12
le courrier du spécialiste SUPPLÉMENT Attention, ceci est un compte-rendu de congrès et/ou un recueil de résumés de communications de congrès dont l’objectif est de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi, les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées par les autorités de santé françaises et ne doivent donc pas être mises en pratique. Société éditrice : EDIMARK SAS CPPAP : 0915 T 86854 – ISSN : 1774-0789 PÉRIODIQUE DE FORMATION EN LANGUE FRANÇAISE Suppl. 2 au n° 2 - Vol. VIII Mars-avril 2012 Ce numéro a été réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires L’accès maniaque et les bipolarités La remédiation cognitive La prévention du suicide D’après le 10 e congrès de l’Encéphale Paris, 18-20 janvier 2012 Rédacteur : Dr J.P. Madiou (Paris)

L’accès maniaque et les bipolarités • La remédiation ... › Front › frontpost › getfiles › 19887.pdf · Risques cognitifs du trouble bipolaire D’après les communications

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: L’accès maniaque et les bipolarités • La remédiation ... › Front › frontpost › getfiles › 19887.pdf · Risques cognitifs du trouble bipolaire D’après les communications

l e c o u r r i e r d u s p é c i a l i s t e

SUPPLÉMENT

Attention, ceci est un compte-rendu de congrès et/ou un recueil de résumés de communications de congrès dont l’objectif est de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi, les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées par les autorités de santé françaises et ne doivent donc pas être mises en pratique.

Société éditrice : EDIMARK SASCPPAP : 0915 T 86854 – ISSN : 1774-0789

PÉRIODIQUE DE FORMATION EN LANGUE FRANÇAISE

Suppl. 2 au n° 2 - Vol. VIII Mars-avril 2012

Ce numéro a été réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires

• L’accès maniaque et les bipolarités

• La remédiation cognitive• La prévention du suicide

D’après le 10e congrès de l’Encéphale Paris, 18-20 janvier 2012

Rédacteur : Dr J.P. Madiou (Paris)

Page 2: L’accès maniaque et les bipolarités • La remédiation ... › Front › frontpost › getfiles › 19887.pdf · Risques cognitifs du trouble bipolaire D’après les communications

Supplément 2 au no 2- Vol. VIII mars-avril 2012

SommaireDirecteur de la publication :� Claudie Damour-Terrasson

Directeur scientifique :� Pr C.S. Peretti (Paris)

Rédacteurs en chef :� Pr P. Thomas (Lille) - Dr P. Nuss (Paris)

Comité de rédaction Prs et Drs M. Abbar (Nîmes) - E. Bacon (Strasbourg) R. de Beaurepaire (Paris) - M. Benoit (Nice) - O. Blin (Marseille) P. Courtet (Montpellier) - P. Delbrouck (Saint-Nazaire) N. Franck (Bron) - M. Godfryd (Étampes) J.M. Havet (Reims) - P.M. Llorca (Clermont-Ferrand) P.O. Mattei (Paris) - D. Servant (Lille) F. Thibaut (Rouen) - B. Verrecchia (Paris)

Comité scientifique Prs et Drs J.F. Allilaire, Paris (France) C. Ballüs, Barcelone (Espagne) - H. Beckmann, Wurzbürg (Allemagne) - G. Besançon, Nantes (France) - D. Clark, Oxford (Grande-Bretagne) - G.B. Cassano, Pise (Italie) - L. Colonna, Rouen (France) - J. Cottraux, Lyon (France) - J.M. Danion, Strasbourg (France) - P. Dick, Genève (Suisse) - M. Escande, Toulouse (France) - A. Feline, Paris (France) - M. Ferreri, Paris (France) - R. Girard, Caen (France) - L. Gram, Odense (Danemark) J.J. Kress, Rennes (France) - M. Lader, Londres (Grande-Bretagne) M. Marie-Cardine, Lyon (France) - I. Marks, Londres (Grande-Bretagne) - J. Mendlewicz, Bruxelles (Belgique) D. Moussaoui, Casablanca (Maroc) - M. Murray, Londres (Grande-Bretagne) - P.J. Parquet, Lille (France) - M. Patris, Strasbourg (France) - G. Potkin, Irvine (États-Unis) - W.Z. Potter, Washington (États-Unis) - C. Pull, Luxembourg (Grand-Duché) G. Rudenko, Moscou (Russie) - B. Saletu, Vienne (Autriche) D. Sechter, Besançon (France) - L. Singer, Strasbourg (France) T. Uhde, Bethesda (États-Unis) - Van der Linden, Liège (Belgique) A. Villeneuve, Québec (Canada)

Comité de lecture Drs et Prs P. Alary (Saint-Lô) - D. Barbier (Avignon) F.J. Baylé (Paris) - N. Bazin (Versailles) - P. Fossati (Paris) P. Hardy (Paris) - E. Hoffmann (Strasbourg) - J.P. Kahn (Nancy) C. Lançon (Marseille) - M. Leboyer (Créteil) - P. Martin (Paris) J. Naudin (Marseille) - P. Robert (Nice) - P. Salame (Strasbourg) G. Schmit (Reims) - J.L. Senon (Poitiers) - H. Verdoux (Bordeaux) J.P. Vignat (Lyon) - M.A. Wolf (Montréal)

Société éditrice :� EDIMARK SAS

Président-directeur général :� Claudie Damour-Terrasson

RédactionSecrétaire générale de la rédaction :� Magali PelleauPremière secrétaire de rédaction :� Laurence MénardaisSecrétaire de rédaction :� Anne DesmortierRédacteurs-réviseurs :� Cécile Clerc, Sylvie Duverger, Muriel Lejeune, Philippe-André Lorin, Odile Prébin

InfographiePremier rédacteur graphiste :� Didier ArnoultRédacteurs graphistes :� Mathilde Aimée, Christine Brianchon, Sébastien Chevalier, Virginie Malicot, Rémy TranchantInfographiste multimédia : Christelle OchinDessinatrice d’exécution :� Stéphanie Dairain

Responsable numérique :� Rémi Godard

CommercialDirecteur du développement commercial Sophia Huleux-NetchevitchDirecteur des ventes :� Chantal GéribiDirecteur d’unité :� Béatrice Malka

Régie publicitaire et annonces professionnelles Valérie Glatin Tél. : 01 46 67 62 77 – Fax : 01 46 67 63 10

Responsable du service abonnements Badia Mansouri Tél. : 01 46 67 62 74 – Fax : 01 46 67 63 09

2, rue Sainte-Marie - 92418 Courbevoie CedexTél. : 01 46 67 63 00 – Fax : 01 46 67 63 10 E-mail : [email protected] Internet : www.edimark.fr

Adhérent au SPEPSRevue indexée dans la base PASCAL (INIST-CNRS)

Photographie de la couverture :� © Nikada.

