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L’histoire d’une banque extraordinaire: L’alternative. Mario König Aglaia Wespe

L’histoire d’une banque extraordinaire: L’alternative....cambriolage d’une banque face à la fondation d’une banque?». Avec l’Association de soutien fondée en 1987, ils

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L’histoire d’une

banque extraordinaire:

L’alternative.

Mario König Aglaia Wespe

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L’histoire d’une

banque extraordinaire:

L’alternative.

Mario König Aglaia Wespe

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L’histoire en images 4

Introduction 8

01 «Une autre banque pour une autre Suisse»: La longue «préhistoire». 10

Projets, projets. . . 11

La place financière suisse en plein bouleversement 13

Le projet trouve son rythme 15

Tout se concrétise 18

Les derniers obstacles 21

02 «Bien plus de turbulences que prévu dans le scénario»:

Les premières années d’activité. 22

Un départ couronné de succès 23

Une période troublée 25

Pas de régionalisation. Mais une base en Suisse romande 28

Conclusion mouvementée de la phase de fondation 30

03 «Nous voulons et nous devons croître»:

La BAS en chiffres. 32

Total du bilan, capital-actions, employé(e)s 33

Encouragement versus sécurité: la politique de crédit de la BAS 36

La géographie de la banque et le profil de sa clientèle 41

04 «L’éthique n’est pas gratuite»:

La BAS au travers de son programme. 44

A la recherche d’une orientation 45

«Cela, nous ne le faisons pas», dit la publicité 49

«La banque de verre» 51

L’éthique entre utopie et pragmatisme 53

05 «Se développer sans perdre son âme»:

Le présent alternatif et pragmatique. 56

Le dernier Mohican de la génération des fondateurs s’en va 57

L’égalité des droits dans la pratique 60

Instruments financiers «vert clair» et «vert foncé» 62

La banque qui discute 64

Annexe

Les activistes de la BAS 66

Abréviations, interviews, littérature 68

Impressum 68

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Il fallait que la banque pour une autre Suisse naisse. Une alternative ausein du marché financier helvétique. Rien de moins. Un objectif ambi-tieux. D’innombrables réunions ont eu lieu à la fin des années 1980; desdébats presque sans fin pour mettre les idéaux sur papier. Un groupe dequasi-conspirateurs qui ne s’est pas découragé et a fini par passer àl’acte, s’inspirant librement d’une phrase de Bertolt Brecht: «Que vaut lecambriolage d’une banque face à la fondation d’une banque?».

Avec l’Association de soutien fondée en 1987, ils ont rassemblédavantage que ce qui était nécessaire pour le capital propre et ont osé,en 1990, ce qui semblait impossible: la fondation d’une banque alter-native. Avec succès, comme le révèlent les derniers chiffres.

Il y a de quoi admirer l’équilibre qu’ils ont dû trouver entre lesexigences visionnaires – pour lesquelles la barre ne pouvait jamais êtreplacée assez haut – et un pragmatisme moins utopiste, dicté par lescontraintes législatives et de gestion. Une bonne quinzaine d’annéesplus tard, nous regardons derrière nous avec émerveillement.

Depuis la fondation, de nombreuses personnes ont fait avancer leprojet «Banque alternative BAS» avec ténacité, une touche de prudence etdes moyens financiers, sans perdre de vue le but de la fondation. Ils n’ontjamais cessé de choisir entre les attentes et la réalité, pour la meilleure so-lution «éthique». La Suisse est-elle devenue autre, ne serait-ce qu’un peu?Cela reste à voir. Entre-temps, la BAS est devenue une banque aux basessolides et qui ne cesse de s’engager, pas à pas, pour rendre la Suisse plussociale, plus démocratique et plus respectueuse de l’environnement.

Nos remerciements vont aux fondatrices et aux fondateurs, auxactionnaires de la première heure ainsi qu’à toutes celles et tous ceuxqui les ont rejoints ensuite: clientes et clients, membres des organes,collaboratrices et collaborateurs. J’adresse ici un «merci» tout particu-lier à l’historien indépendant Mario König et à sa collègue Aglaia Wespe.Avec une rigueur scientifique et un regard objectif, ils ont retracé l’his-toire mouvementée de la BAS en faisant ressortir son fil rouge. Sincèreet sérieux, leur récit fait aussi la part belle aux clins d’œil et à l’ironie.

Claudia Nielsen

PRÉFACE

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1988: Max Schmid plaide corps et âme pour une banque alternative en Suisse.

Février 1989: l'Association de soutien réfléchit au futur.

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21 août 1990: signature des actes de fondation et verres de champagne pour trinquer. En haut à droite: Alois Bretscher etWalter Thierstein; au milieu: Mathys Wild; en bas, depuis la g.: Daniel Stoll (notaire), Dieter Spies, Marie-Therese Fasser, Andreas P. Ragaz, Hans Humbel; devant: Hans Ulrich Schudel.

Où doit se trouver le siège social de la banque? Dans unjoli décor rural? Dans l'antre du lion en pleine placefinancière de Zurich? (Illustration de ChristophGloor dans moneta 2/89)

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«Davantage de chefs de tribu qued’Indiens» (Hans Ulrich Schudel).

Les membres des organes et de ladirection après la fondation: à l'ar-rière, de g. à d.: Daniel Stoll (notaire),Günther Ketterer, Dieter Spies,Bruno Rütsch, Thomas Heilmann,Romana Camani, Ruth Mokrani; devant de g. à d.: Monika Egger, Mathys Wild, Hans Peter Vieli, LineBoser, Franz Thomet, Anita Fetz,Dorothee Jaun, Hans Ulrich Schudel,Andreas P. Ragaz, Hans Humbel,Gabi Hildesheimer, Urs Hänsen-berger, Verena Bürcher, Alois Bret-scher, Marco Medici, Walter Thier-stein, Marie-Therese Fasser Werlen,Pierre Fornallaz, Veronika Malz-acher, Carola Ertle, Anita Conrad,Heini Conrad, Verena Messerli.

L'équipe de la banque de la première heure: derrière de g. à d.: Hans Humbel, Ursi Stöcklin, Thomas Bieri, Andreas P. Ragaz,Dieter Spies, Marianne Leonhard; devant de g. à d.: Isabella Müller-Walser, Anita Hubert, Sarah Meili. Manquent: GrazianaCamastral, Marco Grau, Sybille Schib.

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27 septembre 1997: fête pour l’inauguration dela représentation à Lausanne: enseigne et fêtesur la place St-François.

4 février 2006: inauguration festive du bureau d’informationde Bellinzone: de g. à d.: Dominique Roten, Edy Walker, Claudia Nielsen, Fabiano Cavadini.

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8 INTRODUCTION

«Il a fallu tout inventer. Il n’existait aucun manuelindiquant comment créer une telle banque.»

Thomas Heilmann, membre et président du conseil d’administration de la BAS de 1990 à 2001, décembre 2005

La création de la Banque alternative BAS n’a rien d’une banale fonda-tion d’entreprise. Elle est également une expérience sociopolitique. Cedouble caractère marque aujourd’hui encore sa personnalité: la BAS estune banque et elle veut aussi être davantage que cela. Elle incarne unecritique du boum de la place financière suisse, et cela sous les traits mê-mes d’un établissement financier. Quand elle commence son activité le29 octobre 1990, à Olten, son credo est le suivant: pas de participation àdes opérations boursières, pas de transactions financières internationales,pas d’activité avec des fonds d’origine douteuse, limitation aux opéra-tions classiques d’une banque d’épargne et de crédit, observation dedirectives éthiques et écologiques claires en matière de politique deplacement, tout cela dans le cadre de la suppression partielle du secretbancaire et de la stricte égalité des sexes. Pour atteindre ces objectifs, ila fallu une bonne dose de créativité organisationnelle et sociale, maisaussi quelques compromis. Pour encourager la réflexion et la transpa-rence, la BAS s’est offert depuis le début une publication indépendante(«moneta, le journal pour un usage différent de l’argent») et se soumetà un contrôle éthique, ce qui est pour le moins inhabituel dans le mondede la finance helvétique.

Le projet d’une banque alternative en Suisse est né il y a plus devingt ans. Et la BAS existe avec succès depuis plus de quinze ans. Lamanière dont elle peut répondre à son ‹autre› aspiration est un défi per-manent. Les débats et les conflits sur ce point n’intéresseront pas queles initiés ou les clientes et clients: ils donnent un aperçu passionnantd’une importante phase de révolutions sociales et politiques de l’his-toire récente en Suisse.

La naissance et la croissance de la BAS sont bien documentées:toutes les étapes du projet et celles de la banque qui en est issue ont

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 9

* Dans les chapitressuivants, les citationssans renvoi à une notecorrespondent à des interviews mentionnéesdans la bibliographie.

laissé de volumineuses traces écrites. Les profondes réflexions qui ac-compagnent les activités de la BAS depuis ses débuts ont poussé les res-ponsables à réaliser d’ores et déjà une rétrospective de la courte maismouvementée histoire de la banque. Nous procéderons d’abord parordre chronologique, avec les faits antérieurs, la fondation et les pre-mières années d’activité de la BAS (chapitres 1 et 2). Suivront des chapi-tres consacrés surtout à un thème en particulier: la banque d’un pointde vue économique (chapitre 3), les ambitions éthiques et démocra-tiques (chapitre 4), le passage de la phase pionnière à la phase de diffé-renciation de ces dernières années (chapitre 5).

Nous remercions la Banque alternative BAS, qui nous a permisd’accéder sans restriction à ses archives à Olten comme à Lausanne,chose plutôt inhabituelle dans le monde bancaire suisse. Nous remer-cions en particulier les personnes qui ont participé aux entrevues etparlé avec enthousiasme de leurs expériences dans le projet. Malgré letemps qui passe, la profonde implication dans la création d’une ‹autrebanque› en Suisse est toujours clairement perceptible. Les souvenirspersonnels ont largement contribué au présent ouvrage, plus que ne lelaissent supposer les seules citations.* Ceux-ci complètent, précisent etenrichissent l’histoire écrite de la BAS: une ‹banque en mouvement› quia formé sa personnalité et l’a affirmée, mais qui reste toujours en mou-vement.

«Que vaut le cambriolage d’une banque

face à la fondation d’une banque?» «L’Opéra de quat’sous» de Bertolt Brecht

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«Une autre banque pour

une autre Suisse»:

La longue «préhistoire».

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 11

CITATION EN TITRE

Information succincte.La Banque alternativeBAS, 1989.

1 Rapport de l’Asso-ciation romande,27. 11. 1993.

2 Ces mouvements ont été présentés par:Bürgi/Imfeld; Holenstein; König.

3 Holenweger/Mäder, p. 143.

«Nous n’avons été pris au sérieux par personne», témoigne Hans PeterVieli, cofondateur de l’imprimerie autogérée Ropress de Zurich et l’undes initiateurs de la BAS, alors qu’il évoque en automne 2005 les débutsde la banque. «Je me souviens encore des premiers temps, quand je de-vais toujours m’adresser à des banquiers conventionnels qui se mo-quaient de nous. Les banquiers sont des gens polis; ils ne disaient pas les choses de manière abrupte, mais on pouvait les ressentir par tous lespores.» L’Association romande de la BAS suscite le scepticisme et l’amu-sement des médias en 1993, alors que la banque était active depuis troisans déjà: «Un article de L’Hebdo présentait notre établissement commeune banque de gardiens de chèvres et autres éleveurs de poulets dans leVal Blenio.»1 L’ambitieux projet de fonder une ‹autre› banque en Suissea connu des débuts mouvementés et interminables. La réussite est long-temps demeurée incertaine.

