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Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1982, 1 (4), 1177-1189. La varroase M.E. COLIN* Résumé : La varroase est une maladie parasitaire des abeilles dont l'agent pathogène Varroa jacobsoni a été identifié en 1964 en Europe de l'Est. Depuis cette époque, la maladie s'est répandue dans de nom- breux pays en raison de sa grande contagiosité et a détruit des milliers de ruches. L'auteur décrit d'abord l'anatomie de l'agent pathogène, son mode d'alimentation et son cycle évolutif. La contamination est assurée par les abeilles adultes ou par le couvain. Apis mellifica est très sensible à l'infestation à la différence d'Apis cerana. Les effets exercés par les parasites sur les abeilles sont essentiellement de nature irritative et spo- liatrice. La Symptomatologie de la varroase se caractérise par une période prépatente très longue (au moins deux ans) et une fréquente association avec des maladies microbiennes intercurrentes. Le diagnostic repose sur la recherche des acariens (sur les abeilles adultes, le couvain, les débris hivernaux) mais surtout sur le résultat du traitement d'épreuve. Les modalités de traitement et les principaux produits utilisables ainsi que les mesures de prophylaxie sanitaire sont présentés dans la dernière par- tie de l'article. Synonymes : varroatose, varroose. La varroase est une maladie parasitaire grave, très contagieuse, qui atteint les abeilles adultes et le couvain; elle est due au développement et à la multi- plication d'un acarien parasite externe macroscopique, Varroa jacobsoni (Oudemans). Cette parasitose est commune à Apis cerana et à Apis mellifica. ÉPIDÉMIOLOGIE - HISTORIQUE Apis cerana porte en effet ce parasite, trouvé fortuitement par Jacobson sur l'île de Java. Cependant, cet acarien n'est même pas signalé comme étant pathogène, dans les observations acarologiques d'Oudemans (7). Plus tard, en 1939, Toumanoff (9), spécialiste des maladies des abeilles, mentionne la découverte fortuite de cet acarien par une apicultrice indochinoise, sans lui * Ministère de l'Agriculture, Direction de la Qualité, Services vétérinaires, Laboratoire national de pathologie des petits ruminants et des abeilles, 63, avenue des Arènes, 06000 Nice (France).

La varroase

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Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1982, 1 (4), 1177-1189.

La varroase M.E. COLIN*

Résumé : La varroase est une maladie parasitaire des abeilles dont l'agent pathogène Varroa jacobsoni a été identifié en 1964 en Europe de l'Est. Depuis cette époque, la maladie s'est répandue dans de nom­breux pays en raison de sa grande contagiosité et a détruit des milliers de ruches.

L'auteur décrit d'abord l'anatomie de l'agent pathogène, son mode d'alimentation et son cycle évolutif. La contamination est assurée par les abeilles adultes ou par le couvain. Apis mellifica est très sensible à l'infestation à la différence d'Apis cerana. Les effets exercés par les parasites sur les abeilles sont essentiellement de nature irritative et spo­liatrice.

La Symptomatologie de la varroase se caractérise par une période prépatente très longue (au moins deux ans) et une fréquente association avec des maladies microbiennes intercurrentes. Le diagnostic repose sur la recherche des acariens (sur les abeilles adultes, le couvain, les débris hivernaux) mais surtout sur le résultat du traitement d'épreuve. Les modalités de traitement et les principaux produits utilisables ainsi que les mesures de prophylaxie sanitaire sont présentés dans la dernière par­tie de l'article.

Synonymes : varroatose, varroose.

La varroase est une maladie parasitaire grave, très contagieuse, qui atteint les abeilles adultes et le couvain; elle est due au développement et à la multi­plication d 'un acarien parasite externe macroscopique, Varroa jacobsoni (Oudemans). Cette parasitose est commune à Apis cerana et à Apis mellifica.

