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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - DÉCEMBRE 2013 - N°457 // 25 ACCRÉDITATION L’accréditation : un panorama des raisons et des déraisons À propos de quelques difficultés rencontrées qu’il faut encore surmonter : entre pouvoir et savoir a Laboratoire Syndibio 98, rue des Capucins – 55200 Commercy * Correspondance [email protected] article reçu le 29 août, accepté le 3 octobre 2013 © 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. Jean-Paul Klein a, * Il s’agit de montrer par un affichage largement développé que l’accréditation et la certification sont des gages de qualité. Nous n’en sommes pas « encore » à ce stade en France. Cependant, l’accréditation mobilise la profession, il y a les pour et les contre, certains parlent de bénéfices, d’autres de préjudices. L’accréditation est aussi une forme « d’avant-gardisme qui est la compétence permettant de forcer tous les membres d’une société à adopter une décision qui n’émane pas d’elle- même » au sens ou l’entend le philosophe contemporain Peter Sloterdijk. Alors certains regretteront l’opportunité donnée par le GBEA qui prévoyait une amélioration de la qualité en douceur. Cet article est fondé sur les réflexions menées au cours de l’accréditation de notre laboratoire et que nous souhaitons faire partager aux lecteurs. 2. Partisans et adversaires N’oublions pas que, dès son introduction, la norme NF EN ISO 15189 stipule « les services fournis par les labo- ratoires d’analyses de biologie médicale sont essentiels pour les soins prodigués aux patients ; ils doivent donc 1. Le contexte et les enjeux La loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale prévoit que les laboratoires de biologie médicale (LBM) ne pourront fonctionner à compter du 1 er novembre 2016 sans disposer d’une accréditation por- tant sur 50 % des examens qu’ils réalisent, 70 % à compter du 1 er novembre 2018 et 100 % à partir du 1 er novembre 2020. Précisons qu’il s’agit des examens comptabili- sés en actes de la NABM (les décrets d’application sont attendus). Les paliers portent sur chacune des 19 familles d’examens. L’accréditation doit par l’amélioration des pra- tiques permettre d’augmenter à la fois la qualité des actes et la productivité des laboratoires. Jusque-là cela semble simple, mais dans la réalité qu’en est-il ? Dans les pays anglo-saxons on peut lire dans les publi- cités : « accredited training courses », « accredited 4 star resort », « officialy accredited serviced appartements », etc. L’accréditation et la certification des services sont large- ment répandues et servent souvent de faire-valoir. Il est vrai que la notion d’accréditation est d’origine anglo-saxonne. SUMMARY The laboratory accreditation : reasons and unreasons Overcoming difficulties: between power and knowledge. The compulsory accreditation requires biologists who are not routinely involved in testing to meet basic skill requirements. The recent report of the court of auditors, dated July, 2013, highlights the difficulties involved in implementing accreditation. Currently a large number of multi-site laboratories are finalizing their entrance to initial accreditation. But to accredit 50 % of the examinations of 6 sub-domains involving 17 families for 2016 is not a simple matter. As scientists, we are continually striving for quality. This review summarizes what has been gained and lost through accreditation. Accreditation – medical laboratory – quality control – continuous improvement – NF EN ISO 15189 RÉSUMÉ L’accréditation obligatoire a fait sortir les biologistes de la routine pour ne pas dire d’une certaine torpeur. Le récent rapport de la Cour des comptes de juillet 2013 consacré à la biologie humaine pointe les diffi- cultés concernant la mise en œuvre de l’accréditation. Actuellement de nombreux laboratoires multisites sont en train de finaliser leur demande d’accréditation initiale. Mais accréditer 50 % des examens parmi les 6 sous- domaines regroupant 19 familles à l’horizon 2016 n’est pas une mince affaire. Toujours en quête d’une biologie de qualité, examinons ce que nous avons gagné ou perdu avec l’accréditation. Accréditation – laboratoire de biologie médicale – contrôle de qualité – amélioration continue – NF EN ISO 15189

L’accréditation: Un panorama des raisons et des déraisons

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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - DÉCEMBRE 2013 - N°457 // 25

