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L’actualité en hématologie maligne
News in onco-haematologyD. Borchiellini
Centre Antoine-Lacassagne, 33, avenue Valombrose, F-06000 Nice, France
Reçu le 14 juin 2011 ; accepté le 22 juin 2011
Lymphome malin non
hodgkinien (LNH)
Traitement de première ligne
À l’ère du rituximab, des essais
sont venus préciser la place des
chimiothérapies accélérées ou
intensifiées dans le traitement du
LNH. D. Cunningham a rapporté
les résultats de l’essai de phase
III ayant comparé huit cycles de
R-CHOP21 à un schéma compor-
tant six cycles de R-CHOP14
(+G-SCF) suivis de deux cycles de
rituximab chez 1 080 patients avec
un lymphome B diffus à grandes
cellules (LBDGC), dont 52 % de
plus de 60 ans, quelque soit l’Index
Pronostic International (IPI 0–1 =
27%, 2–3 = 55%, 4–5 = 18%) [Cun-
ningham, Abstract 8000]. Avec un
suivi médian de 37 mois, aucune
différence n’a été observée pour
la survie globale (SG), la survie
sans progression (SSP) ou le taux
de réponse globale (TRG). Aucun
sous-groupe ne semblait bénéfi-
cier du schéma accéléré. L’inci-
dence de neutropénies grade
III/IV était plus importante dans
le bras R-CHOP21 (77 vs 37 %,
p < 0,01), avec notamment plus
de neutropénies fébriles (NF)
[11 vs 5 %], différence liée à l’utili-
sation de G-CSF en prévention
primaire dans le bras R-CHOP14.
À l’inverse, le taux de thrombopé-
nies grade III/IV était plus important
dans le bras accéléré (p < 0,01). Ces
résultats confirment ceux rapportés
à l’ASH en 2009 par R. Delarue
(LNH 03-6B, abstract 406). Le
R-CHOP21 reste donc le standard
thérapeutique des LBDGC à faible
risque, y compris chez les plus de
60 ans. Concernant la chimio-
thérapie haute dose (CHD) avec
support de cellules souches héma-
topoïétiques (CSH), l’essai améri-
cain de phase III (SWOG S9704)
[Stiff, Abstract 8001] a comparé
six cycles de CHOP ± R suivis
d’une autogreffe (n = 125) à huit
cycles de CHOP ± R (n = 128) chez
des patients d’âge inférieur ou
égal à 65 ans avec un LNH à haut
risque (IPI élevé–intermédiaire ou
élevé, i.e. IPI ≥ 3). Sur 370 patients
inclus, 253 en réponse complète
ou partielle après cinq cycles de
CHOP ± R ont été randomisés
entre les deux bras. Une différence
significative a été montrée sur la
SSP à deux ans en faveur du bras
autogreffe (69 vs 56 % ; HR = 1,72 ;
p = 0,005), mais pas sur la SG
à deux ans (74 vs 71 %, p = 0,32).
Des analyses de sous-groupes
exploratoires semblent indiquer
un bénéfice à deux ans de la CHD
sur la SSP (75 vs 41 %) mais éga-
lement sur la SG (82 vs 64 %) pour
les patients à haut risque. Les toxi-
cités grade III/IV étaient logique-
ment plus fréquentes dans le
bras « autogreffe », avec notam-
ment six décès toxiques contre
trois dans le bras « chimiothé-
rapie conventionnelle ». Bien que
non initialement prévue pour
analyser le bénéfice de la CHD
avec autogreffe en fonction
de l’IPI chez des patients prétrai-
tés par R-CHOP21, cette étude
apporte des arguments supplé-
mentaires pour considérer
l’autogreffe parmi les standards
thérapeutiques à proposer aux
patients jeunes avec un LBDGC
à haut risque.
Traitement des LNH en rechute
ou réfractaires
Les résultats actualisés de l’essai
CORAL ont été présentés, évaluant
le traitement de maintenance par
rituximab après autogreffe pour
les LBDGC CD20+ en rechute ou
réfractaires (Gisselbrecht, Abstract
8004). Il y avait une double rando-
misation, concernant d’abord la
chimiothérapie d’induction entre
un bras R-DHAP (rituximab, cytara-
bine, cisplatine et dexaméthasone)
[n = 234] et un bras R-ICE (rituxi-
mab, ifosfamide, carboplatine et
étoposide) [n = 243]. Les patients
répondeurs [n = 255] bénéficiaient
d’une CHD avec réinjection de CSH.
Une seconde randomisation était
faite pour lamaintenance par rituxi-
mab après autogreffe [n = 244].
