoisine les 5 millions de dollars. Celui-ci est censé se multiplier avec la

commercialisation du biodiesel à partir de 2005. L’usine n’a pas de certification internationale de type

ISO ni de politique environnementale clairement définie. Comme les autres usines de Maple Leaf, elle

est par contre certifiée HACCP (Analyse des risques et points de contrôle critique), un système propre

à l’industrie agroalimentaire.

Au total, deux entretiens ont été réalisés dans l’usine de Rothsay-Laurenco de Sainte-Catherine.

Le contact principal s’est fait par le biais de son directeur général.

Résidus provenant des pâtes et papiers

L’entreprise Papiers Stadacona a été étudiée dans ce groupe.

Cas 11 : Papiers Stadacona

Papiers Stadacona, la plus grande usine de production de papier journal et de carton de la

capitale de la province de Québec, opère depuis 1927. C’est dans les années 1990 qu’elle commence à

s’intéresser à la valorisation de ses déchets industriels. Cette valorisation s’enracine dans la nouvelle

orientation que s’est donnée l’usine.

Avec ses 1 000 employés, Papiers Stadacona produit 1 500 tonnes de papier journal et 130

tonnes de carton par jour. Le chiffre d’affaires est de 50 millions de dollars. Les procédés utilisés pour

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cette production génèrent environ 470 tonnes de résidus industriels par jour parmi lesquels 80 % sont

revalorisés. Pour sa taille, l’usine a une structure standard : un président, des vice-présidents, des

directeurs (ressources humaines, ventes, technique, environnement, etc.), des « surintendants » qui se

rapportent à des directeurs, des superviseurs, des coordinateurs, des contremaîtres, des employés et des

ouvriers de la base. L’usine compte sur une politique environnementale adoptée en 2003 qui guide les

principes de gestion responsable à l’interne. Elle n’est pas certifiée ISO 14001, mais elle détient la

certification ISO 9001.

Au total, six entretiens ont été réalisés dans l’usine Stadacona de Québec. Le contact principal

s’est fait par l’intermédiaire de son coordinateur à l’environnement.

Résidus de l’industrie chimique

L’entreprise Kronos a été étudiée dans ce groupe.

Cas 12 : Kronos

L’usine de Kronos Canada Inc. de Varennes (Québec) fabrique principalement du bioxyde de

titane (TiO2) depuis 1957. À compter de 1994, elle revalorise de l’acide sulfurique (H2SO4) pour

fabriquer du gypse. Elle récupère également de son procédé de fabrication de TiO2 le CO2 liquide qui

en est dégagé. Avec ses 388 employés, Kronos Canada produit annuellement 80 000 tonnes de TiO2,

65 000 tonnes de gypse et 9 000 tonnes d’air liquide. Le chiffre d’affaires est de 35 millions de dollars.

Membre de l’Association des fabricants des produits chimiques du Canada (AFPCC), l’usine de

Kronos possède une politique environnementale qui se définit par un mode de gestion responsable. La

structure est faite de personnel des secteurs des ressources humaines, de l’ingénierie, de la technique

(laboratoires, procédés), de la production et de l’environnement. Ce dernier poste est confié à un

ingénieur à temps plein qui se fait aider par deux autres personnes provenant du département

technique. L’usine possède déjà la certification ISO 9002. Au total, quatre entretiens ont été réalisés

dans l’usine de Kronos Canada de Varennes.

La diversité des secteurs d’activité et les différents niveaux d’intégration de la valorisation

résiduelle constituent, dans le cadre de cette étude, des facteurs qui favorisent la compréhension de sa

mise en marche. Cela justifie la raison pour laquelle la recherche porte sur des entreprises oeuvrant

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dans sept secteurs industriels différents. Cela a permis également de confronter des données

empiriques avec les concepts théoriques portant sur l’écologie industrielle et sur la valorisation

résiduelle.

5.3.3. La présentation du questionnaire

Examiner avec soin le questionnaire utilisé comme instrument de recherche constitue un aspect

important dans la démarche méthodologique. L’objectif de cet examen est de montrer que le

questionnaire utilisé constitue le point d’ancrage de la présente recherche tel que déjà schématisé

(figure 5). En ce sens, la présentation du questionnaire porte sur trois points essentiels de la pertinence

des questions posées pendant les entretiens.

Quelle est la nature des questions posées? Le questionnaire conçu se compose de cinq sections

essentielles : information générale sur l’entreprise, valorisation résiduelle, procédés de base,

performances de l’entreprise, problèmes de valorisation résiduelle. Les questions de chaque section

tentent d’apporter des réponses et d’explorer des dimensions spécifiques de la recherche. Il apparaît

pertinent de rappeler ici que la recherche s’inscrit dans le cadre d’une étude qualitative, empirique et

inductive (Strauss et Corbin, 1990). Les questions posées sont donc de type semi-ouvert. Les réponses

du répondant vont au-delà des questions posées. C’est dans ce sens que beaucoup de dimensions de la

recherche sont identifiées par le chercheur dans la démarche de l’analyse et de l’interprétation des

résultats (Creswell, 1998). C’est bien là ce que Strauss et Corbin (1990) désignent par le développement

et l’identification de nouvelles catégories. En d’autres termes, dans une recherche qualitative reposant

sur une démarche inductive comme la nôtre, un certain nombre de concepts sont introduits dans la

présentation générale des résultats, lesquels concepts peuvent ou ne pas être reflétés dans le

questionnaire de façon explicite. Ayant précisé cette dimension importante de la recherche qualitative,

il faut passer maintenant à l’examen des questions posées lors des entretiens avec les gestionnaires des

entreprises visitées.

Informations générales sur l’entreprise

La première section du questionnaire porte sur des informations générales liées à l’entreprise.

Ces informations permettent de positionner l’entreprise par rapport à ses activités de valorisation

résiduelle. Cet aperçu général de l’entreprise oriente le reste des sections du questionnaire. De façon

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spécifique, des informations suivantes ont été obtenues : le secteur d’activité, le moment où les

pratiques de valorisation ont été initiées, la définition de la mission de l’entreprise, la politique

environnementale, le genre de production et son importance, les niveaux d’intégration et les types de

synergie industrielle, entre autres. L’essentiel de ces informations ont permis d’identifier et de

développer d’autres catégories de la recherche. À titre d’exemple, les types de synergie industrielle

reflètent la dimension échange de sous-produits et des matières premières. Cette dimension est liée aux

concepts de récupération, d’utilisation, de collaboration, de coopération entre entreprises tels que

définis dans le cadre conceptuel. Les informations portant sur le genre de production et son

importance ont permis par exemple de déterminer la mesure de la valorisation résiduelle. Les

informations sur la politique environnementale et l’adoption des certifications internationales (la série

des normes ISO 1400 ou encore ISO 9000) ont permis de comprendre des dimensions portant sur la

gestion environnementale de la valorisation résiduelle. Ainsi, à partir des informations recueillies de

cette première section, les deux premiers chapitres de la thèse portant sur la valorisation résiduelle en

pratique et sur le modèle conceptuel de la valorisation résiduelle ont être construits.

Valorisation des sous-produits industriels

La deuxième section du questionnaire porte sur la valorisation des sous-produits industriels.

L’objectif principal de cette section était de recueillir des perceptions des gestionnaires sur la

valorisation résiduelle. Les questions ont tourné autour de la conceptualisation des activités de

valorisation de la part des gestionnaires, les motivations vis-à-vis la valorisation, les facteurs internes et

externes qui ont influencé leurs décisions de se lancer dans la valorisation résiduelle ainsi que les liens

qu’ils établissent entre la valorisation résiduelle et les stratégies mises de l’avant dans l’ensemble de

leurs activités industrielles.

Les informations portant sur les façons dont les gestionnaires conçoivent la valorisation

résiduelle constituent l’essentiel de la première partie du chapitre consacrée à la valorisation résiduelle

en pratique. Il était important pour la recherche de connaître les motivations pour la valorisation. Ce

qui a permis de développer les catégories portant sur l’orientation économique des activités de

valorisation et de faire des liens avec la valorisation résiduelle primaire et secondaire ainsi qu’avec le

concept de reconnaissance de l’opportunité. Cette section sur les perceptions des gestionnaires sur la

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valorisation résiduelle a permis de mettre en évidence les considérations des différentes approches de

l’optimisation de l’usage des ressources telles que déjà mentionnées.

Procédés mis en place

La troisième section du questionnaire porte sur les procédés mis en place pour utiliser et

transformer les sous-produits et les matières résiduelles. Les questions spécifiques ont tourné autour de

l’origine des intrants, les procédés utilisés, les équipements, l’indice de valorisation, etc. Les

informations recueillies dans cette section ont permis de comprendre comment les gestionnaires

tentent d’optimiser l’usage des ressources. Comme indiqué, les différents courants de pensée en

écologie industrielle mettent un accent particulier sur le design des procédés, sur la compréhension de

la façon dont les entreprises visitées composent avec la conception et l’amélioration de l’efficience et

avec leur adaptation aux exigences environnementales - aspects importants, que l’étude a tenté

d’explorer.

Performances de l’entreprise

La quatrième section du questionnaire porte sur les performances commerciales et

environnementales de l’entreprise. En ce qui concerne les résultats financiers positifs des activités de

valorisation résiduelle primaire ou encore secondaire, les questions posées ont tourné autour de

l’augmentation de la part des marchés, du chiffre d’affaires en terme général. L’essentiel des

performances environnementales a reposé sur les questions sur le développement des indicateurs de

mesure de la performance environnementale et sur le type d’information recherchée pour planifier et

réorganiser les activités de valorisation. La question de la performance environnementale des activités

d’écologie industrielle, en particulier la valorisation résiduelle, se trouve au cœur des débats entre les

spécialistes.

C’est ainsi que les informations recueillies dans cette section ont permis de construire l’essentiel

des aspects discutés dans le chapitre portant sur la relation entre l’environnement et la productivité.

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Problèmes rencontrés

La cinquième et dernière section du questionnaire porte sur les difficultés rencontrées par les

gestionnaires dans la poursuite des activités de valorisation résiduelle. L’identification de ces difficultés

constitue l’un des objectifs majeurs de la présente thèse. Ces difficultés ont été regroupées par domaine

(ressources humaines, opérations, ventes et environnement). Pour chacun de ces domaines, des

questions beaucoup plus précises ont été posées. Par exemple, en ce qui a trait à la gestion des

opérations, elles ont porté sur les aspects suivants : approvisionnement en matières premières,

transport des résidus, localisation de l’entreprise, adaptation aux technologies environnementales, effet

de l’apprentissage, substitution des matières premières, dépendance des systèmes de production et de

consommation, etc.

Ces différents aspects ont permis de mieux comprendre les structures et le fonctionnement des

initiatives de valorisation résiduelle dans les entreprises visitées, de faire des liens avec les approches

d’optimisation de l’usage des ressources identifiées et de construire des modèles représentatifs de

l’objet de recherche. Ainsi, le questionnaire tel que conçu pour la recherche, sans prétendre apporter

des réponses à toutes les interrogations sur l’écologie industrielle à l’échelle de l’entreprise, a servi afin

de recueillir des informations nécessaires pour comprendre l’objet de la présente recherche et pour

atteindre les objectifs de celle-ci. Ce même questionnaire a servi de pont entre les différentes théories

élaborées sur l’écologie industrielle comme une façon de mettre en œuvre le développement durable et

le cadre conceptuel construit pour la recherche et les résultats de l’étude.

Par ailleurs, certains documents « internes » des entreprises ont servi de source alternative

d’évidence. Ces documents portent sur la mission, les objectifs, les procédés, les systèmes de gestion

environnementale, les produits offerts, les marchés cibles, etc. Ils ont permis de compléter les

informations qui ont été recueillies lors des entretiens et, surtout, d’apporter certains détails techniques

quant à la description des procédés, à la typologie des intrants, à la classification des effluents, etc.

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5.4. L’analyse et l’interprétation des résultats

Bien que, schématiquement, l’analyse et l’interprétation des résultats soient des étapes qui

suivent la collecte des données, il en va différemment en pratique. En effet, cette étape fait déjà partie

de la recherche dès le début de celle-ci. Elle se fait donc de façon progressive et accompagne les autres

étapes de l’étude, en particulier la collecte des données, la transcription des verbatims et la constitution

des catégories.

Tout au long de la recherche, la connaissance est rendue possible par un processus de

construction qui se fait au fil de l’interaction entre le sujet-connaissant (le chercheur) et son objet de

recherche (Piaget, 1967). Piaget considère le sujet connaissant comme l’acteur principal du processus

d’accroissement ou de développement de la connaissance : il est le centre d’action et de coordination

de ce processus. Mais l’interprétation et l’analyse se différencient des autres étapes dans la mesure où le

chercheur tente de construire une connaissance jugée « objective » par lui. Cette section s’articule ainsi

autour des points suivants : la collecte des données, la transcription des verbatims, la construction des

catégories de données, l’analyse de chaque cas étudié et l’interprétation globale des résultats.

5.4.1. La collecte des données

Dans le cas des entretiens déjà réalisés dans le cadre de ce projet de recherche, l’interprétation et

l’analyse des résultats ont commencé dès que les premières données ont été recueillies. Une analyse

préliminaire a accompagné chaque entretien réalisé. Et même lors du déroulement de chaque entretien

ou pendant les visites d’usines, les propos recueillis ont permis sur-le-champ de faire des liens directs

avec les concepts d’écologie industrielle et du management. Chaque question posée au participant a été

suivie de nombreuses autres questions dans le but de faciliter la compréhension des propos tenus par

le répondant. Mais en fait, ce qu’il convient de signaler ici, c’est que cette procédure correspond bien à

une interprétation et à une analyse des données en présence du répondant. En effet, cet exercice d’une

grande importance pour le développement des connaissances a permis de discerner les différentes

réponses aux questions posées et d’arriver à une explication des rapports que ces dernières

entretiennent les unes avec les autres.

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C’est bien là l’une des caractéristiques des études qualitatives dans lesquelles la collecte des

données ainsi que l’analyse et l’interprétation de celles-ci constituent un processus spontané et continu,

tel que le soutient Merriam (1988) :

Collection and data collection should be a simultaneous process in qualitative research. It is, in fact, the timing of analysis and the integration of analysis with other tasks that distinguish a qualitative design from traditional positivistic research. A qualitative design is emergent: One does not know whom to interview, what to ask, or where to look next without analyzing data as they are collected. The process of data collection and analysis is recursive and dynamic. But this is not to say that the analysis is finished when all the data have been collected. Quite the opposite. Analysis becomes more intensive once all the data are in, even though analysis has been an ongoing activity (Merriam, 1988, p. 123)

5.4.2. La retranscription des verbatims

Les entretiens enregistrés ont été ensuite écoutés et retranscrits dans leur intégralité (verbatims)

sur traitement de texte. Lors de la transcription de chaque verbatim, outre la transcription proprement

dite, les données collectées ont été soumises à un traitement afin de pouvoir faire ressortir les éléments

les plus saillants de chaque entretien. Le fait que la même personne qui a réalisé les entretiens et visité

les usines ait également écouté les enregistrements et retranscrit les verbatims a beaucoup facilité cette

analyse préliminaire. Les éléments saillants de chaque entretien ont permis, d’une part, de les comparer

avec ceux des autres entretiens et, d’autre part, d’orienter les entretiens ultérieurs. Les notes prises lors

des entretiens ont été également insérées dans les verbatims. Ces notes ont favorisé le regroupement et

la catégorisation des données. En outre, elles ont permis de mieux orienter la comparaison entre les

verbatims et le recours aux concepts théoriques sur l’écologie industrielle. Afin de ne pas perdre de vue

des détails importants, les entretiens enregistrés ont été retranscrits quelques heures seulement après

avoir été réalisés.

5.4.3. La construction des catégories de données

Si l’analyse primaire telle que décrite dans la section précédente correspond à un processus de

déconstruction des données, la catégorisation s’apparente à celui de la construction de ces mêmes

données, fut-elle aussi primaire. En effet, les données recueillies sur le terrain sont brutes. Les

répondants, par exemple, pendant tout le temps que dure l’entretien, abordent divers sujets touchant la

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planification des pratiques de valorisation résiduelle ainsi que les difficultés techniques et financières

avec les employés, le ministère de l’Environnement, etc. La première étape dans le processus de

catégorisation de ces informations est celle de la classification. Cette classification a permis

l’élaboration des catégories selon les thèmes préétablis d’abord, puis selon des thèmes qui ont tenu

compte des concepts qui ont émergé au fur et à mesure de la collecte des données sur le terrain. Une

catégorie est conçue comme un thème central qui regroupe les concepts abordant le même sujet. Au

total, 84 catégories, regroupées en 5 thèmes généraux (informations générales sur l’entreprise, sur la

valorisation des sous-produits industriels, sur les procédés utilisés dans la valorisation résiduelle, sur les

performances commerciales et environnementales, et sur les difficultés rencontrées) et en 23 sous

thèmes, ont été constituées.

Category: A classification of concepts. This classification is discovered when concepts are compared one against another and appear to pertain to similar phenomenon. Thus the concepts are grouped together under a higher order, more abstract concept called a category (Strauss et Corbin, 1990, p. 61).

Le logiciel d’analyse qualitative QRS N’Vivo (version 2.0) a été utilisé pour faciliter ce processus

de catégorisation (figure 6). En effet, la codification et les interactions entre les catégories, les

documents intégraux d’où elles sont issues ainsi que les hyperliens que permettent ce logiciel en font

un outil d’analyse par excellence. Les concepts appartenant à une même catégorie et ses sous-

catégories forment ainsi l’arbre de cette catégorie. Il est important de préciser ces arbres dans la mesure

où ils montrent la démarche suivie depuis une donnée brute jusqu’à son intégration dans un groupe de

concepts en suivant un ordre ascendant d’abstraction. L’arbre d’une catégorie montre en effet le

résultat de la démarche de la codification qui se trouve à la base de la grounded theory.

Le projet portant sur l’écologie industrielle contenu dans le logiciel N-Vivo comprend huit grands

thèmes ou grandes catégories ou encore nœuds34 : l’orientation entrepreneuriale, la transformation

résiduelle, le design des procédés, la performance de la valorisation résiduelle, les structures et les

fonctionnements, les problèmes rencontrés, les remises en questions ainsi que les implications

managériales. Ces huit nœuds en hiérarchie du projet portant sur les entretiens ont permis de 34 La démarche de la grounded theory s’apparente au processus de catégorisation du logiciel N-Vivo. Les

catégories deviennent, dans N-Vivo, des nœuds-parents et nœuds-enfants. La démarche reste la même, celle de construire, de grouper et de comparer les concepts appartenant au même phénomène.

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162

construire près de 65 « nœuds-enfants » différents. La construction de ces nœuds ou catégories a été le

résultat d’un long processus de restructuration de toutes les catégories initialement construites. En

effet, le processus d’analyse des résultats s’accompagne toujours de celui de révision et de

regroupement des catégories déjà existantes, ce qui facilite également leur gestion.

Figure 6. Construction des catégories

Un nœud est un contenant dans lequel N-Vivo emmagasine une catégorie ou un codage. Si les documents peuvent être associés à la partie empirique du projet, les nœuds sont, pour leur part, plus près des idées, de la théorie. Ils permettent de classifier et de représenter des processus, des faits, des concepts abstraits, des lieux ou des individus (Bourdon, 2001, p. 6).

Le tableau suivant montre, pour chaque nœud ou catégorie, le nombre de documents ainsi que

le nombre de passages codés. Comment interpréter l’information contenue dans chaque ligne du

tableau? Par exemple :

CAS 1

Entretien 1. Classification des données brutes

1. XX

2. YY

3. ZZ

1. Type de production

2. Main-d’oeuvre

3. Approvi- sionnement

Catégorisation

Données brutes (verbatims), documents de l’entreprise, notes personnelles, autres

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163

(1 5 1) : Valorisation résiduelle/Implications managériales/Rimer l’écologie et l’économie. Documents 20. Passages codés 44.

1 renvoie au nœud parent portant sur la valorisation résiduelle. C’est dans ce sens que le chiffre 1

apparaît devant chaque ligne. Ensuite, 5 représente la catégorie sur les implications managériales.

Enfin, 2 indique la sous-catégorie « Rimer l’écologie et l’économie ». Ce qui illustre bien l’analyse et

l’interprétation des données brutes par le processus de classification et de catégorisation ascendante.

Pour cette catégorie, 44 passages ont été codés à partir de 20 documents différents.

Tableau 10. Catégories et passages codés

Catégories Documents

Passages codés

1. Valorisation résiduelle

1. Orientation de

l’entreprise

7. Facteurs de

succès (1 1 7 1)Structurer les opérations 12 21 (1 1 7 2) Développer et gérer les compétences- 28 82 (1 1 7 3) Rationaliser les méthodes 12 22 (1 1 7 4) Mobiliser les ressources 35 74 (1 1 7 5) Appui des gouvernements 11 18 2.

Transformation résiduelle

(1 2 1) Conception de la valorisation 53 64 (1 2 2) Motivations 51 103 (1 2 3) Facteurs déterminants 56 106 4. Design des

procédés (1 2 4 1) Provenance des intrants 19 21 (1 2 4 2) Spécificité des procédés 45 109 (3) Indice de valorisation 21 32 5. Performance

de la valorisation (1 2 5 1) Économique 50 55 (1 2 5 2) Environnementale 53 105 6. Modèle

conceptuel (1 2 6) Modèle conceptuel 7 7 8. Structures et

fonctionnement (1 2 6 1) Échelles de valorisation 13 21 (1 2 6 2) Modes de valorisation 12 27 (1 2 6 3) Orientation de la valorisation 13 15 (1 2 6 4) Dialectique valorisation et SGE 37 114 (1 2 6 5) Typologie de la valorisation 4 7 3. Problèmes de

valorisation

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164

1. Introduction/ Administration

(1 3 1 1) Bureaucratie 5 5 (1 3 1 3) Réceptivité sociale 30 51 (1 3 1 4) Transport 2 2 (1 3 1 8) /Manque de main-d’œuvre 30 38 (1 3 1 9) Insouciance des employés 21 29 2. /Introduction/

Gestion des opérations

(1 3 2 1) Stockage des matières résiduelles 10 13 (1 3 2 2) Optimisation des ressources 21 28 (1 3 2 3) Approvisionnement en matières premières 22 49 (1 3 2 5) Dépendance de l’industrie primaire 15 16 (1 3 2 6) Adaptation aux exigences environnementales 7 8 3. /Introduction/

Environnement (1 3 3 1) Inflexibilité des règlements 13 22 (1 3 3 3) Lourdeur du système 22 44 (1 3 3 4) Hyper-flexibilité 13 17 4.

Transformation/Opérations

(1 3 4 2) Standardisation des équipements 14 17 5.

Transformation/Opérations

(1 3 5 3) /Effet d'apprentissage 19 22 (1 3 5 5) Manutention des équipements 11 11 (1 3 5 6) Coûts d'opération 7 8 6.

Développement des marchés

(1 3 6 1) Développement des marchés 20 31 4. Remises en

question

(1 4 1) Comptabilité environnementale 20 20 (1 4 2) Transport des matières 16 16 (1 4 3) Valorisation sans écologie industrie 24 82 (1 4 4) Systèmes industriels de gaspillage 10 13 (1 4 5) Analyse de Cycle de Vie des produits 16 16 5. Implications

managériales

(1 5 1) Rimer l'écologie et l'économie 20 44 (1 5 2) Innovation 22 41 (1 5 3) Compétitivité 25 53 (1 5 4) Risque 14 21 (1 5 5) Culture 18 27 (1 5 6) Gestion Savoirs 4 4 (1 5 7) Réseaux d’échange 27 62

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165

5.4.4. L’analyse de chaque cas étudié

Chaque verbatim a fait l’objet d’un rapport individuel qui, à son tour, a été intégré au rapport

général des entretiens réalisés au sein d’une même entreprise. Cette analyse des résultats de chaque

entreprise étudiée a porté sur la situation globale en rapport aux questions posées. Celles-ci portent en

particulier sur des informations générales liées à l’entreprise : le genre de production et son importance,

le moment où les pratiques de valorisation ont été initiées, les niveaux d’intégration, les types de

synergie industrielle, les motivations vis-à-vis la valorisation, les procédés utilisés, les équipements,

l’indice de valorisation, les performances commerciales et environnementales ainsi que les difficultés

rencontrées.

Cette analyse a ainsi reposé sur la contextualisation générale des résultats d’un cas, la

construction des catégories, le croisement et la comparaison des différents thèmes et l’interprétation

des concepts émergents de chaque thème, c’est-à-dire la mise en question des hypothèses construites

au fur et à mesure que la recherche progresse. Trois techniques en particulier ont été privilégiées :

l’examen approfondi de chaque verbatim en portant une attention particulière à chacune des questions,

réponses, échelle d’attitude, affirmations et explications proposées par les répondants; le regroupement

ou la catégorisation des thèmes; et enfin, la comparaison de plusieurs sources d’information,

notamment les transcriptions d’entretiens (verbatims), les documents d’entreprise (portant sur les types

de production, les procédés utilisés, le système de gestion environnementale, les données relatives à la

performance environnementale, etc.), les notes prises lors des entretiens et les visites d’usine.

5.4.5. L’interprétation globale des résultats

L’interprétation globale des résultats a reposé, à l’instar de l’analyse individuelle de chaque cas,

sur l’analyse et la comparaison des résultats globaux de chacun des cas étudiés. Cette démarche a ainsi

abouti à des propositions qui sont tenues pour vraies dans le cadre précis du phénomène étudié. En

outre, cette démarche a permis de lier les faits observés aux concepts d’écologie industrielle et de

management. En suivant le schéma (figure 5) présenté pour la recherche, l’interprétation globale des

résultats a conduit à la compréhension des pratiques de valorisation par une approche managériale.

Chaque mot, phrase ou groupe de phrases faisant partie des propos tenus par les répondants lors des

entretiens (source principale de collecte des données) a été interprété en ayant à l’esprit sa place dans

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l’approche managériale et la contribution de cette dernière au développement de la théorie enracinée

(Glaser et Strauss, 1967; Strauss et Corbin, 1990).

Enfin, cette démarche a permis de mieux comprendre le phénomène étudié et donc d’atteindre,

de façon générale, les objectifs de la recherche. Atteindre ces objectifs a supposé d’abord et avant tout

la construction de la validité interne de l’étude. Il apparaît pertinent d’aborder cette question étant

donné qu’elle est intrinsèquement liée aux objectifs poursuivis par l’étude, aux stratégies utilisées

(échantillonnage, collecte des données, analyse et interprétation des résultats), aux questions de

recherche et au contexte conceptuel (Maxwell, 1999).

La validité est plus un but qu’un produit ; elle ne peut jamais être prouvée ou prise pour acquis. Elle est également relative : elle doit plus être évaluée en relation aux buts et aux circonstances de la recherche qu’être considérée comme une propriété des méthodes ou des conclusions indépendantes du contexte. Elle désigne l’exactitude ou la crédibilité d’une description, d’une conclusion, d’une explication, d’une interprétation ou de tout autre sorte d’analyse (Maxwell, 1999, p. 158-159)

Étant donné que la réalisation de cette recherche a eu recours à des descriptions d’activités de

valorisation résiduelle et à des interprétations des perceptions des dirigeants de ces mêmes activités, ces

descriptions et interprétations représentent deux types de validité de compréhension de la recherche

qualitative selon Maxwell (1999), à côté d’un troisième, la théorie. À chacun de ces types de validité

correspondent des menaces différentes d’invalidité. Voici, par exemple, ce que dit Maxwell (1999) à

propos de la description et de l’interprétation :

La menace principale d’une description, au sens de décrire ce que vous avez vu et avez entendu, réside dans l’inexactitude ou l’imperfection des données. L’enregistrement audio ou vidéo des observations et des enregistrements et la transcription in extenso de ces enregistrements résolvent en grande partie ce problème; si vous n’y recourez pas, il existe une menace potentiellement sérieuse d’invalidité de votre étude.

La menace principale d’invalidation pour l’interprétation est d’imposer son propre cadre ou sa propre signification plutôt que de chercher à comprendre la perspective des personnes étudiées et les significations qu’ils attachent à leurs dires et actions. Le contrôle le plus important sur de telles menaces d’invalidation est de sérieusement et systématiquement chercher à apprendre comment les participations à votre étude produisent du sens sur ce qui se passe plutôt que de mettre une étiquette sur leurs dires et leurs actions à partir de votre propre cadre. La stratégie connue sous le nom de

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167

contrôle par les membres (rétroaction de la part de la population étudiée) est une des manières principales d’éviter cette menace (Maxwell, 1999, p. 162-163).

En effet, les stratégies choisies ont permis non seulement de mener à terme cette recherche, mais

aussi de conjurer les menaces d’invalidation. La retranscription des verbatims, l’entretien semi-directif

(avec les dirigeants des entreprises étudiées, des responsables du ministère de l’Environnement et des

responsables des entreprises de pré-conditionnement des résidus), la comparaison des différents cas, le

contrôle par les membres, etc. ont permis de recueillir des données « riches », c’est-à-dire

« suffisamment détaillées et complètes pour fournir une image d’ensemble révélatrice de ce qui se

passe » (Maxwell, 1999, p. 171-172). L’intention était d’arriver à cette intégrité et de la traduire dans un

discours « scientifique ».

Ayant défini la méthodologie et les techniques utilisées pour bien réaliser cette étude, il ne reste

qu’à présenter l’analyse et l’interprétation proprement dites des données empiriques collectées. C’est ce

que tente de faire la partie suivante. Par ce processus analytique, l’intention est de regarder en

profondeur les expériences de valorisation résiduelle afin de leur donner d’autres niveaux de

signification tout en préservant le caractère unique et spécifique de chaque entretien réalisé.

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TROISIÈME PARTIE

LES RÉSULTATS DE L’ÉTUDE

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169

Cette partie qui porte sur les résultats de l’étude se compose de six chapitres. Elle commence

avec le chapitre sixième de la thèse. Ce dernier est consacré à la valorisation résiduelle telle que perçue

par les gestionnaires rencontrés. Le septième chapitre propose un modèle conceptuel de la valorisation

résiduelle. Selon ce modèle, la valorisation résiduelle se comprend en termes d’introduction, de

transformation, d’échange et de marché (ITEM). Le huitième chapitre s’articule autour des structures

et du fonctionnement des différents types de valorisation résiduelle identifiés. Le neuvième chapitre

analyse la gestion environnementale des pratiques de valorisation résiduelle. Ce chapitre propose

également un modèle du processus d’harmonisation entre l’écologie et l’économie de l’entreprise. Le

dixième chapitre présente les facteurs de réussite des pratiques d’écologie industrielle à l’échelle de

l’entreprise. Le onzième chapitre présente et analyse les difficultés auxquelles les gestionnaires engagés

dans la valorisation résiduelle font face. Enfin, la conclusion générale présente la discussion des

résultats et montre les contributions de la recherche en indiquant les limites de celle-ci.

La structure de chaque chapitre portant sur les résultats repose sur trois éléments essentiels.

D’abord, la présentation générale des résultats de l’étude groupés par thèmes ou catégories. Ensuite,

l’interprétation globale des résultats par l’analyse et la comparaison des résultats globaux de chacun des

cas étudiés. Enfin, le regard sur les concepts construits et les théories développées en écologie

industrielle en particulier la valorisation résiduelle. Les chapitres de présentation des résultats ont été

ordonnés dans une logique d’exposé séquentiel. La présente partie suit à quelques exceptions près

l’ordre des questions de la présente recherche, à savoir la nature des pratiques de valorisation

résiduelle, les structures et le fonctionnement, la gestion environnementale de la valorisation, les

difficultés ainsi que les implications organisationnelles de ces dernières. Dans l’interprétation des

résultats, le lecteur se rendra compte que plusieurs citations ont été insérées. Celles-ci visent à illustrer

les tendances générales de l’analyse des données à partir de passages représentatifs du discours des

répondants. Pour protéger l’anonymat des répondants, les citations insérées dans le présent texte

spécifient simplement la fonction de chacun d’entre eux.

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170

CHAPITRE 6

LA VALORISATION RÉSIDUELLE EN PRATIQUE

Ce chapitre introductif aux résultats de l’étude tente de préciser les caractéristiques de la

valorisation des sous-produits industriels selon les réponses des participants à l’étude. Connaître ce

qu’est la valorisation résiduelle en pratique permettra ainsi d’en proposer une définition fonctionnelle,

non à partir des données théoriques mais plutôt à partir des données empiriques. Dans un premier

temps, le chapitre présentera et analysera des éléments pratiques sur lesquels repose la notion de

valorisation résiduelle selon les perceptions des gestionnaires rencontrés. Dans un deuxième temps, il

s’attachera à analyser les motivations qui poussent les dirigeants à opter pour la valorisation comme

stratégie d’entreprise.

6.1. Des perceptions contrastées de la valorisation résiduelle

La valorisation résiduelle n’est pas définie de façon uniforme par les responsables rencontrés.

Leurs définitions s’articulent autour d’un certain nombre de thématiques qui représentent une réalité

particulière au sein de l’industrie selon le point de vue particulier de chaque répondant. Ces termes

sont : récupération, réutilisation des matières résiduelles, seconde vie à un produit rebuté, création de

nouveaux produits, transformation des résidus en produits à valeur commerciale, diminution des rejets

environnementaux, élimination de l’enfouissement, introduction des produits rejetés par d’autres

entreprises, redéfinition des fonctions dans les procédés et le recyclage.

Si ces différents termes renvoient à une même réalité, ils peuvent être cependant classés en

quatre grandes catégories pour en faciliter la compréhension (figure 7) : la description de la façon

d’avoir accès aux matières premières; le cycle de traitement ou l’élaboration des produits; la valeur

commerciale et le marché; et les bénéfices environnementaux. Dans les sous-sections suivantes, ces

quatre grandes catégories sont présentées et analysées.

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171

Figure 7. Définitions de la valorisation résiduelle

6.1.1. L’accès aux matières premières

La première manière de définir la valorisation résiduelle s’articule autour de l’accès aux matières

premières. Les concepts de récupération, de réutilisation, de seconde vie et d’introduction des produits

rejetés par d’autres renvoient à la façon qu’ont les entreprises d’avoir accès à ces matières premières.

Je pense que la valorisation résiduelle est une nécessité de prendre et d’utiliser les matières qui se trouveraient dans des sites d’enfouissement et leur donner une valeur commerciale (un vice-président chargé des opérations, cas 9).

C’est prendre une matière qui n’est plus d’intérêt pour la société (résidentielle, industrielle et commerciale) et on l’utilise dans un procédé industriel et donc on lui donne une seconde vie… (un directeur de l’énergie et de l’environnement, cas 8).

C’est une réutilisation d’un produit. C’est du développement durable. C’est un cycle de produit complet. Dans la façon dont on l’utilise, qu’on le régénère et qu’on le reproduise, on lui donne une nouvelle vie qui peut être très longue (…) Les ressources vierges ou nobles coûtent cher. En reprenant des agrégats qui viennent du béton, lesquels ont été détruits et re-broyés, on les utilise dans la matrice pour la fabrication

Avoir accès aux matières premières

• Récupération • Réutilisation • Introduction des

produits rejetés

Cycle de traitement des matières premières

• Transformation • Redéfinition des

procédés • Recyclage

Valeur commerciale

• Création de valeur

• Seconde vie aux matières résiduelles

Bénéfices pour l’environnement

• Diminution des rejets

• Élimination de l’enfouissement

VALORISATION RÉSIDUELLE

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172

d’un nouveau ciment à un coût relativement faible (un coordinateur à l’environnement, cas 7).

Bien que simplifiées en ce qui touche les modalités selon lesquelles les responsables des

entreprises visitées rentrent en possession de nouvelles matières premières (en opposition aux matières

premières conventionnelles, vierges ou encore nobles), ces propos induisent plusieurs concepts utilisés

en écologie industrielle, en particulier les faibles coûts des sous-produits, le développement des filières

fonctionnelles de récupération, les échanges entre les entreprises ainsi que le savoir-faire nécessaire

pour utiliser ces matières dans les procédés. Ce qui rejoint l’idée à la base de l’écologie industrielle telle

que définie par Frosch et Gallopoulos (1989). Par exemple, lorsque les gestionnaires s’expriment en

termes de « … matières que d’autres entreprises rejettent… », il est indiscutable qu’ils se réfèrent aux

réseaux d’échange des sous-produits.

Comme la présente thèse va le montrer en analysant d’autres composantes de la conception de

la valorisation résiduelle selon les dirigeants rencontrés, le concept de modalités d’échange ne semble

pas s’imposer dans le discours de ces derniers. En outre, « …analyser les résidus et leur donner une

forme pour qu’ils soient utilisés dans l’usine… », tel qu’évoqué par les gestionnaires, renvoie à

plusieurs dimensions liées à l’investissement, à la rentabilité ou à la relation coût-bénéfice de

l’utilisation des sous-produits, ou encore au temps nécessaire pour développer et acquérir le savoir-

faire. Ces différentes dimensions permettront ainsi d’explorer et d’approfondir l’analyse de la

valorisation résiduelle selon l’approche managériale adoptée dans cette thèse.

6.1.2. Le cycle de traitement

La deuxième façon de concevoir la valorisation résiduelle renvoie au concept de cycle de

traitement des matières. La valorisation résiduelle est définie en termes de transformation, de création

de nouveaux produits, de recyclage et de définition de nouvelles fonctions dans les procédés, le cycle

de traitement et l’élaboration des produits à partir des sous-produits industriels. Cette élaboration

suppose la mise en forme de procédés afin que les dirigeants d’entreprises soient capables de recevoir

et de traiter les différents sous-produits. Elle suppose également le développement des compétences

nécessaires pour bien réaliser le cycle de traitement. Ces efforts sont dirigés vers la réalisation de plus

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173

de profit pour l’entreprise (reconnaissance de l’opportunité), même si certains dirigeants évoquent

également des bénéfices pour la société de façon générale

La valorisation résiduelle, c’est du recyclage. C’est trouver une deuxième vie à ce qu’une usine industrielle produit. Notre entreprise produit des lingots de magnésium pour la fabrication des pièces automobiles. Celles-ci peuvent être retournées dans le processus pour avoir une deuxième ou une troisième vie (un directeur de l’entretien et de l’ingénierie, cas 6).

La valorisation peut être définie en termes de déconstruction et de reconstruction d’un résidu pour en faire un produit que l’on remet sur le marché. C’est aussi le fait de s’assurer que tout cela fonctionne bien. Dans notre cas, ce sont de vieux pneus (un directeur administratif, cas 2).

Pour les dirigeants rencontrés, la transformation ou encore la déconstruction et la

reconstruction des divers sous-produits dans les procédés ne semble pas reposer sur la conception

écologique des produits, appelée aussi « design for environment ». Elle est plutôt centrée sur la

fonctionnalité de ceux-ci pour les marchés auxquels ils sont destinés. C’est ce qui est appelé, dans le

cadre de cette thèse, la conception pragmatique des produits élaborés à partir des résidus. En effet, la

conception écologique, l’un des concepts de base en écologie industrielle, se traduit par l’intégration

systématique des considérations environnementales dans la conception des produits et des procédés

(Graedel et Allenby, 1995; Allenby, 1999a) ou, en d’autres termes, la combinaison des différentes

techniques et méthodes d’évaluation depuis l’extraction des matières premières jusqu’à la

consommation des biens finis et jusqu’à leur récupération ou réutilisation, en passant par leur

transformation au moyen de procédés modifiés « écologiquement ».

La logique de la conception pragmatique diffère de la conception écologique en ce sens qu’elle

ne considère que quelques paramètres d’ordre environnemental. Les entretiens réalisés révèlent qu’il

existe un écart entre les deux logiques. Cet écart varie cependant selon la nature des produits élaborés,

les types d’activités ou encore les secteurs industriels. Par exemple, selon le directeur d’une usine de

valorisation des pneus hors d’usage, le produit que son entreprise élabore est d’entrée « écologique »

dans la mesure où il ne pollue pas; de plus, ce même produit va perdurer avant de retourner dans

l’environnement.

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174

Le produit que nous fabriquons ne contamine pas. On essaye de faire un produit fini qui va être durable, et qui pourrait rester plus longtemps avant de retourner dans l’environnement. Notre produit dure environ dix ans avant de devenir, disons, des déchets. Ce qui est énorme, quand on compare aux pneus, qui ont une valeur de vie de deux ou trois ans (un directeur d’usine, cas 1).

Cette entreprise élabore ainsi des produits « écologiques » en les concevant de façon

pragmatique. Un autre exemple d’écart entre « conception écologique » et « conception pragmatique »,

c’est l’entreprise de recyclage des produits plombifères visitée. Comme le témoigne son vice-président

et chargé des opérations, les produits élaborés par cette entreprise sont devenus « écologiques » avec le

temps.

Nous avons donc acheté l’entreprise des mains des Allemands qui nous ont donné certaines facilités pour le faire. On a investi beaucoup à travers les années et on a ajouté beaucoup à la technologie, de sorte que cela est devenu un plant écologique (un vice-président chargé des opérations, cas 9).

Si cet exemple montre que la conception pragmatique des produits pourrait devenir écologique

dans le temps, il n’est cependant pas facile, même pour les entreprises chevronnées, d’intégrer les

considérations environnementales dans la conception des produits. À l’exception de cette usine de

recyclage des matières plombifères et des deux cimenteries étudiées, les dirigeants des entreprises

étudiées ne se montrent pas très intéressés par le développement des outils raffinés d’évaluation des

implications environnementales des produits fabriqués. Ce qui, dans ces entreprises, pourrait

s’expliquer par deux choses : une absence d’impacts majeurs de leurs activités sur l’environnement (la

fabrication de tapis industriels, l’introduction des pneus hors d’usage dans les fours de cimenteries, la

fabrication du biodiesel à partir d’huiles recyclées, la valorisation des stériles miniers, etc.); ou la

sélection limitée des matières premières (à l’exception des cimenteries qui peuvent introduire plusieurs

types de matières résiduelles comme combustibles, la valorisation résiduelle repose généralement sur la

récupération d’un type de sous-produits et de sa transformation en produits destinés à la

consommation).

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175

6.1.3. La valeur commerciale

La troisième façon de définir la valorisation résiduelle repose sur la création de valeur

commerciale et le développement des marchés pour les produits élaborés à partir des matières rebutées

se trouvant au centre de la valorisation résiduelle. Pour la plupart des dirigeants rencontrés, c’est bien

là l’objectif premier de la valorisation.

Nous faisons deux choses : nous valorisons un certain déchet auquel nous attribuons une valeur. C’est sûr que notre mission première n’est pas de nettoyer l’environnement (un directeur général, cas 1).

C’est la mise en valeur d’un résidu, qui pouvait se retrouver dans les sites d’enfouissement et que l’on récupère pour en faire un produit à valeur ajoutée et commerciale (Chef du service à l’environnement, cas 6).

Pour nous, c’est prendre un produit qui se retrouverait dans l’environnement, un produit qui dégraderait l’environnement et lui donner une valeur ajoutée, de façon à ce que ce produit-là soit utile pour quelqu’un d’autre. Ce n’est pas plus compliqué que ça. C’est tout simplement prendre un produit qui se trouverait dans les sites d’enfouissement et les incinérateurs et trouver un débouché pour ce produit-là qui va être utile pour quelqu’un d’autre (un directeur général, cas 4).

C’est l’utilisation des matières qui autrefois étaient rejetées et auxquelles on trouve une nouvelle valeur. Pour moi, c’est ça. Ce sont les matières qui peuvent servir comme combustibles, je pense, dans le cas de notre usine (un chef des ressources humaines, cas 7).

Les propos des dirigeants sur la création de la valeur dans les cas 1, 4 et 6 diffèrent des propos

du dirigeant dans le cas 7. Il est intéressant de noter que dans les premiers cas, il s’agit de l’attribution

de la valeur de façon directe. La création de la valeur directe se traduit ainsi par l’élaboration des

produits directement à partir des matières résiduelles. La fabrication des tapis industriels à partir des

pneus hors d’usage, la récupération du magnésium à partir de la serpentine ou encore la fabrication des

alliages de plomb à partir des batteries au plomb-acide constituent des exemples de création de la

valeur directe. Dans le cas 7, il s’agit plutôt de la création de valeur de façon indirecte, c’est-à-dire que

certains sous-produits industriels sont introduits dans les procédés et participent ainsi à l’élaboration

des produits à valeur commerciale de manière détournée. L’introduction des pneus hors d’usage

comme source énergétique dans la fabrication de la poudre de ciment ou encore l’utilisation des huiles

usées dans les procédés de pyro-métallurgie en sont des exemples.

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C’est prendre une matière qui aurait coûté cher à l’environnement pour s’en débarrasser, et lui donner une valeur marchande et commerciale. Et cela devient un produit qui se commercialise suite à un processus de transformation et qui est utile dans une chaîne de valeur (un chef des services comptables, cas 2).

Que ce soit dans le cas de la création directe ou indirecte de la valeur à partir des matières

résiduelles, les responsables des entreprises visitées y voient un moyen de développer des marchés. Ce

qui pourrait être vu dans trois directions différentes. D’abord, les déchets industriels ont donné aux

responsables des entreprises industrielles déjà opérationnelles l’opportunité de développer de

nouveaux produits ou de modifier ceux déjà existants et, par voie de conséquence, d’améliorer leur

rentabilité. C’est le cas des cimenteries visitées. Ces mêmes déchets ont pu, dans un second temps,

constituer un point de départ, une occasion de mettre sur pied de nouvelles entreprises dont la

vocation principale est la transformation des sous-produits en produits finis ou semi-finis destinés à

des marchés ciblés. C’est le cas de la plupart des entreprises visitées. Enfin, les pratiques de

récupération et de valorisation des matières résiduelles et industrielles ont permis aux gouvernements

d’instaurer des programmes qui visent à diminuer les quantités de déchets existants, à les réduire à la

source et à mettre sur pied des programmes d’aide aux entreprises qui œuvrent dans ce domaine. C’est

le cas de l’organisme Recyc-Québec.

6.1.4. Les bénéfices pour l’environnement

La quatrième façon de définir la valorisation résiduelle s’articule autour des bénéfices

environnementaux. La réduction des rejets dans le but de rendre efficients les procédés mis en place

ou encore l’élimination progressive de l’enfouissement ont été soulignés par les dirigeants rencontrés

comme éléments essentiels de la valorisation résiduelle.

Le but premier de la valorisation, c’est de diminuer les rejets environnementaux. Nous avons construit l’usine de gypse à cause de cela parce qu’il y avait des rejets d’acide usé dilué dans le fleuve. C’est pourquoi nous avons fait des recherches pour trouver les moyens de ne pas continuer avec ces rejets. C’est comme ça qu’on a pu maîtriser l’acide. C’est donc là le but premier. Et comme un but secondaire, parfois il y a une économie. Nous avons des dépoussiéreurs qui récupèrent les poussières des pigments qui, au lieu d’aller dans l’atmosphère, sont remis dans le procédé (un ingénieur de procédé, cas 12).

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177

Pour nous, c’est éliminer des produits qui sont considérés comme des déchets qui contaminent l’environnement. Dans notre cas, ce sont des pneus rebutés. Valoriser revient donc à se servir de ces produits-là pour faire des matières premières. C’est en même temps une plus-value parce qu’on enlève des produits qui sont dans l’environnement et on réussit à faire un produit qui est rentable pour l’industrie (un directeur de production, cas 2).

La valorisation signifie beaucoup pour nous ici à l’usine. Nous valorisons à peu près 96 % de nos rejets. C’est quelque chose d’intéressant pour notre environnement parce qu’aller dans les sites d’enfouissement, ce n’est pas de la valorisation. La valorisation constitue une utilisation intelligente des déchets tandis que l’enfouissement, c’est un gaspillage (un directeur des pâtes et services, cas 11).