AVANT-PROPOS 3

J.P. Madiou

NOUVELLES LECTURES DE L’ACCÈS MANIAQUE ET DES BIPOLARITÉS 4

De l’épisode initial aux récidives

Risques cognitifs du trouble bipolaire

Besoins thérapeutiques et nouvelles pistes pharmacologiques

Actualités dans le trouble bipolaire

Psychoéducation dans les troubles bipolaires

REMÉDIATION COGNITIVE 9

Remédiation et théorie de l’esprit

Présentation du programme RECOS

Cognitive Remediation Therapy

Inhibition cognitive et mémoire implicite dans le trouble dépressif majeur

PRÉVENTION DU SUICIDE 11

Suicide en période gravido-puerpérale : résultats d’une enquête épidémiologique française

Reconstitution des processus pathologiques lors d’une tentative de suicide

Idées suicidaires aux urgences psychiatriques : résultats d’une étude comparant auto- et hétéro-évaluation

APPÉTENCE À L’ALCOOL : DE LA CLINIQUE À LA THÉRAPEUTIQUE 12

Les articles publiés dans La Lettre du Psychiatre le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays.

© mars 2005 - EDIMARK SAS - Dépôt légal : à parution. Imprimé en France - Axiom Graphic SAS - 95830 Cormeilles-en-Vexin

Page 3: L’accès maniaque et les bipolarités • La remédiation ... › Front › frontpost › getfiles › 19887.pdf · Risques cognitifs du trouble bipolaire D’après les communications

AVANT-PROPOS

J.P. MadiouParis

Réunion annuelle incontournable de la psychiatrie francophone – avec cette année plus de 4 000 participants –, le 10e congrès de l’Encéphale s’est tenu à Paris du 18 au 20 janvier dernier.

Le programme était particulièrement complet : 16 communications orales en séance plénière, 466 posters sélectionnés et de nombreuses sessions thématiques et symposiums. Parmi les thèmes retenus pour ce supplément de La Lettre du Psychiatre − et parce qu’il a bien fallu faire un choix non exhaustif −, de nouvelles lectures de l’accès maniaque et des bipolarités (risques cognitifs du trouble bipolaire, besoins thérapeutiques et nouvelles molécules, psychoéducation, etc.), les techniques de remédiation cognitive et la prévention du suicide, sans oublier l’alcoolo-dépendance, sont autant de sujets qui devraient nous permettre de partager avec vous l’actualité des connaissances cliniques, physio- et psychothérapeutiques.

La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol.VIII - mars-avril 2012 | 3

Page 4: L’accès maniaque et les bipolarités • La remédiation ... › Front › frontpost › getfiles › 19887.pdf · Risques cognitifs du trouble bipolaire D’après les communications

1,41,21,00,80,60,40,2

0Patients bipolaires Témoins

*

3,83,73,6

3,53,4

3,33,2

Patients bipolaires Témoins

**

Comparaison des scores de labilitéaffective des patients bipolaires et des témoins

Comparaison des scores d’intensitéaffective des patients bipolaires et des témoins

* p < 0,001 ; ** p < 0,01.

Figure 1. Étude réalisée auprès de 179 patients bipolaires normothymiques et 86 témoins : la réactivité émotionnelle de base chez les patients bipolaires normothymiques est corrélée au nombre d’épisodes (2).

4 | La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol. VIII - mars-avril 2012

L’ENCÉPHALE 2012

Nouvelles lectures de l’accès maniaque et des bipolaritésJ.P. Madiou, Paris

De l’épisode initial aux récidives

D’après la communication orale de C. Henry

La quasi-totalité (90 %) des patients qui ont fait un épisode maniaque récidivera : la maladie bipolaire est bien, de ce point de vue, une pathologie récurrente. Si la survenue des épisodes maniaques peut être spontanée, on retrouve très souvent des facteurs “précipitants” ou “déclenchants” : ce sont essentiel-lement des facteurs de stress, positifs (événements heureux comme une promotion professionnelle, un mariage, etc.) ou négatifs (perte d’emploi, divorce, deuil, etc.), et des événements à fort impact émotionnel ou qui perturbent les rythmes de la vie quotidienne (surmenage, examens, etc.). Les modi-fications du rythme veille/sommeil peuvent ainsi précipiter un épisode maniaque. La plupart de ces facteurs précipitants sont d’ailleurs souvent liés à des perturbations du sommeil (1). Une bonne façon d’appréhender les facteurs prodromiques est de les envisager sous l’angle de la réactivité émotionnelle. Contrairement à l’humeur, les émotions sont des réponses brèves à des stimuli environnementaux, elles sont caractérisées par la tonalité des affects mais aussi par l’intensité de la réponse émotionnelle aux stimulations. Les patients bipolaires normo-thymiques présentent une plus grande réactivité

émotionnelle que les sujets témoins, c’est-à-dire qu’ils ressentent les émotions de manière plus intense face à des stimuli positifs, négatifs ou neutres quel que soit le facteur précipitant. On peut mettre en évidence cette hyperréactivité émotionnelle grâce à des échelles et des autoquestionnaires, qui montrent une forte corrélation entre cette réactivité émotionnelle et le nombre d’épisodes thymiques survenus au cours de la vie (figure 1) [2, 3]. Cette notion de réactivité émotionnelle a égale-ment une dimension fondamentale, permettant de définir les épisodes thymiques. Ainsi, au cours des épisodes maniaques ou mixtes, l’intensité avec laquelle les émotions sont ressenties est largement augmentée. Dans ce contexte, le temps de sommeil est un élément important. En effet, il existe un lien entre le sommeil et la réactivité émotionnelle (4) et l’on sait que la réduction du temps de sommeil peut être un des facteurs précipitants des épisodes maniaques (5). On dispose aujourd’hui d’éléments très cohérents en termes d’imagerie et de clinique qui corroborent cette hypothèse. La prise en charge des facteurs prodromiques consiste tout d’abord à apprendre aux patients bipolaires, dans le cadre de programmes psychoéducatifs, à faire le lien entre réduction du temps de sommeil et augmentation de la réactivité émotionnelle, puisque ces signes très précoces apparaissent avant que ne s’installe