ACCRÉDITATION

L’accréditation : un panorama des raisons et des déraisonsÀ propos de quelques difficultés rencontrées qu’il faut encore surmonter : entre pouvoir et savoir

a Laboratoire Syndibio98, rue des Capucins – 55200 Commercy

* [email protected]

article reçu le 29 août, accepté le 3 octobre 2013

© 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

Jean-Paul Kleina,*

Il s’agit de montrer par un affichage largement développé que l’accréditation et la certification sont des gages de qualité. Nous n’en sommes pas « encore » à ce stade en France. Cependant, l’accréditation mobilise la profession, il y a les pour et les contre, certains parlent de bénéfices, d’autres de préjudices.L’accréditation est aussi une forme « d’avant-gardisme qui est la compétence permettant de forcer tous les membres d’une société à adopter une décision qui n’émane pas d’elle-même » au sens ou l’entend le philosophe contemporain Peter Sloterdijk. Alors certains regretteront l’opportunité donnée par le GBEA qui prévoyait une amélioration de la qualité en douceur.Cet article est fondé sur les réflexions menées au cours de l’accréditation de notre laboratoire et que nous souhaitons faire partager aux lecteurs.

2. Partisans et adversaires

N’oublions pas que, dès son introduction, la norme NF EN ISO 15189 stipule « les services fournis par les labo-ratoires d’analyses de biologie médicale sont essentiels pour les soins prodigués aux patients ; ils doivent donc

1. Le contexte et les enjeux

La loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale prévoit que les laboratoires de biologie médicale (LBM) ne pourront fonctionner à compter du 1er novembre 2016 sans disposer d’une accréditation por-tant sur 50 % des examens qu’ils réalisent, 70 % à compter du 1er novembre 2018 et 100 % à partir du 1er novembre 2020. Précisons qu’il s’agit des examens comptabili-sés en actes de la NABM (les décrets d’application sont attendus). Les paliers portent sur chacune des 19 familles d’examens. L’accréditation doit par l’amélioration des pra-tiques permettre d’augmenter à la fois la qualité des actes et la productivité des laboratoires. Jusque-là cela semble simple, mais dans la réalité qu’en est-il ?Dans les pays anglo-saxons on peut lire dans les publi-cités : « accredited training courses », « accredited 4 star resort », « officialy accredited serviced appartements », etc. L’accréditation et la certification des services sont large-ment répandues et servent souvent de faire-valoir. Il est vrai que la notion d’accréditation est d’origine anglo-saxonne.

SUMMARY

The laboratory accreditation :

reasons and unreasons

Overcoming difficulties:  between power and knowledge. The compulsory accreditation requires biologists who are not routinely involved in testing to meet basic skill requirements. The recent report of the court of auditors, dated July, 2013, highlights the difficulties involved in implementing accreditation. Currently a large number of multi-site laboratories are finalizing their entrance to initial accreditation. But to accredit 50 % of the examinations of 6 sub-domains involving 17 families for 2016 is not a simple matter. As scientists, we are continually striving for quality. This review summarizes what has been gained and lost through accreditation.

Accreditation – medical laboratory – quality control – continuous improvement – NF EN ISO 15189

RÉSUMÉL’accréditation obligatoire a fait sortir les biologistes de la routine pour ne pas dire d’une certaine torpeur. Le récent rapport de la Cour des comptes de juillet 2013 consacré à la biologie humaine pointe les diffi-cultés concernant la mise en œuvre de l’accréditation. Actuellement de nombreux laboratoires multisites sont en train de finaliser leur demande d’accréditation initiale. Mais accréditer 50 % des examens parmi les 6 sous-domaines regroupant 19 familles à l’horizon 2016 n’est pas une mince affaire. Toujours en quête d’une biologie de qualité, examinons ce que nous avons gagné ou perdu avec l’accréditation.

