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Unité de Formation : MARSEILLE DIPLOME D’ETAT D’EDUCATEUR SPECIALISE Session juin 2011 DOMAINE DE COMPETENCE 2.2: « Conception du projet éducatif spécialisé » MEMOIRE L’accompagnement à la socialisation D’enfants accueillis en SESSAD Un projet éducatif comme outil d’intervention NOUGE – Fanny

L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

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Mémoire de fin de formation 2008-2011

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Unité de Formation : MARSEILLE

DIPLOME D’ETAT D’EDUCATEUR SPECIALISE

Session juin 2011

DOMAINE DE COMPETENCE 2.2:

« Conception du projet éducatif spécialisé »

MEMOIRE

L’accompagnement à la socialisation D’enfants accueillis en SESSAD

Un projet éducatif comme outil d’intervention

NOUGE – Fanny

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Remerciements

A travers ce mémoire de fin de formation d’éducatrice spécialisée, j’ai pu

acquérir des connaissances et expériences pertinentes pour la poursuite de mon parcours

professionnel.

Cependant, je tiens à préciser que cet écrit n’a pu être réalisé dans ces conditions

favorables, que par le soutien et l’accompagnement dont j’ai bénéficié.

Je souhaite remercier tout d’abord, l’ensemble de l’équipe du SESSAD pour son

accueil chaleureux qui m’a été réservé durant mon stage de dernière année.

Ce document a également nécessité d’une aide dans sa construction par des

formateurs de l’IMF Marseille. Je remercie ma tutrice de mémoire pour ses conseils

ainsi que ma responsable de filière pour son investissement et son soutien dans mon

parcours de formation.

Mes remerciements s’adressent aussi à toutes les personnes s’étant investies

dans la relecture de mon mémoire et contribuant à son amélioration. Je ne pourrai

malheureusement tous les citer ici.

Pour finir, je souhaite remercier tout particulièrement celui qui est en partie à

l’origine de mon inscription dans cette formation, pour son soutien au quotidien.

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Sommaire

Introduction 1

Chapitre 1 - Ma démarche de recherche-action : Le diagnostic 3

I) Contexte juridique et social des ITEP………………………...... 3

II) Le SESSAD : une modalité d’intervention en milieu ouvert…... 5

III) Mes interrogations sur l’accompagnement à la socialisation….. 7

IV) Accompagnement, socialisation et trouble du comportement : entre théorie et pratique…………………………. 10

V) De ma recherche à l’action : Problématique et hypothèse……. 20

Chapitre 2 - Un projet éducatif : La mise en action 24

I) La notion de projet : Une anticipation présente du futur………. 24

II) Un projet d’ouverture à l’environnement……………………... 26

III) Les sorties éducatives collectives comme moyen d’action…… 31

IV) L’évolution des enfants dans cette démarche de projet………. 35

V) Une évaluation-régulation de l’élaboration à la mise en œuvre. 47

Conclusion 50

Bibliographie………………………………………………………….. 51

Sommaire des annexes……………………………………………… 52

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Introduction

Dans ma vision, ce mémoire est un outil de finalisation de mon parcours de

formation d’éducatrice spécialisée. Ainsi, dans cet écrit, je souhaite faire part de mon

positionnement professionnel actuel en tant qu’éducatrice en formation, me projetant

dans mon futur poste.

Mes positions se sont construites et déconstruites au fur et à mesure de mon

parcours scolaire, universitaire et professionnel. Après une licence professionnelle en

intervention sociale à l’IRTS de Perpignan, j’ai souhaité poursuivre mes expériences,

par une formation d’éducatrice spécialisée en deux ans à l’IMF Marseille. Ainsi, j’ai pu

articuler pratique et théorie à partir des différents stages professionnels, de mes lectures

et des échanges durant les temps de didactique professionnelle.

En particulier, mon stage d’observation en Maison d’Enfants à Caractère Social

(MECS) a été l’occasion de me rendre compte de cette nécessité de prendre du recul par

rapport à mon intervention directe. D’ores et déjà, j’ai ressenti l’importance d’espace de

régulation dans ma pratique auprès de personnes en souffrance. Lors de la suite de ma

formation, je me suis attachée à mettre en avant mes écrits professionnels, les échanges

avec l’équipe ou encore les temps d’analyse de la pratique, comme régulateur de mon

intervention.

Mon choix de réaliser mon stage de professionnalisation, en Service d’Education

Spécialisé et de Soin à Domicile (SESSAD) d’un Institut Thérapeutique Educatif et

Pédagogique (ITEP) a été motivé par plusieurs éléments. Tout d’abord, c’est la

possibilité de découvrir le secteur médico-social de manière approfondie en neuf mois

de stage. De plus, le SESSAD est un service en milieu ordinaire où l’intervention de

l’éducateur se fait de façon ambulatoire au sein d’une équipe pluridisciplinaire. Cette

conception assez particulière m’a amenée à vouloir l’expérimenter dans cette dernière

année de formation.

En SESSAD, l’intervention de l’éducateur se base principalement sur le

maintien dans une scolarité ordinaire de l’enfant ainsi que son inscription dans son

environnement. Ainsi, la socialisation se veut être une des missions principales du

SESSAD et en particulier de l’éducateur. Ce point m’a particulièrement intéressée,

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certainement au vu de ma formation universitaire en sociologie.

Dans le cadre de mon mémoire, je me suis interrogée sur ce concept de

socialisation qui est l’objet de nombreuses attentions. En effet, cette entrée en société

est posée comme essentielle notamment dans l’enfance. Ce sont principalement l’école

et la famille qui jouent ce rôle mais également toute inscription dans la cité.

Ma posture d’éducatrice spécialisée en formation m’amène à me questionner sur

la façon dont sera appréhendé ce concept. Il me semble important de le définir et de le

déconstruire car il sera révélateur des orientations choisies dans les dispositifs

d’accompagnement éducatif.

Avec cette thématique de la socialisation, il s’agit là encore, de faire des allers-

retours entre théorie et pratique. Ainsi, mon mémoire se découpe en deux parties, la

première sur ma démarche de recherche et la deuxième sur sa mise en œuvre à partir

d’un projet éducatif. Tout au long de mon écrit, j’ai tenté de faire ces liens entre

réflexion théorique et intervention pratique.

Le contexte et le cadre de ma réflexion se situent à partir de la présentation d’un

ITEP dans son ensemble et du SESSAD en particulier. Ainsi, mes interrogations sur

l’accompagnement à la socialisation de l’éducateur se veulent contextualisées. Mes

recherches pratiques et théoriques sur les notions et concepts d’accompagnement, de

socialisation et de trouble du comportement viennent étayer ma problématique et mon

hypothèse d’intervention.

Ces premiers éléments viennent faire cadre au projet éducatif mis en place. Au-

delà d’une recherche sur la notion de projet, c’est la réflexion sur les éléments et les

étapes du projet qui s’est posée. Les sorties éducatives ont été choisies comme moyen

d’action dans un projet global d’ouverture à l’environnement. La création de conditions

adaptées a permis de noter certaines évolutions pour les enfants concernés par ce projet.

Par ailleurs, les réflexions n’étant pas figées, la réalisation du projet est venue modifier

la façon dont certains éléments avaient été pensés. Ainsi, les espaces de régulation ont

été l’occasion de va-et-vient entre projet pensé et projet réalisé.

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Chapitre 1 - Ma démarche de recherche-action : Le diagnostic

La recherche-action est définie dans l’ouvrage de MA. Hugon et C. Seibel,

chercheurs en sciences de l’éducation : "Il s'agit de recherches dans lesquelles il y a une

action délibérée de transformation de la réalité ; recherches ayant un double objectif :

transformer la réalité et produire des connaissances concernant ces transformations"1.

Mon mémoire de fin de formation s’inscrit dans cette démarche, celle-ci se situant dans

un contexte juridique et social que je souhaite développer.

I) Contexte juridique et social des ITEP

Je réalise mon stage dans un Service d’Education Spécialisée et de Soin à

Domicile (SESSAD) rattaché à un Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique

(ITEP). Tout d’abord, je présenterai de manière détaillé le contexte de mon intervention

à partir des missions, du cadre légal et du public accueilli en ITEP, pour mieux saisir en

quoi il est confronté à la problématique soulevée par mes interrogations.

L’ITEP dans le secteur médico-social actuel

  Les   ITEP   sont   des   structures   médico-­‐sociales   financées   par   l’assurance  

maladie   et   sous   la   responsabilité   de   l’Etat.   Ils   ont   été   légalement   définis   par   le  

décret   du   6   janvier   2005   n°2005-­‐11   établissant   les   conditions   techniques  

d’organisation  et  de  fonctionnement  des  ITEP.  

  Ce  décret  transforme  les  Instituts  de  Rééducation  en  Institut  Thérapeutique  

Educatif  et  Pédagogique  et  spécifie  les  missions  et  actions  particulières  des  ITEP  :  

favoriser   le   maintien   du   lien   des   personnes   avec   leur   milieu   familial   et   social,  

promouvoir  leur  intégration  dans  les  différents  domaines  de  la  vie,  dispenser  des  

soins,  accompagner  au  développement  des  personnes  accueillies  au  moyen  d’une  

intervention  interdisciplinaire.    

  Pour   répondre   à   ces  missions,   une   équipe   pluridisciplinaire   conjugue   des  

actions   thérapeutiques,   éducatives   et   pédagogiques.   Le   partenariat   est   un   outil  

central   pour   cette   équipe   ouverte   sur   l’environnement   de   la   personne.  

1 Hugon et Seibel, Recherches impliquées, Recherches action : Le cas de l'éducation, De Boeck,

Belgique, 1988.

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L’accompagnement   réalisé   se   fait   dans   le   cadre   d’un   projet   personnalisé   adapté  

aux   besoins.   Ce   projet   propose   des   modalités   d’accompagnements   diversifiées,  

modulables   et   évolutives   tout   en   tenant   compte   de   la   situation   singulière   des  

personnes  et  de  leur  famille.  

  La  loi  2002-­‐2  du  2  janvier  2002  rénovant  l’action  sociale  et  médico-­‐sociale  a  

réaffirmé  le  principe  de  l’usager  «  au  cœur  du  dispositif  »  en  lui  reconnaissant  des  

droits  :  respect  de  la  dignité,  intégrité,  vie  privée,  intimité,  sécurité,  libre  choix  des  

prestations,   accompagnement   individualisé,   recherche   du   consentement   éclairé,  

confidentialité  des  données  et  accès  à  l’information  le  concernant.  

  Pour   cela,   sept   nouveaux   dispositifs   ont   été   mis   en   œuvre,   favorisant  

l’exercice  des  droits  :  cinq  documents  avec  le  livret  d’accueil,  la  charte  des  droits  et  

des   libertés,   le   règlement   de   fonctionnement,   le   contrat   de   séjour,   le   projet  

d’établissement  et  deux  instances  avec  la  personne  qualifiée  ou  le  médiateur  et  le  

conseil  de  vie  sociale.  

  Les   orientations   en   ITEP   sont  notifiées  par   la Commission des Droits et de

l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) de la Maison Départementale des

Personnes Handicapées (MDPH). Ainsi, l’ITEP se situe dans le secteur du handicap

avec une règlementation spécifique.

La loi 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances des

personnes handicapées a pour la première fois dans la législation française, donné une

définition précise du handicap : « Constitue un handicap (…) toute limitation d’action

ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une

personne en raison de son altération substantielle, durable ou définitive d’une ou

plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un

polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant »2.

La volonté de cette loi est de changer le regard que la société porte sur le

handicap et la considération dans laquelle elle tient la personne handicapée. Elle

souligne la nécessité de changer de manière importante la façon de reconnaître les

conséquences individuelles et sociales liées aux handicaps. Le point principal reste la

2 Article 2 de la loi 2005-12 du 11 février 2005.

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reconnaissance d’une compensation des conséquences du handicap : « La personne

handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que

soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie »3.

Cette loi prévoit un renforcement de l’accessibilité aux différents pôles de la

« vie sociale » : école, emploi, cadre bâti, nouvelle technologie, transport. Pour cela,

elle affirme le principe de participation effective des personnes handicapées à la vie

sociale, elle-même organisée autour du principe d’accessibilité généralisée.

Les enfants accueillis en ITEP

  L’orientation   de   la   MDPH   notifie   dans   tous   les   dossiers   un   diagnostic  

«  trouble  du  comportement  ».  Or,  aucune  définition  consensuelle  n’a  été  donnée  de  

cette   notion.   Une   partie   de   mon   mémoire   sera   consacrée   à   ce   terme   qui   fait  

d’ailleurs  débat.  

  Les  établissements  s’appuient  sur     le  décret  du  6   janvier  2005  qui  précise  

les  personnes  accueillies   en   ITEP:  «  Les   ITEP  accueillent  des  enfants,   adolescents  

ou  jeunes  adultes  qui  présentent  des  difficultés  psychologiques  dont  l’expression,  

notamment   l’intensité   des   troubles   du   comportement,   perturbe   gravement   la  

socialisation   et   l’accès   aux   apprentissages.   Ces   enfants,   adolescents   et   jeunes  

adultes   malgré   des   potentialités   intellectuelles   et   cognitives   préservées,   sont  

engagés   dans   un   processus   handicapant   qui   nécessite   le   recours   à   des   activités  

conjuguées   et   un   accompagnement   personnalisé  »4.   Cette   tentative   de   définition  

sera  déconstruite  dans  la  partie  de  recherche  théorique  de  mon  mémoire.  

Le  contexte  juridique  et  social  des  ITEP  fait  ressortir  plusieurs  points  importants  qui  

seront  repris  tout  au  long  de  mon  mémoire  :  

  -­  Une  vision  du  handicap  en  évolution,    

  -­  Un  attachement  à  la  responsabilisation  des  personnes,  

  -­  Les  troubles  du  comportement  difficiles  à  définir.  

 

3 Article 11 de la loi 2005-12 du 11 février 2005. 4 Article D.312-59-1 du décret du 6 janvier 2005 n°2005-11.

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II) Le SESSAD : une modalité d’intervention en milieu ouvert

Les SESSAD ont vu le jour dans un contexte de prévention où l’orientation en

internat n’était plus considérée comme une modalité unique d’accompagnement. La

sociologue Andrée Charpy précise : « Dans le contexte d’une rénovation de l’action

sociale et médico-sociale les organisations nécessairement évolutives produisant les

services destinés aux personnes handicapées doivent s’adapter. »5

La création des SESSAD a eu lieu dans les années soixante où la volonté était de

maintenir l’enfant en difficulté dans son milieu familial et son milieu de vie.   «  A  

domicile  »   signifie  dans   tous   les   lieux  de  vie  de   l’enfant  :   école,   famille,   centre  de  

loisirs,  etc.  