É P I D É M I O L O G I E - H I S T O R I Q U E

Apis cerana porte en effet ce parasite, trouvé fortuitement par Jacobson sur l'île de Java. Cependant, cet acarien n'est même pas signalé comme étant pathogène, dans les observations acarologiques d 'Oudemans (7). Plus tard, en 1939, Toumanoff (9), spécialiste des maladies des abeilles, mentionne la découverte fortuite de cet acarien par une apicultrice indochinoise, sans lui

* Ministère de l'Agriculture, Direction de la Qualité, Services vétérinaires, Laboratoire national de pathologie des petits ruminants et des abeilles, 63, avenue des Arènes, 06000 Nice (France).

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accorder un intérêt de pathologiste. De même, en Oussourie soviétique, Var­roa a été signalé une première fois en 1950 sur Apis cerana. Les années sui­vantes, la présence du parasite fut décelée dans toute l 'aire géographique d'Apis cerana (selon les observations de Kœniger (6), la maladie frapperait seulement les mâles d'Apis cerana). Le passage du parasite sur Apis mellifica semble dater des années 1960. Car, dans la région soviétique d'Oussourie, Poltev fit une étude approfondie sur une maladie inhabituelle des abeilles mellifiques mais cet excellent clinicien ne conclut pas à la présence de Varroa jacobsoni entre les années 1946 et 1963. Et c'est en 1964 que l'acarien fut découvert sur Apis mellifica dans cette même zone. Puis, en moins de dix années, la plupart des ruchers de l 'U.R.S.S. furent atteints, du fait de la transhumance et du commerce intérieur. Il est aussi probable que le même phénomène d'adaptation se soit produit dans d'autres régions de brassage des deux espèces d'abeilles. C'est à partir de ces lieux que la parasitose a été rapi­dement propagée lors des mouvements commerciaux : ainsi l 'Amérique du Sud a été contaminée par des abeilles importées du Japon, qui lui-même avait acheté des colonies dans l'archipel indonésien.

Dans de nombreux pays, la varroase est considérée comme étant la plus grave maladie connue à ce jour chez l'abeille domestique. Par exemple, les pertes se sont chiffrées en centaines de milliers de ruches rien que pour l 'Europe de l'Est.

É T I O L O G I E

A. L 'AGENT P A T H O G È N E

Embranchement : Arthropodes Sous-embranchement Chélicérates Classe : Arachnides Ordre : Acariens Sous-ordre : Parasitiformes Famille : Dermanissidae (Gamasidae ?) Sous-famille : Varroïnae Genre : Varroa Espèce : V. jacobsoni

1. Anatomie.

La description porte d 'abord sur la femelle adulte de l'acarien car elle représente la forme de dissémination et de résistance de l'espèce hors du cou­vain d'abeilles.

La femelle de Varroa jacobsoni mesure environ 1,1 mm de long sur 1,6 mm de large; sa coloration varie du marron clair au marron foncé; sa

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forme est elliptique avec une légère concavité de la partie supérieure de la carapace; le corps n ' a pas la possibilité de se dilater. Elle est donc visible à l 'œil nu.

Toutes les parties de son corps sont recouvertes de soies plus ou moins longues ou ondulées.

L'idiosome est constitué de plusieurs plaques cuticulaires. Il porte ventra-lement quatre paires de pattes courtes et puissantes, chacune terminée par une ventouse. La première paire de pattes porte des sensilles chémoréceptri-ces.

Le gnathosome se trouve en avant du corps et fait légèrement saillie. Les pédipalpes mobiles recouverts de nombreux poils servent d'organes du tou­cher. Sous les pédipalpes, l'orifice gnathosomal s'ouvre entre les chélicères qui ont un double rôle sensitif et mécanique dans la perforation de la cuticule de l'abeille. Un pharynx musculeux permet la succion de l 'hémolymphe de l 'hôte après la piqûre.

A l'extrémité postérieure se situe l'orifice anal. Les deux stigmates respi­ratoires sont placés ventralement et antérieurement; ils sont entourés par un péritrème muni d 'un tube péritrémal mobile. L'orifice génital est caché par la plaque ventrale.