Accréditation – laboratoire de biologie médicale – contrôle de qualité – amélioration continue – NF EN ISO 15189

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satisfaire aux besoins à la fois des patients et des cliniciens responsables des soins prodigués à ces patients ».Comme pour toutes les réformes, il y a des partisans et des adversaires. Chacun y va de ses arguments qui ne sont pas toujours en adéquation avec la pratique du ter-rain, ni et c’est plus grave, avec les besoins et les attentes des patients.Pour le transport aérien, les compagnies définissent leur flotte en fonction de leurs besoins (vols intérieurs, moyens courriers, longs courriers, etc.). En revanche, pour les LBM, les regroupements ont été faits plutôt en fonction des opportunités que des besoins des patients. L’armée avance, l’intendance suit… le mariage de la carpe et du lapin avec des surcoûts de prix de cession sans communes mesures avec les réalités économiques.Les partisans sont connus, il s’agit des 206 laboratoires qui étaient accrédités fin 2012 sur 2 000 laboratoires (1 500 privés et 500 en établissements de soins). À cette date, 236 LBM avaient fait une demande initiale d’accré-ditation. Enfin, au 31 mai 2013, le Cofrac a réceptionné 1 336 preuves d’entrée dans l’accréditation.Il faut aussi apporter le témoignage d’un malaise que ressentent certains pionniers de la qualité par la spirale de l’accréditation avec ses dates butoirs, ses contraintes dues aux évolutions réglementaires et normatives ainsi que certains excès lors des évaluations sur sites.

3. Comment passer de la théorie

à la pratique et respecter

les exigences normatives

Il est tout d’abord indispensable d’assimiler et d’être à jour de la volumineuse documentation du Cofrac. Par exemple, le règlement d’accréditation (SH REF 05) a fait l’objet de 5 révisions depuis novembre 2009 (révision 00) à juillet 2013 (révision 05). Les exigences de la norme ISO 15189 sont nombreuses et parfois difficiles à respec-ter en intégralité. Alors pour y parvenir, il est nécessaire d’agir avec souplesse et par étapes. Aussi pour essayer de respecter les échéances, les LBM ont embauché des qualiticiens. Ces derniers doivent s’intégrer dans les équipes, gagner la confiance du personnel, développer une certaine autonomie mais également rendre compte de leurs travaux aux biologistes en charge de la qualité. Au niveau des plateaux techniques, les biologistes devront

se spécialiser dans l’un ou l’autre des 6 sous-domaines de la biologie médicale (biochimie, hématologie, immunologie, microbiologie, génétique et biologie de la reproduction) mais aussi dans certaines tâches managériales (ressources humaines, gestion financière, management de la qualité, gestion des risques, communication, etc). Les documents du Cofrac ainsi que les articles consa-

crés aux retours d’expériences qui paraissent dans les revues professionnelles sont d’une grande aide pour opti-miser les pratiques en fonction de chaque contexte et assurer une qualité prouvée. Cependant le niveau d’exi-gence s’élève de plus en plus sous l’influence de leaders d’opinion. Les biologistes sont préoccupés car ils ont l’impression qu’on place la barre de plus en plus haut en leur demandant toujours plus, avec toujours moins.

Mais il faut garder à l’esprit que ces articles sont le fruit de réflexions qui ont nécessité souvent plusieurs années de travail. C’est tout le concept de l’amélioration continue. Par ailleurs, paradoxalement, l’accréditation peut sembler

facile pour ceux qui bénéficient lors des fusions de tout le système documentaire clés en main lors de regroupe-ments de LBM.

4. L’efficience :

la qualité au meilleur coût

Les coûts inhérents à la mise en place de la qualité sont d’autant plus importants que le LBM ne respectait pas le GBEA. Ils sont estimés entre 5 et 10 % du chiffre d’affaires en fonction du niveau d’organisation initial.– Coût de la construction des plateaux techniques et des

charges de fonctionnement inhérentes à leur activité.– Coût des qualiticiens.– Coût des contrôles de qualité : le regroupement de l’acti-

vité sur les plateaux techniques fait diminuer le coût des contrôles de qualité alors que l’élargissement du péri-mètre d’accréditation fait augmenter le coût en raison du nombre des paramètres représentés dans chaque famille analytique.

– Coût des formations qui deviennent obligatoires pour l’ensemble du personnel.

– Coût des logiciels de management de la qualité (achat et maintenance).

– Coût des vérifications/validations de méthodes (réactifs et temps).