Page 5: L’accès maniaque et les bipolarités • La remédiation ... › Front › frontpost › getfiles › 19887.pdf · Risques cognitifs du trouble bipolaire D’après les communications

La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol.VIII - mars-avril 2012 | 5

L’ENCÉPHALE 2012

vraiment un épisode d’euphorie ou d’agitation. Il s’agit ensuite d’apprendre aux patients à repérer tout ce qui peut entraîner des perturbations du sommeil susceptibles de provoquer un embrase-ment émotionnel. Une échelle (Multidimensional Assessment of Thymic States [MAThyS]) a été mise au point et permet d’évaluer la réactivité émotion-nelle, sous forme d’un autoquestionnaire que les patients peuvent utiliser pour apprécier les varia-tions de leur réactivité émotionnelle (5, 6). L’action quasi immédiate des antipsychotiques atypiques sur une sémiologie “larvée” permet ainsi d’éviter les récidives.

Risques cognitifs du trouble bipolaireD’après les communications orales de J.M. Azorin et E. Brunet-Gouet

Des revues systématiques de la littérature et des méta-analyses (7) ont montré qu’il existe, chez les patients bipolaires, des troubles cognitifs qui concernent majoritairement 3 grands domaines : l’attention et la vitesse de traitement, l’apprentis-sage et la mémoire verbale, et enfin les fonctions exécutives. Les altérations cognitives sont d’intensité légère à modérée dans le domaine de l’attention et la vitesse de traitement, moyenne dans celui de l’apprentissage verbal et de la mémoire verbale, et relativement importante en ce qui concerne les fonc-tions exécutives. Ces altérations ont été décrites dans les différentes phases de la maladie mais également au cours des périodes euthymiques (8). De nombreux patients, par exemple, oublient complètement ce qui leur est arrivé pendant l’épisode aigu dépressif ou maniaque : ils souffrent de véritables troubles de la mémoire et ne récupèrent pas leurs fonctions cognitives entre les épisodes aigus. J.M. Azorin a souligné 2 points importants :

➤ un certain nombre de ces altérations − notam-ment celles qui concernent la mémoire verbale, l’ap-prentissage verbal et certaines fonctions exécutives − existent déjà chez les apparentés sains de premier degré (9). Autrement dit, indépendamment même du développement de la maladie, il existerait un risque lié à la génétique de présenter des troubles cognitifs. Cela explique que l’on peut retrouver ces déficits à tous les stades de la maladie (épisodes maniaques, dépressifs, phases interépisodes) ;

➤ un certain nombre de ces altérations cogni-tives augmente en intensité avec la répétition des

épisodes (en particulier maniaques), ainsi qu’avec la durée de la maladie.Deux phénomènes agissent donc sur ces troubles cognitifs : le contexte génétique et la répétition des épisodes aigus (10). Cela peut aller jusqu’à une évolution démentielle, comme l’a démontré une étude danoise réalisée sur la période 1970-1999 (4 248 patients bipolaires admis en milieu hospi-talier, puis réadmis avec le diagnostic de démence après 1985) : le taux de réadmission pour démence augmente de 6 % avec chaque épisode nécessitant une hospitalisation, et ce après ajustement sur l’âge et le sexe (11).Concernant l’évaluation de ces troubles cogni-tifs, the International Society for Bipolar Disorders a proposé, en 2010, la Battery for Assessment of Neurocognition ou ISBD-BANC : il s’agit d’une batterie spécifique d’évaluation des troubles cogni-tifs dans le domaine des troubles bipolaires (12). L’idée est de regrouper spécifiquement les tests utilisés jusqu’à présent de manière éparse, un peu à l’instar de ce qui a été fait dans le domaine de la schizophrénie avec la batterie MATRICS (13). L’intérêt est ainsi d’homogénéiser les évaluations en utilisant un éventail de tests unique.La prise en charge thérapeutique a pour objectif de parvenir en priorité à une rémission complète des symptômes au cours de ces épisodes aigus grâce à un traitement rapide et efficace qui limitera le plus possible les effets délétères sur la cognition. La persistance de symptômes résiduels maniaques, dépressifs ou hypomaniaques entre les crises fait assurément le lit des troubles cognitifs (14). Il a été constaté, sur le fonctionnement cognitif des patients bipolaires, un effet limité mais parfois bénéfique de la lamotrigine (attention, fluence verbale), un effet potentiellement délétère des tricycliques et un effet généralement décrit comme neutre pour le lithium (15). Pour compléter l’ap-proche pharmacologique et obtenir un résultat thérapeutique optimal, les approches psychoé-ducatives sont un complément essentiel, avec, entre autres, la remédiation cognitive. Comme pour la schizophrénie, ces techniques inspirées de la thérapie cognitivo-comportementale permettent aux patients de compenser leurs altérations cogni-tives. Il s’agit, par exemple, d’apprentissages qui consistent à donner au sujet un certain nombre de consignes lui permettant d’organiser sa journée, d’apprendre à ne pas vouloir tout résoudre à la fois et de cerner les problèmes… Il faut bien sûr adapter la remédiation cognitive aux altérations du patient. Très peu d’études ont été néanmoins

Page 6: L’accès maniaque et les bipolarités • La remédiation ... › Front › frontpost › getfiles › 19887.pdf · Risques cognitifs du trouble bipolaire D’après les communications

Neurodégénération

Neurodéveloppement

Endophénotype

Prémorbide Premier épisode Épisodes suivants

• Controverse : atteinte cognitive ou non ?

• Troubles cognitifs présents• Anomalies cérébrales (substance blanche)

• Aggravation cognitive avec le nombre d’épisodes• Concept• d’“allostatic load”

Figure 2. Évolution des troubles neurocognitifs.