Le mâle et les formes immatures de Varroa jacobsoni n'existent qu ' à l'intérieur du couvain operculé. Le mâle mesure environ 0,8 mm de diamètre. Il est grossièrement sphérique, de couleur blanc-gris ou jaune. Sa carapace est molle. Son appareil buccal n'est pas adapté à la succion de l 'hémolymphe. Les chélicères modifiés permettent le transport des spermatophores.

Les œufs de Varroa jacobsoni sont blanchâtres, entourés d 'une enveloppe contenant le vitellus. Ils mesurent 0,5 mm. La larve enfermée dans la mem­brane de l 'œuf est grossièrement sphérique et mesure 0,5 mm de diamètre. On distingue les trois paires de pattes et les chélicères.

Les protonymphes issues des larves sont mobiles, mesurent 0,7 mm et sont de couleur blanchâtre. Il est très difficile de distinguer mâles et femelles à ce stade.

Les deutonymphes femelles ont à peu près la forme et la taille de l 'adulte mais sont de coloration blanche; il en est de même pour les deutonymphes mâles qui ressemblent à l 'adulte mais sont plus petits et de forme globuleuse par rapport à la femelle.

2. Alimentation.

a) Aux dépens des abeilles adultes : Seule la femelle de Varroa jacobsoni est parasite des adultes, mâles de

préférence, ouvrières ou reine.

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Les acariens sont portés plus fréquemment par les faux-bourdons ou les ouvrières récemment écloses qui ne quittent pas la ruche.

Les jeunes femelles de Varroa jacobsoni restent au minimum 4 à 5 jours sur l'abeille adulte avant d'aller parasiter une larve d'abeille. Selon Smirnov, un parasite femelle pesant 0,3 mg ferait une prise d 'hémolymphe de 0,1 mg toutes les deux heures pendant la période d'été.

Les protéines de l'abeille passent pratiquement intactes dans l 'hémolym-phe du parasite, puis plus tard contribuent à la vitellogenèse du Varroa (8).

b) Aux dépens du couvain d'abeilles : La femelle de l'acarien semble dépendre du stade de développement de

son hôte pour le déclenchement de sa propre ponte. Néanmoins, elle aspire l 'hémolymphe des formes immatures de l'abeille à n ' importe quel stade. Les proto- ou deutonymphes des femelles de Varroa jacobsoni sont parasites alors que les mâles seraient détritivores.

3. Cycle.

Chez Apis cerana, le cycle de reproduction n'est complet que dans les alvéoles du couvain mâle : la femelle de Varroa jacobsoni peut être présente dans le couvain d'ouvrières mais alors la ponte n'est pas déclenchée.

Au contraire, le couvain de mâles ou d'ouvrières d'Apis mellifica permet la reproduction du parasite.

La femelle fécondée se glisse dans l'alvéole juste avant l 'operculation; plusieurs acariens sont capables d'infester la même cellule; ainsi, il est fré­quent de trouver cinq à dix femelles dans un alvéole de faux-bourdon. La ponte débute après que la larve ait tissé son cocon, c'est-à-dire au stade prénymphal. Chaque femelle dépose de 2 à 8 œufs sur les parois de la cellule. Le nombre d'œufs pondus dépend partiellement de la saison. Au printemps, la ponte est maximale, puis diminue quand l'activité de la colonie baisse (le couvain mâle n'est plus présent) et s'arrête lorsque les abeilles sont en hiver­nage. Pendant la mauvaise saison, le couvain est en principe absent, mais il arrive que la gêne causée dans la grappe d'abeilles par la présence du parasite induise une température suffisante pour la ponte de la reine. Les œufs de Varroa mûrissent isolément et sont pondus de même. L'embryogénèse dure 24 heures. La transformation de la larve en protonymphe nécessite 24 heures. Cette phase dure trois jours chez le mâle, cinq jours chez la femelle. Le stade deutonymphal persiste un jour ou deux.