Il apparaît intéressant de voir que dans la vision de certains dirigeants, la valorisation résiduelle

renvoie premièrement aux bénéfices pour l’environnement alors que pour d’autres, ces bénéfices ne

constituent pas le but recherché. Cette vision antagonique ne semble pas reposer sur la fonction du

répondant au sein de l’entreprise, sur le volume des matières transformées ou encore sur le secteur

d’activité de l’usine étudiée. Elle apparaît plutôt refléter les valeurs et les convictions personnelles de

chacun des gestionnaires participant à l’étude face à l’environnement. Cependant, pour la plupart des

dirigeants des entreprises à vocation résiduelle, c’est-à-dire dont la raison d’être s’articule autour de la

récupération et de la transformation des sous-produits en produits finis ou semi-finis destinés à des

marchés ciblés, la valorisation résiduelle n’est qu’un moyen pour arriver à un but précis : la création de

la valeur commerciale et non le nettoyage de l’environnement.

L’objectif premier de l’entreprise n’était pas de voir la serpentine en termes de valorisation, mais plutôt comme une source quelconque de matières premières pour produire du magnésium (un directeur de l’entretien et de l’ingénierie, cas 6).

Les différentes façons de concevoir la valorisation résiduelle selon les dirigeants rencontrés en

termes de mode d’entrée, d’élaboration de produits, de création de valeur commerciale et de bénéfice

pour l’environnement ne semblent pas être exclusives. Cette même diversité ne semble pas non plus

tenir compte des secteurs d’activités industrielles. Par exemple, la modalité d’entrée (récupération,

réutilisation des matières rebutées) n’exclut pas la création de valeur commerciale. L’élaboration de

nouveaux produits à partir de matières résiduelles n’exclut pas les bénéfices environnementaux. Par

contre, il est intéressant de voir que l’élément « échange des sous-produits » n’est pas beaucoup évoqué

dans la définition de la valorisation résiduelle. Très peu de dirigeants rencontrés se sont référés aux

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178

réseaux d’échange avec d’autres entreprises. Implicitement, ils parlent plutôt de « …matières rejetées

par d’autres entreprises; produits qui ne sont plus utiles pour l’industrie et que l’on récupère… ».

Il apparaît ainsi que, pour les dirigeants rencontrés, la valorisation résiduelle est d’abord et avant

tout une stratégie d’affaires tournée vers l’interne. C’est-à-dire que la valorisation a pour point de

départ la réception des matières résiduelles dans les installations de l’usine, indépendamment de

l’origine de ces dernières. Ce constat soutient ainsi l’hypothèse selon laquelle l’écologie industrielle à

l’échelle de l’entreprise et donc la valorisation résiduelle commence par l’unité d’action de chaque

entreprise individuelle. Ce qui ne veut nullement dire que l’aspect « réseau » ne soit pas important dans

la valorisation résiduelle. Pour les dirigeants rencontrés, les réseaux d’échange des sous-produits

semblent constituer un facteur de l’entourage immédiat des activités industrielles qui peut représenter à

la fois des opportunités (disponibilité des matières premières de remplacement, faibles coûts,

fabrication des produits écologiques, etc.) et des menaces (manque d’information sur les propriétés

physiques et chimiques de ces matières, manque d’information sur leurs disponibilités selon les

régions, difficultés de les utiliser selon les réglementations environnementales en vigueur, etc.).

Les résultats de l’étude en ce qui a trait à la conception de la valorisation résiduelle comme

forme particulière d’écologie industrielle montrent qu’on est loin d’une application « pure et parfaite »

des concepts théoriques de l’écologie industrielle et de « l’étude du flux des ressources et de l’énergie

dans les systèmes de production industrielle et de consommation; de l’effet de ces flux sur

l’environnement; des facteurs économiques, politiques, légaux, et sociaux sur le flux; de l’usage et de la

transformation des ressources et de l’énergie », définition du domaine proposée par White (1994).

Si, dans la conception des dirigeants rencontrés, la valorisation résiduelle ne traduit pas

suffisamment d’intégration dans la dialectique entre l’économie et l’écologie, ce que la thèse a tenté de

montrer par l’écart entre la conception pragmatique et la conception écologique des produits élaborés

à partir des sous-produits ou matières résiduelles, cet antagonisme semble s’accentuer avec la question

des motivations des entreprises pour les pratiques de récupération et de transformation des matières

résiduelles.

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179

6.2. Les motivations pour la valorisation résiduelle

Les résultats de l’étude montrent que les expériences de valorisation résiduelle répondent à des

motivations variées. Celles-ci se justifient en particulier par la poursuite de bénéfices économiques, de

création de la valeur du produit fini et de résolution d’un problème spécifique. Cette section introduit

ainsi le concept d’orientation économique des activités de valorisation résiduelle. Il s’agit là de

l’extension de la motivation économique des activités de valorisation résiduelle. En outre, les politiques

gouvernementales, les lois et les règlements, ainsi que l’image écologique de l’entreprise sont également

à la base des initiatives de valorisation résiduelle.

6.2.1. Le profit économique et le leadership du marché

Les dirigeants rencontrés reconnaissent que les motivations qui ont poussé leurs entreprises à

adopter les stratégies de valorisation résiduelle sont d’abord et avant tout d’ordre économique. Qu’il

s’agisse de la création de nouvelles entreprises à vocation résiduelle comme dans les cas 1, 2, 4, 5, 6, 9

et 10 ou encore des activités annexes incorporées pleinement dans la production régulière comme les

cas 3, 7, 8, 11 et 12, la motivation économique a une pondération majeure. Les dirigeants sont

intéressés par les bénéfices à réaliser en utilisant des matières résiduelles - dont les coûts d’achat sont

nettement inférieurs à ceux des matières premières conventionnelles - et par les opportunités d’affaires

que cela apporte, notamment le fait de devenir leader dans le secteur industriel d’activités, ainsi que par

la fabrication et l’introduction des produits innovateurs qui représentent certainement une valeur

écologique pour les consommateurs.

Bien qu’assez distribués selon les types de secteurs d’activités, les fonctions exercées par les

répondants ou encore l’utilisation faite des résidus récupérés, les propos sur la recherche du profit et le

leadership du marché montrent tout de même deux grandes tendances de la valorisation en ce qui a

trait aux motivations économiques : l’orientation économique forte et l’orientation économique faible.

Valorisation résiduelle primaire ou orientation économique « forte »

La valorisation résiduelle primaire (VRP) représente les activités des entreprises dont la vocation

principale s’inscrit dans la récupération et la transformation des sous-produits industriels. Les

dirigeants de ces entreprises tendent à afficher une grande et claire motivation économique. Celle-ci

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180

représente pour ces entreprises une valeur terminale, c’est-à-dire la recherche et l’obtention des

résultats financiers immédiats durant toute l’existence de l’entreprise par la conversion des diverses

matières résiduelles en produits destinés à des marchés ciblés. Pour ces mêmes entreprises, « la

fonction écologique est avant tout économique ».

La motivation première a été le produit fini. Les premiers actionnaires ont découvert un produit qui pouvait servir aux animaux. Pour faire ce produit, ils ont découvert qu’il fallait déchiqueter les pneus usés et à partir de là, élaborer un produit fini. Cela a vraiment commencé par le produit fini pour remonter aux déchets industriels. C’est donc une motivation économique (un directeur général, cas 1).

Les études ont démontré qu’il s’agit d’une localisation stratégique pour la proximité des gisements, la proximité des lignes électriques. Donc, il y a derrière ça une forte motivation économique : on va produire du magnésium sous forme d’alliages, ce qui se vend encore plus cher sur les marchés mondiaux (un chef de l’environnement, cas 6).

La motivation est avant tout et uniquement économique. Nous le faisons pour l’argent parce que cela représente pour nous une opportunité d’affaires (un vice-président chargé des affaires économiques, cas 9).

Il est intéressant de noter l’importance que les gestionnaires ou les créateurs d’entreprises visitées

ont accordée aux produits à élaborer au moment de la reconnaissance des opportunités d’affaires. Ces

produits leur ont permis de faire des liens directs avec le profit à réaliser. Dans le cas 1, par exemple,

les créateurs de cette entreprise ont « découvert un produit qui pouvait servir aux animaux ». Dans le

cas 9, les gestionnaires « regardent les matières résiduelles » et cherchent celles qui sont susceptibles de

rapporter le plus de profit possible. Les entretiens réalisés montrent ainsi que l’orientation économique

des entreprises à vocation résiduelle primaire tend à être forte.

Valorisation résiduelle secondaire ou orientation économique « faible »

La valorisation résiduelle secondaire (VRS) représente les activités des entreprises dont la

valorisation fait partie des activités associées. Les entretiens réalisés montrent que les entreprises à

vocation résiduelle secondaire affichent une orientation économique faible. Celle-ci ne représente pas

une valeur terminale, mais plutôt instrumentale, c’est-à-dire un choix et un mode particulier de

production en considérant les possibilités de maximiser l’usage des résidus ou encore de réduire les

coûts liés à l’enfouissement de ceux-ci.

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181

C’est sûr que l’aspect économique est très important. C’est clair que si les dirigeants du Groupe Holcim Ltd. en Suisse ont insisté pour que toutes les usines puissent intégrer des pratiques de valorisation, c’est d’abord pour des raisons économiques (un directeur du recyclage énergétique, cas 8).

Dans la gamme des produits que l’on reçoit, je dirais qu’il y a effectivement une économie qui se fait pour certains et non pour les autres. Dans la moyenne, je dirais qu’il y a une économie. Sur le budget global de l’usine, cette économie représente peut-être 1 % ou même 2 %, en parlant des matières. C’est au niveau des combustibles que cela a le plus d’importance. Parce que nécessairement, 50 % du budget de l’usine, c’est l’énergie. Donc, le rapport n’est pas le même pour toutes les matières résiduelles qui rentrent ici, à l’usine (un coordinateur à l’environnement, cas 7)

Ces propos montrent que la valorisation, dans le cas des entreprises à vocation résiduelle

secondaire, n’apporte que très peu ou presque pas de bénéfice financier. L’analyse des données portant

sur la taille de ces entreprises et sur les concepts de création de valeur directe ou indirecte et

d’orientation économique de la valorisation montre une corrélation intéressante. D’une part, les

entreprises filiales de grandes multinationales utilisent les matières résiduelles par la création de la

valeur indirecte. D’autre part, elles affichent une orientation économique secondaire. De la même

manière, les petites et moyennes entreprises tendent à valoriser les sous-produits industriels par la

création de valeur directe et en plus, elles affichent une orientation économique forte. De façon

simplifiée, la création de la valeur directe renvoie à la récupération et à la conversion des résidus en

produits finis tandis que la création de valeur indirecte, quant à elle, touche l’amélioration de

l’efficience des procédés et de la productivité. Si la pondération des motivations économiques varie

beaucoup selon le fait que l’entreprise est VRP ou VRS, les résultats montrent que les motivations non

directement économiques ne semblent pas modifier cette tendance. Celles-ci s’articulent autour de la

résolution d’un problème précis, les pressions de la haute direction et l’image écologique de

l’entreprise.

6.2.2. La solution à un problème précis

À côté de la poursuite des bénéfices économiques comme motivation pour la valorisation

résiduelle, les résultats montrent que la solution à un problème précis constitue également une

motivation dans certains cas analysés. La surproduction des déchets est perçue comme la motivation

principale des initiatives de valorisation résiduelle, en particulier dans les cas 11 et 12. Il est intéressant

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182

de noter ici que ces entreprises sont des VRS. De façon unanime, les dirigeants de ces entreprises

affirment que la valorisation des déchets représente la meilleure alternative à l’enfouissement et au rejet

des résidus générés par leurs procédés de fabrication de la pâte à papier (le cas 11) ou du bioxyde de

titane (le cas 12). Dans les deux cas, des investissements très coûteux se sont avérés nécessaires pour

connaître les possibilités de valorisation et pour construire des installations permettant de le faire en

toute sécurité. En somme, donner une deuxième vie aux boues de désencrage ou encore fabriquer du

gypse avec du surplus d’acide sulfurique se traduit par la réduction des coûts à long terme.

La motivation première était de résoudre un problème : celui de savoir quoi faire avec la quantité de résidus qu’on génère chaque jour et qui représente 470 tonnes. Étant donné que les recherches ont prouvé que l’on pouvait utiliser ces résidus comme matières premières dans le compostage, on a donc établit un programme de partenariat avec Les Composts du Québec. Par-là, on résout un problème environnemental : au lieu d’enfouir les résidus, on les réutilise. En bout de ligne, cela représente une opportunité en matière de coûts parce qu’enfouir nous coûtait de plus en plus cher (un coordinateur à l’environnement, cas 11).

Je pense que c’est d’abord le besoin de trouver des solutions à la grande quantité de déchets, de boues désencrées que les nouveaux procédés mis en place généraient dans les années 1990. On a donc voulu faire quelque chose avec pour que la société puisse en bénéficier. Et il y a derrière ça aussi une motivation de pouvoir réduire nos coûts d’opération parce qu’avec toute cette quantité, des solutions telles qu’enfouir n’étaient plus viables. Pour moi, c’est ça (un ingénieur au service technique, cas 12).

La valorisation résiduelle comme solution viable à des problèmes opérationnels de

surproduction de déchets (disequilibrium résiduel) ne semble pas reposer sur des initiatives volontaires et

fortuites de la part des dirigeants. Elle apparaît plutôt comme la recherche forcée des solutions -

souvent dictée par la haute direction de l’entreprise, dans le cas d’une corporation multinationale - ou

encore comme solution imposée par des instances gouvernementales. Les dirigeants sont donc obligés

de prendre la voie de la valorisation et par là même de faire des bénéfices en termes de coûts

d’enfouissement et d’incinération.

6.2.3. Les politiques gouvernementales, les lois et les règlements

Pour certains dirigeants, les politiques gouvernementales, les lois et les règlements en matière

d’environnement ne semblent pas constituer seulement des contraintes, mais également des

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183

motivations qui encouragent les initiatives et des actions proactives de valorisation des résidus. Cette

perception rejoint celle de la valorisation résiduelle comme moyen de résoudre un problème quand la

recherche des voies viables pour le faire se cache derrière des pressions corporatives et

gouvernementales.

Il y a d’abord les lois et les règlements. Je pense que c’est un aspect important. En deuxième lieu, il y a les principes de gestion responsable de l’Association des fabricants des produits chimiques du Canada (AFPC). Ce sont là les deux aspects les plus importants (un ingénieur de procédé, cas 12).

On a développé la gamme de bitume en 1990. Dans ce temps-là, un projet de loi américain imposait l’utilisation de bitume en caoutchouc dans une proportion de 5, 10, 15 et 20 % de façon progressive. C’est alors que nous avons sorti en ce temps-là le bitume caoutchouc, qui répond très bien aux attentes du marché nord-américain. Quand on parle de 5 ou 10 %, on fait allusion à 95 ou 90 % de bitume et le reste en caoutchouc provenant des pneus hors d’usage (un vice-président chargé des opérations, cas 3).

Les propos tenus par ces dirigeants révèlent en effet que loin de constituer des contraintes, les

lois et les règlements environnementaux incitent les gestionnaires à concevoir des stratégies de

valorisation. Étant donné que les initiatives de valorisation sont volontaires, il apparaît justifiable que

les lois et politiques gouvernementales représentent des motivations pour la valorisation résiduelle.

Paradoxalement, les mêmes attitudes des gouvernements peuvent produire des résultats

contraires. Le cas 3 en particulier a vu dans le projet de loi américain une opportunité de développer

un produit écologique innovateur au début des années 1990. Au moment où les responsables de cette

entreprise ont été rencontrés pour les entretiens, la valorisation venait d’être abandonnée malgré les

brevets obtenus pour les procédés inédits de fabrication écologique. Cet exemple d’échec des pratiques

d’écologie industrielle est attribué au manque de soutien gouvernemental et au refus, de la part des

fonctionnaires, d’accorder des subventions qui favorisent la valorisation au sein de l’industrie.

Avec le temps, il y a eu un lobbying et le projet de loi qui encourageait l’utilisation des résidus n’a pas passé. Le marché n’était pas prêt à accepter ce produit-là et les promoteurs de cette loi l’ont abandonnée. Nous avons eu toute la volonté de promouvoir ce produit de 1992 jusqu’à 2000. On n’a pas réussi à faire accepter que le gouvernement nous donne un peu plus de subventions pour combler le vide que laissaient les coûts d’opération en utilisant le caoutchouc recyclé. On a abandonné la valorisation résiduelle parce qu’il n’y a plus de loi aux États-Unis qui impose

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184

l’utilisation du caoutchouc recyclé. Étant donné que le marché nord-américain est l’un des plus importants pour nous, il n’y a plus de motivations pour continuer à le faire et pour favoriser le développement des produits environnementaux. Au Québec, par exemple, il n’y en a pas, à part les pneus hors d’usage (un vice-président chargé des opérations, cas 3).

Selon ce dirigeant interrogé dans le cas 3, la démotivation pour la valorisation résiduelle a pour

source principale le refus des fonctionnaires d’accorder des subventions pour compenser les coûts

d’opération après le rétrécissement du marché américain. Ce qui semble à l’opposé de la vision des

dirigeants d’autres cas (en particulier celui du cas 9), qui se prononcent contre les subventions

gouvernementales et se réjouissent de ne pas en bénéficier. En effet, selon ces dirigeants, ces

programmes augmentent les pressions sur les entreprises et ne leur laissent pas assez de marge pour

planifier pleinement les activités de production de façon indépendante.

Pour nous, l’aspect économique et écologique est extrêmement important et c’est ce qui constitue le « market driver ». Pour être rentable, on veut extrêmement faire un très bon travail environnemental, toujours en l’absence de contraintes gouvernementales et en l’absence, aussi, de subventions gouvernementales. Quand tu es subventionné, tu appartiens en partie à quelqu’un, et ce quelqu’un, lorsqu’il définit tes objectifs, ce n’est jamais des objectifs qui sont rentables : c’est toujours des objectifs environnementaux et tu n’as pas assez d’argent à faire comme entreprise (un directeur de la recherche et du développement, cas 9).

6.2.4. L’image corporative

L’image comme motivation de la valorisation résiduelle n’est pas soulignée avec insistance par

les dirigeants rencontrés. Par contre, la plupart des documents rendus public par les entreprises visitées

insistent sur le caractère écologique de leurs activités de valorisation, sur leur engagement aux efforts

de développement durable et sur leurs stratégies en faveur de la protection de l’environnement. Il est

donc indiscutable que la plupart des entreprises visitées s’appuient sur leurs activités de valorisation

résiduelle pour projeter leur image de « bon citoyen » auprès du public en général.

Je pense qu’il y a deux motivations principales. D’abord, il y a l’économie que l’entreprise fait en utilisant les matières résiduelles. La deuxième raison, c’est l’image que l’entreprise se donne parce que cette utilisation touche en grande partie les questions environnementales. Il y a certainement une bonne volonté là-dedans aussi de la part des dirigeants (un chef des ressources humaines, cas 7).

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185

Les différentes motivations pour la valorisation résiduelle dans la vision des dirigeants interrogés

(économiques, résolution d’un problème précis, lois et politiques gouvernementales, bénéfices pour

l’environnement et image de l’entreprise) semblent reposer sur la combinaison de deux facteurs

moteurs : la vision de l’entreprise et le dynamisme des secteurs industriels. La vision de l’entreprise

semble être centrée sur la mise en marche des actions proactives dans le domaine de l’environnement

(les cas 7, 8, 11 et 12), sur une position dominante dans la conversion des résidus en produits de

consommation (les cas 1, 2, 3, 4, 5, 6, 9 et 10) ou encore sur le développement de nouveaux débouchés

(le cas 9). Le dynamisme et les changements contextuels dans le monde des affaires reposent sur

l’existence d’une grande variété de matières résiduelles (indice de valorisation), sur leur accessibilité,

leur volume suffisant, l’existence des mesures incitatives et la flexibilité des lois pour utiliser ces mêmes

matières.

Ce chapitre a permis de saisir l’essentiel de la conception de la valorisation selon les dirigeants

rencontrés et les motivations qui poussent à privilégier l’utilisation des matières rebutées dans les

procédés de fabrication industrielle. La valorisation résiduelle est conçue par les dirigeants rencontrés

en termes d’accès aux matières premières, de création de la valeur commerciale, de cycle de traitement

des matières résiduelles et de bénéfices pour l’environnement. Cette conceptualisation de la

valorisation résiduelle repose sur la capitalisation du disequilibrium résiduel. Il est intéressant de noter

que ces termes renvoient plus aux dimensions productivité et profit économique qu’aux dimensions

éco-efficience et bénéfice économique. Ce qui justifie l’écart entre la conception pragmatique et la

conception écologique dans l’élaboration des produits issus de la valorisation. Est-ce que cet écart

signifie que la valorisation résiduelle ne signifie pas toujours une pratique d’écologie industrielle? Il est

peut être encore tôt pour arriver à une telle conclusion. Par contre, l’exemple du cas 9 du recyclage des

matières plombifères montre qu’avec le temps, la conception pragmatique devient de plus en plus

écologique.

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186

CHAPITRE 7

LE MODÈLE CONCEPTUEL DE LA VALORISATION RÉSIDUELLE

À partir des résultats portant sur les définitions de la valorisation ainsi que les motivations pour

mettre de l’avant des initiatives d’écologie industrielle, le présent chapitre propose un modèle

conceptuel de la valorisation résiduelle. En effet, les résultats de l’étude montrent que la valorisation

des sous-produits industriels repose essentiellement sur les concepts d’introduction, de transformation

des résidus en produits à valeur commerciale, de réseau d’échange des sous-produits et de

développement des marchés pour les produits élaborés à partir des résidus industriels (ITEM). Cette

conceptualisation tient compte de deux facteurs majeurs déjà évoqués. D’abord, la quantité de sous-

produits récupérés et valorisés, ou l’axe « matériel ». Ensuite, la mobilisation ou réorganisation des

ressources organisationnelles (humaines, techniques, financières, connaissances, etc.) pour atteindre les

objectifs de la valorisation des sous-produits industriels, ou l’axe « formel ». Ces quatre concepts précis

deviennent des éléments de redéfinition de la valorisation résiduelle comme pratique d’écologie

industrielle (figure 8). Après avoir présenté ces éléments, la redéfinition de la valorisation résiduelle

sera proposée et discutée.

Figure 8. Éléments de la valorisation résiduelle

Indi

ce d

e va

lori

sati

on (

iV)

Axe

mat

érie

l

INTRODUCTION

• Réception • Introduction

régulière

TRANSFORMATION

• Produits résiduels

• Innovation • Savoirs

ÉCHANGES

• Interactivité • Collaboration

MARCHÉ

• Qualité • Compétitivité• Valeur

commerciale

Mobilisation des ressources organisationnelles Axe formel

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187

7.1. Les éléments de la valorisation résiduelle

7.1.1. L’introduction des sous-produits

Le premier élément de la valorisation des sous-produits industriels est l’introduction des sous-

produits et des matières résiduelles dans les procédés de production. Les opérations de valorisation

résiduelle repose sur la réception et l’introduction d’une quantité considérable de matières sur une base

régulière. Il s’agit en effet d’une récupération et d’une introduction « industrielles ». Le volume

représente ainsi un facteur particulièrement important. Dans le cas des sous-produits générés, leur

grande quantité offre la chance aux responsables d’entreprises qui les utilisent de faire une meilleure

planification.

Il faut dire une chose : il faut que la quantité soit là. On utilise quand même des quantités industrielles et il faut que les ressources soient en abondance (un directeur de l’énergie et de l’environnement, cas 8).

Nous recevons 2 000 pneus par jour. Ce qui fait un total de 2 000 X 49 kilos = 980 tonnes par jour. Le caoutchouc est récupéré à 75 % (un directeur général, cas 1).

L’entreprise a deux schémas particuliers de la valorisation : en premier lieu, la valorisation à 100 % des scories d’acier inoxydable de types 300 et 40035. Ce qui constitue l’une des principales activités de l’entreprise. On est la seule entreprise en Amérique qui fait de la revalorisation des scories d’acier inoxydable. Dans un deuxième plan, on fait de la valorisation de stérile de minerai de fer. On parle des produits majeurs : c’est 60 000 tonnes de scories d’acier inoxydable qui sont traitées et environ 400 000 tonnes de stériles miniers qui sont traitées. À cela s’ajoutent annuellement 15 000 tonnes de scories de titane, environ 10 000 tonnes d’éclaboussures de machine d’usure, qui est de la pompe, environ 100 000 tonnes de briques qui sont issues de la récupération des autres produits. On produit environ 100 000 tonnes de produits récupérés par année (un directeur général, cas 5).

Bien que le volume de matières récupérées et traitées varie selon les secteurs industriels et les

types d’activités, les dirigeants rencontrés soulignent bien que la quantité « industrielle » des résidus

constitue le premier critère d’évaluation des possibilités d’utilisation des matières, tant pour les

entreprises de valorisation résiduelle primaire que pour les entreprises de valorisation résiduelle

secondaire. Non seulement ce volume sous-entend la régularité des approvisionnements, mais il

35 Classification de l’acier inoxydable selon sa structure métallurgique. Cette nomenclature a été définie par le

AISI (American Iron and Steel Institute).

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188

constitue la base sur laquelle repose l’indice de valorisation. L’indice de valorisation résiduelle a été

défini comme étant le rapport entre la quantité de matières résiduelles ou sous-produits reçue ou

introduite et la quantité de produits élaborés à partir de ces mêmes matières résiduelles ou sous-

produits dans les procédés de production.

Dans le but de mieux analyser l’indice de valorisation, la valeur maximale constante « 1 » est

donnée à cet indice. Dans la majorité des cas analysés, l’indice de valorisation affiche une valeur égale

ou supérieure à 0,15. Ce qui amène à supposer que pour la valorisation résiduelle, le iV de l’entreprise

devrait être supérieur ou égal à 0,1. Les tableaux 11 et 12 suivants présentent le iV dans quelques cas

analysés.

Tableau 11. Indice de valorisation (iV) dans quelques cas analysés

Cas Quantité introduite Quantité valorisée IV

1 98 tonnes/jour 75 % 0,75

2 490 tonnes/jour 80 % 0,8

4 30 tonnes/jour 60 % 0,6

5 585 tonnes/année 100 tonnes 0,17

6 4,5 tonnes pour produire 1 tonne

21 % 0,22

9 150 000 tonnes/année 60 000 tonnes 0,4

11 470 tonnes/jour 90 % 0,9

Tableau 12. Indice de valorisation (iV) dans les cimenteries analysées

Cas Quantité totale d’énergie utilisée

Quantité d’énergie de remplacement par

valorisation

iV

7 100 % 15 % 0,15

8 100 % 38 % 0,38

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189

Ces deux tableaux indiquent que dans la majorité des entreprises visitées, le iV a une variation

de 0,15 à 0,9 selon les types d’activités et les secteurs industriels. En se basant sur ces faits, il ne serait

pas exagéré de dire que dans le cadre de la valorisation résiduelle, le iV doit être supérieur ou égal à 0,1.

Ce critère permet justement de catégoriser de façon rigoureuse les pratiques de valorisation résiduelle.

La moyenne de l’indice de valorisation résiduelle dans la majorité des entreprises analysées se situe à

0,3. Il est toutefois intéressant de noter qu’il existe de grandes différences à ce niveau selon les

entreprises. Ces différences s’expliquent par la variété de secteurs industriels étudiés, les types de

matières utilisées et transformées, ou encore la capacité opérationnelle et l’efficacité des procédés

développés par l’entreprise.

La moyenne de l’indice de valorisation pour le secteur des pneus hors d’usage est de 0,7.

Cependant, l’indice de valorisation du cas 4 se situe en dessous de cette moyenne, soit 0,6. Ce qui

porte à penser que, selon les conditions actuelles de valorisation résiduelle, la capacité opérationnelle

dans ce cas particulier est inférieure à la moyenne du secteur. Ce qui n’est pas surprenant à entendre

dire ce dirigeant :

J’ai pris la direction de cette entreprise et mon objectif est de justement aider à repenser la méthode de production. Donc, là, ce qui existe présentement est presque venu de soi par le contact entre les anciens dirigeants et les fabricants des machineries, essentiellement. Aujourd’hui, je réalise que c’est insuffisant. Je réalise que, pour certaines parties de la machinerie, le fabricant était peut être orienté vers le recyclage d’autres produits comme des cannettes ou des choses en plastiques. Je pense qu’il va falloir adapter la machinerie ou encore acheter d’autres machineries pour permettre qu’on soit beaucoup plus en synergie avec le produit qu’on recycle et qu’il y ait moins d’inconvénients à utiliser la machinerie qu’on utilise présentement (un directeur général, cas 4).

Ces propos montrent que les dirigeants sont conscients du problème de la faible capacité

opérationnelle et que la restructuration des modes d’utilisation et de transformation des 30 tonnes de

pneus par jour s’impose. Dans les cas 1 et 2 du traitement des pneus hors d’usage, l’indice de

valorisation est supérieur à la moyenne de ce secteur de valorisation résiduelle. Toutefois, les dirigeants

reconnaissent que les procédés utilisés actuellement ne permettent pas encore de récupérer environ 20

% d’acier contenus dans les pneus traités. L’indice de valorisation dans ces deux cas pourrait être

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190

supérieur à sa valeur actuelle avec le développement de nouveaux procédés permettant de récupérer

cette quantité d’acier.

Dans les cas 7 et 8 des cimenteries, la différence de l’indice de valorisation tient à la diversité des

matières valorisées, principalement comme source alternative d’énergie. Si dans le cas 7 la quantité

d’énergie de remplacement par valorisation représente 15 %, ce pourcentage est proche de 38 % dans

le cas 8. Là encore, cette différence pourrait s’expliquer par les choix faits par les dirigeants en ce qui

concerne la gestion des matières résiduelles à valoriser. Avec la création du poste de directeur

énergétique par exemple, le cas 8 tente de multiplier des contacts avec des entreprises qui offrent des

possibilités d’utiliser une variété de résidus, d’une part, et d’autre part, de développer des attentes

commerciales avec d’autres entreprises capables de « pré-conditionner » les matières résiduelles. Les

entreprises de pré-conditionnement se positionnent à l’interface entre les entreprises génératrices et les

utilisatrices des sous-produits ou matières résiduelles. Ce qui montre une fois de plus la pertinence de

l’indice de valorisation pour la compréhension des différentes dimensions de la valorisation résiduelle.

7.1.2. La transformation des sous-produits ou matières résiduelles

Le deuxième élément de la valorisation résiduelle est la conversion ou la transformation des

résidus en produits à valeur commerciale. Dans les cas 1, 2 et 4, les pneus hors d’usage sont

transformés en divers produits à partir du caoutchouc recyclé : sous-tapis industriels pour les stalles

des chevaux et les vaches, garde-boue pour les camions, planchers commerciaux et industriels, couvre-

planchers d’insonorisation ou encore pneus pour les bacs de récupération. Dans le cas 5, l’agrégat du

stérile minier valorisé est utilisé dans les travaux de construction comme matériau de couverture des

sites d’enfouissement, en technique routière et même comme fertilisant et agent de correction des sols.

On prend des pneus rebutés qui viennent normalement des sites où on a accumulé des pneus depuis des années, ici, au Québec. On procède par le déchiquetage des pneus en morceaux de 6 par 6; ils sont granulés dans un granulateur, ils sont emmagasinés; et enfin, ils sont transformés en tapis industriels. Nous produisons 250 000 tapis ou 45 000 tonnes de produits par année (un directeur général, cas 1).

Les intrants principaux sont des scories d’acier inoxydable qui viennent des mines d’acier inoxydable et des micro-fonderies. Premièrement, nous procédons par la séparation des intrants. Deuxièmement, nous réduisons à un maximum de poids pouce ce qui n’est pas métallique. Après ça, on les sépare et une fois la séparation faite, c’est la disposition. On récupère à 97 % le métal contenu dans les scories traitées : acier

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191

inoxydable et fer. Ce sont donc des concentrés métalliques et des stériles miniers ainsi qu’une gamme de produits agrégats obtenus en fin de procédé (un directeur général, cas 5).

Cette transformation des résidus prend également la forme de résidus utilisés en remplacement

des matières premières conventionnelles. Dans le cas 3, l’entreprise a mis au point un procédé

innovateur de fabrication de bitume qui remplace progressivement le polymère par le caoutchouc

provenant des pneus hors d’usage dans une proportion de 5, 10, 15 et 20 %.

Dans le cas de bitume à partir de caoutchouc recyclé, il s’agit principalement des granules provenant des pneus hors d’usage. « Ces granules proviennent des entreprises qui recyclent ces pneus ici, au Québec. Notre procédé consiste en une dissolution complète du caoutchouc, ce qui permet donc de briser les liaisons de soufre, entraînant ainsi la dissolution du caoutchouc dans le bitume. Et l’utilisateur peut l’utiliser comme s’il s’agissait de bitume conventionnel ou de bitume primaire. Nous produisons les bitumes pour les toitures et les routes, pour les produits asphaltés et le revêtement des routes (un vice-président chargé des opérations, cas 3).

Dans les cas 7 et 8, dans un premier temps, les huiles usées et diverses matières résiduelles sont

utilisées en remplacement des combustibles conventionnels. Dans un deuxième temps, des poussières

provenant des usines de traitement des eaux usées sont utilisées en remplacement des principales

composantes dans la fabrication de la poudre de ciment : le calcaire, le fer, l’alumine et la silice.

Nous introduisons principalement des matières combustibles : les pneus, les huiles usées, les combustibles de synthèse et probablement les farines des graisses animales; ensuite, les matières alternatives qui remplacent certaines matières premières (nous en avons 13 différentes) et les matières « cimentibles » que l’on ajoute pour renforcer les propriétés du béton (un coordinateur à l’environnement, cas 7).

On parle principalement des combustibles que l’on utilise comme résidus de valorisation : les huiles usées, les pneus hors d’usage, le bois traité comme celui des chemins de fer et les poteaux de téléphone. Le prochain type de résidus pour lesquels on va demander un certificat d’utilisation, c’est tout ce qui est à base de plastique. Que cela vienne des entreprises de recyclage, les retailles de tapis, les petits morceaux de plastique, etc. : tout ce qui peut brûler dans nos fours. On est rendu à environ 30 % de matières remplacées dans nos procédés. Pour ce qui est des matières premières (le calcaire, la silice, l’alumine et le fer), disons qu’on est rendu environ à 3 % de remplacement de ces matières premières par des résidus (un directeur de l’énergie et de l’environnement, cas 8).

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192

Dans le cas 9 du recyclage de plomb, le plomb pur et les alliages de ce métal sont obtenus par

un procédé de recyclage des batteries au plomb-acide et de diverses matières plombifères. Également,

les brasques provenant des alumineries sont valorisées pour fabriquer une fritte de verre dont les

propriétés améliorent la qualité du béton.

Notre entreprise est spécialisée dans le recyclage des produits plombifères (selon 40 codes différents ou d’alliages de plomb au cadmium, à l’argent, à l’aluminium). Normalement, ce sont des déchets, des batteries automobiles, des camions, des locomotives, n’importe quelle batterie au plomb-acide. On prend les déchets d’usines, des sacs de filtration, les rejets des filtres, etc. Nous recyclons aussi le polypropylène de haute densité. Tous nos produits sont vendus sur le marché aux ré-utilisateurs, ceux qui fabriquent des caisses de batteries ou ceux qui font des pièces automobiles non esthétiques, des pièces noires, des couvre-moteurs, etc. (un vice-président chargé des opérations, cas 9).

Les responsables rencontrés soulignent particulièrement la transformation des matières

résiduelles dans la mesure où elle sous-entend le développement de savoirs nécessaires pour maîtriser

et traiter les déchets reçus. Cette même transformation rappelle les deux dimensions interdépendantes

« industrielle et écologique » de l’écologie industrielle (Lifset et Allenby, 2002). En transformant les

matières résiduelles dans les procédés, les entreprises de valorisation résiduelle montrent qu’elles

disposent des moyens technologiques nécessaires pour réduire les quantités des déchets générés par les

secteurs industriels et les populations de façon générale. Réduire les quantités des déchets générés,

c’est-à-dire améliorer l’indice de valorisation, représente donc pour les dirigeants des opportunités

d’affaires. Les entreprises de valorisation résiduelle participent, dans une certaine mesure, peut-on dire,

aux transformations globales des modes de production des biens et des services proposés par les

principes d’écologie industrielle (Socolow et al., 1994).

7.1.3. L’échange des sous-produits

Le troisième élément de la valorisation résiduelle est l'échange des résidus entre entreprises. Le

concept de réseau d’échange interentreprises renvoie aux concepts de collaboration, de coopération ou

encore d’alliances entre les entreprises. Les boues de désencrage générées dans le cas 11 sont utilisées

comme intrants principaux pour la fabrication des fertilisants par Les Composts du Québec; la granule

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produite dans le cas 4 est utilisée par diverses entreprises fabricant des sous-tapis industriels; le cas 5

s’alimente en résidus miniers provenant des mines d’acier inoxydable et des micro-fonderies.

Nous traitons avec deux partenaires principaux qui achètent chacun nos produits de revalorisation (un ingénieur de procédé, cas 12). Nous essayons de maintenir de bonnes relations avec les entreprises qui achètent nos produits et qui nous fournissent des matières premières. On ne cherche pas à former des regroupements de valorisateurs et récupérateurs (un directeur général, cas 5).

Les entretiens réalisés montrent que la coopération entre entreprises de valorisation semble se

limiter aux simples relations entre générateurs et utilisateurs des matières résiduelles ou pré-

conditionneurs. Les échanges des sous-produits industriels apparaissent comme des transactions

commerciales ou des ententes moyennant rétribution entre les entreprises génératrices et utilisatrices

des matières résiduelles. La notion des coûts que représentent ces matières reste au centre de ces

ententes. Tant pour les générateurs que pour les utilisateurs, l’accent est mis sur les avantages

économiques de transférer, vendre ou récupérer les matières résiduelles. Ces avantages économiques

supposent également la prise en compte des dispositions réglementaires en matière de transpport,

entreposage, élimination, valorisation, gestion, traitement et récupération des divers sous-produits ou

matières résiduelles (Loi sur le transport des marchandises dangereuses; Loi sur la qualité de l’environnement;

Règlement sur les matières dangereuses; Règlement sur le transport des matières dangereuses; Règlement sur les déchets

solides).

Les utilisatrices reçoivent les sous-produits et les revalorisent sous diverses formes dans leurs

procédés de production. Les utilisatrices les introduisent soit comme matières premières (les boues

pour la fabrication du compost, les rejets thermiques), soit comme intrants de substitution (les

copeaux de bois pour le chauffage ou les huiles usées en remplacement d’une quantité considérable de

gaz naturel ou d’électricité). En tenant compte des considérations portant sur la nature de la

collaboration, la proximité géographique et la taille des entreprises, les échanges entre entreprises dans

les cas analysés se traduisent par des réseaux interactifs flexibles. Un réseau intéractif fléxible s’entend

par un ensemble d’acteurs identifiés qui interagissent dans l’élaboration d’outils et de structures

d’échange et d’utilisation de matières résiduelles. Il s’agit de réseaux dans le sens où non seulement ils

se réfèrent à un ensemble d’entreprises industrielles et de services ainsi que d’instances

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gouvernementales, mais ils constituent également un ensemble de structures mises en place (même

informelles ou passives) sans lesquelles ces réseaux ne sauraient fonctionner.

Je suis directeur du service de recyclage énergétique. Je m’occupe du développement commercial, de faire des contacts avec des entreprises pour voir la possibilité qu’il y a avec les différents résidus, voir si ces derniers peuvent être valorisés dans nos procédés et faire des ententes commerciales avec ces entreprises. L’autre volet consiste à trouver des entreprises qui peuvent préparer les résidus et leur donner une forme pouvant être utilisée directement dans nos procédés (un directeur du recyclage énergétique, cas 8).

Les considérations de ce dirigeant montrent la dimension stratégique de la valorisation

résiduelle. Comme il a été évoqué dans l’introduction, l’utilisation des sous-produits industriels dans les

procédés productifs ouvre des voies vers des stratégies organisationnelles dans le sens de Steiner

(1979), c’est-à-dire, l’ensemble de ce que les gestionnaires font pour contrer les actions actuelles ou

futures des concurrents sur les marchés. La récupération et la transformation mènent les dirigeants

d’entreprises à faire des choix et à se démarquer des autres, à « être différente ». Ce qui rentre dans le

cadre de stratégies compétitives de l’adoption des pratiques d’écologie industrielle évoquées par Esty et

Porter (1998). En effet, ces deux auteurs soutiennent que la mise en œuvre des pratiques d’écologie

industrielle pourrait améliorer le positionement concurrentiel de l’entreprise sur trois échelles de

valeur : intra-entreprise, chaîne d’approvisionnement (générateurs et pré-conditionneurs des sous-

produits) ou interentreprises dans le cas d’une symbiose industrielle. Le flux d’informations sur les

matières résiduelles à récupérer représente ainsi l’un des éléments que les dirigeants privilégient.

7.1.4. Le développement des marchés

Le quatrième élément de la valorisation résiduelle se réfère au développement de marchés pour

la commercialisation des produits élaborés directement ou indirectement à partir des résidus

industriels. Le marché s’entend dans le sens commun, c’est-à-dire qu’il est défini comme un espace

public, un débouché économique ou un ensemble de clients qui achètent ou peuvent acheter un

produit ou un service. La notion de marché repose en effet sur celle de création de valeur du bien

vendu. La récupération et la transformation des sous-produits industriels ne font pas exception à cette

règle. Sans entrer dans le débat millénaire sur la nature, l’origine et la notion de création de valeur, il

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convient de souligner cependant que l’une des particularités de la valorisation résiduelle est la création

de la valeur écologique et commerciale pour les nouveaux produits.

Le développement des marchés pour vendre les produits élaborés à partir des résidus industriels

est une conséquence directe de la transformation des matières dans les procédés. Les entretiens réalisés

montrent que les entreprises transforment les résidus pour créer de la valeur commerciale. Cette

téléologie résiduelle rejoint le concept de synergie entrepreneuriale et environnementale dans la vision

de Finster, Eagan et Hussey (2001). La dimension environnementale de cette téléologie signifie ici que

les dirigeants visent la valorisation des quantités des matières qui se retrouveraient enfouies et donc qui

causeraient des dommages sur l’environnement. La valeur commerciale renvoie à l’état du produit issu

des résidus lorsque celui-ci peut être vendu à des prix compétitifs dans différents marchés où il est

introduit. Les garde-boue fabriqués à partir des pneus hors d’usage se vendent à côté de ceux produits

à partir du caoutchouc vierge ou synthétique.

La qualité s’associe à la valeur commerciale du produit. La valeur écologique renvoie au statut

du produit quant à la démarche de sa production : élaboré à partir de matières rebutées et générant des

bénéfices environnementaux. La combinaison des valeurs commerciale et écologique permet aux

entreprises de mettre de l’avant ces caractéristiques comme outils de pénétration des nouveaux

marchés. La poudre de ciment obtenue au moyen d’un procédé qui utilise les catalyseurs usés des

raffineries de pétrole en remplacement de l’alumine, ou encore qui introduit les huiles usées, les

copeaux de bois et les pneus hors d’usage pour brûler et sécher le clinker, a sans doute plus de valeur

écologique que le ciment fabriqué à partir d’un procédé conventionnel. Les responsables rencontrés

ont particulièrement souligné l’importance de la valeur écologique à côté de la valeur commerciale.

Il y a une grosse différence entre le caoutchouc vierge et le caoutchouc recyclé dans les coûts. Le recyclé est généralement moins cher que le caoutchouc vierge. Au niveau de la durabilité, il n’y a pas de problèmes. Quant à l’acceptation de ce produit par les clients, le fait que depuis environ cinq ans, il y a plus de publicité sur le recyclage et ses produits, la prise de conscience pour l’environnement, il y a des gens qui vont préférer la qualité verte. De ce côté-là, cette conscientisation nous aide un peu à écouler nos produits sur les marchés. Mais ce n’est pas à 100 %, parce qu’il y a la qualité et le prix. Le facteur environnemental agit un tout petit peu en bas. C’est ce qui fait la différence entre le caoutchouc vierge et le caoutchouc recyclé (un directeur général, cas 1).

Le fait que notre produit soit issu des pneus hors d’usage, cela nous favorise un peu parce qu’il y a une certaine conscientisation de la population envers les produits recyclés (un directeur général, cas 2).

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Cette conceptualisation de l’écologie industrielle à l’échelle de l’entreprise ou encore de la

valorisation résiduelle en termes de récupération et introduction, de transformation, d’échange et de

marché conduit à la définition de la valorisation résiduelle comme pratique d’écologie industrielle dans

le cadre de la présente thèse.

7.2. La valorisation résiduelle revisitée

En tenant compte des quatre éléments ci-dessus décrits (introduction des matériaux,

transformation, échange et marché), il paraît essentiel de « revisiter » la notion de valorisation

résiduelle. La définition suivante de la valorisation résiduelle est proposée :

Un corpus de décisions et d’actions stratégiques basées sur l’utilisation des ressources alternatives (matière et énergie) comme intrants principaux dans divers niveaux de procédés de production industrielle; la transformation propre et sécuritaire de ces dernières en produits à valeur commerciale destinés à des marchés ciblés; et des formes diverses de collaborations et d’échanges de ces mêmes matières.

Cette définition repose sur les caractéristiques essentielles de la valorisation résiduelle. Les

initiatives de récupération et d’utilisation des sous-produits industriels représentent des enjeux

stratégiques pour les gestionnaires. Elles se traduisent donc par des opportunités d’affaires identifiées

par les gestionnaires. Les actions à entreprendre dans la réalisation ou l’élaboration de ces opportunités

se présentent comme un flux continu d’activités planifiées par les gestionnaires. Ces activités

s’orientent vers la production des biens à partir des matières résiduelles et ces mêmes activités se

présentent comme une façon particulière d’améliorer la productivité et la compétitivité sur les

marchés. Cette définition tente de rendre intelligible la valorisation résiduelle selon les perceptions des

gestionnaires rencontrés. Elle énonce les caractéristiques essentielles de la valorisation résiduelle. En

effet, ces caractéristiques essentielles sont dérivées de la conceptualisation de la valorisation résiduelle

selon les perceptions des gestionnaires.

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197

CHAPITRE 8

LES STRUCTURES ET LE FONCTIONNEMENT DE LA VALORISATION RÉSIDUELLE

La conceptualisation de la valorisation résiduelle proposée dans le chapitre précédent offre ainsi

un outil de base pour la compréhension de l’utilisation et la transformation des sous-produits et des

matières résiduelles dans les cas étudiés. Le présent chapitre se penche sur les structures et sur le

fonctionnement des pratiques de valorisation dans les entreprises étudiées. Il tente d’analyser la façon

dont ces entreprises incorporent les différentes matières résiduelles dans l’ensemble de leurs procédés.

Dans un premier temps, le chapitre tentera de définir les différentes échelles ou les différents créneaux

de valorisation tels qu’identifiés dans les entreprises étudiées. Dans un deuxième temps, il s’attachera à

définir les métabolismes résiduels ou les modes de valorisation de ces activités. Enfin, à partir de ces

typologies portant sur les créneaux et les modes, ce chapitre tentera de les ordonner en définissant

différents types de valorisation résiduelle comme pratique d’écologie industrielle à l’échelle de

l’entreprise.

8.1. Les échelles de valorisation résiduelle

Les résultats de l’étude montrent que les matières rebutées introduites dans les procédés de

fabrication ne sont pas utilisées à un seul endroit ou à une échelle unique le long des processus de

valorisation résiduelle. L’utilisation se fait plutôt à des échelles diverses ou créneaux. Selon les activités

et les secteurs industriels, les matières résiduelles et les sous-produits industriels sont alloués à trois

créneaux différents : l’entrée, la transformation et la sortie du processus de fabrication (figure 9).

8.1.1. La valorisation à l’entrée

La valorisation résiduelle à l’entrée constitue le premier créneau. L’utilisation à l’entrée prend la

forme d’introduction des résidus comme matières premières en début de processus de fabrication

industrielle. Ces matières proviennent directement des générateurs ou des entreprises de pré-

conditionnement.

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198

Figure 9. Échelles d’utilisation des matières résiduelles

Comme le montre la figure 9, dans la majorité des cas étudiés, à l’exception du cas 11 (pâtes et

papiers) qui est générateur de résidus, les différentes matières sont utilisées principalement à l’entrée :

les pneus hors d’usage dans les cas 1, 2, 3 et 4; les scories des résidus miniers dans le cas 5; les résidus

de la serpentine dans le cas 6 (production de magnésium); les poussières et autres agrégats dans les cas

7 et 8 (cimenteries); les matières plombifères dans le cas 9; les résidus animaliers dans le cas 10 et

l’acide sulfurique dans le cas 12 (production chimique).