– Coût de la maîtrise métrologique.– Coût des audits internes (réalisé par du personnel interne

à l’organisme ou réalisé par un auditeur externe) et des audits du Cofrac.

– Coût de la logistique.– Coût de la gestion des ressources humaines (embauche

de DRH). Toutes ces dépenses « nouvelles » sont à mener de pair

avec les baisses successives de la nomenclature et de l’augmentation constante des charges. Mais à ce jour, les économies d’échelle tant vantées par certains ne sont pas encore véritablement au rendez-vous. Le seront-elles un jour ? Sans doute uniquement par l’automatisation des tâches et par la réduction du personnel qui s’en suivra. Toutefois, malgré toutes les économies d’échelle qui pour-ront être réalisées, la qualité à un coût c’est indéniable et c’est bien normal.

5. À propos de quelques

difficultés pour respecter

les exigences spécifiées

Dans ce qui suit, nous présenterons quelques exemples de difficultés qui peuvent être rencontrées dans la mise en place de la qualité au travers de cas pratiques qui se posent à l’ensemble de la profession. Des questions souvent sans réponse en quelque sorte ou avec des réponses évasives.

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5.1. Préanalytique Comment faites-vous pour vous assurer des bonnes

conditions de stockage des tubes chez les préleveurs externes (infirmières libérales, établissements de soins, maisons de retraite, etc.) ? Quelles dispositions avez-vous prises pour respecter les

délais et les températures de transport des échantillons biologiques en périodes estivales et hivernales ?

5.2. Analytique Quelles mesures avez-vous prises pour mettre à la dis-

position du personnel une traduction en français du nou-veau référentiel de microbiologie qui est écrit en anglais ? Utilisez-vous un milieu liquide comme le Mycobac-

teria Growth Indicator Tube (MGIT) pour la culture des mycobactéries ? Lors du renouvellement des chaînes analytiques en

biochimie comment fait-on pour évaluer les nouveaux automates alors que les anciens fonctionnent encore. Faut-il construire un nouveau bâtiment ?

5.3. Postanalytique Lors d’études de satisfaction auprès des préleveurs

externes ou encore des médecins à la question posée souhaitez-vous recevoir un manuel de prélèvement, la réponse est non ! Faut-il leur donner ? La réponse est oui avec la version de 2007 de la norme ISO 15189. En revanche, on remarquera que la version de 2012 de cette norme n’exige plus de rédiger un manuel de prélèvement.

5.4. Management Nombreux sont les laboratoires avec un quota de biologistes

tout juste équivalent aux sites exploités. Les difficultés appa-raissent lors des périodes de vacances pour assurer la présence d’un biologiste dans chaque site. Il y a aussi une réelle difficulté à pratiquer un exercice motivant dans certains cas dans les sites pré ou postanalytique. On assiste déjà à une fermeture l’après-midi de certains sites dédiés aux prélèvements. Comment assurez-vous la diffusion des informations

issues de la veille scientifique aux différents biologistes ?

5.5. Signature scannée et signature électronique : un sacré imbroglio La Société française d’informatique de laboratoire (SFIL)

a transmis par courrier électronique le 29 juillet 2013 une mise au point portant sur la signature scannée en signa-lant que contrairement aux affirmations du SH REF 02, la signature numérisée ou scannée n’est plus valide selon la décision du Conseil d’État n° 351931 du 17 juillet 2013 (voir encadré). Seules sont considérées comme valables la signature électronique et la signature manuscrite. Le SH GTA 02 applicable en juillet 2013, mentionne dans le chapitre 7.5.3 consacré à la signature électronique et signature électronique présumée fiable ce qui suit « Sous-chapitre non développé dans l’attente du ou des textes législatifs d’application précisant les modalités de mise en place de la signature électronique présumée fiable ». Mais en fait, combien de laboratoires sont équipés à ce jour de la signature électronique au niveau national ? Et pour un laboratoire multisites qui traite 2 000 dossiers ou plus par jour, comment faire pour signer de façon manuscrite

les exemplaires patients et médecins, tout en faisant la revue des prescriptions. C’est typiquement une conséquence avé-rée du regroupement des LBM avec des difficultés à gérer et à intégrer dans une procédure de management du risque.

