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LA VÉRITÉ Formateur : Yves LIOGIER Collection Philosophique Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays à l’auteur. Dépôt légal : Décembre 2013

LA VÉRITÉ

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Quelle que soit la définition que l’on donne du mot « vérité », on ne saurait affirmer que les sciences peuvent atteindre la vérité en soi. On peut cependant dire qu’elles progressent vers elle non en se sens qu’elles s’en rapprocheraient réellement, mais en ce sens qu’elles s’éloignent de l’erreur. Car si l’on ne peut démontrer la vérité d’une proposition scientifique, on peut du moins en prouver, comme l’a souligné Karl Popper, la fausseté.

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Page 1: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉFormateur : Yves LIOGIER

Collection Philosophique

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays à l’auteur. Dépôt légal : Décembre 2013

Page 2: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉ

La vérité se définit comme « ce à quoi l’esprit peut et doit donner son

assentiment (par suite d’un rapport de conformité avec l’objet de pensée, d’une

cohérence interne de la pensée) »

(Le Robert)

La vérité, qui s’oppose à l’erreur et à l’ILLUSION, est donc liée au JUGEMENT.

Collection Philosophique 1

Page 3: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉ

Les sciences progressent-elles vers la vérité ?

Vous attendez peut-être par mon intervention que je vous expose surtout ici

une réflexion épistémologique sur la connaissance scientifique (notamment que j’examine avec vous la thèse popperienne

sur la non vérifiabilité des théories scientifiques qui se caractérisent au

contraire par leur réfutabilité). Collection

Philosophique 2

Question

Page 4: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉ

Les sciences progressent-elles vers la vérité ?

Cependant cette question ayant été déjà largement abordée dans le sujet :

THEORIE ET EXPERIENCE (cf.http://

yvesvianney.over-blog.com/2013/11/notions-philosophiques-la-connaissance-et-la-raison.html

)

nous traiterons cette fois-ci ce sujet d’une manière un peu particulière, en cherchant à

définir quelle conception de la vérité implique l’idée d’une progression des sciences vers elle.

Collection Philosophique 3

Question

Page 5: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉ

L’opinion commune, spontanément, associe science et vérité (le savant est

celui qui possède la science, c’est-à-dire une connaissance vraie), et considère que

le progrès des sciences est un progrès vers une vérité toujours plus étendue et plus

parfaite.

Collection Philosophique 4

QuestionIntroduction

Page 6: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉToutefois, qu’entendons-nous exactement

par « vérité » ? On pourrait assurément dire à propos d’elle ce qu’Augustin disait du temps :

« Qu’est-ce ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que

je veuille l’expliquer, je ne le sais plus ».

Mais comment pouvons-nous dire que les sciences progressent vers la vérité si nous ne

savons pas ce qu’est la vérité ?

C’est pourquoi il nous faut chercher à la définir, et, cette définition éventuellement trouvée, examiner s’il y a un sens à parler

d’un progrès des sciences vers la vérité.Collection

Philosophique 5

QuestionIntroduction

Page 7: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉa) Exposition de cette théorie

Pour la conscience commune, est vrai ce qui existe réellement : dire la vérité, c’est dire ce qui est, mentir, ce qui n’est pas. Le vrai

se trouve ainsi identifié à l’être, et une pensée vraie est une pensée qui

correspond à une réalité objective, indépendante du sujet pensant. La vérité

consisterait dans une certaine forme de correspondance entre la pensée et le fait :

lorsqu’une pensée est vraie, ce qui est pensé est un fait, et inversement,

lorsqu’une pensée est fausse, ce qui est pensé n’est pas un fait.

Collection Philosophique 6

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Page 8: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉa) Exposition de cette théorie

C’est cette doctrine de la vérité-correspondance, ou doctrine réaliste,

que résume la fameuse formule scolastique :

veritas est adequatio rei et intellectus (« la vérité est l’adéquation de l’intellect

et de la chose »).