Projets, projets... Il est néanmoins clair que sans l’étincelle de ‹1968›, la banque alterna-tive n’aurait pas vu le jour. Mais à cette époque, personne n’avait encoreémis une telle idée. Le soulèvement contre l’autorité de cette fin des an-nées soixante avait d’autres visées et s’est rapidement étendu en unelarge gamme de nouveaux mouvements sociaux2. Une partie s’est sur-tout muée en critique du capitalisme et a cherché à raviver le mouve-ment ouvrier. D’autres groupes ont stigmatisé l’exploitation du tiersmonde. La protestation contre la destruction de l’environnement etcontre les centrales nucléaires a gagné en importance. C’est toutefois lavolonté des femmes de ne plus subir d’injustices qui fut à l’origine duplus grand nombre de changements. De nombreuses affinités exis-taient entre les différents courants. Le désir était fort d’expérimenterimmédiatement de nouveaux modes de vie, de la communauté d’habi-tation jusqu’à la création de bistrots et entreprises autogérés. Des es-poirs audacieux se sont parfois tournés vers l’autogestion: «Elle doit de-venir un élément central d’une future société socialiste dans notrepays»3, a déclaré en 1979 l’économiste Thomas Heilmann, alors membrede la direction des nouvelles organisations progressives POCH et, quel-

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12 CHAPITRE 01 LA LONGUE «PRÉHISTOIRE»

ques années plus tard, cofondateur d’une banque alternative. Dans lesannées 80, alors que les idées visant la création d’un «marché des capi-taux autogéré et alternatif» commençaient à fleurir, la Suisse comptaitau moins deux cents entreprises autogérées.4 Une partie s’est réunie en 1981 dans le Réseau d’autogestion. Un «Groupe de travail finances» acherché à réunir des capitaux pour les entreprises et a bientôt enregis-tré «un afflux de demandes». Ce qui constitua d’abord une désillusion:«C’est clair: nous disposons de bien trop peu de fric pour soutenir sérieu-sement ces collectivités!»5 Cependant, une année après, plus de centmembres de soutien s’étaient associés au réseau, ce qui permit d’oc-troyer des prêts sans intérêts pour quelque 45 000 francs jusqu’en1985.6 La procédure mise en œuvre n’était pas particulièrement efficace,mais les participants s’opposaient fermement à davantage de divisiondu travail et de professionnalisation. Le premier rapport annuel deman-dait d’ailleurs: «La menace de franchir le pas vers un travail rémunéréplane-t-elle?»7 Il en allait de même dans une manifestation tenue àFrancfort, où le projet d’une «Ökobank», une banque écologique, étaiten pourparlers en 1984. Des objections se sont élevées quant à savoir si«la banque serait également autogérée, si elle nécessiterait une hiérar-chie».8 Le libraire et activiste socialiste suisse Theo Pinkus (1909–1991)sillonnait les milieux de l’autogestion en Suisse et en Allemagne et fai-sait campagne pour l’idée d’une propre banque.

Avant la création de la banque, les autogestionnaires ont créé en1982 leurs caisses de pensions autogérées, parmi lesquelles la FondationAbendrot à Bâle (dont a fait partie Hans Ulrich Schudel, premier prési-dent du conseil d’administration de la BAS) ou la caisse de pension Nest(à travers laquelle Thomas Heilmann s’est trouvé impliqué dans le pro-jet de la BAS). En mars 1983, Günther Ketterer (également futur membredu conseil d’administration de la BAS pendant de nombreuses années) aexhorté les membres du réseau à fonder un «Groupe de travail banquealternative». L’intention était claire: «Nous ne voulons pas dépendred’une banque en place et anonyme: nous souhaitons décider nous-mêmes de l’utilisation de notre argent.»9 Il était absolument écœuré parl’inefficacité constatée jusqu’alors: «Dans le Groupe de travail finances,

«La menace de franchir le pas vers un travail

rémunéré plane-t-elle?»Groupe de travail finances, 1982

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 13

4 Ibid., p. 30.5 Info 3, septembre 1981,

p. 4.6 Info 17, mars 1985, p. 3.7 Info 6, juin 1982, p. 5.8 Info 15, septembre

1984, p. 15.9 Info 9, mars 1983, p. 19.

10 Info 13, mars 1984, p. 14 s.

11 Sur la DB: Bürgi/Imfeld; Holenstein.

12 Cf. document Sociétéfinancière alternative,mai 1984; résuméd’anciens projets,adapté par Urs Haymoz.

13 Une esquisse frappante, Maissen, p. 119 ss.

nous avons des idées, mais elles ne sont presque jamais réalisées parceque personne n’en a le temps. Moi non plus. Je voudrais que le GT fi-nances obtienne la compétence d’engager quelqu’un qui comprennequelque chose aux finances et aux relations publiques.»10

Entre-temps, les idées et les groupes de travail se sont multipliés.Un groupe de projet «Sterntaler», partiellement d’inspiration anthropo-sophique, a tenté de promouvoir son concept. Hans Humbel, ultérieure-ment membre de la première direction de la BAS, en a fait partie. Dans leréseau, l’idée s’est heurtée à la critique: «Ce fut une erreur d’apprécia-tion», dit Hans Peter Vieli. «Il est impossible de débarquer dans un groupebasé sur l’autogestion avec un projet aussi abouti et de s’imaginer que cesera accepté tel quel.» La Déclaration de Berne (DB), engagée en faveurd’une politique de développement, s’est consacrée en parallèle à un pro-jet financier.11 Devant les disparités Nord-Sud, il a semblé particulière-ment urgent de créer des alternatives à une activité bancaire, laquellesoustrait de manière cruelle et systématique des moyens aux pays pau-vres. Une enquête menée auprès des membres de la DB a révélé en 1982un grand intérêt pour une «société alternative de placements de capi-taux». Dans les projets qui en ont résulté, la recherche de critères pourdes investissements responsables était au cœur des préoccupations; parailleurs, ces projets devaient inclure le «travail de prise de conscience etde formation», sur une base «de rentabilité et de professionnalisme» –autant d’aspects qui ont ensuite influencé le projet BAS.12

La place financière suisse en plein bouleversement L’évolution dans le secteur financier, à cette époque, a dopé les effortsen vue de la création d’un établissement financier alternatif. Au coursdes années 1960, les banques suisses ont misé sur une croissance qui ena fait ce qu’elles sont devenues: des joueurs de premier plan dans la ba-taille des gros capitaux sur les marchés financiers internationaux.13 Avecla libéralisation croissante des flux de capitaux, les banques – lesquelless’étaient jusqu’alors orientées avant tout vers les besoins économiquesde l’industrie indigène – ont érigé une position dominante dans la ges-tion de fortune pour une clientèle exclusivement internationale et, de

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14 CHAPITRE 01 LA LONGUE «PRÉHISTOIRE»

longue date, pas toujours au-dessus de tout soupçon. Elles ont forte-ment gagné du terrain vis-à-vis des banques régionales et cantonales.Au début des années 1990, plus du tiers de la fortune mondiale étaitgéré par la place financière suisse.

L’ascension de la place financière a été pavée de scandales.14 L’af-faire de Chiasso fit les gros titres en 1977, quand la filiale tessinoise duCrédit Suisse perdit plus d’un milliard de francs à la suite d’opérations il-licites découlant de la fuite de capitaux italiens. Qu’il s’agisse du pillagedu tiers monde, des affaires avec l’Afrique du Sud raciste, de gestion de la fortune de dictateurs, de financement du commerce d’armement oude blanchiment d’argent lié au trafic de drogues, des noms suisses re-venaient toujours à la une. Vu sous l’angle du projet de création de labanque, c’était une «chance» indéniable, se souvient Aldo Clerici. Larégulation par la loi de cette croissance incontrôlée est venue plus tard,surtout sous la pression des Etats-Unis: en 1988 avec une loi contre lesdélits d’initié, en 1998 avec une autre loi contre le blanchiment d’argent.Le problème de l’évasion fiscale, à laquelle les banques suisses prêtentmain-forte – couvertes par le secret bancaire – n’est pas résolu à ce jour.

Lors des votations de mai 1984, une majorité de 73 pour cent desvotantes et des votants a refusé l’initiative sociale-démocrate contre lesabus du secret bancaire et contre la toute-puissance des banques, initia-tive inspirée par le scandale de Chiasso en 1977. Pour beaucoup des per-sonnes impliquées, la bataille autour de l’initiative fut un tournant.L’employé de banque Andreas P. Ragaz s’est engagé en sa faveur; il de-vait plus tard compter parmi les créateurs de la BAS et faire partie de lapremière direction. L’échec de l’initiative pouvait aussi être interprététout à fait positivement: 464 000 personnes avaient exprimé leur ma-laise vis-à-vis du développement de la place financière, 34 pour cent desvotant(e)s dans la ville de Zurich et 37 pour cent à Bâle. Pas moins de35 000 personnes ont acheté le «livret bancaire alternatif» de l’Actionplace financière Suisse-Tiers-Monde de 1986, lequel indiquait les possi-bilités de placements responsables. Certaines et certains ont perçu celacomme une incitation à agir. Mais comment passer de concepts dansl’air du temps à un projet réaliste?

«Nous fondons la banque immédiatement.» Procès-verbal Ökobank, 1986

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 15

14 Sur les scandalesfinanciers en général:Trepp; le commerceavec l’Afrique du Sud,Kreis.

15 Procès-verbal Öko-bank, 3. 4. 1986, p. 4.

16 Invitation à la 2e

réunion pour le projetÖkobank, 4. 2. 1986.

17 Citation de H. P. Vieli,Mots clés concernantla «préhistoire» et lecontexte de la Banquealternative BAS, 1995;groupe de travail Öko-bank, procès-verbal,6. 3. 1986.

18 Invitation à la 3e réunion,28. 2. 1986.

Le projet trouve son rythme Au printemps 1986, inspiré par une réunion berlinoise consacrée à l’au-togestion, l’étudiant en sociologie Armin Baumann prit un nouveaudépart en vue de fonder une banque, qui devrait mener plus loin que les précédentes tentatives. Ces dernières avaient échoué en raison dumanque de liens avec de grandes organisations, de questions financiè-res non résolues ou de conflits internes. Le bilan de Peter Isler, avocat etfutur rédacteur – avec Hans Ulrich Schudel – des statuts de la BAS: «‹Unprojet bancaire intéresse les personnes ‘attirées par le pouvoir’. L’exer-cice du pouvoir devient d’autant plus subtil qu’il se dissimule derrière un‘intérêt commun’...› Ce à quoi Felix Bührer ajoute: ‹Le citoyen respon-sable en termes d’argent n’existe pas. Le pouvoir s’exerce avec chaquefranc qui change de main. Peu de personnes en sont conscientes.›»15 Fe-lix Bührer avait réalisé l’année précédente, à l’Université de Zurich, untravail sur le thème «modèles d’entreprises ‹banques alternatives›» etrassemblé les informations disponibles. Andreas P. Ragaz et Hans PeterVieli ont également fait partie du Groupe de travail. Christian Heyner, deFribourg, avait suivi de près les discussions allemandes sur le projet«Ökobank» et rapporté des expériences importantes. Bruno Rütsch aparticipé en tant que secrétaire du Réseau d’autogestion.