  Dans  ce  mouvement,  de  nouvelles  modalités  d’accompagnement  se  mettent  

en   place,   parmi   eux   les   SESSAD.   Ils   proposent   un   travail   visant   l’intégration   des  

enfants   en   situation  de   handicap.   Ainsi,   la   volonté   est   à   la   fois   de  maintenir   une  

continuité  et  de  favoriser  une  rupture  des  modalités  institutionnelles.

Le SESSAD où j’effectue un stage a vu le jour en 1993. Ce service accueille 50

enfants et adolescents de 4 à 14 ans présentant des troubles du comportement. Le

SESSAD est une des modalités d’accueil de l’ITEP avec l’internat et le semi-internat.

  Le   projet   d’établissement   de   mon   lieu   de   stage   concerne   l’ensemble   du  

dispositif  ITEP.  Les  missions  qui  y  sont  précisées  sont  :   la  protection,   le  soin  et   la  

thérapie,   la   scolarisation   et   l’éducation   sous   l’angle   de   la   construction   de   la  

socialisation.   De  manière   générale,   le   SESSAD   tente   de   prévenir   l’exclusion   d’un  

enfant  de  son  milieu  de  vie  scolaire,  social  et  familial.  

  Sa   particularité   par   rapport   au   semi-­‐internat   ou   à   l’internat,   est   liée   au  

maintien   d’une   scolarité   dans   le   milieu   ordinaire.   Cette   dernière   peut-­‐être  

aménagée  mais  ne  nécessite  pas  une  inscription  en  établissement  spécialisé.  Ainsi,  

l’intervention  de  l’équipe  du  SESSAD  favorise  le  maintien  de  l’intégration  scolaire.    

Afin de mettre en place un accompagnement individualisé suivant les besoins de

chacun, le SESSAD est composé d’une équipe pluridisciplinaire combinant trois

5 A. Charpy, Mémoire le travail en SESSAD considéré comme facteur d’innovation, septembre 2004.

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aspects : l’aspect thérapeutique, l’aspect éducatif et l’aspect pédagogique. Un projet

personnalisé d’accompagnement est proposé suite à une période de bilan réalisé par

l’ensemble des professionnels.

  L’élaboration   de   ce   projet   permet   d’adapter   les   réponses   éducatives,  

thérapeutiques  et  pédagogiques  proposées  aux  besoins  de  l’enfant  et  de  sa  famille.  

La   spécificité   du   SESSAD   dans   le   dispositif   ITEP,   c’est   d’intervenir   dans  

l’environnement  de  l’enfant  pour  favoriser  une  intégration  scolaire  et  sociale.  Pour  

cela,  le  SESSAD  a  pour  fonctionnement  une  équipe  pluridisciplinaire  composée  de  

médecin-­‐psychiatre,   psychologue,   assistante   sociale,   éducateur   spécialisé,  

psychomotricien,  instituteur  spécialisé.  

Le  SESSAD  a  plusieurs  particularités  notables  :  

  -­  C’est  une  modalité  du  dispositif  ITEP,  

  -­  Une  intervention  directe  dans  l’environnement  de  l’enfant  et  de  sa  famille,  

  -­  Les  enfants  sont  maintenus  dans  une  scolarité  en  milieu  ordinaire.  

Le projet d’établissement centre la mission d’éducation « sous l’angle de la

construction de la socialisation »6. Ainsi, « dans la mesure où les enfants présentent des

troubles du comportement qui se manifestent dans leur relation aux autres, l’éducation

et la socialisation sont les missions élémentaires de l’institution »7.

Dès lors, une des missions principales de l’éducateur spécialisé dans un SESSAD

consiste à accompagner l’enfant à se socialiser dans son milieu ordinaire.

III) Mes interrogations sur l’accompagnement à la socialisation

Au cours de mon stage, j’ai constaté des écarts entre ce qui était dit

« officiellement » sur la notion de socialisation et ce que j’ai pu observer.

Je pensais au début de mon stage que cette vision centrale de la mission de

socialisation, entraînerait une inscription dans la cité et dans le droit commun des plus

6 Projet d’établissement de l’ITEP, juillet 2010. 7 Ibid.

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étroites, comme je l’avais lu dans le projet d’établissement : « Les enfants et adolescents

pris en charge à l’ITEP provoquent à l’évidence des tensions avec leur environnement.

Pour autant, ces tensions doivent être prises en compte comme des tensions

symptomatiques de la capacité de « vivre ensemble ». Il ne saurait être question de

reléguer l’institution en dehors de la cité. »

Pour y répondre le SESSAD travaille de manière individuelle à une « ouverture

vers l’extérieur » selon le projet et les besoins de l’enfant. Ainsi, j’ai par exemple

accompagné un enfant et sa famille à une inscription dans un club de football.

De manière collective, le SESSAD propose des ateliers à visée thérapeutique

(Théâtre, Conte, Musicothérapie, Equithérapie, etc). J’ai constaté sur une douzaine

d’ateliers collectifs mis en place que seulement trois étaient réalisés à l’extérieur du

SESSAD. Sur ces trois ateliers, deux sont organisés d’une façon où les enfants sont peu

confrontés aux autres (Transport en voiture du SESSAD, créneau horaire spécifique).

Je me suis alors demandée si cette minorité d’ateliers réalisés à l’extérieur n’était

pas un frein pour cette mission de socialisation. Ne fallait-il pas favoriser les activités

extérieures ? Est-ce que la socialisation ne passe pas nécessairement par une

confrontation aux autres, aux règles de la cité ? Qu’en est-il de cette capacité du vivre

ensemble et de la prise en compte de la différence ?

Par ailleurs, il me semble que la nature même des troubles des enfants accueillis

au SESSAD a à voir avec une vision sociale, une attente de la société liée à des

comportements attendus.

Le décret du 6 janvier 2005 concernant les ITEP précise un accueil d’enfants

dont les troubles « perturbent gravement la socialisation et l’accès aux apprentissages ».

Par perturbation de la socialisation, j’entends aussi bien difficulté à se construire comme

un être social sur le plan individuel, mais aussi perturbation au niveau collectif de

l’équilibre de ce vivre ensemble.

Ces troubles du comportement renvoient donc à un rapport à une norme, qui

s’inscrit dans une idée d’un comportement socialement acceptable.

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Mes recherches sur une définition des troubles du comportement m’ont amenée

difficilement à en saisir les enjeux. La Classification Française des Troubles Mentaux

de l'Enfant et de l'Adolescent (CFTMEA) place les troubles de la conduite et du

comportement dans la catégorie clinique. Cette classification ne nous éclaire pas

davantage sur une définition des troubles du comportement.

Ce manque de lisibilité pose question quant à l’accompagnement qui est proposé

alors même que les définitions et les contours des troubles ne sont pas nettement

identifiables.

Pour ma part, j’ai constaté des situations très diverses des enfants accueillis en

SESSAD. Il y a aussi bien des enfants inhibés avec des difficultés d’expression, des

enfants très actifs, des enfants présentant des troubles autistiques ou psychotiques. Une

multitude de possibilités parmi lesquelles même les professionnels ont du mal à se

retrouver.

Lors d’un atelier de l’étude thérapeutique, un groupe de cinq enfants se retrouve

hebdomadairement au SESSAD pour un travail sur l’investissement dans les

apprentissages. A partir de temps cadré, la volonté est de prendre plaisir autour du

travail scolaire. Plusieurs enfants se confrontent : « Je n’ai rien à faire ici c’est que pour

les handicapés » me dit Florent8. Je lui demande pourquoi et il me dit que Mathieu est

fou, qu’il n’arrête pas de crier. Je lui explique que chaque enfant à ses difficultés et que

le SESSAD vient les aider à un moment donné. Lola, elle, ne réagit pas alors que

Mathieu lui crie dans les oreilles. Alban commence à insulter ce dernier qui maintenant

se met à rire. Eva elle, fait alliance avec Alban mais n’intervient pas directement auprès

de Mathieu.

En repensant à cette scène, il est vrai qu’elle vient particulièrement illustrer

l’idée d’une multitude de difficultés et de comportements. Confronté les uns aux autres,

les images que chacun peut renvoyer peuvent parfois être difficiles, comme pour Florent

qui dit ne rien avoir à faire là.

Cependant, mes observations m’ont permis de noter une unité dans une vision

inadaptée que la société porte sur ces enfants, le retard au niveau des apprentissages

étant l’exemple le plus visible. 8 Dans le respect de leur anonymat, le prénom de tous les enfants a été modifié.

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Un certain nombre de points m’interroge : Les troubles du comportement qu’est

ce que c’est ? Quelle est la place du regard de la société dans ces troubles ? Qu’en est-il

du lien entre socialisation et trouble du comportement ?

Ces deux constats, d’un côté peu d’ouverture dans les ateliers collectifs et de

l’autre des difficultés sociales me mettent face à un paradoxe. En effet, l’éducateur se

situe dans une situation complexe où il doit d’un côté prendre en compte le regard et les

représentations de la société sur les troubles de l’enfant et en même temps favoriser

l’ouverture vers cette même société.

Il se situe dans une position de médiation, à l’intersection entre la prise en

compte de la réalité psychique d’une part et de la réalité sociale de l’enfant d’autre part.

Ainsi, il me paraît important de questionner la posture de l’éducateur dans sa vision de

l’autre et de lui-même, ce qui va l’amener à accompagner d’une façon qui lui est propre.

Il me semble pertinent d’aborder la socialisation de ce point de vue et de

m’interroger sur l’accompagnement de l’éducateur. Il s’agit alors de réfléchir à

comment accompagner à la socialisation d’enfants ayant des troubles du

comportement ?

IV) Accompagnement, socialisation et trouble du comportement : entre théorie et pratique

  Je  souhaite  aborder  dans  cette  partie  les  notions  principales  de  ma  question  

de   départ   afin   de   mieux   en   saisir   les   enjeux.   A   partir   de   plusieurs   conceptions  

théoriques   sur   les   notions   d’accompagnement,   de   socialisation   et   de   trouble   du  

comportement,   je   souhaite   faire  part  de  ma  propre   façon  de   les   envisager.  Ainsi,  

ces  visions  orienteront  mes  choix  dans  la  mise  en  projet  de  ma  réflexion.      

Les  troubles  du  comportement  

  Une   définition   précise   des   troubles   du   comportement   n’a   jamais   fait  

consensus.   Partons   tout   d’abord   de   la   notion   de   comportement.   Selon le

dictionnaire Larousse, c’est « l’ensemble des réactions d’un individu, une conduite ».

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Au sens psychologique du terme, c’est « l’ensemble des réactions, observables

objectivement, d’un organisme qui agit en réponse à une stimulation ».

Ces réactions évoquées dans les deux définitions sont des réactions à quoi ? A

qui ? Que vient-elle signifier ?

Un comportement selon Françoise Dolto est un « langage à décoder »9. Il vient

signifier quelque chose à l’autre qu’il ne peut pas dire. Elle nous met en garde de ne

jamais confondre l’être avec ses comportements. « Par exemple, un nourrisson qui

vomit n’est pas un vomisseur. Un enfant qui vole n’est pas un voleur. En substantivant,

nous dévitalisons un être humain. Nous le classons comme une chose, nous confondons

l’être et le paraître, l’individu avec sa façon de s’exprimer. (…) Cela signifie quelque

chose, de l’ordre de la vie relationnelle entre humains, chacun sujet de désirs et pas

seulement objet fonctionnant. »10

Au niveau sociétal, lorsqu’un comportement est considéré comme déviant, il va

s’opérer un certain contrôle social pour que la personne se situe à nouveau dans une

norme. Le terme déviance vient du latin « De via » qui signifie hors du chemin, hors de

la voie. La voie symbolisant la norme. La déviance n'existe alors que par rapport à la

norme, elle lui est entièrement liée. Dès l'instant où il y a une norme, il y a forcément

une déviance qui lui est associée.

Becker dans son ouvrage Outsider se demande comment les groupes sociaux ou

la société arrivent à créer de la déviance. Selon l’interactionnisme symbolique, courant

dont fait partie cet auteur, l’élément constitutif de la déviance n’est pas le comportement

en tant que tel du supposé déviant, mais le fait que la société le qualifie ainsi : « Le

déviant est celui auquel cette étiquette a été appliquée avec succès ».11

Lorsqu’un enfant est accueilli en SESSAD, c’est qu’il a, à un moment donné, un

comportement déviant, qui ne correspond pas aux attentes sociales. Ainsi, lorsqu’un

enfant ne sait pas tenir une journée en classe ou n’est pas entré dans les apprentissages à

l’âge de 10 ans par exemple, il peut être posé le diagnostic de trouble du comportement.

9 F. Dolto, L’enfant dans la ville, éd. Gallimard, Paris, 1998, p.19. 10 Ibid. 11 H. Becker, Outsiders. Etude de sociologie de la déviance, éd. Métailié, Paris, 1985.

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  C’est  le  décret  du  6  janvier  2005  qui  précise  actuellement  les  contours  de  ce  

qu’on  définie  par   la  notion   trouble  du  comportement   :  «  Les   ITEP  accueillent  des  

enfants,   adolescents   ou   jeunes   adultes   qui   présentent   des   difficultés  

psychologiques   dont   l’expression,   notamment   l’intensité   des   troubles   du  

comportement,  perturbe  gravement   la  socialisation  et   l’accès  aux  apprentissages.  

Ces  enfants,   adolescents  et   jeunes  adultes  malgré  des  potentialités   intellectuelles  

et   cognitives   préservées,   sont   engagés   dans   un   processus   handicapant   qui  

nécessite   le   recours   à   des   activités   conjuguées   et   un   accompagnement  

personnalisé.  »12  

  C’est   une   vision   assez   handicapante   des   troubles   que   rencontrent   ces  

enfants   qui   est  mise   en   avant   dans   cette   définition.   Cette   notion   de   «  processus  

handicapant  »  renvoie  à  une  conception  sociale  des  troubles.  Cela  rejoint  la  volonté  

de  la  loi  du  11  février  2005  de  considérer  l’environnement  comme  le  lieu  de  reflet  

des   difficultés.   Le   travail   sur   l’adaptation   de   l’environnement   au   handicap   de  

manière  générale,  est  un  changement  profond.  Les  enjeux  d’une  telle  loi,  sont  alors  

complexes   en   s’attachant   à   ce  principe  que   la   société  produit   du  handicap.   Cette  

évolution  décentre  un  travail  auparavant  uniquement  basé  autour  de  l’adaptation  

des   personnes   handicapées,   vers   un   mouvement   de   responsabilisation   de   la  

société   qui   doit   également   s’adapter   pour   rendre   moins   handicapantes   les  

situations.  