6 | La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol. VIII - mars-avril 2012

Nouvelles lectures de l’accès maniaque et des bipolaritésL’ENCÉPHALE 2012

menées dans les troubles bipolaires. Seul un essai en ouvert a montré une réelle efficacité de ces apprentissages (16). Il est donc nécessaire de les compléter avec des évaluations contrôlées.Dans une autre communication, consacrée à la bipolarité et aux fonctions cognitives, E. Brunet-Gouet a fait un point sur l’état de la recherche et est revenu sur les concepts de mémoire et de valence émotionnelle (“mood-congruent memory”) : contrairement aux sujets sains, les patients dépressifs retiennent mieux les mots à valence négative que les mots à valence positive. Pour la mémoire autobiographique, la probabilité de rappel d’événements négatifs est supérieure à celle d’événements positifs, et cet effet varie au cours de la journée en fonction de l’humeur. Chez les patients bipolaires, des endophénotypes (ou phénotypes intermédiaires) ont été décrits, asso-ciés à la maladie, retrouvés au sein des familles de malades et présents plus fréquemment chez les apparentés sains que dans la population générale. De nombreuses questions se posent encore sur l’évolution de ces troubles neurocognitifs (figure 2), ce qui justifie leur évaluation en centres experts. Cela est particulièrement vrai pour la cognition du sujet bipolaire âgé, avec une utilité majeure de l’approche neuropsychologique pour mesurer une évolution destructive et pour déterminer un profil de détérioration spécifique.

Besoins thérapeutiques et nouvelles pistes pharmacologiques

D’après la communication orale de R. Gaillard

Une stratégie thérapeutique en psychiatrie est choisie à partir de 3 types d’informations pas toujours complémentaires et/ou compatibles : l’EBM (Evidence-Based Medicine), l’effet neurobiologique et l’effet psychocomportemental. Sur le choix d’un antidépresseur par exemple, la méta-analyse de A. Cipriani réalisée selon le principe d’une méta-analyse multitraitement (ou network meta-analysis) a porté sur près de 26 000 patients et a montré que, parmi 12 antidépresseurs de nouvelle génération, le profil d’efficacité et de tolérance était très différent selon les molécules (17). L’étude STEP-BD (Syste-matic Treatment Enhancement Program for Bipolar Disorder) a inclus 4 361 patients sur la période 1999-2005 : 58,4 % des patients ont obtenu une rémis-sion, dont 48,5 % ont fait un nouvel épisode dans les 2 ans. Toujours chez les patients bipolaires, il a été constaté une absence de bénéfice des antidépres-seurs (bupropion et sertraline) en association avec les thymorégulateurs (rémission durable : respec-tivement 23,5 versus 27,3 % ; p = 0,40) [18, 19]. Les travaux de recherche actuels visent à combiner des molécules ayant des propriétés différentes : stratégie de changement de classe versus stratégie d’association de molécules ciblant des mécanismes différents (ou l’après-STAR*D [Sequenced Treatment Alternatives to Relieve Depression]) [20], essor des molécules ayant des cibles multiples… Parmi les perspectives, R. Gaillard a insisté sur les questions posées en termes d’innovation (non pas 1, mais des molécules, à l’instar de ce qui est réalisé en onco-logie), de cibles (régression des épisodes aigus, stabi-lisation sur le long cours, régression des symptômes résiduels, prise en compte de la cognition) et de sécurité-tolérance.

Actualités dans le trouble bipolaireD’après la communication orale de B. Millet

L’asénapine est un nouvel antipsychotique atypique (21), indiqué dans le traitement des épisodes maniaques modérés à sévères associés aux troubles bipolaires de type I chez l’adulte (22).

Page 7: L’accès maniaque et les bipolarités • La remédiation ... › Front › frontpost › getfiles › 19887.pdf · Risques cognitifs du trouble bipolaire D’après les communications

0

– 5

– 10

– 15

– 20

– 25

– 300 2 4 6 9 12 16 24 32 40 52 Fin

LOCFSemaines

Asénapine 10 ou 5 mg × 2/j(n = 76)

Olanzapine 5-20 mg × 1/j(n = 104)

Évolution du score YMRS total par rapport à l’inclusion sur 52 semaines

Varia

tion

moy

enne

du

scor

e YM

RS to

tal

par r

appo

rt à

l’inclu

sion

Figure 3. Efficacité maintenue à 1 an. Critère de jugement secondaire : variation du score YMRS total (26).

10

9

8

7

6

54

2

3

10

J2 J4 J7

Réduction ≥ 15 % sur la YMRS par rapport à l’inclusion

*2,2

1,4

*4,1

*1,8

*9,1

*3,5

Olanzapine 5-20 mg × 1/j

Asénapine 5 ou 10 mg × 2/j

* p < 0,05 versus placebo(OR et IC

95 ; test de Fischer ;

α : 0,05)

Odds-ratio amélioration rapide/réponse à 3 semaines

Figure 4. Rapidité d’action et prédictibilité de la réponse.

La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol.VIII - mars-avril 2012 | 7

L’ENCÉPHALE 2012

Il présente un profil pharmacologique unique avec une affinité (21) :

➤ élevée pour un grand nombre de récepteurs sérotoninergiques (5HT2A, 5HT2C et, en particu-lier, 5HT6 et 5HT7), dopaminergiques (D2 et D3) et adrénergiques (plus spécifiquement le récepteur α2) ;

➤ moindre pour les récepteurs histaminergiques H1 ;

➤ négligeable pour les récepteurs muscariniques (en particulier le récepteur M3 mis en cause dans l’apparition du syndrome métabolique).De plus, l’asénapine a également une action faci-litatrice de la transmission glutamatergique via le récepteur NMDA (récepteur au glutamate). Ce système glutamatergique serait, d’après de nombreux travaux récents, également impliqué dans les troubles bipolaires. L’asénapine a été évaluée en monothérapie dans 2 études (ARES-3A et ARES-3B) [23, 24], randomi-sées, en double insu, contrôlées versus placebo, d’une durée de 3 semaines comportant un bras compara-teur actif (olanzapine) : les patients inclus étaient des adultes présentant un épisode maniaque ou mixte d’un trouble bipolaire de type I débuté depuis moins de 3 mois avec un score ≥ 20 sur l’échelle de manie YMRS. Ils recevaient 10 ou 5 mg × 2/j d’asénapine versus 5 à 20 mg × 1/j d’olanzapine ou placebo. À 3 semaines, l’amélioration du score total sur l’échelle YMRS dans le groupe asénapine était supérieure à celle du groupe placebo. De plus, l’asé-napine a démontré que son action a été efficace et rapide puisque, dès le deuxième jour, elle a montré une différence significative avec le placebo. L’étude d’extension à 9 semaines (ARES-9) a montré une efficacité de l’asénapine comparable à celle de l’olanzapine (25) avec 88 % des patients qui étaient en rémission à la fin de l’étude. L’étude de suivi ARES-40 (phase d’extension de 40 semaines) montre également un maintien de l’efficacité de l’asénapine à 1 an (figure 3) [26]. Une analyse de la prédictibilité de la réponse a été réalisée dans une étude post hoc des données poolées de ARES-3A et ARES-3B : elle s’est appuyée sur le lien entre une amélioration rapide (réduc-tion ≥ du score YMRS évaluée à J2, J4 et J7) et la réponse à J21 (réduction du score YMRS > 50 % par rapport à l’inclusion). Elle montre un odds-ratio en faveur de l’asénapine dès J2 (figure 4).L’asénapine a été également étudiée en association avec les thymorégulateurs (lithium ou valproate) chez des patients hospitalisés qui n’étaient que partiellement répondeurs à ces médicaments au bout de 15 jours (27). Il s’agit d’une étude rando-