Finalement, le développement complet du parasite mâle adulte s'étale sur 6 ou 7 jours et celui du parasite femelle sur 8 à 9 jours . L'accouplement a lieu aussi dans la cellule operculée. Le mâle meurt alors. Les parasites adultes sor­tent de l'alvéole en même temps que la jeune abeille. Un délai de maturation d'au moins cinq jours est nécessaire à la jeune femelle avant de pondre. Une femelle fondatrice de ce parasite ne peut que rarement entreprendre un second cycle de ponte.

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La durée de vie des acariens femelles est de l 'ordre d 'un mois en période de reproduction et d'environ six mois sur la grappe d'abeilles pendant la mauvaise saison.

B. MODALITÉS D' INFESTATION

La source de contamination est représentée soit par les abeilles adultes, quelle que soit leur caste, soit par le couvain. Le rôle des colonies sauvages est important . La survie des femelles de Varroa jacobsoni hors de leur hôte ne peut excéder dix jours . Cependant, ce délai assez bref autorise quand même des contaminations indirectes par des parasites portés par du matériel apicole n 'ayant pas subi une quarantaine adéquate. Certains auteurs ont remarqué qu 'un acarien déposé sur une fleur pouvait infester une autre abeille pendant le butinage. Les guêpes ou les bourdons ne sont qu'exception­nellement vecteurs de parasites. Le mode essentiel de contamination est donc direct.

Dans le rucher, le pillage, la dérive des butineuses, les errements des faux-bourdons, les manipulations de l'apiculteur sont les principales causes d'extension de la parasitose.

De rucher à rucher, la contamination naturelle survient par le pillage, la dérive ou le vol nuptial de la reine. Selon Smirnov (5), le délai d'infestation est de 32 jours si les ruchers sont distants de 100 m, de 73 jours si l'intervalle est de 500 m. En trois mois (belle saison), l'extension naturelle est de 6 à 11 km, toujours selon cet auteur.

Cette vitesse de propagation naturelle est négligeable par rapport à celle occasionnée par la transhumance des ruches ou le commerce national ou international de matériel biologique.

C. FACTEURS DE RÉCEPTIVITÉ

L'espèce joue un rôle important puisque Apis cerana ne subit que peu de dommages, car seul son couvain mâle est infesté gravement, alors que le même parasite détruit les colonies d'Apis mellifica.

Il semble aussi que des facteurs raciaux puissent être distingués.

Les facteurs climatiques interviennent dans la mesure où ils influencent le comportement de la colonie; par exemple, la présence de couvain pendant la plus grande partie de l 'année dans les pays méditerranéens modifie le cycle saisonnier de la parasitose. Le rôle des essaims sauvages est plus important pour l 'extension de la maladie dans ces mêmes pays.

La conduite des colonies est le facteur essentiel de la réceptivité des popu­lations. L'élimination des colonies faibles ou orphelines est une mesure indis­pensable pour la limitation de cette maladie en particulier. L'âge de la reine

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influence aussi la parasitose. Le nourrissement des colonies semble aussi très important. Selon Smirnov, la mort de la colonie est inévitable si les acariens sont au taux de 14 pour 100 abeilles et si la colonie a reçu 10 kg de sucre en nourrissement. Cette issue fatale ne se produit naturellement qu 'au taux de 50 acariens pour 100 abeilles.

P A T H O G É N I E

1. Action mécanique et irritative.

L'abeille adulte, ouvrière ou faux-bourdon, subit un ralentissement de son activité si elle porte plusieurs parasites qui occasionnent une surcharge.

Dans le couvain, il semble que l'acarien ait une action irritative sur la larve d'abeille, qui se traduit par quelques mouvements désordonnés.

2. Action spoliatrice.

Une action spoliatrice globale en protéine a été démontrée. Elle peut aller jusqu 'à 20% du taux de protéines de la nymphe. Le nombre d'hémocytes diminue aussi. Une spoliation sélective n ' a pas encore été mise en évidence.

Le bilan de cette action se traduit toujours par une diminution de la lon­gévité des abeilles parasitées et aussi par une baisse de l'activité des reproduc­teurs.