L’objectif était une banque, mais la procédure était sujette à cau-tion: création sous la forme d’une association, selon le modèle alle-mand, ou dans un petit groupe spécialisé qui s’ouvrirait au public seule-ment lors de l’appel pour réunir le capital de fondation? Ou alors sous la bannière: «fondation immédiate de la banque»?16 Un coup d’œil aucadre légal a renvoyé la fondation ‹à la hussarde› dans le domaine des illusions. L’élaboration au sein d’un petit groupe, à laquelle aspirait sur-tout Walter Krummenacher, issu des milieux économiques, trouva par contre un écho favorable. Son credo était «L’efficacité plutôt que desbavardages»; il rêvait du soutien d’un «banquier de premier plan».17 La«polarisation des spécialistes de la banque et de l’économie ainsi quedes intéressés du monde politique» fut bientôt très forte.18 Un large sou-tien politique s’imposa, bien que Krummenacher ait temporairementrallié à sa cause les banquiers Bührer et Ragaz et poursuivait son propre

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16 CHAPITRE 01 LA LONGUE «PRÉHISTOIRE»

projet d’«Ökobank», lequel n’aboutit finalement pas. Au début de 1987,déjà, les deux ‹banquiers› – devenus sceptiques – retournèrent dans lecercle d’Armin Baumann. En avril, on se réorganisa en tant que Groupede travail Banque alternative (GTBA), pour se démarquer du projet del’«Ökobank». Peu avant, l’équipe avait bénéficié d’un soutien personnelconsidérable. L’écrivain et activiste politique Max Schmid (1926–1993)était en quête d’une nouvelle mission. «C’était exactement au momentoù nous réfléchissions à ce que nous allions faire avec cette banquealternative», se souvient Hans Peter Vieli. «Un hasard absolu, mais unhasard vraiment heureux.» Schmid avait justement mis sur pied avecsuccès l’association de recherche de fonds Pro WOZ, laquelle avait per-mis la survie économique de l’hebdomadaire de gauche. «Max Schmidest un phénomène», poursuit Hans Peter Vieli. «Il avait déjà réussi à lan-cer plusieurs projets. (. . .) Je crois que sans sa première phase intensivede travail (en tant qu’unique employé), la banque ne serait pas née. L’es-pace-temps favorable à ce que de telles choses se réalisent serait passéet nous n’aurions pas pu réussir.»

Max Schmid était un travailleur acharné et qualifié; il mit uneénorme pression dans le projet et entraîna tout le monde – lui compris –avec la même énergie. Dans le souvenir de son compagnon, il apparaîtégalement comme un homme difficile. «Il était très direct, à vrai diretoujours en ébullition. Il savait comment blesser profondément lespersonnes sensibles. S’il détectait une faiblesse, il l’attaquait sans pitié.Mais il n’était pas pour autant comme un éléphant dans un magasin deporcelaine. On pouvait lui résister, s’opposer», se souvient Hans PeterVieli. Schmid voyait tout le projet d’un point de vue plus politiquequ’économique. En Suisse, économiquement parlant, la banque restera«totalement insignifiante».19 De toute façon, on devait s’attendre à ceque la Commission fédérale des banques refuse son autorisation et sepréoccuper déjà de la campagne politique à venir. Max Schmid fulminaitcontre le «manque de fantaisie des banquiers et de leurs laquais dans lemonde des juristes et des économistes nationaux»; il mettait en gardecontre l’idée de créer seulement «une inoffensive banque de niche dansle genre de la BCL». Il visait la Banque communautaire libre BCL, d’inspi-

«Le manque de fantaisie des banquiers et de leurs laquais dans

le monde des juristes et des économistes devait être combattu.»Max Schmid, 1987

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 17

19 Procès-verbal GTBA,3. 9. 1987, p. 5.

ration anthroposophique, qui avait commencé ses activités à Dornachen 1984 en tant que première banque alternative en Suisse; une piqueinjustifiée, car le projet de la BAS a énormément profité du travail de pionnier de la BCL. Felix Bührer, qui y travaillera ensuite, objecta àSchmid que l’on voulait proposer aux investisseuses et investisseurs unealternative réelle et pas seulement rhétorique. L’activité de Schmid n’aduré qu’une année. Le Réseau d’autogestion a avancé 10 000 francspour financer son travail. Au printemps 1988, son engagement ne futpas prolongé. Mais on était alors arrivé à une phase décisive et tout leprojet était devenu très professionnel. Schmid avait pris contact avec denombreuses organisations du milieu de gauche et alternatif, et mêmeau-delà. Il avait élaboré la documentation, voyagé, avait téléphoné ettravaillé les gens au corps avec une grande force de persuasion. En no-vembre 1987, le GTBA invitait toutes les personnes intéressées à se réu-nir à Berne afin de fonder une Association de soutien pour une banquealternative. Felix Bührer avait ébauché un projet dont la plupart desidées constituent aujourd’hui encore les lignes directrices de la BAS. Degrandes organisations comme le WWF soutinrent le projet. Objectif dé-claré: mettre sur pied une banque alternative dans les quatre ans.

L’initiative porta ses fruits. Au cours des quatre premiers mois,plus de 700 personnes, 70 entreprises et organisations ont rejoint l’as-sociation; une année plus tard, c’était le double. Remarquable, au vu dela cotisation annuelle élevée: 200 francs pour les particuliers, 600 francspour les petites entreprises et les groupes, 1200 francs pour les plusgrandes organisations. Connaissant les difficultés financières de l’«Öko-bank» allemande, dont l’Association de soutien ne percevait qu’une fois60 marks, cette politique a été expressément voulue. En juin 1988 a dé-buté la constitution du capital-actions: conformément au droit suisse, ilfallait au moins cinq millions pour fonder une banque. Il était entre-temps devenu clair qu’il allait s’agir d’une société anonyme. Ainsi quel’explique Bruno Rütsch, «sur la scène alternative, la coopérative béné-ficie d’une très nette préférence et d’une grande sympathie. Mais la loisur les banques – à laquelle notre banque alternative doit également seconformer – ne permet la forme juridique de la coopérative que pour

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18 CHAPITRE 01 LA LONGUE «PRÉHISTOIRE»

«Mme A. R. se sent mal intégrée en tant que dactylo

et manque d’une certaine reconnaissance…»GTBA, 1989

une activité commerciale très restreinte, malheureusement. (. . .) Nousne voulions pas chambouler les structures démocratiques de la Banquealternative, pour autant qu’elles soient encore tolérées par la loi sur lesbanques.»20 Mais certains participants ont préféré la société anonymeaussi parce qu’il s’agit d’une forme d’organisation moins lourde, lais-sant davantage de marge de manœuvre à l’action de l’entreprise.

Deux semaines après, le premier million était déjà réuni. Et deuxmillions un mois plus tard. L’argent était versé sur un compte bloqué; encas d’échec de la fondation, il aurait été restitué aux déposantes et dé-posants. La chance a une nouvelle fois souri, comme le souligne HansPeter Vieli: «A peine avions-nous réuni le premier demi-million de capi-tal-actions que les taux intérêts ont commencé à augmenter à toutevitesse. En quelques mois, ils sont passés de 2 à 7 pour cent, de sorte quenous avons pu placer au mieux notre argent.»21 L’association disposaitd’un solide budget, afin de pouvoir accomplir de manière profession-nelle toutes les tâches nécessaires. La création de la banque a coûté autotal quelque deux millions de francs, dont 37 pour cent issus des inté-rêts de l’argent provisoirement déposé.22

Tout se concrétise Pour la fondation de la banque, l’Association de soutien a dû approuverdémocratiquement une longue série de prestations préalables: hormisle capital-actions, il fallait de nombreux statuts et règlements détermi-nant le cadre de l’activité commerciale; pour le conseil d’administrationet la direction, on s’est mis à la recherche de personnes qualifiées etagréées par la Commission fédérale des banques (CFB). Le nom de labanque n’avait pas encore été arrêté. Il fallait encore choisir un lieu ettrouver des locaux convenables. Un emploi du temps serré s’est étendusur deux ans et demi, jusqu’à ce que la demande définitive soit adresséeà la Commission fédérale des banques au printemps 1990.

Trouver les spécialistes bancaires qualifiés, sans lesquels on nepouvait pas avancer, ne fut pas une mince affaire. Il fallait un certaincourage pour se déclarer favorable au projet de la BAS et peut-êtremettre ainsi sa carrière en jeu. Le groupe spécialisé dans les affaires

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 19

20 Info 29, avril 1988, p. 30.

21 moneta, 1/2001, p. 21.22 Décompte final de

l’Association de soutien dans le RA BAS1990/91, p. 12.

23 Procès-verbal CD,14. 3. 1989, p. 3 s.

24 Andreas P. Ragaz, àl’att. du groupe publi-cité et RP, 9. 2. 1988.

25 Lettre du 25. 9. 1989(classeur F. Leu, archives Lausanne).

bancaires comprenait Andreas P. Ragaz, Dieter Spies et Thomas Bieri,tous au bénéfice d’une expérience bancaire et notablement dégoû-tés des pratiques commerciales traditionnelles. La participation d’unefemme a été recherchée avec une ferme volonté, mais sans succès, mal-gré de longues démarches. Aucune femme n’avait encore fait partie desdifférents groupes de travail précédents, contrairement à l’Associationde soutien à laquelle elles avaient adhéré en nombre. La constitution ducapital-actions a révélé un grand intérêt de la part des femmes pour leprojet de banque: jusqu’en février 1989, les femmes représentaient untiers des futur(e)s actionnaires. Elles étaient représentées à la tête del’Association, mais manquaient au comité de direction (CD), d’uneimportance capitale. Quelques protestations s’élevaient déjà à l’interne:«Mme A. R. se sent mal intégrée en tant que dactylo et manque d’unecertaine reconnaissance dans le projet. En outre, elle critique la ‹struc-ture machiste› du CD et du comité.»23 L’ambiance était souvent élec-trique au sein de l’instance dirigeante. Dieter Spies s’exclama lors de cettemême réunion qu’il ne pourrait pas continuellement travailler sous unetelle pression. «Le style et la manière de se comporter les uns avec lesautres sont souvent marqués par les jeux de rôle masculins», relève leprocès-verbal de la séance du 5 septembre 1989.