misée, en double insu, contrôlée versus placebo, d’une durée de 12 semaines (APOLLO- 12). Les patients inclus étaient des adultes présentant un épisode maniaque ou mixte d’un trouble bipo-laire de type I débuté depuis moins de 3 mois avec un score ≥ 20 sur l’échelle de manie YMRS à l’inclusion et traité depuis au moins 2 semaines par lithium ou valproate. À l’inclusion, la concen-tration sérique en lithium devait être comprise entre 0,6 et 1,2 mmol/l et la concentration sérique en valproate entre 50 et 125 μg/ml. Les patients

Page 8: L’accès maniaque et les bipolarités • La remédiation ... › Front › frontpost › getfiles › 19887.pdf · Risques cognitifs du trouble bipolaire D’après les communications

Nouvelles lectures de l’accès maniaque et des bipolaritésL’ENCÉPHALE 2012

ont été randomisés en 2 groupes pour recevoir, en association avec le thymorégulateur (lithium ou valproate poursuivi en ouvert), de l’aséna-pine (5 mg × 2/j à J1, puis 5 à 10 mg × 2/j) ou un placebo. À 3 semaines (comme à 12 semaines), l’amélioration du score total sur l’échelle YMRS (critère principal) a été supérieure dans le groupe asénapine + thymorégulateur à celle du groupe placebo + thymorégulateur.L’étude a été poursuivie par une extension de 40 semaines (APOLLO-40) dont l’objectif était d’évaluer la tolérance à long terme de l’association asénapine + thymorégulateur (27). À J84 (3 mois), le taux de répondeurs (réduction ≥ 50 % du score YMRS depuis l’inclusion) est de 47,7 % dans le bras asénapine + thymorégulateur versus 34,4 % dans le bras thymorégulateur + placebo, et le pour-centage de patients en rémission (score YMRS total ≤ 12) est – respectivement – de 43,2 et 30,1 % (tous p < 0,05) [27]. En ce qui concerne la tolérance, les effets les plus fréquents rapportés dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) [22] sont l’anxiété et la somnolence. Dans l’ensemble de la cohorte asénapine (28), les effets indésirables le plus souvent retrouvés sont l’in-somnie, les céphalées, la somnolence et l’anxiété. Chez 5 % des patients (28), un engourdissement transitoire de la langue a été rapporté, probable-ment lié au mode d’administration du produit (sublingual). Cet effet dure moins de 1 heure (28). En termes de tolérance, l’asénapine a un faible impact sur les paramètres métaboliques y compris à long terme, c’est-à-dire peu de variations signifi-catives des paramètres glycémiques, lipidiques et une prise de poids modérée puisque sur l’ensemble des études cliniques, la variation moyenne du poids corporel était de 0,8 kg (22).

Psychoéducation dans les troubles bipolaires D’après la communication de B. Cochet et al., abstr. CO 03

Cette approche psychothérapeutique comporte des aspects pédagogiques, éducatifs, psychologiques et comportementaux et permet une réduction du nombre et de l’intensité des rechutes thymiques (dépressives, [hypo]maniaques et mixtes), une diminution de la fréquence et de la durée des hospitalisations sur des périodes de suivi allant de 2 à 5 ans. Principalement développée par les équipes espagnoles du Pr E. Vieta, cette approche demeure relativement peu diffusée en France. L’objectif de cette communication orale faite au congrès de l’Encéphale était de présenter 2 types d’action pouvant permettre sa mise en place dans les soins courants. La première vise à rapporter les données d’efficacité en pratique hospitalière en France : dans un groupe de 63 patients bipolaires ayant participé à un programme psychoéducatif de 10 à 12 séances, la comparaison des évaluations dans le mois qui précède et dans celui qui suit la participation montre une amélioration des connaissances sur la maladie et de l’adhérence au traitement médicamen-teux, une diminution de la perception négative de la maladie et une amélioration du fonctionnement social et de l’estime de soi. La deuxième action a pour objectif de développer des outils à destination des praticiens : un groupe de réflexion a été constitué au sein du réseau des 8 centres experts “Troubles bipo-laires” français afin d’élaborer un CD-ROM permet-tant l’animation de groupes psychoéducatifs par des professionnels de santé (psychiatres, psychologues, infirmiers en psychiatrie) et la mise en place d’une journée de formation à la psychoéducation. ■

1. Proudfoot J, Doran J, Manicavasagar V, Parker G. J Affect Disord 2011;133(3):381-7.2. Henry C, Van den Bulke D, Bellivier F et al. Psychiatry Res 2008;159(1-2):1-6.3. M'bailara K, Demotes-Mainard J, Swendsen J et al. Bipolar Disord 2009;11(1):63-9.4. Van der Helm E, Yao J, Dutt S et al. Curr Biol 2011;21(23): 2029-32.5. Henry C, M'Bailara K, Lépine JP, Lajnef M, Leboyer M. J Affect Disord 2010;127(1-3):300-4.6. Henry C, M'Bailara K, Mathieu F, Poinsot R, Falissard B. BMC Psychiatry 2008;8:82.7. Mann-Wrobel MC, Carreno JT, Dickinson D. Bipolar Disord 2011;13(4):334-42.8. Bora E, Yucel M, Pantelis C. J Affect Disord 2009;113(1-2):1-20.9. Arts B, Jabben N, Krabbendam L, Van Os J. Psychol Med 2008;38(6):771-85.