Collection Philosophique 7

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Page 9: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉb) Un progrès des sciences dans

la description du réel

Dans ces conditions, dire que les sciences progressent vers la vérité, c’est dire qu’elles progressent dans la description de ce qui est réellement, ce réel pouvant être entendu à la

fois dans un sens extensif (les sciences progressent vers une connaissance de la totalité du réel), et en un sens qualitatif

(l’adéquation des idées, des lois scientifiques avec la réalité qui leur correspond est de plus

en plus grande). L’accroissement des connaissances scientifiques et leur précision

de plus en plus poussée semblent évidemment confirmer cette vue.

Collection Philosophique 8

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Page 10: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉc) Objections

Toutefois, la théorie de la vérité-correspondance qui fait de l’idée vraie une sorte de copie exacte de la réalité

n’est pas sans poser de sérieuses difficultés.

Collection Philosophique 9

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Page 11: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉc) Objections

Il nous est en effet impossible de sortir de nous-mêmes, de nos représentations,

de nos idées, pour comparer cette copie à son modèle. Le monde en soi

nous est inaccessible, puisque nous ne pouvons le saisir qu’à travers nos

représentations.

Comment pouvons-nous donc dire qu’une idée, qu’une proposition correspond

réellement à la réalité ?Collection Philosophique 10

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Page 12: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉc) Objections

Et de quelle réalité une loi scientifique

sera-t-elle la copie ?

Les lois qu’énoncent les sciences, telles des Idées platoniciennes, existent-elles en soi,

indépendamment des phénomènes que seuls peut connaître le savant ?

Et comment peut-on assurer qu’une loi, qui est par définition générale, correspond bien à la réalité, qu’elle est bien la copie de son modèle qui doit

donc lui aussi être général, universel, alors qu’on ne peut la comparer qu’avec des phénomènes

particuliers et en nombre limités ?Collection

Philosophique 11

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Page 13: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉc) Objections

On peut dès lors se demander s’il ne faut pas chercher une autre définition de la vérité, et pour ce faire se tourner vers

les sciences dont la vérité semble absolue, à savoir les mathématiques.

Collection Philosophique 12

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Page 14: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉSi nous considérons en effet la

mathématique pure ou la logique formelle, il apparaît avec évidence que la

définition de la vérité comme correspondance d’une idée avec la réalité

est inadéquate, puisque leurs objets ne semblent pas des êtres réels et que leurs

propositions peuvent être vides de tout contenu. Dans les systèmes logico-

mathématiques, la vérité ne doit donc plus être définie en terme de

correspondance d’une proposition avec un fait, mais de cohérence d’une

proposition avec d’autres propositions.Collection Philosophique 13

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 15: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉ

Cette définition de la vérité valable pour les systèmes hypothético-déductifs que

sont les systèmes logico-mathématiques est-elle généralisable,

et peut-on considérer qu’une pensée vraie est une pensée cohérente ?

Collection Philosophique 14

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 16: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉa) Exposition de cette théorie

Les logiciens ont dégagé les traits spécifiques suivants d’une théorie de la

vérité-cohérence :

La vérité d’une proposition doit être évaluée en fonction de sa

« cohérence » avec d’autres propositions : qu’elle soit ou non considérée comme vraie dépend

exclusivement de son accord ou de sa contradiction avec celles-ci.Collection

Philosophique 15

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 17: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉa) Exposition de cette théorie

Les logiciens ont dégagé les traits spécifiques suivants d’une théorie de la

vérité-cohérence :

La question de la vérité d’une proposition est donc un problème contextuel,

puisqu’on ne peut déterminer si une proposition est ou n’est pas vraie en

l’examinant isolément.