Il n’existe aucune différence signifi-
cative à quatre ans sur la survie
sans événement (SSE), la SSP ou
la SG, que ce soit entre les bras
R-ICE et R-DHAP ou entre les bras
maintenance vs observation. Ces
derniers résultats confirment l’ab-
sence de bénéfice du traitement de
maintenance par rituximab après
autogreffe pour les LBDGC en
rechute chez les patients de moins
de 65 ans.
Myélome multiple
Lénalinomide et risque
de second cancer
Rappelons que trois essais ont sug-
géré une incidence plus élevée de
tumeurs solides ou d’hémopathies
chez les patients avec myélome
traité en première ligne par lénali-
nomide (MM-015, IFM 2005-02,
CALGB 100104). Des données
complémentaires concernant leCorrespondance : [email protected]
Dossier
Them
atic
file
■Oncologie (2011) 13: 514–516© Springer-Verlag France 2011DOI 10.1007/s10269-011-2048-2
514
risque de second primary mali-gnancy (SPM) ont été rapportées.
A. Palumbo a présenté les résultats
actualisés de l’essai MM-015 ayant
comparé trois bras de traitement en
première ligne chez des patients
d’âge supérieur ou égal à 65 ans
non éligibles pour une autogreffe :
melphalan–prednisone–lénalino-
mide suivi par du lénalinomide en
maintenance (MPR-R), melphalan–
prednisone–lénalinomide sans
maintenance (MPR) ou melphalan–
prednisone (MP). La médiane de
SSP était de 31 mois dans le bras
MPR-R contre 13 mois dans le bras
MP (HR = 0,395 ; p < 0,001) et
14 mois dans le bras MPR. Aucun
bénéfice sur la SG n’a été mis en
évidence. Le nombre de seconds
cancers, après un suivi médian de
30 mois, était plus élevé dans les
deux bras avec lénalinomide,
notamment pour les hémopathies
(Tableau 1). Toutefois, ces cas de
SPM nemodifiaient pas le bénéfice
de SSP (HR = 0,408 ; p < 0,001).
Deux autres études ont été
présentées : l’essai de phase II
BiRD (lénalinomide–dexamétha-
sone [LEN-DEX] en première
ligne) et les données poolées de
deux essais de phase III, le
MM-009/010 (LEN-DEX vs un bras
placebo-DEX chez des patients en
rechute ou réfractaires). Le nombre
de seconds cancers invasifs reste
bas, avec peu d’hémopathies
(Tableau 1). Aucun facteur de
risque de SPM n’a été identifié
(BiRD), notamment pas d’anomalie
chromosomique spécifique.
Au total, les cas de LAM ont uni-
quement été observés avec la com-
binaison lénalinomide–melphalan.
De plus, il semble que l’incidence
de seconds cancers invasifs soit au
moins statistiquement équivalente
à l’incidence attendue dans cette
population âgée, selon des don-
nées SEER (Surveillance Epidemio-logy and End Results). Enfin, le
risque de progression et de décès
lié au myélome reste plus élevé
que le risque de SPM, et le rapport
bénéfice/risque favorise donc
largement le traitement. Toutefois,
même si les pratiques ne sont pas
modifiées, il reste nécessaire
d’identifier les facteurs de risque
de SPM.
L’autogreffe a toujours
sa place en première ligne
C’est ce qu’a montré un essai de
phase III ayant randomisé 402
patients d’âge inférieur ou égal à
65 ans, après quatre cycles de
LEN-DEX en induction, entre un
bras MPR six cycles (n = 202) et un
bras double autogreffe (MEL200 ×2 + CSH) [n = 200] (Boccadoro, Abs-
tract 8020). Les auteurs ont montré
un avantage sur la SSP à 18 mois
(objectif principal) en faveur du
bras autogreffe (78 vs 68 % ; HR =
0,58 ; p = 0,006). Le TRG était simi-
laire dans les deux bras (autogreffe
vs MPR) avec 58 vs 60 % de très
bonne réponse partielle (TBRP)
[p = 0,24] et 25 vs 20 % de RC
(p = 0,49), de même que la SG à
18 mois (95 vs 91 %, p = 0,073) et
le taux de SPM (0,005 % dans
chaque bras). Les toxicités grade
III/IV hématologiques, infectieuses
et digestivesétaient plus fréquentes
dans le bras autogreffe (p < 0,001).
D’autres essais restent nécessaires
pour préciser le bénéfice d’une
seule procédure d’autogreffe par
rapport aux schémas thérapeu-
tiques incluant les molécules les
plus récentes.