De plus, quand l'infestation des nymphes d'abeille est très importante, elle provoque des malformations des imagos.

3. Action toxique.

Elle n ' a pas été mise en évidence.

4. Action vectrice.

Les lésions de la cuticule occasionnées par la piqûre de Varroa jacobsoni sont des portes d'entrée pour des infections secondaires. L'acarien peut aussi transporter des agents pathogènes de l'abeille qui compliquent la parasitose.

S Y M P T Ô M E S

1. Au niveau du rucher.

Après une période prépatente d 'au moins deux ans, les premières mortali­tés surviennent souvent en automne. Elles sont très importantes et intéressent la majeure partie des colonies du rucher. Cet affaiblissement brutal entraîne irrémédiablement la perte des ruches dans les années suivantes.

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2. A u niveau de la ruche.

On constate la présence de nombreux cadavres d'abeilles adultes, ouvriè­res ou faux-bourdons parasités par plusieurs femelles de Varroa. Le nombre d'acariens peut dépasser la dizaine. On note aussi la présence de nymphes ou de jeunes abeilles mutilées. Les ailes sont souvent plissées, raccourcies. Les malformations sont moins fréquentes sur les autres parties du corps.

L'activité de butinage ou d'élevage du couvain est fortement réduite, et la désorganisation de la structure sociale de la colonie s'ensuit à un rythme de plus en plus rapide.

Après ouverture de la ruche, le couvain apparaît disséminé. La ponte de la reine est considérablement ralentie. Seul le couvain ouvert est sain, car la multiplication du parasite s'effectue dans l'alvéole operculé.

Généralement, les opercules restent intacts jusqu 'au moment de l'éclosion de l'abeille. Si la prénymphe ou la nymphe a succombé à un parasitisme trop important, l 'opercule est alors percé par les abeilles nettoyeuses ou peut-être par les Varroa. On remarque facilement les excréments des acariens, qui se présentent sous la forme de longues traînées blanches contrastant avec la cou­leur sombre de l'alvéole. Ce dernier symptôme est encore plus nettement visi­ble dans les larges cellules de faux-bourdons, qui sont préférentiellement infestées.

En conclusion, il est important de souligner :

— la fréquence d'autres maladies du couvain associées à la varroase, puisque l 'acarien est parfois vecteur d'autres agents pathogènes pour l'abeille;

— la durée de la période prépatente (au moins deux années), avec ses con­séquences en matière de diagnostic et d'extension de la parasitose.

D I A G N O S T I C

Le diagnostic consiste à mettre en évidence le parasite, soit par des moyens physiques, soit après un traitement d'épreuve.

1. Moyens physiques.

— Recherche des Varroas portés par les ouvrières adultes, de préférence jeunes. On prélève quelques centaines d'abeilles adultes que l 'on ébouillante ou que l 'on endort à l 'éther, de façon à détacher les acariens de leurs hôtes. Ceux-ci tombent dans le récipient au travers d 'un petit tamis destiné à retenir les abeilles. Cette technique est peu sensible et ne permet pas de déceler l'aca­rien dès la première année de l'infestation.

— Recherche des acariens dans le couvain mâle. On désopercule une cen­taine de cellules et on examine une à une les nymphes et les alvéoles pour

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déceler la présence du parasite. Cette technique est plus sensible que la précé­dente mais ne semble être efficace que si le nombre d'acariens dans la colonie est supérieur à cent.

— Recherche des acariens dans les débris hivernaux. Sur le plancher des ruches on place une feuille de papier fort recouverte d 'un treillis avec des mailles de 3-4 mm. Ce dispositif sert à recueillir les acariens morts pendant l'hiver sans que les abeilles puissent nettoyer le plancher de la ruche. La pré­sence éventuelle d'acariens est décelée soit après décantation des débris dans l'alcool à 50%, soit après avoir fait bouillir les débris quelques minutes dans l'eau. Les acariens tombent alors au fond. Cette technique est la plus sensible d'entre les moyens physiques.