Collection Philosophique 16

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 18: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉa) Exposition de cette théorie

Les logiciens ont dégagé les traits spécifiques suivants d’une théorie de la

vérité-cohérence :

La vérité des propositions est ainsi fondamentalement dépendante de

questions de systématisation, c’est-à-dire de leurs enchaînements logiques

avec d’autres propositions, avec lesquelles elles forment un réseau de

relations.Collection Philosophique 17

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 19: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉa) Exposition de cette théorie

Les logiciens ont dégagé les traits spécifiques suivants d’une théorie de la

vérité-cohérence :

Les vérités doivent donc constituer un système logiquement consistant, dont

les éléments sont reliés entre eux de manière appropriée : ils doivent l’être

de façon à former une seule unité cohérente, dont la cohésion même fait

exclure les autres possibilités.Collection Philosophique 18

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 20: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉb) Une théorie qui vaut pour les

sciences

On a pu objecter aux partisans de la doctrine de la vérité-cohérence que celle-ci se

fonde sur le raisonnement a priori caractéristique de la logique et des

mathématiques, et qu’en conséquence sa validité ne saurait être étendue au-delà de

ces domaines. Mais les partisans de la vérité-cohérence répondent qu’un examen du raisonnement a posteriori des sciences

empiriques comme de la vie ordinaire peut confirmer en réalité cette théorie.Collection

Philosophique 19

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 21: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉb) Une théorie qui vaut pour les sciences

Si, par exemple, nous considérons une assertion à propos d’un fait présent, telle que « Il y a un

homme dans la pièce d’à côté », on dira que pour vérifier cela, il suffit de regarder dans

cette pièce, et que si ce qu’on y voit correspond à l’assertion, il faut la tenir pour

vraie. Par cette réponse, on suppose qu’il existe un fait indiscutable qui s’impose à nos

sens et auquel se conforme notre pensée. Mais, en réalité, ce que l’on prend pour la

perception d’un fait est un jugement puisque, sans un ensemble de jugements, on ne

pourrait jamais identifier un homme ni une pièce.

Collection Philosophique 20

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 22: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉb) Une théorie qui vaut pour les sciences

Nous ne sommes donc pas ici en présence de la confrontation d’une assertion et d’un fait,

mais d’un jugement avec un autre jugement ou un ensemble d’autres jugements, et ce

qui autorise la vérification du jugement initial est sa cohérence avec les autres. Or

ce qui vaut pour la vie ordinaire, vaut davantage encore pour les sciences,

puisque les « faits » scientifiques auxquels on demande de vérifier ou d’infirmer une

hypothèse sont des faits éminemment construits, des faits inséparables d’une

théorie et donc de jugements. Collection Philosophique 21

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 23: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉc) Objections

On a toutefois émis des objections sur la théorie elle-même, en faisant observer que

la cohérence ne peut être le critère de la vérité pour les raisons suivantes :

En déterminant la cohérence de propositions, nous usons des vérités de la logique : nous

devons donc déjà posséder un critère de vérité antérieur à celui de la cohérence, et

des considérations de cohérence ne peuvent être utilisées pour valider le critère

lui-même sans tomber dans un cercle vicieux.

Collection Philosophique 22

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 24: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉc) Objections

On a toutefois émis des objections sur la théorie elle-même, en faisant observer

que la cohérence ne peut être le critère de la vérité pour les raisons suivantes :

Quand on parle de cohérence, de quelle cohérence s’agit-il ?

Est-ce une cohérence avec « tout le reste », avec toutes les autres

propositions pouvant être énoncées ? Collection

Philosophique 23

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 25: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉc) Objections

On a toutefois émis des objections sur la théorie elle-même, en faisant observer

que la cohérence ne peut être le critère de la vérité pour les raisons suivantes :

Cela est évidemment impossible car la totalité des propositions signifiantes est

certainement inconsistante, donc incohérente.

Collection

Philosophique 24

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 26: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉc) Objections

On a toutefois émis des objections sur la théorie elle-même, en faisant observer que la

cohérence ne peut être le critère de la vérité pour les raisons suivantes :

Est-ce plus simplement une cohérence avec quelque chose, avec quelque(s)

proposition(s) ?