La recherche d’un nom convenant à la banque a été effectuée demanière pragmatique. Le terme d’«Ökobank» n’était pas disponible,puisqu’on avait abandonné l’utilisation de ce nom dans un arrangementavec Walter Krummenacher et son projet concurrent, fin 1987. «Noussommes déjà connus sous le nom ‹une banque alternative en Suisse›»,plaidait Andreas P. Ragaz en février 1988. «Il est vrai que nous sommesaussi partiellement estampillés ‹alternatifs›: nous donnons au publicl’impression d’être concentrés sur ce que l’on appelle la scène alternativeet limités à cette dernière.»24 En Suisse romande, ce ne fut pas vraimentl’enthousiasme. «‹Alternative› et ‹suisse› sont contradictoires! Ce n’estpas un atout d’être suisse dans ce domaine, surtout au vu de notre désirde ne pas limiter nos idées à nos frontières», écrit Mercedes Andany deGenève.25 Sa proposition était simplement «La Banque», avec un logo quirestait à créer et une signature caractéristique. La mention de la Suisse

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20 CHAPITRE 01 LA LONGUE «PRÉHISTOIRE»

disparut en mai 1990: «Après que la demande de nom auprès du registresuisse du commerce eut révélé qu’il n’existait pratiquement aucunechance que soit autorisé l’ajout de ‹Suisse›, le nom définitif ‹Banque al-ternative BAS› a été retenu.»26 On prit la décision d’installer la banquedans le triangle urbain que forment Zurich, Bâle et Berne, avec la collabo-ration du Tessin et de la Suisse romande. L’analyse qui avait été faite nelaissait planer aucun doute sur le fait que Zurich était le lieu approprié. Laplupart des membres de l’Association de soutien venaient de ce canton,ainsi que près de la moitié des membres individuels, de même que 52pour cent des organisations et entreprises participantes. «Nous aspironsà nous intégrer dans un environnement proche», précisa Dieter Spies.27

Bienne et Berne étaient néanmoins également au centre du débat. Unencouragement pour Zurich est venu du Tessin. Françoise Leu arguaitcontre cette décision que «L’impact psychologique du choix du premieremplacement et l’image que l’on cherche à créer dans le public ne sontpas suffisamment examinés à mon avis.» Thomas Heilmann, en revan-che, plaidait précisément contre Berne ou Bienne à cause de la proximité:«De manière réaliste, on ne peut pas partir du principe qu’outre un siègeà Bienne ou à Berne, une première succursale soit ouverte en Suisseromande. Le poids donné à chaque région ne refléterait en rien la locali-sation de la majorité des membres.» Mieux valait, comme le défendaitaussi Hans Peter Vieli, fonder la banque dans le «cerveau du monstre»:«Le dynamisme et la vivacité de l’environnement zurichois sont l’aiguil-lon nécessaire au développement actif de la Banque alternative suisse.»

Quand le choix se porta finalement sur Olten, ce fut pour desraisons plus symboliques que pratiques: la ville se trouve exactemententre les trois villes concurrentes et, en fin de compte, des locaux à prixraisonnable étaient disponibles. En raison de la situation d’Olten, le co-mité s’y était déjà souvent réuni (dans l’«Isebähnli» autogéré). A celas’ajoute le fait qu’une grande partie des membres zurichois émettaitdes réserves quant à leur propre ville. Après de longues discussions ausein du comité directeur, à qui l’assemblée des membres avait déléguéla décision, Olten l’emporta en janvier 1990: «La BAS loue ses bureauxdans l’immeuble de la CNA.»28

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 21

26 Réunion du CD,15. 5. 1990, p. 2.

27 Etude d’implantationde Dieter Spies,8. 2. 1989, p. 2; citésplus loin: F. Leu,28. 3. 1989; Th. Heil-mann, 30. 3. 1989; H. P. Vieli, mars 1989.

28 Comité de l’associa-tion de soutien,16. 1. 1990, p. 7.

29 Cf. Maissen, p. 121.30 Rapport succinct sur la

procédure d’autori-sation, 11. 2. 1990, p. 1.

31 Procédures de fonda-tion prévues, 3. 2. 1990,p. 3.

32 Procès-verbal dugroupe d’autorisation,3. 4. 1990, p. 2.

Les derniers obstacles Active depuis 1935, la Commission fédérale des banques est une insti-tution puissante. C’est elle qui délivre à chaque banque l’autorisationd’exercer ses activités et les sociétés de révision lui communiquent lesirrégularités constatées. Dans certains cas, elle peut retirer son autorisa-tion et imposer la liquidation de la banque, ce qui est arrivé à peu prèsune fois par année dans le dernier quart du 20e siècle.29

La résistance au projet d’une banque alternative était-elle àcraindre de ce côté? Les connaisseurs interrogés ont qualifié la CFB parces mots: ‹correcte, mais pointilleuse›. L’accueil s’est en fin de compteavéré assez cordial. Hans Ulrich Schudel s’en souvient: «Ils ont appréciéqu’une banque décide de ne travailler qu’avec de l’argent propre et at-tache de l’importance à la transparence. C’est forcément de bon augure,pour une autorité de surveillance.» Ainsi que le précise le rapport de la troisième et dernière réunion, en février 1990, «comme les dernièresfois, la discussion qui a duré deux bonnes heures a été ouverte, construc-tive et non dépourvue d’humour. Toutefois, les représentants de la CFBsont restés inflexibles dans leur domaine.»30 La critique a été précise,sans contrecarrer pour autant l’objectif essentiel du projet de quelquemanière que ce soit. On s’est alors dirigé vers ce que l’on appelle une fon-dation technique ‹en petit comité›. La CFB ayant de toute façon le der-nier mot, une grande assemblée de fondation à laquelle on aurait de-mandé de voter telle ou telle modification aurait été «une farce d’unpoint de vue démocratique».31

En mai 1990, la requête définitive a pu être déposée sous formed’un volumineux dossier, et la bonne nouvelle de l’autorisation estarrivée en août. La planification a ainsi pu être respectée: ouverture dela banque le 29 octobre à Olten. Tous les organes dirigeants étaientpourvus en personnel. L’avocat Hans Ulrich Schudel s’était déclaré prêtà assumer la présidence du premier conseil d’administration. Deux femmes avaient postulé pour la vice-présidence: Anita Conrad et Marie-Therese Fasser, toutes deux au bénéfice des mêmes qualifications pour cette fonction. «Le tirage au sort par pile ou face a désigné MmeFasser.»32

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22

«Bien plus de turbulences

que prévu dans le scénario»:

Les premières

années d’activité.

02

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 23

CITATION EN TITRE

H. P. Vieli, Pour laretraite de H. U. Schudel, moneta,2/1995, p. 12.

33 Cette citation et lessuivantes sont extraites de: Börsen-Zeitung, 8. 1. 1991; Test (Fondation pourla protection desconsommateurs), décembre 1990;L’Hebdo, 1. 11. 1990;WoZ, 26. 10. 1990;Thurgauer Zeitung,9. 11. 1990; Oltner Tagblatt,2. 11. 1990.

34 Citation et suivanteextraites de moneta,4/1990, p. 8.

La presse a suivi l’événement avec attention et a trouvé des mots ami-caux, quand la Banque alternative BAS a ouvert ses guichets le 26 octobre1990. Même le Frankfurter Börsenzeitung (Journal de la Bourse de Franc-fort) a parlé «des gnomes verts d’Olten».33 «La banque éthique» était unpeu à part, expression d’un mouvement plus étendu, ainsi que l’a définiL’Hebdo: «Un peu partout, investisseurs et actionnaires redécouvrent lelangage de la morale.» L’hebdomadaire de gauche WoZ a examiné le su-jet de manière satirique: «Braquage alternatif de banque». L’exceptionest venue d’un conservateur sceptique, qui considérait dans le ThurgauerZeitung la fondation de la banque comme un «effet de mode» et ajoutait:«Le marché doit décider si un établissement financier peut s’imposer ententant de s’opposer à son évolution.» On allait probablement y trouvertrop peu de possibilités de placement. Les informations négatives quantau développement de l’«Ökobank» de Francfort, qui avait du mal à lancerses activités de crédit, pouvaient nourrir de tels doutes.

«Le client suivra-t-il?» Telle était aussi la grande question auxyeux bienveillants de l’Oltner Tagblatt.

Un départ couronné de succès L’équipe était impatiente de démarrer les activités. Il y avait quelquesraisons d’être optimiste. Avec un investissement en capital-actions de3400 francs en moyenne, pas moins de 2700 personnes avaient expriméleur volonté de contribuer au succès du projet. Les fondateurs avaientmême craint d’être débordés avant que l’organisation du travail ne soitrôdée; ils ont donc mis un frein à la campagne publicitaire projetée,laquelle avait déjà trouvé un fil rouge dans les annonces amusantes et provocatrices d’Aldo Clerici. L’afflux fut considérable. «Au début, près de 80 appels téléphoniques par jour, puis ‹plus que› 50.»34 La poste et le téléphone étaient les principaux moyens de communication d’unebanque qui ne prospectait sur place qu’une toute petite partie de saclientèle. La plupart du temps, les gens souhaitaient des informations,mais beaucoup voulaient déjà ouvrir un compte. Les demandes pour deshypothèques étaient également nombreuses – souvent pour des mai-sons individuelles, ce qui donna lieu à des refus, comme le constatait

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24 CHAPITRE 02 LES PREMIÈRES ANNÉES D’ACTIVITÉ

moneta: «Nos épargnantes et épargnants acceptent de renoncer à toutou partie du versement d’intérêts et encouragent ainsi volontairementdes formes collectives de logement, entre autres. Pour nous, la construc-tion alternative ne consiste pas seulement à s’équiper d’un système dechauffage écologique.»

Au printemps 1991, 2300 comptes avaient été ouverts, malgrédes taux d’intérêt inférieurs au marché. «Une plus grande marge estnécessaire au cours des premières années, afin de financer les frais defondation de la banque et afin de constituer suffisamment de réservespour prévenir les risques.»35 On avait quelque peu revu à la baisse lespremiers pronostics de croissance: la guerre d’Iraq de 1991 provoquaitalors beaucoup d’incertitudes. Puis l’activité redémarra et dépassa lesattentes. Il était important que l’on parvienne dès le début à dépasserle poids représenté par Zurich, qui avait été majoritaire lors de la for-mation du capital-actions et au sein de l’Association de soutien; à cetteépoque, 64 pour cent provenait déjà du reste de la Suisse. La BAS sem-blait être un avorton sur la scène financière suisse, mais elle a tout demême été attentivement observée par les autres banques, qui se sont,elles aussi, ponctuellement mis à proposer des produits ‹verts›. Evi-demment, elles prenaient officiellement leurs distances. Ainsi que leconstatait Hans Peter Vieli début 1992 au sujet de l’organisation deforums publics de discussion: «Nos organisateurs ne parviennent tou-jours pas à inviter des banquières et banquiers conventionnels à dé-battre.»36 Financièrement, la BAS passa rapidement le cap le plus diffi-cile. «Le déficit a pu être amorti en deux ans», se souvient Hans UlrichSchudel, premier président du conseil d’administration. «C’est pourmoi un très bon souvenir. Contrairement aux conflits entre personnesau sein de ce groupe.»

Le travail n’avait déjà pas été facile dans l’Association de soutien.Dans la banque, les conflits prirent une nouvelle dimension. Si les diffé-rends avaient jusqu’alors tenu généralement à des divergences d’opi-nions personnelles, des facteurs structurels – la réalité organisation-nelle de l’entreprise – s’y ajoutaient désormais. Outre l’équipe des huitemployé(e)s des premiers temps, y compris le triumvirat de la direction,

«Davantage de chefs de tribu que d’Indiens …»Hans Ulrich Schudel, 2006

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35 Rapport d’activité BAS1993, p. 22; donnéescitées selon moneta,2/1991, p. 6.

36 Rapport H. P. Vieli,28. 1. 1992.

37 moneta, 2/1992, p. 5.38 Ibid.

il y avait le comité du conseil d’administration composé de cinq per-sonnes, le conseil éthique avec sept membres et le comité de crédit éthi-que. Comme le dit Hans Ulrich Schudel: «Davantage de chefs de tribuque d’Indiens.» Toutes ces instances devaient encore trouver leur rôleprécis et leur interaction.