  Avant  ce  décret  de  2005,  les  ITEP  étaient  des  Instituts  de  Rééducation  (IR)  

accueillant   également  des  enfants  ayant  des   troubles  du   comportement.  Dans  un  

article   du   docteur   Loisy,   les   enfants   des   IR   sont   présentés   comme   des   sujets  

souffrants,   utilisant   leur   comportement   comme   l’expression   de   leur   mal-­‐être  :  

«  Les   enfants   des   IR,   se   manifestent   par   leur   comportement,   ne   pouvant   ou   ne  

sachant  pas   verbaliser   leur   émotion,   leur  mal-­‐être  physique   et/ou  psychique,   du  

fait   de   leur   jeune   âge   et/ou   de   la   non   capacité   d’écoute   de   leur   entourage.   Ils  

emploient   pour   s’exprimer   ce   qui   est   à   leur   disposition,   c'est-­‐à-­‐dire   leur  

comportement.  »  Cela  rejoint  l’idée  de  F.  Dolto  que  tout  comportement  est  langage  

à  décoder.  

12 Article D.312-59-1 du décret du 6 janvier 2005 n°2005-11.

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  Au-­‐delà   de   cette   souffrance,   c’est   également   une   inadaptation   sociale   qui  

était   posée   avant   2005.   En   effet,   le   rapport   de   l’Inspection  Générale   des  Affaires  

Sociales   (IGAS)   sur   les   IR   en   1999   évoquait   concernant   la   notion   de   trouble   du  

comportement  :   «  Cette   notion   véhicule,   derrière   des   stéréotypes   imprécis   et  

désuets  (de  type  «  enfants  caractériels  »),  une  reconnaissance  quasi  officielle  d’un  

handicap   de   nature   très   vague   pour   une   population   mal   définie,   dont   on   sait  

seulement  qu’elle  est  trop  inadaptée  à  l’institution  scolaire  pour  y  demeurer,  et  pas  

assez   caractérisée   pour   l’élaboration   d’un   diagnostic   exclusivement   médical   et  

univoque  »13.  Comment  ne  pas  s’interroger  face  à  une  définition  aussi  imprécise  de  

la   réalité   des   difficultés   et   aux   choix   des   orientations   concernant   les   dispositifs  

d’accompagnement  ?  

  A  ce  sujet  l’Association  des  ITEP  et  de  leur  Réseau  (AIRE),  évoque  dans  un  

de  ses  articles  que  la  mission  des  professionnels  n’est  pas  de  trouver  à  ses  enfants  

une   case  mais   de   «  les   accompagner   dans   la   découverte   et   la   construction   d’une  

place  en  tant  qu’individu  et  en  tant  que  citoyen  »14.    

  Il  me  semble  que  le  flou  clinique  existant  dans  la  définition  des  troubles  du  

comportement   entraine   ce   genre   de   dérive   et   amène   à   une   catégorisation  

excessive.   Les   propos   du   professeur   Mises15   illustrent   cette   idée.   Selon   lui,   la  

«  définition  »   du   public   concerné   par   les   ITEP   propose   un   repérage   «  ouvert  ».   Il  

évoque   les   contours   des   troubles   du   comportement   à   partir   de   ce   qu’ils   ne  

regroupent   pas,   comme   si   ce   qu’ils   regroupaient   était   impossible   à   définir  

précisément.  

  En  pratique,  sur  mon  lieu  de  stage,  c’est  le  décret  du  6  janvier  2005  qui  sert  

de  base  juridique  pour  évoquer  les  enfants  accueillis  à  l’ITEP.  Des  caractéristiques  

génériques   sont   également   évoquées   dans   le   projet   d’établissement16  :   «  Des  

troubles   du   narcissisme,   une   très   faible   estime   de   soi,   un   contrôle   extrêmement  

difficile   des   émotions,   une   détresse   existentielle   et   une   forte   quête   affective,   un  

mode   relationnel   où   le   repli   et   l’affrontement   défensif   dominent,   une   instabilité  

13 Rapport sur les IR, présenté par M. Gagneux et P. Soutou, collection rapports publics IGAS, 1999. 14 Position de l’AIRE à propos des « jeunes dits incasables », Paris, sept 2009. 15 Membre du conseil scientifique de l’AIRE et à l’origine de la Classification Française des Troubles

Mentaux de l’Enfant et de l’Adolescent (CFTMEA). 16 Projet d’établissement de l’ITEP, juillet 2010.

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motrice   et   psychique,   un   brouillage   intergénérationnel.  »   Au-­‐delà   de   ces  

caractéristiques  génériques,  le  projet  d’établissement  précise  des  caractéristiques  

spécifiques   liées   à   l’environnement   local  :  «  Une   grande   précarité   sociale,   une  

origine  urbaine,  des  phénomènes  d’inter-­‐culturalité  ».  

  Le   SESSAD   a   également   fait   une   étude   sur   trois   ans   à   partir   de   la  

Classification   Française   des   Troubles   Mentaux   de   l’Enfant   et   de   l’Adolescent  

(CFTMEA)  pour  mieux  saisir  au  niveau  clinique  quels  enfants  étaient  accompagnés  

en   SESSAD.   Il   en   ressort   au   niveau   quantitatif  :   psychose   7,8%,   troubles  

névrotiques  25%,  pathologies  limites  et  troubles  de  la  personnalité  6,5%,  troubles  

réactionnels   14%,   déficience   mentale   1,5%,   troubles   du   développement   et   des  

fonctions  instrumentales  17,2%,  troubles  des  conduites  et  du  comportement  11%,  

variations  de  la  normale  17,2%.  Cette  étude  renvoie  encore  une  fois,  aux  multiples  

diagnostics  cliniques  possibles  qui  se  retrouvent  en  SESSAD.  

Ce  qu’il  me  semble  important  de  retenir  de  cette  partie  sur  la  notion  de  troubles  du  

comportement,   c’est   tout   d’abord   la   difficulté   actuelle   de   trouver   une   définition  

précise  de  ce  que  sont  les  troubles  du  comportement.  Cette  notion  regroupe  ainsi  une  

multitude  de  diagnostics  cliniques.    

Dans  mon  intervention,  il  s’agit  de  ne  pas  perdre  de  vue  la  caractéristique  commune  

de   ces   enfants   qui   se   situe   dans   le   regard   que   porte   la   société   sur   leurs  

comportements   considérés   comme   inadaptés.   De   plus,   il   sera   également   important  

d’être  vigilante  à   la  prise  en  compte  des  difficultés  particulières  que  chaque  enfant  

rencontre  et  ainsi  proposer  des  objectifs  adaptés  à  chacun.  

La  socialisation  

En pratique, sur mon lieu de stage, le projet d’établissement17 précise la mission

d’éducation « sous l’angle de la construction de la socialisation ». Ainsi, « dans la

mesure où les enfants présentent des troubles du comportement qui se manifestent dans

leur relation aux autres, l’éducation et la socialisation sont les missions élémentaires de

l’institution. Elles passent par le respect d’autrui comme le sujet, par l’énonciation des

règles de vie en société, par le respect de l’intimité et la construction de l’identité. »

17 Projet d’établissement ITEP, juillet 2010.

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La socialisation est un concept en sciences humaines qui a été abordé de

plusieurs façons suivant les domaines de référence. Ainsi, selon le dictionnaire de

sociologie « c’est un concept occupant une place ambigüe en sociologie : centrale pour

certains, secondaire pour d’autres. »18 Je souhaite tout d’abord revenir sur ces

différentes conceptions à partir de l’ouvrage de C. Dubar, la socialisation19.

E. Durkheim le fondateur de la sociologie française a évoqué la socialisation à

partir de sa vision holiste du social. Ainsi, elle peut être pensée comme une inculcation

par les institutions des manières de faire, de sentir et de penser. J. Piaget a critiqué cette

approche. De courant relationniste, ce dernier met en avant la place des interactions

dans le processus de socialisation et ainsi l’individu comme acteur.

Selon M .Mead de courant culturaliste, la socialisation n’est pas un concept

universaliste. La socialisation étant vue comme un apprentissage de la culture, il en

existe autant de formes que de cultures elles-mêmes.

T. Parsons et les fonctionnalistes défendent l’idée « que les sociétés pour

survivre, doivent reproduire à la fois leur culture et leur structure sociale. Elles ne

peuvent le faire qu’en assurant l’intériorisation des fonctions sociales vitales par les

enfants tout au long de leur socialisation. »20

Pour P. Bourdieu et JC. Passeron, la reproduction sociale a bien lieu mais les

institutions comme l’école imposent symboliquement la culture bourgeoise. A un

niveau individuel, selon eux, « les habitus de classes incorporés au cours de la

socialisation, sont conçus comme un processus d’imprégnation des conduites aux

destins les plus probables assurant ainsi subjectivement la reproduction légitime des

positions d’origine. »21

C’est Berger et Luckman qui vont amener la distinction entre socialisation

primaire et secondaire. La socialisation primaire est subie par l’individu pendant son

enfance. Elle permet qu’il devienne membre de la société. La socialisation secondaire,

c’est tout ce qui va se passer par la suite, c’est-à-dire l’incorporation de l’individu 18 G. Ferréol, Dictionnaire de sociologie, éd. Colin, 2010. 19 C. Dubar, La socialisation, éd. Colin, 2009. 20 T.Parsons, Family, socialization and interaction process, 1955, cité par C. Dubar dans l’ouvrage la

socialisation. 21 Bourdieu et Passeron, la reproduction – Elément d’une théorie du système d’enseignement, 1970, cité

par C. Dubar dans l’ouvrage la socialisation.

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socialisé dans de nouveaux secteurs du monde. Ainsi, la socialisation n’est plus vue que

dans l’enfance mais tout au long de la vie. Ce concept est « la construction d’un monde

vécu qui peut être déconstruit et reconstruit tout au long de l’existence, et dont chacun

doit apprendre à en devenir l’acteur. »22

Enfin, le dernier grand courant à avoir étudié le concept de socialisation, c’est le

courant constructiviste de M. Weber et G. Simmel. Ils évoquent la notion de monde,

comme lieu de vie dont l’individu est acteur. « Les processus de socialisation

permettent les coordinations des actions et la négociation des mondes qui sont toujours

des mixtes d’intérêts et de valeurs. »23

Ces grands courants de pensée ont amené chacun avec leur spécificité, une

approche du concept de la socialisation. Au-delà même, c’est la vision de l’homme et

du social que cela vient interroger. A ce sujet, C. Dubar amène à rapprocher le concept

d’identité avec celui de socialisation pour apporter sa propre grille de lecture.

D’après lui, il existe deux axes d’identification d’un acteur social : le premier lié

à un contexte d’action donné et le second à une trajectoire personnelle et subjective.

Chacun se définit à partir de l’articulation de ces deux axes. C. Dubar parle de

différentes formes identitaires entre « les définitions officielles attribuées par autrui et

les identifications subjectives revendiquées par soi et soumises à la reconnaissance

d’autrui. »24 Il distingue alors la socialisation relationnelle, « des acteurs en interaction

dans un contexte d’action » et la socialisation biographique, « des acteurs engagés dans

une trajectoire sociale ».

L’individu est ainsi vu comme acteur d’une socialisation qui lui est propre. Le

système culturel n’est pas un ensemble contraignant mais recoupe des sous-groupes

ayant des valeurs qui lui sont associées (Famille, école, travail, pair, etc). Chacun fait le

choix d’un investissement plus ou moins important de ces sous-groupes et vient à les

hiérarchiser. Ainsi, « c’est en prenant conscience de l’existence de ces sous-groupes et

des différentes représentations ou valeurs qui y sont associées que l’individu acquiert la

22 P. Berger, T. Luckman, La construction sociale de la réalité, éd. Colin, 1966. 23 C. Dubar, La socialisation, éd. Colin, 2009. 24 Ibid, p.11.

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capacité de s’en distancier et donc de procéder à un agencement original et

personnel. »25

Cette partie théorique sur la socialisation est beaucoup plus dense au vu des

nombreuses visions de ce concept. Les différentes conceptions se retrouvent dans l’idée

que la socialisation immerge l’individu dans le social. Elles se différencient dans une

place plus ou moins importante qui est donnée à l’individu comme acteur de ce

processus.

La base de mon intervention partira d’une vision de la socialisation où l’individu est

partie prenante de son apprentissage et de l’intériorisation des modèles culturels. En

pratique sur mon lieu de stage, cela s’illustre par exemple, par un accompagnement à

une inscription dans le droit commun (Centre aéré, club, etc.) à partir des ressources de

l’enfant, de sa famille et de son territoire. Chacun est amené à prendre un rôle et à

devenir acteur de ce processus de socialisation. Mon projet tentera de viser cet objectif.

Une telle vision de la socialisation renvoie à une posture de l’éducateur qui envisage

l’autre comme ayant des marges de manœuvres possibles dans son projet de vie. Ainsi,

cela vient interroger également la notion d’accompagnement.

L’accompagnement

L’accompagnement est une notion au carrefour de beaucoup d’autres. C’est tout

à la fois « guider (orienter, conseiller) », « escorter (aider, protéger, surveiller) » et

« conduire (diriger, enseigner, éduquer, former, initier) ». Selon M. Paul, docteur en

sciences de l’éducation, « l’intersection de ses fonctions se trouve dans la veille : être en

position d’accompagnement, c’est être en veille par rapport à une personne ».26

L’accompagnement social est une démarche qui vise à « aider les personnes en

difficulté à résoudre les problèmes générés par des situations d’exclusion et à établir

avec elles une relation d’écoute, de soutien, de conseil et d’entraide. »27

Accompagner fait ainsi référence à un cheminement côte à côte de deux

personnes. Le compagnon, cumpagnere est « celui qui partage le pain avec », dans

25 O. Pougnaud, P. Ropers, C. Soris, Accompagnement social et éducatif spécialisé, éd. Vuibert, 2009. 26 Conférence de M. Paul au C2R Bourgogne, Le concept d’accompagnement, 2004. 27 UNIOPSS, Guide pratique de l’accompagnement social, éd. Syros, 1995.

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l’idée de partage des temps de vie, peines et joies. Dès lors partager selon l’éducateur

spécialisé P. Gaberan : « ce n’est ni imposer ni forcer l’autre à prendre ce qui lui est

tendu par l’éducateur.»28

Il existe trois modèles de l’accompagnement présentés par M. Paul :

- Thérapeutique : « L’important est de mobiliser les ressources de la personne

face à un dysfonctionnement passager et non de se substituer à elle en lui fournissant le

remède. »

- Maïeutique : « Le but est d’aider les hommes à « accoucher d’eux-mêmes ». Il

faut chercher à mobiliser les ressources de la personne en la mettant en contact avec son

intériorité. Le rôle tenu est simplement celui de facilitateur en s’appuyant sur sa propre

expérience ».

- Initiatique : « Le but de l’accompagnement initiatique est le changement de

statut par le biais de rite de passage. La personne accompagnée passe du statut de passif

à celui d’actif, c’est-à-dire comme membre actif de sa communauté ».29

Ces trois modèles n’envisagent pas la vision de l’accompagnant et de

l’accompagné de la même façon. Ainsi, suivant que l’établissement ou le professionnel

se situe dans telle ou telle conception, l’accompagnement sera réalisé différemment. Les

dispositifs d’accompagnement reposent donc sur des principes spécifiques.