8.1.2. La valorisation pendant le processus de transformation

L’utilisation pendant le processus de transformation prend essentiellement la forme de source

d’énergie pour la combustion. Les cas 7, 8 et 9 utilisent les résidus non seulement à l’entrée, mais aussi

pendant le processus de transformation comme source alternative d’énergie. Ces matières sont

constituées de combustibles - principalement des filtres et des huiles usés, du bois, des pneus; bref,

toutes les matières dont les propriétés physiques permettent de produire l’énergie nécessaire pouvant

ENTRÉE

PROCESSUS DE TRANSFORMATION

SORTIE

Les cas 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 et

12

Les cas7, 8 et 9

Utilisation Utilisation Génération

Le cas 11

Utilisation

Les cas 7 et 8

GÉNÉRATEURS PRÉ-CONDITIONNEMENT

DES DÉCHETS

PRODUITS VERS LES

MARCHÉS CIBLÉS

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199

être utilisée dans les fours à haute tension. Les cas 7 et 8 sont les seuls qui utilisent les résidus à la

sortie. Le cas 11 non seulement génère des boues de désencrage, mais aussi produit de la vapeur pour

des besoins internes.

8.1.3. La valorisation à la sortie

Enfin, l’utilisation à la sortie se traduit par l’ajout de résidus aux produits finis ou semi-finis dans

le but de renforcer les propriétés de ces derniers pour répondre aux besoins spécifiques des

consommateurs. Il est en effet intéressant de voir que les cimenteries représentent les seuls cas où les

ressources sont allouées à l’entrée, pendant la transformation, et à la sortie.

On fait de la valorisation à tous les niveaux. On a, au niveau des intrants, des matières qui sont nécessaires au niveau de l’utilisation pour le ciment et on a aussi, au niveau de l’énergie, des combustibles qu’on utilise pour l’usine. On ajoute également des matières « cimentibles » à la poudre de ciment (…) Donc, la valorisation se fait à trois endroits : au niveau des intrants, au niveau des extrants et à l’intérieur du processus comme tel, au niveau des combustibles (un coordinateur à l’environnement, cas 7).

Ici, nous faisons beaucoup de valorisation à trois niveaux : à l’entrée des matières premières de remplacement, au niveau de la transformation, notamment la combustion en utilisant des combustibles qui viennent des biomasses, et à la sortie de notre produit fini, en y ajoutant des cendres volantes pour renforcer la qualité du béton (un directeur du recyclage énergétique, cas 8).

Cette utilisation des matières résiduelles à l’entrée, pendant et à la sortie fait de l’industrie du

ciment l’un des bénéficiaires majeurs d’écologie industrielle en particulier la valorisation résiduelle. En

effet, l’utilisation des matières alternatives permet aux cimenteries non seulement de réduire les coûts

d’opération, mais surtout de réduire considérablement les émissions de CO2 par l’introduction de

combustibles non fossiles. Les bénéfices environnementaux de la valorisation résiduelle dans les

cimenteries sont particulièrement soulignés par les dirigeants de ces entreprises.

Il y a donc deux dimensions importantes avec l’utilisation des matières résiduelles. La première est qu’elle soit viable du point de vue économique et environnemental. La viabilité environnementale est comprise dans le sens de faire une autre utilisation avec les résidus que le simple fait de les enfouir; et sur le plan de l’usine, faire en sorte que ces matières qui seront utilisées n’apportent pas d’effets non désirés dans nos procédés et dans nos cheminées. La deuxième dimension touche à l’image de l’industrie du ciment. Celle-ci a toujours été considérée comme l’une des plus polluantes de toutes. Il

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200

y a évidemment le fait que les cimenteries soient des générateurs de gaz à effet de serre. Dans le procédé de fabrication du ciment, on chauffe du calcaire à de très hautes températures. De ce fait, le calcaire se sépare pour se transformer en chaux. Il y a déjà le CO2 qui est généré par le procédé de décarbonisation du calcaire. Et il y a évidemment du CO2 qui est généré par les combustibles utilisés. Dans bien des cas - c’est le cas d’ailleurs du Groupe Holcim Ltd. -, les dirigeants sont sensibles à cette question du CO2 qui est généré par le procédé lui-même. De cette façon, les solutions que nous adoptons visent à réduire l’impact de nos activités en termes de dégagement du CO2 en utilisant certains types de résidus à base de biomasse : le bois, les boues de station d’épuration des eaux. Ces matières-là étant générées de la biomasse, lorsqu’on les utilise comme combustibles, elles ne rajoutent pas au bilan de CO2 parce qu’elles rentrent dans la boucle de CO2 absorbé par l’arbre qui devient carbone et l’arbre régénère le CO2. Comparativement à utiliser du charbon, combustible fossile. Et tout ce qui est fossile, en ce moment, rajoute au bilan de CO2 (un directeur du recyclage énergétique, cas 8).

Cette description révèle que les responsables du cas 8 (cimenterie) maîtrisent et appliquent non

seulement l’analyse quantitative du flux des matières (pneus usés, bois, matières plastiques, poussières,

etc.), mais également l’analyse chimique du flux des substances dans le processus de fabrication du

ciment telle que définie par Bringezu et Moriguchi (2002). Dans le deuxième type d’analyse, l’approche

utilisée repose principalement sur la détoxication ou la réduction des émissions de CO2 produites tout

le long de ce processus. La pertinence des propos tenus par le directeur du recyclage et de l’énergie

dans le cas 8 amène à faire deux constats.

D’abord, la motivation pour acquérir la technologie afin de réaliser ce type d’analyse. En effet, le

recours à l’analyse des flux de substances exige des connaissances raffinées d’ingénierie et des

investissements lourds. Cela suppose dès le départ que l’entreprise est confrontée à d’importants

impacts de ses activités sur l’environnement, notamment, dans le cas des cimenteries, la génération

d’une grande quantité de GES (CO2). L’hypothèse faite ici est que l’image négative de l’ensemble de

l’industrie du ciment comme l’une des plus polluantes justifie cette démarche.

Ensuite, l’approche utilisée s’apparente à la stratégie de conception écologique des produits et

de procédés telle qu’elle est évoquée par Graedel et Allenby (1995) ainsi que par Allenby (1999a). Cette

conception écologique repose en effet sur l’intégration « systématique » des considérations

environnementales dans la conception de ces produits et procédés en combinant différentes

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201

techniques et méthodes d’évaluation. Cette intégration suppose donc le développement de nouvelles

technologies.

La complexité de ces types d’analyse, de la conception écologique des produits et des procédés

ainsi que les exigences de la mobilisation des ressources dans les pratiques de valorisation, en

particulier dans le cas 8 analysé (cimenterie), semblent donc supposer que cette démarche repose sur

l’engagement environnemental total de la haute direction du Groupe Holcim Ltd. En effet, cette

grande multinationale opère, depuis quelques décennies, plusieurs cimenteries à travers le monde. Ses

différentes cimenteries forment ainsi un réseau d’échange d’information et d’expérience qui les aide à

promouvoir les pratiques d’écologie industrielle au sein du groupe. Ce contexte précis rend

opérationnel la vision de l’écologie industrielle selon White (1994). Cette vision conçoit essentiellement

l’écologie industrielle comme l’analyse des flux des ressources et de l’énergie dans les systèmes de

production industrielle et de consommation; l’analyse de l’effet de ces flux sur l’environnement;

l’analyse des facteurs économiques, politiques, légaux et sociaux sur le flux; et l’analyse de l’usage et de

la transformation des ressources et de l’énergie (White, 1994, p. v).

Ces deux constats justifient l’hypothèse selon laquelle les approches technoscientifiques de

l’écologie industrielle telles que l’analyse des flux des matière et de l’énergie, l’analyse du cycle de vie

des produits, la dématérialisation ou encore la décarbonisation font partie des pratiques de l’écologie

industrielle à l’échelle des grandes entreprises, à l’échelle régionale et à l’échelle des secteurs industriels.

À quelques exceptions près, le cas 7 s’apparente au cas 8 (les deux sont des cimenteries): il s’agit en

effet d’une cimenterie filiale d’une grande multinationale. Le coordinateur à l’environnement souligne à

cet effet que ces cimenteries sont munies d’un réseau d’échange d’information et d’expériences.

Dans ces combustibles, il y a un amalgame de composés tels que des solvants, des vernis, des peintures, etc. pour arriver à composer un produit de recyclage solide via les filiales de recyclage. Ça, c’était au niveau des combustibles. Il y a dans l’air plusieurs autres projets qui vont nécessairement finir par aboutir. C’est le cas des farines animales, les graisses. Il y a énormément, en France, de cimenteries qui font partie de notre groupe qui utilisent des graisses animales et des farines. Subséquemment à cela, depuis la découverte de la problématique de la vache folle en Alberta, on s’est fait approcher et les fournisseurs nous demandent si nous sommes capables de faire ça. On a dit « oui » parce que les cimenteries en France le font déjà (un coordinateur à l’environnement, cas 7).

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202

Ainsi, les différentes échelles de valorisation montrent que les ressources utilisées sont allouées à

l’entrée, pendant la transformation et à la sortie. Les cimenteries ont développé des structures qui leur

permettent d’utiliser les matières résiduelles aux trois échelles différentes. Il est intéressant de noter

que ces entreprises sont des filiales de grandes multinationales. En plus, elles constituent des

entreprises à vocation résiduelle secondaire.

Les réponses des gestionnaires à la question portant sur le type d’information dont ils ont

besoin pour planifier leurs activités de production et d’allocation des ressources révèlent des tendances

intéressantes. Contrairement aux théories largement acceptées en écologie industrielle, l’information

sur les flux de matière et d’énergie dans les systèmes de production industrielle et de consommation en

rapport avec l’environnement ne semble pas être un facteur important. La majorité des responsables

semblent être moins intéressés par le métabolisme industriel des matières, c’est-à-dire les

transformations subies par ces matières depuis l’extraction jusqu’au tombeau.

Cela fait partie de notre analyse marketing mais pas pour des fins de l’environnement. Nous nous rendons compte que les batteries se sont beaucoup améliorées et que la durée de vie s’est prolongée (un vice-président, chargé de la recherche et du développement, cas 9).

On ne le fait pas au niveau de l’usine, sinon au niveau de Lafarge comme entreprise (un coordinateur à l’environnement, cas 7).

Ces propos montrent que c’est plutôt les seuls aspects de la comptabilité physique des matières,

c’est-à-dire leur quantité et leur disponibilité, ainsi que les possibilités de les transformer en d’autres

produits fabriqués qui les intéressent le plus. Ce qui montre une fois de plus l’importance de la

conception pragmatique de la valorisation résiduelle. L’écart entre la conception écologique et la

conception pragmatique s’affirme. La transformation des sous-produits dans les procédés repose sur la

fonctionnalité de ceux-ci pour les marchés auxquels ils sont destinés. Cependant, les cas des

entreprises filiales de grandes multinationales ou à image environnementale négative semblent montrer

le contraire. Dans ces cas précis (les deux cimenteries), des efforts constants sont fournis pour intégrer

les considérations environnementales dans l’utilisation des matières résiduelles dans les procédés

industriels. La conception écologique se rapproche donc de la conception pragmatique pour les raisons

ci-dessus mentionnées.

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203

8.2. Les modes de valorisation résiduelle

Les modes de valorisation résiduelle constituent la deuxième étape de compréhension du

phénomène dans les entreprises analysées. Les résultats de l’étude montrent que les différents créneaux

d’utilisation des résidus dans les procédés industriels (entrée-transformation-sortie) définissent quatre

modes de valorisation résiduelle. Selon ces modes et indépendamment des secteurs d’activités, les

matières sont utilisées pour élaborer des produits finis ou semi-finis à valeur commerciale; pour

substituer des matières premières conventionnelles dans une certaine proportion; comme source

alternative d’énergie ou encore pour renforcer la qualité des produits existants. Le tableau 13 présente

les modes de valorisation résiduelle dans les cas étudiés.

Tableau 13. Modes de valorisation selon les cas étudiés

Élaboration des

produits finis

Substitution des matières

conventionnelles

Source alternative d’énergie

Renforcement de la qualité des produits finis

Pneus hors d’usage

1, 2, 4 3

Résidus miniers 5 et 6

Cimenteries 7 et 8 7 et 8 7 et 8

Recyclage des batteries au plomb-acide

9 9

Sous-produits animaliers

10 10

Pâtes et papiers 11 11

Produits chimiques

12

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204

8.2.1. L’élaboration des produits finis

L’élaboration des produits finis constitue le premier mode de valorisation résiduelle. Le tableau

10 montre que l’élaboration des produits finis ou semi-finis à partir des résidus industriels constitue la

forme la plus utilisée dans les entreprises étudiées. En effet, les pneus hors d’usage sont traités et

transformés en divers produits à base de caoutchouc recyclé tels que : tapis industriels pour les stalles

des chevaux et des vaches (le cas 1); garde-boue pour les camions, planchers commerciaux et

industriels, couvre-planchers d’insonorisation, pneus pour les bacs de récupération (le cas 2); granules

de différentes grosseurs (le cas 4). Des résidus miniers, on obtient de l’acier inoxydable, des agrégats

pour la construction, des fertilisants et agents de correction des sols (le cas 5), ainsi que du magnésium

et des alliages de ce métal (le cas 6). Le plomb pur et ses alliages sont obtenus à partir des matières

plombifères; le polypropylène est obtenu à partir de carcasses de batteries; quant aux scories provenant

des alumineries, elles servent à fabriquer un matériau qui est utilisé dans la construction (le cas 9 du

recyclage des batteries au plomb-acide). Des rebuts d’abattoirs, on obtient des farines protéiniques et

des graisses animales; de ces graisses animales et des huiles de friture, on obtient du carburant biodiesel

(le cas 10 du recyclage des produits animaliers). Les boues de désencrage générées par le procédé de

fabrication de la pâte à papier sont traitées pour être utilisées comme matières premières dans la

production du compost (le cas 11 de la production des pâtes et papiers). L’acide sulfurique extrait en

fin de procédé de fabrication du TiO2 est utilisé pour produire le gypse; de plus, le CO2 qui se dégage

de ce même procédé est récupéré et vendu sous forme liquide (le cas 12 de la production chimique).

Dans neuf cas sur les douze étudiés, la valorisation prend la forme d’une transformation des résidus

industriels en produits ou sous-produits vendus à des marchés ciblés.

8.2.2. La substitution des matières conventionnelles

La substitution des matières conventionnelles constitue le deuxième mode de valorisation

résiduelle. La substitution se présente dans les cas 3 (fabrication de bitume), 7 et 8 (cimenteries). En

effet, la granule obtenue à partir des pneus hors d’usage était utilisée dans une proportion de 5, 10,

voire 15 % dans la composition totale des matières premières pour la fabrication de bitume (le cas 3).

Les quatre composantes classiques (calcaire, silice, fer et alumine) qui rentrent dans la fabrication de la

poudre de ciment sont remplacées, selon le coordinateur à l’environnement du cas 7, dans une

proportion de 10 %. Selon ce responsable, l’industrie du ciment semble se trouver dans une situation

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205

privilégiée dans la mesure où ces matières premières conventionnelles peuvent se retrouver sous

plusieurs formes dans plusieurs types de résidus. Ceci pourrait expliquer pourquoi cette industrie

valorise les résidus sur presque toute la chaîne du processus de production.

Si on va aux matières, c’est à peu près de toutes les sortes. Nécessairement, au niveau de notre complexe ici, on a besoin de quatre éléments majeurs : la silice, le fer, la chaux et l’alumine. Ce sont les éléments essentiels qui sont parmi les plus répandus sur la planète. Dans tout produit, on peut rencontrer ces éléments-là. Que ce soit dans des produits fins ou en produits de recyclage. Cela provient souvent des industries métallurgiques et des industries connexes telles que les centrales de charbon, les incinérateurs, les brûleurs industriels; il y a des cendres qui sont produites et qui sont composées de silice et d’alumine. On peut parler aussi des boues d’épuration des eaux domestiques. Donc, ce sont là des choses qui finissent par aboutir comme source de matières alternatives. Il y a aussi des catalyseurs usés qui sont utilisés dans les industries pétrolières que nous utilisons beaucoup ici, environ une dizaine de sortes. Ce sont toutes là des matières alternatives que nous utilisons parce qu’elles sont toutes composées de silice, d’alumine, de fer ou de calcium (un coordinateur à l’environnement, cas 7).

Le remplacement de certaines matières premières dans une certaine proportion est également

souligné, dans le cas 8 (cimenterie), par le directeur de l’environnement et de l’énergie. Si, dans le cas

précédent, ce remplacement touche une gamme de produits et sous-produits usés, le cas 8 se limite à

un type identifié de résidus qui remplace principalement l’alumine.

On a aussi un produit que l’on utilise comme remplacement des matières premières. Parce que pour faire du ciment, ça prend du calcium, de la silice, de l’alumine et du fer. Ce sont les quatre minéraux essentiels. Si on n’a pas ça, on ne fait pas de clinker, on ne fait pas de ciment et de béton. Et maintenant, on remplace l’alumine par des catalyseurs usés de raffineries de pétrole (un directeur de l’environnement et de l’énergie, cas 8).

Ce caractère spécifique et privilégié de l’industrie du ciment a déjà été évoqué par Van Oss et

Pandovani (2002, 2003) lorsqu’ils analysent les défis et les opportunités de l’écologie industrielle, en

particulier dans la fabrication du ciment Portland en ce qui a trait aux économies en termes de gaz à

effet de serre (GES) obtenues par la valorisation résiduelle.

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8.2.3. La source alternative d’énergie

L’utilisation des matières résiduelles comme source alternative d’énergie constitue le troisième

mode de valorisation résiduelle. La valorisation résiduelle pour des fins énergétiques s’observe dans les

cimenteries (les cas 7 et 8), dans le cas du recyclage des batteries au plomb-acide (le cas 9) et dans le cas

10 de la production des pâtes et papiers. Différents types de résidus sont utilisés pour produire de

l’énergie en remplacement des combustibles fossiles. Dans le cas 10, par exemple, 15 tonnes de résidus

de bois sont brûlées par jour pour obtenir de la vapeur. Dans d’autres cas, les huiles usées (le cas 9), les

pneus, le bois traité comme celui des chemins de fer et des poteaux de téléphone, ainsi que des résidus

à base de plastique sont utilisés dans de grands foyers pour faire sécher les matières poudreuses au

broyage et pour brûler le clinker (les cas 7 et 8). Bien que cette valorisation énergétique représente des

bénéfices économiques substantiels pour ces entreprises et pour l’environnement, elle ne pourrait

cependant pas remplacer les combustibles conventionnels à 100 % à cause de certaines contraintes

thermodynamiques, comme le souligne le coordinateur à l’environnement du cas 7.

Quand on fait les démarrages des fours, on doit commencer avec le gaz, nécessairement, parce que c’est l’élément le plus propre et le plus facile à utiliser lors d’un démarrage de four. Parce que pour monter en température dans le four, on doit commencer avec celui qui le précède, donc le gaz et, subséquemment, on transfère l’huile usée et après ça, on s’en va à nos combustibles standards. Et tout cela est une question de coût. Le gaz coûte très cher, l’huile est moins cher et après ça, c’est le coke et ainsi de suite. Il y a des caractérisations au niveau des combustibles. Au démarrage, on ne peut pas commencer avec des combustibles solides qui sont très difficiles à chauffer, étant donné qu’on doit monter en température (un coordinateur à l’environnement, cas 7).

Il apparaît intéressant de voir que cette analyse sommaire faite par le coordinateur à

l’environnement du cas 7 (cimenterie) s’inscrit dans le cadre du modèle conceptuel d’analyse des

possibilités viables des pratiques d’écologie industrielle à différentes échelles (unité de production,

usine, division industrielle, entreprise, région, secteur, nation et global) proposé par Diwekar et Small

(2002). Selon ce modèle, les critères d’évaluation au niveau de l’entreprise incluent l’efficience de

l’utilisation de l’énergie, la production et la transformation des matières premières, la rentabilité

économique, la réduction de matière et d’énergie, les impacts environnementaux et l’éco-efficience.

Les cas 7 et 8 (cimenteries) étant identifiés comme des entreprises à vocation résiduelle secondaires, la

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pondération des critères d’évaluation ne semble pas obéir à une logique de rentabilité économique,

mais plutôt à celle de l’efficience calorifique.

Un autre exemple d’analyse sommaire du modèle de Diwekar et Small (2002) est fourni par le

cas 9 du recyclage des batteries au plomb-acide. Dans cette entreprise, qui est à vocation résiduelle

primaire, les critères d’analyse des possibilités d’écologie industrielle reposent principalement sur la

rentabilité économique.

On est donc habileté à transformer, à recycler et à récupérer, ici, toutes sortes de matières plombifères. À part les batteries, il y a essentiellement des déchets d’usines qui produisent du plomb, de la peinture, du plomb chrome, etc. Par exemple, nous avons vidé des lagunes chez Dupont aux États-Unis. Dans ces lagunes étaient stockées des milliers de tonnes de boues qui contenaient du tétra-éthyle. Nous avons traité, recyclé et récupéré du plomb organique qui provenait du tétra-éthyle. On a ramassé ces boues et on les a converties en plomb. On pourrait prendre ici des cirages qui contiennent du chlorure de plomb (PbCl2), mais on ne les prend pas parce que ce n’est pas payant, ce n’est pas économique, donc on ne prend pas ça (un directeur de l’exploitation, cas 9).

8.2.4. Le renforcement de la qualité des produits finis

Le dernier mode de valorisation concerne l’ajout de certaines matières résiduelles au produit fini

pour renforcer les propriétés de ce dernier. L’ajout de certaines matières résiduelles au produit fini est

observé particulièrement dans les cimenteries (les cas 7 et 8). Ce qui renforce l’idée selon laquelle il

existe une diversité de formes de valorisation pour l’industrie du ciment.

Parmi les matières « cimentibles » qu’on ajoute à la poudre de ciment, il y a, par exemple, les fly ashes, les slugs des laitiers. Ces produits-là, dans des dosages spécifiques additionnés au ciment, permettent de produire des types de ciment à très haute résistance, spécifique, dépendamment du mélange. Il n’y en a pas encore beaucoup, mais il y a quand même une bonne gamme que l’on peut utiliser dans des dosages plus spécifiques qui nous permettent de produire un ciment de très haute qualité (un coordinateur à l’environnement, cas 7).

Le ciment n’est pas un produit fini, en ce sens que la poudre de ciment doit être mélangée avec d’autres agrégats, notamment du sable et de l’eau pour faire du béton, avec lequel on fait les fondations et la construction des routes, etc. Le béton est le produit vraiment fini. On peut faire du béton en utilisant 100 % de poudre de ciment ou on peut faire du béton en prenant les agrégats, pierre, sable et eau, et en utilisant 85 % de poudre de ciment - dans certains cas, 75 % de poudre de ciment - et utiliser des matières qu’on appelle « povolaniques », que ce soit des cendres volantes des

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centrales thermiques, que ce soit des laitiers de hauts fourneaux, des laitiers des sidérurgies, des fumées de silice (un directeur du recyclage énergétique, cas 8).

L’ajout de certaines matières résiduelles démontre une fois de plus la particularité de l’industrie

du ciment. Cette particularité repose en effet sur le fait que les cimenteries ne sont pas, en principe, des

génératrices de déchets, mais plutôt des utilisatrices de toutes sortes de résidus dans les différents

mélanges. Les bénéfices de l’ajout des poussières de sources diverses à la poudre de ciment ne

semblent pas se limiter à la haute qualité de béton obtenue comme produit fini utilisé directement dans

la construction. Cet ajout apporte des bénéfices considérables sur l’environnement en termes de

réduction des émissions de CO2. Les responsables ont souligné de façon particulière cet aspect.

C’est une autre manière de réduire la question de génération de CO2. Parce qu’avec un béton amélioré qui contient seulement 75 % de ciment, cela veut dire qu’il y a eu moins de CO2 généré en tenant compte du fait que pour chaque tonne de ciment fabriqué, c’est environ 800 kg de CO2 qui est généré. La moitié du CO2 vient de la décarbonisation du calcaire et l’autre moitié vient des combustibles. En termes de nos préoccupations pour réduire la quantité de CO2, nous travaillons au niveau du procédé et au niveau du produit fabriqué lui-même (un coordinateur à l’environnement, cas 7).

Les différents modes de valorisation résiduelle observés reposent sur l’idée centrale

d’optimisation de l’usage des ressources disponibles, d’utilisation des matières rebutées et de création

de valeur commerciale à partir des déchets. Ils traduisent également l’ingéniosité des dirigeants qui

conçoivent, mettent en œuvre et gèrent ces pratiques. Ce dernier aspect semble particulièrement

important pour deux raisons majeures. La première touche au caractère atypique des pratiques de

valorisation résiduelle. D’abord, ces pratiques reposent sur l’utilisation des matières rebutées et des

sous-produits sans ou avec peu de valeur. Ce qui suppose la rupture d’un certain nombre de barrières

techniques, humaines et cognitives liées à cette utilisation. Ensuite, la valorisation suppose qu’il faille

passer de la moins-value à la plus-value des résidus et des produits élaborés à partir de ces derniers.

La deuxième raison concerne le double caractère agressif des marchés dans lesquels les

entreprises sont appelées à commercialiser leurs produits. Non seulement les entreprises doivent créer

de la valeur positive à partir des intrants sans ou avec peu de valeur, mais elles doivent également faire

face à la concurrence accrue avec les produits fabriqués à partir des matières premières

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conventionnelles. Ce double atypisme fait d’elles des entreprises particulières en comparaison de celles

dont les activités reposent sur les matières premières conventionnelles. Ces différentes considérations

sur les conditions dans lesquelles les dirigeants sont appelés à gérer les matières résiduelles révèlent le

long chemin qui reste à parcourir dans le cadre des changements à introduire dans les modes de

production et de consommation. Ces mêmes considérations remettent en cause les propos de Lifset et

Graedel (2002), lorsque ces deux auteurs abordent la question du rôle des entreprises dans le

développement de l’écologie industrielle :

Business plays a special role in industrial ecology in two respects. Because of the potential of environmental improvement that is seen to lie largely with technological innovation, business as a locus of technological expertise is an important agent for accomplishing environmental goals (...) A heightened role for business is an active topic of investigation in industrial ecology and a necessary component of a shift to a less antagonistic, more cooperative and, what is hoped, a more effective approach to environmental policy (Lifset et Graedel, 2002, p. 8),

En effet, ces auteurs ne semblent pas suffisamment tenir compte des difficultés qu’implique, sur

le plan opérationnel, l’application des principes d’écologie industrielle. Or le potentiel d’optimisation

des ressources et les compétences à développer par les entreprises dans la définition des différents

modes de valorisation résiduelle sont inséparables. En ce sens, dans le cadre de l’approche managériale

adoptée dans cette thèse, l’étude de la valorisation des sous-produits industriels ne devrait pas reposer

seulement sur l’analyse de l’utilisation pratique des résidus dans les procédés industriels, ce qui est

défini comme étant l’axe matériel. La présente étude devrait transcender et comprendre comment cette

utilisation prend corps dans l’entreprise par le développement des savoirs nécessaires qui en feront une

utilisation effective et efficiente.

Les modes de valorisation résiduelle observés dans les cas étudiés constituent une fois de plus

un concept qui émerge et qui a évolué à partir des quatre synergies industrielles identifiées par Boiral et

Croteau (2001b) en termes de transformation des produits finis ou semi-finis en matières premières, de

transformation des résidus industriels en matières premières, d’utilisation des déchets industriels dans

l’un ou l’autre procédé et de valorisation énergétique. Si ces symbioses industrielles reposent sur l’idée

de complémentarité des entreprises, les modes de valorisation résiduelle reposent plutôt sur la manière

dont l’entreprise comme unité de production crée de la valeur dans sa chaîne de production à partir

des matières rebutées.

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210

La démarche suivie jusqu’à présent a permis de définir et de présenter une série de concepts liés

au phénomène de valorisation des sous-produits industriels à partir des expériences des entreprises

étudiées. Ces différents concepts mettent en évidence le fait que la valorisation résiduelle, telle qu’elle

apparaît au cours des entretiens réalisés, recouvre en fait des réalités, des logiques différentes utilisées

par les responsables - au moment de la conception et tout au long de la gestion de la valorisation -

comme étant une stratégie d’entreprise. Dans cette même vision, un regroupement de ces réalités et

logiques, et une présentation des différents types de valorisation résiduelle dans les entreprises étudiées

seront proposés.

8.3. Les types identifiés de valorisation résiduelle

Avant de présenter les types de valorisation résiduelle tels qu’identifiés dans les cas analysés, il

convient de rappeler ici quelques concepts clés. La valorisation des sous-produits industriels est un

processus de décisions ou d’actions stratégiques qui vise l’optimisation de l’usage des ressources dans

les procédés de fabrication. Comme pratique d’écologie industrielle à l’échelle de l’entreprise, la

valorisation résiduelle répond aux critères d’introduction, de transformation des matières, de

participation aux réseaux d’échange et de développement des marchés. Pour la majorité des entreprises

analysées, la valorisation résiduelle représente la totalité de leurs activités industrielles (VRP : vocation

résiduelle primaire) tandis que pour d’autres, elle ne représente qu’une partie de celles-ci (VRS :

vocation résiduelle secondaire).

Le but poursuivi ici est de présenter une typologie de valorisation résiduelle pertinente avec le

fonctionnement de cette démarche comme un processus d’actions stratégiques de l’entreprise. En ce

sens, l’axe matériel, l’axe formel, l’indice de valorisation (iV), l’orientation économique de l’entreprise -

des concepts déjà développés et soutenus dans les chapitres précédents - constituent les éléments de

base du modèle proposé. En intégrant ces différents concepts, quatre types de valorisation résiduelle se

dégagent des cas analysés. Ceux-ci se définissent comme valorisation résiduelle de types primaire

optimal, primaire maximal, secondaire optimal et secondaire maximal. La figure 10 résume l’essentiel

de ces types de valorisation résiduelle à l’échelle intra-entreprise.

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211

Figure 10. Types de valorisation résiduelle

8.3.1. La valorisation primaire optimale

La première valorisation industrielle possible serait de type primaire optimal. Dans cette

valorisation, l’orientation économique des activités résiduelles au sein de l’entreprise est forte et l’indice

de valorisation des matières se présente comme faible. L’exploitation optimale signifie ici que l’indice

de valorisation (iV) affiche une valeur inférieure à la moyenne du secteur ou inférieure à la moyenne

des cas étudiés. Il convient de rappeler ici que pour la valorisation résiduelle, le iV de l’entreprise

devrait être supérieur ou égal à 0,1. La valeur de l’indice de valorisation est optimale parce qu’elle

représente un état, un dégré d’utilisation et de transformation des sous-produits ou matières résiduelles

considéré acceptable par les dirigeants compte tenu des procédés mis en place et des contextes dans

lesquels se réalise la valorisation.

Bien que l’orientation économique d’une entreprise ne puisse être quantifiée comme dans le cas

de son indice de valorisation comme il a été défini, il convient de tenir pour vrai que cette orientation

est reflétée par les motivations économiques primaires de l’entreprise en optant pour la valorisation

Indi

ce d

e va

lori

sati

on (

iV)

Axe

mat

érie

l

Secondaire optimal

Fai

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F

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Orientation économique Axe formel

Faible Forte

Secondaire maximal

Primaire optimal

Primaire maximal

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212

comme stratégie d’entreprise. Dans les cas étudiés, les entretiens réalisés ont permis de situer

l’entreprise par rapport à son orientation économique.

Quatre cas étudiés illustrent ce type de valorisation : 3 de fabrication de bitume, 4 de traitement

des pneus hors d’usage, 5 de valorisation des scories d’acier inoxydable et 6 de récupération de

magnésium à partir des résidus de la serpentine. On pourrait faire ici l’hypothèse que les entreprises à

vocation résiduelle primaire (VRP) commencent par la valorisation de type primaire optimal avant de

pouvoir se déplacer vers d’autres formes de valorisation. L’entreprise a avantage à augmenter la

quantité des matières transformées pour réaliser des économies d’échelle et, si l’entreprise n’est pas en

mesure d’augmenter la quantité de matières résiduelles à transformer à cause des contraintes

physiques, thermodynamiques, légales, environnementales, opérationnelles ou encore techniques, elle

sera dans l’impossibilité de réaliser des économies d’échelle. Dans le cas 3 (fabrication de bitume), la

granule obtenue par le traitement des pneus hors d’usage est utilisée graduellement dans une

proportion de 5, 10 et 15 % comme matière première, à côté des matières conventionnelles, dans le

procédé de fabrication de bitume. Cette entreprise n’a pas pu se déplacer vers d’autres formes de

valorisation à cause des contraintes environnementales et légales. Devant ces circonstances, elle a

abandonné momentanément les pratiques de valorisation résiduelle.

On était confronté à plusieurs types de problèmes. Ce qui nous a le plus frappé, c’est l’abandon du projet de loi aux États-Unis qui voulait imposer l’utilisation du caoutchouc recyclé. Au Québec, le ministère des Transports nous a imposé des normes assez difficiles à respecter. Malgré notre volonté à utiliser la granule, ces problèmes devenaient presque politiques. À un moment donné, nous avons perdu toute motivation (un directeur d’usine, cas 3).

Comme déjà évoqué plus haut, l’indice de valorisation est inférieur à la moyenne du secteur des

pneus hors d’usage dans le cas 4. C’est ce qui explique le type de valorisation primaire optimal. Les cas

5 et 6 du secteur des résidus affichent un indice de valorisation inférieur à la moyenne des cas étudiés,

soit 0,17 et 0,22 respectivement. Ces valeurs indiquent que, dans les circonstances actuelles de la

valorisation, les procédés mis en place permettent de valoriser 100 tonnes d’acier inoxydable sur 585

tonnes introduites dans le cas 5 et de récupérer du magnésium à 21 % dans le cas 6.

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8.3.2. La valorisation primaire maximale

La deuxième valorisation est de type primaire maximal. Tant l’orientation économique des

activités industrielles au sein de l’entreprise que l’indice de valorisation des matières se présentent

comme fortes. Cette valorisation est maximale parce que l’entreprise affiche un indice de valorisation

plus grand que la moyenne du secteur ou de l’ensemble des cas étudiés. L’entreprise cherche à

maximiser sa croissance dans les deux sens des axes matériel et formel. D’abord, par l’augmentation de

l’indice de valorisation et, ensuite, par l’amélioration des performances économiques et en particulier

du chiffre d’affaires.

Les cas 1, 2, 9 et 10 illustrent la valorisation primaire maximale. L’analyse des activités de ces cas

indique que, dans des conditions idéales, la croissance soutenue de ces activités amène, d’une part,

l’entreprise à maîtriser les processus de transformation des matières résiduelles existantes et, d’autre

part, à considérer les possibilités de transformation d’autres types de résidus et de sous-produits

industriels, ou encore à diversifier ses activités d’écologie industrielle. Les entretiens réalisés montrent

que, dans la plupart des cas étudiés, cette croissance soutenue s’observe à des degrés différents et selon

les genres d’activités mis en œuvre. Par exemple, le cas 9 du recyclage des batteries au plomb-acide est

aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands recycleurs des divers types de matières plombifères

en Amérique du Nord. En plus, une fois que cette entreprise a maîtrisé le recyclage de plomb, les

dirigeants se sont tournés vers la valorisation des brasques d’alumineries. Les résultats des recherches

ont démontré la possibilité de fabriquer, à partir de ces brasques, une fritte de verre qui améliore la

qualité du béton.

Nous avons mis au point un procédé jusque-là unique au monde. Nous en avons déjà produit 5 000 tonnes. Nous utilisons un produit toxique pour fabriquer deux produits ayant une valeur commerciale. À partir des brasques usées en provenance des alumineries, on fait une fritte de verre et on fait moudre la fritte de verre pour obtenir une poudre. Quand on y ajoute 25 % de ciment, cela augmente les propriétés du béton. Il y a, bien sûr, le besoin de développer de nouveaux débouchés puisque le plomb qui était notre activité primaire est un marché qui se rétrécit tout le temps à cause du déplacement des fabricants de batteries vers le sud. On a donc une capacité à utiliser et à transformer d’autres matières résiduelles en quantité industrielle, environ 100 000 tonnes par année (un directeur de l’exploitation, cas 9).

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Ces propos montrent que cette entreprise a développé une vision proactive. Elle continue à être

leader dans le recyclage des matières plombifères tout en investissant dans la valorisation d’autres

matières. Ce ne sont pas les compétences qui font défaut ici, mais plutôt les matières à valoriser. Selon

les informations fournies par les responsables de cette entreprise, des ententes commerciales viennent

d’être signées avec l’une des usines d’un des grands producteurs d’aluminium en Amérique du Nord.

Ces ententes permettent au cas 9 de prendre et de traiter les brasques générées par cette usine. Avant

ces ententes, cette usine de production d’aluminium acheminait ces résidus aux États-Unis où ils

étaient enfouis dans un complexe appartenant à la multinationale.

D’autres exemples dans les cas étudiés illustrent la croissance soutenue. Le cas 10 du recyclage

des sous-produits animaliers s’est lancé dans la production industrielle du carburant biodiesel à base

d’huiles usées et de graisses animales. Le cas 2, l’un des leaders dans le recyclage du caoutchouc à partir

de pneus hors d’usage, se prépare au transfert de sa technologie dans d’autres usines.

Nous sommes les seuls à avoir développé une technologie pour récupérer et transformer toutes sortes de pneus, y compris ceux des voitures. Les autres récupèrent essentiellement les pneus des camions. Nous sommes en train d’inventer une nouvelle industrie. On nous demande beaucoup de transfert de technologie, surtout en Europe (un directeur général, cas 2).

8.3.3. La valorisation secondaire optimale

Le troisième type de valorisation en est un de secondaire optimal. Dans cette valorisation, tant

l’orientation économique des activités résiduelles au sein de l’entreprise que l’indice de valorisation des

matières se présentent comme faibles. Les cas 8 et 12 étudiés illustrent ce type de valorisation. L’indice

de valorisation du cas 8 est inférieur à la moyenne des deux cimenteries étudiées. Cet indice représente

une valeur de o,15. Dans le cas 12 de la production chimique, environ 8,000 tonnes de gaz carbonique

liquide est récupéré chaque année. En plus, 65,000 tonnes de gypse sont fabriquées à partir des résidus

de bioxyde de titane (TiO2). Bien que l’indice de valorisation soit faible dans les cas 8 et 12, cela ne

signifie pas, cependant, que la valorisation secondaire optimale ne représente pas une initiative viable.

Ce qui pourrait aussi indiquer que les entreprises à vocation résiduelle secondaire (VRS) commencent

par la valorisation de type optimal avant de pouvoir se déplacer vers d’autres formes de valorisation.

Même optimal, ce type de valorisation répond aux quatre critères définis plus haut. Étant donné que

l’indice de valorisation (iV) est le seul facteur différentiel dans la valorisation optimale, plusieurs

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facteurs pourraient justifier ce déplacement vers d’autres formes, en particulier le temps nécessaire

pour augmenter la quantité de matières à valoriser, pour développer les compétences ou encore pour

créer des alliances interentreprises. Ces propos d’un coordinateur à l’environnement illustrent bien le

type de valorisation secondaire optimale et le déplacement vers d’autres formes de valorisation :

« Les pratiques de valorisation ont commencé beaucoup plus tard, dans les années 1998-1999, avec les premiers balbutiements. On a commencé avec un seul produit en essai, on y allait avec des essais pour voir si ça pouvait être utilisable, etc. Je dirais que les activités économiques essentielles ont commencé en 1999. Et ensuite, cela a donné lieu à une utilisation plus spécifique de ces matières-là. En 1999, on a commencé avec deux ou trois produits et maintenant, je ne peux pas les compter du bout de mes doigts. Nous avons aujourd’hui une trentaine de produits, en y incluant les combustibles et les matières résiduelles » (un coordinateur à l’environnement, cas 7)

8.3.4. La valorisation secondaire maximale

Enfin, le quatrième type de valorisation en est un de secondaire maximal. L’orientation

économique est relativement faible et l’entreprise récupère, introduit et transforme une quantité

« industrielle » de matières résiduelles. Le volume lui permet de réaliser des économies d’échelle

importantes en substituant les matières premières conventionnelles par des résidus, ce qui permet de

réduire certains coûts d’opération. C’est ce qui explique son caractère de valorisation maximale. Ce

type de valorisation est observé dans les cas 7 et 11. Comme il a été montré plus haut, les cimenteries

(le cas 7) utilisent de plus en plus d’intrants alternatifs aux niveaux des trois créneaux. Dans le cas 11, la

valorisation repose sur la résolution d’un problème précis de génération de boues de désencrage en fin

de procédé. Dans les deux cas, l’indice de valorisation est supérieur à la moyenne de l’ensemble des cas

étudiés.

Ce chapitre a tenté de présenter les structures et les formes de valorisation des sous-produits

industriels présentes dans les cas étudiés. Les modèles proposés quant aux segments, aux modes et aux

types de valorisation résiduelle aident à enrichir la connaissance de l’objet analysé. Ces mêmes modèles

aident également à donner une consistance opérationnelle aux concepts construits et défendus jusqu’à

présent dans l’étude. Cependant, il faut reconnaître que l’analyse des pratiques de valorisation

résiduelle s’est plus penchée sur ce qui a été défini comme l’axe matériel, c’est-à-dire l’analyse des

structures et des formes de récupération et de transformation des matières résiduelles. Pour rester

fidèle à l’approche adoptée dans cette thèse, c’est-à-dire l’approche managériale, et pour que notre

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étude soit complète, il nous faut présenter les éléments qui facilitent la compréhension de l’axe formel

entendu comme étant l’intelligibilité managériale de la transformation des matières résiduelles

récupérées. C’est ce que tentent de faire les prochains chapitres.

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217

CHAPITRE 9

LA GESTION ENVIRONNEMENTALE DE LA VALORISATION RÉSIDUELLE

La gestion environnementale rigoureuse des activités de récupération et de transformation des

sous-produits industriels constitue l’un des objectifs principaux de l’écologie industrielle (Wernick et

Ausubel, 1997). Lifset et Graedel (2002) soutiennent que l’objectif majeur de l’écologie industrielle est

de maintenir une qualité acceptable de l’environnement. Pour sa part, Andersen (2003), prenant appui

sur Gladwin (1993) et Paton (1994), identifie les systèmes de management environnemental comme un

type d’écologie industrielle dans la msure où ils se caractérisent principalement par l’adoption et la mise

en œuvre d’outils de gestion environnementale tels que la norme ISO 14001 ou le système européen

EMAS. On attend des entreprises de valorisation résiduelle des évidences de gestion environnementale

dans l’utilisation et la transformation des sous-produits dans les procédés. Ce qui permettrait de

justifier, sur les plans théorique et opérationnel, la valorisation résiduelle comme étant une pratique

d’écologie industrielle. Le présent chapitre ne cherche pas à évaluer de façon systématique et statistique

les performances environnementales des activités de valorisation résiduelle mises en marche dans les

cas étudiés. Il tente plutôt de montrer, au regard des entretiens réalisés, la complexité de la gestion

environnementale de la valorisation résiduelle ou la relation « environnement-productivité » dans le

phénomène de valorisation résiduelle. Selon les créneaux, les modes, les types ou encore les situations

spécifiques d’utilisation des matières résiduelles dans les cas étudiés, cette relation prend des formes de

rapprochement, d’éloignement, de négation et d’acceptation mutuelle.

Dans un premier temps, le chapitre présentera les considérations portant sur les pratiques de la

gestion environnementale de la valorisation résiduelle. Un accent particulier sera mis sur la définition

d’une politique environnementale et sur le développement des indicateurs de mesure des performances

environnementales. À partir des considérations portant sur la gestion environnementale de la

valorisation résiduelle dans les cas étudiés, le paradoxe de la relation « environnement-productivité »

dans la valorisation résiduelle sera montré. La valorisation résiduelle ne se traduit pas toujours par des

pratiques d’écologie industrielle. Dans un deuxième temps, le chapitre proposera un modèle

d’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise.

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9.1. Les pratiques de gestion environnementale de la valorisation résiduelle

Les informations recueillies sur la gestion environnementale de chaque cas analysé permet non

seulement de l’approfondir, mais aussi de l’examiner à la lumière des pratiques de gestion

environnementale (Smart, 1992; Schmidheiny, 1992; Shrivastava, 1996). Ces informations portent en

particulier sur : les politiques environnementales et ses objectifs ; le département de l’environnement et

le nombre de personnes qui s’y rattachent ; les certifications internationales de type ISO ou d’autres ;

les indicateurs de performance environnementale (indicateurs d’intensité énergétique, d’intensité des

déchets et d’intensité de l’eau, en particulier) ; le laboratoire de simulation selon les cas ; l’analyse des

impacts des activités sur l’environnement ; et la rencontre des normes environnementales. Ces

différentes données, en majorité qualitatives, constituent en elles-mêmes des indicateurs de la gestion

environnementale de la valorisation des sous-produits industriels dans les cas étudiés.

Le tableau 14 à la page suivante résume l’essentiel de l’information sur la gestion

environnementale des pratiques de valorisation dans les cas étudiés. Dans le but de classer les cas

étudiés selon l’efficacité de leur gestion environnementale, chaque type d’information recueillie

(politique environnementale, indicateurs et certificats internationaux) est représenté par une valeur

numérique sur une échelle de –1 à 1.

9.1.1. La politique environnementale

Le premier type d’information sur les pratiques de gestion environnementale porte sur la

politique environnementale. Bon nombre des cas analysés ne possède pas de politique

environnementale qui définit les grandes orientations de l’entreprise quant à sa gestion de

l’environnement. Les réponses des dirigeants sur l’existence de cette politique et le nombre de

personnes qui travaillent à la fonction environnementale varient selon les secteurs industriels et les

types de valorisation résiduelle. Trois tendances peuvent être observées.

La première tendance montre l’absence totale de politique environnementale clairement définie.

Les cas 1, 2, 3 et 4 illustrent cette tendance.

Nous n’avons pas de politique environnementale comme telle. L’entreprise n’a pas une personne spécifique, mais nous avons un ingénieur qui s’occupe, entre autres, du

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dossier « environnement ». Il fait le travail d’environnement à temps partiel (un vice-président à la recherche et au développement, cas 3).

Pas vraiment. On se doit d’obtenir un certificat d’opération parce qu’on opère dans un milieu industriel qui le requiert bien, pour la protection de l’environnement (un directeur général, cas 2).

Tableau 14. Gestion environnementale de la valorisation résiduelle

Secteur industriel

Cas analysés

Nombre

d’employésDébut VSPI

Politique environnementale

Certificats internationaux

Indicateurs de

performance

Total des points

1 40 1983 Non=0 Non=0 Non=0 0

2 117 1983 Non=0 Non=0 Non=0 0

3 115 1991 Non=0 Non=0 Non=0 0

Pneus hors d’usage

4 25 1996 Non=0 Non=0 Non=0 0

5 30 1985 Protocole avec le Ministère=1 Non=0 Oui,

interne=1

2 Scories des

aciéries et résidus miniers

6 360 2000 Oui=1 ISO 9001=1 Oui, interne*=0

2

7 380 1998 Oui=1 ISO 9001 ISO 14001=1

Oui, interne=1

3

Cimenteries

8 200

1991 Oui=1 ISO 9001=1 Oui, interne=1

3

Batteries au plomb-acide 9 140 1984 Oui=1 ISO 14001=1 Oui,

interne=1

3

Sous-produits animaliers 10 60 1966 Oui=1 Non=0 Oui,

interne=1

2

Pâtes et papiers 11 1000 1990 Oui=1

ISO 9001 SGE

Interne=1

Oui, interne=1

3

Produits chimiques 12 388 1994 Oui=1 ISO 9002=1 Oui,

interne=1

3

(*) Le cas 6 est confronté aux problèmes de la génération des produits organiques persistants (POP).

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La deuxième tendance montre l’existence des règles opératoires de déroulement des activités de

valorisation résiduelle. Ces règles font partie des ententes avec les instances gouvernementales. Le cas

5 de la valorisation des scories d’acier inoxydable illustre bien cette tendance.