Une période troublée Avec la grève des femmes du 14 juin 1991, les contrariétés longtemps ac-cumulées par les femmes de la BAS ont émergé. «Assiste-t-on à un com-bat de coqs?», demandait une lettre ouverte à la direction et aux col-lègues masculins – lettre ultérieurement parue dans moneta. Il manquaitcruellement une femme au sein de la direction, mais les recherches res-taient infructueuses. A vrai dire, il était déjà difficile de trouver des spé-cialistes bancaires suffisamment formés, et les femmes étaient alorssous-représentées dans ce métier. Voilà pourquoi les tâches subalternesétaient généralement accomplies par des femmes, dont certaines dispo-saient de compétences avérées mais étrangères à la branche. En outre,beaucoup de non-banquiers, quel que fut leur sexe, espéraient une en-treprise autogérée. moneta l’a évoqué avec franchise: «Elles et ils veu-lent aussi des formes alternatives de travail et de fonctionnement. D’au-tres, en revanche, souhaitent une hiérarchie claire dans l’entreprise etne veulent rien ou presque rien savoir de la collectivité des prises de dé-cision. Parce que l’activité bancaire est très complexe.»37 Cela valaitavant tout pour les spécialistes bancaires, qui venaient généralementen tant que pendulaires à Olten et se déplaçaient parfois deux à troisheures par jour. En décidant de travailler pour une banque alternative,ils avaient pris un engagement personnel considérable; presque un«commando suicide» comparé à une carrière bancaire conventionnelle,ainsi que le souligne Hans Ulrich Schudel.

La charge de travail des premiers mois prit une telle ampleur que«la semaine de 36 heures qui avait été envisagée fut rapidement ren-voyée aux calendes grecques».38 Après la fermeture des bureaux, tout le monde se dispersait, ce qui suscita des plaintes quant au peu decontacts personnels. Vu la situation, il n’est pas étonnant que les diffé-

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39 moneta, 1/2001, p. 21.

rents caractères se soient entrechoqués, que les multiples instances etrevendications aient fini par se télescoper durement.

«Nous n’avions pas une association de joyeux lurons, nousavions une entreprise», constate aujourd’hui Hans Ulrich Schudel, en seremémorant cette période. Hans Peter Vieli parle également de la diffi-culté de ces débuts. «L’intensité du conflit – pas spécialement en ce quiconcerne le féminisme, mais de manière tout à fait générale – est tou-jours plus grande dans ce genre de projets et c’est assez logique. Pour-tant, les gens ne s’y attendent pas: ils espèrent qu’il y aura moins deconflits, et non davantage. Pour beaucoup, le fait qu’il existe véritable-ment des hiérarchies n’était même pas clair.» La rotation importante dupersonnel – de nombreuses personnes sont rapidement parties, cer-taines dans des entreprises autogérées – était exténuante et à l’originede charges supplémentaires. Les femmes surtout ont démissionné à lachaîne. Thomas Bieri, le seul à être resté longtemps, ne fait pas mystèredes raisons de sa motivation: «Pour les contacts avec l’extérieur. Je tra-vaillais dans le domaine des crédits, donc j’étais très souvent en route,pouvais développer de nombreux contacts avec des clients dans toute laSuisse. Si je n’avais travaillé qu’à l’interne, je serais sûrement parti aussi,car c’était une situation très pesante.»

Pour ce qui est du mécontentement spécifique des femmes, leshommes avaient du mal à percevoir le problème. Sur le papier, la Banquealternative BAS était très favorable aux femmes. Dans les organes di-rigeants, elles étaient toujours bien représentées en raison de la bonneobservation du règlement des quotas (aucun sexe au-dessous de 40 pourcent). Seule la direction faisait désagréablement exception au début. Lesexigences des femmes ont été prises en compte dans la structure sala-riale, mais les vœux sont restés lettre morte en matière d’encourage-ment par la formation et la formation continue. Les attentes étaientélevées, alors que la phase de démarrage concentrait toutes les éner-gies. Dix ans après, Andreas P. Ragaz ne comprend pas pourquoi il y alongtemps eu aussi peu de femmes dans le projet: «Je ne peux pasl’expliquer; c’était ainsi, tout simplement.»39 D’autres parlent d’un pro-jet d’«animaux alpha» masculins (Felix Bührer), dans lequel les femmes

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28 CHAPITRE 02 LES PREMIÈRES ANNÉES D’ACTIVITÉ

ne pouvaient que difficilement gagner une place. Christina von Passa-vant (conseillère d’administration depuis 1999), qui œuvra avant etaprès la fondation de la banque en qualité de superviseuse, a perçu de lapart des hommes concernés «une très grande volonté déclarée» pourl’égalité des droits, «mais ils ne pouvaient pas se comporter autrementqu’en hommes. Il s’agissait de dynamiques masculines archétypiques.Ils voulaient que les femmes obéissent à des règles masculines. Il y atoujours eu des femmes intéressantes, mais elles tirèrent leur révérencetrès rapidement.»

L’âpreté des conflits entre sexes s’est apaisée en août 1992,quand Ulrike Mix est arrivée en tant que première femme au sein de ladirection. «La promotion de la femme ne représente pas un problèmeurgent dans l’entreprise», constata-elle en mars 1994.40 D’autres ques-tions avaient la priorité.

Pas de régionalisation. Mais une base en Suisse romande Malgré tous les conflits, l’assemblée générale du printemps 1992 put se fé-liciter d’un départ réussi. Sur un point toutefois, les espoirs étaient déçus.«95 pour cent des clientes et des clients sont germanophones. Il est clairque les objectifs en Suisse romande n’ont pas été atteints à ce jour.»41

Pourtant, une prise de contact en terres romandes avait eu lieudès la fondation de l’Association de soutien, en novembre 1987. De 1988à 1990, Françoise Leu s’occupait du Comité de soutien de Genève, avecun poste à temps très partiel. Les difficultés étaient les mêmes que d’ha-bitude: problèmes de communication et de traduction entre les régionslinguistiques, qui font qu’en Suisse romande, on se sent rapidement ex-clu(e) et dépassé(e). On ne savait pas encore si et comment une régio-nalisation pouvait être réalisée au sein de la BAS. La version radicale etutopique voulait «que les gens prennent eux-mêmes en main ce quiconcerne leur argent, autant que possible et que souhaité. (. . .) Dans cebut, ils pourraient se regrouper en succursales de la BAS dans les ré-gions.»42 Plus le moment de la fondation de la banque s’approchait,moins on était prêt à tenter de telles expériences, qui auraient difficile-

«Faire comprendre que la Banque alternative BAS

était plus sûre que les autres était difficile.»Sophie de Rivaz, 1998

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40 CA, 14. 3. 1994, p. 6.41 Première AG BAS,

moneta, 2/1992, p. 8.42 Heini Conrad adressa

cette proposition depuis Maloja (GR) à l’Association de soutien, 8. 6. 1990.

43 CD, 13. 3. 1990, p. 6.44 Line Boser, La struc-

ture régionale de laBAS, 17. 3. 1990, p. 3 (archives Lausanne).

45 CA, 27. 1. 1992, p. 8.46 Rapport Bruno Rütsch,

31. 3. 1992, p. 1.47 Association pour la

promotion de laBanque alternativeBAS en Suisseromande, 10. 9. 1992.

48 moneta, 98/1, p. II.

ment répondu aux exigences de contrôle auxquelles sont soumises lesbanques. La «création de groupes de base généralisés» était tout sim-plement irréaliste.43 Comme l’affirme Line Boser dans un rapport, «l’ex-périence montre qu’aucun groupe régional ne s’est formé spontané-ment. Ils auraient dû être développés à grands frais et pris en charge demanière centralisée; personne n’en a ni le temps ni l’envie.»44

Ce qui restait était le petit noyau des activistes en Suisse ro-mande. Après l’ouverture de la banque, un petit bureau a temporaire-ment ouvert à Neuchâtel. Il fonctionnait mal et a été fermé en 1992. Lasituation était décourageante et le conseil d’administration se deman-dait s’il n’était pas temps d’enterrer «‹l’illusion romande›».45 Conclu-sions par trop hâtives, car au printemps 1992, des activistes de longuedate se sont remis à l’œuvre, renforcés par de nouvelles personnes, et sesont organisés en Association pour la promotion de la Banque alterna-tive BAS en Suisse romande. «Nous pouvons considérer ces gens commedes actionnaires actifs/ves», déclarait Bruno Rütsch à l’issue d’une réu-nion.46 Marianne Tellenbach, représentante de la Suisse romande ausein du conseil d’administration depuis 1992, relevait l’objectif ambi-tieux de l’Association: «Augmenter rapidement la notoriété en Suisseromande. Augmenter le nombre de comptes en Suisse romande (dou-bler le nombre actuel en 3 ans). Préparer l’ouverture d’une filiale enSuisse romande (délai 3–5 ans).»47 Un secrétariat pris en charge par So-phie de Rivaz fit avancer le travail dès le printemps 1993. Premier em-ployé romand de la banque, Dominique Roten fit en sorte que le lienavec Olten s’améliore. Un nombre incalculable de lettres, de contactspersonnels et de forums de discussion publics ont contribué à augmen-ter progressivement la notoriété de la banque dans les milieux progres-sifs restreints et diversement fragmentés de Suisse romande. Sophie deRivaz se souvient: «Certes, beaucoup trouvaient l’idée intéressante,mais de là à y déposer leur argent... Faire comprendre que la Banque al-ternative BAS était plus sûre que les autres était difficile.»48

Parfois, l’Association romande dut se battre pour se faire en-tendre du conseil d’administration. «Ils pensaient que nous étions unebande de joyeux gauchistes qui nous épuisions beaucoup, mais sans au-

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30 CHAPITRE 02 LES PREMIÈRES ANNÉES D’ACTIVITÉ

cun résultat», se souvient Marianne Tellenbach. «Le résultat n’a pas étévu pendant longtemps; c’est seulement avec la discussion de la créationd’une véritable filiale et de l’expansion nationale de la banque que lesrésultats sont apparus.» Un nouveau chapitre s’est ouvert avec l’ouver-ture de la représentation à Lausanne, en automne 1997, sous la directionde Dominique Roten.

Conclusion mouvementée de la phase de fondation En janvier 1992, le premier rapport de révision exigé par la loi pour lesbanques en activité constatait le succès du démarrage, mais n’était paspour autant dépourvu de reproches. La «plus haute attention» devaitêtre accordée au niveau de la rentabilité; il s’agissait d’un point essentielpour l’avenir de la banque. En comparaison avec d’autres banques régio-nales, les coûts étaient très élevés. «Nous pensons surtout aux chargespour les organes et les relations publiques.» Et en guise de conclusionmémorable: «Pour que la BAS reste viable, les frais doivent être réduitsdans tous les secteurs.»49

Le fait que la commission des banques ait insisté sur ce point asuscité une grande nervosité au sein de la direction. «Aujourd’hui, la BASest financièrement faible», avertissait Andreas P. Ragaz en mai. «Avec lasituation d’aujourd’hui, la banque doit se consacrer en priorité à sa pro-pre survie et ne peut donc utiliser qu’une faible part de ses capacités àd’autres fins.»50 Des propositions concrètes ont été faites, visant à dimi-nuer fortement les «charges spéciales» – c’est-à-dire moneta – et à ré-duire à trois sièges le comité du conseil d’administration. Ces attaquesont causé de violentes querelles. Non seulement la rédaction du journala protesté, mais le comité a aussi âprement critiqué la direction. La seulesurvie de la banque, sans considération de ses objectifs sociopolitiques,lui paraissait insensée. Les questions ont été traitées en juin 1992, à l’oc-casion d’un séminaire de deux jours à Boldern. «C’est une question depouvoir, débattue à travers les finances», affirmait l’une des thèses. Lescoupes massives dans les coûts n’ont pas eu lieu.