Il est alors clair que n’importe quelle proposition satisfera à cette condition, et que cette

cohérence ne nous apprendra donc rien sur sa vérité.

Collection

Philosophique 25

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 27: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉc) Objections

On a toutefois émis des objections sur la théorie elle-même, en faisant observer que la

cohérence ne peut être le critère de la vérité pour les raisons suivantes :

On ne pourra pas dire qu’il s’agit d’une cohérence avec d’autres vérités, car on

aurait alors besoin d’autres critères préalables pour déterminer la vérité de ces autres vérités. La cohérence ne peut donc servir de critère pour une vérité première, mais seulement pour son développement.

Collection

Philosophique 26

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 28: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉc) Objections

On a toutefois émis des objections sur la théorie elle-même, en faisant observer

que la cohérence ne peut être le critère de la vérité pour les raisons suivantes :

Enfin, il est possible d’obtenir une multiplicité de systèmes différents mais également cohérents : ils devront donc tous être tenus pour vrais. Mais alors la vérité ne peut plus être conçue comme

unique et monolithique.

Collection

Philosophique 27

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 29: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉLe philosophe et mathématicien anglais B.

Russell (1872-1970) a bien souligné ce grave problème :

« Il n’y a aucune raison, écrit-il, de supposer qu’un seul corps cohérent de doctrines est possible. Il peut se

faire qu’un romancier, avec une imagination suffisante, puisse inventer pour le monde un passé

qui s’accorderait parfaitement avec nos connaissances, et que ce passé soit pourtant très

différent du passé réel. Dans des matières plus spécifiques, il est certain qu’il y a souvent deux ou

plusieurs hypothèses qui rendent raison de tous les faits connus sur un sujet. Et, bien que dans de tels

cas les savants s’efforcent de trouver des faits susceptibles d’éliminer toutes les hypothèses sauf

une, il n’y a pas de raisons qu’ils y parviennent toujours »

(The Problems of Philosophy, 1912, p. 191). Collection

Philosophique 28

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Texte de Bertrand Russell

Page 30: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉd) Un progrès des sciences vers

un système complet

Si la vérité d’une proposition est liée à celle de toutes les propositions du

système, donc au système tout entier, il apparaît que les propositions

particulières sont en tant que telles seulement partiellement vraies, et par

conséquent partiellement fausses, tandis que seul le système complet est

totalement vrai.

Collection Philosophique 29

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 31: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉd) Un progrès des sciences vers

un système complet

Dans ces conditions, poser que les sciences progressent vers la vérité

signifie qu’elles tendent à former un système de plus en plus complet, c’est-

à-dire un système fournissant une explication globale, totale, de l’univers

tout entier considéré comme formant lui-même un tout cohérent.

Collection

Philosophique 30

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 32: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉd) Un progrès des sciences vers

un système complet

Mais il est impossible de dire si les sciences progressent réellement vers la

vérité, puisque cette vérité consiste dans la cohérence globale du système

complet : or, l’achèvement d’un tel système lui-même n’est pas atteint et

même la possibilité d’y atteindre ne saurait être démontrée.

Collection

Philosophique 31

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Page 33: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉa) Exposition

Critique de la vérité-correspondance

Le philosophe américain William James (1842-1910) a tenté de donner une solution nouvelle au problème de la vérité en

rejetant la thèse de la vérité-correspondance. James fait en effet

observer que si à la question « qu’est-ce qu’un jugement vrai ? » nous répondons naturellement que c’est un jugement qui s’accorde avec la réalité, il reste à savoir

en quoi consiste cet accord.

Collection Philosophique 32

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Le pragmatisme

Page 34: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉa) Exposition

Critique de la vérité-correspondance

« L’opinion courante, là-dessus, remarque-t-il, c’est qu’une idée vraie doit être la copie de la

réalité correspondante »

(Le Pragmatisme, éd. Flammarion, Science Poche, p. 142).