Encadré – Extrait de la décision du Conseil d’État

du 17 juillet 2013, arrêt numéro 351931

5. Considérant qu’aux termes de l’article 1316-4 du Code civil : « La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose. (...) / Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » ; qu’il résulte des dispositions combinées des articles 2 et 3 du décret du 30 mars 2001 pris pour l’application de ces dispositions législatives que la présomption de fiabilité d’un procédé de signature électronique est subordonnée, notam-ment, à l’utilisation d’un dispositif sécurisé de création ayant fait l’objet d’une certification délivrée par le Premier ministre ou par un organisme désigné à cet effet par un État membre de la Communauté européenne ; que, pour regarder comme constitutif d’une faute le fait que les comptes rendus d’analyse étaient revêtus d’une simple signature scannée des biolo-gistes qui les avaient établis, la chambre de discipline s’est fondée sur l’absence d’un procédé technique fiable garan-tissant l’authenticité de cette signature ; que, contrairement à ce qui est soutenu, elle n’a donc pas omis de rechercher si les intéressés, qui, faute d’avoir eu recours à un dispositif certifié, ne pouvaient se prévaloir de la présomption prévue par les dispositions précitées, avaient apporté la preuve de la fiabilité du procédé qu’ils mettaient en œuvre ; qu’en estimant que tel n’était pas le cas, elle a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, et a pu, sans erreur de droit ni de qualification juridique, les regarder comme fautifs.

6. De l’évaluation externe

de la qualité

L’évaluation externe de la qualité devient de plus en plus pointue et chronophage. Les échantillons biologiques envoyés sont dans certains cas accompagnés de rensei-gnements cliniques peu pertinents ou insuffisants pour le diagnostic. Prenons quelques exemples tirés de la pratique de terrain qui montrent toute la difficulté.Dans un matériau de contrôle en parasitologie, 6 espèces différentes de parasites étaient présentes. Ce contrôle a permis de montrer que 32,4 % de laboratoires avaient trouvé au minimum 3 des 6 parasites. Le contrôle suivant ne contenait que des spores de morilles (73 % de réponses justes mentionnaient l’absence de parasite).En bactériologie, les souches cliniques sont souvent dif-ficiles à identifier et l’étude des phénotypes de résis-tance complexe est de plus en plus technique et délicate (bêta-lactamase à spectre élargi, céphalosporinase hyperproduite, carbapénémase, etc.).

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Bibliographie– Sloterdijk P. Bulles. Sphères I. Fayard/Pluriel. 2010, 685 p.– Klein JP. L’accréditation : obstacle ou transparence. OptionBio 2013;

489:4-6.– Gillery P. Le temps des –omes… Ann Biol Clin 2012;70/5:523-5.– Gillery P. La biologie médicale doit se redynamiser. Ann Biol Clin

2000;58/3:259-60.– Gogue JM. La qualité, ça suffit ! Les Échos. Édition du 19/08/2013.– Collen V. Analyses médicales : des propositions chocs pour brider les

dépenses. Les Échos. Édition du 28/08/2013.– Rapport de la Cour des comptes. La biologie médicale. Communication

à la Commission des affaires sociales du sénat. Juillet 2013. 143 p.

– Arrêté du 11 juin 2013 déterminant la liste des tests, recueils et traite-ments de signaux biologiques qui ne constituent pas un examen de biologie médicale, les catégories de personnes pouvant les réaliser et les conditions de réalisation de certains de ces tests, recueils et traitements de signaux biologiques.

– Prazuck T, Ducasse E, Huard E, et al. Tests rapides d’orientation et de diagnostic (TROD) en CDAG : impact sur le rendu des autres sérolo-gies et intérêt de la mise en place de mesures de rappel des consul-tants perdus de vus. Bull Epidémiol Hebd 2013;30:369-76.