Non, nous n’avons pas de politique environnementale comme telle, mais nous avons signé avec le ministère de l’Environnement un protocole innovateur à l’égard de la valorisation des scories et des stériles miniers. Aujourd’hui, ce protocole sert de base aux ententes de valorisation qui sont négociées dans ce milieu (un directeur général, cas 5).

La troisième tendance, enfin, montre l’existence d’une politique environnementale qui oriente

les actions productives en ce qui touche la gestion environnementale de ces dernières. Les cas 6, 7, 8,

9, 10, 11, et 12 illustrent cette tendance.

Oui, nous en avons une. Nous sommes membre de l’Association des fabricants des produits chimiques du Canada (AFPCC) qui se définit par un mode de gestion responsable. Il existe toute une gamme de politiques et d’exigences à respecter pour être accrédité comme membre. Oui. Il y a quelqu’un qui s’occupe de l’environnement à temps plein. Il peut se servir de deux personnes du département technique quand il se sent un peu débordé. C’est dans ce sens-là que je travaille à 3 % à l’environnement. Mais j’appartiens au département technique (un ingénieur de procédé, cas 12).

Nous avons plusieurs politiques, dépendamment des catégories. La première politique environnementale que l’on a, c’est une politique ISO qualité, définie dans le cadre de notre certification ISO 9000 version 2000. La politique qualité a été établie à l’usine depuis sept ans environ. On a ajouté à cela une politique environnementale qui découlait d’une charte qui porte le nom de notre entreprise parce qu’elle a établi une charte environnementale il y a environ sept ou huit ans. On a puisé de cette charte pour adapter notre politique environnementale au niveau de l’usine en 1999. On a aussi une politique santé et sécurité corporative qui est appliquée à l’ensemble de toutes les usines du groupe. Ce sont là les trois politiques que nous avons. Je dois dire qu’elles sont très enracinées au niveau de notre usine, très bien suivies, etc. Quant aux personnes qui travaillent à la fonction « environnement », oui, il y a, à part moi, une personne supplémentaire qui travaille comme coordinatrice en environnement. Elle s’occupe de l’intégration de ISO 14001 dans l’usine : la formation, les procédures, la documentation, etc. Elle s’occupe aussi de gérer le système complet ISO dans l’usine (un directeur de l’environnement, cas 8).

Ces propos montrent que la politique environnementale est comprise et appliquée de façon

variée, selon les cas. Le cas 8 (cimenterie), par exemple, affiche une bonne intégration des politiques

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environnementale et de qualité. Ce qui découle d’une définition claire de sa politique

environnementale. Le cas 12 (production chimique), membre d’une association industrielle de

fabricants de produits chimiques, oriente également sa politique en tirant profit des discussions et des

échanges au sein de cette même association. Plusieurs conclusions peuvent être tirées de ces

observations concernant les propos des dirigeants sur le développement de la politique

environnementale dans le cadre de la valorisation résiduelle. D’abord, les entreprises à valorisation

résiduelle secondaire (VRS) tendent à développer une politique environnementale qui définit les

grandes orientations de l’entreprise quant à sa gestion de l’environnement. Ensuite, ces mêmes

entreprises sont des filiales de grandes multinationales. Enfin, les motivations de la valorisation de ces

entreprises se traduisent par la recherche des solutions à un problème précis ou encore la substitution

des matières conventionnelles par des résidus industriels.

9.1.2. Les indicateurs de performance environnementale

À l’instar de la politique environnementale, les différents propos des dirigeants rencontrés

indiquent trois grandes tendances quant à la mise en application des indicateurs de performance

environnementale.

La première tendance indique la non-existence des indicateurs ou carrément l’ignorance de ce

concept par les dirigeants rencontrés. Dans certains cas étudiés (les cas 1, 2, 3 et 4 du recyclage des

pneus hors d’usage), la non-existence d’indicateurs de performance environnementale pourrait se

justifier, en ce sens que leurs activités ne polluent pas l’environnement. Ce constat « simpliste » montre

que pour ces dirigeants, l’efficience de la gestion environnementale renvoie en premier lieu à la

question de la pollution. Or, cette efficience est d’abord et avant tout une question d’optimisation de

l’usage des ressources qui se trouve au cœur de l’approche de l’écologie industrielle.

Je ne sais pas ce que ça veut dire, les indicateurs de performance environnementale. Nous sommes obligés de mesurer certaines choses pour obtenir des certifications. On ne le fait pas sur une base régulière, mais on le fait quand même. Ce n’est pas une industrie polluante du tout (un directeur général, cas 2).

Avec ce procédé, il n’y a pas de déchets solides. Il y a un déchet gazeux dont le pourcentage par rapport aux déchets solides est faible. J’ai parlé du soufre tout à l’heure. On cherche à se défaire de ce soufre, on l’amène à de hautes températures. Le soufre a des composés de H2S, HSO3. Ce sont des acides qui s’en vont vers l’atmosphère. C’est le seul inconvénient que l’on a dans le procédé, mais comme je

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vous le répète, le pourcentage est très faible. On était dans les limites permises par la réglementation (un vice-président à la recherche et au développement, cas 3).

La deuxième tendance indique l’existence d’un minimum d’indicateurs de performance

environnementale. Dans les cas où les indicateurs sont utilisés, ceux-ci servent principalement à

montrer que l’entreprise fournit des efforts pour respecter et même dépasser les normes (les cas 5, 6,

10 et 12).

Le pH de l’eau qui sort de l’usine est mesuré. On a construit un bassin d’égalisation de pH pour éviter de petits problèmes de variation de pH. Pour ce qui est de la quantité de boues qu’on rejette, tout cela est comptabilisé. Il y a des composés mensuels et annuels qui sont prélevés et envoyés à un laboratoire indépendant pour les analyser. Et ils nous font le rapport des substances contenues dans ces rejets afin que nous puissions faire le rapport à l’Inventaire national d’analyse de polluants. On peut alors dire qu’on a rejeté tant de tonnes de manganèse, de nickel ou d’autres choses. Pour ce qui est des cheminées, de temps à autre, on fait des échantillonnages de cheminées avec une firme indépendante. Ils nous donnent un rapport et nous avons une idée de ce qu’on rejette dans nos cheminées, en particulier le CO2 (un ingénieur de procédé, cas 12).

La troisième tendance indique l’existence et l’utilisation systématique des indicateurs de

performance environnementale. Ces indicateurs sont le reflet d’une gestion environnementale

considérée « responsable » des pratiques de valorisation mises en place dans l’entreprise (les cas 7, 8, 9

et 11). Il est intéressant de voir que dans le dernier cas, l’entreprise possède une politique

environnementale clairement définie et une certification internationale de type ISO 9001 ou ISO

14001. Les pratiques de valorisation résiduelle, dans ces cas, semblent être plus intégrées. Ce qui veut

dire que l’optimisation de l’usage des ressources qui prend la forme d’utilisation et de transformation

des sous-produits industriels dans les procédés à l’échelle de l’entreprise semble être sécuritaire et

responsable.

Nous utilisons des indicateurs de performance environnementale développés à l’interne. Ils sont les mêmes dans toutes les usines de la compagnie à travers le monde. Ce sont principalement les indicateurs de consommation thermique (en termes de mégajoules par tonne de production de ciment), de consommation d’électricité, d’émissions de CO2, d’émissions de NOx, d’émissions de SO2 (un directeur de l’environnement et de l’énergie, cas 7).

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Ça dépend de quel côté on le regarde. C’est sûr que le fait de brûler les déchets, il y a des conséquences sur l’environnement. Cela augmente le risque d’avoir des émissions plus que prévues ou de voir la création des particules non voulues dans les émissions, etc. Il y a donc un risque imminent qui est très présent. C’est un défi. Il faut faire attention et c’est là qu’on voit l’importance d’un système de gestion pour contrôler les activités qui se font dans ce sens et être sûr que chaque utilisation sera faite dans le respect de la qualité de l’environnement (un coordinateur à l’environnement, cas 8).

Nous utilisons plusieurs indicateurs et le plus important, c’est le test que nous avons fait pour calculer le taux de destruction tel que l’utilisent les incinérateurs. Nos équipes ont une capacité de destruction de 99,9999 % (bichlorobenzène). Nous faisons des tests réguliers pour calculer l’intensité des substances que nous rejetons et toute l’eau est traitée ici, sur place. Nous essayons d’avoir une boucle fermée, ce que nous appelons zero discharge (un vice-président chargé des opérations, cas 9).

Ces efforts sont fournis pour réaliser progressivement le « bouclage de la boucle » à travers de

multiples actions. Dans les cas 7 et 8 (cimenteries) par exemple, toutes les poussières sont ramassées et

ré-introduites dans le système productif. Dans le cas 9 du recyclage des batteries au plomb-acide, des

installations ont été aménagées pour recycler et ré-utiliser l’eau dans l’usine. Toutes ces actions

s’inscrivent dans le cadre des initiatives proactives que les dirigeants mettent en place pour assurer la

sécurité des opérations dans l’usine.

Nous réduisons aussi le rejet du soufre dans l’eau parce qu’avant, on faisait la localisation des acides des batteries avec du carbonate de sodium, qui laisse un sulfate de sodium soluble qui, à son tour, va dans l’eau. On a ajouté un procédé qui transforme ça en gypse, qui est insoluble et donc, on peut éviter qu’il s’en aille dans l’eau. Tout cela dans le but de garder notre image sur le plan environnemental, ce qui nous permet d’avoir un bon consensus avec les autorités et avec les voisins. Ce qui nous permet également d’opérer sans problèmes. On pourrait choisir de dire : « Les normes ne m’obligent pas à le faire et c’est tout. » On préfère mettre cet argent-là dans l’amélioration des équipements pour améliorer les conditions d’opération et de rejets d’émissions et d’effluents liquides (un directeur de l’exploitation, cas 9).

Plusieurs conclusions peuvent être tirées de ces observations concernant les propos des

dirigeants sur l’utilisation des indicateurs de mesure des performances environnementales dans le cadre

de la valorisation résiduelle. D’abord, les indicateurs sont utilisés tant dans les entreprises à valorisation

résiduelle secondaire (VRS) que dans les entreprises à vocation résiduelle primaire (VRP). Ensuite, les

dirigeants des entreprises à valorisation résiduelle primaire qui utilisent les indicateurs de mesure des

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performances environnementales ont la perception que les matières résiduelles introduites dans leurs

procédés sont toxiques ou encore dangereuses. Ces considérations conduisent à soutenir que les

indicateurs des performances environnementales tendent à être utilisés dans les entreprises à vocation

résiduelle primaire ou secondaire dont les matières résiduelles introduites dans les procédés de

fabrication industrielle sont perçues comme étant toxiques, dangereuses ou susceptibles de produire

des émissions toxiques. La Loi sur la qualité de l’environnement du Québec considère comme dangereuses

les matières corrosives, explosives, gazeuses, inflammables, comburantes, lixiviables, radioactives et

toxiques. C’est les cas de la récupération du magnésium par le procédés de l’électrolyse, l’utilisation des

résidus combustibes pour brûler le clinker, le recyclage des matières plombifères et des filtres à huiles

usagés ou encore la récupération de l’acide sulfurique et du CO2 liquide.

Le bilan de la gestion environnementale des pratiques de valorisation résiduelle dans les cas

analysés montre des résultats mitigés quant aux attentes de l’application du fonctionnement des

écosystèmes naturels aux systèmes industriels telle qu’évoquée par Frosch et Gallopoulos (1989). D’où

le paradoxe de la valorisation résiduelle.

9.1.3. Le paradoxe de la valorisation résiduelle

Les considérations portant sur le développement de la politique environnementale et sur

l’utilisation des indicateurs de performances environnementales montrent que la valorisation résiduelle

s’inscrit peu dans une démarche qui privilégie l’optimisation de l’usage des ressources (Frosch et

Gallopoulos, 1989; Allenby et Cooper, 1994; Wernick et Ausubel, 1997) ou la gestion

environnementale rigoureuse (Jackon, 2002). La valorisation résiduelle ne se traduit pas toujours par

l’optimisation de l’usage des matières premières ou la réduction de la pollution. C’est bien là le

paradoxe de la valorisation résiduelle. Ce qui permet d’apporter une réponse à la question soulevée un

peu plus haut portant sur l’écart entre la conception pragmatique et la conception écologique des

pratiques de valorisation résiduelle. La situation paradoxale s’explique par trois approches de gestion

environnementale de la valorisation résiduelle. La somme totale des points obtenus du tableau 14

permet d’illustrer ces trois approches et de les qualifier de « conformité simple », préventive ou éco-

efficiente.

La première approche est celle de la valorisation résiduelle dans l’absence d’indicateurs de

performance environnementale, de certifications internationales et de politique définie en matière de

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gestion environnementale. Les cas 1, 2, 3 et 4 étudiés illustrent cette approche de valorisation

résiduelle. Le tableau 14 indique que la somme totale des points obtenus dans chaque cas est de 0. Les

gestionnaires de ces entreprises semblent répondre aux exigences environnementales de façon statique.

Peu d’efforts semblent être fournis pour développer, au-delà du minimum requis, des pratiques de

gestion environnementale telles qu’exigent les pratiques d’écologie industrielle (Wernick et Ausubel,

1997). En plus, pour la majorité des dirigeants rencontrés, leurs activités ne représentent pas de danger

et ne polluent pas l’environnement. Comme conséquence, les entreprises n'investissent pas

suffisamment dans l'amélioration des performances environnementales de leurs pratiques de

valorisation. Ce qui montre que la valorisation résiduelle telle que pratiquée dans les cas 1, 2, 3 et 4 ne

semble pas s’aligner sur les principes d’écologie industrielle comme une nouvelle approche intégrante

et intégrée du management environnemental (Erkman, 1998; Boiral et Croteau, 2001b).

Cette approche qui se traduit par une logique de « conformité simple » de la valorisation

résiduelle, en s’inspirant des travaux portant sur l’incorporation des considérations environnementales

dans les stratégies d’entreprises (Gottieb, 1995; Porter et Van der Linde, 1995; Robbins, 2001), illustre

donc l’attitude du tiers des cas étudiés face aux questions environnementales. La valorisation résiduelle

est de type « conformité simple » parce que les cas étudiés 1, 2, 3, et 4 tentent de respecter les normes,

mais les responsables ne trouvent pas de lien avec l’amélioration des performances industrielles sur le

plan environnemental comme le semble soutenir ce dirigeant rencontré :

Nous rencontrons les normes et cela nous permet de travailler comme nous le faisons (Un directeur de la production, cas 2).

La deuxième approche de la gestion environnementale de la valorisation est celle du

développement des politiques environnementales et des indicateurs internes de mesure de

performance environnementale des activités de valorisation résiduelle, ainsi que la mise en application

de ces mêmes indicateurs de performance. Ce qui s’apparente à l’approche préventive de la gestion

environnementale des activités industrielles. Les cas 5, 6 et 10 étudiés illustrent ce type de gestion

environnementale de la valorisation. Le tableau 14 indique que la somme totale des points obtenus

dans chaque cas est de 2. L’approche préventive est centrée sur les changements dans les méthodes de

gestion et dans les procédés, sur la réduction des polluants à la source et sur la réduction des déchets

(Boiral, 1998, p. 29). Les efforts des dirigeants dans les cas 5, 6 et 10 semblent être centrés sur ces

actions. Pour ces entreprises, la prévention de la pollution et des risques écologiques représente

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226

l’essentiel de leur gestion environnementale. Des effluents jetés dans les cours d’eau avoisinants

semblent être bien maîtrisés dans le cas 11 ; l’air utilisé après divers traitements est bien traité et

contrôlé dans le cas 10 ; les déchets générés après le processus de valorisation sont traités dans le cas 5.

Le cas 6 a mobilisé toutes ses forces pour trouver des solutions et réduire de façon significative le

problème des produits organiques persistants (POPs), comme l’explique ce dirigeant :

Du côté environnemental, la mise en place du projet a amené son lot de gens qui étaient contre l’installation de l’usine ici. C’est associé à une problématique spécifique de la génération accidentelle des organochlorés par le processus d’électrolyse. Le fait qu’on génère du chlore gazeux dans la cellule d’électrolyse. C’est ce qu’on appelle les POPs (produits organiques persistants) dans lesquels on a le chlorobenzène (BPC). Il existe une entente internationale sur les POPs. On se retrouve avec ces trois composés dans l’usine qui ont été aussi identifiés lors des études d’impacts. Nous avons mis en place des processus pour les contrôler au niveau où l’on pensait les retrouver (un chef de l’environnement, cas 6).

Si les engagements pour prévenir et réduire les risques des activités de valorisation résiduelle

sont louables, ils présentent cependant une limite majeure. Celle-ci est d’ordre méthodologique. En

effet, la valorisation résiduelle comme forme de l’écologie industrielle à l’échelle de l’entreprise semble

être partielle en ce sens que la gestion environnementale de ces mêmes activités repose essentiellement

sur la réduction des risques et non davantage sur la réalisation d’économies de matière et d’énergie. Ce

qui différencie cette approche dite « préventive » de la troisième approche de gestion

environnementale de la valorisation résiduelle.

La troisième approche de gestion environnementale de la valorisation est celle des activités de

récupération et de transformation des sous-produits industriels qui présentent des caractéristiques de la

gestion éco-efficiente telle que déjà définie. L’analyse des activités des cas 7, 8, 9, 11 et 12 montre que

la relation « environnement-productivité » semble trouver ou retrouver un certain point d’équilibre

dans ces cas. La somme totale des points obtenus selon le tableau 14 est de 3. Ces entreprises

semblent, dans l’ensemble, très en avance sur le plan du contrôle des émissions, indépendamment de

leurs activités relatives à la valorisation résiduelle. Elles respectent la réglementation et sont fières de

leurs performances à ce niveau. Des investissements assez importants ont été nécessaires pour arriver

à une certaine maîtrise des problèmes liés à l’environnement : se munir d’installations permettant de

récupérer et de transformer de façon propre et sécuritaire les sous-produits industriels; optimiser

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l’usage des ressources en initiant des actions proactives de traitement secondaire des résidus; et la

mutation vers la valorisation d’autres matières résiduelles.

En plus, cette gestion environnementale des activités de valorisation résiduelle repose sur des

outils de management environnemental tels que les certifications internationales de type ISO 9000 et

ISO 14000, ou encore sur des indicateurs de performance environnementale clairement développés et

utilisés (Smart, 1992; Shrivastava, 1996) comme le montrent les propos de ces dirigeants rencontrés :

Oui, effectivement, nous avons développé des indicateurs de performance environnementale. Dans nos rapports annuels, vous pouvez voir que nous tenons à cœur la question de performance environnementale et surtout celle de l’utilisation de l’énergie, de l’eau et des déchets générés par le procédé. Le bilan environnemental fait état de la quantité de matières produites par année, la consommation calorifique totale, la consommation électrique, la quantité d’émissions de CO2, de NOx, de SOx, etc. Et nous pouvons voir que d’année en année, notre performance s’améliore. Par exemple, à l’usine de Joliette, en 2002, on a remplacé de 38 % le taux de combustibles alternatifs : les pneus, le bois, etc. Avant d’utiliser un résidu, on en fait faire systématiquement des analyses dans un laboratoire pour connaître la teneur des métaux contenus dans ce résidu. Et à partir de ces valeurs, on a développé à Joliette un logiciel dans lequel, à partir de bilan de masse qu’on a fait dans notre procédé, on établit quels étaient les facteurs de séquestration des différents métaux dans le clinker. Et dans ce logiciel-là, on introduit ces différents facteurs de séquestration et à partir de ça, le logiciel nous dit quelle quantité de matières résiduelles doivent rentrer dans la composition des différents composants, en tenant compte de leur teneur en métaux et dans la combinaison avec les matières premières traditionnelles (un directeur du recyclage énergétique, cas 7).

Nous préférons être pro-actif et il y a une plus-value en étant pro-actif. Cela nous permet d’être plus à l’aise pour travailler et quand on rencontre les gens du ministère de l’Environnement, on n’est pas gêné de leur dire ce qu’on fait, pourquoi on le fait et comment on le fait (un directeur de l’exploitation, cas 9).

Les différences approches ci-dessus présentées de la gestion environnementale des pratiques de

récupération et de transformation des sous-produits industriels soulèvent des questions pertinentes sur

l’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise. Comme forme d’écologie industrielle à

l’échelle de l’entreprise, la valorisation résiduelle devrait être à la fois « écologique » et « industrielle »

dans le sens premier de ces concepts tels que présentés et discutés plus haut (Lifset et Graedel, 2002).

En plus, elle devrait déboucher sur une approche intégrante et intégrée de la gestion environnementale

de la récupération et la transformation des sous-produits industriels (Boiral et Croteau, 2001b). En

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228

tenant compte de ces considérations, il n’est pas exagéré de dire que l’approche de la valorisation

résiduelle adoptée par les cas 7, 8, 9, 11 et 12, appellée ici « éco-efficiente », tente d’intégrer les outils de

gestion environnementale c’est-à-dire, la politique environnementale, les indicateurs de performance et

la certification ISO 14001. Cette forme de valorisation s’apparente au niveau proactif tel qu’identifié

par Hunter et Auster (1990) dans leur enquête portant sur les programmes d’actions

environnementales adoptées par les entreprises de façon large. En d’autres termes, les entretiens

réalisés montrent que les pratiques de récupération et de transformation des sous-produits industriels

ne peuvent être écologiques sans l’intégration d’une saine gestion de l’environnement dans les activités

résiduelles. Ce qui montre que la valorisation résiduelle peut ou ne pas représenter une pratique

d’écologie industrielle.

Si les pratiques de récupération et de transformation des sous-produits industriels mises en

œuvre par les cas 7, 8, 9, 11 et 12 représentent la valorisation résiduelle identifiée comme éco-

efficiente, cela suppose qu’atteindre ce niveau est l’aboutissement d’un processus d’intégration de

l’écologie et de l’économie de l’entreprise. Il convient alors de s’interroger sur la nature de ce processus

et d’en identifier les étapes.

9.2. Le processus d’intégration de l’écologie et de l’économie de

l’entreprise

Le processus d’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise proposé dans la

présente thèse tente de décrire, à partir de données empiriques, le cheminement parcouru par les

entreprises industrielles de valorisation résiduelle dans ce processus d’intégration. Les exemples

observés montrent que deux facteurs jouent un rôle déterminant dans l’intégration de l’écologie et de

l’économie dans l’entreprise.

D’une part, il y a la recherche de la rentabilité économique. En effet, pour les gestionnaires

rencontrés, les différentes mesures prises par les entreprises, en particulier la nouvelle conception de la

philosophie de gestion, les investissements continuels, l’achat et l’amélioration des équipements,

l’introduction de nouvelles technologies, la rencontre des normes environnementales, la recherche des

matières résiduelles à revaloriser, la formation du personnel, l’élaboration des produits à partir des

déchets, ou encore la bonne lecture des marchés, sont toutes des mesures qui sont motivées par la

rentabilité économique, indépendamment de la teneur écologique de ces actions.

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D’autre part, il y a le temps nécessaire pour introduire les pratiques écologiques, lequel repose

essentiellement sur le développement des compétences en matière de procédés et d’innovations

technologiques, de contrôle des flux de matière, de formation du personnel, d’enjeux

environnementaux ou encore d’aspects stratégiques et commerciaux.

Les efforts des entreprises pour intégrer l’écologie et l’économie évoluent dans le temps et

peuvent être représentés par un modèle qui comprend quatre phases principales36 (voir figure 11) : la

conscientisation, la structuration, l’affirmation et la consolidation de l’intégration. Deux axes

principaux déterminent cette intégration : la rentabilité de l’entreprise et l’introduction des initiatives

écologiques dans le temps. Comme les résultats de l’étude le montrent, le modèle proposé pourrait être

appliqué à plusieurs secteurs industriels.

Figure 11 : Modèle intégrateur de l’écologie et de l’économie de l’entreprise

36 Le modèle intégrateur de l’écologie et de l’économie de l’entreprise a fait l’objet d’un article publié dans les

actes de la Conférence internationale de l’Association internationale du management stratégique (AIMS), édition 2005.

Init

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Rentabilité économique

Conscientisation

Structuration

Affirmation

Consolidation

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230

9.2.1. La conscientisation ou la connaissance du métier

La conscientisation constitue la première phase de l’intégration de l’écologie et de l’économie de

l’entreprise. Tant dans les entreprises dont la valorisation constitue le métier principal que dans celles

dont les pratiques écologiques sont des opérations en marge des activités de base, les dirigeants

prennent conscience de la réalité entourant l’intégration de l’écologie dans l’économie et des

principaux enjeux de cette intégration. L’assurance de la rentabilité économique constitue la base sur

laquelle reposent les initiatives écologiques. Pour assurer cette rentabilité, les entreprises doivent

relever des défis qui touchent tous les domaines des activités opérationnelles.

Sur le plan technologique, cette étape correspond à celle de la connaissance du métier de la

valorisation résiduelle. Les dirigeants prennent conscience de la nécessité d’incorporer les

considérations environnementales dans leurs stratégies de gestion. Les entretiens réalisés montrent que

dans la majorité des cas, cette étape représente le début des pratiques de valorisation résiduelle et que

les entreprises ont déjà franchi cette étape caractérisée par le tâtonnement et la recherche d’identité

résiduelle. Les propos de ce dirigeant illustrent bien les caractéristiques de l’étape de la

conscientisation que l’entreprise a déjà franchie:

Nous avons procédé par de l’entrepreneuriat à sa plus belle expression, par essai-erreurs, comme les « patenteux » de la Beauce. Ce sont des gens qui prennent les équipements et qui les mettent ensemble. Ils n’ont aucune idée des réactions chimiques qui peuvent en résulter. Ce sont des gens qui essaient des choses, ce sont de véritables inventeurs. C’est comme ça que l’entreprise ici a commencé, en essayant des choses (un directeur des opérations, cas 2).

Les résultats de l’étude montrent que, dans les cas analysés, les dirigeants prennent conscience

de la réalité qui les entoure. D’abord, les dirigeants savent bien que les activités de leurs entreprises

respectives s’inscrivent dans le cadre opérationnel qui exige la prise en compte des enjeux

environnementaux. Dans la conception de leurs activités, les dirigeants n’ont cessé d’insister sur le fait

qu’ils récupèrent et transforment les matières résiduelles et que travailler avec les rebuts faisait partie de

leur labeur quotidien. La connaissance du métier de « valorisateur » est déjà une prise de conscience de

sa réalité.

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231

9.2.2. La structuration des activités de valorisation

La seconde phase de l’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise est la

structuration. En effet, une fois que les dirigeants sont plus au moins assurés de la rentabilité des

activités de l’entreprise, ils visent le respect de l’environnement. Ce respect est susceptible d’apporter

des avantages économiques supplémentaires. La structuration de tous les processus d’affaires porte

également sur les technologies, les opérations, les ressources humaines, les enjeux environnementaux

et la lecture stratégique des marchés. Cette organisation de l’entreprise vise à lui donner une cohérence.

Les entretiens réalisés montrent que les entreprises développent non pas des savoirs liés à l’expertise

d’une fonction spécialisée, mais plutôt des compétences liées à plusieurs fonctions ou activités. Dans le

cas d’une des entreprises visitées, par exemple, la structuration a conduit au passage d’équipements de

type artisanal à d’autres beaucoup plus professionnels :

Quand nous avons commencé, notre équipement était fait de machines que nous avions achetées des autres industries, en particulier minières, forestières et de recyclage. Donc, nous n’avions pas de référence. Après ça, nous avons dû réorganiser toutes nos opérations en faisant la commande des équipements mieux adaptés à nos procédés. Ce fut une époque de réinvention totale de nos façons de faire (un directeur administratif, cas 2).

L’organisation des processus d’affaires entourant les pratiques de récupération et de

transformation des matières résiduelles des cas analysés montre des différences quant à la structuration

écologique de ces mêmes activités. D’une part, le respect de l’environnement débouche sur la simple

observance des normes (les cas 1, 2, 3, et 4), ce qui s’apparente à l’approche conformiste. D’autre part,

ce même respect est perçu comme une opportunité de faire plus sur le plan environnemental que la

simple observance des normes (les cas 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12). Faisant un parallélisme avec la gestion

environnementale des pratiques de valorisation résiduelle, il appert que l’étape de la structuration

correspond à l’approche conformiste, comme il a déjà été évoqué.

9.2.3. L’affirmation de la fonctionnalité des procédés

L’affirmation de la fonctionnalité des procédés, tant sur le plan du contrôle des émissions que

sur celui des performances commerciales, constitue la troisième phase de l’intégration de l’écologie et

de l’économie de l’entreprise. D’une part, les progrès réalisés quant à l’utilisation des matériaux divers

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entrant dans les procédés ainsi que l’obtention de bons résultats sur le plan environnemental

renforcent la recherche des opportunités d’affaires avec l’utilisation des matières résiduelles. Cette

« réussite » sur le plan environnemental et économique est présentée par la plupart des répondants

comme une motivation importante pour poursuivre l’intégration de l’écologie et de l’économie.

D’autre part, la spécificité des procédés et des pratiques mises en œuvre permet aux entreprises de

dépasser et de devancer les normes environnementales en vigueur. Ces résultats relèvent d’un long

processus d’expérimentation dont plusieurs répondants ont souligné l’enjeu :

Ce sont les années d’expérience qui ont fait qu’on a déterminé et trouvé le type d’équipement que l’on utilise pour le moment. Il faut être conscient que la façon dont les granules de caoutchouc sont obtenues implique qu’il y ait une certaine forme géométrique. Si on n’a pas la géométrie nécessaire, on n’aura pas le produit tel qu’on l’espère. Il y a bien sûr beaucoup de choses qui sont faites en même temps : des essais, des adaptations multiples d’équipements, des abandons, des reprises, des remplacements de pièces et de machines, etc. (un directeur général, cas 4).

L’affirmation de la fonctionnalité des procédés sur le plan du contrôle des émissions prend la

forme de réduction du risque associée aux activités de récupération et de transformation des matières

résiduelles dans les cas 5, 6, 10 et 12. Ce qui correspond à l’approche de la gestion environnementale

préventive.

9.2.4. La consolidation vers l’éco-efficience

La consolidation des activités clairement engagées de revalorisation constitue la quatrième phase

de l’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise. Cette étape se caractérise par le

renforcement de l’engagement environnemental de l’entreprise, de ses performances dans ce domaine

et de son caractère avant-gardiste. Les performances financières et commerciales accumulées dans le

temps permettent aux dirigeants non seulement de continuer à investir pour l’environnement, ce qui

s’est avéré bénéfique pour la pérennité de l’entreprise, mais également à investir dans des projets de

recherche et de développement qui visent à revaloriser plus de matières résiduelles, à renforcer les

filières de récupération, de valorisation et de commercialisation des nouveaux produits « écologiques ».

Pour la plupart des dirigeants rencontrés, les lourds investissements qu’impliquent ces différentes

initiatives à cette étape témoignent de la réussite de l’intégration de l’écologie dans l’économie de

l’entreprise. Ces mêmes initiatives illustrent, selon leur perception, les concepts comme le

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développement durable, l’éco-efficience ou encore l’entreprise citoyenne, et donc une consistance

opérationnelle de l’intégration de l’écologie et de l’économie :

Nous sommes en train de développer un nouveau produit de recyclage élaboré à partir des brasques d’alumineries. Nous venons de créer une nouvelle filiale spécialisée dans la commercialisation de ce produit. L’entreprise a toujours été rentable avec le recyclage des matières plombifères depuis près de 20 ans que nous existons. Il faut dire qu’il y a des sous à faire avec le recyclage. C’est ce qui nous a permis d’investir plus de 12 millions de dollars dans la recherche et le développement, en collaboration avec l’université de la région. Nous payons deux essais de maîtrise et une recherche doctorale pour la mise au point du nouveau produit de valorisation, unique jusque là au monde. Cela prouve que nous avons à cœur le développement durable (un directeur de l’exploitation, cas 9).

Au cours des années, l’entreprise a démontré qu’elle était capable de performer sur le plan environnemental. Depuis septembre 2000, elle est certifiée ISO 14001 et nous avons développé un programme d’amélioration systématique à l’intérieur. L’année passée, nous avons investi près de quatre millions de dollars uniquement pour améliorer notre performance environnementale, avec peu de retombées économiques comme telles (un vice-président chargé des opérations, cas 9).

Pour réduire nos émissions en sulfate aqueux, nous avons installé un système, ici, de fabrication du gypse artificiel. Avec ce système, les sulfates sont captés par du calcium sous forme de sulfate de calcium, mais soluble. On est donc capable de le filtrer pour récupérer le sulfate de calcium qu’on peut revendre sur le marché extérieur. Alors, on économise sur le carbonate de sodium utilisé pour capter le soufre dans le traitement de la calcite et on fait un produit qui va avoir une certaine valeur commerciale. Ça, c’est de la récupération et tout le système ici a été fait en fonction de cela (un directeur de l’exploitation, cas 9).

Le rapport annuel 2002 intitulé L’innovation mène loin, et publié par le cas 7, montre également,

chiffres à l’appui, le niveau de consolidation des pratiques de récupération et de transformation des

matières résiduelles.

Nous avons consacré beaucoup de ressources à la rationalisation de nos processus d’affaires. Grâce à cette initiative, nous diminuons nos frais d’exploitation et renforçons notre position concurrentielle.

Gains d’efficacité. En normalisant et en simplifiant nos processus au moyen d’un nouveau modèle SAP ainsi qu’en mettant en commun nos ressources en technologie de l’information avec celles de Holcim (US), nous fonctionnons avec une plus grande efficacité globale.

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Augmentation des économies d’énergie. Notre cimenterie de A [le cas étudié] a mis en œuvre un système innovateur d’alimentation de combustibles alternatifs granulaires qui permettra d’économiser environ deux millions de dollars par année sur nos coûts d’énergie.

Réduction de la production de poussière de four. De nombreuses modifications apportées aux procédés nous ont permis de réduire encore davantage le volume de poussière de four généré, tout en augmentant la commercialisation de ce produit comme stabilisateur de sol. En 2002, le recyclage et la vente de poussières de four ont de nouveau dépassé le volume généré (Rapport annuel 2002, cas 7 de la fabrication de la poudre de ciment).

Ces propos montrent qu’effectivement, deux facteurs intrinsèquement liés semblent jouer un

rôle déterminant dans l’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise. D’une part, la

rentabilité économique et financière de l’entreprise, et d’autre part, le développement, dans le temps,

des compétences dans les domaines des ressources humaines, de la gestion des opérations, du

partenariat commercial et de la maîtrise des questions environnementales. Ainsi, selon la perception

des dirigeants rencontrés, en particulier les cas 7, 8, 9 et 11, plus l’entreprise est rentable, plus elle est

disposée à investir dans les initiatives écologiques de valorisation résiduelle et d’amélioration des

performances environnementales. L’intégration de l’écologie et de l’économie se traduit par un

processus graduel, sous-jacent aux résultats économiques favorables de l’entreprise.

Si les exemples observés permettent d’illustrer assez aisément la capitalisation du contexte

environnemental dans la définition des stratégies d’affaires, et donc de donner une consistance

opérationnelle à la logique « gagnant-gagnant » (Porter et de van der Linde, 1995; Rugman et Verbeke,

1998), les entretiens réalisés montrent que l’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise

relève d’une évolution diachronique. Cette évolution ne semble donc pas relever des simples réponses

des entreprises aux lois et règlements en vigueur, ou à des contraintes gouvernementales et sociétales :

elle évolue plutôt à partir des performances économiques qui constituent la base sur laquelle repose les

actions écologiques. Cette même évolution comprend les phases de conscientisation, de structuration,

d’affirmation et de consolidation. Comme l’ont souligné les dirigeants interrogés, et comme l’illustrent

les pratiques analysées, la fonction écologique est avant tout économique.

En raison du caractère imprévisible de la rentabilité de l’entreprise et des contextes dans lesquels

la valorisation résiduelle se réalise, ce modèle mérite d’être relativisé. Les différentes phases identifiées

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peuvent ou ne pas se succéder dans l’ordre chronologique présenté. Selon les circonstances,

l’entreprise pourrait passer de la conscientisation à l’affirmation ou la consolidation. Toutefois,

l’intégration de l’écologie et de l’économie de l’entreprise à travers le processus de conscientisation, de

structuration, d’affirmation et de consolidation n’est possible que si les dirigeants d’entreprise

identifient des facteurs de réussite sur lesquels reposeront leurs actions futures de valorisation

résiduelle.

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CHAPITRE 10

LES FACTEURS DE SUCCÈS DE LA VALORISATION RÉSIDUELLE

Le succès des pratiques de récupération et de transformation des sous-produits industriels est

crucial pour la pérennité de l’entreprise, tant pour les entreprises à vocation résiduelle primaire que

pour les entreprises à vocation résiduelle secondaire. Dès lors, identifier les facteurs de succès des

pratiques de valorisation résiduelle devient un des points centraux du management des entreprises

engagées dans cette démarche. C’est ce que tente de faire le présent chapitre. Les résultats de l’étude

montrent que ces facteurs de succès s’ordonnent sur quatre axes majeurs : la mobilisation des

ressources, les structures de valorisation résiduelle mises en place, le développement et la gestion de

nouvelles compétences, et les méthodes d’analyse des contextes entourant ces mêmes pratiques.

10.1. Mobiliser les ressources

La mobilisation des ressources constitue le premier axe des facteurs de succès de la valorisation

résiduelle. Comme dans le cas de toute action stratégique, la récupération et la transformation des

sous-produits industriels exigent non seulement la mise en jeu de toutes les ressources dont dispose

l’entreprise, mais également la création d’autres ressources nécessaires à la bonne marche de ces

actions. Dans les cas étudiés, les matières résiduelles disponibles, les moyens financiers et économiques

suffisants, les technologies appropriées et un personnel motivé apparaissent comme des ressources

susceptibles de déboucher sur la réussite des initiatives résiduelles.

10.1.1. La disponibilité des matières résiduelles à valoriser

La disponibilité des matières résiduelles constitue un élément majeur qui oriente les actions et

les initiatives de valorisation. Cette disponibilité signifie non seulement que les matières sont générées,

mais également qu’elles peuvent être introduites dans les procédés compte tenu des lois en vigueur et

qu’elles représentent des opportunités pour les dirigeants des entreprises. En plus, l’abondance de ces

matières assure les dirigeants de la pérennité des activités de valorisation résiduelle, ce qui permet une

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meilleure planification, structuration et conduite, ainsi qu’un meilleur développement des actions

entourant la valorisation résiduelle, tant pour les entreprises à vocation résiduelle primaire que pour les

entreprises à vocation résiduelle secondaire.

La section que nous avons achetée représente donc 200 à 300 ans de réserve. Et si cela fonctionnait bien, on prévoyait ouvrir une usine similaire dans le coin de Thetford Mines. Tant que la minière était en opération, elle produisait plus de résidus miniers que ce dont on avait besoin par année. Maintenant, la mine a cessé ses opérations (la mine Jeffrey, JM Asbestos). Tout ça pour dire que la matière première est en abondance ici (un coordinateur à l’environnement, cas 6).

Les batteries viennent sous deux formes. Il y a des batteries automobiles, environ une tonne sur chaque palette. Ensuite, les méga-batteries des gros camions ou encore des batteries des systèmes de communication. Nous faisons donc la récupération du plomb et du plastique contenu dans certaines boîtes de ces batteries. Tant que les batteries seront utilisées dans la vie quotidienne et ensuite mises au rebut, nous aurons du travail (un directeur d’usine, cas 9).

Si cette abondance de matières résiduelles à valoriser ne semble pas soulever d’inquiétudes de la

part des dirigeants à court terme, les prévisions montrent cependant que dans certains secteurs, en

particulier ceux des pneus hors d’usage et des batteries au plomb-acide, la situation pourrait changer

d’ici quelques années. En effet, selon les dirigeants rencontrés, la réserve des pneus hors d’usage au

Québec, par exemple, commence à s’épuiser. En plus, la disponibilité des batteries au plomb-acide

pour les recycleurs canadiens présente des signes précurseurs de récession.

Dans le domaine de l’approvisionnement en matières premières, nous aurons probablement des problèmes d’ici cinq ans quand les sites du Québec seront vidés. Il nous faudra trouver d’autres sources d’approvisionnement ailleurs. Le nombre et la quantité des pneus existent. Il s’agit de s’organiser autrement pour couvrir ce besoin important pour la pérennité de notre usine (un directeur général, cas 1)

Je pense qu’à partir du moment où il ne restera pas beaucoup de pneus dans les sites d’entreposage au Québec, nous serons dans l’obligation d’aller chercher de la matière première ailleurs, aux États Unis par exemple. Il y aura les pneus du flux courant, mais il faudra ajouter à cela d’autres sources. Évidemment, la compétition va devenir un peu plus serrée pour les pneus courants. Cela va exiger que l’on étende notre territoire de récupération au-delà des limites du Québec, de l’Ontario, de New York et du Vermont. Et je suis certain que le coût de la matière première devra augmenter dès que les sources des sites d’entreposage vont disparaître au Québec (un directeur général, cas 4).

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10.1.2. Les moyens financiers et économiques

Les résultats de l’étude montrent que dans la majorité des cas, il existe une relation croissante

entre le niveau des investissements de l’entreprise et ses performances commerciales et financières

dans le temps. Le cas 9, par exemple, a investi un total de 40 millions dans les équipements et de 12

millions dans le développement et la création de nouvelles entreprises de valorisation résiduelle. Ces

investissements représentent donc des coûts pour l’entreprise. Dans le cas des entreprises visitées, des

investissements lourds se sont avérés nécessaires pour permettre, d’une part, une bonne récupération

et transformation des résidus industriels, en particulier pour l’achat d’équipements pour la pesée,

l’analyse, la caractérisation, le déchiquetage, la granulation, le concassage des matières introduites ou

encore pour l’automatisation des activités pour l’ensemble de l’usine et, d’autre part, pour permettre

d’améliorer les performances environnementales des activités de valorisation résiduelle.

Des ressources financières permettent également aux entreprises de construire de nouvelles

installations pour récupérer et transformer les résidus de façon sécuritaire; de créer des postes de

direction en recyclage énergétique, en environnement ou encore en entretien des équipements; et

d’engager du personnel selon les besoins pour stocker, trier ou encore analyser les matières résiduelles.

L’acquisition des technologies appropriées justifie en grande partie ces investissements.

Oui, les équipements sont coûteux. Chaque fois qu’il faut utiliser un nouveau produit comme matière résiduelle, il faut aménager les équipements afin qu’ils soient capables de le faire, et aussi, il faut que son utilisation (le nouveau produit) soit conforme à la réglementation environnementale (un directeur de l’environnement, cas 7).

La valorisation apporte des coûts supplémentaires. Dans le cas de notre usine, l’installation a coûté 6,5 millions de dollars. Cela nous permet de recevoir des matières déjà granulées et prêtes à être utilisées dans les fours. L’installation a une capacité de 45 000 tonnes pour alimenter deux des quatre fours. C’est un taux d’alimentation de trois tonnes à l’heure par four. Lorsqu’on rentre du matériel, tel que le bois à 18 GJ la tonne, cela représente 40 % de nos besoins d’énergie dans le four lorsqu’on alimente trois tonnes à l’heure (un directeur du recyclage énergétique, cas 7).

Les coûts des équipements pour la valorisation des déchets sont très élevés. Quand on s’engage dans cette voie, il faut s’attendre à injecter beaucoup d’argent dans les équipements. Il faut les adapter pour qu’ils soient capables de recevoir certaines matières, il faut faire des constructions supplémentaires, et parfois même prévoir le recrutement du personnel supplémentaire. Et donc, tout cela occasionne des coûts qui sont parfois très élevés (un directeur de l’environnement, cas 8).

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Oui, les coûts sont élevés. Pour améliorer les performances en utilisant les nouvelles matières, il faut apporter des changements au niveau des cheminées, des équipements, faire des aménagements, des constructions supplémentaires, des endroits pour entreposage des matières, etc. Cela implique non seulement des investissements en équipements mais aussi en personnel. C’est le cas de la création de mon poste (un coordinateur à l’environnement, cas 8).

La valorisation résiduelle suppose des investissements importants et l’entreprise qui s’engage

dans cette démarche devrait être préparée pour le faire. Il est intéressant de voir que dans certains

secteurs, en particulier celui des batteries au plomb-acide (le cas 9), le fait de travailler avec des

matériaux dangereux apporte comme conséquence le remplacement et la réparation fréquente

d’équipements, plus souvent que dans les secteurs industriels conventionnels. Il en va de même pour le

secteur des pneus hors d’usage avec l’introduction des pièces de qualité différentes dans les procédés.

Cet aspect a été particulièrement souligné par les dirigeants concernés :

Quand on travaille avec les matériaux dangereux comme le cadmium, le plomb, etc., c’est évident que tous les équipements doivent être changés régulièrement ou encore réparés régulièrement parce qu’il y a beaucoup d’usure, la corrosion, etc. C’est important que les équipements soient très performants (un vice-président chargé des opérations, cas 9).

C’est sûr que pour être capable d’atteindre nos objectifs, disons que si on veut s’en tenir aux problèmes d’odeur, de poussière et de bruit, il va y avoir une première phase d’investissements associés aux besoins externes, c’est-à-dire des besoins de pressions externes. Et par la suite, une deuxième phase d’investissements importants à faire pour satisfaire les besoins internes (un directeur général, cas 4).

Oui, c’est sûr que faire de la valorisation implique des coûts supplémentaires pour les équipements. C’est sûr. Les équipements doivent être modifiés, réadaptés, il faut parfois acheter de nouveaux équipements en tenant compte de nouveaux besoins, etc. Donc, oui, la valorisation implique des coûts et ça, l’entreprise en est bien consciente (un coordinateur à l’environnement, cas 11).

Au coût élevé de maintien des équipements s’ajoute la question de l’adaptation de ces mêmes

équipements aux exigences écologiques. L’utilisation ou l’introduction d’un nouveau type de matières

résiduelles suppose l’adaptation des équipements aux conditions physiques et chimiques de nouvelles

matières, des études d’impacts environnementaux exigées par les instances gouvernementales et donc

une augmentation des coûts. Le succès de la majorité des cas observés met en évidence l’importance

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d’avoir des ressources financières suffisantes pour, d’une part, assurer la pérennité des pratiques et leur

amélioration et, d’autre part, intégrer progressivement l’écologie et l’économie de l’entreprise. Si avoir

des ressources économiques suffisantes semble indispensable pour toute entreprise de façon générale,

il apparaît cependant que le caractère spécifique et innovateur des activités de valorisation résiduelle

rend cette relation particulière. Cette particularité tient au caractère inédit et innovateur des projets

d’écologie industrielle.

Ce caractère inédit et innovateur traduit ce qui apparaît être la dualité des pratiques de

récupération et de transformation des sous-produits industriels. En effet, dans la plupart des cas, les

entreprises engagées dans la valorisation sont appelées à investir dans des projets inédits avec tous les

risques que cela apporte.

10.1.3. Le personnel motivé et engagé

La réussite des activités de valorisation résiduelle passe par le travail élaboré et exécuté par un

personnel motivé et conscientisé aux nouveaux enjeux stratégiques que représente la valorisation

résiduelle. Les dirigeants rencontrés responsables de la formulation des stratégies visant le

développement de ces pratiques ont ainsi souligné que la formation des nouvelles générations

d’employés et leur conscientisation aux réalités écologiques et économiques de l’entreprise constitue

une priorité pour le succès de la valorisation résiduelle. Les gestionnaires se doivent de faire preuve de

plus de flexibilité, d’adopter des politiques internes pour motiver le personnel en vue d’encourager les

changements d’habitude, de favoriser les changements organisationnels dans le temps et de les adapter

aux objectifs à long terme.

Et aussi le domaine de l’utilisation des ressources humaines de façon écologique. Dans ce sens-là, nous sommes une entreprise qui est extrêmement dynamique : nous avons beaucoup de facilité à recruter notre personnel, un personnel qui se développe très bien, un personnel qui est utilisé dans toutes ses forces. C’est la troisième dimension qui fait que notre entreprise est meilleure que les autres (un directeur du personnel, cas 9).