Selon cette opinion courante, la concordance de l’affirmation vraie avec la réalité serait, pour

user de la formule de Bergson, « quelque chose comme la ressemblance du portrait au

modèle »

(La Pensée et le Mouvant, p. 244).

Collection

Philosophique 33

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Le pragmatisme

Page 35: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉa) Exposition

Critique de la vérité-correspondance

On voit ici vers quoi nous entraîne comme malgré nous une telle vue : à confondre

la vérité et la réalité, soit en hypostasiant la vérité, comme le fait Platon pour qui nos idées sont vraies

dans la mesure où elles copient fidèlement les vérités éternelles et les modèles que sont les « Idées », soit en

plaçant la vérité dans la réalité objective elle-même.Collection

Philosophique 34

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Le pragmatisme

Page 36: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉAinsi, écrit Bergson

« la vérité serait déposée dans les choses et dans les faits : notre science irait l’y

chercher, la tirerait de sa cachette, l’amènerait au grand jour. Une

affirmation telle que « la chaleur dilate les corps » serait une loi qui gouverne

les faits, qui trône, sinon au-dessus d’eux, du moins au milieu d’eux, une loi

véritablement contenue dans notre expérience et que nous nous bornerions

à en extraire. »Collection Philosophique 35

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Le pragmatisme

Texte de Bergson

Page 37: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉSuite du texte de Bergson

… Les lois qu’énonce la science seraient donc des vérités en soi, inscrites dans la réalité même et indépendantes de

notre jugement. Telle est la conception du rationalisme qui considère la réalité

« comme un tout parfaitement cohérent et systématisé, que soutient une

armature logique (…) et pour lequel, nous dit W. James, la vérité « règne et

s’impose d’une manière absolue. »

(Le Pragmatisme, p. 154).Collection Philosophique 36

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Le pragmatisme

Texte de Bergson

Page 38: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉa) Exposition

Le vrai consiste dans l’avantageux

W. James refuse une telle identification de la vérité à la réalité :

« C’est au moins un abus de langage, note-t-il, que de transférer le mot vérité de l’idée à

l’existence de l’objet ».

La réalité n’est pas « vraie », elle est. Ce qui est « vrai », ce sont nos jugements sur cette réalité, non pas en tant qu’ils la copieraient, mais en tant qu’ils nous permettent de nous

mouvoir correctement et efficacement au milieu d’elle, d’avoir prise sur elle : Collection

Philosophique 37

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Le pragmatisme

Page 39: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉ« Qu’une idée, écrit W. James, nous aide à

nous mettre en rapport, intellectuellement ou pratiquement, soit

avec le réel, soit avec ses tenants et aboutissants, qu’au lieu d’entraver notre marche par toutes sortes de contretemps, elle adapte et ajuste

effectivement notre vie à tout l’engrenage de la réalité, alors il y aura

un accord ou seront remplies suffisamment les conditions que l’on

exige du vrai ; et cette idée sera vraie à l’égard de la réalité en question » (id.,

p. 151). Collection Philosophique 38

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Le pragmatisme

Texte de William James

Page 40: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉ… La proposition « la chaleur dilate les

corps » est vraie seulement en tant qu’elle nous permet de prévoir un événement et

de préparer éventuellement notre action à l’égard de cet événement. Une idée, est donc vraie dans la mesure où elle est un

« fil conducteur » nous permettant de réussir une action ou, de manière générale, d’avoir une expérience

satisfaisante : « le vrai consiste simplement dans ce qui est avantageux

pour notre pensée, de même que le juste consiste simplement dans ce qui est

avantageux pour notre conduite» (id., p. 157). Collection

Philosophique 39

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Le pragmatisme

Texte de William James

Page 41: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉ… Et tant que la réalité ne viendra pas

contredire nos idées, obstruer, les voies qu’elles nous font emprunter et par où

nous passons « d’expériences anciennes à des expériences nouvelles », nous pourrons les tenir pour vraies.

En ce sens « la vérité vit à crédit, la plupart du temps »

(id., p. 148).