2. Traitement d'épreuve.

Les meilleurs résultats sont obtenus par ce procédé. La présence du para­site peut être remarquée dès la première année de l 'infestation. Il faut bien sûr mettre en place une feuille sur le plancher de la ruche pour recueillir les acariens tués. Pour le choix des produits les plus actifs, voir plus loin le para­graphe : « Chimiothérapie ».

3. Diagnostic différentiel.

a) Braula caeca ou pou de l'abeille :

Insecte de l 'ordre des Diptères et de la famille des Braulidae. A l 'œil nu, ce parasite externe de l'abeille est difficile à distinguer du Varroa, car il a approximativement la même taille et la même couleur. L'examen à la loupe permet la reconnaissance de l'insecte.

b) Acariens parasites du couvain : Tropilaelaps clareae (Laelaptidae) : En zone tropicale, ce parasite occa­

sionne de grands dégâts dans les ruchers d'Apis mellifica et les colonies d'Apis dorsata.

Neocypholaelaps indica (Laelaptidae) : Parasite d'Apis cerana.

c) Autres acariens de la ruche : D'après les travaux de Grobov (3), plus de 100 espèces d'acariens ont été

inventoriées dans la ruche.

P R O N O S T I C

Le pronostic dépend essentiellement de la précocité du diagnostic. Si l 'on attend les premiers symptômes cliniques, la perte de la colonie est inéluctable. A ce stade, il est préférable de ne pas traiter mais d'éliminer la colonie.

Si la présence du parasite est décelée suffisamment tôt, le recours aux trai­tements médicamenteux, associés ou non à certaines techniques d'élevage,

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permet une production quasi-normale. Cependant, les recontaminations sont très fréquentes, ce qui conduit à envisager l 'arrêt des traitements avec la plus grande prudence.

T R A I T E M E N T

A. TECHNIQUES APICOLES DE LIMITATION DE L ' INFESTATION

L'idée directrice est de piéger les acariens femelles dans un fragment de cadre et ensuite de détruire les alvéoles contaminés. Dans cette optique, on a recours à l 'emprisonnement de la reine sur un cadre, après avoir ôté le cou­vain ouvert. L'acarien est donc obligé de parasiter les cellules du cadre où se trouve la reine d'abeilles, pour assurer sa reproduction. De même, l'apicul­teur peut favoriser l'élevage de couvain mâle sur un cadre précis, en vue de l'éliminer une fois que ces mêmes cellules seront operculées.

D'autres techniques plus complexes sont employées et souvent associées à un traitement médicamenteux. Par exemple, la production d'essaims s'accom­pagne d 'une application d'acaricide sur chaque essaim nouvellement formé.

D'une façon générale, les résultats sont bons bien que les acariens ne soient pas tous éliminés, mais les nombreuses manipulations qui sont néces­saires entraînent une charge économique importante, incompatible avec une apiculture de haut rendement.

B. C H I M I O T H É R A P I E

Le médicament miracle réclamé par les apiculteurs de tous les pays existe-t-il actuellement ? Certes non. Beaucoup d'acaricides ont été proposés, mais ils ont tous une activité partielle, comprise entre 50 et 99%, et variable selon les colonies, les climats, les races d'abeilles, l 'époque du traitement, etc. Dans la grande majorité des cas, seuls les acariens portés par les abeilles adultes sont accessibles à l'activité des substances thérapeutiques. Les parasites enfer­més dans le couvain operculé ne sont jamais ou sont très partiellement atteints. Dans ce but, quelques préparations à action systémique ont été essayées mais sans résultats vraiment indiscutables. Il faut encore signaler l 'apparition de résistance de quelques souches de Varroa à certains acarici-des. Les auteurs japonais notent l'utilisation de doses croissantes de phéno-thiazine et de tétradifon.

1. Composés à propriétés acaricides d'utilisation ancienne et phénothiazine.

a) Soufre.