On peut dire que notre entreprise depuis les années 1990, on a changé beaucoup de mentalité. Tous les travailleurs et les gens qui travaillent avec nous voient dans la mission de convertir et de valoriser les matières résiduelles quelque chose qui est noble, qui mérite d’être bien fait, qui mérite d’être fait de façon purement économique aussi, ce qui veut dire qu’il faut être efficace, que ce soit aussi écologique dans le sens que tu ne dois pas polluer davantage avec ces matières-là, mais plutôt être du côté de

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ceux qui ont des solutions aux problèmes de pollution. Dans ce sens-là, la réorganisation du travail était très importante. Mais depuis ce temps-là, depuis qu’on a vraiment transmis cette philosophie, cette approche-là au travail, intégrer chacun aux nouvelles matières que l’entreprise analyse ne pose normalement pas de problème très important parce que c’est devenu un modus operandi, de sorte qu’on intègre. Il y a toujours une certaine difficulté, mais cela fait partie de notre nature (un vice-président chargé des opérations, cas 9).

Comme dans toutes les entreprises, il y a du travail à faire pour que les employés soient réellement impliqués dans le développement des comportements en matière de qualité, d’environnement et de santé et sécurité au travail. Je dirais que c’est un aspect sur lequel nous travaillons et il ne représente pas une difficulté majeure (un coordinateur à l’environnement, cas 11).

Nous avons donc ciblé, ensemble avec le département des ressources humaines, les valeurs pour l’ensemble de l’entreprise et surtout pour les employés : responsabilité, autonomie, travail d’équipe, santé-sécurité, l’environnement et la qualité. Au cours de la première année, les trois départements, à savoir la qualité, la santé et sécurité au travail (SST) et l’environnement, ont travaillé pour concevoir une approche unitaire de gestion et c’est ainsi que nous avons développé ce que nous avons nommé le QUESST (qualité, environnement et santé-sécurité au travail). L’approche de base était donc basée sur ISO 9001 : 2000 de la qualité, qui définit l’approche envers les ressources humaines, la formation. Même l’environnement pouvait facilement s’intégrer et SST aussi (un coordinateur à l’environnement, cas 6).

La crédibilité placée dans les employés est donc perçue par les dirigeants comme le premier

facteur interne de réussite des pratiques de valorisation. Bien que dans l’ensemble des cas étudiés,

trouver la main-d’œuvre qualifiée pour les activités spécifiques de l’entreprise ne soit pas toujours

garanti, les responsables privilégient la formation, à l’interne, de celle-ci. Ils sont conscients que

l’implication du personnel dans le développement des comportements en matière de qualité,

d’environnement et de santé et sécurité au travail pourrait avoir des conséquences positives sur les

performances économiques et environnementales de l’entreprise. La sensibilisation des employés aux

changements de mentalité, d’habitudes de travail et de consommation - changements nécessaires à

l’implantation des pratiques d’écologie industrielle - favorise la double transformation de la notion de

déchet à laquelle participent les entreprises engagées dans cette démarche.

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10.2. Structurer les opérations résiduelles

Les structures de valorisation résiduelle mises sur pied constituent un autre facteur de succès des

pratiques de récupération et de transformation des sous-produits industriels. Ces structures

témoignent de la cohérence et du dynamisme de l’ensemble des activités liées à l’introduction, à la

conversion, à l’échange et au développement des marchés qui constituent le cœur de ces pratiques à

l’échelle de l’entreprise. Dans les cas étudiés, les structures de base portent essentiellement sur les

filières de récupération des matières résiduelles, de commercialisation des produits élaborés à partir des

résidus industriels, de pré-conditionnement et d’analyse des matières, ainsi que de transfert des

technologies.

10.2.1. Les structures en amont et en aval

L’organisation des activités de récupération (en amont), de transformation et de distribution (en

aval) des produits commerciaux repose sur des connexions et des relations que l’entreprise entretient

avec les autres entreprises ou organisations extérieures. Les structures en amont et en aval mises en

place dans les cas étudiés dépendent, d’une part, des secteurs industriels d’où elles proviennent et,

d’autre part, des activités pour lesquelles elles sont utilisées. Dans les cas 11 et 12 qui génèrent eux-

mêmes les matières valorisées, le développement des filières de récupération ne semble pas poser de

problèmes majeurs dans la mesure où les résidus générés sont traités in situ. Il en est de même pour le

cas 6 qui a construit son usine à côté de la source principale d’approvisionnement en matières

premières, les résidus de serpentine. Ce qui constitue surtout un facteur stratégique quant à la

localisation du centre des activités de valorisation.

Pourquoi ici à Asbestos? Les études ont démontré qu’il s’agit d’une localisation stratégique pour la proximité des gisements, la proximité des lignes électriques (un directeur de l’entretien et de l’ingénierie, cas 6).

L’organisation des opérations autour de la récupération, le transport et le traitement des

matières résiduelles avant leur introduction dans les procédés constituent les structures en amont.

L’efficacité de ces structures constitue ainsi un facteur stratégique de succès de la valorisation. Dans la

plupart des cas étudiés, les entreprises reçoivent les matières provenant d’autres secteurs d’activités.

Les cas 7 et 8 reçoivent des combustibles alternatifs provenant des secteurs diversifiés tels que ceux de

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l’industrie pétrolière, des télécommunications, de l’industrie du plastique ou du traitement des eaux

usées. La récupération efficace dans ces cas repose sur des ententes et des structures mises sur place en

collaboration avec les entreprises génératrices des matières résiduelles. La récupération et la réception

des pneus hors d’usage bénéficient d’une structure solide assurée par le ministère de l’Environnement

à travers l’organisme Recyc-Québec. Sans entrer dans les aspects politiques de cet organisme, il

convient de reconnaître que le dynamisme et le fonctionnement de Recyc-Québec quant à la

récupération et au transport des pneus vers les usines où ils seront introduits dans les procédés de

fabrication constituent une grande motivation pour les dirigeants engagés dans ce secteur. Les

gestionnaires rencontrés ont particulièrement souligné l’efficacité et l’excellent travail réalisé par cet

organisme quant aux aspects de répartition et de transport de ces types de résidus.

C’est vraiment un coup d’éclat du gouvernement. En ayant organisé le transport des matières vers nos usines, ils ont simplifié énormément tout l’établissement de cette industrie-là au Québec. Parce que là, ça a vraiment discipliné le tout et cela a aussi permis aux gens de se concentrer sur la vraie chose qui est la transformation de ces matières en divers produits. Donc, du point de vue de l’entrée des pneus, il n’y a vraiment pas de problème. C’est même facilité au point où les pneus sont amenés ici triés et ceux que nous ne prenons pas sont retournés vers des recycleurs secondaires (un directeur général, cas 4).

En fait, on est très bien supporté par le gouvernement québécois de deux façons. D’abord, parce que le gouvernement québécois a organisé ce groupe qui s’appelle Recyc-Québec qui, finalement, a organisé la gestion de la récupération des pneus au Québec. Donc, cela simplifie énormément la tâche de l’industrie (...) Le deuxième volet du gouvernement québécois : il a formé un groupe qui s’appelle Investissement Québec qui fournit des fonds aux entreprises et à la coopérative (un responsable de la comptabilité, cas 4).

Étant donné que nous sommes l’un des grands utilisateurs de matières résiduelles, ce sont des ententes avec des entreprises qui génèrent ces matières qui assurent l’alimentation. Au niveau des pneus, c’est réglé avec Recyc-Québec. Donc, cet aspect nous touche moins (un directeur de l’environnement, cas 8).

Si la récupération fonctionne apparemment bien dans le cas des pneus hors d’usage avec la

création de Recyc-Québec, dans d’autres secteurs, cependant, les dirigeants doivent se battre seuls

pour mettre sur pied des structures propres de récupération en coordination avec les générateurs et les

transporteurs des matières résiduelles. Par exemple, dans le cas 10 du recyclage des résidus animaliers,

il a fallu mettre sur pied un réseau interne composé de camions équipés du matériel nécessaire pour

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récupérer des animaux morts ainsi que les restes des boucheries, des restaurants, des supermarchés,

des fermes, des abattoirs et des poulaillers « à l’état frais ». Comme le souligne ce dirigeant, le facteur

« temps » que l’entreprise ne maîtrise pas constitue un élément particulièrement important de réussite

d’une bonne récupération des matières.

C’est nous qui organisons la collecte des matières résiduelles. Le problème majeur, c’est de récupérer la matière première en bon état. Donc, la récupérer à tous les jours, la récupérer dans un état frais. On n’a pas de problèmes du tout au niveau des boucheries parce qu’elles ont des réfrigérateurs pour garder la matière. Les abattoirs ne sont pas un problème. Le problème réside au niveau de la ferme (un directeur général, cas 10).

À l’instar des structures en amont, les opérations autour de la distribution des produits élaborés

à partir des matières rebutées constituent les structures en aval de la valorisation résiduelle. Celles-ci

assurent la bonne commercialisation de ces produits dans différents marchés. Dans la majorité des cas

étudiés, ces structures reposent en effet sur l’efficacité du travail des équipes commerciales de chaque

entreprise. Les entretiens montrent que de façon générale, les dirigeants s’en sortent bien en l’absence

de structures institutionnelles gérées par des instances gouvernementales ou des secteurs industriels.

Cela n’est pas surprenant dans la mesure où les produits élaborés sont diversifiés et chaque entreprise

adopte une stratégie appropriée compte tenu des spécificités de ses marchés. Dans le but d’assurer la

bonne commercialisation de tous les produits élaborés à partir des matières plombifères valorisées, le

cas 9 a créé une entreprise chargée de cette mission. Cette structure montre le niveau d’unité et de

cohésion de l’ensemble des pratiques de valorisation résiduelle de cette entreprise. Elle confirme

également l’idée selon laquelle la structuration de la valorisation résiduelle dépend du niveau des

performances économiques réalisées par l’entreprise dans le temps.

10.2.2. Les structures de pré-conditionnement et de transfert des

technologies

Dans la majorité des usines visitées, les résidus industriels générés ne rentrent pas directement

dans le processus de transformation pour des raisons techniques et opérationnelles. La diversité de

formes, de nature ou encore de qualité des matières récupérées exige que celles-ci passent par une

étape de pré-conditionnement ou de pré-traitement. Les entreprises engagées dans la valorisation

comptent sur des entreprises qui ont développé des compétences pour rendre utilisables les différentes

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matières résiduelles sans aucune forme de traitement et selon les besoins spécifiques des entreprises

résiduelles. D’une part, cela leur permet de se centrer sur leur vocation d’utiliser et de transformer les

résidus industriels et, d’autre part, cela permet de simplifier le processus de fabrication une fois que les

matières résiduelles mises en forme rentrent dans l’usine. Le pré-conditionnement porte ainsi sur le

déchiquetage, le traitement, le nettoyage ou encore la granulométrie des différentes matières selon leur

origine ou l’utilisation qu’on en fait.

Les entreprises qui disposent des matières résiduelles nous appellent pour nous les offrir. La difficulté ne réside pas au niveau de l’obtention de ces matières, mais bien plus au niveau du pré-conditionnement. Dans la plupart des cas, ces matières n’ont pas la forme requise pour être utilisées directement dans nos fours. Il faut donc leur donner une forme adaptée à nos machines (un directeur du recyclage énergétique, cas 7)

Nous étions catégorisés comme une entreprise de transformation secondaire du caoutchouc recyclé. Nous recevions le granule de la part des entreprises qui recyclent les pneus hors d’usage ici, au Québec, sans problèmes. Il ne s’agissait pas de pneus hors d’usage comme tels (un directeur des opérations et de la technologie, cas 3).

Les structures de support des pratiques de valorisation se traduisent également par des

laboratoires d’analyse des matières résiduelles. Cette analyse permet de connaître, sur une base

régulière, la composition de ces matières étant donné que cette composition change constamment

compte tenu de la diversité des résidus reçus et introduits dans les procédés. Cette information permet,

d’une part, de prévenir des dommages causés sur les équipements et, d’autre part, d’ajuster les recettes

utilisées dans les procédés pour ne pas augmenter le niveau de contamination.

Il y a aussi des laboratoires accrédités en chimie qui peuvent faire des analyses très poussées dans des paramètres spécifiques dans lesquels on n’a pas d’expertise ici. Nous avons notre propre laboratoire d’analyse ici, mais on n’analyse que des éléments dont on a besoin pour la production (un directeur de l’environnement, cas 8).

Sur une base mensuelle, on va prendre des échantillons de ces boues pour en faire des composés, c’est-à-dire des composés sur une semaine ou sur cinq jours, pour les envoyer dans les laboratoires extérieurs. Et là, ils vont faire des analyses un peu poussées (un ingénieur au service technique, cas 11).

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À côté des structures de support en matière de pré-conditionnement et de pré-traitement, il y a

également des structures de transfert des technologies. Leur rôle s’inscrit essentiellement dans la

recherche appliquée et le développement, l’aide technique et l’information aux entreprises engagées

dans la valorisation résiduelle, l’implantation de nouvelles technologies et la mise sur pied de projets

innovateurs. Bien qu’il existe un nombre croissant de centres de transfert de technologie au Canada,

dont une trentaine au Québec, les résultats de l’étude montrent que peu d’entreprises s’approchent de

ces centres pour signer des accords de coopération en matière de développement des technologies,

pour améliorer l’utilisation et la transformation des résidus industriels du moment ou pour étudier les

possibilités de valorisation de biens d’autres matières. Deux exemples de capitalisation du potentiel des

structures de recherche et de développement méritent d’être mentionnés. En collaboration avec le

centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTÉI) de Sorel-Tracy, le cas 5 de

valorisation des scories d’acier inoxydable et des stériles de minerai de fer a mis sur pied un

programme de recherche dont la première phase représentait une enveloppe budgétaire d’environ

100,000 dollars (documents de l’entreprise). Le cas 9 constitue également un exemple de capitalisation

du potentiel des transferts des technologies. La mise sur pied d’un produit innovateur élaboré à partir

des brasques d’alumineries en constitue le résultat. Cette entreprise continue à investir dans la

recherche et le développement en collaboration avec des centres universitaires de la région où se

situent ses usines.

Ici, je peux dire que notre entreprise est prospère. On est tourné vers l’avenir parce qu’on est continuellement à la recherche de nouvelles matières, de nouveaux matériaux à transformer. On cherche celui qui nous rapporte le plus d’argent possible. Et pour cela, on finance deux maîtrises et un doctorat à l’Université de Sherbrooke. Avec les résultats de ces recherches, on espère trouver de nouveaux débouchés (un directeur de l’exploitation, cas 9).

Dans la majorité des cas étudiés, le facteur « perte de matière » ou encore la génération de

résidus après le processus de valorisation représente environ 25 % dans le cas des pneus hors d’usage.

Selon les informations recueillies, ce pourcentage, composé essentiellement d’acier, était encore envoyé

à l’enfouissement par manque de procédé industriel pour le récupérer et le rendre utilisable par

d’autres secteurs d’activités, en particulier les alumineries de la région. La collaboration avec les centres

de transfert des technologies pourrait ainsi permettre de valoriser plus de matière et de trouver des

utilisations à des résidus générés in situ dans la majorité des cas.

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Les déchets que l’on rejette contiennent de l’acier et nous sommes sur le point de mettre sur pied un procédé pour l’extraire et le récupérer en vue de le vendre, au lieu de l’envoyer dans un site d’enfouissement. Nous parlons d’une dizaine de tonnes par année avec une concentration d’environ 20 % d’acier. Mais cela dépendra aussi de la demande de l’acier sur les marchés parce que cet acier doit être nettoyé pour éviter qu’il puisse contaminer l’environnement (un directeur général, cas 1).

Le fait qu’il y a encore une bonne partie des résidus qui sont générés et que nous avons commencé à nettoyer avant de les envoyer vers les recycleurs d’acier, je pourrais dire que oui, nous avons un facteur de perte de matière assez important (un directeur général, cas 4).

Nous n’avons pas beaucoup de déchets à valoriser. Ce que nous générons, c’est les fibres d’acier qui se trouvent dans la ceinture du pneu. On procède à l’enfouissement parce que l’acier qui résulte comme résidu contient beaucoup de caoutchouc et pour le vendre aux fonderies, il faudrait d’abord le débarrasser du caoutchouc, chose qui n’est pas encore faite. Nous avons réussi à réduire la teneur en soufre et il y a une partie que l’on vend à des fonderies. Nous générons environ 300 tonnes d’acier par mois (un chef du service comptable, cas 2).

Ces informations montrent que chaque année, des centaines de tonnes d’acier ne sont pas

utilisées de façon appropriée par manque de procédés permettant de le faire. Des programmes de

recherche et de développement pourraient apporter des solutions à ce problème et à bien d’autres dans

d’autres industries de valorisation. Cet aspect rentre dans le cadre des limites technologiques des

pratiques d’écologie industrielle évoquées par Allen (2002). La mise sur pied de « centres

technologiques de résidus industriels », comme on les appelle, pourrait résoudre en partie cette limite

et éviter ainsi le gaspillage des ressources.

La création d’une banque de données sur les matières résiduelles susceptibles d’être utilisées dans

les procédés industriels aux échelles régionale, provinciale et fédérale pourrait également apporter des

solutions aux problèmes ci-dessus mentionnés. Ce type d’initiative a déjà été tenté dans le passé, mais il

n’a pas été couronné de succès. La Bourse des résidus industriels du Québec (BRIQ) vient tout juste

d’être relancée par le centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTÉI) de Sorel-

Tracy. Cette banque de données permettra de diffuser sur une base régulière de l’information portant

sur les diverses matières disponibles et d’aider les gestionnaires dans la planification de leurs activités.

La cohérence, l’harmonisation et le dynamisme des structures mises en place pour récupérer les

résidus, les transformer et distribuer les divers produits élaborés semblent constituer un facteur de

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réussite dans les cas étudiés. La figure 12 résume l’essentiel de la mise en place de ces structures. Au

niveau de l’entrée, deux types de structures s’avèrent nécessaires. D’abord, les structures de

récupération, de transport et de répartition des différentes matières résiduelles. Dans le secteur de la

valorisation des pneus hors d’usage, ces structures sont assurées en grande partie par l’organisme

Recyc-Québec. Ensuite, les structures de pré-conditionnement ou de pré-traitement des matières. Au

niveau de la transformation des résidus, il s’agit des structures de transfert des technologies et de

recherche et développement. Et, au niveau de la sortie, les structures de commercialisation des

produits élaborés à partir des résidus industriels.

Figure 12. Structures de valorisation résiduelle

10.3. Développer et gérer les compétences clés

Le développement et la gestion des compétences clés constituent le troisième axe des facteurs

de réussite de la valorisation résiduelle. Cette question du développement des compétences dans la

réussite des projets d’écologie industrielle à l’échelle de l’entreprise a été analysée dans Boiral et

Kabongo (2004). Les conclusions de cette étude empirique qui avait reposé sur des entretiens

préliminaires auprès d’une trentaine de gestionnaires restent les mêmes pour l’ensemble des entretiens

réalisés dans le cadre de l’étude complète. La réussite des projets de valorisation résiduelle relève, dans

une large mesure, de la mobilisation des connaissances et du savoir-faire qui touchent les aspects de la

Entrée Transformation Sortie

Pré-conditionnement Pré-traitement

Transfert des technologies Recherche et

développement

Récupération Transport Répartition

RECYC-QUÉBEC

Commercialisation des produits résiduels

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technologie, de la gestion des ressources humaines, du marketing, etc. Dans la majorité des cas étudiés,

les résultats globaux obtenus ont été satisfaisants et les entreprises en sont fières. Ces résultats tiennent

compte des performances économiques et commerciales ainsi que des performances

environnementales. Le succès de la valorisation résiduelle dans les cas étudiés dépend, en grande

partie, du développement des compétences clés au sens entendu par Prahalad et Hamel (1990). Ces

compétences s’accroissent par un processus d’apprentissage collectif des pratiques qui permettent à

l’entreprise d’être compétitive sur les marchés. La maîtrise des connaissances et du savoir-faire en

matière de valorisation résiduelle transcende les seuls aspects technologiques pour embrasser toutes les

fonctions et les activités de l’entreprise.

Ces compétences semblent liées aux différents critères de valorisation résiduelle, c’est-à-dire

l’introduction, la transformation, l’échange et le développement des marchés. Concrètement, ces

compétences sont les suivantes : la maîtrise de la variabilité des flux des matières résiduelles à valoriser

(introduction); la maîtrise des procédés et de l’innovation technologique (transformation); la maîtrise

des activités de formation et le développement de savoir-faire opérationnels (création de valeur); et la

maîtrise des aspects commerciaux (développement des marchés) (figure 13).

Figure 13. Compétences clés de la valorisation résiduelle

Compétences clés

Variabilité des flux de matière

Procédés et innovations

technologiques

Formation et développement de savoir-

faire professionnels

Aspects commerciaux

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10.3.1. La maîtrise de la variabilité des flux des matières L’introduction des matières résiduelles dans les procédés de production exige la maîtrise de la

variabilité du flux des matières résiduelles à valoriser. Cette variabilité des matières résiduelles constitue

en effet la particularité de l’industrie résiduelle. Matières rebutées avec peu de valeur ou sans valeur

pour les générateurs, elles sont donc rarement standardisées, tant au niveau de leur composition que de

leur dimension et de la régularité des approvisionnements. Dans le secteur des pneus hors d’usage (les

cas 1, 2 et 4), la majorité de ces entreprises reçoivent des pneus de camions d’environ 48 kilogrammes

chacun. Ces pneus arrivent à l’usine avec des caractéristiques variées quant à leur état d’usure, aux

modifications subies à cause des intempéries et des conditions d’entreposage. Il en est de même pour

le secteur des batteries au plomb-acide, les déchets animaliers ou encore les résidus miniers. Ces

irrégularités exigent des adaptations continuelles pour tenter de standardiser ces matières à l’entrée des

procédés. Ce qui suppose un apprentissage de pratiques « sur mesure ».

La maîtrise de la variabilité du flux des matières répond à des niveaux différents selon les

entreprises et les secteurs industriels, et elle pourrait constituer une source d’avantages concurrentiels.

Dans le secteur des pneus hors d’usage par exemple, plus l’entreprise peut recevoir et traiter divers

types de pneus, plus elle est perçue comme offrant un avantage concurrentiel par rapport aux autres.

C’est l’exemple du cas 2 qui a développé des compétences qui lui permettent de traiter tant les pneus

des camions que ceux des voitures.

Oui, la valorisation résiduelle constitue une stratégie d’affaires qui nous démarque des autres parce que nous sommes les seuls qui avons développé une technologie pour récupérer et transformer toutes sortes de pneus, y compris ceux des voitures. Les autres récupèrent essentiellement les pneus des camions (un directeur général, cas 2).

Cette plus grande maîtrise et cette plus grande adaptabilité au flux des matières n’ont pas été

observées dans les cas 1 et 4, lesquels se centrent uniquement sur le traitement des pneus de camions.

Même en ce qui a trait aux pneus de camions, ce ne sont pas tous les types qui sont valorisés. Il appert

que le choix dans les matières premières disponibles est fonction du niveau d’habileté pour les traiter.

Nous utilisons seulement les pneus des camions. Ceux des voitures sont beaucoup plus difficiles à manipuler parce qu’ils contiennent beaucoup de fibres. Ensuite, les pneus d’autos sont beaucoup plus usés que les pneus de camions. Et donc, la quantité de caoutchouc que l’on peut récupérer pour faire le travail est moins élevée. C’est sûr

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qu’on peut toujours s’adapter aux pneus d’autos mais par choix, nous avons préféré ceux des camions (un directeur général, cas 1).

Principalement, on prend des pneus de camions d’une certaine nature. Il y a des pneus de camions qu’on ne recycle pas et qu’on envoie à des recycleurs secondaires. Ces pneus-là sont, de façon générale, des pneus de camions en nylon ou des pneus de camions qui contiennent du « cavelard » (ce qui remplace l’acier dans la carcasse du pneu). Dans les pneus qu’on recycle, on prend le pneu rond, on le coupe, on le déchiquette et finalement, on fait de la granule de différentes grosseurs (un directeur général, cas 4).

L’avantage concurrentiel de la maîtrise de la variabilité du flux des matières s’observe également

dans les cimenteries visitées. Plus l’usine introduit une diversité de matières comme combustibles

alternatifs, plus elle a l’avantage de réduire ses coûts en termes d’énergie et plus elle détient un certain

pouvoir de négociation avec les différents générateurs de résidus pour prendre ces matières dans des

conditions favorables. Il n’est pas surprenant que le cas 7 ait installé des équipements de granulométrie

dans son usine de fabrication de ciment, ce qui lui donne l’avantage de recevoir et de traiter plus de 80

types différents de matières. Cela explique également la création du poste de directeur du recyclage

énergétique dans le cas 7 chargé d’évaluer les possibilités et de signer des ententes avec les entreprises

génératrices des matières résiduelles. Le cas 8, par contre, introduit une trentaine de matières dans ses

fours. La différence entre l’utilisation de 80 types de matières résiduelles contre, par exemple, 30 types

de matières résiduelles comme combustibles alternatifs se reflète dans les coûts d’énergie et, par

conséquent, dans les états financiers.

Dans la plupart des cas, ces matières n’ont pas la forme requise pour être utilisées directement dans nos fours. Il faut donc leur donner une forme adaptée à nos machines. Nous prenons actuellement près de 85 matières résiduelles différentes, surtout pour la combustion dans nos fours (un directeur du recyclage énergétique, cas 7).

Les résidus introduits dans les fours des cimenteries viennent de secteurs variés et se composent

de matières aussi diverses que des huiles usées, des pneus hors d’usage, du bois traité provenant de

chemins de fers ou de poteaux de téléphone, etc. Ces résidus ne sont pas interchangeables et leur

valorisation exige la prise en compte de nombreux paramètres comme la valeur calorifique des

matériaux récupérés, leur entreposage, leur humidité, leur dimension ou encore leur toxicité.

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10.3.2. La maîtrise des procédés et innovation technologique

Les pratiques de valorisation résiduelle reposent en grande partie sur l’expérimentation et la

mise sur pied de procédés technologiques innovateurs. Cet aspect est souligné par bon nombre de

spécialistes de l’écologie industrielle, en particulier Ausubel et Langford (1997), Grübler (1998),

Norberg-Bohn (2000) et Chertow (2001). En effet, la mise en place d’un procédé de pyro-métallurgie

pour traiter les batteries au plomb-acide, de l’électrolyse de la serpentine, de l’introduction de granules

dans la fabrication du bitume, de la récupération de l’acier des résidus miniers, de la production de

biodiesel à partir de graisses animales, toutes ces pratiques d’écologie industrielle appellent

l’expérimentation de nouveaux procédés en tenant compte des exigences des marchés. Le caractère

unique de ces procédés justifie le fait que l’écologie industrielle soit une approche innovatrice pour

trouver des solutions à des problèmes écologiques et environnementaux globaux.

Nous avons développé un procédé innovateur qui s’inscrit dans le cadre des exigences environnementales. Il faut dire que pour nous, nous regardons surtout l’aspect technique, la matière qui rentre dans nos procédés. Que cette matière nous permette de fabriquer un produit de qualité, en tenant compte des exigences des marchés, c’est l’aspect le plus important pour nous (un directeur d’usine, cas 3).

Nous avons mis au point un procédé jusque là unique au monde, et nous avons déjà produit 5 000 tonnes. Nous utilisons un produit toxique pour fabriquer deux produits ayant une valeur commerciale. À partir des brasques usées en provenance des alumineries, on en fait une fritte de verre et on fait moudre la fritte de verre pour obtenir une poudre qui, quand on y ajoute 25 % de ciment, cela augmente les propriétés du béton. Cela diminue la perméabilité du béton aux ions du chlore, aux sels et on obtient des bétons à 65 MPa. Le béton que vous achetez est à 30 MPa. Le béton à 65 MPa chauffe moins (un directeur de l’exploitation, cas 9).

On a beaucoup investi dans le procédé pour extraire le magnésium du résidu minier de la serpentine. On a monté une usine pilote dans les années 1996-1997 à Valleyfield. Et les résultats ont démontré qu’il était possible de lixivier la serpentine à l’aide de l’acide chlorhydrique (HCl) pour sortir le magnésium de la pierre. Et le magnésium en solution était par la suite séché pour l’avoir sous forme de sel. Et à partir de ce sel, on procédait par l’électrolyse pour avoir finalement le magnésium (dissociation des ions chimiques des substances en solution ou en fusion) (un coordinateur à l’environnement, cas 6).

Ces exemples montrent que le développement des procédés de valorisation résiduelle se fait

progressivement et repose généralement sur un processus « d’essais-erreurs » dont le résultat est

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rarement prévisible. Une fois ces technologies en place, la maîtrise de leur utilisation et des coûts qui

leur sont associés exige du temps. Bien que la « courbe d’apprentissage » semble très variable d’un cas à

l’autre, il est clair que cette dernière joue un rôle de premier plan dans la rentabilisation des procédés

mis en œuvre. En fait, une des principales sources de coûts associés à ces procédés ne semble pas être

les intrants en soi, mais plutôt la façon de les utiliser, de les transformer; bref, le savoir-faire et la

technologie investis dans cette démarche. Ce défi est évidemment particulièrement important dans une

situation de démarrage d’usine, situation par laquelle sont passées la majorité des entreprises visitées.

Ce sont les années d’expérience qui ont fait qu’on a déterminé et trouvé le type d’équipement que l’on utilise pour le moment. Il faut être conscient que la façon dont les granules sont granulées, il faut qu’il y ait une certaine forme géométrique. Si on n’a pas la géométrie nécessaire, on n’aura pas le produit tel qu’on l’espère. Suite à des années d’expérience, on a fini par choisir et découvrir le procédé qui convient. Il y a, bien sûr, beaucoup de choses qui sont faites en même temps, des essais, des adaptations multiples d’équipements, des abandons, des reprises, des remplacements de pièces et de machines, etc. en continue (un directeur général, cas 1).

Le procédé que nous utilisons est le résultat de plusieurs années d’expérience avec les machines qui ont été adaptées ici, à l’intérieur de l’usine. Nous le gardons parce que les résultats obtenus sont satisfaisants (un directeur de la production, cas 2).

La problématique était au niveau purement technologique, celui des équipements et des matériaux. C’était d’opérer l’usine sur une base continue en trouvant des solutions à tous les problèmes technologiques et d’équipements à travers le temps. C’est en fait une problématique de démarrage d’usine (un directeur de l’entretien et de l’ingénierie, cas 6).

10.3.3. La maîtrise de savoir-faire professionnels

Le troisième aspect du développement des compétences de valorisation résiduelle concerne la

formation du personnel et le savoir-faire professionnel qu’impliquent les pratiques d’écologie

industrielle. D’une part, la diversité des matériaux utilisés et, dans certains cas, leur toxicité exigent des

efforts constants pour former les opérateurs, lesquels sont appelés à manipuler des produits

potentiellement dangereux. Cette formation est d’autant plus nécessaire que ce sont souvent les résidus

les plus dangereux qui sont les plus « rentables » de valoriser. C’est le cas, par exemple, de certains

matériaux inflammables utilisés dans les fours des cimenteries. Outre la transformation de ces

matériaux, leur transport et leur stockage exigent des précautions particulières. D’autre part, la

spécificité des procédés et des pratiques mises en œuvre implique des programmes de formation « sur

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mesure ». Ces programmes sont généralement plus longs et plus difficiles à développer puisqu’ils

concernent des connaissances peu standardisées.

C’est par ces différents programmes que les entreprises engagées dans la valorisation forment le

personnel à la création de valeur commerciale et écologique des produits élaborés à partir de résidus.

Cette création de valeur suppose la responsabilisation des employés de tous les niveaux, sur laquelle

repose la compétence professionnelle. La compétence professionnelle en matière de valorisation ne

concerne pas seulement les départements chargés de recevoir les matières et de les traiter, mais bien

tous les niveaux de l’entreprise. C’est donc un apprentissage collectif comme l’ont souligné la majorité

des dirigeants rencontrés :

Il y a un grand travail à faire pour éduquer les employés quand on parle des produits alternatifs. Il s’agit d’une autre façon de faire, une autre technologie, différente de celle que l’on utilise quand il s’agit de produits conventionnels (un directeur de l’énergie et de l’environnement, cas 7).

Le personnel est impliqué, mais il faut continuer à le former pour qu’il soit plus conscient que dans l’usine, nous avons pris l’orientation d’utiliser des matières résiduelles et que cela implique le développement des comportements au niveau des employés. Ceci pour que l’entreprise, à travers ses employés, prêche par de bons exemples, dans le milieu de travail qui doit être sécuritaire (un directeur de l’environnement, cas 8).

C’est un aspect primordial. C’est une préoccupation très importante et quotidienne. Nous faisons énormément d’efforts de ce côté-là parce que nous avons vu, par expérience, que quand ce côté est bien maîtrisé, nous avons des employés motivés, très sensibilisés aux exigences du travail. Notre niveau d’absentéisme est très bas, le roulement du personnel est très bas. Et cela assure qu’il y a des employés compétents qui sont là pour faire le travail. Alors, ça c’est une des dimensions les plus importantes de notre entreprise : la formation à la compétence professionnelle (un vice-président chargé des opérations, cas 9).

Les dirigeants rencontrés ont particulièrement souligné que la formation à la compétence

professionnelle commence par la sensibilisation et l’implication au développement des comportements

en matière de qualité, de santé et sécurité au travail. Dans la majorité des cas étudiés, les dirigeants

semblent être satisfaits des résultats obtenus par les efforts de formation du personnel en cette matière.

La rétention du personnel, et donc la conservation des savoir-faire acquis par la pratique, constitue un

aspect essentiel de l’apprentissage organisationnel. S’il n’est pas facile de recruter des employés formés

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à des pratiques spécifiques de valorisation résiduelle, le départ de ces derniers vers d’autres industries

après avoir été formés dans l’esprit et la philosophie de l’entreprise constitue une perte importante du

capital intellectuel.

La gestion des questions environnementales s’inscrit également dans le cadre de la maîtrise de

savoir-faire professionnel lié à la création de valeur commerciale et écologique. Cette maîtrise touche la

gestion des problèmes administratifs, techniques et sociétaux associés au management

environnemental. Au niveau administratif, le transport, l’entreposage et l’utilisation des matières

résiduelles nécessitent des autorisations et des procédures spéciales à suivre. Au niveau technique, la

transformation des matières résiduelles implique des impacts environnementaux qui doivent être

mesurés et contrôlés. Enfin, au niveau sociétal, les activités d’écologie industrielle suscitent souvent des

réactions négatives, voire hostiles de la part des citoyens. Vu de plus près, les pratiques de valorisation

résiduelle exigent la maîtrise des compétences, non seulement techniques et managériales mais aussi

juridiques, relationnelles et institutionnelles. Dans l’ensemble, les dirigeants rencontrés semblent bien

maîtriser ces aspects dans la mesure où ceux-ci font partie de leur pain quotidien et du succès des

pratiques de valorisation.

Parlant des compétences relationnelles et institutionnelles, il convient de mentionner ici

l’expérience vécue par le cas 6 avec la constitution d’un groupe d’opposition aux activités de

valorisation de la serpentine et de l’installation de l’usine dans la région. Bien que cette situation

conflictuelle ait été très médiatisée par des groupes écologistes, les dirigeants ont su la maîtriser en

établissant un pont transparent entre l’usine et la communauté locale.

Du côté environnemental, la mise en place du projet a amené son lot de gens qui étaient contre l’installation de l’usine, ici. C’est associé à une problématique spécifique de la génération accidentelle des organochlorés par le processus d’électrolyse. Le fait qu’on génère du chlore gazeux dans la cellule d’électrolyse. C’est ce qu’on appelle les POPs (Produits Organiques Persistants) dans lesquels on a le chlorobenzène, BPC. Il existe une entente internationale sur les POPs. On se retrouve avec ces trois composés dans l’usine qui ont été aussi identifiés lors des études d’impacts. Nous avons mis en place des processus pour les contrôler au niveau où l’on pensait les retrouver. Malgré cela, pour des gens autour ici, « une molécule de plus, c’était une molécule de trop (un chef de l’environnement, cas 6).

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10.3.4. La maîtrise des aspects commerciaux

Le dernier aspect concerne les compétences stratégiques et commerciales nécessaires au

développement des marchés pour la commercialisation de produits élaborés à partir de matières

résiduelles. Ces compétences stratégiques se traduisent en effet par le marketing écologique, le

commerce de nouvelles valeurs et la qualité des produits écologiques. Dans la majorité des cas étudiés,

cela suppose la mise sur pied de véritables équipes commerciales chargées d’évaluer les différents

marchés et d’établir des ententes commerciales. Le marketing écologique est crucial pour la pérennité

des pratiques d’écologie industrielle. Bien que dans la majorité des cas étudiés, la commercialisation des

produits ne semble pas poser problème, les dirigeants ont reconnu tout de même que la concurrence

avec les produits élaborés à partir des matières vierges est féroce. Ce qui n’est pas étonnant dans la

mesure où les clients ne regardent pas d’abord le caractère écologique des produits, mais plutôt leur

utilité par rapport aux prix auxquels ils sont offerts. Dans une société où l’environnement est devenu

l’une des premières préoccupations, le caractère écologique des produits élaborés à partir de résidus

rebutés semble aider les entreprises à se positionner sur les marchés.

Il y a une grosse différence entre le caoutchouc vierge et le caoutchouc recyclé, dans les coûts. Le recyclé est généralement moins cher que le caoutchouc vierge. Au niveau de la durabilité, il n’y a pas de problèmes. Quant à l’acceptation de ce produit par les clients, le fait que depuis environ cinq ans, il y a plus de publicité sur le recyclage et ses produits, la prise de conscience pour l’environnement, il y a des gens qui vont préférer la qualité verte. De ce côté-là, cette conscientisation nous aide un peu à écouler nos produits sur les marchés. Mais ce n’est pas à 100 % parce qu’il y a la qualité et le prix. Le facteur environnemental agit un tout petit peu en bas. C’est ce qui fait la différence entre le caoutchouc vierge et le caoutchouc recyclé (un directeur général, cas 1)

Le fait que notre produit soit issu de la valorisation, cela nous favorise un peu parce qu’il y a une certaine conscientisation de la population envers les produits recyclés (un directeur général, cas 2).

La qualité de nos produits est bonne. Pour le moment, l’entreprise est reconnue pour la qualité de son produit à cause de la difficulté associée à la fabrication de ce produit-là. C’est du recyclage de pneus usés. Il s’agit d’obtenir des granules d’une certaine grosseur et s’assurer qu’à l’intérieur de celles-ci, il n’y a pas de contamination. Pour le moment, nous sommes assez bien adaptés avec notre marché (un directeur général, cas 4).

Lorsqu’on parle de la concurrence, on parle de farines protéiniques d’origine végétale. Au niveau des prix, on est plus bas (un directeur général, cas 10).

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L’utilisation des résidus comme intrants s’inscrit dans le cadre du « renouveau » que recherchent

les entreprises devant les pressions économiques, politiques et sociales ainsi que les pressions de la

dynamique des marchés. Ce « renouveau » ne pourra être réalisé sans des remises en question des

façons de faire de l’entreprise, processus qui aboutit souvent par l’introduction de nouvelles pratiques.

C’est dans ce cadre que s’inscrivent la revalorisation et la transformation des matières résiduelles.

Comme le soutient Hurst (1995), le désir du renouvellement harmonise la continuité et le changement

au sein de l’entreprise. Ces propos rejoignent ceux de Crossan et al. (1999), qui conçoit l’apprentissage

organisationnel comme un des moyens qui permettent à l’entreprise de réaliser le « renouveau ».

Comme dans tout changement au sein de l’entreprise, l’apprentissage ne peut être acquis que par une

approche multidisciplinaire, c’est-à-dire la mobilisation de tout le savoir de l’entreprise : connaissances

techniques, connaissances organisationnelles et marketing. Dans la mise en œuvre des pratiques

d’écologie industrielle à travers le processus d’apprentissage organisationnel, les entreprises, en

s’adaptant à leur environnement interne et externe propre, utilisent des styles d’apprentissage variés en

vue de développer des compétences conformes à ce qu’elles sont (DiBella, Nevis et Gould, 1996), leur

raison d’être. C’est donc sur le développement de ce caractère spécifique, intangible, diffus et

difficilement imitable de leurs connaissances qu’elles fondent les bases de leur différenciation

compétitive.

Les entreprises visitées présentent des mécanismes d’apprentissage de Pedler, Burgoyne et

Boydell (1991). Selon ces auteurs, les aspects suivants caractérisent une entreprise apprenante :

l’existence de stratégies d’apprentissage, des politiques participatives de prise de décision, des

politiques de diffusion de l’information, des politiques d’échange de l’information, des politiques de

développement du personnel, des structures flexibles, des chercheurs d’opportunités dans le milieu,

des échanges d’expérience et d’apprentissage avec d’autres entreprises et une ambiance favorisant

l’apprentissage. Ce qui s’apparente à l’acquisition validée des connaissances selon le modèle

d’apprentissage proposé par Lapré, Mukherjee et Van Wassenhove (2000). Étant donné que, dans la

plupart des cas, les pratiques de valorisation sont introduites comme faisant partie d’une réorientation

de l’entreprise, les dirigeants rencontrés comptent avant tout sur l’expérience et l’engagement de leurs

employés comme un actif incontestable, un « driver interne » (van Berkel, Willems et Lafleur, 1997),

un capital intellectuel initial (Kaplan et Norton, 1996 ; Stewart, 1997 ; Edvinson et Malone, 1997). Les

échanges d’expérience et d’apprentissage avec d’autres entreprises se font souvent entre usines

appartenant à un même groupe. C’est le cas, notamment, des cimenteries canadiennes, filiales de

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grandes compagnies européennes. Au niveau régional, cet échange se fait souvent par le biais du

développement d’un partenariat avec des firmes de consultants. Ces firmes apportent leur expertise

dans le pré-conditionnement des matières résiduelles et les entreprises bénéficient directement et

indirectement de leurs expériences de travail avec d’autres dans le même secteur d’activité industrielle.

10.4. Rationaliser les méthodes

Le dernier facteur de réussite des pratiques de valorisation résiduelle se traduit par la

rationalisation des méthodes utilisées pour optimiser l’usage des ressources disponibles. Comme dans

le cas de toute action stratégique formulée dans un contexte compétitif, la réussite des pratiques de

production industrielle dépend, en partie, de facteurs que l’entreprise ne maîtrise pas. D’une part, ces

facteurs reposent en particulier sur les prix de vente des produits, la disponibilité, le prix des matières

récupérées et la concurrence avec les matières vierges ou encore avec les industries qui désireraient les

utiliser. D’autre part, ces facteurs reposent sur le développement des compétences liées à la gestion

efficace des activités et des projets adoptés. En ce sens, les méthodes utilisées en valorisation résiduelle

pour introduire, transformer, créer de la valeur et commercialiser les produits constituent des facteurs

de réussite de ces pratiques. Les perceptions des dirigeants rencontrés en matière de motivation pour

la valorisation résiduelle, de choix de procédé, de construction de l’avantage concurrentielle, de

positionnement sur les marchés ou encore d’adaptation des procédés aux exigences environnementales

s’inscrivent dans le cadre du modèle classique de l’analyse des facteurs entourant les aspects politiques

et légaux, économiques, sociaux et technologiques (l’analyse PEST).

Les grands axes de ces méthodes s’orientent vers divers types d’analyse du contextuel, du

potentiel ou encore de la cohérence de l’ensemble du corpus des stratégies visant la productivité de la

récupération et la transformation des sous-produits industriels. La combinaison de ces types d’analyse

et l’adaptation aux changements continuels ont débouché sur la création d’entreprises à vocation

résiduelle et aux multiples initiatives en écologie industrielle. Les résultats montrent que, dans

l’ensemble, les dirigeants des entreprises visitées ont développé des mécanismes qui leur permettent de

mieux s’adapter aux circonstances externes et internes. Cette adaptation s’inscrit également dans le

cadre de l’apprentissage organisationnel.

Les premiers actionnaires ont découvert un produit qui pouvait servir aux animaux et pour faire ce produit, ils ont découvert qu’il fallait déchiqueter les pneus et en faire un

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produit fini. Cela a vraiment commencé par le produit fini pour remonter aux déchets industriels (un directeur général, cas 1)

Pour chaque utilisation des produits qu’on fait, on a une économie. Pour exploiter la carrière et avoir la silice, cela nous coûte environ 10 $ à 15 $ la tonne. Récupérer un produit de silice qui vient des fonderies ou de n’importe quoi, on peut l’avoir à 0 $ la tonne ici. Donc, on fait une économie de 10 $ au moins. Ça, c’est pour un produit. On peut aller jusqu’à 25 $US la tonne d’économies que l’on fait pour les produits solides. Au niveau des combustibles, on peut aller entre payer et recevoir de l’argent (un directeur de l’environnement, cas 7)

Il est évident que l’abondance des résidus industriels et ménagers dans la plupart des pays

industrialisés constitue un élément majeur du contexte, comme le soulignent bon nombre de

chercheurs, en particulier De Silguy (1996), Boiral et Croteau (2001b) et Allen (2002). Cependant,

l’introduction, la transformation, la création de valeur et le développement des marchés appellent à la

démarche rigoureuse pour faire de ces pratiques un succès et assurer la pérennité des activités.

L’absence de rigueur dans les analyses contextuelles, de potentiel des matières résiduelles trouvées ou

encore de cohérence entre l’utilisation, la transformation, la création de la valeur et la

commercialisation des produits dans les marchés concurrentiels pourrait avoir des conséquences

inattendues pour l’ensemble de la valorisation résiduelle comme vision d’entreprise. Le cas 6

représente un exemple de la façon dont la faillite dans l’analyse contextuelle peut déboucher sur l’échec

total ou partiel des pratiques de valorisation. Deux ans après le début des activités d’un méga projet qui

aurait coûté 1,2 milliards de dollars, les dirigeants du cas 6 se trouvaient dans l’obligation de fermer

techniquement l’usine.

Là où on a failli, sans doute, c’est dans l’analyse et l’étude de la faisabilité. On a sous-estimé le temps requis pour faire la montée en production et on a surestimé le prix du marché. Ces deux éléments-là ont été démesurés. Ceux qui ont fait l’analyse ont tenu compte de la montée en production en 18 mois et de la vente des produits générés durant le démarrage et en réalisant un bénéfice. C’était idéalement difficile parce que Magnola était obligé, dès le départ, de produire avec une qualité exceptionnelle et de vendre tous ses produits sur le marché, sans tenir compte des fluctuations de celui-ci (un directeur de la qualité et des produits finis, cas 6).

Selon la perception des dirigeants rencontrés dans le cas 6, les conditions internes n’ont pas suffi

pour faire de la valorisation de la serpentine un succès comme l’avait planifié la haute direction de

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l’entreprise multinationale. Deux facteurs majeurs semblent avoir joué un rôle déterminant dans

l’échec de l’écologie industrielle du cas 6 analysé. D’abord, l’augmentation du coût total du projet de

valorisation des résidus de serpentine. Ensuite, une mauvaise lecture des opportunités et des menaces

de l’industrie de magnésium à l’échelle mondiale, en particulier les considérations liées au pouvoir de

certains concurrents et aux barrières d’entrée dans l’industrie.

L’exemple du cas 6 de la production du magnésium à partir des résidus de la serpentine est sans

doute l’un des plus frappants à cause des impacts sur l’économie du pays et sur l’ensemble des

opérateurs économiques engagés dans le projet d’écologie industrielle mis de l’avant. Beaucoup

d’autres exemples moins spectaculaires montrent que la prise en compte des facteurs de succès a

conduit les dirigeants à ne pas considérer certaines initiatives d’écologie industrielle. Par exemple, le cas

9 du recyclage des batteries au plomb-acide a opté pour ne pas valoriser les cirages qui contiennent du

chlorure de plomb parce que ce n’est pas économique. Le problème ne se situe pas au niveau des

ressources parce que les cirages contenant du chlorure de plomb sont abondants; l’entreprise possède

assez de ressources financières et est prospère en ce domaine; le personnel est habileté étant donné

que valoriser les matières plombifères est sa vocation primaire; les procédés de pyro-métallurgie utilisés

sont parmi les plus modernes; et les structures de récupération et de pré-conditionnement

fonctionnent de façon excellente.

