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A l’élaboration du projet, nous étions quatre. Michel, André, Laurent, et moi. Tous grisonnants et tous sur Guzzi. Avec au programme une se- maine en Ardèche, à la mi-septembre. L’initiative a séduit le Petit Che- val, alias France, mon épouse, qui a ajouté sa Ducati au groupe. Côté motocyclettes, on était entre italiennes, donc pas de rivalité nationa- liste à prévoir. Restait toutefois une méfiance sexiste avec cette ques- tion: les Guzzi sont-elles irrémédiablement des motos d’homme? Sur ce point, le Petit Cheval affichait clairement sa différence et conduisait à répondre par l’affirmative. Sauf qu’au guidon de sa S2R 1000, elle dominait sans conteste les garçons. Ses trajectoires n’étaient pas aléatoires. Prouvant ainsi que chez les motards, le talent n’a pas de sexe. Les machines non plus. Ce qui n’empêche pas les uns et les autres d’affirmer leur personnalité. A ce titre, la Ducati paraît particuliè- rement douée. Non satisfaite d’être la plus véloce du lot, elle a mobilisé l’attention de tous avec des caprices de diva. Bonnes pâtes, les Guzzi ont laissé dire et faire sans même se gausser. Mais tout cela éveille cependant une réflexion: cette tendance à tout faire pour ne pas passer inaperçu, n’est-ce pas une preuve de féminité? Diantre! Donc, quatre garçons, une fille, mettent gaz dimanche matin 14 septembre pour une aventure routière et amicale prometteuse. But de cette première journée: Mézil- hac, un village d’Ardèche perché en altitude, où nous attend l’hôtel des Cévennes, un relais motards accueillant et convivial situé sur un col au carrefour des D122 et D578. Nous quittons la région parisienne sans encombres. Autoroute A6 puis N7, de Fontainebleau à Moulins. Là, la Ducati, qui s’est ennuyée copieusement aux vitesses légales,manifeste sa mauvaise humeur par des problèmes d’embrayage. Tout le monde s’affaire autour d’elle. On est aux petits soins… et cela lui plaît. Bref, après une remise à niveau du loockeed, la belle daigne se remettre en mouvement. Mais elle fait com- prendre au Petit Cheval que le traitement administré ne suffira pas. Il faudra revoir le problème plus sérieusement. Du coup, la motarde pilote avec angoisse. Quant aux Guzzi, si elles ont jasé entre elles, elles sont restées discrètes. Après Vichy et Le Puy- en-Velay, nous arriverons tout de même au but, presque dans les délais. L’accueil que nous recevons de la part de nos hôtes, Maryline et Gaëtan, gérant de l’établissement et motards eux-mêmes, nous fait oublier les soucis de cette première journée de route. Nous posons nos bagages et élisons domicile en ces lieux pour toute la semaine. Au-delà des trajectoires Le lendemain, la Ducati nous rappelle d’emblée ses problèmes. L’embrayage toujours. Nous purgeons le circuit et refaisons le niveau de Dot 4. Nul n’en doute, la potion ne guérira pas définitivement le mal. Une intervention plus ra- dicale paraît incontournable. Elle sera faite par un spécialiste, Moto 7, le jour suivant à Privas.Pour l’heure, vu les craintes que soulève la Monster, nous limitons la longueur du périple. D’autant que le ciel n’est pas des plus enga- geants. Nous mettons le cap vers le lac d’Issarlès qui, avec sa plage de sable, offre un côté estival. La foule en moins. Nous sommes quasi seuls. Ce n’est plus le cas, un peu plus tard, sur la N102, entre Le Puy et Aubenas, où une noria de camions rend la circu- lation difficile. Dommage, car le profil et le revêtement de la route invitent à la conduite “cra- puleuse”. Nous nous restaurons à Mayres au Rocher troué, où l’on nous sert d’abondance. La remise en selle est difficile. La traversée d’Aubenas par le centre est plus fluide que la déviation surchar - gée. Ensuite, sur la D 104 vers Privas, nettement moins encom- brée, nous pouvons mettre “gaz”. En restant toutefois dans la léga- lité, aidés en cela par la sinuosité du terrain de jeu. Ouvrant la route au guidon de ma V7 caférisée, j’ai du mal à contenir les assauts du Petit Cheval et sa Ducat. Laquelle semble avoir re- trouvé la forme. Histoire de montrer à la concurrence que le rouge est mis. Entre les cols de l’Ecrinet et de l’Arénier, nous prenons à gauche et rentrons au bercail par la D122. La beauté des paysages nous incite souvent à regarder au-delà des trajectoires. Ce qui ralentit le rythme, mais nous ravit la vue. Aprés tout, nous sommes là pour ça. La Ducati guérie Mardi matin, nous constatons que la Ducati à encore une fois profité de la nuit pour vidanger son réservoir de loockeed d’embrayage. Du coup, une fois le niveau refait, le Petit Cheval et moi prenons la direction de Privas pour une vraie réparation. L’accueil chez Moto 7 est aimable et traduit une compétence rassurante. En fin d’après-midi, nous récupérons la malade totalement guérie. Nous sommes rassurés et tant pis si nous avons raté une belle journée dans les gorges de l’Ardèche. Nous pensions remettre la virée sur ce haut lieux du motocyclisme à l’un des jours suivants, mais le mauvais temps, sous alerte orange, nous en a dissuadé. Nous nous sommes cantonnés à rouler dans le nord de l’Ardèche, plus clément selon les prévisions. Mercredi matin, nous mettons le cap vers le mont Gerbier des Joncs. Un lieu qui revêt un parfum d’école primaire. Nous n’en verrons rien. Tout est dans le brouillard. Nous ne réviserons pas notre géo- graphie. Cette météo hostile nous incite à modifier l’itinéraire prévu initialement vers le mont Mézenc, pour nous diriger vers Annonay avec, à mi-parcours, un repas servi aux 4 Vents à Saint-Bonnet-le-Froid, le bien nommé vu sa situation en plein courant d’air sur le col des Baraques. Notre environnement est rural à souhait, allant de forêts à des espaces ouverts au relief chaotique. Quant à la route! Son tracé met le motard sans cesse sur l’angle. Exaltant. Surtout sur chaussée sèche. Le charme s’estompe toutefois sur la D578 après Le Cheylard où la pluie rend, de nouveau, l’adhérence aléatoire. Les derniers kilomètres s’effectuent sous vigilance soutenue. Pluie et brouillard Le jeudi sera une journée entre hommes. Laborieux à l’excès, le Petit Cheval a emporté avec lui des devoirs de vacances. Nous restons donc entre guzzistes. Les prévisions météorologiques nous incitent à mettent le cap vers l’est puis le nord. Départ sur route mouillée mais sans pluie. Le bitume sèche rapidement. Direction Privas, puis la D2 vers La Voulte-sur-Rhône. ça toune sans arrêt. Outre que l’on ne perd rien des sites traversés, on remodèle le profil de nos pneus. Entracte gastronomique au restaurant du même nom, au bord du fleuve à LaVoulte. Là encore, c’est copieux. C’est avec une nonchalance digestive que nous entamons la remontée vers Vernoux-en-Vivarais et Lamastre par la D21 et la corniche de l’Eyrieux. L’orage nous surprend au col de Montreynaud. Sa violence nous oblige à abréger l’itinéraire prévu et nous rentrons au plus court par des routes qui invitent à la prudence plutôt qu’à la performance. C’est sous une pluie battante que nous pénétrons dans le garage de l’hôtel. Le lendemain nous nous réveillerons environnés de brouillard. Le tonnerre tonne. Il en sera ainsi toute la journée. Ce sera repos avant le retour, samedi, sur Paris.C’est avec nostalgie que nous quittons nos hôtes. Une telle qualité d’accueil, de cuisine, de service et de confort, marque la mémoire du motard. Nous reviendrons. DOMINIQUE L’Ardèche pas sèche Mi-septembre, cinq membres du Moto-club Warm up 95 ont mis le cap vers l’Ardèche pour un séjour d’une semaine. Un périple touristique et gastronomique quelque peu perturbé par les aléas climatiques et des caprices mécaniques.