Le projet d’établissement de l’ITEP où je suis en stage évoque une approche de

l’accompagnement au sens thérapeutique d’après M. Paul. « L’accompagnement

proposé en ITEP leur permet de prendre conscience de leurs ressources et difficultés.

Ces composantes sont indispensables à mobiliser chez l’enfant ou l’adolescent, car elles

permettent de travailler leur rapport à l’environnement »30.

28 P. Gaberan, Cent mots pour être éducateur, éd. Erès, 2007, p.118. 29 Conférence de M. Paul, Le concept d’accompagnement, 2004. 30 Projet d’établissement de l’ITEP, juillet 2010.

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Selon le guide pratique de l’accompagnement social de l’Union Nationale

Interfédérale des œuvres et Organismes Privés Sanitaires et Sociaux (UNIOPSS), la

relation d’accompagnement comporte cinq caractéristiques :

« - Asymétrique : met en présence deux personnes d’inégales puissances ;

- Contractualisée : association sur la base d’une visée commune ;

- Circonstancielle : est due à un contexte, à la traversée d’une période ;

- Temporaire : ne dure qu’un temps, elle a un début et une fin ;

- Co-mobilisatrice : implique de s’inscrire, l’un et l’autre dans un mouvement. »

Ainsi, l’accompagnateur se situe entre une exigence institutionnelle de répondre

aux attentes de celle-ci tout en devant considérer la personne accompagnée dans sa

singularité. P. Fustier évoque cette position dans le travail social entre celle du don et

celle du service contractualisé : « L’ambivalence est constitutive de ce domaine et

concourt à la réussite de cette mission paradoxale : donner de soi à autrui et être payé

pour le faire. La vérité est dans l’entre deux, dans l’indicible du payé et du gratuit, du

pensé et de l’impensable, du dit et du non-dit, dans la conservation du paradoxe que

s’ouvre l’espace potentiel de la liberté »31. Cette citation vient interroger un

accompagnement pensé comme « côte à côte », mais où une personne est un

professionnel et crée de fait un déséquilibre. Ce paradoxe n’est pas une impasse mais au

contraire selon P. Fustier un espace de liberté, au sens d’ouverture vers des possibles

dans cet accompagnement.

La notion d’accompagnement renvoie à une vision générale de l’éducation et de

la façon dont l’éducateur va envisager sa place et celle de l’autre. Selon J. Ardoino,

l’approche pédagogique non directive entraîne deux idées fondamentales. D’une part, la

personne est seule capable de choisir où elle souhaite aller et comment elle s’y prendra.

D’autre part, l’éducateur à l’écoute de l’autre doit accepter le fait que cet autre est

« auteur, acteur et metteur en scène de ses actes »32. Ainsi, l’éducateur dans sa

31 JM. Servin, Critique du lien d’accompagnement entre don et contrat de P. Fustier, lien social. 32 J. Ardoino, De l’accompagnement en tant que paradigme, Revue pratiques de formation/Analyses,

Université Paris 8, Formation Permanente, N°40, 2000, p.5 à 19.

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« modeste » intervention, tente de faciliter ses ressources en faisant place de tiers avec

les difficultés rencontrées.

Il me semble important de retenir que la notion d’accompagnement renvoie à deux

positions à savoir comment on envisage l’autre et comment on s’envisage soi. Je

conserve comme vision que l’accompagnement mise sur les capacités des personnes à

développer leurs propres ressources et faire leurs propres choix dans la volonté de

réaliser leur projet de vie. Ainsi, l’éducateur doit adopter une posture en conséquence,

c’est-à-dire à l’écoute de l’autre acteur.

Une situation concrète vient illustrer ces propos. Un enfant que j’accompagne et qui est

dit par l’équipe inhibé et en difficulté de faire des demandes à l’adulte, m’amène un

jour un document d’inscription pour un atelier rugby, tous les mercredis matin près de

son domicile. Je lui demande ce que c’est et il m’explique qu’il voudrait bien faire cette

activité. Je l’interroge pour savoir où il a trouvé ce dossier. Youri33 me dit qu’il l’a

demandé à l’école. Au retour, je fais part à sa mère de sa demande. Elle s’en saisit et

fait les démarches après que je les lui ai explicitées car elle ne lit pas bien le français.

Ainsi, dans une position pour ma part de médiation et d’écoute, Youri a su se

positionner et amener une demande. Sa mère et lui ont su s’appuyer sur leurs

ressources pour la concrétiser.

Pour faire lien avec la mise en projet, cela aura pour incidence de mettre en avant

l’enfant comme en capacité de faire des choix. Il s’agira également de réaliser des

espaces de discussion où chacun sera en mesure d’échanger sur ses propres choix.

V) De ma recherche à l’action : Problématique et hypothèse

Synthèse de la problématique

Ma question de départ qui était comment accompagner à la socialisation des

enfants ayant des troubles du comportement, a quelque peu évolué au vu des éléments

théoriques et pratiques de la partie précédente.

En effet, les éléments évoqués convergent principalement vers une vision de

33 Le prénom de cet enfant a été modifié par respect de son anonymat.

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l’éducation comme émancipatrice. Comme le défend J. Ardoino34, la volonté est de

s’adapter au groupe pour qu’il survive mais également être autorisé à avoir sa propre

pensée et être autonome. Ainsi, l’enfant est vu comme acteur de la socialisation, acteur

de son projet de vie. Je souhaite également considérer au cas par cas les situations au vu

des ressources et des difficultés de chaque enfant et de son environnement familial et

social. J’interroge alors comment l’éducateur spécialisé peut-il accompagner à la

socialisation d’enfants ayant des troubles du comportement à partir de leurs places

dans un projet éducatif ?

Hypothèse d’intervention

L’hypothèse d’intervention est une réponse possible à la problématique. Elle est

l’aboutissement de la phase exploratoire. C’est une proposition que je souhaite mettre

en épreuve à l’aide d’un projet éducatif. Elle respecte ainsi les nouvelles exigences du

Diplôme d’Etat d’Educateur Spécialisé (DEES) d’une articulation étroite entre réflexion

et action.

L’hypothèse que je souhaite explorer comme fil conducteur de mon action

correspond à l’idée qu’être dans une démarche de projet éducatif d’ouverture peut

amener chacun à faire ses propres choix et à se construire par rapport à son

environnement.

Selon l’Agence Nationale de l'Evaluation et de la qualité des établissements et

Services sociaux et Médico-sociaux (ANESM), « la stratégie d’ouverture a pour objectif

de développer ou de maintenir le lien social des personnes tout en leur assurant un cadre

de vie rassurant et structurant ».35 Elle a pour but de favoriser l’insertion mais aussi de

permettre une meilleure autonomie dans la vie sociale ou encore de maintenir la place

de chacun dans la cité. C’est également un outil pour faire évoluer les représentations

sociales.

Rencontrer l’extérieur à partir de sorties éducatives peut permettre aux enfants

de vivre des situations qui peuvent être sources d’apprentissage quant à la question de

comportements socialement attendus. Dans une double visée, cette ouverture peut 34 J. Ardoino, Les avatars de l’éducation, PUF, 2000. 35 ANESM, Ouverture de l’établissement à et sur son environnement, Recommandations de bonnes

pratiques professionnelles, 2008, p.10.

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amener une découverte de la ville au sens d’exister dans un espace collectif qu’est la

cité. Ainsi, la valorisation des capacités dans ce groupe que je souhaite mettre en avant

est un moyen d’inscription dans une forme de citoyenneté.

En pratique, ce projet consiste à une découverte de la ville à partir de « lieux de

vie » dans le souci d’une démarche citoyenne. Ainsi, il s’agit de travailler la valorisation

de capacités individuelles dans un espace collectif.

Le projet éducatif mis en place se situe à l’intersection de quatre exigences :

- Institutionnelle : mon projet s’inscrit dans la lignée du projet d’établissement ;

- Formatrice : ce projet tente d’être au plus près des attendus du diplôme ;

- Professionnelle : il vise également à la construction de mon positionnement ;

- Personnelle : il reflète un engagement.

Cette partie traite de ce lien complexe entre réflexion et action. Il s’articule dans mon

mémoire, dans un souci d’apport théorique pour étayer ma pratique. Ainsi, ma

réflexion sur la place de l’enfant dans un projet sera le fil conducteur de mon

intervention éducative.

Page 26: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

23

Ce premier chapitre sur ma démarche de recherche-action, a permis de mettre en avant

plusieurs idées posant le cadre de la mise en place de mon projet.

Il faudra notamment retenir que les missions de l’ITEP visent à accompagner des

enfants de 4 à 14 ans ayant des troubles du comportement. Pour y répondre, le

SESSAD, service ambulatoire de l’ITEP accueille des enfants scolarisés en milieu

ordinaire et travaille à ce maintien. L’éducateur dans ce cadre est sollicité pour

accompagner ce mouvement d’inscription dans la réalité sociale. Ainsi, le soutien dans

ce processus de socialisation est mis en avant chez ces enfants qui ne correspondent pas

directement aux attentes sociales.

Le SESSAD dans lequel j’effectue mon stage est donc confronté à ma réflexion sur

l’accompagnement à la socialisation de ces enfants. Pour avancer dans cette recherche,

j’ai tenté de l’éclairer à partir d’éléments théoriques dans ce premier chapitre mais

également en mettant en place un projet éducatif. Ce dernier présenté dans ce second

chapitre, vise à la valorisation des capacités de chacun dans une démarche d’ouverture.

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Chapitre 2 - Un projet éducatif : La mise en action

Je souhaite en premier lieu, dans ce chapitre, aborder la notion de projet pour en

saisir les enjeux. En effet, cette dernière est très à la mode dans de nombreux domaines,

comme la politique, le travail, la formation ainsi que dans le secteur social et médico-

social qui nous concerne plus particulièrement. Après la présentation de l’émergence de

cette notion, je m’arrêterai sur son utilisation actuelle dans le travail social.

I) La notion de projet : Une anticipation présente du futur

L’émergence de cette notion

Étymologiquement issu du latin pro-jacere, signifiant jeter en avant, c’est au

XVe siècle que le projet a été pour la première fois, utilisé dans le domaine de

l’architecture. Il désigne alors des éléments placés en avant d’un bâtiment comme un

balcon. C’est alors une projection dans l’espace et dans le temps de ce qui va être

amené, à être construit. Dès lors, il existe une dissociation dans le temps du projet et de

son exécution.

Au XVIIIe siècle, la dimension relationnelle du projet a été évoquée par le

philosophe J. Fichte36, qui le voit comme une possibilité de sortir de soi. En effet, au

niveau collectif c’est une mise en interaction du sujet et de son environnement. Se pose

alors qu’un projet évolue suivant la société où il se situe, et notamment dans la façon

dont le lien social est envisagé. Se projeter dans la société actuelle ne regroupe pas les

mêmes enjeux qu’il y a plusieurs siècles. Selon J. Rouzel, « pour anticiper dans le 36 Philosophe Allemand du XVIIIe siècle.

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25

temps, il faut qu’une culture ait une conception du temps linéaire, permettant la

projection en avant »37. Une construction cyclique entraîne d’avantage une tendance au

rituel plus qu’au projet. Actuellement, notre conception linéaire du temps amène cette

notion comme centrale.

En sociologie, la notion de projet a été travaillée par M. Crozier38 dans le

domaine de la sociologie des organisations. Orienté vers l’acteur, il cherche à

réintroduire sa place dans un système ainsi qu’une marge de manœuvre visant l’action

et la mise en projet. Dans ce cadre, le projet est alors vu comme une forme de liberté

individuelle de pensée mais aussi d’action.

L’ouvrage de JP. Boutinet sur l’anthropologie du projet fait référence

aujourd’hui pour tenter de le définir. Selon lui, le projet est « une anticipation opératoire

partiellement déterminée »39. Ainsi, c’est une façon d’appréhender l’avenir dans une

visée de le modifier mais de manière « jamais totalement réalisée, toujours à reprendre,

cherchant indéfiniment à polariser l’action vers ce qu’elle n’est pas »40. Dans cette

vision, un projet tente de combler un manque qui serait propre à tout humain. A la

recherche d’un idéal possible, « la mise en projet est alors permanente »41.

Le projet aujourd’hui en travail social

Cette notion est utilisée à plusieurs niveaux dans le travail social depuis

notamment, la réforme des annexes XXIV42. Il existe ainsi le projet associatif, le projet

d’établissement ou de service, le projet personnalisé, le projet éducatif d’activité, etc.

Même à des niveaux différents ces conduites de projet ont pour similitude de « donner

du sens à l’action qu’elles anticipent »43.

Depuis la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, le

projet d’établissement et le projet personnalisé d’accompagnement sont devenus des

obligations juridiques. Ainsi, c’est le droit des personnes accompagnées qui est

37 J. Rouzel, Le travail d’éducateur spécialisé, éthique et pratique, éd. Dunod, 2000, p.49. 38 Sociologue français du XXe siècle. 39 J-P Boutinet, Anthropologie du projet, 1990. 40 Ibid. 41 Ibid. 42Les annexes XXIV du 27 octobre 1989 fixent les conditions techniques d’autorisation des établissements et des services prenant en charge des enfants ou adolescents présentant des déficiences intellectuelles ou inadaptés. 43 J-P Boutinet, Anthropologie du projet, 1990.

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réaffirmé à travers ces documents se situant au plus près des situations. De manière

synthétique, le projet personnalisé découle du projet d’établissement qui lui-même

découle du projet associatif.

A partir des éléments de définition du projet, il me semble important de préciser

plusieurs de ses enjeux, notamment dans le cadre de la mise en œuvre d’un projet

personnalisé en travail social.

Le projet, permanent dans notre société est une forme de concrétisation ou non

d'un désir formulé quelques temps auparavant. Tentant de répondre à un manque, il peut

être assimilé à un outil de désir. Cependant, le projet n'est pas sa réalisation. Ainsi, dans

cette démarche de mise en mouvement se met au travail notre recherche d’un idéal du

bonheur. Il ne s'agit peut-être pas alors de réaliser à tout prix les projets mis en place

mais davantage de créer les conditions et à faire advenir la personne en tant qu'être

désirant.

Ainsi, le projet appartient à un sujet. L’éducateur est alors le médiateur en

accompagnant à la formulation des désirs de la personne ou en faisant tiers avec

l'équipe. Il s’agit également pour le professionnel de prendre en compte les exigences

institutionnelles car tout projet est soumis à contraintes.

Dans le cadre de ma recherche-action, la notion de projet est centrale. Plusieurs

éléments sont importants à retenir :

- Un projet est une anticipation d’une action future qui reflète un désir humain

de se projeter vers un mieux-être.

- C’est un outil pour l’éducateur pour mettre au travail certaines difficultés des

personnes accompagnées, tout en se basant sur leurs capacités opératoires.