10. Robinson LJ, Ferrier IN. Bipolar Disord 2006;8(2):103-16.11. Kessing LV, Andersen PK. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2004;75(12):1662-6.12. Yatham LN, Torres IJ, Malhi GS et al. Bipolar Disord 2010;12(4):351-63.13. Nuechterlein KH, Barch DM, Gold JM et al. Schizophr Res 2004;72(1):29-39.14. Bonnin CM et al. J Affect Disord 2011; in press.15. Macqueen G, Young T. Bipolar Disord 2003;5(Suppl. 2):53-61.16. Deckersbach T, Nierenberg AA, Kessler R et al. CNS Neurosci Ther 2010;16(5):298-307.17. Cipriani A, Furukawa TA, Salanti G et al. Lancet 2009;373(9665):746-58.18. Perlis RH, Ostacher MJ, Patel JK et al. Am J Psychiatry 2006;163(2):217-24.19. Sachs GS, Nierenberg AA, Calabrese JR et al. N Engl J Med 2007;356(17):1711-22.

20. Trivedi MH, Fava M, Wisniewski SR et al. N Engl J Med 2006;354(12):1243-52.21. Shahid M, Walker GB, Zorn SH, Wong EH. J Psychophar-macol 2009;23(1):65-73.22. Résumé des caractéristiques du produit. EMA novembre 2011.23. McIntyre RS, Cohen M, Zhao J et al. Bipolar Disord 2009;11(7):673-86.24. McIntyre RS, Cohen M, Zhao J et al. J Affect Disord 2010;122(1-2):27-38.25. McIntyre RS, Cohen M, Zhao J et al. Bipolar Disord 2009;11(7):815-2626. McIntyre RS, Cohen M, Zhao J et al. J Affect Disord 2010;126(3):358-65.27. Szegedi A, Calabrese JR, Stet L et al. J Clin Pharmacol 2012;32(1):46-55.28. European Public Assessment Report. EMA. Asenapine. EMEA/H/C/001177. 2011.

Références bibliographiques

Page 9: L’accès maniaque et les bipolarités • La remédiation ... › Front › frontpost › getfiles › 19887.pdf · Risques cognitifs du trouble bipolaire D’après les communications

Évaluationinitiale• Clinique• Cognitive

Définitiond’objectifs• Restitution des résultats• Évaluation des répercussions fonctionnelles

Phase de remédiation• Exercicespapier-crayon• CD-ROM RECOS• Tâches à domicile

– Réévaluation– Bilan

Évaluationaprès 6 mois

Figure. Déroulement du programme RECOS.

La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol.VIII - mars-avril 2012 | 9

L’ENCÉPHALE 2012

Remédiation et théorie de l’esprit

D’après la communication orale de C. Passerieux

La “théorie de l’esprit” (Theory of Mind [ToM]) est définie par la faculté de comprendre et d’interpréter les actions d’autrui en termes d’états mentaux, c’est-à-dire en lui attribuant des souhaits, des croyances ou des intentions et en considérant qu’il a des états mentaux différents des nôtres. Il s’agit d’un processus essentiellement interférentiel, élaboré à partir d’indices sociaux aboutissant à la formulation d’hypothèses sur ce que peut induire le compor-tement d’une personne. Interviennent dans cette formulation d’hypothèses sur les états mentaux d’autrui : la distinction soi-autrui, la capacité à perce-voir et à interpréter les signaux sociaux, la connais-sance des codes sociaux et le style de raisonnement. Plusieurs types de test sont disponibles pour mesurer la théorie de l’esprit : tâche d’attribution de fausse croyance de Sally et Anne, bandes dessinées (cartons “histoire”, “réponses”)… La ToM est altérée chez les personnes schizophrènes, ce qui contribue à leur handicap psychique avec des déficits marqués en cognition sociale (corrélation plus marquée avec le pattern de désorganisation, fluctuant avec l’inten-sité des symptômes et s’aggravant avec la durée d’évolution), souvent mis en évidence dès le premier épisode. Une étude récente a montré que 6 % de la variance du fonctionnement social expliqué l’est par la neuro cognition et 16 % par la cognition sociale (1). De toutes les compétences cognitives, la ToM avait la corrélation la plus élevée : 0,48 versus 0,41 pour la perception sociale et les connaissances, 0,31 pour la perception et le traitement des émotions et 0,26 pour l’apprentissage verbal et la mémoire. Parmi les différents types d’intervention, on retiendra les programmes intégrés avec l’Integrated Psychological Treatment (IPT) [module 2 sur les perceptions sociale et émotionnelle ; modules 4 et 5 sur les habiletés sociales et les résolutions de problèmes] et la Cogni-tive Enhancement Therapy (CET). Les interventions ciblées partent de l’hypothèse qu’il n’est pas néces-saire de remédier des fonctions élémentaires pour améliorer les compétences de cognition sociale. La cognition sociale devient la cible directe des inter-ventions de remédiation avec un enjeu majeur, celui de développer des techniques suffisamment simples

et rapides pour un usage en soins courants. Les cibles sont les troubles de reconnaissance des émotions, les déficits en théorie de l’esprit et les biais de raison-nement. L’entraînement à la cognition sociale et aux interactions (Social Cognition and Interaction Training [SCIT]), par exemple, est une intervention ciblée sur 3 domaines et en 3 modules successifs : comprendre les émotions (définition des émotions de base et utilisation d’un module d’entraînement à la reconnaissance des émotions faciales), travail de restructuration cognitive et phase d’intégration (appliquer les nouvelles compétences en situation de vie réelle). Enfin, le modèle théorique du ToMRemed prend en compte les erreurs dans l’attribution d’in-tentions à autrui, les troubles de la communication et du traitement des indices contextuels (2).