L’Ardèche pas sèche · les motards, le talent n’a pas de sexe. Les machines non plus. Ce qui n’empêche pas les uns et les autres d’affirmer leur personnalité. A ce titre,

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Page 1: L’Ardèche pas sèche · les motards, le talent n’a pas de sexe. Les machines non plus. Ce qui n’empêche pas les uns et les autres d’affirmer leur personnalité. A ce titre,

A l’élaboration du projet, nous étions quatre. Michel, André, Laurent, et moi. Tous grisonnants et tous sur Guzzi. Avec au programme une se-maine en Ardèche, à la mi-septembre. L’initiative a séduit le Petit Che-val, alias France, mon épouse, qui a ajouté sa Ducati au groupe. Côté motocyclettes, on était entre italiennes, donc pas de rivalité nationa-liste à prévoir. Restait toutefois une méfiance sexiste avec cette ques-tion: les Guzzi sont-elles irrémédiablement des motos d’homme? Sur ce point, le Petit Cheval affichait clairement sa différence et conduisait

à répondre par l’affirmative. Sauf qu’au guidon de sa S2R 1000, elle dominait sans conteste les garçons. Ses trajectoires n’étaient pas aléatoires. Prouvant ainsi que chez les motards, le talent n’a pas de sexe. Les machines non plus. Ce qui n’empêche pas les uns et les autres d’affirmer leur personnalité. A ce titre, la Ducati paraît particuliè-rement douée. Non satisfaite d’être la plus véloce du lot, elle a mobilisé l’attention de tous avec des caprices de diva. Bonnes pâtes, les Guzzi ont laissé dire et faire sans même se gausser. Mais tout cela éveille cependant une réflexion: cette tendance à tout faire pour ne pas passer inaperçu, n’est-ce pas une preuve de féminité? Diantre!Donc, quatre garçons, une fille, mettent gaz dimanche matin 14 septembre pour une aventure routière et amicale prometteuse. But de cette première journée: Mézil-hac, un village d’Ardèche perché en altitude, où nous attend l’hôtel des Cévennes, un relais motards accueillant et convivial situé sur un col au carrefour des D122 et D578. Nous quittons la région parisienne sans encombres. Autoroute A6 puis N7, de Fontainebleau à Moulins. Là, la Ducati, qui s’est ennuyée copieusement aux vitesses légales,manifeste sa mauvaise humeur par des problèmes d’embrayage. Tout le monde s’affaire autour d’elle. On est aux petits soins… et cela lui plaît. Bref, après une remise

à niveau du loockeed, la belle daigne se remettre en mouvement. Mais elle fait com-prendre au Petit Cheval que le traitement administré ne suffira pas. Il faudra revoir le problème plus sérieusement. Du coup, la motarde pilote avec angoisse. Quant aux Guzzi, si elles ont jasé entre elles, elles sont restées discrètes. Après Vichy et Le Puy-en-Velay, nous arriverons tout de même au but, presque dans les délais. L’accueil que nous recevons de la part de nos hôtes, Maryline et Gaëtan, gérant de l’établissement et motards eux-mêmes, nous fait oublier les soucis de cette première journée de route. Nous posons nos bagages et élisons domicile en ces lieux pour toute la semaine.

Au-delà des trajectoiresLe lendemain, la Ducati nous rappelle d’emblée ses problèmes. L’embrayage toujours. Nous purgeons le circuit et refaisons le niveau de Dot 4. Nul n’en doute, la potion ne guérira pas définitivement le mal. Une intervention plus ra-dicale paraît incontournable. Elle sera faite par un spécialiste, Moto 7, le jour suivant à Privas.Pour l’heure, vu les craintes que soulève la Monster, nous limitons la longueur du périple. D’autant que le ciel n’est pas des plus enga-geants. Nous mettons le cap vers le lac d’Issarlès qui, avec sa plage de sable,