- Le projet renvoie également à la façon dont j’envisage l’autre accompagné et

dont je m’envisage en tant qu’éducatrice.

II) Un projet d’ouverture à l’environnement

Un projet s’appuie sur une méthode précise qui amène à déconstruire chaque

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27

élément apporté : Qui ? Quoi ? Pour qui ? Pourquoi ?, etc. Ainsi, à travers ces sous-

parties, je souhaite aborder l’ensemble de mes choix d’intervention et en faire part dans

une démarche clinique. Il s’agit de questionner mes propres intentions mais également

les intentions institutionnelles et repérer à quels niveaux elles se rejoignent et

conduisent à faire un projet.

Le porteur de projet

Dans un premier temps, il me semblait que la question du « pour qui » devait

être la première à figurer dans cette présentation du projet. Cependant, au fur et à

mesure de la mise en place du projet, je me suis interrogée sur ma propre implication

professionnelle mais aussi personnelle. Selon J. Rouzel, « Un projet naît d’une

intention, d’une idée. Le porteur de projet doit s’impliquer dans cette projection. »44

Cette mise au travail n’est pas des plus évidentes mais elle amène à s’interroger sur sa

posture et sa vision de l’éducation.

Pour ma part, cette proposition de projet était au début de ma réflexion, un outil

éducatif pour se distancier d’une vision « figée » des troubles du comportement. C’était

également une possibilité d’intervenir collectivement à l’extérieur du SESSAD et ainsi

amener à une ouverture vers l’environnement. Ma vision a quelque peu évolué à partir

de la réalisation du projet en m’appuyant sur les observations des situations rencontrées.

En effet, il me semble aujourd’hui mettre de plus en plus en avant la place centrale des

enfants dans ce projet et leur degré de participation.

Ce projet reflète également les valeurs qui m’ont amenée à choisir le métier

d’éducatrice. L’égalité, la solidarité et la liberté des personnes sont les valeurs qui

soutiennent mon intervention au quotidien. Ainsi, à partir de ce projet, j’ai souhaité les

mettre en avant et faire des choix d’actions en gardant en toile de fond ces valeurs qui

me sont fondamentales.

Le projet « découverte de ma ville »

Suite à mes constats exposés dans le premier chapitre de mon mémoire, mon

idée consiste en une découverte de Marseille à partir de « lieux de vie ». Cette ouverture

44 J. Rouzel, Le travail d’éducateur spécialisé, éthique et pratique, éd. Dunod, 2000, p.57.

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vers l’extérieur se veut une des réponses à la mission de socialisation du SESSAD. Cet

espace collectif est un outil de mise au travail de la dynamique de groupe mais

également de l’ouverture vers l’environnement.

Ainsi, j’ai choisi son nom « découverte de ma ville », au début de ma réflexion.

Il correspond à un positionnement qui implique l’enfant (« ma ville ») à partir de son

propre regard.

Méthode d’intervention

Après mes premières réflexions et échanges avec l’équipe, j’ai souhaité assez

rapidement me situer dans l’action. Sans négliger la nécessité de poser un cadre avec

des finalités précises, c’est l’occasion de donner une place importante à l’action et à la

régulation qui en découlent. Ce raisonnement inductif est une façon de penser qui va du

particulier au général. Ainsi, l’expérience et l’observation sont la base du projet et de

son avancement et non le programme, ce qui est pensé en amont.

De plus, au-delà des temps informels, j’ai souhaité appuyer ce projet sur des

espaces de régulation pour faire des va-et-vient entre la pensée et l’action. Ainsi, des

temps d’échange sont prévus avant chaque sortie avec les familles, pendant avec les

enfants et après avec l’éducatrice qui intervient avec moi dans ce projet. Un bilan écrit

est réalisé à chaque fois pour faire un point sur le déroulement mais aussi faire des

réajustements avec ce qui a été fixé au préalable de l’action. Enfin, un temps d’échanges

avec les éducateurs référents apporte des éléments qui font lien entre l’enfant dans ce

groupe et son accompagnement au SESSAD de manière générale.

Les finalités de l’intervention

Les finalités du projet se situent à plusieurs niveaux mais soutiennent le même

fil conducteur dans mon intervention, à savoir la place des enfants dans ce projet

éducatif.

Il s’agit tout d’abord d’être dans un groupe. Pour des enfants ayant des

difficultés principalement au niveau relationnel, se situer dans un groupe de pairs est

une mise au travail de celles-ci. Au sein d’un groupe, il y a également des règles, règles

qui sont interrogées, mises à mal mais qui font cadre. L’éducateur garant de ce dernier a

une position à questionner sans cesse dans ce temps collectif. De cette finalité, se

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dégage un indicateur qui viendra poser s’il y a eu évolution. Il s’agira à partir d’analyse

d’observations de s’attacher à repérer chaque enfant dans sa relation aux pairs et sa

relation à l’adulte.

De plus, à partir de la découverte de lieux emblématiques de Marseille, une des

finalités recherchée est d’être acteur de son environnement. Comme cela a été exposé

dans la partie théorique sur la socialisation, je défends une vision de l’enfant acteur de

son environnement et de son projet de vie. Ainsi, les sorties éducatives dans ces

différents lieux sont une façon de se saisir des potentiels du territoire. Il s’agit d’éveiller

une certaine curiosité à un environnement leur renvoyant parfois leurs difficultés à être

dans ce vivre ensemble. Pour l’évaluation de cette finalité, sera mise en exergue la

relation à l’environnement pour chaque enfant.

Enfin, ce projet se veut un lieu de repère espace-temps. Plusieurs outils,

présentés dans les parties suivantes, seront utilisés pour arriver à cette finalité. Pour des

enfants accueillis en SESSAD ayant parfois du mal à se situer, le cadre de ce projet

apporte une certaine sécurité. Néanmoins, l’intervention se veut souple notamment dans

la façon dont chaque enfant aura de s’en saisira. Cette finalité sera posée par rapport aux

repérages dans la ville au niveau de l’espace et au repérage dans le projet au niveau du

temps.

Après avoir posé ces finalités par écrit, j’ai fait le choix d’échanger à ce moment

avec les membres de l’équipe. Ces échanges avec les professionnels de l’équipe

pluridisciplinaire de manière informelle et lors d’une réunion d’équipe ont enrichi ma

réflexion. Une éducatrice m’a fait part de sa volonté de vouloir participer à ce projet

avec moi dans sa conception et sa réalisation. Les échanges avec l’équipe ont été

également le moment d’interroger les enfants qui allaient être concernés par le projet.

Les enfants concernés par le projet

Le groupe du projet « découverte de ma ville » concerne cinq enfants accueillis

au SESSAD. Les enfants ont intégré le groupe suivant leur projet personnalisé

d’accompagnement. Ainsi, lors de la réunion hebdomadaire où les projets sont

constitués en équipe pluridisciplinaire, certains enfants ont été pressentis comme

pouvant participer au groupe au vu de ses finalités. Ces choix ont été motivés par des

difficultés d’inscription dans l’environnement mais également des difficultés à se situer

Page 33: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

30

dans un groupe de pairs.

Lors de la signature du projet personnalisé, une présentation du projet

personnalisé global et notamment du projet « découverte de ma ville » a été faite à

chaque famille et enfant. En effet, leur accord est nécessaire pour la poursuite de

l’accompagnement SESSAD.

Les cinq enfants pressentis sont accueillis indifféremment sur les deux antennes

du SESSAD. Ainsi, j’avais connaissance de la situation de certains enfants mais pas de

tous. A ce moment de mon projet, j’ai réalisé des recherches sur chaque enfant à partir

d’échanges avec les éducateurs référents et les membres de l’équipe pluridisciplinaire

mais également à partir des dossiers des enfants.

Ophélie45 a huit ans, elle est arrivée au SESSAD en avril 2010. Elle et sa mère

sont très en demande d’être aidées. Son accompagnement est principalement basé sur un

travail dans sa relation à l’autre, adulte et pair.

Accueilli depuis juin 2009 au SESSAD, Youri a dix ans. Il est motivé et en

demande que l’on s’occupe de lui et d’apprendre. Il est accompagné dans un soutien au

niveau de ses apprentissages et de la verbalisation de ses émotions.

Florence a elle onze ans. Elle est dite sociable et présentant de bonnes capacités

d’évolution, par l’équipe. Un travail sur l’image de soi et son processus d’individuation

est engagé ainsi qu’un soutien dans les apprentissages.

Amandine, onze ans, est arrivée au SESSAD au cours de mon stage en

septembre 2010. Elle est très en demande par rapport au SESSAD et montre des

potentialités avec les autres. Sa place d’enfant et la continuité des liens relationnels sont

deux axes principaux de son projet personnalisé. Il est également question de travailler

son investissement dans les apprentissages.

Enfin, Florent a onze ans et est entré au SESSAD en septembre 2010. Il est en

demande d’aide. Le travail du SESSAD se situe autour des pré-requis aux

apprentissages ainsi que la verbalisation de son mal être.

Le projet « découverte de ma ville » concerne donc cinq enfants accueillis en SESSAD

45 Les prénoms des enfants ont été modifiés, dans le respect de leur anonymat.

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31

pour diverses difficultés ainsi qu’une éducatrice et moi-même. Se situer dans une

dynamique de groupe, être acteur de son environnement et se repérer dans l’espace et

le temps sont les finalités de ce projet d’ouverture. Relatée de manière clinique, ma

démarche se veut au plus près des situations de chaque enfant.

III) Les sorties éducatives collectives comme moyen d’action

A partir des éléments de la partie précédente et d’autres échanges avec

l’éducatrice qui participe à l’élaboration du projet, nous avons proposé un écrit46 de

présentation de celui-ci à la demande de la chef de service. Puis assez rapidement, nous

nous sommes lancées dans une première sortie éducative après avoir fixé son

déroulement de manière générale.

Le déroulement type des sorties

Pour être en accord avec les finalités, nous nous sommes appuyées sur des

éléments faisant cadre à notre intervention.

Tout d’abord, nous avons décidé d’être en lien avec les familles des enfants du

groupe lors de chaque sortie éducative. Ainsi, nous avons demandé aux familles

d’accompagner leur enfant à chaque fois au SESSAD et à la même heure. Cette espace

d’échange permet aux familles d’avoir une place dans le projet en se tenant informées

de l’avancement du projet. De plus, à la fin de chaque sortie, nous (ma collègue

éducatrice et moi-même) avons raccompagné chaque enfant à leur domicile en prenant

également le temps de discuter du déroulement de l’après-midi et des futures sorties.

Nous avons également posé l’importance de prendre les transports en commun

pour se déplacer dans la ville. En effet, non seulement ce choix justifiait le fait que les

enfants pouvaient refaire cette sortie par leurs propres moyens mais également cela a été

46 Voir en Annexe n°1, l’écrit de présentation du projet « découverte de ma ville ».

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un moyen de se repérer. Ainsi, à plusieurs reprises nous nous sommes arrêtés devant un

plan de la ville pour chercher où nous étions, où nous allions, où ils habitaient, où était

le SESSAD, etc.

Nous avons proposé une découverte des lieux dans un groupe mais nous

souhaitions que de manière individuelle chacun ait son espace de découverte. Ainsi,

nous avons utilisé un appareil photo pour garder trace de chaque sortie. Chaque enfant

avait la possibilité de prendre trois photos à chaque fois. La proposition était de prendre

en photo « ce qui te marque, te questionne, te plaît dans ce lieu ». Cela pouvait aussi

bien être des personnes, que le lieu dans son ensemble, ou une partie, etc. Ces photos

allaient constituer un « carnet de voyage » reprenant toutes les sorties.

Enfin, le dernier moment de chaque sortie était un temps de goûter. Convivial,

ce moment était également l’occasion de discuter de ce qui avait été découvert mais

également de ce que nous allions découvrir. La décision de la future ou des futures

sorties était prise en groupe à ce moment-là.

Les différentes sorties du groupe

Le choix de l’ensemble des sorties de manière précise, n’a pas été fixée avant la

première sortie. La volonté de ne pas tout programmer a été choisie pour laisser place

aux souhaits des enfants, à la décision du groupe. Ainsi, l’éducatrice et moi-même

avons prévu la première sortie pour impulser la dynamique du groupe. Puis, les sorties

suivantes ont été une décision commune.

Le rythme des sorties a dû être pensé en amont pour des raisons institutionnelles.

Ainsi, nous avons choisi une sortie par mois d’octobre à avril. Ce choix a été fait en

adéquation avec les finalités de se repérer dans le temps. Il a également pris en compte

les disponibilités des enfants, qui étaient parfois sur d’autres activités, de l’éducatrice

réalisant le projet qui travaille à mi-temps au SESSAD et de moi-même en stage et donc

soumise aux aléas des regroupements à l’école. Dans un premier temps, j’évoquerai une

brève description de ces huit rencontres, puis viendra une analyse plus approfondie dans

les prochaines parties.

Notre Dame de la Garde le 27 octobre 2010

Cette première sortie est l’occasion de rediscuter avec les familles et les enfants

Page 36: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

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de l’ensemble du projet. Nous demandons aux familles de signer une autorisation

parentale pour prendre en photo leur enfant durant les différentes sorties.

Le lieu de Notre Dame de la Garde a été choisi principalement pour sa position

en hauteur de la ville. Ce lieu avec un panorama sur Marseille est l’occasion de

nombreuses questions : Où j’habite ? Où est la gare ? Le vélodrome ? Combien y a-t-il

d’habitants à Marseille ? Etc. Chacun s’interroge à différents niveaux. Nous sommes

entrés dans la basilique mais peu d’échanges ont émergé de ce lieu. L’idée principale

était de prendre du recul quant à ce territoire et venir se situer au-dessus pour en avoir

une vision globale et complexe. Avec ce décor en fond, la présentation et l’élaboration

du projet avec les enfants prennent forme.

La Vieille Charité le 24 novembre 2010

La Vieille Charité avec la visite de son musée d’archéologie et de celui d’arts

Africains, Océaniens et Amérindiens a été formulée à la demande d’une enfant,

demande qui a été soutenue par la suite par le groupe.

Cette visite a confronté les enfants aux règles dans un musée parfois difficiles à

respecter (ne pas courir, ne pas toucher les œuvres d’art, ne pas crier, etc). Ces règles

sont alors discutées, questionnées. Les limites doivent être rappelées et explicitées.

Dans cet espace les contraintes sont importantes pour le groupe. A plusieurs reprises,

nous choisissons de faire des pauses dans la visite (goûter, photo) pour entrecouper la

longueur de l’après-midi.

La bibliothèque de l’Alcazar le 21 décembre 2010

La découverte de la bibliothèque à ce moment du projet, est due aux aléas

climatiques qui ne nous ont pas permis de faire la sortie prévu à l’extérieur.