Collection Philosophique 40

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Le pragmatisme

Texte de William James

Page 42: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉa) Exposition

La vérité est un événement

Ainsi donc une idée est vraie si elle se trouve « vérifiée » par les

conséquences d’ordre physique ou mental qu’elle entraîne. La vérité d’une

idée se ramène à un processus, à un ensemble d’opérations concrètes se

situant entre l’idée et la réalité, et qui constitue l’accord de l’idée avec la

vérité :

Collection Philosophique 41

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Le pragmatisme

Page 43: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉa) Exposition

La vérité est un événement

« La vérité d’une idée n’est pas une propriété qui se trouverait lui être inhérente et qui resterait

inactive. La vérité est un événement qui se produit pour une idée. Celle-ci devient vraie ;

elle est rendue vraie par certains faits. Elle acquiert sa vérité par un travail qu’elle effectue,

par le travail qui consiste à se vérifier elle-même, qui a pour but et pour résultat sa

vérification. Et, de même, elle acquiert sa validité en effectuant le travail ayant pour but

et pour résultat sa validation »

(Pragmatisme, p. 144).

Collection

Philosophique 42

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Le pragmatisme

Page 44: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉa) Exposition

La vérité est un événement

Aussi les vérités ne sont-elles pas des principes absolus et éternels inscrits

dans la réalité ou dans un ciel transcendantal.

Collection Philosophique 43

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Le pragmatisme

Page 45: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉb) Les sciences convergent vers un

point idéal

Ainsi la Vérité absolue et éternelle vers laquelle d’aucuns pensent que

progressent les sciences n’est que « ce point idéal, toujours à perte de vue,

vers lequel nous imaginons que toutes nos vérités temporaires effectueront, un jour ou l’autre, leur convergence »

(id., p. 157).

Collection Philosophique 44

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Le pragmatisme

Page 46: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉc) Critique

On a fait valoir à W. James que la notion de fonctionnement, d’efficacité, d’avantage, était

ambiguë. Une croyance peut en effet fonctionner en deux sens différents : elle peut fonctionner en tant qu’elle voit ses prédictions

se réaliser (comme dans les vérités de la science), et fonctionner en tant qu’elle est

avantageuse pour celui qui la partage. Or une même croyance peut fonctionner dans un sens

et pas dans l’autre : par exemple un malade peut guérir en croyant à l’efficacité d’un

médicament alors que celui-ci est en réalité inefficace (effet placebo) : la « vérité » du

malade est « erreur » pour le savant.Collection Philosophique 45

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Le pragmatisme

Page 47: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉc) Critique

Par ailleurs, il est souvent impossible de déterminer si une croyance est avantageuse

ou non.

Enfin, on ne peut soutenir que « vrai » soit synonyme d’ « avantageux » :

Dire qu’il est vrai que E = mc2 n’est pas la même chose que de dire qu’il est avantageux de

croire que E = mc2. Car si ces deux propositions avaient la même signification, en croyant l’une nous croirions l’autre sans qu’il

y ait dans notre esprit de transition de l’une à l’autre, ce qui n’est évidemment pas le cas.Collection

Philosophique 46

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Le pragmatisme

Page 48: LA VÉRITÉ

LA VÉRITÉQuelle que soit la définition que l’on donne

du mot « vérité », on ne saurait affirmer que les sciences peuvent atteindre la vérité en soi. On peut cependant dire

qu’elles progressent vers elle non en se sens qu’elles s’en rapprocheraient

réellement, mais en ce sens qu’elles s’éloignent de l’erreur. Car si l’on ne

peut démontrer la vérité d’une proposition scientifique, on peut du

moins en prouver, comme l’a souligné Karl Popper, la fausseté.

Collection Philosophique 47

QuestionIntroduction

Doctrine de la vérité-

correspondance

Doctrine de la vérité-cohérence

Le pragmatisme

Conclusion

Page 49: LA VÉRITÉ

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