On effectue un traitement par combustion de soufre trois fois par mois, mais le dosage doit être strictement respecté, soit 0,2 g/ruche. On observe une assez grande mortalité d'abeilles adultes.

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b) Naphtaline. Généralement utilisée en poudrage (0,5 g par espace compris entre

2 cadres). Deux traitements à 10 jours d'intervalle. Il existe un risque de pas­sage dans le miel. D'autre part , il faut agir à basse température.

c) Mélange soufre 2 parties-naphtaline 10 parties. 8 à 10 g par colonie.

d) Thymol. Utilisable en poudre à raison de 2 à 5 g par colonie ou par évaporation à

partir d 'un tampon imbibé de 10 g de solution. Traitement employé surtout en U.R.S.S.

e) Menthol. Essayé en évaporation lente, il a peu de vertus acaricides.

f) Acide formique. Des flacons munis d 'une mèche permettent une évaporation de 6-8 ml

d'acide formique à 98% par jour . La durée du traitement est de 4 semaines. Le respect strict des doses conditionne l'absence de toxicité pour le couvain. Cette substance a surtout été essayée en Allemagne par Ritter (1).

g) Phénothiazine. Largement répandue, elle est présentée sous forme de poudre qui est dis­

tribuée à raison de 1,5 g/colonie ou sous forme de tickets ou tablettes fumi­gènes à une dose variant entre 0,75 g et 1,5 g. Elle est aussi la base de mélan­ges (ND* : ZPK 15, Varroasin).

2. Acaricides organiques de synthèse.

2.1. Carbinols - groupe souvent rattaché à celui du D.D.T. contenant des acaricides spécifiques.

a) Chlorbenzilate (pratiquement abandonné en agriculture). ND : Folbex.

Utilisé à doses assez élevées quatre fois à trois jours d'intervalle, au prin­temps et à l 'automne.

b) Dicofol. ND : Keltane.

Acaricide d'origine américaine, réputé non dangereux pour les abeilles, employé 4 fois à trois jours d'intervalle au printemps et à l 'automne par aspersion des abeilles.

c) Bromopropylate. Acaricide ovicide de contact, de rémanence assez longue, il est utilisé en

solution à 2-3% par aspersion. On l'essaie actuellement sous forme de ticket fumigène. ND : Folbex fort.

* Nom déposé.

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d) Mélanges. ND : Sinéacar, contenant du chlorbenzilate, du bromopropylate et du

tétradifon. Cette poudre est pratique d'emploi mais d'efficacité variable; elle n'est pas toxique pour le couvain. Traitement largement utilisé en Roumanie (Marin, 4).

2.2. Sulfones.

Elles sont en général recommandées pour la destruction des œufs et des larves d'acariens phytopathogènes. Employées quand même en apiculture, elles sont peu toxiques pour l'abeille.

a) Chlorfénizon : Ethersulfonate (ND). En combustion deux fois, à une semaine d'intervalle.

b) Tétradifon : Tédion, Sulfenon (ND), d'origine hollandaise. Provoque la stérilité de certaines femelles d'acariens. Réputé non dange­

reux pour les abeilles. Administré en poudrage, trois fois à une semaine d'intervalle.

c) Chlorfensulfide. Actif sur les acariens phytophages, il est associé à un carbamate dans le

Milbex (ND) en poudre ou en combustion, deux à trois fois à deux jours d'intervalle.

2.3. Organophosphorés.

Malathion. Les vapeurs de ce composé ont un effet acaricide certain mais il est d 'une

utilisation délicate car il a aussi des propriétés insecticides.

2.4. Quinoxaline.

Chinométhionate (ND : Varrostan). Acaricide spécifique. Le traitement s'effectue par combustion d'une boîte

en haut des cadres, quatre fois à une semaine d'intervalle.

2.5. Formamidine.

Chlordiméforme (ND : Galekron : fumigation, ou K 79 : action systémique).

Très actif sous forme de K 79, mais son homologation semble difficile en raison de certaines propriétés secondaires. Une des premières substances à action systémique essayée par Ruttner (1).