Présentation du programme RECOS D’après la communication orale de P. Vianin

Développé au centre hospitalier universitaire Vaudois (Lausanne), le programme RECOS vise à remédier aux déficits cognitifs observés dans la schizophrénie et ses troubles associés. Un “trouble associé” renvoie au trouble de la personnalité schizo typique ainsi qu’à d’autres types de psychoses, comme les troubles

Remédiation cognitiveJ.P. Madiou, Paris

Page 10: L’accès maniaque et les bipolarités • La remédiation ... › Front › frontpost › getfiles › 19887.pdf · Risques cognitifs du trouble bipolaire D’après les communications

10 | La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol. VIII - mars-avril 2012

Remédiation cognitiveL’ENCÉPHALE 2012

bipolaires. Les spécificités de ce programme (figure, page 9) qui comporte des modules d’entraînement spécifiques et des objectifs individualisés sont les suivantes : mesurer avec précision les fonctions cognitives pour les traiter en tenant compte des déficits de chacun, mesurer les répercussions fonc-tionnelles de ces troubles et apprendre au patient à connaître et à tenir compte de ses capacités cogni-tives (métacognition).Les éléments métacognitifs du programme RECOS comprennent la psychoéducation, l’autoévaluation, le comportement, les processus et le transfert – généralisation. Plusieurs outils ont été développés : le questionnaire SSCTICS®, qui a pour objectif d’appré-cier la capacité d’évaluation du patient en posant des questions se rapportant au contenu des tests neuropsychologiques, et l’échelle des répercussions fonctionnelles (ERF) qui porte sur les troubles cogni-tifs observés au cours du dernier mois et qui mesure les répercussions fonctionnelles de ces derniers dans les différents domaines cognitifs ciblés par le programme (mémoire verbale, visuo-spatiale, mémoire de travail, attention sélective, fonctions exécutives).

Cognitive Remediation Therapy

D’après la communication orale de I. Amado-Boccara

Les principaux objectifs de la Cognitive Remedia-tion Therapy (CRT) sont de réhabiliter l’attention, la mémoire et le fonctionnement exécutif. Elle comporte plusieurs modules obligatoires qui vont être adaptés selon les forces et les faiblesses du patient : flexibilité cognitive, mémoire (A et B) et planification (A et B). En France, le programme comporte généralement 2 séances par semaine et un choix d’exercices à domicile : apprentissage sans erreur par questionnement directif (éviter les biais de raisonnement erronés), simplification et adaptation de la tâche (modulation de la vitesse d’exécution), répétition massive des tâches, encouragement de la génération de stratégies (si possible multiples), étayage et renforcement positif, verbalisation des consignes et des stratégies, et technique “plastique” (favoriser la gestuelle, conserver l’apprentissage implicite). Les fonctions stimulées sont la flexibilité

cognitive, la mémoire et la planification : chaque séance s’accompagne d’épreuves de type stroop, d’assemblage tri-assortiment (jetons, carte) et d’assouplissement moteur. Autant que possible, on essaiera d’associer l’épreuve à une fonction de la vie quotidienne. En pratique, 40 séances sont réali-sées sur 3 mois dont 10 à 12 séances de flexibilité cognitive et 8 séances pour chaque module avec établissement d’un calendrier avec le patient. Parmi les perspectives d’avenir, on retiendra l’adaptation du CRT en version informatisée, le couplage avec un programme de soutien au travail et sa diffusion en France pour des applications plus larges que la schizophrénie (troubles bipolaires, anorexie mentale de l’adolescente, hyperactivité, déficit de l’attention de l’enfant, etc.).

Inhibition cognitive et mémoire implicite dans le trouble dépressif majeur

D’après la communication de B. Gohier et al., abstr. CO 02

L’objectif de cette étude était d’évaluer les processus de traitement émotionnel dans le trouble dépressif majeur en s’intéressant, d’une part, à l’inhibition cognitive et, d’autre part, au traitement implicite des informations émotionnelles. Une première étape a consisté à évaluer les capacités d’inhibition cognitive dans un groupe de 20 patients souffrant de trouble dépressif majeur en utilisant un matériel d’évalua-tion neutre (sans valence émotionnelle – modèle de Hasher et Zacks [1988]). La deuxième étape a permis d’évaluer, dans un groupe de 20 sujets dépressifs, les capacités d’inhibition cognitive et les processus auto-matiques de traitement émotionnel au cours d’une tâche d’amorçage émotionnel multimodal (visages, sons et mots). Les résultats de cette étude confir-ment un déficit des capacités d’inhibition cognitive en cas de trouble dépressif majeur, en particulier sur l’accès des informations en mémoire de travail et le freinage des informations principales. Concer-nant le traitement implicite, la tâche d’amorçage émotionnel permet de confirmer le biais vers les informations négatives qui est corrélé au déficit d’inhibition cognitive. ■

Références bibliographiques

1. Fett AK, Viechtbauer W, Dominguez MD et al. Neurosci Biobehav Rev 2011;35(3):573-88.2. Bazin N, Passerieux C, Hardy-Bayle MC. Journal de thérapie comportementale et cognitive 2010;20(1):16-21.

Page 11: L’accès maniaque et les bipolarités • La remédiation ... › Front › frontpost › getfiles › 19887.pdf · Risques cognitifs du trouble bipolaire D’après les communications

La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol.VIII - mars-avril 2012 | 11

L’ENCÉPHALE 2012

Prévention du suicideJ.P. Madiou, Paris

Suicide en période gravido-puerpérale : résultats d’une enquête épidémiologique française

D’après la communication de S. Boivin et al., abstr. CO 04

Cette étude épidémiologique descriptive française, réalisée à partir de la base de données du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), a porté sur les décès par suicide en période gravido-puerpérale sur la période 2000-2008 (depuis 1998, le certificat médical de décès comporte une question spécifique relative à la grossesse). Les données recueillies ont été comparées à celles dispo-nibles et issues des mêmes sources pour le suicide des femmes en population générale et à la population des femmes ayant accouché à cette période. Les résultats montrent que 66 femmes sont décédées par suicide au cours de la grossesse ou au cours de la première année suivant le post-partum, avec un pic en 2004 (1,5 décès pour 100 000 naissances vivantes). La pendaison – passage à l’acte violent – apparaît comme le moyen le plus utilisé et les périodes les plus à risque sont le moment de la découverte de l’état de grossesse et le premier mois du post-partum. En comparant les taux spécifiques selon l’âge et ceux de la mortalité par suicide en population générale, l’état de grossesse et celui du post-partum paraissent cependant protecteurs.