La bibliothèque est un lieu où l’écrit prédomine. Certains enfants sont ainsi

confrontés à leurs difficultés quant à l’apprentissage de la lecture. Chacun alors

découvre l’endroit à sa façon, certains en demandant des informations aux

documentalistes, d’autres en allant vers les ordinateurs ou les bandes dessinées. Là

encore le lieu a ses propres règles (peu de bruit, pas le droit de courir). Ces contraintes

sont parfois importantes et entraînent une agitation qui nécessite pour certains d’être

isolé du groupe pour s’apaiser. La visite se clôture par une demande du groupe

Page 37: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

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d’amener chez eux les documents d’inscription à la bibliothèque.

Atelier photo au SESSAD le 19 janvier 2011

Nous sommes à peu près à la moitié du nombre de sorties, cet atelier photo est

l’occasion de se poser au SESSAD et de faire un point sur le projet.

Toutes les photos prises individuellement à chaque sortie sont distribuées ainsi

que des documents d’informations des différents lieux. Il a été proposé de réaliser un

document récapitulatif des visites effectuées de manière individuelle ou collective.

Chacun a souhaité faire sa propre création à partir de ses photos. Certains enfants ont

décidé de ramener le document crée chez eux, d’autres ont souhaité le laisser au

SESSAD. Nous avons également participé à l’activité.

Théâtre Massalia le 2 février 2011

Cette sortie pour aller voir une pièce de théâtre est une découverte assez passive

pour le groupe. En effet, assis dans une salle, dans le noir, sans pouvoir exprimer en

direct ses ressentis était complexe pour certains. Cet espace fermé nécessite une

attention particulière difficile à tenir durant cinquante minutes. La discussion avec les

actrices à la fin de la pièce a permis d’avoir une place plus active dans la découverte.

Palais du Pharo et plage des Catalans le 22 février 2011

Suite à la dernière sortie, la demande du groupe est de pouvoir jouer dehors. La

découverte du Palais du Pharo se fait principalement sur les pelouses et les jeux aux

alentours. Les enfants du groupe sollicitent à plusieurs reprises leurs pairs présents pour

jouer. Les interactions entre eux sont moins présentes.

Ile du Frioul le 23 mars 2011

La journée à l’île du Frioul qui avait été demandée au début, a été la dernière

sortie du projet, pour des raisons de coût. La traversée en bateau a permis au groupe de

se sentir voyager, tout en restant à Marseille. La découverte des fonds marins a pris une

bonne partie de la journée ainsi que des jeux autour de l’eau. Cette dernière sortie a été

l’occasion d’amener par des échanges la fin du projet.

Atelier photo le 13 avril 2011

Page 38: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

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Cette dernière rencontre a permis de finir le projet à partir des photos prises lors

des dernières sorties. Tous ont souhaité ramené une partie de leur création chez eux.

Une exposition du projet a été faite à partir d’un plan de Marseille, en y indiquant les

différents lieux visités. L’ensemble des œuvres ont été exposé dans la salle d’attente du

SESSAD à la demande du groupe.

Les différentes sorties éducatives ont été un moyen d’action pour viser les

finalités fixées par le projet. Ainsi, un cadre précis est venu poser notre intervention

éducative. Pensées dans un projet d’ensemble, ces différentes sorties ont été le lieu

d’une évolution de chaque enfant.

IV) L’évolution des enfants dans cette démarche de projet

Dans cette partie, je me situe d’ores et déjà dans une forme d’évaluation de

l’évolution des enfants au fur et à mesure de l’avancée du projet. Ainsi, la situation de

chaque enfant sera retranscrite de manière clinique, à partir de leur arrivée au SESSAD,

tant sur la façon dont s’expriment leurs troubles que sur le choix de ce projet et sur leur

évolution au sein de ce dernier. Les indicateurs tels que la relation aux pairs, la relation

aux adultes, le rapport à l’environnement et les repères espace-temps seront alors

abordés.

Youri

Youri a dix ans et est arrivé au SESSAD en juin 2009. Une importante

inhibition, des difficultés à entrer dans les apprentissages ainsi que des carences

éducatives de la famille sont à l’origine de cette demande d’orientation.

Observation et projet personnalisé au SESSAD

Les parents de Youri sont nés aux Comores et arrivés en France en 1997. Les

cinq garçons de la fratrie sont nés en France, à Marseille. Les trois aînés dont Youri sont

nés d’une première union. Leur père est décédé suite à un accident vasculaire cérébral

en 2002, lorsque Youri avait 2 ans. Deux autres enfants sont nés d’une nouvelle union.

Youri n’a eu aucun suivi avant d’arriver au SESSAD, celui dans un Centre Médico-

Psycho-Pédagogique (CMPP) n’ayant pas abouti.

Au niveau de sa scolarité, Youri est actuellement en CM1. Il a redoublé son CP.

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Au début de sa prise en charge au SESSAD, il avait un retard important de langage,

ainsi qu’un retard de manière générale dans les apprentissages. Il n’était pas lecteur.

Une institutrice spécialisée l’aidait dans ses difficultés une fois par semaine. En classe,

sa maîtresse trouvait qu’il parlait peu voire pas du tout. L’école faisait part d’une mère

peu présente dans sa scolarité.

Aujourd’hui, Youri est pratiquement lecteur et le passage à l’écrit est en train de

se faire. Il s’est libéré au niveau du langage. Il est acteur en classe et parle même parfois

trop et à n’importe quel moment. Toujours en décalage au niveau des apprentissages, il

était accueilli en CE1 tous les matins jusqu’en janvier. Cette classe était plus adaptée à

son niveau en maths et français. Depuis janvier, perturbant trop la classe par son

comportement, cette intégration n’a plus été possible. Il est donc actuellement toute la

journée en CM1 avec toujours un suivi une fois par semaine avec une institutrice

spécialisée. Une Classe d’Intégration Scolaire (CLIS) pour l’année prochaine, a été

demandée à la dernière équipe de suivi en mars.

Au domicile, sa mère dit qu’il est épanoui et que c’est à l’école qu’il est inhibé.

Chez lui, Youri dit jouer et parler avec ses frères. Il va à l’école Coranique à la demande

de sa mère.

Dans son environnement, avec ses pairs, notamment à l’école, Youri joue avec

ses camarades. Il est bien intégré dans sa classe. Lorsqu’il ne connaît pas les enfants, au

SESSAD par exemple, il a tendance à se replier sur lui-même. Il n’est pas inscrit au

centre aéré ni le mercredi ni les vacances. Cependant depuis janvier, à sa demande,

Youri est inscrit au club de rugby de son quartier.

En groupe, au SESSAD, Youri a des difficultés à jouer avec les autres et à entrer

en relation avec eux. Il a une relation avec ses pairs assez inhibée. Avec l’adulte, il peut

avoir des difficultés à répondre aux sollicitations (questions le concernant, demande de

choix, etc). En groupe, avec l’éducateur ces difficultés sont présentes mais

s’amenuisent. Youri est en mesure de faire des demandes. Néanmoins, il lui est toujours

difficile d’exprimer ses émotions.

Son projet personnalisé se situe dans l’accompagnement à verbaliser ses

émotions ainsi qu’une aide dans ses apprentissages. Ainsi, Youri a un suivi en

psychomotricité et orthophonie une fois par semaine. Le suivi éducatif se base

Page 40: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

37

principalement sur le lien école-famille-SESSAD. Depuis mars, un suivi psychologique

hebdomadaire est mis en place. Youri fait également partie du projet « découverte de

ma ville ».

Ses enjeux dans la participation au projet

Suite à une réflexion d’équipe, ce projet a été proposé à Youri au vu de ses

difficultés relationnelles avec l’autre, pair et adulte. C’est également la possibilité pour

lui de s’inscrire dans une dynamique de groupe autre que le groupe classe. Cet atelier

qui a lieu le mercredi et pendant les vacances dans Marseille est une façon

d’accompagner Youri vers l’extérieur.

La relation avec ses pairs dans le projet

Au début du projet, Youri avec ses pairs était très en retrait. Sans être dans

l’isolement non plus, Youri était là, présent mais peu dans l’échange avec les autres.

Lors de la première rencontre Ophélie lui demande « Tu t’appelles comment ? » Youri

ne la regarde pas dans les yeux, baisse la tête et répond tout bas « Youri ». Ophélie n’a

pas entendu. Youri répète alors un tout petit peu plus fort. Ophélie le questionne encore

« Tu as quel âge ? Tu es en quelle classe ? » Youri répond brièvement puis se tourne et

va devant l’ordinateur. Ophélie vient alors me voir et me demande s’il est handicapé.

Dès le départ, j’ai un sentiment de décalage par rapport à certains enfants plus dans

l’agitation.

Youri s’est assez rapidement, lors des sorties, bien entendu avec Florent. C’est

principalement dans le jeu qu’ils se sont retrouvés. Florent lui court après, puis c’est le

tour de Youri. Ils découvrent les différents lieux en explorant ensemble. « Regarde

Youri » dit Florent en lui montrant une jolie pierre et voilà qu’ils se mettent à se

l’envoyer et s’amuser avec. Ensemble, ils parlent peu et je ressens en eux une

immaturité importante dans laquelle ils se rejoignent et qu’ils partagent ensemble.

Youri semble à ce jour, toujours dans la réserve avec les autres. Il est cependant,

en capacité même avec ces difficultés d’être en relation avec ses pairs. Lors de la sortie

au Palais du Pharo, il a d’ailleurs sollicité de lui-même un groupe d’enfant de son âge,

qu’il ne connaissait pas et qui jouaient au football. Il me semble qu’à ce niveau-là Youri

a plus confiance en lui, confiance qui lui permet d’aller plus vers les autres.

Page 41: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

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La relation à l’adulte dans le projet

Avec l’adulte dans le groupe, Youri a du mal à être dans l’échange. Il lui est

difficile d’exprimer ce qu’il ressent lorsque je le sollicite sur ses ressentis. Ma relation

avec lui est particulière vu qu’il est le seul du groupe, dont je suis en coréférence le

projet au sein du SESSAD. Je suis donc amenée à le voir beaucoup plus régulièrement

que les autres enfants.

A notre rencontre, c’est un enfant avec lequel j’ai eu des difficultés à entrer en

relation. En effet, Youri est assez inhibé alors que dans mes représentations les troubles

du comportement se situaient plutôt dans l’agitation. Au fil du temps et des différentes

rencontres avec lui, sa mère, son institutrice et ses différents intervenants du SESSAD,

je me suis positionnée plus à l’écoute et moins dans la sollicitation. En étant moins dans

l’attente, je me suis aperçue que cette différence de regard avait des effets. Ainsi, il a été

possible pour Youri de faire plusieurs demandes (inscription au rugby, demande d’être

sorti plus souvent de l’école) mais également de venir m’interroger sur des questions le

concernant (orientation l’an prochain, future sortie du groupe). Dans le projet

« découverte de ma ville », cela s’est également répercuté dans sa position face à

l’éducateur. Youri, au fur et à mesure, s’est autorisé à faire des propositions de sorties

au sein du groupe (plage, bibliothèque).

Son rapport à l’environnement dans le projet

Youri par rapport à l’environnement lors des différentes sorties s’est montré au

début assez en retrait. Il s’autorise peu à être dans la curiosité de découverte des lieux et

des personnes. Ainsi, il ne se situait qu’au sein du groupe et allait peu interpeller les

possibles autour de lui. Au fil des sorties, il a pu être plus confiant et pouvoir aller vers

les autres même sans les connaître. Peut-être cette ouverture lui a-t-elle permis de faire

la demande d’une inscription dans son quartier dans un club de rugby au mois de

janvier. Youri dans son environnement paraît plus à l’aise, en capacité de vouloir le

découvrir.

Ses repères espace-temps

Le repérage dans le temps et l’espace reste encore complexe pour Youri. Dans la

ville, les déplacements sont encore difficiles s’il n’est pas accompagné. Youri a

Page 42: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

39

tendance à être ailleurs et ne pas faire attention au danger de la circulation. Dans son

quartier, il est en mesure de se déplacer seul. Youri a bien investi les photos à prendre à

chaque sortie. Lors de l’atelier photo au milieu du projet, cela a été l’occasion pour lui

de faire preuve de grande créativité. Le repérage du projet dans son ensemble paraît être

saisi, Youri interrogeant les différentes sorties au fur et à mesure, faisant souvent

référence à la dernière sortie au Frioul.

Florence

Florence est une jeune fille de onze ans, arrivée au SESSAD l’été dernier. Son

accueil a été demandé par l’école qui constatait une inhibition intellectuelle et des

troubles du comportement au niveau alimentaire.

Observation et projet personnalisé au SESSAD

Les parents de Florence sont séparés. Elle vit avec sa mère et ne voit plus son

père depuis 2007. Elle est la troisième enfant d’une fratrie de quatre. Avant le SESSAD,

Florence était suivie dans un CMPP par une orthophoniste et une psychologue. Cet

accompagnement s’est arrêté à son entrée au SESSAD.

Au niveau scolaire, Florence a redoublé le CE1. Elle rencontre des difficultés

dans les apprentissages. Elle est parfois isolée dans la cour de récréation. En classe, elle

peut participer mais parfois de manière « hors-sujet ». Une proposition d’orientation en

6ème SEGPA a été faite lors d’une Equipe de Suivi de Scolarisation (ESS).

Au domicile, sa mère semble être dans le surmaternage. Leur relation mère/fille

paraît très proche. Son éducateur référent évoque un manque de cadre éducatif.

Avec ses pairs, Florence paraît inhibée au premier abord. Quand elle est en

confiance, elle sait libérer la parole. Ainsi, elle peut même faire preuve de complicité

avec d’autres enfants. Florence n’est inscrite dans aucun club ou centre aéré, elle ne le

souhaite pas.

Lors des activités éducatives en groupe au SESSAD, Florence est une enfant

Page 43: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

40

assez épanouie et plutôt bavarde. Elle apprécie d’aider les autres. Avec l’éducateur,

c’est une enfant curieuse et intelligente. Elle fait part de bon raisonnement et d’une

certaine maturité dans ses questionnements. Florence est consciente de ses difficultés.

En relation individuelle avec l’éducateur, Florence souhaite également souvent

aider les autres. Elle se montre protectrice et attentive avec eux. Le surpoids de Florence

rend difficile ses déplacements. De plus, son habillement n’est pas toujours adapté

(toujours le même, pas adapté au temps, etc.).

Suite à ces observations, un projet personnalisé a été proposé à Florence et à sa

famille. L’équipe a tout d’abord noté des éléments ressources avec de bonnes capacités

d’évolution et une jeune fille sociable. Les domaines à renforcer se situent autour des

apprentissages, de l’image de soi et de son processus d’individuation. Pour mettre en

place ces éléments, plusieurs axes de travail lui ont été proposés : un accompagnement

éducatif, deux rendez-vous hebdomadaires avec une orthophoniste en libéral, un suivi

psychologique hebdomadaire au SESSAD, l’atelier théâtre et le projet « découverte de

ma ville ».