On pourrait prendre ici des cirages qui contiennent du chlorure de plomb, mais on ne les prend pas parce que ce n’est pas payant, ce n’est pas économique. Donc on ne prend pas ça (un vice-président chargé des opérations, cas 9).

Ainsi, par « succès de la valorisation résiduelle à l’échelle de l’entreprise », il convient d’entendre :

succès économique des pratiques de récupération et de transformation des sous-produits industriels.

Ce succès repose sur la mobilisation des ressources, la structuration des opérations, le développement

et la gestion des compétences organisationnelles et la rationalisation des méthodes de valorisation

résiduelle. Ce qui s’apparente au modèle proposé par Johansson (2002) portant sur les facteurs succès

de l’incorporation des considérations écologiques dans le développement des produits. Ce modèle

repose sur six dimensions critiques : la nature de la gestion mise en place, les relations avec les clients,

les relations avec les fournisseurs, le processus de développement des produits mis en place, le

développement des compétences organisationnelles et les facteurs motivationnels.

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CHAPITRE 11

LES PROBLÈMES DE VALORISATION RÉSIDUELLE

Le présent chapitre présente et analyse les problèmes concrets que posent les pratiques de

valorisation résiduelle dans les cas étudiés. Ce qui répond à l’un des objectifs de la présente recherche,

celui de comprendre à partir de la perspective empirique et managériale les défis organisationnels et les

difficultés auxquelles les responsables font face dans la gestion quotidienne des pratiques de

valorisation résiduelle. Dans un premier temps, le chapitre tentera de montrer que l’un des problèmes

majeurs de la valorisation résiduelle se traduit par l’hyper-flexibilité fonctionnelle. Dans un deuxième

temps, à partir des liens établis tout au long de cette thèse entre les pratiques d’écologie industrielle à

l’échelle de l’entreprise et la recherche de l’opportunité, il proposera l’inventaire type des problèmes

particuliers à ces pratiques. Ce modèle s’appuie sur l’idée selon laquelle la nature de la récupération et

de la transformation des sous-produits industriels de la valorisation résiduelle constitue une industrie

singulière.

11.1. L’hyper-flexibilité fonctionnelle

La notion d’hyper-flexibilité fonctionnelle constitue un concept forgé à partir des entretiens

réalisés. Elle désigne toute situation qui se présente dans le processus d’utilisation des résidus comme

intrants principaux et qui exige des efforts soutenus d’adaptation de la part des dirigeants qui doivent

composer avec ce type de situation au niveau des différentes fonctions de l’entreprise. L’hyper-

flexibilité se présente comme étant l’un des problèmes majeurs de la valorisation résiduelle. Deux

points essentiels conduisent à cette conclusion. D’abord, la valorisation résiduelle constitue un type

particulier d’activités industrielles. Ensuite, à l’instar des pratiques de « reverse logistics », la valorisation

résiduelle prend la forme d’une activité stochastique (Guide, 2000).

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11.1.1. La valorisation résiduelle comme type particulier d’activités industrielles

La valorisation résiduelle constitue un type particulier d’activités industrielles. Cette particularité

repose sur le fait d’utiliser et de transformer les sous-produits industriels et d’incorporer les

considérations environnementales dans les activités de production. Les résultats de l’étude montrent

que les pratiques actuelles de valorisation résiduelle reposent sur la restructuration continuelle des

opérations et des fonctions au sein des entreprises visitées. Ce qui se traduit par un processus long et

laborieux d’apprentissage organisationnel. Comme il a été mentionné plus haut, la majorité des

gestionnaires rencontrés tentent d’orienter leurs actions vers la productivité maximale par

l’expérimentation des procédés ou des diverses matières premières à introduire. Cette expérimentation

a guidé les dirigeants à choisir le type de procédé qu’ils utilisent actuellement.

Jusqu'à maintenant, les producteurs de magnésium ont utilisé plusieurs types de matière première pour produire du magnésium : l'eau de mer, les saumures, la carnallite, la dolomite et la magnésite. Notre usine est la première au monde à utiliser des résidus miniers comme matière première. Le choix de la technologie est donc dicté par cette particularité (un ingénieur des projets, cas 6)

Pourquoi est-ce que nous utilisons ce procédé ? C’est à cause des résultats que nous avons obtenus tout au long de notre expérience. C’est un procédé qui fait le travail voulu de façon excellente (un vice-président chargé des affaires commerciales, cas 9).

Nous utilisons le procédé premièrement en raison de la performance parce que c’est nous qui l’avons développé et qui l’avons amélioré. C’est une question de performance (un directeur général, cas 5).

Ces propos montrent que dans la plupart des cas, les initiatives de valorisation résiduelle ne

reposent pas sur des actions imprévues ou informelles visant à trouver des réponses à des situations

données. Elles constituent plutôt des efforts planifiés et mis en œuvre qui répondent aux critères de la

vocation résiduelle acceptés. C’est cet aspect de la vocation résiduelle qui justifie la valorisation

résiduelle en tant que corpus de stratégies, comme le propose la présente thèse. L’analyse des pratiques

de valorisation dans les cas étudiés montre que celles-ci représentent des exemples d’initiative

écologique. Trois considérations propres aux pratiques de valorisation résiduelle méritent d’être

rappelées ici. D’abord, les initiatives d’écologie industrielle font appel à des investissements lourds

pour permettre aux dirigeants de récupérer, de transformer, de créer de la valeur et de commercialiser

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divers types de produits élaborés à partir de résidus. Ensuite, la récupération et la transformation

impliquent parfois des risques pour les gestionnaires. Ces risques sont souvent de nature humaine,

environnementale ou encore financière. Enfin, dans la majorité des cas étudiés, les initiatives éco-

industrielles ont pris naissance sous forme d’opportunités à saisir, d’innovation et de nouveaux

engagements dans la conduite des affaires ou encore d’actions volontaires entreprises en l’absence de

pressions réglementaires et sociales. En effet, la réglementation environnementale est perçue comme

une motivation se trouvant à la base des initiatives d’écologie industrielle.

11.1.2. La valorisation résiduelle comme une activité stochastique

La valorisation résiduelle repose, convient-il de le rappeler, sur la récupération et la

transformation sécuritaire des sous-produits et des matières résiduelles dans les procédés industriels.

En ce sens et comme il a déjà été spécifié ci-dessus, elle s’apparente en partie aux activités industrielles

et opérationnelles dans le domaine de la récupération des produits en fin de cycle de vie tels que les

ordinateurs, les imprimantes, les équipements médicaux ou encore les moteurs d’automobiles (Linton

et al., 2002; Rogers et Tibben-Lembke, 2001; Guide, 2000). Il est donc intéressant de noter que les

problèmes de « reverse logistics » s’apparentent à ceux de la valorisation résiduelle dans sa dimension

portant sur la récupération des sous-produits et des matières résiduelles.

Les conclusions des études portant sur les problèmes de « reverse logistics » (Guide, 2000;

Linton et al., 2002) indiquent que l’incertitude entourant le retour et la récupération des produits

rebutés constitue l’une des difficultés majeures de ces pratiques. Cette incertitude, connue sous le

concept de « stochastique37 » porte entre autre sur les dimensions de qualité et de quantité des matières

reçues, de temps nécessaire pour recevoir les produits rebutés et de variété de ces matières (Inderfurth,

2005). L’incertitude constitue la caractéristique générale de la gestion des sous-produits et des matières

résiduelles à introduire dans les procédés. À l’instar de la « reverse logistics », l’incertitude dans le

domaine de la valorisation résiduelle tient aussi à la qualité, à la quantité et aux conditions optimales de

réussite des opérations dans les procédés mis en place. Ce qui constitue une forme particulière

d’activité stochastique comme le souligne bien ce dirigeant.

37 Le Petit Larousse illustré définit le concept de stochastique en termes de phénomènes ou processus qui relèvent partiellement du hasard et qui font l’objet d’une analyse statistique.

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264

En travaillant avec les matières résiduelles dangereuses, on n’achète pas une matière première qui rencontre une feuille de spécification, un standard. On reçoit des matières rebutées, disparates. Ça paraît simple, mais il faut trouver des manières de s’adapter constamment par rapport à ce que l’on reçoit. C’est différent de n’importe quelle industrie manufacturière. Ce qui demande une certaine variation au niveau de la manutention, une certaine flexibilité, même au niveau des recettes dans le four. Nous sommes obligés de faire de légers changements d’une recette à l’autre, ce qui demande une certaine flexibilité. Ce qui est différent, par exemple, dans le cadre du recyclage du plastique (un vice-président chargé des opérations, cas 9).

Les propos de ce dirigeant montrent la particularité des activités de valorisation résiduelle en

soulignant l’incertitude comme l’un des facteurs importants avec lequel les gestionnaires doivent

composer. Les résultats de l’étude montrent que dans l’ensemble, les dirigeants engagés dans la

valorisation résiduelle font face à des problèmes multiples qui varient selon les secteurs d’activité, les

matières résiduelles utilisées ou encore la localisation des entreprises. Ce qui se traduit par l’hyper-

flexibilité dans la gestion des processus d’affaires. En d’autres termes, l’efficacité de la valorisation

résiduelle repose sur la manière de s’adapter aux multiples circonstances atypiques qui caractérisent les

activités de récupération et de transformation des résidus industriels.

Les actions innovatrices dans la démarche de la valorisation résiduelle reposent sur

l’introduction de changements dans l’adoption d’un procédé ou dans l’introduction d’un nouveau type

de résidu dans le processus de fabrication industrielle. Ces changements embrassent l’ensemble de

l’entreprise comme un seul corpus. Quelle est alors la dynamique entourant la récupération et la

transformation des sous-produits industriels dans les cas étudiés? En d’autres termes, quelles sont les

difficultés auxquelles les dirigeants font face et comment tentent-ils d’y répondre? La section suivante

apporte des réponses à ces questions précises.

11.2. La dynamique de la valorisation résiduelle : difficultés

générales

Quelle est la dynamique de la valorisation résiduelle, c’est à dire les difficultés générales

auxquelles les gestionnaires font face? Dans l’optique d’identifier et de comprendre la nature de ces

problèmes, un effort a été fourni pour ne considérer que ceux qui touchent particulièrement la

valorisation résiduelle. Deux raisons principales justifient cette approche. D’abord, la présente étude

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265

porte essentiellement sur la valorisation résiduelle et non sur l’ensemble de la production industrielle.

Ensuite, la présente thèse soutient que la valorisation résiduelle constitue une activité singulière en

comparaison avec les autres secteurs de l’activité industrielle. C’est ce qui est désigné par la double

transformation de la notion de déchet en suivant Eder (1996) qui, lui, conçoit la modernisation de

l’écologie par les actions introduites par les entreprises.

Étant donné la multiplicité de ces problèmes dans les cas analysés, un effort a été fourni pour les

regrouper sans pour autant minimiser ceux qui ne semblent pas être récurrents. Pour mieux

comprendre les difficultés de la valorisation résiduelle dans les cas étudiés, une classification sur deux

échelles est proposée. D’abord, l’échelle de l’ensemble de la gestion des processus en ce qui a trait aux

fonctions d’administration générale de l’entreprise, de gestion des opérations, de ventes et

d’environnement. Ensuite, l’échelle des éléments constitutifs de la valorisation résiduelle identifiés

comme introduction des matériaux, transformation, échange et développement des marchés.

La figure 14, à la page suivante, présente la matrice générale des difficultés de la valorisation

selon les perceptions des dirigeants. Les zones gris foncé représentent les difficultés majeures; la zone

gris clair représente les difficultés mineures et les zones représentées par les diagonales vers le bas

(blanc/noir) indiquent qu’aucun problème n’a été signalé par les gestionnaires. Au total, six zones de

problèmes ont été identifiées : administration générale des intrants; gestion opérationnelle des intrants;

gestion des aspects réglementaires; administration générale du processus de transformation; opérations

des opérations de transformation; et développement des marché et des ventes. L’analyse de chaque

zone de problèmes se centre sur deux facteurs : l’extension du problème identifié sur l’ensemble des

secteurs et des cas analysés (micro et macro) et l’intensité ou le niveau de force du même problème tel

que perçu par les gestionnaires interrogés (faible et forte).

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266

Figure 14. Matrice des problèmes de la valorisation résiduelle

Cette perspective d’analyse permettra de préciser dans quelles mesures les différents obstacles

constituent des entraves au développement de l’avantage concurrentiel évoqué par Esty et Porter

(1998) dans la mise sur pied des initiatives de valorisation résiduelle. Cet avantage concurrentiel se

comprend à partir des deux dimensions de la valorisation résiduelle qui ont été déjà définies : l’axe

matériel et l’axe formel. Par exemple, une situation perçue comme de forte intensité à l’échelle intra-

entreprise est susceptible d’empêcher l’amélioration de l’indice de valorisation, l’intégration de

l’écologie et de l’économie de l’entreprise, le développement des compétences clés ou encore la mise

sur pied es structures des opérations résiduelles.

INT

RO

DU

CT

ION

T

RA

NSF

OR

MA

TIO

N

ÉC

HA

NG

E

MA

RC

ADMINISTRATION GÉNÉRALE

OPÉRATIONS VENTES ENVIRONNEMENT

Bureaucratie Réceptivité sociale Transport frontalier

Formation des employés Recrutement de main-d’œuvre qualifiée Synergie entre les départements

Disparité des matières Variabilité des matières Manutention Irrégularité de l’approvisionnement Stockage des matières Humidité des matières

Arrêts-départs des équipements Équipement sur mesure Production non-standardiséeStandardisation des équipements Résidus non-valorisables

Concurrence avec les matières vierges Acceptation des produits écologiques Contrôle dans la commercialisation

Réglementation limitative Obtention de permis Interprétation des conventions Différences de normes Manque de définitions claires

GESTION DES PROCESSUS

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267

11.2.1. Administration générale des intrants

Dans les cas étudiés, l’introduction des matières résiduelles comme intrants principaux dans les

procédés de production occasionne des problèmes au niveau de l’administration générale de

l’entreprise. Ces problèmes s’articulent autour de la réceptivité sociale et du transport frontalier. La

figure 15 montre que les problèmes liés au transport frontalier se traduisent par une faible intensité et

se situent à l’échelle « micro ». Par contre, ceux liés à la réceptivité sociale et à la bureaucratie sont

perçus avec une forte intensité et se situent à l’échelle « macro ».

Figure 15. Problèmes d’administration générale des intrants

Transport des matières résiduelles

L’introduction des matières résiduelles comme intrants principaux soulève souvent des

difficultés au niveau de la récupération des résidus qui proviennent de l’étranger, en particulier des

États-Unis. Ce problème est perçu comme étant de faible intensité et il se situe à l’échelle « micro »

dans la mesure où il a été soulevé seulement dans le cas 9 du recyclage des batteries au plomb-acide.

Ainsi, dans le cas 9, la difficulté réside dans le fait que certaines matières plombifères traversent la

frontière pour rentrer au Canada. Ces matières proviennent principalement des États-Unis.

INT

EN

SIT

É

EXTENSIONMicro Macro

Fai

ble

F

orte

Réceptivité sociale

Transport frontalier

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On vit avec la réalité. Le transport se complique un peu quand on traverse la frontière. Quatre-vingt pour cent de nos activités se font avec les États-Unis. On a un service supplémentaire pour contrecarrer le problème qui se présente à nous en traversant la frontière avec les matières plombifères (un vice-président chargé des opérations, cas 9).

Selon les normes canadiennes en matière d’environnement, la gestion des matières résiduelles

relève principalement des autorités provinciales et territoriales (Environnement Canada). Les autorités

fédérales contrôlent cependant tout ce qui vient de l’extérieur et ont le droit d’interdire l’importation

des substances jugées dangereuses pour la santé et la sécurité de la population. La Loi sur la qualité de

l’environnement du Québec considère comme dangereuses les matières corrosives, explosives, gazeuses,

inflammables, comburantes, lixiviables, radioactives et toxiques. Les matières plombifères valorisées

par le cas 9 étudié rentrent donc dans cette catégorie. En effet, comme il est bien connu, les principaux

sels solubles du plomb, en particulier les nitrates et les acetates sont très toxiques. Le problème de

transport des matières plombifères auquel fait face le cas 9, bien que de faible intensité, touche

particulièrement la mise en application de la Loi fédérale sur le transport des marchandises dangereuses; le

Règlement provincial sur le transport des matières dangereuses; et, le Règlement provincial sur les matières dangereuses.

Ce dernier règlement, par exemple, oblige de confier les matières dangereuses à un transporteur

détenteur d’un permis. Ce qui pourrait expliquer le fait que le problème de transport des matières

plombifères dans le cas 9 est perçu comme étant de faible intensité.

Sur le plan stratégique, le problème de transport des matières résiduelles ne semble pas

compromettre le développement de l’avantage concurrentiel dans les activités résiduelles du cas 9. Le

fait de confier le transport de ces matières à un détenteur d’un permis selon les normes de la Loi fédérale

ci-dessus mentionnée permet à cette entreprise de mieux exploiter les liens avec ses partenaires. Ce qui

entre dans le cadre de renforcement des ententes commerciales basées sur la confiance mutuelle, le

partage des risques et compétence de chacun des partenaires. Ces aspects sont considérés comme étant

des caractéristiques principales de l’organisation en réseau selon Poulin, Montreuil et D’Amours

(2000).

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Réceptivité sociale et incompréhension

L’un des problèmes majeurs au niveau de l’introduction des sous-produits industriels dans les

procédés est la réceptivité sociale. La réceptivité sociale apparaît comme un problème d’une forte

intensité à l’échelle « macro ». Dans la plupart des cas, la perception des pratiques de valorisation

résiduelle par la population en général est très négative. « Valorisation résiduelle » est souvent

synonyme d’odeur et de pollution de l’air, de l’eau et des sols. Dans certains cas, les citoyens se sont

opposés farouchement à des projets de valorisation jugés intéressants par les gestionnaires. Selon

plusieurs dirigeants, cette attitude montre que la population regarde la matière à utiliser en soi et

n’envisage pas les bénéfices de cette utilisation sur les plans écologiques et économiques de façon

générale. Ainsi, sur le plan stratégique, la réceptivité sociale freine le développement de l’avantage

concurrentiel (amélioration de l’indice de valorisation, développement de nouveaux procédés ou

encore de nouvelles compétences organisationnelles) des entreprises engagées dans la valorisation

résiduelle comme le montre ces dirigeants :

Dans l’état actuel des choses, les relations avec les citoyens sont bonnes et nous n’avons pas de difficultés. Il y a eu une époque où nous avons eu des difficultés : dans les années 1992, quand les cimenteries voulaient brûler les produits à valeur énergétique comme les pneus, les huiles usées, des BPC, des solvants, etc., il y a eu des problématiques environnementales subséquentes à cela. C’était à l’époque où la société n’était pas encore prête à reconnaître le bien-fondé de l’utilisation de certaines matières dans les industries comme les cimenteries. Beaucoup de matières à cette époque étaient considérées comme dangereuses. Les gens étaient réticents. À l’époque, il faut dire qu’on se préoccupait plus de la matière que de l’environnement comme tel. Aujourd’hui, le contexte est un peu différent. Il y a la préoccupation des gaz à effet de serre, du développement durable, des 3RVE, etc. Les gens sont prêts à accepter des compromis sous certaines conditions. Au niveau de l’industrie, nous sommes prêts aussi à accepter ces conditions-là, tant que les aspects économiques ne sont pas affectés (un directeur de l’environnement, cas 8).

Le problème le plus important est la perception sociale. La population qui vit autour de notre usine a entendu dire qu’on veut utiliser les matières résiduelles. Dans les années 1989-1999, on a tenté d’expliquer aux gens pourquoi on voulait essayer d’utiliser quatre familles de déchets : les huiles usées, les solvants chlorés, les BPC38et les déchets domestiques. Pendant près d’un an, la population s’y est opposée. Le projet consistait à brûler ces matières pendant une semaine afin de voir les résultats dans le cadre d’une étude d’impacts qu’on devrait présenter au ministère de l’Environnement. Ce qui est curieux dans cette affaire, c’est le fait que ce soit un groupe écologique qui

38 Biphényles polychlorés.

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270

soit venu nous le proposer, parce qu’ils avaient entendu dire que cela pouvait se faire dans une entreprise comme la nôtre (un directeur du recyclage énergétique, cas 7).

La réceptivité sociale prend la forme d’une incompréhension, de la part de la population, des

pratiques de valorisation résiduelle. Ce problème est lié à celui de l’alarmisme de la part des groupes de

pression. Ceux-ci sont composés, en général, d’intellectuels provenant des sciences de la nature et de

l’environnement, en particulier des biologistes, des chimistes, des écologistes ou encore des géologues.

Ces groupes tentent souvent de remettre en cause les initiatives résiduelles en rendant public des

rapports scientifiques alarmants qui semblent contredire les données et les efforts des dirigeants

orientés vers la récupération et la transformation sécuritaire des divers sous-produits industriels.

Les relations avec les groupes environnementalistes sont restées très tendues. Pour eux, nous sommes une usine qui n’aurait pas dû être autorisée à opérer. Toujours avec la mentalité : « une molécule de plus est une molécule de trop ». Et une usine qui produit, même de façon accidentelle, des POPs ne devrait pas être autorisée à fonctionner (un coordinateur des relations avec les citoyens, cas 6)

Il y a 10 ans, c’était beaucoup plus difficile. Mais avec les progrès réalisés dans l’industrie des pâtes et papiers sur le plan environnemental, les relations avec les groupes de pression se sont beaucoup améliorées (un coordinateur à l’environnement, cas 11).

Ces propos montrent que, de façon générale, les relations entre les dirigeants et les groupes de

pression sont tendues. Cette tension prouve une fois de plus la singularité de la valorisation résiduelle.

Les entretiens montrent également que la réceptivité sociale évolue avec le temps. Le début des

activités de valorisation résiduelle occasionne souvent des difficultés avec la population et les groupes

écologistes. Avec le temps, les dirigeants sont appelés à convaincre la population pour que leurs

activités reçoivent son aval, et donc la légitimité sociale. L’une des façons de le faire est de continuer à

investir dans la « purification » des équipements en améliorant les systèmes de production et de rejets à

tous les niveaux. Ce qui apporte des coûts supplémentaires pour la planification des activités de

valorisation résiduelle. Ainsi, la réceptivité des pratiques d’écologie industrielle repose sur un contrat

social entre les entreprises engagées dans la valorisation et la société. À la base de ce contrat social se

trouve l’engagement des dirigeants à rendre « propres » leurs installations productives.

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271

11.2.2. La gestion opérationnelle des intrants

L’introduction des matières résiduelles dans les procédés de fabrication apporte des difficultés au

niveau de la gestion des opérations. Ces difficultés apparaissent comme très intenses et se situent à

l’échelle « macro », comme le montre la figure 16. Elles s’inscrivent particulièrement : dans l’irrégularité

des approvisionnements, le stockage, l’humidité, la variabilité, la qualité ou encore la disparité; dans la

performance de certains secteurs industriels; dans le remplacement de certaines matières; et dans la

dépendance de l’industrie primaire. Si certaines de ces difficultés sont liées à la problématique de

développement des compétences de l’entreprise, elles sont présentées ici dans la perspective de

questions qui exigent des efforts particuliers de solutions, tout en sachant que dans la plupart des cas

étudiés, cette solution repose sur l’apprentissage collectif. Ces différentes difficultés constituent ainsi

des entraves au développement de l’avantage concurrentiel et gênent les entreprises engagées dans la

valorisation résiduelle.

Figure 16. Problèmes de gestion opérationnelle des intrants

INT

EN

SIT

É

EXTENSIONMicro Macro

Fai

ble

F

orte

Irrégularité des approvisionnements Stockage Humidité Disparité-Variabilité-

Qualité

Performancedes batteries

Délocalisation

Remplacement de certaines matières :

alumine

Dépendance de l’industrie primaire

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Performance de certains secteurs et délocalisation

Le cycle de vie des batteries au plomb-acide a augmenté de quelques années. Cette performance

de l’industrie de fabrication des batteries est perçue comme une difficulté dans le cas 9 (recyclage des

batteries au plomb-acide) qui est confronté au problème de réduction des approvisionnements de ses

matières premières. Ce problème soulève des questions de haute performance des secteurs sur lesquels

dépend la valorisation résiduelle. En d’autres termes, la haute performance des secteurs primaires en

laissant très peu de déchets affecte les secteurs de valorisation résiduelle dans une certaine mesure. Le

cas 9 a résolu le problème en trouvant d’autres matières résiduelles à valoriser. À cela s’ajoute le

problème de délocalisation de l’industrie de fabrication primaire des batteries. Les grands producteurs

migrent vers le sud à la recherche des conditions favorables de fabrication, en particulier le coût de la

main-d’œuvre. Ces deux problèmes apportent des changements dans la disposition des matières

plombifères à valoriser. Ce qui montre que certaines activités de valorisation résiduelle peuvent

prendre des formes cycliques.

Qu’est ce qui nous limite dans l’achat des batteries actuellement? D’abord, il y a une certaine rareté sur le marché parce que le cycle de vie d’une batterie est passé de 3-4 ans à 6 ans. Ce qui fait qu’il y a moins de batteries à remplacer parce que celles qui sont dans les autos neuves sont plus durables. En plus, il y a une concurrence effrénée. Pour être capable, comme les grands producteurs américains, de baisser les coûts unitaires, il faudra être capable de travailler toujours « à la planche ». Donc ils achètent les batteries très cher; ils perdent plus d’argent. Nous le faisons de façon écologique. On ne fait pas de recyclage quand il n’y a pas d’argent à faire. C’est ça, notre principe, quitte à être obligé de diminuer nos dépenses (un vice-président chargé des opérations, cas 9).

Dépendance de l’industrie primaire

Si les problèmes de performance des batteries au plomb-acide et de délocalisation expérimentés

dans le cas 9 semblent être à l’échelle « micro », la dépendance des activités de valorisation résiduelle de

l’industrie primaire de fabrication se présente comme une difficulté à l’échelle « macro ». La raison

d’être de l’industrie de valorisation résiduelle est de récupérer et de transformer ce que les autres

rebutent. Cependant, cette même raison d’être semble représenter une problématique majeure : la

dépendance de l’industrie primaire de fabrication. Le recyclage des batteries au plomb-acide est

subordonné à la production et à l’usage primaire de ces mêmes batteries; la fabrication des divers

produits à partir du caoutchouc recyclé n’est possible qu’après la production et l’utilisation des pneus

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273

par les automobilistes; les cimenteries remplacent l’alumine par des catalyseurs usés de raffinerie de

pétrole; etc. La dépendance inquiète les responsables, pour qui l’accumulation des déchets ou résidus

industriels tend à la baisse :

Vous soulignez un bon point. Nous dépendons de la production des batteries. Les batteries, il y en a de moins en moins produites au Canada, elles sont toutes produites aux États-Unis. Même dans le « open Northeast » aux États-Unis, ils ont tendance à migrer vers le sud-ouest, dans les États comme l’Alabama, le Texas, le Nouveau-Mexique, la Californie et dans le nord du Mexique où il se produit beaucoup de batteries. Cela nous a causé des problèmes, c’est évident (un vice-président chargé des opérations, cas 9).

C’est vrai que les résidus viennent des entreprises qui en disposent. Cette dépendance sera toujours là et nous en sommes bien conscients (un directeur du recyclage énergétique, cas 7).

L’approvisionnement dépend en grande partie des entreprises qui génèrent des déchets industriels et donc des scories. Si elles ne réussissent pas, moi, je ferme. Comme pour le moment, notre principal fournisseur est sous la loi de la protection de la faillite (un directeur général, cas 5).

La relation irréversible de dépendance entre l’industrie de transformation primaire et la

valorisation résiduelle constitue l’essence même des pratiques de récupération et de transformation des

sous-produits industriels. Cette relation représente la rationalisation de l’ensemble des secteurs

industriels en ce qui touche la génération des déchets. D’une part, la récupération et la transformation

des sous-produits rallongent les activités industrielles. D’autre part, ce rallongement des activités

industrielles constitue un moyen de rompre le déséquilibre résiduel créé par la grande accumulation

des déchets industriels.

Remplacement de certains résidus

Le fait que les cimenteries jouissent d’un privilège d’utilisation d’une gamme de matières

résiduelles diversifiées a déjà été évoqué. Malgré cet avantage sur d’autres secteurs industriels étudiés,

les responsables éprouvent cependant des difficultés pour remplacer certaines matières

conventionnelles, en particulier l’alumine.

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274

C’est sûr qu’il y a des difficultés pour trouver certaines matières qu’on aimerait bien. C’est dans le cas, entre autres, du remplacement de l’alumine. Il est très difficile de trouver des matières résiduelles qui contiennent de l’alumine. Il faut continuer à chercher (un directeur de l’environnement, cas 8)

Par exemple, la matière la plus chère que nous devons obtenir, ici, c’est l’alumine. Nous avons le calcaire, ici, à partir de la carrière. Le fer et la silice sont des produits que l’on trouve énormément dans beaucoup de produits. Dans le cas de l’alumine, c’est plus complexe et c’est difficile à obtenir. L’alumine se trouve dans des produits spécifiques et, en ce moment, il faut acheter des produits à valeur noble qui coûtent cher, environ 100 $ la tonne. Le prix est très élevé en comparaison de 20 $ la tonne d’un produit qui contiendrait du fer ou de la silice (un directeur de l’énergie et de l’environnement, cas 7).

Ce problème semble lié à celui de la dépendance de l’industrie primaire. Dans ce cas, les

cimenteries comptent sur ce que les entreprises génératrices leur proposent comme résidus. Les

dirigeants n’ont pas de flexibilité en termes de choix de certaines matières conventionnelles qu’ils

aimeraient remplacer. La récupération et la transformation des résidus industriels sont limitatives en ce

sens. Si cet aspect traduit l’irréversibilité de la valorisation résiduelle, elle justifie également le manque

d’information sur la composition chimique des divers résidus, tel que soutenu par Allen (2002).

Comme bien des chercheurs l’ont montré, cette information est nécessaire pour connaître les

caractéristiques des résidus et elle pourrait conduire à identifier les potentiels d’utilisation dans d’autres

secteurs.

Approvisionnement saisonnier, stockage et humidité

L’irrégularité des approvisionnements dans le temps et dans le volume se présente comme l’un

des problèmes intenses vécus à l’échelle « macro » dans la valorisation des résidus industriels. Ce

problème constitue en même temps l’une des caractéristiques principales de cette industrie. Il est

particulièrement lié à la dépendance de l’industrie primaire. Les gestionnaires éprouvent donc de

sérieuses difficultés à planifier la production et ils doivent s’adapter de façon continuelle.

L’approvisionnement dans la valorisation résiduelle est saisonnier. Comme le soutient un dirigeant

interrogé, elle s’apparente à l’industrie des fraises.

Dans un temps très restreint, nous avons une réception très importante de pneus. Ce qui occasionne pour nous des problèmes d’entreposage des pneus, étant donné la

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275

capacité d’accueil que nous avons ici. Il y a des normes selon lesquelles on ne peut pas dépasser tant de pneus, ici, dans la cour. Nous sommes contraints, dans ce cas, d’aller les entreposer ailleurs qu’ici. C’est un approvisionnement saisonnier, comme dans l’industrie des fraises (un directeur administratif, cas 2).

Il y a la difficulté d’avoir un approvisionnement stable, continu, d’une qualité exceptionnelle, d’uniformité. Donc, on parle de disponibilité du produit en grande quantité. On peut appeler cela la régularité de l’approvisionnement (un directeur de l’énergie et de l’environnement, cas 7).

On n’est pas dans un domaine où l’approvisionnement est prévisible dans le temps. Nous sommes toujours appelés à nous ajuster au niveau des opérations, de l’approvisionnement et des recettes. Et cela demande beaucoup d’énergie pour toujours s’ajuster. Le niveau d’adaptation constant est le plus difficile dans notre secteur. Parce que ça devient difficile à prévoir (un vice-président chargé des opérations, cas 9).

Jusqu’à présent, il n’y a pas de problèmes. Nous bénéficions du programme de Recyc-Québec et on est subventionné par le gouvernement. Il est vrai que nous recevons des pneus de façon irrégulière par année, c’est-à-dire qu’il y a des périodes où le nombre de pneus qui rentrent est très supérieur à notre capacité d’entreposage, mais à part cela, il n’y a pas de problèmes (un directeur de la production, cas 2).

L’approvisionnement cyclique apporte comme conséquence des problèmes au niveau du

stockage et de l’humidité des matières résiduelles. Ces problèmes sont également perçus comme

intenses à l’échelle « macro ». L’approvisionnement ne tient pas souvent compte des structures

d’accueil des entreprises et les périodes massives d’approvisionnement ne sont pas non plus

prévisibles. Leur entreposage répond à certains critères des ministères de l’Environnement auxquels les

entreprises doivent répondre, de façon précise l’article 70.9 de la Loi sur la qualité de l’environnement et le

chapitre IV du Règlement sur les matières dangereuses. Dans la majorité des cas, les entreprises sont

contraintes de sous-traiter le stockage des matières supplémentaires ou encore d’embaucher du

personnel occasionnel pour accélérer leur traitement. Ce qui est source d’autres difficultés au niveau de

la planification des opérations et de la production. L’humidité des matières résiduelles reçues constitue

une autre conséquence de l’approvisionnement saisonnier. Dans la plupart des cas, recevoir des résidus

pendant le temps d’hiver est source de plusieurs difficultés dans la mesure où l’humidité est l’ennemi

numéro un de la plupart des équipements industriels. Ce qui non seulement prolonge le procédé dans

la mesure où les résidus doivent être séchés et nettoyés, mais également ce qui augmente le risque

d’endommager les équipements et de ne pas obtenir la qualité de produit voulue.

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Je dirais qu’il y a deux difficultés majeures : l’espace que ça prend pour accumuler une certaine quantité de matière et faire les mélanges; l’autre difficulté, c’est la question des saisons. Dans le premier cas, lorsqu’on reçoit les matières, ça prend nécessairement de l’espace disponible pour les stocker, les emmagasiner (parfois jusqu’à cinq produits différents que l’on mélange, que l’on traite, que l’on nettoie, dont on enlève les saletés, les métaux), chercher à connaître la composition chimique et physique de chacune d’elles, les ramener à une composition chimique acceptable et le moins variable possible, les nettoyer, éliminer les métaux contenus dans ces matières, faire de l’homologation pour les rendre à un certain degré de qualité avant d’être utilisées comme produits alternatifs. Dans le deuxième cas, la difficulté réside dans le fait qu’il y a l’hiver avec le froid excessif, l’été avec la chaleur, le printemps et l’automne avec les pluies. Composer avec ces quatre saisons, c’est l’enfer et cela dépend aussi de la nature des matières que l’on doit traiter (un technicien de l’approvisionnement, cas 8).

Il y a cependant des difficultés liées au facteur « saison » : quand c’est l’hiver, il y a des problèmes parce que la plupart des matières arrivent ici humides, etc., et donc, il y a des difficultés au niveau de la manipulation. Il y a, au niveau des opérations et de l’approvisionnement, l’humidité des matières. La présence de l’eau dans les matières. Plus l’humidité est grande, plus nos problématiques sont énormes. Nous amenons des tolérances maximums qui sont parfois critiques et qui peuvent nous occasionner des problèmes énormes. Nous finissons par trouver des solutions, mais cela nous donne beaucoup de difficultés et il faut faire de la gymnastique opérationnelle chaque fois qu’un problème se présente (…) Cela fait qu’un produit est à la limite de devenir économique (un directeur de l’environnement, cas 8).

Du point de vue de la production, nous rencontrons beaucoup de problèmes au niveau de l’entreposage de nos matières premières. Par exemple, s’il y a beaucoup d’humidité, cela affecte beaucoup la qualité de nos produits finis (un directeur de la production, cas 2).

Les problèmes d’approvisionnement saisonnier, de stockage et d’humidité se présentent comme

des défis majeurs pour les gestionnaires engagés dans la valorisation résiduelle. Ce qui montre une fois

de plus la singularité de la valorisation résiduelle en comparaison avec les autres secteurs de production

industrielle. Dans la production industrielle standardisée, les matières premières introduites sont moins

susceptibles d’endommager les équipements. En plus, la qualité de ces matières est plus au moins

connue à l’avance. Ce qui permet de connaître également à l’avance, à quelques degrés près, la qualité

des produits élaborés. Ce qui n’est pas le cas dans la valorisation résiduelle.

« Cela dépend de la nature des matières que l’on doit traiter (…) plus l’humidité est grande, plus

nos problèmes sont énormes (…) Par exemple, s’il y a beaucoup d’humidité, cela affecte beaucoup la

qualité de nos produits finis… ». Ces propos montrent que la valorisation résiduelle implique un autre

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277

type de risque : le risque résiduel intrinsèque. C’est bien là le risque associé à la qualité des produits

élaborés à partir des matières résiduelles en tenant compte des difficultés de manutention de ces

matières.

Bon nombre de travaux sur l’écologie industrielle, en particulier ceux de Kleindorfer (2002),

insistent sur le risque lié à la santé, à la sécurité et à l’environnement (Safety, Health, and

Environment). Par exemple, les concepts d’analyse du cycle de vie des produits, de nouvelle

conception des produits et des procédés, de prévention de la pollution, etc. rendent intelligible le

risque santé-sécurité-environnement. Le risque résiduel intrinsèque n’est pas encore évoqué dans ces

travaux. En effet, les concepts d’approvisionnement saisonnier, d’humidité et de disparité des matières

permettent de mieux comprendre la portée du risque résiduel intrinsèque.

Disparité des matières résiduelles

La gymnastique professionnelle de la valorisation résiduelle est également intense et elle se fait au

niveau « macro » en ce qui a trait à la disparité des matières résiduelles récupérées. En d’autres termes,

les résidus qui rentrent pour être traités présentent des caractéristiques très variées quant à leurs formes

et à leur qualité. La disparité des matières est synonyme de variabilité. Cet aspect semble être l’une des

caractéristiques principales de l’industrie de la valorisation résiduelle. Elle est source de plusieurs

difficultés liées (et donc de frein du développement de l’avantage concurrentiel), particulièrement, à

l’obtention des résultats escomptés, au contrôle de la qualité des matières qui rentrent dans les

procédés et au risque d’augmentation des niveaux de pollution.

D’abord, assurer le contrôle de ce qu’on reçoit. Quand on utilise les matières nobles, la qualité est standard en terme général. Si tu vas dans une mine et que tu achètes un type de calcaire ou de gypse, tu es au moins sûr de la qualité. Mais en matière de produits alternatifs, c’est très variable. Le grand défi, c’est le contrôle de la qualité de ce que l’on reçoit. Parce que cela peut avoir des impacts sur la qualité du produit. C’est sûr que ces matières sont très intéressantes sur le plan financier, mais on augmente le risque au niveau de la qualité du produit, on augmente le risque au niveau de l’environnement, on augmente le risque au niveau de la santé-sécurité. Ce qui implique la mise sur pied d’une mécanique pour s’assurer réellement de ce qu’on reçoit et de ce qu’on peut faire avec. Il ne faut pas attendre que ça soit rendu dans le four pour se rendre compte qu’on n’aurait pas dû l’utiliser (un coordinateur à l’environnement, cas 8).

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278

La variabilité des matières résiduelles augmente le risque résiduel intrinsèque. Le développement

des compétences pour gérer la variabilité des matières et contrôler la qualité des intrants constitue l’une

des formes de composition avec cette difficulté. Ce qui justifie l’hyper-flexibilité évoquée un peu plus

haut. Les pratiques des cas 7, 8, 9 et 11 montrent que l’adoption des normes de type ISO 9001 ou ISO

14001 semble permettre aux entreprises engagées dans la valorisation résiduelle de mieux documenter

leurs procédures et d’améliorer la performance de celles-ci en termes de gestion de la variabilité ou de

la disparité des matières.

11.2.3. La gestion des aspects réglementaires

L’introduction des sous-produits dans les procédés apporte des difficultés au niveau de la gestion

des aspects réglementaires de l’entreprise. Ces difficultés sont perçues comme intenses et elles

touchent la majorité des cas étudiés. Étant perçues comme intenses, elles constituent des freins au

développement de l’avantage concurrentiel. Elles sont définies par les responsables interrogés en

termes de réglementation limitative, de difficultés pour obtenir des permis pour opérer ou pour utiliser

des matières, de différences de réglementation selon les secteurs industriels et les provinces, et de

manque de définitions claires des concepts utilisés dans les réglementations (figure 17).

Figure 17. Problèmes de gestion des aspects réglementaires

Réglementation limitativeManque de définitions claires

Obtention de permis Différences de réglementation

INT

EN

SIT

É

EXTENSIONMicro Macro

Fai

ble

F

orte

Réglementation limitative Manque de définitions claires

Obtention de permis Différence de réglementation

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Réglementation limitative, rigidité et définition confuse des concepts

La majorité des dirigeants rencontrés soutiennent que, dans l’ensemble, les lois, réglements et

guides gouvernementaux (provincial et fédéral) qui traitent de la gestion des matières résiduelles sont

limitatifs. Ils manquent de flexibilité. C’est le plus grand problème souligné par la majorité des

dirigeants. Les autres problèmes cités dans cette catégorie se présentent comme des conséquences

logiques du caractère limitatif des réglementations environnementales. Les responsables rencontrés ont

en effet évoqué plusieurs réglementations qui traitent des questions environnementales. Au niveau

fédéral, en particulier, la Loi fédérale sur le transport des marchandises dangereuses. Au niveau provincial, la Loi

sur la qualité de l’environnement, le Règlement sur les matières dangereuses, le Règlement sur le transport des matières

dangereuses et le Règlement sur les déchets solides, entres autres. Ces Lois et Règlements visent en particulier les

activités de transport, entreposage, élimination, valorisation, gestion, traitement et récupération des

matières résiduelles.

La dimension la plus difficile aujourd’hui, c’est faire affaires avec le ministère de l’Environnement. Je pense que la réglementation environnementale est très limitative (un directeur du recyclage énergétique, cas 7).

Ce que je vous dis, c’est que la réglementation a été construite en fonction de modes de gestion que l’on avait il y a 15 ans. Lorsqu’on veut essayer d’améliorer le sort des déchets, on est pris avec ces mêmes réglementations qui deviennent des entraves à faire des choses beaucoup plus intelligentes avec les déchets (un directeur de l’environnement, cas 8).

La limitation imposée par ces différents Règlements et Lois prend également la forme d’une

frontière qui sépare deux mondes qui se réclament de l’écologie industrielle. D’une part, les

fonctionnaires des différents ministères touchés par la mise en œuvre des pratiques d’écologie

industrielle, en particulier les ministères de l’Environnement, de l’Agriculture, de l’Industrie et des

Transports. D’autre part, les dirigeants et les gestionnaires des entreprises engagées dans la valorisation

résiduelle.

Nous avons investi plusieurs milliers de dollars dans des projets de recherche et développement dans le but de se battre contre les fonctionnaires du ministère de l’Environnement qui ne bougeaient pas. Ils prêchent les 3RV, mais ils ne les mettent pas en pratique. Nous sommes arrivés plusieurs fois avec des projets concrets, mais on a été freiné. On nous impose des conditions difficiles qui n’ont parfois rien à voir avec

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ce que nous faisons. C’est ça, notre principale problématique (un directeur général, cas 5).

Ce caractère limitatif de la réglementation environnementale ne semble pas entrer en conflit avec

la rigueur avec laquelle les lois doivent être appliquées. Les dirigeants interrogés reconnaissent la

pertinence de la rigueur des normes environnementales. Le problème se situe plutôt au niveau de la

définition des concepts utilisés dans la réglementation et de l’interprétation de ceux-ci. La majorité des

gestionnaires soutiennent que cela devient inquiétant, voire alarmant, lorsque les fonctionnaires des

ministères eux-mêmes ne semblent pas être en mesure d’expliquer, en termes techniques clairs, la

raison de telle ou telle norme. À titre d’illustration, selon les responsables du cas 5 rencontrés, les

stériles miniers traités et valorisés peuvent être faibles en apport de lixiviation comme le sont les

stériles des carrières et sablières. Seulement parce qu’ils sont classés « résidus miniers », ils sont sujet à

un contrôle plus sévère que le sont les carrières et sablières. Ce qui montrerait, selon plusieurs

répondants, une certaine « incompétence technique » dans la compréhension et l’interprétation des

différentes normes. Cela marque également la frontière qui semble séparer les deux mondes : celui des

fonctionnaires et celui des dirigeants engagés dans la valorisation résiduelle. Dans la plupart des cas, les

dirigeants ont tenté de démontrer, par des exemples concrets, ce manque de clarification des termes.

Le problème n’est pas au niveau de la réglementation, mais au niveau du fonctionnaire qui l’interprète à sa façon. Ce sont des gens très fermés. Si tu leur demandes sur quoi est basée la norme, ils ne savent pas. Ils ne savent pas d’où viennent les normes, le pourquoi c’est 100 et non pas 150 ppm; ils vont dire que c’est parce qu’ailleurs, ils ont trouvé ça comme ça, et ils pensaient que c’était bon pour l’environnement (un directeur général, cas 5).

Le gros de mon problème se situe donc au niveau de la réglementation et de son interprétation des fonctionnaires de l’Environnement. J’ai des produits là et je ne peux pas les mettre sur le marché parce qu’il manque une autorisation, ou une clause n’a pas été bien spécifiée. Un même produit est défini de façon différente selon les contextes, même s’il contient les mêmes spécificités. C’est le double train qu’apportent certains fonctionnaires du ministère de l’Environnement. Ça prend des études pour démontrer que tel produit, utilisé dans tel secteur, peut être aussi utilisé dans d’autres, même si la réponse est claire (un directeur général, cas 5).

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281

Obtention des certificats d’autorisation

Selon les responsables rencontrés, la longue période d’attente reliée à l’obtention des certificats

d’autorisation, pour utiliser certaines matières ou encore pour mettre sur le marché les produits

élaborés à partir de ces matières résulte des problèmes entourant la gestion des aspects

environnementaux évoqués ci-dessus. En termes clairs, il n’est pas facile de traiter avec les

responsables des différents ministères sur des questions techniques touchant l’environnement et les

normes. Ce problème est perçu comme intense et se situe au niveau « macro ». Ce qui est paradoxal,

c’est le fait que le gouvernement, aux échelles provinciale et fédérale, tente de promouvoir les pratiques

de l’écologie industrielle. Cependant, l’attitude de ce même gouvernement, à travers ses fonctionnaires,

semble se contredire en freinant des initiatives jugées bénéfiques et justifiables sur les plans

environnemental et économique. La plupart des dirigeants attribuent cette question à un manque

d’engagement à la fois économique et environnemental de la part des gouvernements. Les questions

environnementales semblent donc créer des conflits entre la volonté politique et économique. C’est en

tout cas la perception des dirigeants rencontrés :

À mon avis, le problème est politique. Le gouvernement encourage certaines idées sous la pression des citoyens, mais il n’arrive plus à les concrétiser au moment de la vérité. Il y a là un manque de volonté économique. Je dirais qu’il y a des écarts entre la volonté politique et la volonté économique (un vice-président chargé des opérations, cas 3).

Un autre problème, c’est la mise en marché des produits. Quand nous avons développé un nouveau produit, il est difficile de le mettre sur le marché parce que le ministère de l’Environnement n’a pas encore émis le certificat d’autorisation qui était supposé être déjà là. Et comme il s’agit d’un sable de filtration pour les piscines, la période où les gens achètent ce produit est passée. Il faudra donc attendre l’année prochaine, ce qui implique des coûts supplémentaires pour le stockage de tout ce qui était déjà produit (un directeur général, cas 5).

La longue période d’attente reliée à l’obtention des permis est également perçue comme une

conséquence de la bureaucratie et de la « paperasse » au niveau des différentes instances

gouvernementales, en particulier les ministères de l’Environnement, de l’Agriculture, du Commerce, de

l’Industrie ou du Transport aux échelles locale et nationale. La majorité des dirigeants attribuent cette

attitude de l’appareil public au seul fait qu’il s’agit d’activités de valorisation résiduelle. En d’autres

termes, valoriser ou utiliser des déchets génère de nombreux documents à fournir, des étapes à

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282

franchir ou encore des preuves à montrer. Le problème majeur semble se situer au niveau de la lenteur

et de la lourdeur de l’administration publique.