Ce n’est là qu’un des nombreux conflits qui ont opposé la pre-mière direction au comité du conseil d’administration. «Je ne crois pas

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 31

49 Bankrevisions- undTreuhand AG. Rapportde révision, 21. 1. 1992, p. 4 et 6.

50 Les charges spécialesde la BAS, rapportDir/AR, 13. 5. 1992.

51 Assemblée extraordi-naire CA, 3. 5. 1993, p. 4.

52 Citations extraites de:Christina von Passa-vant, Ruedi Karlen,Recommandations àl’attention du Comité du CA et de la DG, 25. 1. 1993, p. 1.

que quelqu’un aurait pu diriger seul la banque», estime aujourd’huiHans Ulrich Schudel. «Mon sentiment est clair: cela ne pouvait être faitqu’en équipe et à différents niveaux. Non seulement pour la directionde la banque, mais aussi pour toute la banque.» En tant que spécialistebancaire, Andreas P. Ragaz était la tête pensante de la BAS, mais il avaitégalement besoin de la personnalité plutôt paternaliste de Dieter Spiespour les relations avec le personnel. Hans Humbel assurait les servicesadministratifs, ce que n’auraient pu faire les deux autres. Humbel fut le premier à partir: Ulrike Mix le remplaça à la direction. Début 1993,Dieter Spies déplaça son lieu de travail à Zurich, où il reprit la directiond’un bureau temporaire, lequel devint un simple bureau de contactsaprès son décès accidentel et tragique lors de la catastrophe des CFFprès d’Olten en 1994.

«Direction de la BAS – personnelle et structurelle» fut un thèmerécurrent.51 Alors que le niveau de rendement redevenait largement po-sitif, une cassure nette s’est produite au sein de la direction. Les diffé-rends entre la direction et le comité du conseil d’administration n’ontpas pu être résolus. En novembre 1993, il fut convenu avec Andreas P. Ra-gaz qu’il quitterait ses fonctions au printemps suivant. Mais il ne fut pasfacile de lui trouver un successeur. Comme aucun remplaçant n’avaitencore été trouvé pour Dieter Spies, la direction reposait provisoirementsur les épaules d’Ulrike Mix. En automne 1995, Felix Bührer, l’un des ini-tiants de la Banque alternative BAS, quitta la Banque communautaire li-bre pour rejoindre la direction de la BAS.

La BAS a avancé en traversant les crises. «Des procédures et desoutils (. . .) pour assurer un développement continu» n’ont pas encore étéinventés, comme l’affirmait Christina von Passavant début 1993. Com-ment la BAS pouvait-elle devenir «une organisation autodidacte»?52 Laquestion demeurait en suspens lorsque la banque mit le cap sur unephase dynamique de croissance dès 1994.

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«Nous voulons

et nous devons croître»:

La BAS en chiffres.

03

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 33

CITATION EN TITRE

Extraite d’un exposéde Thomas Heilmann à l’AG 1996, moneta,2/1996, p. 11.

53 CCA, juin 1995.54 Document prépara-

toire pour la discus-sion sur le thème de la croissance au CA,8. 5. 1997, p. 1.

55 Thèses CCA, 2. 6. 1995.

Il ne faisait aucun doute «que la banque alternative devait croître sur ledos des banques conventionnelles et non pas sur celui de l’environne-ment».53 Parfois, le développement a même dépassé toutes les attentes.«La BAS est actuellement confrontée à une croissance spontanée, c’est-à-dire une croissance que nous ne contrôlons pas (par exemple aumoyen de la publicité ou de nouveaux produits). Tout le monde sembled’accord sur le fait que cette croissance est aussi légitime que réjouis-sante.»54 Ainsi s’exprime le président Thomas Heilmann dans un rapportau conseil d’administration, en mai 1997.

Dans ce chapitre, il sera question du développement de la BAS enchiffres, du total du bilan jusqu’au nombre d’employé(e)s. Quelle poli-tique de crédit la banque a-t-elle développée? Que savons-nous desclientes et des clients qui ont confié leur argent à la BAS?

Total du bilan, capital-actions, employé(e)s «Lors de la fondation de la BAS, l’objectif principal était essentiellementde rendre la banque ‹viable›. Cela a été considéré comme réalisable àpartir d’un total du bilan d’environ 100 à 120 millions.» C’est ce que pré-cise une rétrospective interne de 1995.55 L’objectif a été atteint plus rapi-dement que prévu, après trois ans déjà, ce qui a permis d’amortir laperte occasionnée par la fondation. La chance, qui a continué à sourireen matière de taux d’intérêt, y a fortement contribué: avant d’être re-distribués sous forme de crédits, les premiers fonds d’épargne ont puêtre placés favorablement sur des comptes à terme dans des banquesproches (Raiffeisen, certaines banques cantonales).

Le principal indicateur de la banque – l’évolution de la sommedu bilan – a accusé un ralentissement après le premier élan insufflé parla fondation. Puis ont suivi, de 1995 à 1998, des années d’expansionrapide. Les débats houleux autour des avoirs en déshérence dans lesgrandes banques et des transactions de ces dernières avec les nazis ontjoué un rôle de levier. En automne 1997, le public apprenait la fusion en-tre la Société de Banque Suisse et l’Union de Banques Suisses, ayantdonné naissance au nouveau géant bancaire UBS. La BAS venait juste-ment d’ouvrir sa représentation à Lausanne; elle a été littéralement as-

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34 CHAPITRE 03 LA BAS EN CHIFFRES

saillie de nouveaux clients. Une année plus tard, une certaine inquié-tude s’est fait jour. «Quelle croissance pouvons-nous supporter et à quelprix?»56 questionnait en septembre 1998 Susanne Aebi, responsable dubureau d’information à Zurich et membre du conseil d’administration.

Pour les années 1999 et 2000, la direction de la banque a dû frei-ner la croissance, tant il importait d’en assumer correctement les consé-quences. Bruno Bisang résume ainsi cette époque, où le nombre d’em-ployé(e)s a doublé en peu de temps: «Nous n’avons fait que sélection-ner, engager et former.» Au même moment, il a fallu renouveler l’infor-matique. Ce fut un moment critique, qui préoccupa les responsables.«Un total du bilan de 400 millions constitue un obstacle pour la BAS»,avertissait Thomas Heilmann en 1997. «A partir d’un certain montant,les charges du personnel augmentent de manière exponentielle, pourn’être compensées que beaucoup plus tard par des gains de producti-vité correspondants. (. . .) Parallèlement, un autre problème apparaissait,ainsi que l’exprimaient souvent les banquiers expérimentés: les créditssont ‹toujours bons› au cours des cinq premières années; la plupart du

Chiffres de la BAS 1991–2005Année Nombre Capital- Somme Croissance Somme du Marge sur Cash-flow

d’actionnaires actions du bilan bilan par intérêtsposte à 100%

(en mio de fr.) (en mio de fr.) (en %) (en mio de fr.) (en %) (en francs)

1991 2 700 9 539 57 066 5,54 -1 200

1992 9 539 91 940 61,1 8,07 2,85 798 400

1993 9 539 122 798 33,6 10,40 2,18 1 107 500

1994 11 420 147 878 20,4 12,82 2,39 1 223 707

1995 13 050 184 513 24,8 15,82 2,06 1 512 174

1996 14 628 234 294 27,0 16,16 1,79 1 342 347

1997 3 340 16 120 295 938 26,3 18,44 2,31 2 206 188

1998 3 853 23 203 370 537 25,2 14,73 2,22 4 082 132

1999 25 768 414 465 11,9 12,15 2,42 4 060 031

2000 4 223 27 416 442 900 6,9 10,60 2,50 4 335 901

2001 4 301 29 274 500 587 13,0 11,92 2,40 4 802 201

2002 4 217 30 672 548 538 9,6 13,06 2,42 5 843 716

2003 4 244 32 328 606 282 10,5 14,10 2,45 5 956 981

2004 4 278 34 387 648 961 7,0 15,83 2,32 5 819 103

2005 4 335 38 016 691 319 6,5 16,37 1,93 5 133 881

Explication terminologique: le cash-flow désigne l’addition du résultat, des provisions et des amortissements.

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 35

56 Susanne Aebi, Surl’état de la discussionau sujet du bureau de Zurich (Zum Standder Diskussion überdie Vertretung Zürich),16. 9. 1998, p. 4.

57 Rapport Th. Heilmann,8. 5. 1997, p. 1 et 2.

temps, c’est ensuite que surviennent les problèmes.»57 En cette période,en effet, la productivité de la BAS s’est effondrée, ce que l’on peutconstater en examinant la somme du bilan par employé(e), exprimée enéquivalents-postes à 100 pour cent. Le cash-flow continuait toutefois dese développer positivement, grâce à une marge favorable sur intérêts etil n’accusa un léger fléchissement qu’entre 1998 et 1999.

Après cette étonnante période d’augmentation de personnel ac-compagnée d’un ralentissement de croissance, l’évolution fut plus régu-lière: de 2000 à 2005, le total du bilan a augmenté de quelque 8,9 pourcent en moyenne. La productivité s’est améliorée quand le nouveau sys-tème de travail a été mis en œuvre. La directrice Christa Joss le soulignaitdébut 2006: «Actuellement, il ne serait pas raisonnable de croître en-core plus vite.»