offre un côté estival. La foule en moins. Nous sommes quasi seuls. Ce n’est plus le cas, un peu plus tard, sur la N102, entre Le Puy et Aubenas, où une noria de camions rend la circu-lation difficile. Dommage, car le profil et le revêtement de la route invitent à la conduite “cra-puleuse”. Nous nous restaurons à Mayres au Rocher troué, où l’on nous sert d’abondance. La remise en selle est difficile. La traversée d’Aubenas par le centre est plus fluide que la déviation surchar-gée. Ensuite, sur la D 104 vers Privas, nettement moins encom-brée, nous pouvons mettre “gaz”. En restant toutefois dans la léga-lité, aidés en cela par la sinuosité du terrain de jeu. Ouvrant la route au guidon de ma V7 caférisée, j’ai du mal à contenir les assauts du Petit Cheval et sa Ducat. Laquelle semble avoir re-trouvé la forme. Histoire de montrer à la concurrence que le rouge est mis. Entre les cols de l’Ecrinet et de l’Arénier, nous prenons à gauche et rentrons au bercail par la D122. La beauté des paysages nous incite souvent à regarder au-delà des trajectoires. Ce qui ralentit le rythme, mais nous ravit la vue. Aprés tout, nous sommes là pour ça.

La Ducati guérie Mardi matin, nous constatons que la Ducati à encore une fois profité de la nuit pour vidanger son réservoir de loockeed d’embrayage. Du coup, une fois le niveau refait, le Petit Cheval et moi prenons la direction de Privas pour une vraie réparation. L’accueil chez Moto 7 est aimable et traduit une compétence rassurante. En fin d’après-midi, nous récupérons la malade totalement guérie. Nous sommes rassurés et tant pis si nous avons raté une belle journée dans les gorges de l’Ardèche. Nous pensions remettre la virée sur ce haut lieux du motocyclisme à l’un des jours suivants, mais le mauvais temps, sous alerte orange, nous en a dissuadé. Nous nous sommes cantonnés à rouler dans le nord de l’Ardèche, plus clément selon les prévisions. Mercredi matin, nous mettons le cap vers le mont Gerbier des Joncs. Un lieu qui revêt un parfum d’école primaire. Nous n’en verrons rien. Tout est dans le brouillard. Nous ne réviserons pas notre géo-graphie. Cette météo hostile nous incite à modifier l’itinéraire prévu initialement vers le mont Mézenc, pour nous diriger vers Annonay avec, à mi-parcours, un repas servi aux 4 Vents à Saint-Bonnet-le-Froid, le bien nommé vu sa situation en plein courant d’air sur le col des Baraques. Notre environnement est rural à souhait, allant de forêts à des

espaces ouverts au relief chaotique. Quant à la route! Son tracé met le motard sans cesse sur l’angle. Exaltant. Surtout sur chaussée sèche. Le charme s’estompe toutefois sur la D578 après Le Cheylard où la pluie rend, de nouveau, l’adhérence aléatoire. Les derniers kilomètres s’effectuent sous vigilance soutenue.

Pluie et brouillardLe jeudi sera une journée entre hommes. Laborieux à l’excès, le Petit Cheval a emporté avec lui des devoirs de vacances. Nous restons donc entre guzzistes. Les prévisions météorologiques nous incitent à mettent le cap vers l’est puis le nord. Départ sur route mouillée mais sans pluie. Le bitume sèche rapidement. Direction Privas, puis la D2 vers La Voulte-sur-Rhône. ça toune sans arrêt. Outre que l’on ne perd rien des sites traversés, on remodèle le profil de nos pneus. Entracte gastronomique au restaurant du même nom, au bord du fleuve à LaVoulte. Là encore, c’est copieux. C’est avec une nonchalance digestive que nous entamons la remontée vers Vernoux-en-Vivarais et Lamastre par la D21 et la corniche de l’Eyrieux. L’orage nous surprend au col de Montreynaud. Sa violence nous oblige à abréger l’itinéraire prévu et nous rentrons au plus court par des routes qui invitent à la prudence plutôt qu’à la performance. C’est sous une pluie battante que nous pénétrons dans le garage de l’hôtel. Le lendemain nous nous réveillerons environnés de brouillard. Le tonnerre tonne. Il en sera ainsi toute la journée. Ce sera repos avant le retour, samedi, sur Paris.C’est avec nostalgie que nous quittons nos hôtes. Une telle qualité d’accueil, de cuisine, de service et de confort, marque la mémoire du motard. Nous reviendrons.

Dominique

L’Ardèche pas sècheMi-septembre, cinq membres du Moto-club Warm up 95 ont mis le cap vers l’Ardèche pour un séjour d’une semaine. Un périple touristique et gastronomique quelque peu perturbé par les aléas climatiques et des caprices mécaniques.