Nous sommes parfois frustrés par les problèmes de bureaucratie. C’est parfois très long pour franchir toutes les étapes exigées pour commencer à utiliser telle ou telle matière dans nos procédés. Et quand le gouvernement exige, dans certains cas, des études d’impacts, cela prend encore beaucoup plus de temps. Mais on sait vivre avec (un directeur de l’énergie et de l’environnement, cas 7).

Le caractère bureaucratique des relations entre les entreprises de valorisation résiduelle et les

instances gouvernementales semble s’opposer aux caractéristiques de l’environnement dans lequel

évoluent les entreprises d’aujourd’hui. Cet environnement se caractérise en particulier par la rapidité

dans la prise des décisions stratégiques et par l’ajustement aux différents contextes en vue d’être plus

compétitif. La lourdeur de l’appareil de l’État en ce qui touche les différents ministères ne facilite pas,

pour les dirigeants engagés dans la valorisation résiduelle, la tâche de répondre aux exigences de

compétitivité. La bureaucratie constitue en ce sens un frein au développement économique des

régions.

Vers des réglementations environnementales adaptées à la valorisation résiduelle?

La problématique des réglementations environnementales face aux initiatives de valorisation

résiduelle constitue un aspect important du développement de l’écologie industrielle (Graedel et

Allenby, 1995; Frosch, 1997; Allenby, 1999a; Allen, 2002). L’objectif principal de cette section est

double : d’une part, analyser, à partir d’une perspective concrète et empirique, le caractère limitatif de

l’ensemble des Lois et Réglementations en vigueur et, d’autre part, montrer les conditions nécessaires de

l’aggiornamento39 de l’ensemble des lois en vigueur (tableau 15 : adaptation d’une fiche technique du

Centre de transfert technologique en écologie industrielle de Sorel-Tracy, au Québec) pour la

promotion des pratiques de valorisation résiduelle dans les entreprises. Dans un premier temps, les

types de réglementations environnementales seront proposés. Dans un deuxième temps, des

propositions pour l’adaptation des normes environnementales aux pratiques de valorisation résiduelle

seront faites.

39 Pris dans le sens de « mise à jour ».

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283

Tableau 15. Lois, règlements et guides gouvernementaux qui traitent de la gestion des matières résiduelles inorganiques (adaptation du Centre de transfert technologique en écologie industrielle de Sorel-Tracy)

Activités visées Lois, règlements et guides Commentaires généraux

TRANSPORT

Loi sur le transport des marchandises dangereuses (fédérale, 1992) Règlement sur les matières dangereuses (provincial) Règlement sur le transport des matières dangereuses (provincial)

Traite de la signalisation, des règles de sécurité, des contenants et du plan d’intervention d’urgence. Obligation de confier ses matières dangereuses à un transporteur titulaire d’un permis. Couvre la plupart des aspects relatifs au transport.

ENTREPOSAGE

Loi sur la qualité de l’environnement (article 70.9) (provinciale) Règlement sur les matières dangereuses (chapitre IV) (provincial)

Obligation d’obtenir un permis pour l’entreposage de matières dangereuses reçues d’un tiers. Traite spécifiquement de l’entreposage de matières dangereuses résiduelles.

ÉLIMINATION

Loi sur la qualité de l’environnement (provinciale) Règlement sur les déchets solides (provincial)

La section VII traite des aspects relatifs à l’élimination des matières résiduelles (plan de gestion, normes d’exploration d’un site). Vise particulièrement la gestion et l’opération des sites d’élimination (définitions, récupération, compostage, certificat d’autorisation, garanties financières).

VALORISATION

Loi sur la qualité de l’environnement (provinciale) Règlement sur les matières dangereuses (provincial) Guide de valorisation des matières résiduelles inorganiques non dangereuses de source industrielle comme matériau de construction (provincial) Guide sur la valorisation des matières résiduelles fertilisantes (MRF) (provincial)

L’article 53.1 définit le terme « valorisation ». La section VII met l’accent sur la valorisation des matières résiduelles. Le chapitre 3 donne des dispositions relatives à l’utilisation de matières dangereuses comme source d’énergie. Basé sur une caractérisation exhaustive des matières résiduelles, le guide vise à favoriser et à faciliter la valorisation des matières résiduelles. Sert à déterminer si une activité de valorisation de MRF est assujettie à une demande de certificat d’autorisation et à préciser les normes et les critères applicables.

GESTION DES MATIÈRES

Loi sur la qualité de l’environnement (provincial) Règlement sur les matières dangereuses (provincial) Politique québécoise de gestion des matières résiduelles

Obligation de tenir un registre des matières dangereuses. Obligation de préparer un bilan annuel de gestion pour les matières résiduelles. Définit le contenu du bilan annuel. Introduction de la politique québécoise de gestion des matières résiduelles. Ce guide a pour objectif de favoriser la gestion adéquate de ces matériaux de façon à limiter les impacts sur l’environnement.

TRAITEMENT

La gestion des matériaux de démantèlement : guide de bonnes politiques (provincial) Guide de gestion des matières résiduelles à l’intention des dirigeants de PME (fédéral et provincial)

Conçu afin de permettre aux gestionnaires de PME de développer et d’implanter un programme de gestion des matières résiduelles sur mesure. Obligation d’obtenir un permis ou un certificat d’autorisation pour traiter des matières dangereuses selon l’article 70.9, 2e alinéa.

RÉCUPÉRATION

Règlement sur les déchets solides (provincial)

Encadre la plupart des aspects relatifs à la récupération des déchets mélangés.

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284

Dans le but de mieux comprendre la problématique des réglementations environnementales

face aux initiatives d’écologie industrielle dans les cas étudiés, il convient de jeter un regard sur

l’ensemble des outils de gestion de l’environnement développés et mis en œuvre par les instances

gouvernementales. L’analyse de l’application des réglementations actuelles à la lumière des exemples

fournis par les gestionnaires rencontrés mène à deux constats.

D’une part, il y a le dynamisme des lois et réglementations environnementales. En effet, depuis

les années 1970, les préoccupations mondiales au sujet de la gestion, du traitement, de la réduction et

de l’élimination des déchets, surtout des déchets dangereux, ont accéléré, dans la plupart des pays

industrialisés, la mise sur pied des règlements et des politiques de contrôle de ces derniers dans le but

de mieux protéger la santé des hommes et de mieux préserver l’environnement. Ces différents

mécanismes de contrôle sont marqués par des changements et des ajustements au fil du temps. Ces

ajustements reposent pour l’essentiel sur des mesures correctives compte tenu des objectifs à atteindre

en rapport avec l’application des réglementations environnementales. À titre d’exemple, la Convention de

Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers et l’élimination des déchets dangereux, signée en

mars 1989, a subi des modifications portant sur les listes des matières considérées comme dangereuses.

Il en va de même pour la Loi canadienne sur la protection de l’environnement promulguée en 1998 et pour la

Loi provinciale sur la qualité de l’environnement en vigueur depuis 1972 (Ressources naturelles Canada).

D’autre part, la relation souvent antagonique entre les décideurs et les dirigeants d’entreprises

industrielles dont les opérations principales sont touchées par la mise en application des politiques de

contrôle et de prévention de la pollution aux niveaux des compétences municipales, provinciales ou

fédérales. Comme le montrent les entretiens réalisés, et indépendamment des secteurs d’activités, cette

relation adverse indique tout simplement que, dans l’ensemble, les différentes politiques en matière

d’environnement ne rejoignent pas encore les activités d’écologie industrielle. Ce qui appuie les

constats selon lesquels l’adoption de nouvelles réglementations environnementales est souvent source

de conflits entre les décideurs et les dirigeants industriels (Kinsman, 2000; Masera, 2000; Sankovski,

2000). Pourquoi les différentes politiques environnementales ne s’adaptent-elles pas aux pratiques de

valorisation résiduelle? Pour tenter de répondre à cette question, il convient de jeter d’abord un regard

sur les types de réglementations environnementales en vigueur. Pour ce faire, une analyse des variables

ou facteurs typiques des réglementations environnementales s’impose. Cette analyse permettra

d’identifier des facteurs décisifs dans l’évolution ou l’adoption de l’ensemble des politiques

réglementaires en matière de gestion de l’environnement.

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285

Les types de réglementations environnementales

L’exploration de l’application des réglementations actuelles à la lumière des exemples fournis

par les gestionnaires rencontrés montre que deux facteurs jouent un rôle déterminant dans le

développement ou la formulation de ces réglementations. D’une part, les contextes dans lesquels ces

réglementations sont développées. D’autre part, les modalités d’application des outils de gestion de

l’environnement aux niveaux municipal, provincial ou encore fédéral. C’est autour de ces deux axes

que s’articule la compréhension de la problématique des réglementations environnementales face aux

initiatives d’écologie industrielle dans les cas étudiés.

En premier lieu, il y a les contextes (historique, politique, socioculturel, économique,

environnemental, technique ou scientifique) dans lesquels les différentes réglementations

environnementales sont développées. Ces contextes reposent sur les perceptions évolutives et les

connaissances précises en matière d’environnement qu’ont les différents acteurs responsables de la

conception des réglementations. Josephson (1993) a identifié les liens qui existent entre la formulation

des réglementations environnementales, les pressions du public de façon générale et les connaissances

scientifiques dans les cas des législations portant sur le smog et sur l’eau potable dans l’État du

Wisconsin aux États-Unis. Pour leur part, Thomassin et Cloutier (2004) ont évoqué les mêmes liens

dans l’évolution des réglementations environnementales dans le cas des activités de production de porc

au Québec.

Lorsque les outils d’analyse et de planification qui aident les gouvernements à prendre des

décisions reposent sur des approches idéologiques, politiques ou écologiques, il y a une juxtaposition

de logiques parallèles. Cette première situation se caractérise par une vision multidimensionnelle de la

problématique environnementale reposant sur le concept de développement durable, de multiplicité

des intérêts des différents acteurs ou de volonté politique de légiférer en matière de protection des

écosystèmes naturels. Cependant, lorsque les outils d’analyse et de planification qui aident les

gouvernements à prendre des décisions reposent sur la mise en commun des connaissances acquises et

des approches environnementales, économiques, juridiques ou scientifiques, il y a une intégration de

logiques. Cette situation se caractérise par la recherche de l’amélioration de l’efficience de la gestion

des déchets et par le contrôle des activités de transport, l’entreposage, le traitement, la valorisation ou

l’élimination des matières résiduelles. Ici, la volonté politique est remplacée par l’engagement à la fois

politique et économique.

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286

En deuxième lieu, il y a les modalités d’application des outils de gestion de l’environnement. Ces

modalités peuvent reposer sur des procédures qui s’imposent sur l’ensemble des secteurs d’activités

industrielles ou sur des secteurs agencés d’activités industrielles (Frosch, 1997). Les efforts des

gouvernements pour se doter d’outils de protection de l’environnement et de promotion des pratiques

de valorisation résiduelle évoluent dans le temps et peuvent être représentés par un modèle qui

comprend trois types de réglementations (figure 18) : écolo-politique, techno-écologique et éco-

industriel ou rationnel. L’aggiornamento se traduit par la formulation des réglementations éco-

industrielles ou rationnelles. La rationalité s’entend ici par l’adaptabilité de ces réglementations aux

réalités des pratiques de valorisation résiduelle des secteurs industriels concernés.

Figure 18. Types de réglementations environnementales

Le premier type de réglementations environnementales est écolo-politique. De façon générale,

les réglementations sont formulées dans les contextes de juxtaposition de logiques parallèles et de

recherche d’outils de protection de l’environnement dont les modalités s’imposent à l’ensemble des

CO

NT

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MODALITÉS D’APPLICATION

Ensemble des secteurs industriels

Secteurs industriels agencés

Éco-industrielles ou rationnelles

Loi sur le développement durable (en vigueur depuis le 13 avril 2006)

Inté

grat

ion

de lo

giqu

es

Écolo-politiques

Loi sur la qualité de l’environnement (1972) Règlement sur la qualité de l’atmosphère (1981) Règlement sur les usines de béton bitumineux (1981) Règlement sur les fabriques de pâtes et papiers (1992)

Techno-écologiques

Loi sur la qualité de l’environnement (modifications Section VII, articles 53.3, 2° et 53.3, 4°) Politique québécoise de gestion des matières résiduelles (1998-2008) Règlement sur les matières dangereuses Règlement sur le transport des matières dangereuses

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287

secteurs d’activités industrielles, tel que celui des pâtes et papiers. Ce qui conduit aux réglementations

de type écologique. En ce qui concerne les activités de valorisation résiduelle, ces réglementations

environnementales visent d’abord et avant tout le « nettoyage » de l’environnement et l’élimination de

la pollution. La plupart des outils normatifs conçus dans les années 1980 rentrent dans cette catégorie :

Règlement sur la qualité de l’atmosphère, 1981; Règlement sur les usines de béton bitumineux, 1981; Règlement sur les

fabriques de pâtes et papiers, 1992 (Environnement Canada). Avec le temps et les progrès technologiques

et scientifiques, ces réglementations se sont avérées très limitées et inadaptées aux situations concrètes

des entreprises industrielles de valorisation résiduelle. Cette situation a abouti, après la consultation

publique de 1987 au Québec, à l’adoption en 1989 de la Politique de gestion intégrée des déchets solides. Cette

politique prévoyait, comme l’explique Colonna (2005), la mise en œuvre d’un ensemble de mesures et

de programmes gouvernementaux, en particulier la révision du cadre réglementaire, dans le but

d’adapter ces programmes aux objectifs de gestion des déchets fixés par le gouvernement québécois.

Cette révision était indispensable compte tenu de l’évolution des pratiques de valorisation résiduelle au

Québec. Il convient de rappeler ici que la plupart des cas de valorisation des matières résiduelles

analysés étaient en opération depuis le début des années 1980. Or, comme le soutient Frosch (1997), la

valorisation résiduelle et le recyclage sont encore victimes des réglementations conçues pour

l’élimination des déchets, ce qui pose souvent le problème d’incohérence et d’inadaptation de ces

mêmes réglementations.

À titre d’exemple, le rapport de la Commission sur la gestion des matières résiduelles au Québec (1997)

montrait les insuffisances de l’approche de gestion des matières centrée sur l’élimination et

l’enfouissement en proposant une autre approche de gestion des matières résiduelles centrée plutôt sur

la valorisation :

La présence de matières résiduelles et la façon dont on en dispose créent des problèmes à divers égards. L’élimination des résidus par enfouissement et par incinération entraîne des formes de pollution et le gaspillage des ressources. La gestion des résidus donne lieu à des conflits entre les différents acteurs concernés (Rapport du BAPE, 1997, p. 3).

La nécessité de développer des outils adaptés aux réalités environnementales et industrielles a

conduit à l’élaboration de réglementations environnementales du deuxième type : techno-écologique.

Des experts des différentes disciplines liées à l’environnement (environnementalistes, économistes,

scientifiques ou juristes) travaillent de concert et tentent d’apporter des contributions actualisées

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pouvant aider à corriger les insuffisances et inadaptations des réglementations de type écologique. Les

différentes modifications apportées aux réglementations et lois dans les années 1990 en constituent des

exemples. La Loi sur la qualité de l’environnement de 1972, par exemple, qui porte sur l’identification, le

contrôle et la prévention de la pollution, a apporté des modifications importantes en matière de

gestion de l’environnement. Quatre points principaux méritent d’être soulignés en suivant Colonna

(2005).

D’abord, le remplacement du terme « déchets » par celui de « matières résiduelles » (chapitre I,

section I) reflète un changement de vision dans la gestion des déchets générés. Cette vision considère

désormais les déchets comme des ressources (Hawken, 1993). Ensuite, la section VII de la Loi sur la

qualité de l’environnement qui porte sur « la gestion des matières résiduelles » définit et fait une nette

distinction entre la valorisation et l’élimination de ces matières résiduelles. Tandis que la valorisation

vise le réemploi, le recyclage, le compostage ou encore la régénération, c’est-à-dire l’obtention de

produits utiles ou d’énergie à partir des matières résiduelles, l’élimination, elle, porte sur le rejet

définitif de ces matières dans l’environnement. Puis, la même section VII détermine l’engagement du

gouvernement dans la promotion des initiatives de récupération et de valorisation des matières

résiduelles (article 53.3 alinéa 2). Enfin, l’article 53.3. alinéa 4, de la même section VII oblige les

fabricants et les importateurs de produits à prendre en compte les effets de ces produits sur

l’environnement et des coûts rattachés aux pratiques de récupération, de valorisation et d’élimination

des matières résiduelles.

Ces considérations montrent que les réglementations techno-écologiques tentent de se situer sur

la même longueur d’ondes avec les entreprises industrielles engagées dans la valorisation résiduelle. En

effet, pour ces entreprises, les déchets sont de nouvelles matières premières ou des ressources à

introduire dans les procédés de production. La Loi sur la qualité de l’environnement a également apporté

une modification à la définition de l’expression « matières résiduelles dangereuses ». Tout ce travail de

modification et de restructuration des différentes réglementations et lois est, de façon générale, le fruit

d’une approche centrée sur l’intégration de logiques. La plupart des lois et règlements en vigueur

(tableau 12) qui visent l’amélioration de l’efficience de la gestion des déchets et le contrôle des activités

de transport, l’entreposage, le traitement, la valorisation ou l’élimination des matières résiduelles

rentrent dans la catégorie des réglementations techno-écologiques.

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Cependant, le fait que ces différentes lois et réglementations (Loi fédérale sur le transport des

marchandises dangereuses, Loi sur la qualité de l’environnement, Règlement sur les matières dangereuses, Règlement sur le

transport des matières dangereuses, Règlement sur les déchets solides) restent encore centrées sur les modalités

d’application qui s’imposent à l’ensemble des secteurs d’activités industrielles constitue l’une des

difficultés majeures en ce qui touche de façon précise la valorisation résiduelle. Les entretiens réalisés

montrent que, dans l’ensemble, ces Lois et Réglementations ne sont pas adaptées aux situations réelles des

différentes entreprises. Elles sont donc limitatives.

La réglementation est un obstacle assez important, c’est-à-dire la façon dont elle est faite. Elle est très limitative et empêche parfois le développement des produits fort intéressants sur le plan environnemental (un directeur de l’énergie et de l’environnement, cas 7).

Ce qui se passe, c’est qu’ailleurs, les critères varient et changent, mais ici, on reste avec les mêmes critères parce qu’ils veulent que l’on soit une société verte (un directeur général, cas 5).

Ces considérations montrent que l’évolution de la conjoncture des pratiques de valorisation

résiduelle n’est pas favorable à une application globale et monolithique de ces mêmes Lois et

Réglementations. Cette situation crée des écarts dans la mise en application des réglementations.

L’exemple déjà évoqué des stériles miniers valorisés dans l’industrie de « valorisation » vers les stérils

miniers traités dans les carrières et sablières en constitue une illustration. Dans ce dernier cas, selon

l’industrie qui les traite, les stériles miniers font l’objet de réglementations différentes. Pourtant, sur le

plan technique, ils présentent exactement les mêmes caractéristiques physiques et chimiques que les

stériles miniers valorisés dans l’industrie de « valorisation ». Il y a là un problème d’agencement des

secteurs d’activités concernés par la récupération et la valorisation des stériles miniers.

Cela montre la nécessité d’évoluer vers des réglementations et lois du troisième type : éco-

industriel ou encore rationnel. Il s’agit de réglementations et lois dont les modalités d’application ne

s’imposent pas à l’ensemble des secteurs industriels de façon monolithique, mais qui visent plutôt une

application efficace et coordonnée des secteurs industriels concernés par les activités précises de

valorisation résiduelle. Elles sont éco-industrielles parce qu’elles cherchent un équilibre entre la

protection de l’environnement et la promotion des projets de valorisation résiduelle. La rationalité tient

donc à l’efficacité, à la consistance, à la flexibilité, à l’adaptabilité et à la promotion des activités dans le

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sens large du terme. C’est ce que Schmidheiny (1992) désigne par « approche effective des politiques

réglementaires ». L’accent n’est pas mis sur les matières résiduelles valorisées telles que les pneus hors

d’usage, les batteries au plomb-acide ou encore les boues de désencrage, mais plutôt sur les réalités

internes de chaque secteur de valorisation.

La Loi sur le développement durable, adoptée par le gouvernement québécois le 13 avril 2006, ouvre

les voies à l’adoption des réglementations environnementales éco-industrielles ou rationnelles. Cette

Loi modifie de façon précise la Loi sur la qualité de l’environnement (L.R.Q., chapitre Q-2). Ce qui justifie,

comme il a déjà été mentionné, le caractère évolutif et dynamique des lois et réglementations

environnementales. La nouvelle Loi s’inscrit dans le cadre des lois et réglementations éco-industrielles

pour deux raisons majeures.

En premier lieu, la nouvelle Loi porte essentiellement sur le développement durable. La

définition de trois des principes directeurs portent sur la dimension économique du développement

durable et devront être pris en compte dans l’action administrative (article 6)-« production et

consommation responsables », « pollueur payeur » et « internationalisation des coûts ». Comme il a été

mentionné dans cette thèse, les spécialistes de l’écologie industrielle entendent apporter des

changements profonds dans les systèmes actuels de production et de consommation dans le but de

mettre en œuvre les principes du développement durable (DeSimone et Popoff, 1997). La valorisation

résiduelle constitue une manière de mettre en application le développement durable dans les

entreprises industrielles (Tibbs, 1993; van Barkel et Lafleur, 1997; Laville, 2002).

La présente Loi a pour objet d’instaurer un nouveau cadre de gestion au sein de l’Administration afin que l’exercice de ses pouvoirs et de ses responsabilités s’inscrive dans la recherche d’un développement durable.

Les mesures prévues par la présente Loi concourent plus particulièrement à réaliser le virage nécessaire au sein de la société face aux modes de développement non viable, en intégrant davantage la recherche d’un développement durable, à tous les niveaux et à toutes les sphères d’intervention, dans les politiques, les programmes et les actions de l’Administration. Elle vise à assurer la cohérence des actions gouvernementales en matière de développement durable, ainsi qu’à favoriser l’imputabilité de l’Administration en la matière, notamment par le biais des contrôles exercés par le commissaire au développement durable en vertu de la Loi sur le vérificateur général (L.R.Q., chapitre V-article 5.01) (Loi sur le développement durable, Notes explicatives).

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En deuxième lieu, la Loi sur le développement durable vise à renforcer et à instaurer une nouvelle

philosophie de gestion de l’environnement et de promotion des stratégies du développement durable

centrée sur l’intégration et l’harmonisation des actions entre les différentes instances gouvernementales

et les ministères. Ce qui rentre dans le cadre de l’intégration des logiques, tel qu’il a été mentionné.

Cette intégration des logiques constitue l’une des caractéristiques principales des réglementations éco-

industrielles ou rationelles.

Conditions nécessaires de l’aggiornamento

Comme il a été indiqué, les changements profonds dans les systèmes de production proposés

par les spécialistes de l’écologie industrielle ne peuvent avoir lieu sans la flexibilité des mécanismes

sociétaux sur lesquels se fondent les systèmes économiques actuels. C’est donc dans une démarche

d’intégration des logiques et des modalités d’application des outils de promotion des pratiques

d’écologie industrielle – outils qui tiennent compte des réalités internes de chaque secteur de

valorisation – que devraient s’inscrire les nouvelles approches réglementaires et juridiques

(contractuelles, informationnelles, participatives et mesures incitatives) qui cherchent à légiférer en

matière de gestion efficace et de protection de l’environnement. Comme le montrent les entretiens

réalisés et les exemples ci-dessus mentionnés, la rationalité de ces réglementations ou l’aggiornamento ne

serait rendu possible que par la mise en application de deux stratégies de façon précise : la

collaboration interministérielle et interindustries, et la mise en application d’une approche multicritères

de l’adoption des normes environnementales.

La première stratégie repose sur la collaboration entre les différents ministères touchés par la

mise en œuvre des pratiques d’écologie industrielle, en particulier les ministères de l’Environnement,

de l’Agriculture, de l’Industrie et des Transports, les représentants des secteurs industriels engagés dans

les pratiques de valorisation résiduelle et le public. C’est ce que la nouvelle Loi sur le développement durable

désigne par la cohérence des actions environnementales en matière de développement durable. Cette

même Loi préconise également le développement du partenariat et la coopération

intergouvernementale comme l’une de ses actions stratégiques. Cependant, dans le cadre de

l’intégration des logiques tel qu’il a été évoqué ci-dessus, et pour une plus grande cohérence des actions

stratégiques, le fait d’inclure les représentants des secteurs industriels de valorisation résiduelle devrait

être perçu comme une pratique de développement durable. À titre d’exemple, la conférence

internationale sur l’écologie industrielle qu’organisent le Centre de recherche en environnement

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UQÀM/Sorel-Tracy et le Centre de transfert technologique en écologie industrielle pourrait offrir un

espace d’échanges et de réflexions dans le cadre de cette collaboration. Ainsi, cette rencontre

internationale pourrait inclure également dans son programme non seulement des présentations

portant sur les expériences de succès des pratiques d’écologie industrielle, mais aussi un bloc de

conférences portant sur les difficultés spécifiques de valorisation résiduelle dans la mise en application

des réglementations environnementales.

La deuxième stratégie s’appuie sur l’adoption des réglementations environnementales reposant

sur une approche sectorielle et multicritères d’analyse intégrée des politiques liées à la valorisation

résiduelle. À l’exemple de l’outil d’évaluation de la prise de décision « Multi-Criteria Integrated

Resource Assessment » proposé par Stahl, Cimorelli et Chow (2002), cette approche s’attache à

faciliter le processus de prise de décisions et d’adoption des réglementations environnementales par

une meilleure compréhension et une mise en commun des données scientifiques (toxicologiques,

statistiques, géostatistiques), des actions entrepreneuriales (l’efficience de l’utilisation de l’énergie, la

production et la transformation des matières résiduelles, la rentabilité économique, la réduction de

matière et d’énergie, les impacts environnementaux et l’éco-efficience), des applications industrielles

(technologies disponibles pour la valorisation éco-efficience) et des valeurs sociétales (la protection de

l’environnement et la performance économique des régions). Cette analyse intégrée des politiques liées

à la valorisation résiduelle s’appuie sur quatre éléments fondamentaux : l’apprentissage de nouvelles

connaissances scientifiques et du domaine de l’entreprise, l’innovation technologique, la collaboration

entre les différents acteurs concernés et l’intégration des logiques, tel qu’il a été évoqué ci-dessus.

Les deux stratégies qui définissent les conditions de l’aggiornamento des réglementations

environnementales induisent deux conséquences importantes pour la promotion des pratiques de

valorisation résiduelle et la protection de l’environnement selon les principes du développement

durable. D’abord, la formation de spécialistes en écologie industrielle, en particulier la valorisation

résiduelle. Ce qui appuie l’idée d’introduire des programmes d’enseignement de l’écologie industrielle

dans des écoles de gestion. Ensuite, l’adoption de normes environnementales sur mesure selon les

applications et les spécificités des secteurs d’activités concertés. Ainsi, les activités industrielles des

secteurs de valorisation résiduelle et des sablières qui récupèrent et transforment les stériles miniers

seront sujet au même type de contrôle dans le cadre des réglementations environnementales. N’est-ce

pas là la rationalité ou l’adaptation des réglementations environnementales aux pratiques de

valorisation résiduelle dont il est question dans la problématique environnementale?

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293

11.2.4. L’administration générale du processus de transformation

Le processus de transformation des résidus dans les procédés industriels occasionne des

problèmes au niveau de l’administration générale. Ils s’articulent particulièrement autour de la

formation des employés, du recrutement de la main-d’œuvre qualifiée et de la synergie entre les

différents départements d’une même entreprise. Dans la plupart des cas, ces difficultés sont perçues

comme étant d’intensité moyenne et elles se situent au niveau « macro » (figure 19).

Figure 19. Problèmes d’administration générale du processus de transformation

Recrutement de main-d’œuvre qualifiée

La majorité des dirigeants éprouvent des difficultés à recruter une main-d’œuvre qualifiée,

motivée et qui possède les compétences requises pour travailler dans le domaine de la valorisation

résiduelle. Ce problème est lié au caractère spécifique des pratiques d’écologie industrielle. La

planification stratégique des ressources humaines souffre ainsi d’un sérieux handicap.

C’est de la main-d’œuvre non-qualifiée que l’on recrute et que l’on va former à l’opération. C’est parce qu’on ne peut pas trouver de la main-d’œuvre qualifiée pour faire exactement le genre de travail dont nous avons besoin au niveau de l’usine (un directeur général, cas 1).

INT

EN

SIT

É

EXTENSIONMicro Macro

Fai

ble

F

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Recrutement de main-d’œuvre qualifiée

Formation des

Synergie départementale

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294

Il y a une difficulté étant donné que dans notre industrie, le travail à faire est très particulier et les gens que l’on engage ne sont pas formés pour cela. Ensuite, en tenant compte des particularités de la région, il y a un taux de roulement très élevé. La région est réputée comme créatrice d’emplois et donc, la plupart des ouvriers à la base sont souvent attirés par de nouvelles offres d’emploi (un directeur de la production, cas 2).

Formation des employés

La formation des employés constitue un autre problème au niveau de la transformation des

sous-produits industriels dans les procédés. Cette formation repose surtout sur l’acquisition et

l’amélioration des connaissances ayant trait aux valeurs environnementales ainsi qu’aux valeurs de

santé et de sécurité au travail dans le but de bien exécuter les tâches. Ces valeurs sont indispensables

lorsque la valorisation résiduelle exige la manutention et la manipulation de résidus potentiellement

dangereux. Selon les dirigeants, l’acquisition de ces nouvelles valeurs constitue un processus long et

difficile, non seulement pour les travailleurs de la base, mais également pour les niveaux supérieurs de

la gestion des opérations.

L’autre problème, c’est tout ce qui concerne l’éducation de nos employés. Il faut éduquer les employés à bien gérer l’environnement. Comme vous le savez, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut amener nos employés à penser « sécurité » en termes de matières résiduelles. Nous sommes habitués à utiliser beaucoup de produits, il y a beaucoup de poudres, de poussières. Mais quand on arrive dans les produits de remplacement, c’est une autre technologie, c’est une autre façon de penser, une autre façon d’agir. Et pour ça, il faut éduquer nos gens à tous les niveaux, même à mon niveau, même au niveau des superviseurs et au niveau des employés (un directeur de l’énergie et de l’environnement, cas 7).

Et enfin, il y a bien sûr la problématique de la formation des employés pour développer en eux des comportements en matière d’environnement, de santé et sécurité au travail. Parce que l’utilisation des matières alternatives augmente les risques au sein de l’entreprise. Et donc, au niveau des ressources humaines, il faut développer des stratégies de gestion centrée sur la formation à tous les niveaux et ça, ce n’est pas facile pour les gestionnaires (un coordinateur à l’environnement, cas 8).

Étant donné que le travail se fait dans des conditions relativement difficiles, les employés ne sont pas portés à développer des comportements en matière d’environnement, de santé et sécurité au travail. Quand on engage le personnel, il n’y a pas de travail de sélection qui se fait à la base (un directeur d’usine, cas 9).

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295

Il est donc difficile de faire comprendre aux employés pourquoi leurs entreprises utilisent des

matières résiduelles pour maximiser l’usage des ressources. Cela semble déranger, surtout lorsque les

petites routines qu’ils avaient commencent à changer. Comme il a été déjà évoqué, le développement

des compétences et des savoir-faire professionnels constitue une façon de résoudre ce problème. C’est

vraiment le problème de casser les routines des employés. Quand la valorisation résiduelle se fait au

moyen d’une ou de deux matières, cela semble marcher. Mais lorsque l’entreprise commence à recevoir

plusieurs matières, les employés trouvent que c’est trop et ne veulent pas beaucoup collaborer. Cette

attitude est visible à travers la démotivation qu’ont les employés à exécuter certaines tâches et à

travailler avec, par exemple des boues d’épuration, des eaux granulées et séchées ou encore des

matières qui dégagent encore un peu d’odeur. Selon les dirigeants, lorsqu’un accident, même minime,

arrive, cela peut justifier le blocage total au niveau du développement des activités entourant

l’utilisation d’un résidu en particulier. C’est la raison pour laquelle les dirigeants prennent soin de bien

gérer la formation des employés qui travaillent avec des matières dangereuses.

Les résultats de l’étude montrent que l’implantation des programmes de gestion responsable et

participative facilite l’adhésion des employés et le développement des comportements sécuritaires à

l’interne. La plupart de ces programmes font partie des normes de type ISO 9001 ou 14001, et ils

visent la prévention et la réduction de tout accident dans le milieu de travail. Ce qui justifie les liens

établis entre la valorisation résiduelle et les systèmes de gestion environnementale en ce qui a trait à

l’adoption des normes internationales de gestion.

Synergie départementale

La synergie entre les différents départements ou fonctions dans les entreprises engagées dans la

valorisation résiduelle représente une difficulté soulignée par les dirigeants. Ce problème est cependant

expérimenté dans les cas de valorisation résiduelle secondaire. C’est justement le caractère secondaire

de la valorisation résiduelle qui justifie ce problème : les autres fonctions montrent peu d’intérêt pour

ce qui semble être les activités principales des fonctions « technique » et « environnement ». La

coordination entre les différentes fonctions est pourtant nécessaire pour s’assurer que tous les

systèmes mis en place pour la réduction et la récupération des déchets fonctionnent à un niveau

optimal.

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296

C’est donc une difficulté dans la coordination de toutes les activités de l’usine. La gestion de toute la ligne de production devient complexe, la dynamique des différentes équipes qui interviennent, etc. (un directeur de l’environnement, cas 8).

Il y a aussi des problèmes au niveau de la synergie entre les différents départements impliqués dans le processus de valorisation : environnement et énergie, production, opérations, etc., surtout lorsque ces départements fusionnent ou sont divisés en entités autonomes (un surintendant de la centrale thermique et des services à la cour, cas 11).

Le problème de manque de coordination s’explique dans les VRS parce que, dans la plupart des

cas, la valorisation résiduelle constitue un changement majeur au niveau de la rationalisation de la

production. Cette rationalisation commence par la résolution d’un problème précis, comme dans le cas

de la surproduction des boues de désencrage du cas 11. Ce qui conduit souvent à la création de

nouvelles entités ou à la fusion des départements existants, en particulier ceux de l’environnement, de

l’énergie ou encore du recyclage. L’intégration de ces nouvelles entités et la coordination des activités

prennent du temps.

11.2.5. La gestion des opérations de transformation

La transformation des résidus industriels est source de problèmes au niveau de la gestion des

opérations. Ces problèmes s’articulent autour de la standardisation et de la systématisation des

équipements ainsi que des procédés d’arrêt et de départ des équipements (figure 20).

Arrêts et départs des équipements

Les arrêts et les départs d’équipements constituent un problème auquel les dirigeants font face

dans l’étape de la mise sur pied d’un nouveau procédé ou encore du démarrage d’une nouvelle usine.

Ce problème est perçu comme intense et il touche la majorité des cas analysés. Dans la plupart des cas,

les résultats au niveau du plan pilote ont démontré la faisabilité du procédé. Ce qui est d’ailleurs le but

poursuivi par l’équipe qui monte le projet pilote. Mais ce dernier ou les essais effectués en dehors du

cadre industriel n’arrivent pas toujours à démontrer l’efficacité du procédé ou à trouver les conditions

d’opération optimum du procédé. L’étape de production industrielle continue apporte souvent des

mauvaises surprises qui, dans la plupart des cas, contredisent les résultats obtenus lors des essais isolés.

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297

Figure 20. Problèmes de gestion des opérations de transformation

Cette situation occasionne souvent des investissements supplémentaires, des remplacements de

pièces, des réparations d’équipement et des innovations technologiques à faire. Ce problème se traduit

par la performance technique et environnementale des procédés et des équipements. La difficulté

réside au niveau du maintien des niveaux de performance environnementale. Les responsables du cas 6

se sont rendus compte, par exemple, que le procédé de lixiviation de la serpentine pour produire du

magnésium générait des niveaux d’émission beaucoup plus élevés que ceux qui étaient prévus, ou

encore que le niveau de consommation d’eau augmentait.

La problématique était au niveau purement technologique, les équipements et les matériaux. C’était d’opérer l’usine sur une base continue en trouvant des solutions à tous les problèmes technologiques et d’équipements à travers le temps. Parmi ces problèmes, il y a notamment des problèmes technologiques : trouver des procédés, de bonnes fenêtres d’opération, de bonnes pressions, de bonnes températures, de bons débits de liquides, de bonnes concentrations de fluides, trouver les bons matériaux qui résistent à la corrosion, le bon équipement pour effectuer le travail (un directeur de l’entretien et de l’ingénierie, cas 6).

Ces propos justifient deux idées largement acceptées en écologie industrielle. D’une part, le

caractère holistique de la mise en œuvre de ces pratiques. Mettre en œuvre l’écologie industrielle

INT

EN

SIT

É

Fai

ble

F

orte

Standardisation des

équipements Systématisation

Arrêts et départs des équipements

EXTENSIONMicro Macro

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298

signifie « expérimenter de nouveaux procédés », et cette expérimentation se fait par essais-erreurs. Et

d’autre part, la quantité de problèmes que l’on rencontre dans une entreprise de valorisation résiduelle,

qui est de loin supérieure à ceux d’une usine à opération normale. La majorité des dirigeants rencontrés

ont évoqué la question de la complexité des opérations, ce qui est nommé « l’hyper-flexibilité de la

valorisation résiduelle ». Il fallait trouver des solutions à des problèmes technologiques qui apparaissent

de jour en jour et qui se complexifient, et pour lesquels les gestionnaires n’ont pas trouvé de solutions

standardisées. Cela cause beaucoup de retard et de perte de production.

Standardisation et systématisation des procédés

La standardisation des procédés développés à l’interne est un autre problème majeur auquel les

dirigeants font face dans l’étape de la transformation des résidus industriels. Ce problème est perçu

comme intense et il se présente au niveau de la majorité des cas étudiés. D’abord, la plupart des

équipements et des procédés utilisés pour la valorisation résiduelle dans les cas analysés ont été

développés à l’interne.

Nos procédés ont été tous développés à l’interne. C’est l’entrepreneuriat à sa plus belle expression. Nos équipements ont été montés à partir d’autres qui provenaient d’autres industries et que nous avons adaptés ici (un directeur général, cas 2).

Ensuite, le fait que la plupart de ces équipements viennent d’autres industries et qu’ils ont été

adaptés signifie qu’ils ne sont pas standardisés. La non-standardisation de la valorisation industrielle

constitue l’une des caractéristiques principales identifiées. La non-standardisation tient également à

l’utilisation de matières hors du commun et elle exige la mise sur pied de procédés inédits et, donc, non

standardisés. Enfin, la recherche de la standardisation et le besoin de systématisation des procédés se

traduit par la légitimation des procédés de valorisation résiduelle à l’échelle de la production industrielle

de façon générale. Comme le soutient un dirigeant interrogé, cette systématisation pourrait permettre

d’emprunter ces procédés et de faciliter ainsi le processus de transfert des technologies à d’autres

entreprises.

Étant donné que tous nos équipements ont été montés à partir d’autres industries et que l’on a procédé par essai et erreur, il y a des difficultés pour la mise au point, la systématisation, la standardisation des équipements et des méthodes opérationnelles,

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299

de sorte qu’on puisse vraiment cloner et répliquer ces opérations (un directeur général, cas 2).

Il y a beaucoup de personnes qui vont faire la même chose, mais de façon différente. Ce qui fait que la non-standardisation des approches va avoir une tendance à créer une certaine confusion dans l’entreprise. Et cela rend l’entreprise beaucoup plus difficile à gérer (un directeur général, cas 4).

Ces propos montrent de façon assez convaincante que la non-standardisation des procédés et

des équipements provoque des difficultés au niveau des mécanismes de contrôle des processus mis en

place. La standardisation et la formalisation constituent, comme nous le savons, quelques-unes des

méthodes principales de contrôle des processus utilisées dans l’industrie. En l’absence de ces

mécanismes de contrôle, les activités de production créent une situation d’entreprise non dirigée dans

la mesure où chaque travailleur voit les choses à sa manière. La majorité des gestionnaires interrogés

estiment qu’il est plus facile de gérer un système défectueux mais standard qu’un système non

formalisé du tout. Ce manque de formalisation et de standardisation serait également la source de

problèmes de non-performance des équipements dans la majorité des cas étudiés.

Je dirais que c’est la performance des équipements qui représente pour nous un gros problème. Le déchiquetage des pneus demande des équipements qui doivent être performants à 100 %. C’est vraiment le fonctionnement et la performance des équipements pour ce genre de produits (un directeur général, cas 1).

Il est intéressant de voir que le problème de non-standardisation et de non-systématisation des

procédés touche les cas de valorisation résiduelle primaire, en particulier ceux qui ont commencé les

activités sur une base purement artisanale il y a une vingtaine d’années. Ce qui prouve que les procédés

mis en place doivent être restructurés pour (re)donner à ces entreprises une image plus moderne. Les

procédés actuels sont à la base d’un système mécanique qui ne semble pas être adapté pour le genre de

travail accompli dans les entreprises visitées. Ce qui est tout à fait différent dans le cas 6, par exemple,

dont le procédé de lixiviation de la serpentine a été adapté à partir de celui utilisé par Alcan. Dans ce

cas précis, le coût total de l’investissement s’est élevé à plusieurs centaines de millions de dollars. C’est

bien là la différence.

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300

Nous avons choisi la technologie d’Alcan parce que c’est elle qui permettait de produire en économisant l’énergie (par kilowatt d’électricité). Elle était la plus efficace du côté de nos objectifs. Elle est aussi plus sensible aux toxines que d’autres technologies du point de vue environnemental. On parlait d’un projet de 727 millions de dollars au début. Avec les modifications qu’on a eu à faire pour arriver à des procédés qu’on a aujourd’hui, c’est devenu un projet de l’ordre de 1,2 milliards de dollars (un coordinateur à l’environnement, cas 6).

La conception des procédés et des produits constitue l’un des points essentiels des pratiques

d’écologie industrielle. Le problème de non-standardisation et de non-systématisation des procédés

n’apparaît pas encore comme thème central dans la formulation du changement technologique dans le

cadre des pratiques de l’écologie industrielle. La formulation actuelle du changement technologique

pose un double problème. Elle repose essentiellement sur la conception des procédés et des produits

qui laissent peu ou presque pas d’impacts environnementaux (Ausubel et Langford, 1997; Grübler,

1998; Norberg-Bohn, 2000). Les interprétations de cette formulation relèvent d’un modèle de

connaissances naïves des problèmes d’écologie industrielle, lesquelles connaissances articulent des

savoirs assez éloignés de la réalité vécue par les dirigeants engagés dans les pratiques d’écologie

industrielle. La non-standardisation et la non-systématisation des procédés constituent des concepts

qui devraient figurer dans la formulation du changement technologique. Ce changement technologique

est considéré comme l’un des éléments essentiels de l’écologie industrielle.

11.2.6. Le développement des marchés et des ventes

Le développement des marchés des produits élaborés à partir de résidus industriels occasionne

des problèmes au niveau de la fonction « ventes et marketing ». Ces problèmes s’articulent autour de la

concurrence avec les matières vierges et autour de la perception des produits écologiques par les

consommateurs ou utilisateurs (figure 21).

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301

Figure 21. Problèmes de développement des marchés et des ventes

Concurrence avec les matières nobles

La concurrence avec les matières nobles est perçue comme un problème de faible intensité et

elle touche la majorité des cas étudiés. Les résidus industriels et les sous-produits constituent des

matières premières de substitution. De nombreuses entreprises continuent à fabriquer des produits à

partir des matières vierges, standardisées. Bien que les résidus jouissent d’un léger avantage sur les

matières premières nobles en termes de prix, les dirigeants ont la perception qu’il y a bien des

différences au niveau de la durabilité de ces matières.

Le caoutchouc recyclé est généralement moins cher que le caoutchouc vierge. Mais au niveau de la durabilité, il n’y a pas de problèmes (un directeur d’usine, cas 1).

Je pense que notre client qui achète le gypse fabriqué ici à partir de nos résidus se procure aussi du gypse naturel. Nous sommes concurrentiels parce que nous le vendons à des prix bas (un ingénieur de procédé, cas 12).

Les matières vierges coûtent moins cher que les résidus industriels. Ce qui a fait que nous avons abandonné le procédé pour le moment (un directeur d’usine, cas 3).

INT

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EXTENSIONMicro Macro

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Perception des produits

Concurrence avec les matières nobles

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302

Cet avantage concurrentiel des matières résiduelles n’est pas perçu de la même manière dans

d’autres secteurs, en particulier dans les secteurs de la fabrication du bitume, du recyclage des batteries

au plomb-acide ou encore des cimenteries. Dans le premier cas, les coûts d’opération de la fabrication

du bitume en utilisant un pourcentage de caoutchouc recyclé provenant des pneus hors d’usage se sont

avérés plus élevés que prévu. Le procédé a été abandonné. Dans le deuxième cas, les grands

producteurs de métaux tels le zinc et le cuivre génèrent le plomb comme sous-produit. Ils le vendent

alors sur les marchés à des prix très concurrentiels par rapport aux recycleurs qui le récupèrent par des

procédés industriels qui exigent une fine technologie. Dans le troisième cas, enfin, les incinérateurs

font de la concurrence aux cimenteries qui tentent d’utiliser une gamme variée de déchets comme

intrants principaux, en particulier pour brûler le clinker.

Il y a deux sources d’approvisionnement : les compagnies qui fabriquent les batteries et le recyclage. Il est toujours un peu difficile pour nous, comme PME, de nous mesurer à de grandes compagnies qui sont les fournisseurs de plomb ici, au Canada. Parce que pour eux, le plomb est un sous-produit de zinc, de cuivre et d’argent. Donc ils peuvent vendre du plomb à n’importe quel prix. Notre stratégie est donc de nous retirer de ces marchés et de développer d’autres marchés plus rentables et moins compétitionnés (un vice-président chargé des opérations, cas 9).

Ici, il y a une concurrence entre les cimenteries et les incinérateurs. Les incinérateurs cherchent à avoir la plupart des matières pour les brûler et ils sont payés pour ça. Tandis que nous, comme cimenterie, nous acceptons ces matières pour être utilisées dans le processus de fabrication du ciment. Les incinérateurs nous font de la concurrence (un directeur de l’environnement, cas 8).

Perception des produits écologiques

La concurrence entre les résidus et les matières premières vierges se situe au niveau de

l’acquisition des intrants et des coûts opérationnels de ces derniers. La perception des produits

écologiques par les consommateurs ou utilisateurs constitue cependant un problème de

commercialisation de ces produits dans les mêmes marchés que les produits conventionnels fabriqués.

Les entretiens réalisés montrent que la plupart des dirigeants estiment qu’il est parfois difficile de faire

changer la perception des consommateurs en introduisant des produits innovateurs élaborés à partir

des déchets industriels même si, dans certains cas, le caractère environnemental joue un peu en faveur

des produits écologiques.

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303

Quant à l’acceptation de ce produit par les clients, le fait que depuis environ cinq ans, il y a plus de publicité sur le recyclage et ses produits, la prise de conscience pour l’environnement, il y a des gens qui vont préférer la qualité verte. De ce côté-là, cette conscientisation nous aide un peu à écouler nos produits sur les marchés. Mais ce n’est pas à 100 % parce qu’il y a la qualité et le prix. Le facteur environnemental agit un tout petit peu en bas. C’est ce qui fait la différence entre le caoutchouc vierge et le caoutchouc recyclé (un directeur général, cas 1).

Les gens ne sont pas encore préparés pour utiliser un nouveau produit, même si celui-ci est approuvé par le ministère des Transports. Les gens hésitent énormément à prendre un nouveau produit sur le marché. Changer cette perception-là constitue une réelle difficulté. C’est sûr que concevoir un produit innovateur à base de matières résiduelles est déjà compliqué. Vendre ce produit est encore plus compliqué. Convaincre le client qu’il s’agit d’un bon produit est un travail difficile qui demande la définition d’une stratégie bien élaborée (un vice-président chargé des opérations, cas 3).