Biphosphonates
L’essai MRC Myeloma IX (MMIX) a
montré un avantage significatif sur
la SSP et la SG pour l’acide zolédro-
nique (ZOL) comparé au clodronate
oral (CLO) dans le myélome multi-
ple en première ligne. Deux actuali-
sations de cet essai ont précisé les
modalités du traitement par ZOL
(Boyd, abstract 8010 et Davies, abs-
tract 8011) en fonction de la pré-
senceoupas d’une atteinte osseuse
initiale. Les événements osseux
restent significativement diminués
avec le ZOL quel que soit le statut
osseux initial. Bien que le ZOL amé-
liore la SSP et la SG dans la popu-
lation générale comparé au CLO, le
bénéfice n’est observé que chez les
patients présentant une atteinte
osseuse au diagnostic, et ce, dès
deux mois de traitement. L’instau-
ration précoce du ZOL en cas
d’atteinte osseuse devient le stan-
dard. Pour les patients sans lésion
osseuse, le délai d’instauration, la
fréquence et la durée du traitement
doivent être évalués, notamment
en fonction du risque de toxicité.
En bref, les nouvelles molécules
Deux essais de phase I ont testé de
nouveaux anticorps monoclonaux
dans le myélome en rechute ou
réfractaire : le LY2127399, un anti-
BAFF (beta cell activating factor)en association au bortezomid
(Raje, Abstract 8012), et le lorvotu-
zumab mertansine, un anti-CD56
conjugué à un cytotoxique anti-
tubule, en association au protocole
LEN-DEX (Berdeja, Abstract 8013).
Ces deux molécules montrent
une activité mesurable (taux de
réponse ≥ 50 %), avec une toxicité
Tableau 1. Cas rapportés de seconds cancers, ou single primary malignacy (SPM), dans les études évaluant le lénalinomidechez des patients atteints de myélome, présentées en session orale au congrès de l’ASCO 2011
?
Traitement (n) SPM Hémopathies malignes(n = LAM)
Tumeurssolides
Cancers cutanés nonmélaniques (non invasifs)
Palumbo (#8007) MPR-R (150) 13 7 (5) 5 1MPR (152) 13 5 (3) 4 4MP (153) 9 1 (0) 3 5
Rossi (#8008) LEN-DEX (68) 11 0 5 6Dimopoulos (#8009) LEN-DEX (353) 19 2 (0) 6 11
Placebo-DEX (350) 5 0 2 3
Compte
rendu
Rep
ort
515
minime et une synergie d’action
prometteuse avec les cytotoxiques.
Enfin, les données actualisées
de trois essais de phase II étudiant
le carfilzomib (CFZ) en mono-
thérapie (Stewart, abstract 8026 ;
Siegel, Abstract 8027) ou en asso-
ciation au LEN-lowDEX (Wang,
Abstract 8025) dans le myélome
en rechute ou réfractaire ont été
rapportées. Cet epoxyketone inhibi-
teur sélectif du protéasome a une
activité notable (TRG de 24 à
78 %), avec une toxicité hématolo-
gique attendue et une bonne tolé-
rance neurologique, même pour
des traitements prolongés. L’essai
de phase III ASPIRE, comparant un
traitement par lénalinomide et
dexaméthasone avec ou sans CFZ
chez des patients atteints d’unmyé-
lome récidivant, est en cours de
recrutement.
Leucémies
Les résultats de l’essai de phase III
CLASSIC 1 ont été présentés. Cet
essai a comparé un traitement par
cytarabine (1 g/m2 par jour i.v., j1 à
j5) seule (n = 158) ou en association
à la clofarabine (40 mg/m2 j1 à j5)
[n = 162] chez des patients de plus
de 55 ans (moy = 67 ans) avec une
LAM en rechute ou réfractaire.
Aucune différence sur la SG (objec-
tif principal) n’a été démontrée (6,6
vs 6,4 mois, p > 0,9). Par contre, il
existait un impact significatif en
faveur de l’association théra-
peutique sur le TRG (47 vs 23 %,
p < 0,0001) et la SSE (HR = 0,63 ;
p = 0,0001), aux dépens d’une toxi-
cité et d’une mortalité précoce (j30
et j60) plus importante (p = 0,003
(Faderl, Abstract 6503). Une équipe
française a présenté les résultats
d’un essai de phase III comparant
un bras décitabine (n = 242) à un
bras standard (n = 243), correspon-
dant soit à un traitement par cytara-
bine faible dose en sous-cutanée (n= 215), soit à des soins palliatifs,
chez des patients d’âge supérieur
ou égal à 65 ans avec une LAM en
première ligne. L’analyse de survie
planifiée (396 décès) ne montrait
pas d’impact sur la SG, avec une
médiane de 7,7 mois (décitabine)
contre 5,0 mois (p > 0,1). Toutefois,
une analyse actualisée de la SGnon
prévue, a priori (446 décès), montre
une différence cette fois significa-
tive en faveur du bras décitabine
(HR = 0,82 ; p = 0,037) avec une
toxicité comparable. La décitabine
représente donc une option théra-
peutique chez le sujet âgé (Thomas,
Abstract 6504).