P R O P H Y L A X I E

Elle consiste en la protection des ruchers indemnes et en l'éradication des foyers de maladies. Mais des particularités de l 'apiculture telles que l 'étendue de l 'aire de butinage des insectes, la très grande mobilité des ruchers (transhu­mance) ou le commerce intensif d'essaims et de reines, font que les foyers de

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maladies sont mal délimités et que bien des élevages sont contaminés et dépla­cés avant d'être contrôlés.

Cependant, il est d 'abord logique de protéger un pays indemne par une prohibition des importations, même en provenance de pays se déclarant indemnes. Bien que nécessaires, ces mesures ne peuvent pas, de toute façon, enrayer l'extension naturelle de la maladie et les premiers cas de parasitose se déclareront. Du fait de la longueur de la période prépatente de l'épizootie (deux ans) et de la mobilité des ruchers, il faut d'emblée déclarer l 'ensemble du territoire suspect de cette parasitose et inciter les éleveurs à entreprendre des diagnostics par traitement d'épreuve dans le double but de connaître les foyers d'infection et de diminuer les conséquences économiques et épidémio­logiques de l'expression clinique brutale de la maladie. Seules les ruches for­tes des ruchers situés dans la zone d'observation autour des foyers subiront le traitement complet de la parasitose.

De cette façon, les sources de parasites seront connues et fortement rédui­tes sans que l'apiculteur subisse un préjudice économique t rop dissuasif.

La protection des élevages sains consistera d 'abord à éviter les sources de contamination, comme les zones de maladies ou l ' introduction de matériel biologique sans garantie sanitaire. Et, plus encore que pour les autres mala­dies, il sera essentiel de surveiller l 'état sanitaire du rucher régulièrement et de garder des colonies fortes à reine jeune.

La varroase fait l'objet d'un chapitre du Code Zoo-sanitaire International de l 'O . I .E . (ch. 3.8.2.).

VARROASIS. — M.E. Colin.

Summary : Varroasis is an invasive disease of bees the causative pathogen of which, Varroa jacobsoni, was identified in 1964 in Eastern Europe. Since that time, the disease has spread over many countries because of its high contagious­ness, leading to the destruction of thousands and thousands of hives.

First the morphology, feeding behaviour and development cycle of the pathogen are described. The disease is transmitted by adult bees or by the brood. Contrary to Apis cerana, Apis mellifica is highly susceptible to infesta­tion. The action of the parasite on bees is mainly of an irritative and spoliatory nature.

Symptomatology of varroasis is characterised by a very long prepatent period, extending over at least two years, and frequent combination with inter­current microbial diseases. Diagnosis is based on the finding of Varroa mites on adult bees, the brood and winter litter, but above all on test treatment results. The final part of the paper gives information on treatment procedures and the main chemicals which can be used, as well as on sanitary control measures.

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LA VARROASIS. — M.E. Colin.

Resumen : La varroasis es una enfermedad parasitaria de las abejas cuyo agente patógeno Varroa jacobsoni fue identificado en ¡964 en Europa oriental. Desde entonces, se ha venido propagando la enfermedad por muchos países, debido a su gran contagiosidad, destruyendo miles de colmenas.

Describe el autor primero la anatomía del agente patógeno, su forma de ali­mentación y su ciclo evolutivo. La contaminación la llevan a cabo las abejas adultas o la cresa. Apis mellifica es muy sensible a la infestación a diferencia de Apis cerana. Los efectos ejercidos por los parásitos en las abejas son principal­mente de índole irritativa y espoliadora.

Se caracteriza la sintomatologia de la varroasis por un período prepatente muy largo (por lo menos dos años) y una frecuente asociación con enfermeda­des microbianas intercurrentes. El diagnóstico se basa en la indagación de los ácoros (en las abejas adultas, la cresa, los residuos invernales), pero sobre todo en el resultado del tratamiento de prueba. En la última parte del artículo, se presentan las modalidades de tratamiento y los principales productos utiliza-bles, así como las medidas de control sanitario.

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