– Coopération territoriale en biologie médicale. Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux. Septembre 2013. www.anap.fr

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9. Les acquis de l’accréditation :

l’amélioration continue

Il n’y a pas de doute, une accréditation bien menée est une plus-value pour le fonctionnement de l’entreprise. Elle permet d’optimiser l’organisation des LBM par la prise en compte des dysfonctionnements en traçant les non-confor-mités, les réclamations dans la logique d’une amélioration continue par la mise en œuvre des actions correctives et préventives planifiées. Les enquêtes de satisfaction, les audits internes et externes permettent d’évaluer l’efficacité des SMQ et s’inscrivent dans une dynamique de progrès. Le contenu de ce discours qui semble avoir perdu de sa signification à force de l’avoir entendu se vérifie comme on peut le constater en menant la revue de direction.L’un des bénéfices tiré lors de la démarche d’accrédita-tion est de favoriser les rencontres entre les biologistes et d’échanger des informations lors de discussions fruc-tueuses. Partager les expériences acquises doit rester une préoccupation pour la profession. Un peu comme chez les « compagnons du tour de France ».

10. Conclusion

Le formalisme apporté par le management de la qualité assure une amélioration des services rendus par les LBM. Il reste que la démarche d’accréditation a fait perdre aux biologistes leur indépendance par les fusions qu’elle a suscitées et par les contrôles par des organismes externes qu’elle a engendrés. Mais la reconnaissance externe conférée par l’accréditation permet aux biologistes de s’engager vers une nécessaire modernisation et sécuri-sation des activités de la biologie médicale. L’orientation vers un modèle industriel comme il est pratiqué dans différents pays étrangers est-elle conforme aux attentes et besoins des patients ! Il est souvent fait mention dans les médias de l’exception culturelle française. Pourtant, en France, différents lobbies militent pour une industria-lisation forcenée des activités analytiques. Il est vrai que le concept de qualité a pour but la satisfaction du patient, d’améliorer la production et la rentabilité de l’entreprise. Mais comme dans bien d’autres disciplines ou activités, comparaison n’est pas raison !

Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits

d’intérêts en relation avec cet article.

7. Les tests rapides d’orientation

et de diagnostic (TROD)

À l’heure où l’accréditation est obligatoire pour les LBM, un arrêté paru le 11 juin 2013 détermine une liste des tests, recueils et traitements de signaux biologiques qui ne constituent pas un examen de biologie médicale. Ces tests rapides d’orientation diagnostique concernent le VIH, la glycémie, les angines à streptocoques A et le test de la grippe. On ne peut que s’interroger sur le subtil distinguo qui existe entre tests rapides d’orientation diagnostique et examens de biologie médicale ainsi que sur la surveil-lance des bonnes pratiques et à leur assujettissement à une évaluation externe de la qualité.

8. Les perspectives

Tous ces constats et ces réflexions qui agitent la profes-sion en ce moment montrent à quel point la démarche d’accréditation est encore dans une phase juvénile. Ceci est bien compréhensible car l’ensemble du dispositif ne peut se mettre en place du jour au lendemain.Si la démarche d’accréditation se caractérise lors de sa mise en œuvre par de réelles difficultés du déploiement du SMQ ; une fois la phase d’apprentissage achevée, on perçoit tout l’apport de cet engagement dans le déve-loppement de la qualité des pratiques professionnelles pour le pilotage de l’entreprise. Mais l’accréditation, il faut le dire, ne résout pas tous les problèmes de la vie des LBM.Actuellement, la préoccupation majeure pour la profession est de pouvoir respecter des délais aussi courts pour un chantier aussi vaste. Comment peut-on imaginer que l’ensemble des LBM privés et hospitaliers pourront être accrédités sur 50 % des actes qu’ils réalisent à l’horizon 2016-2017 ? Une enquête du Syndicat national des biolo-gistes hospitaliers parue à l’occasion de son 41e colloque en septembre 2012 révèle que 43 % des laboratoires hospitaliers publics ne sont pas encore engagés dans la restructuration en biologie médicale.L’accréditation est certes un challenge difficile pour la plupart, mais pas impossible à tenir pour un nombre limité de LBM, tout dépend du niveau initial de conformité aux exigences spécifiées et réglementaires. Dans tous les cas le nouvel enjeu médico-économique invite à réfléchir à de nouvelles organisations.