Syndromes myéloprolifératifs
Les syndromes myéloprolifératifs
sont associés à une dérégulation
de la voie moléculaire JAK-STAT
et notamment à des mutations acti-
vatrices de JAK2 (Janus kinases).Les inhibiteurs de JAK représentent
une révolution thérapeutique pour
les patients atteints d’un syndrome
myéloprolifératif. Les résultats des
études de phase III COMFORT-I
(Verstovsek, Abstract 6500) et
COMFORT-II (Harrison, Abstract
LBA6501) ont en effet confirmé le
bénéfice clinique d’un traitement
oral par un inhibiteur de JAK1/2,
le ruxolitinib (INC424), chez des
patients avec myélofibrose primi-
tive, polyglobulie primitive ou
thrombocytémie essentielle, dont
plus de 70 % avaient la mutation
V617F de JAK2. L’essai COMFORT-I
randomisait les patients entre
un bras ruxolitinib (15 à 20 mg
p.o. × 2/jour) [n = 155] ou placebo
(n = 154). Dans le COMFORT-II, le
même bras de traitement (n = 146)
était comparé à un bras témoin
recevant le meilleur traitement dis-
ponible (n = 73), à savoir chimiothé-
rapie, corticoïdes ou soins palliatifs.
Dans chaque essai, un cross-over àprogression était prévu pour le bras
témoin. Chacun des deux essais a
montré une diminution significative
et prolongée de la taille de la rate
(objectif principal), associée à une
amélioration significative des
symptômes et de la qualité de vie
(p < 0,0001 pour tous les critères),
et ce, quel que soit le statut muta-
tionnel pour JAK2. Les toxicités
hématologiques grade III/IV étaient
plus fréquentes dans le bras ruxoli-
tinib mais restaient gérables avec
des adaptations de dose. Les don-
nées de survies sont encore imma-
tures. Ce traitement représente
désormais le nouveau standard et
devrait être approuvé rapidement
par les autorités.
Oncohématologie pédiatrique
Les leucémies aiguës lymphoblasti-
ques (LAL) de l’enfant et du jeune
adulte bénéficient de taux de guéri-
son élevé avec un taux de SG à dix
ans supérieur à 80 %. Toutefois, le
système nerveux central (SNC) est
une localisation fréquente de
rechute pour les LAL à haut risque,
grevant ainsi le pronostic vital. Le
Children’s Oncology Group a pré-
senté les résultats de l’essai de
phase III AALL0232 en session plé-
nière (Larsen, Abstract 3). Les 3 154
jeunes patients (0 à 30 ans) étaient
randomisés à l’induction entre
prednisone et dexaméthasone,
puis à la maintenance entre un
bras méthotrexate haute dose
(MTX-HD) et un bras Capizzi-MTX
(avec escalade de dose) qui repré-
sente le standard actuel. Les résul-
tats pour la maintenance ont mon-
tré un taux de rechute cérébrale et
médullaire plus faible dans le bras
MTX-HD (22 vs 32 patients et
42 vs 68 patients, respectivement),
repoussant ainsi la SSE à cinq ans à
82 contre 75 % dans le bras stan-
dard (p = 0,006). La tolérance du
MTX-HD était également meilleure
avec notamment moins de NF (5,2
vs 8,2 % ; p = 0,005). Ce protocole
devient donc le nouveau standard
thérapeutiquedes LALàhaut risque
chez les sujets de moins de 30 ans.
Conclusion
En résumé, le cru ASCO 2011 s’est
révélé de grande qualité pour les
hémopathies malignes avec quel-
ques informations qui feront date :
la fin possible du RCHOP14 et la
confirmation de la place de l’inten-
sificationdans les LBDGC, la pondé-
ration des données sur le risque de
seconds cancers sous lénalino-
mide, et surtout l’avènement du
MTX-HD comme nouveau standard
thérapeutique pour les LAL du sujet
jeune.
Conflitd’intérêt : l’auteur déclare
ne pas avoir de conflit d’intérêt.
Dossier
Them
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