Ses enjeux dans la participation au projet

Suite à une réflexion d’équipe, ce projet a été proposé à Florence aux vues du

travail mené par le SESSAD autour de son estime de soi. Ainsi, se confronter aux autres

dans un groupe sécurisant et valorisant, est une possibilité de prendre confiance en elle.

C’est également une façon d’accompagner Florence vers l’extérieur, elle qui a des

difficultés à trouver sa place même à l’école.

La relation avec ses pairs dans le projet

Au début du projet, la relation de Florence avec ses pairs était parfois

compliquée. Tantôt se positionnant comme une « éducatrice », tantôt assez isolée, il

était difficile pour Florence de se situer à une place d’enfant. Dans la salle d’attente

avant de partir en sortie, le groupe d’enfants s’amuse et commence à s’agiter. Ophélie

court, Florent sort tous les jouets et Youri poursuit Ophélie dans le SESSAD. Florence

intervient alors, « Mais arrêtez, vous faites n’importe quoi !». Ophélie lui rétorque « Oh

mais ça va toi, on dirait que t’es pas une enfant, tu ne sais pas rigoler ». Cécilia,

l’éducatrice intervient et évoque un départ dans le calme ce qui apaise petit à petit le

Page 44: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

41

groupe. Plus tard, nous reprendrons cette discussion avec Florence.

Il a fallu du temps pour que Florence s’autorise plus à être dans le jeu avec les

autres. Néanmoins aujourd’hui, elle arrive à se situer dans le groupe même si elle a

toujours besoin de s’isoler durant les sorties. Florence semble moins anxieuse par

rapport aux autres mais son image d’elle-même reste un point à travailler.

La relation à l’adulte dans le projet

Avec l’adulte dans le groupe, Florence est plutôt à l’aise dès nos premières

rencontres. C’est une enfant que je ne connaissais pas avant le début de projet. Florence

se montre curieuse et pose des questions assez matures par rapport aux lieux découverts.

Avec une certaine retenue, elle arrive néanmoins à exprimer son anxiété dans certaines

situations, à faire part de ses souhaits pour les futures sorties et à échanger avec les

éducatrices sur ses questionnements.

Florence s’attache rapidement aux personnes autour d’elle. Ainsi, à plusieurs

reprises durant nos rencontres, elle évoquait la fin du projet et mon départ. Malgré des

échanges sur cette fin qui semblait l’inquiéter, Florence paraissait particulièrement

bouleversée. Cette situation au premier abord m’a touchée, je me suis sentie assez

démunie par rapport à ce trop plein d’affect. Ma difficulté était de me situer entre un

attachement personnel au groupe et à Florence et une distance professionnelle

m’amenant à replacer le projet dans l’accompagnement SESSAD qui lui ne s’arrêterait

pas à mon départ. Cette situation paradoxale principalement visible dans ma relation

avec Florence m’a amenée à me questionner quant à ma position dans un moment de fin

de projet (comment penser la fin ? comment échanger sur cette question avec les

enfants, les familles ? comment me situer dans une fin de stage également ? Etc).

Son rapport à l’environnement dans le projet

Florence par rapport à l’environnement s’est montrée assez à l’aise par rapport

aux difficultés qui étaient pointées à son arrivée au SESSAD. Durant les sorties, elle

interpelle de manière adaptée les personnes ressources dans les différents lieux

(documentaliste, actrice, etc). Florence semble avoir pris confiance en elle à ce niveau-

là. Lors de la visite à la bibliothèque, elle avait demandé les documents d’inscription.

Son éducateur référent pensait l’accompagner avec sa mère dans cette démarche. Durant

Page 45: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

42

notre rencontre suivante, Florence m’explique qu’elle est allée avec sa mère rendre les

documents d’inscription. Elles y vont ensemble tous les samedis, regarder et emprunter

des livres. Florence s’est saisie seule de cette opportunité.

Ses repères espace-temps

Le repérage dans le temps et l’espace ne semblaient pas être une difficulté pour

Florence au début du projet. Les différentes sorties l’ont amené néanmoins à mieux

saisir les lieux ressources dans la ville. Les déplacements qui étaient pointés comme

compliqués pour elle, n’ont pas été une difficulté dans ce projet. L’atelier photo a été

très investi par Florence, qui a choisi de ramener sa création à la maison pour le montrer

à sa mère. Dans le temps, elle semble ne pas avoir de difficultés particulières si ce n’est

une grande appréhension par rapport à la fin du projet alors qu’il venait de commencer,

mais cette difficulté est plus d’ordre affective.

Amandine

Amandine ne s’est pas inscrite dans l’accompagnement du SESSAD et par

conséquence n’a pas pu faire partie du groupe. Après quelques bilans, sa mère n’a plus

donné de nouvelles. Etant déscolarisée et ne venant pas aux soins proposés par le

SESSAD, une information préoccupante a été réalisée conjointement avec l’école. A ce

jour, la prise en charge SESSAD est suspendue.

Florent

Florent onze ans, est suivi au SESSAD depuis septembre 2010. Son orientation a

été signifiée principalement par son école, faisant part de difficultés dans les

apprentissages, d’une importante inhibition ainsi que d’une souffrance psychique.

Observation et projet personnalisé au SESSAD

Florent est le deuxième enfant d’une fratrie de sept. Son père est inconnu. C’est

la tante de Florent qui a sa garde. Le droit de visite de sa mère est peu exercé du fait de

sa vie dans la marginalité. Une mesure AEMO était en place jusqu’au jour de la pré-

admission au SESSAD en juin 2010.

Au niveau scolaire, Florent rencontre des difficultés en lecture et dans le passage

Page 46: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

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à l’écrit. Actuellement en CM2, sa maîtresse a noté des somnolences en classe assez

inquiétantes. Une orientation en SEGPA est prévue pour la rentrée prochaine.

A l’école, Florent n’a pas de difficultés relationnelles particulières avec les

autres enfants. Il n’est pas inscrit en centre aéré ou dans un club.

En groupe au SESSAD, Florent a de bonnes relations avec ses pairs. Il entre en

contact facilement. Avec l’adulte, il est également à l’aise.

Son projet personnalisé au SESSAD fait état d’une demande d’aide importante

ainsi que de capacités cognitives efficientes. Florent a néanmoins besoin de soutien dans

les apprentissages ainsi que dans l’expression d’un mal-être dans un lieu sécurisé

comme le SESSAD. Un suivi éducatif et psychologique lui a été proposé ainsi qu’une

participation à l’atelier cirque et le projet « découverte de ma ville ».

Ses enjeux dans la participation au projet

Suite à une réflexion d’équipe, ce projet a été proposé à Florent avec l’idée de

lui permettre d’être investi dans un espace qui lui est propre. En effet, Florent semble

avoir des difficultés à se situer dans un groupe autre que celui de sa fratrie. Ainsi, ce

groupe est l’occasion pour lui de s’ouvrir vers l’extérieur et vers d’autres possibles.

La relation avec ses pairs dans le projet

Au début du projet, Florent est plutôt à l’aise avec les autres enfants du groupe.

Lors de la première sortie, il semble moteur dans le groupe et à l’initiative de plusieurs

jeux. Avec Youri, le contact se fait assez rapidement et ils apprécient de passer du

temps ensemble un peu isolés du groupe.

Florent à plusieurs reprises, a été absent ce qui a compliqué la continuité de son

inscription dans le groupe. Ainsi, durant les dernières rencontres, il était beaucoup plus

en retrait. Florent semblait fatigué, même épuisé. Un jour alors que j’allais le chercher

chez lui, il est arrivé avec des yeux très gonflés et rouges. Il m’a expliqué qu’il venait de

se réveiller. J’ai cru alors qu’il venait de faire une sieste vu qu’il était 14h. Il m’a

répondu qu’il dormait depuis hier soir sans donner plus d’explication. Durant l’après-

midi, Florent semblait encore fatigué et pris de somnolence. Cette situation me

paraissant assez inquiétante, a été reprise avec son éducatrice référente.

Page 47: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

44

Avec les autres et dans les activités en général, Florent paraît présent

physiquement mais ailleurs, peu investi. Florent semble à ce jour, pris dans des

difficultés personnelles qui le rendent assez indisponible dans sa relation aux autres.

La relation à l’adulte dans le projet

Avec l’adulte, il est au départ avenant et recherche l’échange. Ces discussions

sont principalement basées sur des histoires qu’il raconte. Comme en dehors de la

réalité, il est difficile de le ramener à des choses concrètes. A plusieurs reprises, il faut

le reprendre car il peut être distrait et ne pas regarder la route durant les trajets. Lorsque

je l’interroge sur lui Florent semble se refermer et éviter toute conversation. Une sorte

de carapace de protection se met alors en place.

Ma relation avec Florent m’a interrogée dans le sens où je me suis, à un moment

donné, interrogée sur le sens du projet pour lui. En effet, étant pris par des difficultés et

un mal-être pesant, je me suis demandée si Florent en était là dans sa prise en charge au

SESSAD. Ainsi, je me suis interrogée sur la place qu’il pouvait avoir dans le groupe,

sur ce qui pourrait l’amener à s’investir, et sur le fait tout simplement qu’il puisse

prendre du plaisir. L’éducatrice et moi-même avons fait l’hypothèse d’un travail sur sa

valorisation au sein du groupe en passant par son autonomie. Ce choix lui a permis à

certains moments d’avoir sa place dans le groupe.

Son rapport à l’environnement dans le projet

Florent s’est montré assez en retrait et plutôt passif par rapport aux différents

lieux découverts. Comme dans sa relation aux autres, Florent semble absent. Il ne

montre que peu d’expression par rapport à ce qu’il vit. Il est difficile de dire qu’une

évolution a eu lieu dans son rapport à l’environnement.

Ses repères espace-temps

Le travail mené sur l’autonomie avec Florent a été l’occasion de l’investir dans

les déplacements du groupe. Ainsi, à plusieurs reprises, nous avons demandé à Florent

d’être notre guide lors de différents trajets. Cette mise en avant lui a permis de mieux se

repérer dans l’espace et notamment d’identifier les lieux de mise en danger. Le repérage

dans le temps au niveau du projet ne lui a pas posé de difficultés importantes malgré ses

absences.

Page 48: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

45

Ophélie

Ophélie est une jeune fille de huit ans, arrivée au SESSAD en avril 2010. Cette

orientation a été justifiée par une agitation et une instabilité importante au niveau de

l’école. Ophélie rencontrait également des difficultés relationnelles avec l’autre.

Observation et projet personnalisé au SESSAD

Ophélie est fille unique. Elle ne voit plus son père depuis mai 2009. Il n’a plus

d’autorité parentale sur elle. Sa mère travaillant de nuit, sa grand-mère maternelle s’en

occupe la journée. Avant le SESSAD, Ophélie était suivie dans un CMP par un

psychologue.

A l’école, Ophélie est en CE2 et peut montrer une grande instabilité en classe.

Cela est très difficile pour l’enseignante. Elle a un niveau correct en lecture mais la

compréhension est parfois difficile. Ophélie est souvent punie à cause de son agitation.

Ses difficultés de concentration rendent son attention souvent compliquée.

Avec ses pairs à l’école, Ophélie ne cherche pas le contact avec les autres. Elle

n’est plus inscrite au centre aéré qui s’est arrêté suite à son comportement. Avec

l’adulte, Ophélie recherche l’exclusivité. Elle se situe dans la proximité et manque de

distance.

Le projet personnalisé d’Ophélie discuté en équipe pluridisciplinaire, fait part

d’une demande très importante d’être aidée venant d’elle et de sa mère. Le travail mené

avec Ophélie se situe principalement dans sa relation avec l’autre, adulte et pair. Ainsi,

a été proposé un suivi éducatif, une participation aux ateliers conte, cirque, des

rencontres mère-enfant-pédopsychiatre et le projet « découverte de ma ville ».

Ses enjeux dans la participation au projet

Suite à une réflexion d’équipe, ce projet a été proposé à Ophélie aux vues de ses

difficultés relationnelles avec l’autre, pair et adulte. C’est bien la possibilité pour elle de

mettre au travail ses difficultés dans une dynamique de groupe autre que le groupe

classe, qui lui est proposée.

La relation avec ses pairs dans le projet

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46

Ophélie est assez envahissante dans la relation avec ses pairs. Elle questionne,

provoque, se chamaille. Assez rapidement, elle invite au rejet des autres enfants.

Florence vient me voir lors de la première sortie et me demande « Pourquoi elle est

comme ça elle ? » en parlant d’Ophélie qui était très agitée. Elle peut renvoyer des

choses parfois difficiles, aux autres du groupe qui sont plutôt sur un versant

d’inhibition.

Ophélie n’a investi aucune relation particulière avec les autres enfants. Elle

semble toujours être dans le même schéma avec ses pairs à savoir une agitation

permanente qui rend difficile sa relation avec les autres.

Sa relation à l’adulte dans le projet

Sa relation à l’adulte est également complexe. Ophélie a du mal à se situer et a

des difficultés dans la distance avec l’éducateur. Ma relation avec elle m’a beaucoup

interrogée. En effet, Ophélie m’amène rapidement dans des discussions personnelles qui

nécessitent que je mette de la distance et que je fasse référence au cadre de notre

relation éducatrice-enfant. A d’autres moments, cela se situe complètement à l’opposé,

Ophélie peut se mettre en danger et m’amène à intervenir de manière ferme, puis à

reprendre cela ensemble. J’ai eu parfois l’impression de passer mon temps à jongler,

entre proximité et distance, situation parfois complexe à vivre.

Aujourd’hui, Ophélie semble avoir bien investi ce projet. Elle dit vouloir venir

aux sorties, alors qu’au début il était impensable pour elle qu’elle soit avec d’autres

enfants.

Son rapport à l’environnement dans le projet

Ophélie à de nombreuses reprises, a sollicité les adultes présents lors des

différentes sorties. Elle sollicite beaucoup mais arrive à le faire de manière adaptée. De

manière récurrente, elle a tendance à vouloir le regard de l’adulte porté sur elle. Sur le

mode de la séduction, Ophélie a envie de bien paraître. Elle se montre néanmoins

curieuse dans les différents lieux et Ophélie peut avoir des échanges très intéressants.

Ses repères espace-temps

Les déplacements ont souvent été compliqués avec Ophélie. En effet, elle peut

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47

parfois se mettre en danger et mettre en danger le groupe. Elle a alors du mal à faire

redescendre son agitation malgré nos interventions. Cependant, elle a un très bon

repérage dans le centre ville. Depuis Notre-Dame, elle sait se situer, ainsi que dans les

transports en commun. Lorsqu’elle ne s’éparpille pas, Ophélie peut montrer de grandes

capacités d’apprentissage dans ce domaine. Présente à toutes les rencontres, Ophélie n’a

pas rencontré de difficultés particulièrement dans le repérage espace-temps du projet.