Reconstitution des processus pathologiques lors d’une tentative de suicideD’après la communication de J. Vandevoorde, poster PO 040

Dans cette étude descriptive centrée sur la reconsti-tution d’une tentative de suicide, 33 suicidants ont accepté de répondre à un entretien semi-structuré (méthode d'entretien pour le passage à l'acte suici-daire [MEPS]) permettant de reconstruire à la fois le déroulement des événements présuicidaires et l’état

mental du patient au moment précis de son passage à l’acte. Les résultats de cette étude montrent qu’une grande majorité (82 %) avait des comportements préparatoires au geste et 75,8 % des patients avaient construit un véritable “scénario suicidaire”. Il a été mis en évidence l’existence d’une phase de prépassage à l’acte composée d’une perturbation tonique et/ou d’une mise en condition. Au moment du geste suici-daire, 59,4 % des patients ont rapporté une altération de leur état de conscience et 60 %, un phénomène de confusion émotionnelle extrêmement intense. Enfin, certains patients ont signalé une sensation subjective du mouvement et/ ou une perte soudaine de leur contrôle moteur.

Idées suicidaires aux urgences psychiatriques : résultats d’une étude comparant auto- et hétéro-évaluation

D’après la communication de S. Moroge et al., poster PO 042

Réalisée à Marseille, cette enquête épidémiologique descriptive (3 questionnaires : infirmier, psychiatre et patient) a inclus des consultants du service des urgences du pôle Psychiatrique Centre. L’estimation du risque suicidaire était établie à la fois par une échelle visuelle analogique (EVA) créée dans le service (identique pour les patients et les soignants), par l’échelle de suicidalité (the Suicide Behaviors Question-naire-Revised [SBQ-R]) et par l’échelle de désespoir de Beck. Les résultats confirment un risque suicidaire plus élevé dans cette population, qu’il s’agisse des critères socio-démographiques (isolement social, chômage, faible niveau d’études) ou des antécédents psychiatriques (antécédents familiaux ou person-nels de tentatives de suicide, nombre d’hospitalisa-tions antérieures en psychiatrie, etc.). Si seulement 6 % de ces patients déclarent venir consulter pour des idées suicidaires, un risque suicidaire selon le score SBQ-R a été retrouvé chez 59,8 % d’entre eux. Enfin, les résultats de l’auto-évaluation des patients par l’EVA sont bien corrélés à ceux des soignants ainsi qu’aux échelles SBQ-R et de Beck. ■

Page 12: L’accès maniaque et les bipolarités • La remédiation ... › Front › frontpost › getfiles › 19887.pdf · Risques cognitifs du trouble bipolaire D’après les communications

Usage avec dépendance

Usage nocif

Seuil clinique

Més

usag

e

Usage à risque

Usage

Figure. Les mésusages d’alcool en dehors de la dépendance : usage à risque - usage nocif (4).

12 | La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au n° 2 - Vol. VIII - mars-avril 2012

L’ENCÉPHALE 2012

Appétence à l’alcool :� de la clinique à la thérapeutique D’après la communication orale de H.J. Aubin

J.P. Madiou, Paris

Si l’abstinence demeure un objectif théorique idéal (1), la réduction de la consommation d’alcool figure désormais dans les recomman-

dations européennes (2). Elle peut constituer une étape du traitement car elle représente une réelle réduction du risque pour le patient (3) et peut être une étape vers l’abstinence totale. En dehors de la dépendance, les recommandations de la Société française d’alcoologie (2003) rappellent qu’il existe des mésusages d’alcool avec un usage à risque et un usage nocif (figure) [4]. La prise en charge pour les patients repose actuel-lement sur un programme de soins adapté à chaque situation : définition d’un objectif à atteindre (“entretien motivationnel”), établissement d’un programme fondé sur les capacités du patient (absti-nence ou, dans un premier temps, réduction de la consommation) et maintien de cet objectif tant sur

le plan qualitatif que quantitatif (anticiper, pour éviter la réactivation de l’alcoolo-dépendance). Pour près de la moitié (48,6 %) des alcoologues fran-çais (5), l’abstinence totale n’est plus le seul dogme de la prise en charge et une consommation modérée (“moderation management”) peut faciliter le passage à une abstinence totale, permettre de conserver sur le long terme une consommation réduite et aider le patient à reprendre confiance en lui. Une étude réalisée chez 2 109 patients alcoolo-dépendants en rémission complète depuis au moins 12 mois (“vague” 1) a montré une stabilité de la rémission à 3 ans (“vague” 2) chez les patients abstinents et ceux qui avaient une consommation modérée d’alcool (6). H.J. Aubin est également revenu sur la définition d’une consommation “modérée” d’alcool avec des valeurs se situant entre 1 et 40 g/j (hommes) et 1 à 20 g/j (femmes) pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [7] et 3 (hommes) ou 2 (femmes) verres de vin par jour selon l’HAS-Anaes (1). Concer-nant les traitements médicamenteux indiqués dans la prévention de la rechute actuellement disponibles, on retrouve la naltrexone et l’acamprosate dans la réduction de l’appétence à l’alcool et le disulfirame (menace d’une réaction aversive). Pour ce dernier, il demeure cependant difficile de le comparer au placebo, avec une rupture de l’aveugle dès le premier verre et la survenue de la réaction aversive. Parmi les médicaments en cours de développement clinique, on retiendra essentiellement le nalméfène, anta-goniste des récepteurs aux opioïdes, qui a démontré dans les études de phase III un bénéfice clinique sur la réduction du nombre de jours de forte consom-mation et la consommation totale d’alcool (jusqu’à plus de 50 %) [8]. Le nalméfène est le premier traite-ment indiqué dans la réduction de la consommation d’alcool chez les patients alcoolo-dépendants à faire l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché (déposée en décembre 2011 auprès de l’Agence européenne du médicament). ■

Références bibliographiques

1. ANAES – Conférence de consensus. Objectifs, indica-tions et modalités du sevrage du patient alcoolodépendant. 1999.2. EMA. Guideline on the deve-lopment of medicinal products for the treatment of alcohol dependance 2010.3. Rehm J, Taylor B, Moha-patra S et al. Drug Alcohol Rev 2010;29(4):437-45.4. Recommandations de la Société française d’alcoologie 2003.5. Luquiens A, Reynaud M, Aubin HJ. Alcohol Alcohol 2011;46(5):586-91.6. Dawson DA, Goldstein RB, Grant BF. Alcohol Clin Exp Res 2007;31(12) :2036-45.7. World Health Organization (WHO). International guide for monitoring alcohol consumption and related harm. 2010.8. Trial watch: Nalmefene reduces alcohol use in phase III trial. Nat Rev Drug Discov 2011;10(8):566.