Sans entrer dans les détails des considérations touchant le comportement du consommateur, l’on

peut dire que l’introduction d’un nouveau produit cause toujours des problèmes. Il nous semble que

ces problèmes deviennent beaucoup plus compliqués quand il s’agit de produits élaborés à partir de

déchets. Un moyen pour sortir de ces difficultés consiste à mettre sur pied des équipes solides de

commercialisation. Ce qui rentre dans le cadre de ce qui a été défini comme des structures de

commercialisation en aval de la chaîne de production.

Ce chapitre a tenté de présenter et d’analyser les différents problèmes de valorisation résiduelle

auxquels les gestionnaires rencontrés font face. Dans un premier temps, le chapitre a montré que l’un

des problèmes majeurs de la valorisation résiduelle est l’hyper-flexibilité fonctionnelle. Dans un

deuxième temps, fidèle au modèle conceptuel de la valorisation résiduelle proposée, le chapitre a

présenté des problèmes concrets aux intersections de l’introduction des matériaux et de leurs

transformation, de l’échange et du développement des marchés (ITEM) et des fonctions de

l’administration générale, de la gestion des opérations, des ventes et de la gestion des aspects

environnementaux.

Dans le but de mieux comprendre ces problèmes, un classement sur deux lignes est proposé :

l’intensité qui représente la force avec laquelle la difficulté est perçue par les gestionnaires et l’extension

qui désigne l’étendue du problème sur l’ensemble des secteurs industriels étudiés. Bien que cette

classification présente certaines limites, elle aide cependant à progresser dans la compréhension des

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304

divers problèmes selon les perceptions des dirigeants rencontrés. La figure 22 récapitule l’ensemble des

problèmes de la valorisation résiduelle dans les cas étudiés.

Figure 22. Problèmes de valorisation résiduelle

Cette figure montre que les problèmes majeurs de la valorisation résiduelle, ceux qui sont perçus

comme de forte intensité, c’est-à-dire entraves au développement de l’avantage concurrentiel, et qui

touchent la majorité des cas étudiés, sont principalement de trois ordres : institutionnel, socio-culturel

et managérial. Le caractère limitatif de la plupart des réglementations et lois en vigueur constitue le

problème majeur d’ordre institutionnel. Le développement de l’avantage concurrentiel des entreprises

est menacé. Bien que perçus comme étant de forte intensité par les dirigeants rencontrés, les

problèmes d’ordre administratif ou bureaucratique ne semblent pas bloquer de façon significative les

projets de valorisation résiduelle. Il en est de même pour les problèmes d’ordre socioculturel

INT

EN

SIT

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EXTENSIONMicro Macro

Fai

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orte

Transport frontalier Perception des produits écologiques Performance des batteries Délocalisation

Réceptivité sociale Réglementation limitative Incompréhension Manque de définitions claires Alarmisme Obtention des permis Bureaucratie et « paperasse » Irrégularité des approvisionnements Stockage Humidité Disparité des matières Standardisation Systématisation

Synergie départementale

Remplacement de certaines matières : alumine

Concurrence avec les matières nobles Recrutement de main-d’œuvre qualifiée Formation des employés Dépendance industrie primaire

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305

(réceptivité sociale, incompréhension et alarmisme). Ce qui ne veut pas nier la pertinence de la

collaboration basée sur la transparence et l’échange d’information entre l’entreprise engagée dans la

valorisation et la communauté ni l’urgence de continuer à mettre sur pied des programmes de

formation de la population de façon générale aux enjeux et bénéfices de la valorisation des matières

résiduelles.

À côté des problèmes d’ordre institutionnel et socioculturel, il y a également et surtout des

problèmes d’ordre managérial, caractérisés par l’hyper-flexibilité organisationnelle, qui mettent en péril

les initiatives ou les activités de valorisation résiduelle déjà initiées par les gestionnaires. L’irrégularité

des approvisionnements, le stockage, l’humidité et le contrôle de la disparité des matières, ou encore le

manque de systématisation des équipements utilisés apportent des coûts opératifs supplémentaires. Ce

qui pourrait, à la longue, porter un coup dur aux bénéfices économiques des activités de valorisation

résiduelle. Ces difficultés managériales constituent donc des risques associés à la pérennité des

pratiques de valorisation.

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306

CONCLUSION GÉNÉRALE

La présente thèse a analysé la valorisation des sous-produits industriels comme une forme

particulière d’écologie industrielle à l’échelle de l’entreprise. En partant des propos des répondants

portant sur la définition des pratiques d’écologie industrielle, sur les motivations qui les ont amenés à

adopter ces pratiques ainsi que sur les facteurs internes et externes qui ont influencé ces motivations, la

thèse propose une conceptualisation de la valorisation résiduelle qui repose sur deux facteurs

déterminants : l’orientation économique des activités de valorisation résiduelle et l’indice de

valorisation. Ces deux notions constituent les dimensions interdépendantes à partir desquelles les

mécanismes et fonctionnement de la valorisation résiduelle sont analysés, c’est-à-dire la réalisation des

boucles des systèmes productifs (Frosch et Gallopoulos, 1989; Frosch, 1992; Greadel et Allenby,

1995). À partir d’une perspective empirique, la valorisation résiduelle est redéfinie comme étant un

corpus de décisions et d’actions stratégiques basées sur l’utilisation des ressources alternatives (matière

et énergie) comme intrants principaux dans divers niveaux de procédés de production industrielle; la

transformation propre et sécuritaire de ces dernières en produits à valeur commerciale destinés à des

marchés ciblés; et des formes diverses de collaborations et d’échanges de ces mêmes matières. Cette

définition rappelle ainsi les principes fondamentaux de l’écologie industrielle : les acteurs industriels

actuels devraient tenir compte des impacts environnementaux de leurs activités; ils devraient aussi

améliorer tant la conception que la fabrication des produits tout en ayant comme objectif primordial la

réduction de la consommation des ressources (matière et énergie) et l’utilisation de plus en plus

possible des déchets résultants du processus de production industrielle (Frosch et Gallopoulos, 1989;

Allenby et Cooper, 1994; Wernick et Ausubel, 1997).

Les résultats de l’étude montrent que la valorisation résiduelle porte plus sur le caractère

industriel que sur son caractère écologique. En d’autres termes, les dimensions industrie, productivité,

matière, profit économique dominent sur les dimensions écologie, éco-efficience, analyse et bénéfice

environnemental. Bien que les entreprises pratiquent et intègrent, à des degrés divers, les concepts de

conception écologique de produits, de prévention de la pollution, d’éco-efficience et de comptabilité

verte, les entretiens réalisés montrent que la fonction écologique de la valorisation résiduelle est

d’abord et avant tout économique. Les motivations des dirigeants pour la valorisation résiduelle, qui

ne représentent que des formes que prend la capitalisation du disequilibrium résiduel, sont d’abord

économiques. Les aspects environnementaux viennent éventuellement ensuite. Ces résultats montrent

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les écarts de conceptions entre la valorisation résiduelle telle qu’elle est pratiquée au sein des différents

secteurs industriels et les théories développées et généralement acceptées en écologie industrielle. La

recherche de la rentabilité économique des pratiques de la valorisation résiduelle comme motivation

primordiale appuie les résultats des études portant sur les motivations pour incorporer les

considérations environnementales dans les stratégies des entreprises industrielles. Ces études ont révélé

que les considérations économiques ou souci de compétitivité, la légitimation des pratiques ou image

de l’entreprise et la responsabilité écologique et éthique sont parmi les motivations dominantes (Bansal

et Roth, 2000; King et Lenox, 2001 ; Tzschentke, Kirk et Lynch, 2004). L’étude de Ayres, Ferrer et

Leynseele (1997) sur les facteurs déterminants dans la mise sur pied des pratiques de récupération des

produits en fin de cycle de vie dans les entreprises manufacturières a montré que pour ces entreprises,

les motivations premières reposaient sur des bénéfices en termes de coûts à économiser par

l’entreprise tels que la réduction des coûts d’opérations et d’enfouissement, la valeur à récupérer qui

reste encore dans les produits rebutés, l’existence des structures de récupération fonctionnelles, le coût

de la main-d’œuvre, entre autres. Les entretiens réalisés montrent cependant une motivation

particulière aux entreprises de valorisation résiduelle à vocation secondaire : la solution à un problème

précis de surproduction de sous-produits. Ainsi, à côté de la poursuite des bénéfices économiques

comme motivation pour la valorisation résiduelle, la présente étude indique que la solution à un

problème précis constitue également une motivation dans certains cas analysés.

Les résultats de l’étude montrent qu’à quelques exceptions près, les initiatives de valorisation

résiduelle s’avèrent rentables tant sur le plan économique qu’environnemental dans une large mesure.

Sur le plan économique, la mobilisation des ressources (les matières résiduelles disponibles, les moyens

financiers et économiques suffisants, les technologies appropriées et un personnel motivé), les

structures de valorisation résiduelle mises en place, le développement et la gestion de nouvelles

compétences, et les méthodes d’analyse des contextes des marchés entourant ces mêmes pratiques

semblent assurer, pour l’instant, le succès de la valorisation résiduelle dans les entreprises étudiées. Ces

différentes pratiques contribuent au développement des entreprises engagées sous divers aspects -

notamment l’amélioration de l’indice de valorisation, la diversification des sous-produits ou matières

résiduelles valorisées, l’augmentation du chiffre d’affaires, le développement de nouveaux produits

élaborés à partir des matières résiduelles, ou encore le positionnement sur les marchés concurrentiels.

Esty et Porter (1998) soutiennent que l’adoption des pratiques de l’écologie industrielle dans les

entreprises industrielles pourrait aider au développement de l’avantage concurrentiel. Les résultats de

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308

l’étude semblent appuyer la vision de ces deux auteurs. Certaines études ont tenté de montrer que les

pratiques d’écologie industrielle peuvent être affectées par les prix ou coûts des transactions des

matières résiduelles. Selon Kneese (1998), le problème réside dans la restructuration des mécanismes

de fixation des prix. Ceux-ci devraient refléter la totalité des coûts sociaux de production dans le cadre

des activités de recyclage des matières résiduelles. Pour sa part, Den Hond (2000) soutient que les prix

affectent en partie la mise en œuvre des projets de l’écologie industrielle. Les résultats de l’étude

montrent cependant que, dans les conditions actuelles entourant les pratiques de valorisation résiduelle

dans les cas analysés, les mécanismes du marché (coûts des transactions des matières résiduelles,

transport, divers coûts opérationnels) ne semblent pas constituer une menace au développement des

entreprises engagées dans cette démarche.

Les échanges de valorisation résiduelle s’inscrivent plus au moins dans les alliances

interentreprises ou les collaborations interorganisationelles telles qu’elles ont été évoquées par Boiral et

Jolly (1997). En ce qui concerne les alliances interentreprises, les cas étudiés présentent assez peu de

pertinence à la réalisation en commun d’activités de valorisation résiduelle. D’abord, la gestion

commune de pollution ne semble pas représenter une préoccupation majeure à laquelle seraient

confrontées les entreprises étudiées de valorisation résiduelle. Aux yeux de la majorité des dirigeants

rencontrés, les activités de valorisation résiduelle ne polluent pas l’environnement. Ensuite, les

échanges des sous-produits industriels apparaissent comme des transactions commerciales ou des

ententes moyennant rétribution entre les entreprises génératrices et utilisatrices des matières

résiduelles. Elles ressemblent donc peu à des filières de récupération conjointement organisées. En

plus, la valorisation résiduelle obéit peu à la logique d’alliance visant à valoriser les matières pour

lesquelles les entreprises génératrices ne possèdent pas assez de compétences. Ici encore, c’est la

logique de transaction commerciale qui semble être favorisée plutôt que l’alliance interentreprises.

Enfin, dans la majorité des cas, l’élaboration des produits à partir des diverses matières résiduelles

obéit plus à une logique de développement intra-entreprise de technologies d’optimisation. En ce qui

concerne la collaboration interorganisationnelle, celle-ci semble être limitée dans les rapports que les

entreprises de valorisation de pneus hors d’usage entretiennent avec le gouvernement, en particulier à

travers l’organisme Recyc-Québec. Schwarz et Steininger (1997) soutiennent que les ententes de

partenariat de longue durée basées sur les bénéfices mutuels et sur les calculs « coûts-bénéfices » sont

parmi les motivations qui poussent les entreprises à participer à un réseau d’échanges de sous-produits.

Les entretiens réalisés montrent que les réseaux d’échanges dans le cadre de la valorisation résiduelle se

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309

traduisent principalement par des transactions commerciales ou des ententes moyennant rétribution

entre les entreprises génératrices et utilisatrices des matières résiduelles ou de préconditionnement de

ces mêmes matières. Cependant, ces réseaux sont flexibles, c’est-à-dire qu’ils s’adaptent aux

circonstances du moment. Ainsi, les échanges (ressources, informations, renseignements) peuvent être

formels, informels ou occasionnels.

L’analyse de la relation « environnement-productivité » fait ressortir le paradoxe de la

valorisation résiduelle. La valorisation résiduelle telle qu’elle a été pratiquée dans les cas étudiés ne

signifie pas toujours la définition d’une politique environnementale qui oriente les activités de

valorisation. En d’autres termes, la valorisation résiduelle ne renvoie pas nécessairement à la

diminution de la consommation des ressources et des émissions toxiques, dimensions qui s’inscrivent

dans les objectifs principaux de l’écologie industrielle (Wernick et Ausubel, 1997; Erkman, 1998). La

définition de l’écologie industrielle mériterait donc d’être élargie. Tous les cas analysés utilisent et

transforment à des degrés divers les matières premières et les sous-produits industriels. Les résultats de

l’étude réalisée indiquent ainsi que seule la valorisation résiduelle à gestion environnementale éco-

efficiente constitue une pratique d’écologie industrielle à l’échelle intra-entreprise. Il est évident que la

valorisation résiduelle, sans gestion environnementale rigoureuse, demeure sur le plan de l’utilisation

des déchets dans les procédés, mais ne constitue pas pour autant une forme d’écologie industrielle. La

valorisation résiduelle ne signifie pas toujours « écologie industrielle ». Dans le même ordre d’idées, les

résultats de l’étude montrent que l’écart entre les deux conceptions « environnement et productivité »

est susceptible de se réduire avec le temps. L’intégration des actions écologiques dans les stratégies des

entreprises engagées dans la valorisation résiduelle repose sur deux facteurs déterminants : la rentabilité

économique et financière de l’entreprise et le développement, dans le temps, des compétences

organisationnelles de l’entreprise.

La présente thèse contribue au développement de l’écologie industrielle comme domaine

d’étude et de recherche de trois manières principales.

D’abord, en partant de la conceptualisation de la valorisation résiduelle en termes d’introduction,

de transformation, d’échange et de marché, la thèse propose une typologie des pratiques de

valorisation résiduelle. Les pratiques d’écologie industrielle, caractérisées par l’indice de valorisation

(iV) et par l’orientation économique des activités de valorisation, deux éléments qui rendent

intelligible l’opportunité découverte, prennent les formes de primaire optimale, primaire maximale,

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310

secondaire optimale ou secondaire maximale. Cette typologie contribue à mieux comprendre la

valorisation résiduelle comme pratique d’écologie industrielle à partir d’une perspective de gestion. La

typologie proposée par la présente recherche comble le vide laissé par celle de Boons et Baas (1997)

basée essentiellement sur la coordination des activités des entreprises engagées dans une démarche

d’échange des sous-produits ou des matières résiduelles. La même conceptualisation en termes

d’introduction, de transformation, d’échange et de marché permet de mieux comprendre, clarifier et

délimiter les frontières de la valorisation résiduelle comme pratique d’écologie industrielle. Plusieurs

études ont souligné le manque de consolidation, de définitions claires de la plupart des termes et

concepts utilisés en écologie industrielle (O’Rourke, Connelly et Koshland, 1996; Den Hond, 2000;

Lifset et Graedel, 2002). Ces auteurs soutiennent que le manque de clarification et de délimitation des

frontières de l’écologie industrielle constitue un obstacle à son développement comme domaine

d’étude et de recherche. La conceptualisation de la valorisation résiduelle de la présente thèse

contribue à préciser, à partir des observations des liens entre l’industrie et l’écologie, le sens donné aux

activités de récupération et de transformation totale des sous-produits et des matières résiduelles en

identifiant les éléments spécifiques sur lesquels repose cette forme singulière de mise en œuvre des

principes de l’écologie industrielle.

Ensuite, à partir des types de valorisation résiduelle, des modes et des structures de son

fonctionnement, la thèse montre que les difficultés de mise en œuvre des pratiques d’écologie

industrielle se traduisent par une hyper-flexibilité dans l’introduction, la transformation, l’échange et le

développement des marchés, la non-standardisation des procédés industriels, le bas niveau

d’optimisation de l’usage de matière et d’énergie et l’inflexibilité des règlements environnementaux.

Des études théoriques portant sur les obstacles à l’écologie industrielle ont identifié surtout des

difficultés d’ordres structurel, institutionnel, technique et socioculturel (Lifset, 1993; Chertow et Esty,

1997; Wernick et Ausubel, 1997; Allen, 2002). Les résultats de la présente étude indiquent cependant

que les difficultés de la valorisation résiduelle dans les cas étudiés sont plus d’ordre managérial

qu’institutionel, structurel, technique ou socioculturel. Ces difficultés touchent d’abord et avant tout les

diverses fonctions internes (administration, gestion des opérations, ventes et environnement, entres

autres) des entreprises engagées dans la valorisation résiduelle. Si les résultats de l’étude montrent que

l’utilisation et la transformation des matières résiduelles ou des sous-produits industriels sont des

actions stratégiques choisies par les responsables des entreprises (Tibbs, 1993; Esty et Porter, 1998), les

politiques de l’introduction des changements dans les systèmes productifs actuels en vue d’atteindre les

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311

objectifs du développement durable (Frosch et Gallopoulos, 1989; Graedel et Allenby, 1995;

DeSimone et Popoff, 1997; Erkman, 1998; Lifset et Graedel, 2002) se traduisent cependant par

l’approche pragmatique de l’écologie industrielle selon Opoku (2004).

Enfin, l’intensité des obstacles managériaux de la valorisation résiduelle montre la pertinence de

l’apprentissage collectif et du développement des compétences organisationnelles pour continuer à

utiliser et à transformer les matières résiduelles dans des contextes concurrentiels. Ces obstacles

touchent de façon précise les différentes dimensions organisationnelles identifiées : reconnaissance de

l’opportunité et prise de décisions stratégiques, développement des compétences collectives et

organisationnelles et formation des employés, construction de l’avantage concurrentiel et

développement des procédés, amélioration de l’indice de valorisation et gestion efficiente de

l’environnement, entre autres. Ce qui remet en cause deux choses : les approches physico-chimiques

sont les seules qui offrent un cadre de référence, et les bases sur lesquelles devrait reposer l’écologie

industrielle sont un moyen de mettre en œuvre les principes du développement durable. Plusieurs

études théoriques ont tenté de soutenir cette tendance dans le développement actuel de l’écologie

industrielle comme domaine d’étude et de recherche (Allenby, 1999a; 1999b). L’analyse des

mécanismes et du fonctionnement de la valorisation résiduelle à partir d’une perspective empirique

contribue non seulement à valider les différents concepts construits dans la présente recherche, mais

aussi et surtout à montrer que la prise en compte de la dimension managériale ou les expériences de

valorisation des sous-produits industriels dans les entreprises, selon la vision de Boons et Roome

(2001) et de Cohen-Rosenthal (2000), font partie intégrante des thèmes de l’écologie industrielle au

même titre que les modélisations et les analyses physico-chimiques. Ce qui apporte une réponse au

débat actuel portant sur le statut « positif » ou « normatif » de l’écologie industrielle (Lifset et Graedel,

2002). D’où la nécessité d’incorporer l’approche managériale dans le développement de l’écologie

industrielle comme domaine d’étude et de recherche.

Implications de l’étude pour les entreprises

Les résultats de la présente étude ont des implications pertinentes pour les responsables des

entreprises de valorisation résiduelle. Ces implications touchent en particulier trois domaines de

compétence de la gestion des activités d’écologie industrielle à l’échelle intra-entreprise : l’intégration

de nouvelles valeurs écologiques dans la culture de l’entreprise, la validation des savoirs liés à la

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312

valorisation résiduelle et à la préservation de l’avantage concurrentiel, et le choix d’une structure

organisationnelle qui facilite l’innovation des pratiques de valorisation résiduelle.

Les résultats de la recherche suggèrent qu’indépendamment des secteurs d’activités et des sous-

produits introduits dans les procédés productifs, la conscientisation des employés aux réalités de la

récupération et de la transformation des matières résiduelles constitue une priorité pour le succès des

pratiques d’écologie industrielle. Cette conscientisation repose d’abord et avant tout sur la promotion

de nouvelles valeurs écologiques et sur l’exemple d’un comportement « pro environnemental » de la

part des gestionnaires eux-mêmes. Ces résultats sont consistants avec les postulats selon lesquels

l’implantation des pratiques d’écologie industrielle, en particulier la valorisation résiduelle, repose sur la

sensibilisation des employés aux changements de mentalités, de comportements et d’habitudes de

travail (Hawken, 1993; Cohen-Rosenthal, 2000; Filho, 2002). Comme le montrent les résultats de

l’étude, dans la gestion des projets d’écologie industrielle, les dimensions « industrie », « productivité »,

« matière » et « profit économique » l’emportent sur les dimensions « écologie », « éco-efficience »,

« analyse » et « bénéfice environnemental ». En d’autres termes, dans la culture de l’entreprise, il existe

un écart entre les conceptions pragmatiques et les conceptions écologiques de la valorisation. Les

dirigeants des entreprises de valorisation résiduelle devraient donc porter une attention particulière à la

formation et à l’engagement des gestionnaires dans la promotion des valeurs écologiques au sein de ces

mêmes entreprises. Les gestionnaires se doivent de faire preuve de plus de flexibilité et d’adopter des

politiques internes qui visent à intégrer les valeurs écologiques et à établir l’équilibre – dans la culture et

le comportement quotidien des activités de valorisation résiduelle – entre l’écologie et l’économie de

l’entreprise ou encore l’utilisation des matières résiduelles et la recherche du bénéfice économique. Le

cadre de travail portant sur la valorisation résiduelle devrait refléter les croyances et les normes de

protection de l’environnement et de réalisation du bénéfice à partir des matières résiduelles. L’absence

de plans d’action visant le développement d’une culture écologique au sein des entreprises de

valorisation résiduelle pourrait avoir comme conséquence le manque de motivation et d’engagement

de la part des employés hautement qualifiés et sensibles aux valeurs de la protection de

l’environnement. Ce qui pourrait mener à la perte de l’avantage concurrentiel de l’entreprise

nonobstant les idées innovatrices de valorisation résiduelle conçues et mises en œuvre par les

gestionnaires.

La réussite des initiatives de valorisation résiduelle repose, en grande partie, sur l’apprentissage

collectif et sur la maîtrise et l’intégration des diverses compétences liées à plusieurs activités de

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313

l’entreprise (Boiral et Kabongo, 2004). Cet apprentissage collectif des savoirs professionnels

permettrait de maintenir l’avantage concurrentiel des pratiques d’écologie industrielle et, de façon

précise, la valorisation résiduelle telle que l’ont proposé Esty et Porter (1998). Les résultats de la

présente étude suggèrent que la validation des acquis de l’expérience dans le domaine de la valorisation

résiduelle, en particulier la variabilité du flux de matière et les procédés et innovations technologiques,

est susceptible de cristalliser l’acceptation des produits élaborés à partir des matières résiduelles, non

seulement sur les marchés locaux mais aussi et surtout sur les marchés internationaux. Les

gestionnaires des entreprises de valorisation résiduelle devraient faire des choix stratégiques qui visent

la standardisation et la formalisation des procédés et des techniques développés à l’interne. Cette

standardisation permettrait non seulement d’augmenter la performance des équipements mais aussi de

restructurer, dans la majorité des cas, les pratiques de valorisation résiduelle et de conférer une image

moderne aux entreprises de valorisation.

Comme dans toute activité productive et commerciale, la cohérence et le dynamisme de

l’ensemble des pratiques liées à l’introduction, à la conversion, à l’échange et au développement des

marchés assurent la réussite des initiatives de valorisation résiduelle à l’échelle intra-entreprise. Les

exemples étudiés montrent la pertinence d’une bonne planification dans le choix du matériau à

valoriser, les initiatives de récupération et l’innovation technologique. Comme l’ont soutenu Graedel et

Allenby (1995, p. 183-189), les dirigeants des entreprises engagées dans les pratiques d’écologie

industrielle sont appelés à prendre des décisions stratégiques portant sur la technologie, les

équipements, la gestion de matière ou encore le mode de fonctionnement du procédé. Les résultats de

l’étude montrent ainsi que les pratiques de valorisation résiduelle exigent l’équilibre entre les

conceptions pragmatiques et écologiques des produits élaborés à partir des résidus industriels, le

développement de la capacité de l’entreprise à gérer les processus d’affaires et à augmenter son indice

de valorisation, la recherche des réponses rapides aux changements relevant de l’introduction de

nouvelles matières à valoriser, des procédés développés et expérimentés, des besoins spécifiques des

différents marchés et des normes environnementales en vigueur. En d’autres termes, les pratiques de

valorisation résiduelle se déroulent dans des contextes de turbulences et de perpétuels changements.

Ces contextes rentrent dans le cadre de la turbulence telle que conçue par Cameron, Kim et Whetten

(1987) et Ansoff et MacDonell (1990). La turbulence entraîne des modifications, dans l’environnement

de l’entreprise, qui auront un impact sur la structure organisationnelle (Gueguen, 1999). La majorité

des cas analysés présentent cependant des structures organisationnelles propres aux contextes

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paisibles. Ces structures sont centrées sur le regroupement par fonction, en particulier les ressources

humaines, les ventes, les opérations et l’environnement, ou encore sur le regroupement par processus.

La particularité des activités industrielles de valorisation résiduelle et la recherche de l’efficacité de la

prise de décisions stratégiques face aux enjeux économiques, politiques, légaux et socioculturels

entourant les pratiques de valorisation résiduelle exigent que les gestionnaires explorent d’autres types

de structures organisationnelles beaucoup plus flexibles. Cette restructuration organisationnelle de

l’ensemble des activités de valorisation résiduelle permettrait une accélération du processus

d’apprentissage collectif et du développement des compétences liées à plusieurs projets d’écologie

industrielle.

Limites de l’étude et avenues de recherche

Comme toute recherche, la présente étude sur les mécanismes de la valorisation résiduelle

comporte des limites qu’il convient de souligner. Cette étude, qui porte sur un domaine de recherche

encore peu exploré, a démontré que les expériences de valorisation résiduelle à l’échelle intra-

entreprise font partie des thèmes de l’écologie industrielle. Les limites de la présente étude ouvrent des

voies à d’autres avenues de recherche. Des études ultérieures pourraient permettre d’approfondir les

aspects déjà explorés et de s’orienter vers des études de cas qualitatives, quantitatives ou encore mixtes,

plus étoffées. D’abord, la recherche a reposé sur une approche qualitative, empirique et inductive

prenant la forme d’une étude de cas qui emprunte des éléments de la grounded theory. Ce qui a permis

d’explorer les réalités entourant les pratiques de valorisation résiduelle telles que vues par les

participants et aussi de construire des concepts à partir des informations recueillies (Silverman, 1993)

plutôt que de vérifier la portée des idées généralement acceptées en écologie industrielle. Ensuite, la

nature même de l’objet d’étude et la complexité des questions portant sur l’écologie industrielle, en

particulier la valorisation résiduelle, confèrent une limite à la généralisation des résultats de la présente

étude (Eisenhardt, 1989; Maxwell, 1999).

La compréhension des pratiques de valorisation résiduelle s’est faite en grande partie à partir des

expériences d’un groupe particulier de personnes rencontrées : les gestionnaires de haut niveau

(ressources humaines, finances, ventes, gestion des opérations et environnement) des entreprises

étudiées. En effet, seuls les entretiens auprès de ces responsables ont été pris en compte. Or, la plupart

de ces gestionnaires occupent des postes de directeur général ou de vice-président. Ce qui induit deux

limites portant sur les erreurs les plus répandues de la perception d’un phénomène (Schermerhorn,

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Hunt et Osborn, 2002; Robbins, 1996). En premier lieu, les dimensions associées à la mise en œuvre

de la valorisation résiduelle peuvent avoir été perçues à partir d’une perspective monolithique reposant

sur l’une ou l’autre des caractéristiques de chaque dimension. Ces dimensions portent en particulier sur

les activités de chaque entreprise, le contexte opératoire, les motivations et les niveaux d’intégration

des pratiques de valorisation des matières résiduelles, les types de synergie industrielle, les

performances commerciales et environnementales, les difficultés rencontrées dans la gestion

quotidienne des ressources humaines, la gestion des opérations, les ventes et l’environnement. Ce qui

pourrait se traduire par un effet de halo. En deuxième lieu, étant donné que les différentes dimensions

analysées portent, de façon générale, sur l’efficacité ou non des pratiques de la valorisation résiduelle

adoptées par les gestionnaires, ceux-ci ont tendance à être sensibles aux questions relevant des activités

qu’ils ont planifiées et dont ils ont la charge. Cette sensibilité peut avoir marqué les réponses favorables

ou critiques, selon les circonstances, aux multiples questions portant sur les mécanismes, le

fonctionnement et les problèmes précis de la valorisation résiduelle dans le cadre de l’étude. Ce qui

montre l’inclination des gestionnaires à définir et à percevoir l’efficacité organisationnelle à la lumière

de leurs propres valeurs, attentes ou encore programmes d’actions (Quinn et Rohrbaugh, 1983; Weick

et Daft, 1983; Zammuto, 1984). Les caractéristiques particulières des personnes rencontrées lors des

entretiens constituent ainsi une des limites de l’étude. Celle-ci n’a pas pu compter sur les expériences

de valorisation résiduelle des opérateurs ou des employés de la base. Ces expériences auraient sans

doute apporté une vision mitigée de l’ensemble du phénomène étudié. Les études ultérieures

pourraient prendre en compte un échantillon plus élargi. Cet échantillon pourrait inclure, par exemple,

des niveaux de gestion plus diversifiés, avec entretiens auprès d’opérateurs et d’employés de la base. La

préoccupation de l’étude justifie cependant le choix des entretiens auprès des gestionnaires de haut

niveau : la connaissance à fond du dossier « écologie industrielle » de la part des responsables qui ont,

pour la plupart, participé à la planification du projet de départ et qui s’occupent de sa gestion

quotidienne. Ainsi, en raison du caractère exploratoire des entretiens réalisés et qui portaient sur la

mise en œuvre des pratiques d’écologie industrielle, en particulier la valorisation résiduelle, en raison

aussi de l’échantillonnage réduit, la validité externe de la présente étude est limitée. Les conclusions de

l’étude demeurent donc préliminaires. Par contre, la méthodologie utilisée permet une bonne validité

interne (Yin, 1989).

Comme il a déjà été mentionné, la collecte de données a reposé, en grande partie, sur des

entretiens individuels avec des responsables des entreprises étudiées. Ce qui a permis de recueillir

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beaucoup d’informations sur des aspects divers sur lesquels reposent les activités de valorisation

résiduelle. Au total, soixante entretiens (d’une durée d’environ une heure et demie) ont été réalisés

auprès de gestionnaires, de fonctionnaires du ministère de l’Environnement du Québec et

d’entreprises du conditionnement des sous-produits. Les entretiens enregistrés ont été ensuite écoutés

et retranscrits dans leur intégralité (verbatims) sur traitement de texte. La grande quantité d’informations

recueillies lors des entretiens constitue également une limite. En effet, l’analyse d’une telle quantité de

données qualitatives s’avère difficile et présente beaucoup de défis (Colley et Diment, 2001).

D’une part, l’interprétation de ces données collectées, bien que reposant sur la comparaison des

résultats globaux de chacun des cas étudiés, constitue une simplification significative des expériences

de la valorisation résiduelle telles qu’elles ont été racontées par les gestionnaires rencontrés. Les

différents modèles proposés dans la présente étude portant sur la définition et les éléments de la

valorisation résiduelle, la typologie de la valorisation, l’intégration de l’écologie et de l’économie de

l’entreprise, la matrice des problèmes de valorisation résiduelle ainsi que les types de réglementation

environnementale ont été construits à partir de cette simplification. Ces modèles présentent donc des

limites. Le calcul de l’indice de valorisation, par exemple, qui permet de mesurer l’efficience de la

transformation des sous-produits et des matières résiduelles introduits et transformés dans les

procédés industriels ne constitue qu’une façon approximative et simplifiée de comprendre l’axe

matériel de la valorisation résiduelle. Il était cependant indispensable d’incorporer cette dimension

numérique dans l’analyse des pratiques de valorisation résiduelle. En effet, les études portant sur la

récupération des produits rebutés à haute valeur ajoutée (Guide et Van Wassenhove, 2001; Guide,

Teunter et Van Wassenhove, 2003; Inderfurth, 2005) ont montré la pertinence de l’analyse numérique

des produits récupérés. C’est sur cette analyse que reposent les différentes stratégies d’optimisation de

la récupération adoptées par les dirigeants des entreprises. Il aurait été intéressant d’approfondir la

manière d’obtenir les deux composantes de la formule de l’indice de valorisation : la quantité valorisée

et la quantité introduite des matières résiduelles. Ce qui aurait permis d’obtenir des données précises et

concises et, ainsi, d’explorer d’autres paramètres du modèle des types de valorisation résiduelle

proposé dans la présente recherche. Des études plus poussées s’imposent concernant la prise en

compte de certaines données statistiques d’analyse des pratiques de valorisation résiduelle, en

considérant les différentes fonctions de l’entreprise - ressources humaines, finances, marketing, gestion

des opérations ou gestion de l’environnement. L’idéal serait de mettre au point une formule visant à

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calculer l’indice de valorisation à partir de certaines données quantitatives précises de l’entreprise. Les

entretiens réalisés n’ont pas permis d’accomplir cette tâche.

D’autre part, en raison de leur caractère trop technique, certaines données collectées, en

particulier des descriptions portant sur les procédés mis en place ou encore des compositions physico-

chimiques de matières résiduelles, n’ont pu être exploitées en profondeur dans l’analyse et

l’interprétation des résultats.

Les données recueillies sur la gestion environnementale de la valorisation résiduelle n’ont pas

permis d’approfondir la dimension de la gestion durable des matières et des ressources dans les

procédés de production. D’une part, l’analyse des pratiques de la gestion environnementale a reposé

essentiellement sur l’information relative à la définition d’une politique environnementale et sur le

développement des indicateurs de mesure des performances environnementales. De nombreuses

études portant sur l’optimisation de l’usage des matières et de l’énergie ont montré non seulement la

complexité de ces mesures, mais aussi et surtout la nécessité de prendre en compte plusieurs

paramètres (Wernick et Ausubel, 1997; Theyel, 2000; Bringezu et Moriguchi, 2002; Rogis et Matos,

2002). La plupart des entreprises visitées ne mesurent pas encore l’impact de la réduction de l’intensité

énergétique, la réduction de la dispersion des substances toxiques, l’augmentation de la capacité de

recyclage des matières, la maximisation de l’utilisation durable des ressources renouvelables,

l’augmentation de la durabilité des biens et services, tous des éléments clés de l’éco-efficience selon le

WBCSD (2000). De même, l’intégration des réalités économiques et écologiques dans les indicateurs

de performance pour l’ensemble des activités de l’entreprise rend complexe le calcul des différents

indicateurs d’éco-efficience (Helminen, 2000; Farber, Constanza et Wilson, 2002).

D’autre part, si les participants à l’étude ont fourni beaucoup d’informations sur les aspects

techniques de leurs pratiques de valorisation résiduelle, la plupart d’entre eux n’ont pas répondu de

façon spécifique à des questions portant sur la gestion environnementale de ces mêmes pratiques.

Leurs réponses se limitaient souvent à montrer, par quelques exemples, le niveau très avancé atteint

par leurs entreprises respectives sur le plan du contrôle des émissions, et cela, indépendamment de

leurs activités relatives à l’écologie industrielle, au respect de la réglementation de façon générale et aux

investissements assez importants réalisés pour arriver à une certaine maîtrise des problèmes liés à

l’environnement. Ce qui montre la complexité des questions portant sur la gestion environnementale

des activités de valorisation résiduelle. Chaque dimension portant sur ces questions semble avoir été

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perçue de façon différente selon les répondants. En effet, comme l’ont montré certaines études, la

notion d’efficacité ou de performance - ici, environnementale - tend à prendre des significations

différentes selon les contextes précis des entreprises (Pennings, 1975; Burrell et Morgan, 1979; Gold,

1998). Des recherches futures sont nécessaires afin d’évaluer les pratiques de valorisation résiduelle

adoptées par les dirigeants d’entreprises pour montrer les liens entre ces pratiques et l’efficience de

l’usage des ressources disponibles.

La perspective de recherche adoptée dans cette thèse privilégie l’analyse critique et systématique

des actions, des décisions et des stratégies des entreprises dans la valorisation des sous-produits

industriels, et de leurs implications dans la gestion de celles-ci. Les résultats de cette analyse critique

offrent des outils pour la compréhension, l’enseignement et la promotion de l’écologie industrielle, de

même qu’une orientation en matière de politiques liées à la réglementation environnementale.

Cependant, cette même perspective limite l’analyse des facteurs économiques, politiques, légaux et

sociaux qui influencent la récupération et la transformation des sous-produits et des matières

résiduelles dans les procédés de production. Dans le même ordre d’idées, l’étude n’a pas pu montrer,

par exemple, les liens qui existent entre les pratiques de valorisation résiduelle dans les entreprises

analysées et le développement économique des régions respectives ou encore la réduction des gaz à

effet de serre dans la perspective du Protocole de Kyoto.

En raison de la diversité des secteurs industriels analysés et en raison, aussi, de la variété des

mesures de valorisation résiduelle mises en application dans les cas étudiés, les problèmes identifiés

diffèrent significativement d’une industrie à l’autre. La matrice générale des difficultés de valorisation

selon les perceptions des dirigeants proposée dans la présente étude constitue une façon simplifiée de

présenter ces mêmes difficultés. Bien qu’un effort ait été fourni pour regrouper les problèmes

rencontrés sans pour autant minimiser ceux qui ne semblent pas être récurrents, force est de

reconnaître que chaque secteur industriel présente des difficultés propres.

Il serait certainement intéressant d’analyser les problèmes de la valorisation résiduelle par

secteurs industriels. Les analyses sectorielles de la valorisation résiduelle reposeraient sur les pratiques

de récupération et de transformation des types spécifiques de matières résiduelles ou sous-produits

industriels : pneus hors d’usage, batteries au plomb-acide ou encore scories d’acier inoxydable. En

plus, ces études pourraient prendre en compte un échantillon plus élargi. Cet échantillon pourrait

inclure, par exemple, outre les entreprises oeuvrant dans un même secteur industriel, avec entretiens

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auprès de gestionnaires et d’employés, d’autres acteurs principaux autour desquels gravitent les

pratiques d’écologie industrielle dans ce secteur spécifique, à savoir les entreprises de

préconditionnement des matières, les fournisseurs de diverses matières résiduelles, les entreprises

réceptrices de résidus, mais aussi les organismes de subventions, les fonctionnaires des ministères

concernés, comme ceux de l’Environnement, des Transports, de l’Agriculture et bien d’autres. Comme

l’ont suggéré quelques auteurs (Sagar et Frosch, 1997; Wells et Seitz, 2005), l’analyse sectorielle des

symbioses industrielles permet de mieux comprendre les enjeux de la fermeture des boucles

productives. Les résultats de ces études autoriseraient l’approfondissement des problèmes spécifiques

de valorisation résiduelle explorés dans la présente étude.

Étant donné le dynamisme de l’ensemble des activités liées à l’introduction, à la conversion, à

l’échange et au développement des marchés, activités qui constituent le cœur des pratiques de

valorisation résiduelle à l’échelle de l’entreprise - comme les résultats de la recherche ont tenté de le

démontrer -, une piste de recherche supplémentaire est, bien sûr, l’analyse comparative de ces activités

dans le temps.

L’étude réalisée constitue une exploration des mécanismes et du fonctionnement de la mise en

œuvre des initiatives de valorisation résiduelle comme pratique d’écologie industrielle. La

compréhension des enjeux de ces initiatives pour la gestion des entreprises engagées dans cette

démarche ainsi que les difficultés auxquelles les gestionnaires de ces mêmes entreprises font face

suppose qu’il faille croiser de multiples dimensions liées à l’environnement, à l’économie et à la société.

La présente recherche tâche de porter à la connaissance des chercheurs, des décideurs et des praticiens

des pistes par lesquelles la compréhension des processus d’utilisation et de transformation des matières

résiduelles ou des sous-produits devrait être focalisée, et ce, en rapport avec la promotion des

initiatives d’écologie industrielle dans les entreprises. N’est-ce pas là, pour reprendre Van Doren

(2002), une façon élégante de faire évoluer l’ensemble des systèmes industriels actuels vers un mode

de fonctionnement viable, à l’image de la biosphère actuelle et en harmonie avec elle?

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University.

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ANNEXES

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LE QUESTIONNAIRE DE RECHERCHE

QUESTIONNAIRE SUR LA VALORISATION DES SOUS-PRODUITS INDUSTRIELS (QVSPI)

AU RESPONSABLE DES OPÉRATIONS OU DE L’ENVIRONNEMENT

ENQUÊTEUR : JEAN KABONGO D. DATE :

1. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR L’ENTREPRISE

• Nom de l’entreprise : • Activités de l’entreprise : • Secteur d’activités : • Début des activités de l’entreprise : • Début des pratiques de valorisation des sous-produits industriels (VSPI) : • Nombre total d’employés : • Structure organisationnelle : • Les grandes fonctions de la structure organisationnelle : • Mission de l’entreprise : • Avez-vous une politique environnementale? Quels en sont les principaux objectifs? • Y a-t-il des personnes qui travaillent à temps plein à la fonction « environnement »?

Combien?

1.1. Production

1.1.1. Types de production : 1.1.2. Importance de la production (tonnes par jour ou par an) : 1.1.3. Niveau d’intégration des pratiques d’écologie industrielle

• Type 1 : • Type 2 : • Type 3 : • Type 4 :

1.1.4. Types de synergie industrielle :

• Transformation des produits finis ou semi-finis en matières premières (SI 1) : • Transformation des résidus industriels en matières premières (SI 2 ) : • Utilisation des déchets industriels dans l’un ou l’autre procédé (SI 3) : • Valorisation énergétique (SI 4) :

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• Substitution de certaines matières premières de base (SI 5) :

1.2. Certifications internationales

1.2.1. Série ISO 9000 (année de l’obtention) :

1.2.2. Série ISO 14001 (année de l’obtention) :

2. LA VALORISATION DES SOUS-PRODUITS INDUSTRIELS (VSPI)

2.1. Qu’est-ce que, selon vous, la VSPI? Que faites-vous dans ce domaine? 2.2. Quelles sont, selon vous, les motivations qui ont poussé l’entreprise à investir dans les

stratégies de VSPI? 2.3. Quels sont les facteurs internes et externes qui ont le plus favorisé cette option? 2.4. La VSPI constitue-t-elle une stratégie d’affaires qui vous démarque des autres entreprises?

Pourquoi? 3. LES PROCÉDÉS UTILISÉS DANS LA VSPI

3.1. Procédé(s) de base

3.1.1. Quels sont les intrants principaux ou matières premières qui tiennent lieu de VSPI? D’où viennent-ils?

3.1.2. Pourriez-vous décrire les étapes principales (si possible, un schéma)? Par exemple : l’entreposage des matières premières, la préparation du résidu, l’électrolyse, le séchage, le transport, etc.

3.1.3. À combien évaluez-vous la production totale de matières valorisées par rapport à la matière totale introduite dans les différents procédés (indice de valorisation des matières résiduelles)?

3.2. Le choix du procédé

3.2.1. Quelles sont les raisons qui ont poussé l’entreprise à choisir ce procédé? 3.2.2. Avez-vous procédé par un projet pilote? Si oui, quels ont été les résultats obtenus?

3.3. L’équipement nécessaire

3.3.1. Quel est le coût total de l’équipement utilisé? 3.3.2. Avez-vous eu recours à une main-d’œuvre spécialisée et technique pour son

utilisation?

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4. PERFORMANCES DE L’ENTREPRISE

4.1. Performances financières et économiques 4.1.1. Est-ce que les stratégies de VSPI mises en œuvre permettent à l’entreprise d’être

performante sur le plan financier?

• Augmentation des parts de marché : • Croissance des exportations : • Amélioration de la rentabilité :

4.2. Performances environnementales

4.2.1. Quels sont les indicateurs de performance environnementale utilisés par votre

entreprise (l’éco-efficience)?

• Indicateur d’intensité énergétique : • Indicateur d’intensité des déchets : • Indicateur d’intensité de l’eau :

4.2.2. Dans la définition des stratégies de VSPI, comptez-vous sur l’information en termes

de flux de matière et d’énergie dans les systèmes de production en rapport avec l’environnement?

5. LES PROBLÈMES RENCONTRÉS DANS LA MISE EN ŒUVRE DES STRATÉGIES DE VSPI

• Quels sont, de façon générale, les problèmes rencontrés dans la mise en œuvre des pratiques de

VSPI? • Quels sont les problèmes rencontrés dans les domaines précis suivants?

5.1. RESSOURCES HUMAINES

5.1.1. Recrutement de la main-d’œuvre qualifiée. 5.1.2. Implication du personnel dans le développement des comportements en matière de

qualité, d’environnement et de santé-sécurité au travail. 5.1.3. Taux de rotation du personnel. 5.1.4. Relations avec les groupes écologistes. 5.1.5. Relations avec les gouvernements (niveaux provincial et régional).

5.2. FINANCES

5.2.1. La comptabilité des activités environnementales. 5.2.2. L’adaptation de la fonction économique à la fonction écologique. 5.2.3. Les coûts des équipements pour la VSPI.

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5.2.4. La pérennité des pratiques de VSPI dans le secteur d’activités (rentabilité, opportunité unique d’affaires).

5.2.5. L’obtention des résultats à court terme.

5.3. GESTION DES OPÉRATIONS

5.3.1. L’approvisionnement en matières premières. 5.3.2. Le transport des matières résiduelles (dangereuses). 5.3.3. La localisation de l’entreprise. 5.3.4. L’adaptation de la technologie aux exigences environnementales. 5.3.5. L’effet de l’apprentissage (arrêts-départs des équipements). 5.3.6. L’obtention des permis pour opérer et travailler avec les matières dangereuses

(ministères, etc.). 5.3.7. La valorisation de tous les déchets générés par les procédés de l’usine. 5.3.8. Les réseaux de récupération des matières résiduelles (fournisseurs). 5.3.9. La substitution des matières pour optimiser les ressources. 5.3.10. La dépendance des systèmes de production et de consommation pour avoir accès aux résidus. 5.3.11. Les procédés de VSPI mis en place. 5.3.12. La qualité du produit issu de la VSPI. 5.3.13. Les coûts d’opération par tonne de matière valorisée. 5.3.14. Le facteur « perte de matière ». 5.3.15. La génération des déchets non-valorisables. 5.3.16. L’optimisation de l’usage de matière et d’énergie par procédé

(productivité). 5.3.17. L’analyse du cycle de vie des produits et des procédés. 5.3.18. Les indicateurs de performance énergétique. 5.3.19. L’adaptation aux nombreuses demandes des clients (les divers

codes de fabrication selon les clients).

5.4. VENTES

5.4.1. La recherche des partenaires commerciaux et le positionnement des produits (sous-produits de la VSPI).

5.4.2. La qualité des produits par rapport aux exigences des clients. 5.4.3. La concurrence avec les produits issus de la première valorisation (première fonderie,

etc.).

5.5. ENVIRONNEMENT

5.5.1. Les exigences environnementales (rencontrer et dépasser les normes, attitude proactive, etc.).

5.5.2. Les niveaux de pollution de l’air, de l’eau et des sols. 5.5.3. Les indicateurs de performance environnementale (intensité des déchets, de l’eau et

de l’énergie).