Le nombre des actionnaires s’est consolidé depuis l’année 2000,puisqu’il n’a presque plus augmenté. Souhaitée en parallèle à la crois-sance, l’augmentation du capital-actions a eu lieu, certes, mais davan-tage en raison de la hausse des engagements individuels que d’un élar-

Année Nombre de Nombre de Nombre de Croissance Avoir Nombre Moyennecollabora- collaborateurs client(e)s par rapport moyen de pren- des crédits

teurs(trices) (trices) exprimé à l’année (en francs) eurs(euses) octroyésen postes à 100% précédente de crédit (en francs)

1991 12 9,7 3 750 3 050 12 500 103 377 000

1992 14 11,4 5 750 2 000 14 000 167 393 000

1993 14 11,3 6 800 1 050 16 100 240 445 000

1994 16 10,9 8 100 1 300 16 500 297 490 000

1995 15 11,7 9 365 1 265 17 841 352 517 000

1996 19 14,5 10 836 1 471 19 712 413 581 000

1997 22 16,1 12 717 1 881 21 157 519 676 300

1998 35 23,9 14 882 2 165 22 614 553 664 692

1999 46 35,0 15 408 526 24 194 562 717 805

2000 55 39,3 16 432 1 024 24 065 609 716 705

2001 54 40,1 17 613 1 181 25 399 638 802 953

2002 55 43,8 18 622 1 009 26 523 660 785 311

2003 55 41,2 19 444 822 28 051 680 827 389

2004 51 41,2 19 947 503 29 043 691 832 491

2005 56 43,6 20 358 411 30 752 693 814 586

Source: rapports d’activité de la BAS (chiffres à la fin de chaque exercice)

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36 CHAPITRE 03 LA BAS EN CHIFFRES

gissement de l’actionnariat. Il en va de même pour la clientèle: dans cedomaine aussi, le ralentissement a succédé à la croissance frénétique du milieu des années 1990. Aucune stagnation n’a cependant été à dé-plorer, puisque le montant moyen des avoirs n’a cessé d’augmenter. Les preneuses et preneurs de crédit sont restés bien inférieur(e)s ennombre, car le montant d’un crédit est en moyenne 30 fois plus élevéque celui de l’épargne individuelle. La nette augmentation du créditmoyen a été voulue, puisque la banque pouvait désormais se le per-mettre. «Les plus grands crédits doivent toujours demeurer dans un rap-port raisonnable vis-à-vis de l’ensemble des volumes, mais ils peuventaugmenter proportionnellement aux volumes de la BAS.»58

Encouragement versus sécurité: la politique de crédit de la BAS La BAS a été fondée en tant que banque d’épargne et de crédit; elle adonc renoncé aux opérations spéculatives sur les marchés financiers et boursiers. Elle s’est restreinte aux activités bancaires classiques quesont la gestion de fonds d’épargne et leur octroi sous forme de crédits.La capacité de gain de la banque réside dans la différence entre les taux d’intérêt de l’argent déposé et prêté. «La compensation des dif-férents taux d’intérêt est la contribution productive du secteur bancaire à une économie populaire», expliqua Hans Neuhaus aux fondateurs de la banque en novembre 1989, lors d’un séminaire sur les écobanques à Saint-Gall.59 Cela signifie que la répartition des risques permet à la banque d’offrir aux investisseuses et aux investisseurs davantage de sécurité que si elles ou ils traitaient directement avec les preneuses etpreneurs de crédit. «Le débiteur obtient des conditions de crédit plus favorables que s’il devait s’adresser directement au créancier.» A plusforte raison lorsque le public renonce à une partie de ses intérêts, afind’encourager la banque à ne placer des fonds que dans un cadre éthiqueet sociopolitique bien déterminé. La publication des crédits octroyés –idée que la BAS a empruntée à la Banque communautaire libre BCL etqu’elle a développée – va à l’encontre des usages helvétiques et contri-bue au renforcement de la confiance.

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58 H. P. Vieli, Perspectivespour les années àvenir, juin 1995, p. 1(document CCA 95.70).

59 Contribution à ladiscussion pour leséminaire du8. 12. 1989, p. 2.

60 H. P. Vieli, Label dedurabilité pour lesbanques (alternatives),30. 6. 1999, p. 4.

La BAS concentre toute son attention sur son activité principaled’épargne et de prêt. Elle se souvient entre autres des mauvaises expé-riences faites par l’«Ökobank» de Francfort, qui s’était dispersée dansune multitude d’activités, avec une structure administrative trop lourde,et qui n’octroyait des crédits qu’avec une part trop petite des fondsd’épargne. Elle connut des difficultés fatales en 1999 et perdit son indé-pendance en 2001.

L’activité d’épargne et de crédit de la BAS mise sur la transpa-rence ainsi que sur une réduction de l’anonymat existant entre les per-sonnes qui confient de l’argent et celles qui l’empruntent. Le secteur del’encouragement illustre au mieux cette philosophie: outil caractéristi-que de la BAS, celui-ci permet aux clientes et clients de décider de la des-tination de leur argent, en acquérant des obligations de caisse corres-pondantes. En comparaison avec le placement dans des obligations tra-ditionnelles, elles et ils renoncent à une partie des intérêts en faveur desprojets d’encouragement choisis. «Ils définissent également le marchédans lequel la BAS est réellement active. La BAS n’entretient pas de rela-tion commerciale avec les branches et les segments qui, par principe,n’entrent pas en ligne de compte pour un crédit d’encouragement.»60

Parmi les domaines encouragés, l’agriculture biologique est en tête:plus d’un quart des fonds placés par la clientèle dans les obligationsd’encouragement lui est consacrée. La deuxième place revient aux éner-gies alternatives, alors que la troisième et la quatrième place sont occu-pées tantôt par les entreprises écologiques et sociales, tantôt par lesprojets de femmes. S’y s’ajoutent la formation et la culture, les projetssociaux, l’habitat alternatif et social, ainsi que la coopération au déve-loppement. Cette dernière utilise peu de moyens, car la BAS n’a pas l’auto-risation d’exercer une activité à l’étranger. Avec les projets de femmes, ils’avère de plus en plus difficile d’octroyer tous les fonds disponibles, soitpar manque de projets offrant toutes les garanties de sécurité requises,soit parce que nombreuses sont les femmes qui ne cherchent pas un«encouragement» sous la dénomination «projets de femmes».

Les obligations d’encouragement ont revêtu une importanceconsidérable, surtout aux débuts de la BAS, alors que la clientèle y

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 39

61 Chiffres du rapportannuel.

consacrait environ un cinquième de ses placements. La renonciation auxintérêts liée à ces obligations a probablement été aussi un geste debonne volonté, destiné à faciliter le lancement de la banque. Depuis lors,les obligations ont lentement mais sûrement perdu du terrain. Avec destaux plus bas, il est sans doute plus difficile de renoncer aux intérêts. Au-jourd’hui, à peine un dixième de l’argent placé va aux obligations d’en-couragement. Toutefois, comme le volume global des placements aug-mente, il reste à disposition un montant croissant, en francs, pour aiderde nombreux projets à des taux d’intérêt plus favorables.

Depuis 1994, des informations sont fournies quant à la réparti-tion de tous les crédits. Une tout autre image en ressort. Les demandesde crédits pour l’agriculture biologique sont peu nombreuses et dimi-nuent même avec le temps: aujourd’hui, ce secteur ne représente plusque quelque 2,5 pour cent du total des crédits octroyés. La part des «pro-jets sociaux et de santé» a également été divisée par deux entre 1994 et 2004, de même que l’hôtellerie, depuis que les établissements alter-natifs et autonomes se font rares. Une certaine stabilité est constatéepour les investissements dans les énergies alternatives et le commerceà orientation écologique, mais chacun avec une part nettement infé-rieure à 10 pour cent du total des crédits accordés.61

La politique de crédit de la BAS met l’accent sur l’habitat; durantles premiers temps, ce fut essentiellement pour les petites coopérativesou autres formes d’habitat communautaire, puis de plus en plus sou-vent pour les maisons individuelles. Au début, un sixième ou un sep-tième des dossiers concernait l’habitat, avec une part de plus de 40 pourcent de la somme des crédits. Aujourd’hui, il s’agit de plus de la moitiéde tous les dossiers de crédits octroyés et approximativement des deuxtiers du montant global. Les particuliers désirant construire – vis-à-visdesquels il existait d’abord une réticence sociopolitique – sont venus deplus en plus nombreux, en même temps que des coopératives de grandetaille, pour lesquelles certains crédits ont atteint une importance consi-dérable. Thomas Bieri, en charge des crédits, faisait remarquer au prin-temps 1997 que vu sa croissance rapide, la banque disposait alors «conti-nuellement de liquidités pour un montant d’environ 50 millions de

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40 CHAPITRE 03 LA BAS EN CHIFFRES

francs».62 Encore très élevés quelques années auparavant, les taux d’in-térêt pour les placements à terme auprès des autres banques avaiententre-temps chuté au-dessous du taux de l’épargne. Les fonds non en-core octroyés grevaient donc les charges. Avec les crédits relativementimportants dans le domaine de l’immobilier, l’excédent pouvait êtreprêté plus rapidement.

L’accélération de l’octroi de crédits de construction n’a pas tou-jours été sans problème. En 1998, une opération importante s’est muée enun risque financier. La question de la responsabilité a déclenché desconflits intenses parmi les personnes concernées: une véritable épreuvede force entre le conseil d’administration et la direction, car les méca-nismes de contrôle avaient mal fonctionné. La crise a finalement pu êtremaîtrisée, entre autres grâce à une réorganisation du département descrédits. Elle a aussi été à l’origine de nouvelles querelles au sein de la direc-tion de la banque, querelles dont il sera question dans le dernier chapitre.

Les garanties hypothécaires sont essentielles pour la plupart desbanques de crédit, mais encore davantage pour la BAS, ainsi que le dé-montre le poids des crédits accordés pour l’habitat. Comme 80 à plus de90 pour cent de la somme octroyée sont garantis par des gages immobi-liers, la BAS est «une banque de crédits fonciers dans le bon sens duterme.»63 A une demandeuse ou à un demandeur, la propriété d’un bienimmobilier ouvre plus grandes les portes menant au crédit souhaité. Lesdemandes dont la garantie matérielle est insuffisante sont refusées, cequi suscite toujours la grogne des personnes concernées. Les capacités dela banque d’accepter parfois des risques plus élevés ont toujours été trèslimitées, car elle n’a pas voulu mettre son existence en péril. Hans PeterVieli constate que «sur ce point précis, nous avons une certaine fai-blesse».64 «Faiblesse que la BAS partage d’ailleurs avec les banques régio-nales traditionnelles.»65 En 1997, le Fonds d’innovation a commencé sonactivité en tant qu’association indépendante, apportant par là une solu-tion, même si elle reste modeste. Il reçoit une partie du bénéfice de labanque – 100 000 francs les bonnes années – et dépend également dusoutien des actionnaires, un dividende ayant été versé pour la premièrefois au cours de ces mêmes années. Les dividendes non réclamés alimen-

«Nous n’avons pas joué sur ce terrain-là

et n’en avions pas l’intention.»Hans Peter Vieli, novembre 2005

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 41

62 Demande au CA,9. 4. 1997

63 Ulrike Mix, FelixBührer, Commentairesur le budget 1997,5. 12. 1996, p. 2.

64 H. P. Vieli, rapportannuel 1996, p. 8.

65 moneta, 1/2001, p. 666 T. Bieri, Stratégie:

Commentaire parsegment, 27. 10. 2000,cité p. 1, 5 s.

tent justement le Fonds. Celui-ci peut encourager les projets innovateursqui ne pourraient bénéficier d’un crédit selon les critères bancaires usuels.

Effectuée par Thomas Bieri, une analyse du portefeuille de créditpar branche a réaffirmé en été 2000 la direction qui avait été prise. Lerapport signalait le faible rôle de l’agriculture biologique. «La part estbien inférieure à l’ambition de la BAS et à ce que laisse supposer la pro-motion (publicité, etc.) vers l’extérieur.»66 Le nombre des reconversionsd’exploitations agricoles avait plus fortement augmenté que les octroisau cours des années précédentes. «La BAS semble avoir raté ce train.»Les crédits accordés aux très petites entreprises sont nombreux, «dontbeaucoup sont des raisons individuelles, majoritairement dans le sec-teur des services». Bien que le risque pour la banque soit plutôt élevé,cela ne pose toutefois aucun problème dans le cas des crédits modestes.Il en va autrement de l’hôtellerie, des lieux de séminaire ou des écoles et institutions culturelles, pour lesquels une diminution était attendue.A cet égard, les «grosses structures d’habitat» et la propriété immobi-lière personnelle offrent une sécurité exceptionnelle. «Bien que nous nesoyons actifs dans ce domaine que depuis environ trois ans et demi,nous avons pu constituer un portefeuille de quelque 60 millions defrancs. Il faut souligner qu’il ne s’agit pas ici simplement de financer desmaisons individuelles traditionnelles, mais en très grande majorité desconstructions écologiques.»