V) Une évaluation-régulation de l’élaboration à la mise en œuvre

L’évaluation n’est pas l’étape finale du projet. D’après J. Rouzel47, l’évaluation

vient mesurer l’écart entre projet pensé et projet réalisé et lui donner du sens. Ainsi,

dans cette vision, l’évaluation commence dès le début du projet, lorsqu’on fixe des

objectifs et des indicateurs observables dans l’action. Elle a ainsi lieu tout au long du

projet.

L’évaluation-régulation

Il existe différentes formes d’évaluations : contrôle, problématisation, bilan, etc.

J’ai choisi de prendre en compte dans mon projet l’évaluation-régulation qui me

semblait la plus adaptée.

L’évaluation-régulation part du principe que l’action modifie et fait évoluer les

objectifs. Dans le cadre d’un projet éducatif, cette idée me semble tout à fait adaptée

dans le sens où la pratique fait référence. C’est ce que j’observe du groupe d’enfants

dans l’action qui m’amène à repenser le projet. Cette forme d’évaluation permet selon J.

Rouzel48, « de faire le point sur les finalités, de les comparer avec l’action réalisée et

d’interroger l’engagement de chacun ». L’évaluation-régulation permet ainsi de gérer

les écarts au fur et à mesure de l’avancée du projet.

Les espaces de régulation

Pour mettre en œuvre cette forme d’évaluation, je me suis appuyée sur des

espaces de régulation, pensés dès le début du projet.

47 J. Rouzel, Le travail d’éducateur spécialisé, éthique et pratique, éd. Dunod, 2000, p.49. 48 Ibid.

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48

Avec les enfants du groupe, nous avons pensé le temps du goûter comme un

temps d’échange sur la sortie et le projet dans son ensemble. Ce moment a été

l’occasion de prise de paroles de chacun dans un groupe, de prise de positions,

d’argumentations de ces idées mais également de prise de décisions. Cet espace a

permis de travailler les règles de la citoyenneté basées sur le respect de l’autre. Ces

échanges ont fait avancer le projet dans la direction que le groupe a choisi.

Les échanges avec les éducateurs référents des enfants participant au projet

« découverte de ma ville », ont permis de faire le lien entre l’enfant dans le groupe et

dans son accompagnement au SESSAD dans son ensemble. Ces échanges informels ont

abouti à l’écriture des bilans semestriels concernant l’ensemble du suivi.

L’espace de régulation qu’il me semble important de développer correspond aux

échanges que nous avons eu après chaque rencontre, avec l’éducatrice intervenante dans

le projet. Ce temps avait pour objectif de faire le point sur les observations de la sortie

et la concordance avec les finalités du projet. Cet espace a été l’occasion de repenser les

différents temps du projet comme le goûter, l’atelier photo, l’implication des familles, la

fin du projet.

Lors de la première sortie, nous nous sommes rendues compte de l’importance

au-delà des finalités du groupe, de fixer des objectifs spécifiques par enfant au vu de

leurs difficultés. Ainsi, à partir de nos observations, nous avons privilégié par exemple

un travail sur l’autonomie pour Florent, la confiance en soi pour Florence, etc. Ces axes

spécifiques étaient régulièrement repensés au fur et à mesure de l’avancée du projet

pour évaluer s’ils étaient toujours d’actualité.

Pour réaliser ces échanges, au départ nous avions fait le choix par sortie,

d’évoquer chaque enfant et son comportement et de le retranscrire par écrit. Après

plusieurs sorties, nous avons opté pour une grille d’observation basée sur les indicateurs

fixés. Ce choix nous a permis de mieux cibler ce qu’il se passait au niveau de l’action.

Ainsi, à partir de la relation aux pairs, à l’adulte, à l’environnement et dans le repérage

espace-temps, l’évolution de chaque enfant était plus structurée et donc plus visible.

Ces échanges ont également abouti à la fin du projet, à un écrit bilan49 qui est

resté dans le service. Une restitution orale lors d’une réunion d’équipe a également eu 49 Voir en annexe n° 2 le document « écrit-bilan » du projet.

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49

lieu, pour faire le point sur le projet et envisager une éventuelle poursuite.

L’évaluation-régulation m’a apporté dans ma future pratique, une vision de

l’évaluation que je qualifierai d’adaptée, à l’intervention éducative. En effet,

l’éducateur dans sa volonté de transformation des situations vers un mieux-être est

amené à penser l’action comme primordiale. L’évaluation-régulation va même au-delà

puisqu’elle attribue également à la pratique, un rôle dans le retour à la pensée du

projet dans son ensemble.

Ce deuxième chapitre concernant la mise en œuvre de ma réflexion, a tenté de

retranscrire les différents éléments constituant le projet éducatif.

La modalité choisie de se projeter, est venue apporter un mouvement à ma réflexion sur

l’accompagnement à la socialisation. La démarche de projet se situe dans une

dynamique de changement intéressante, dans le cadre d’une visée éducative. Ainsi,

l’espace collectif formé, a permis de proposer des conditions adaptées à l’évolution des

enfants, dans leurs difficultés principalement relationnelles.

En respectant, ma volonté d’être la plus fidèle à la vie du groupe, la retranscription des

éléments pratiques a été complexe. En effet, l’écrit vient quelque peu, figer l’action et

ses effets. Ainsi, je me suis attachée à créer des espaces de régulation venant repenser

les finalités du projet par rapport aux observations du groupe. De manière générale,

cette expérience a été l’occasion de faire évoluer mon positionnement professionnel,

tout en étant dans l’intervention éducative.

Page 53: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

50

Conclusion Cette recherche est venue me conforter dans l’idée de l’importance dans mon

intervention, de concilier pratique et théorie. En effet, la mise en projet qui est utilisée

dans le travail social actuel, ne va pas de soi. Elle nécessite un travail important de

recherches et donc de prendre le temps.

Ainsi, ce mémoire m’a permis de me rendre compte de la nécessité de poser un

certain nombre d’éléments avant de me situer dans l’action. Echanger ses idées avec

d’autres membres de l’équipe, faire une recherche plus théorique, se poser par écrit,

s’interroger par rapport au cadre d’intervention, sont autant d’éléments qui permettent la

mise au travail d’une idée, au départ souvent personnelle.

Au-delà de cette notion de projet, c’est ma vision de l’éducation que j’ai

interrogée durant toute ma recherche. Aujourd’hui, je me situe dans une conception de

l’éducation comme visant une transformation de la situation des personnes vers un

mieux-être. Ainsi, l’éducateur a une position de médiateur, comme j’ai pu en faire

l’expérience en SESSAD, entre réalité sociale et réalité psychique de la personne

accompagnée. Cette réflexion sur la socialisation vient poser l’importance de l’action de

l’éducateur dans l’accompagnement à l’inscription sociale.

Cette façon de considérer l’éducation vient également poser des interrogations

éthiques. Venir interroger la place des personnes accompagnées dans l’intervention est

complexe, comme j’ai pu l’illustrer dans ce mémoire. Questionner sa propre place l’est

peut-être encore plus. Cette relation à l’autre vient bouleverser, interroger mais c’est

également le point d’appui du travail éducatif.

En tant que future professionnelle, ce mémoire m’a permis de mettre à jour les

Page 54: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

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limites de mon intervention. Ainsi, les écarts entre ce qui avait été fixé et ce qui s’est

effectivement passé ouvrent sur un questionnement. Les représentations sont alors à

déconstruire pour qu’elles ne restent pas figées. Il me semble aussi que la pratique seule

peut amener à dériver des objectifs pensés en amont. Le sens de l’intervention est alors

à interroger sans cesse, notamment grâce aux espaces de régulation, outils

indispensables à l’éducateur spécialisé.

Page 55: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

51

Bibliographie

Ouvrages

ANESM, Ouverture de l’établissement à et sur son environnement, Recommandations de bonnes pratiques professionnelles, 2008.

J. Ardoino, Les avatars de l’éducation, PUF, 2000.

H. Becker, Outsiders. Etude de sociologie de la déviance, éd. Métailié, Paris, 1985.

J-P Boutinet, Anthropologie du projet, 1990.

F. Dolto, L’enfant dans la ville, éd. Gallimard, Paris, 1998.

C. Dubar, La socialisation, éd. Colin, 2009.

G. Ferréol, Dictionnaire de sociologie, éd. Colin, 2010.

P. Gaberan, Cent mots pour être éducateur, éd. Erès, 2007.

Hugon et Seibel, Recherches impliquées, Recherches action : Le cas de l'éducation, De Boeck, Belgique, 1988.

O. Pougnaud, P. Ropers, C. Soris, Accompagnement social et éducatif spécialisé, éd. Vuibert, 2009.

UNIOPSS, Guide pratique de l’accompagnement social, éd. Syros, 1995.

J. Rouzel, Le travail d’éducateur spécialisé, éthique et pratique, éd. Dunod, 2000.

Articles

Position de l’AIRE à propos des « jeunes dits incasables », Paris, sept 2009.

J. Ardoino, De l’accompagnement en tant que paradigme, Revue pratiques de formation/Analyses, Université Paris 8, Formation Permanente, N°40, 2000.

A. Charpy, Mémoire le travail en SESSAD considéré comme facteur d’innovation, septembre 2004.

Rapport sur les IR, présenté par M. Gagneux et P. Soutou, collection rapports publics IGAS, 1999.

Conférence de M. Paul au C2R Bourgogne, Le concept d’accompagnement, 2004.

JM. Servin, Critique du lien d’accompagnement entre don et contrat de P. Fustier, lien social.

Page 56: L'accompagnement à la socialisation d'enfants accueillis en SESSAD – Un projet éducatif comme outil d'intervention

52

Sommaire des annexes

Annexe n°1 : Présentation du projet « découverte de ma ville » ………....p.I

Annexe n° 2 : Document « écrit-bilan » du projet…………………………...p.III

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I

Annexe n°1 : Présentation du projet « découverte de ma ville »

Ce projet consiste à une découverte de « lieux de vie » dans Marseille pour des enfants

accueillis en SESSAD ayant peu d’inscription dans leur environnement. Cette ouverture

vers l’extérieur se veut une des réponses à la mission de socialisation du service.

Finalités

* Se situer dans une dynamique de groupe

- Respect des règles en collectivité - Echanges notamment par rapport aux prises de décision dans le choix des sorties - Interactions et liens avec ses pairs

* Etre acteur de son environnement

- Exploiter les lieux ressources (Bibliothèque, musée, théâtre, etc.) - S’approprier les lieux sans être simplement observateur (Photo, interaction, exploration des sites)

* Se repérer dans le temps et l’espace

- Utilisation des transports en commun et référence au plan de la ville - Atelier création retraçant les différentes sorties du groupe

Modalités

Le projet concerne un groupe de 4 à 5 enfants d’âge hétérogène. Ces enfants seront

choisis par l’équipe du SESSAD comme des enfants ayant besoin d’être stimulé à

l’ouverture aux autres et à leur environnement. L’accompagnement se fera par 2

éducatrices du SESSAD : Une éducatrice et Moi-même éducatrice en stage au

SESSAD.

Les sorties auront lieu dans des endroits différents, selon les propositions du groupe et

des éducateurs. La première sortie est d’ores et déjà prévue à Notre Dame de la Garde

en s’intéressant entre autre au panorama proposé de l’ensemble de la ville et des

possibilités de sorties futures.

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II

Le projet se déroulera sur 8 mercredis après-midi, pendant les vacances et hors vacances

scolaires durant 6 mois. A la fin de chaque sortie, un goûter sera prévu par le SESSAD.

Le goûter sera prévu comme un temps d’échange autour des prochaines sorties et des

ressentis des enfants.

Une valorisation du projet sera réalisée à travers une création manuelle, à partir de

photos et de documents informatifs des lieux visités. Deux temps y seront consacrés,

une à la moitié et l’autre à la fin du projet. Ces moments seront également l’occasion de

parler des différentes sorties, et par ce biais de travailler le rapport au temps.

Budget

La première sortie nécessitera un budget exceptionnel pour marquer le coup à Notre

Dame de la Garde. Ensuite, une à deux sorties pourront être payantes notamment celle

qui clôturera l’année, mais également suivant les propositions des enfants. Pour le reste,

il sera privilégié les endroits gratuits ou à moindre coût et accessibles en transport en

commun dans l’optique que ces lieux puissent être investi par l’enfant et sa famille. Le

goûter sera fourni par le SESSAD par le biais de la restauration du semi internat. Un

budget sera également nécessaire pour les deux ateliers création.

Evaluation

Un temps de discussion est prévu avec le groupe, pendant le goûter pour parler de la

sortie, envies des enfants pour les futures. Un temps de régulation est prévu après

chaque sortie, ainsi qu’un écrit pour faire le point et réévaluer le projet. Le bilan général

du projet se ferra oralement en équipe afin d’évoquer l’évolution des enfants, une

évaluation générale du projet et une éventuelle reconduction l’année prochaine.

Fanny Nougé, Stagiaire éducatrice SESSAD.

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III

Annexe n° 2 : Document « écrit-bilan » du projet

Au final : 4 enfants ont participés au projet

8 rencontres (6 sorties Notre Dame, Vielle Charité, Bibliothèque, Théâtre,

Palais du Pharo et Frioul et 2 ateliers créations)

Evaluation par finalités :

* Se situer dans une dynamique de groupe

- Groupe formé assez rapidement, bonnes interactions

- Temps de groupe et échanges bien investis

- Respect et écoute de l’autre

- Certains enfants sont plus ou moins moteurs du groupe dans les prises de décision

- Echange autour des connaissances, des expériences de chaque des différents lieux.

* Etre acteur de son environnement

- Appareil photo bon médiateur pour découvrir les lieux chacun à sa façon

- Exploration des lieux souvent dans l’interaction (Documentaliste, Guide au musée, comédienne, etc.)

- Exploitation des lieux ressources (Demande des documents d’inscription à la bibliothèque, découverte de nouveaux lieux)

- Place donnée aux enfants, dans les choix des sorties a permis d’être plus actif.

* Se repérer dans le temps et dans l’espace

- Finalité complexe à évaluer, peut-être moins travaillait que les autres. A adapter à l’âge des enfants.

- 1ère sortie Notre Dame a permis de se situer en hauteur et voir les possibilités, dernière sortie au Frioul nous a fait prendre du recul par rapport à la ville.

- Atelier création a permis de se poser dans le projet, au milieu et à la fin. Repérage dans le temps à partir des photos et des documents des lieux, dans l’espace à partir du plan de Marseille.

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IV

Conclusion : L’idée d’un atelier éducatif

- Travail sur la relation à l’adulte et aux pairs

- Côté ludique a permis d’accrocher

- Dynamique intéressante

Pour une éventuelle reconduction

- Un groupe de 4-5 enfants permet des interactions

- 6 mois maximum

- Peut-être plus fréquent pour plus de continuité

- Conservé l’idée que le groupe reste fixe

Un point sera fait oralement de manière plus précise par enfant, avec chaque éducateur

référent des enfants participants.