Avec ses crédits, la BAS n’a pas pu donner le coup de pouce à une‹grande idée› révolutionnaire. Il a manqué à cet égard un peu de lachance qui a accompagné sa fondation, ou alors ce sixième sens quitransforme un risque en succès. «Nous n’avons pas joué sur ce terrain-làet n’en avions pas l’intention», rectifie Hans Peter Vieli. «A l’étape du pro-jet déjà, nous n’étions pas faits pour cela. Les gros coups qui sont pos-sibles dans le système capitaliste tiennent précisément à la chance. Se-lon toute logique, il y a alors beaucoup d’autres joueurs malchanceux.»

La géographie de la banque et le profil de sa clientèleC’est dans les cantons les plus urbains que la BAS prospère le mieux. Zu-rich est fortement représentée: au cours des premières années, 36 pour

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42 CHAPITRE 03 LA BAS EN CHIFFRES

cent de l’argent déposé provenait de ce canton, bien qu’y vivent seule-ment 17 pour cent de la population suisse. Bâle était également surre-présentée, alors que la Suisse orientale et centrale, plutôt rurale, était aucontraire peu représentée. Cela a peu changé à ce jour. La relative domi-nation de Zurich s’est toutefois affaiblie en raison de la remarquableprogression de la Suisse romande, où la banque est aujourd’hui ancréesurtout dans la région urbaine de Lausanne et de Genève.

Ancrage régional de la BAS 1993–2005 (Origine des fonds déposés %)Régions 1993 1996 1999 2002 2005

Olten (SO, AG) 12,0 12,3 9,3 7,8 7,5

Bâle (BS, BL) 12,5 10,4 9,4 9,0 8,2

Canton de Zurich 36,0 33,4 31,6 30,3 30,4

Canton de Berne 16,5 20,8 20,3 19,4 18,7

Suisse romande et Tessin 6,0 9,4 15,4 19,9 21,3

Suisse orientale 8,5 6,8 6,4 6,6 6,6

Suisse centrale 7,0 6,1 5,8 5,6 5,5

Etranger 0,5 0,9 1,8 1,4 1,9

Source: rapports d’activité

Qui sont les clientes et les clients de la BAS? D’à peine 4000 au début, leurnombre a quintuplé au fil des années pour atteindre 20 000. La tenta-tive de définition d’un profil à l’été 2000 a révélé une dominance de latranche d’âge moyen, résidant surtout dans les villes et les grandes agglo-mérations. «Notre groupe-cible dispose d’une formation supérieure à lamoyenne. (. . .) Les personnes salariées constituent la grande majorité.»Celles-ci prennent en général les transports publics et accordent de l’im-portance à une alimentation écologique et saine. En outre, la plupart desclientes et clients œuvrent à divers degrés dans la vie publique ou au seind’organisations, même si leur engagement n’est pas toujours actif. «Les or-ganisations en question s’occupent le plus souvent de la protection de l’en-vironnement, des droits humains et des mouvements féminins; il s’agitplus rarement d’un parti politique ou d’un syndicat.»67 Un sondage mené

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 43

67 Les groupes-cibles(particuliers) de la BAS jusqu’à présent,annexe 2 au CA,22. 8. 2000.

68 Rapport non daté, été 1998 (archives Lausanne).

69 Recherche qualitativesur la structure de laclientèle de la Banquealternative BAS, surson mandat, 8. 4. 2001,p. 28.

après l’ouverture de la représentation de Lausanne a complété l’image:«Environ 20 pour cent des nouveaux clients travaillent dans le social oudans l’enseignement; 10 pour cent exercent une profession technique su-périeure, une profession libérale, travaillent dans le domaine médical, étu-dient ou sont retraités. La part femmes/hommes est assez équilibrée.»68

Le fait que les femmes y soient particulièrement représentéesdistingue nettement la BAS des autres banques: qu’elles soient clientesou actionnaires, les femmes sont aussi nombreuses que les hommes etles dépassent même en ce qui concerne le montant des fonds déposés.Pour ce qui est des crédits, par contre, la part des femmes est nettementplus petite. Au cours des premières années de la banque – des donnéesprécises manquent à ce sujet – on a pu constater un rattrapage, dont ilest difficile de déterminer les raisons. On peut supposer qu’au cours desdernières décennies, les femmes ont pris de l’importance de manière gé-nérale en tant que clientes des banques. Cette banque nouvellementfondée, sans clientèle établie (majoritairement masculine), aura sansdoute notablement profité de cette tendance. Outre ces facteurs struc-turels, il faut envisager des raisons spécifiques à la banque et aux clien-tes. En ce qui concerne la banque, elle a accordé dès le début de l’impor-tance à l’égalité dans son programme, mais cela fut-il le facteur décisif?Quant aux femmes, elles sont particulièrement sensibles au thème del’écologie, ce qui s’exprime aussi dans leurs choix lors de votations, etpeut-être cela explique-t-il leurs affinités particulières avec une banqueengagée en matière de politique environnementale. Un sondage réaliséau printemps 2001 a toutefois révélé que seule la moitié environ desclientes de la BAS interrogées accordait explicitement de l’importance àune banque se voulant ‹proche des femmes›. Peu de femmes étaientd’avis que les relations des femmes avec l’argent pouvaient être nota-blement différentes de celles qui sont entretenues par les hommes.69

Quand la présidence du conseil d’administration fut confiée àune femme, Claudia Nielsen, au printemps 2001, l’attention vis-à-vis duphénomène de la majorité féminine se fit plus vive. S’agissait-il d’unpotentiel de développement très spécifique que la banque n’auraitjusqu’alors pas su mettre en avant?

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«L’éthique n’est pas

gratuite»:

La BAS au travers de

son programme.

04

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 45

LA CITATION EN TITRE

De Claudia Nielsen,rapport annuel 2002,p. 5.

70 moneta, 3/1990, p. 6.71 moneta, 3/1990, p. 5.72 Urs Hänsenberger,

Commentaires sur lesdirectives relatives aux placements et auxcrédits, 12. 6. 1989, p. 2.

73 Comité de l’assembléede soutien, 3/1989, p. 7 s.

La BAS cherchait une orientation éthique avant que cela devienne unemode: l’objectif était «moins de profit, davantage de sens», comme lesoulignait dès le départ la publication de la banque.70 Depuis le début, labanque s’est offert le «luxe» de publier moneta, «le journal pour l’argentet l’esprit», prouvant par là son intention d’exercer une influence à longterme sur la manière dont on utilise l’argent. En outre, la banque dis-pose d’un conseil d’éthique qui surveille et examine son activité. Elleconsacre beaucoup d’efforts et de travail à la réflexion sur ses propresactions. L’excédent programmatique qui en résulte et qui a toujours faitpartie de la ‹valeur ajoutée› de la banque constitue le thème du présentchapitre.

A la recherche d’une orientation A l’origine, la BAS était une ‹banque de papier›: elle produisait des docu-ments préparatoires toujours plus perfectionnés et sans cesse rema-niés, qui généraient des discussions enflammées quant à leur contenu.Les lignes directrices, les statuts, les directives en matière de placementet de crédits reflètent l’idéalisme du projet. Max Schmid l’exprime en cesmots: «La BAS n’a pas été fondée uniquement en tant qu’institut finan-cier: elle est aussi une banque d’idées.»71 La force des idées et les garan-ties institutionnelles placées dans le projet doivent garantir «que la BASne s’engage pas dans la voie ‹matérialiste› suivie par toutes les autresbanques».72

La discussion de principe oscille entre différentes positions: cer-tain(e)s jugent les ébauches de lignes directrices «trop peu philosophi-ques et visionnaires» (Monika Egger); d’autres se sentent précisémentattirés par «ce projet réaliste» et souhaitent que «le fossé entre la visionet la réalité ne devienne pas trop important» (Thomas Heilmann). D’au-tres encore veulent «non seulement critiquer ce qui existe, mais aussiaffirmer en termes positifs ce que nous voulons améliorer» (Marie-The-rese Fasser). Ou alors ils regrettent que ne soient pas mentionnés avecprécision des vœux très concrets, par exemple le modèle des taux d’in-térêt visé (Bruno Rütsch).73 Une grande importance est accordée au dé-veloppement des critères positifs et négatifs, c’est-à-dire la description

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 47

74 moneta, 3/1989, p. 5;Procès-verbal de l’assemblée desmembres, 19.8.1989, p. 3.

75 moneta, 3/1989, p. 5.

des domaines dans lesquels la banque veut être active et ceux qu’elle nefinancera en aucun cas. La liste des «critères négatifs» est longue: dansde nombreux secteurs de l’économie, les fondatrices et les fondateursde la BAS perçoivent des forces nuisant aux êtres humains et à l’envi-ronnement. Au premier plan sont citées les discriminations raciale etsexuelle, puis de nombreuses formes d’activités modernes, de la phar-maceutique et la génétique jusqu’à l’armement; on y trouve aussil’énergie (en particulier les centrales nucléaires), le transport et l’indus-trie des produits de dépendance (alcool, tabac, drogues). L’oppression, lamanipulation et la discrimination sous toutes leurs formes sont sur laliste noire. Le contraire est considéré comme positif: les projets financésdoivent être décentralisés, autodéterminés, favorables aux femmes etécologiques.

En août 1989, 90 membres de l’Association de soutien exa-minent les documents au buffet de la gare d’Olten. La proposition d’ac-cepter également une «attitude fondamentalement spirituelle» en tantque critère positif ne reçoit pas d’accueil favorable; elle suscite «desrires et de l’embarras» et est refusée «à une majorité écrasante, car uneattitude spirituelle ne peut pas (et ne devrait pas) être mesurée.»74 En re-vanche, l’assemblée manifeste son enthousiasme vis-à-vis du critère de«coloration sociale»: ainsi que l’a rapporté moneta, «La Banque alterna-tive BAS accorde à l’agriculteur biologique un crédit de rénovation à lacondition qu’il invite les enfants du village pour leur expliquer ce qu’ilcultive et comment. L’atelier de vélo réalise ses plans de développementavec le soutien de la BAS et organise en échange, chaque été, une fête dequartier sur la place.» Mais moneta évoque aussi les critiques à l’égardde cette vision: Peter Bosshard (DB), qui n’a pas participé en personne àl’assemblée, considérait tout cela «d’abord partiellement comme unesatire», puis diagnostiquait «une nostalgie conservatrice vis-à-vis d’uneidylle superficielle».75

Monika Egger résume les résultats de la discussion sur le pro-gramme dans moneta: «La BAS perçoit son activité comme une alterna-tive au système économique dominant dont l’objectif suprême est lamaximisation du profit, et qui est par conséquent le principal respon-

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48 CHAPITRE 04 LA BAS AU TRAVERS DE SON PROGRAMME 484848

«J’ai pensé qu’il fallait être jusqu’au-boutiste.

Sinon, il est difficile de se différencier.»Aldo Clerici, janvier 2006

sable de l’intensification des problèmes écologiques ainsi que de l’accrois-sement des inégalités sociales et économiques dans le monde. La BASoppose à ce développement une politique mettant au premier plan,entre autres, la résolution solidaire des problèmes, l’égalité des droits dela femme et de l’homme, la satisfaction des besoins humains élémen-taires, la préservation de la vie, la créativité et l’innovation.»76

Fondamentalement, le programme a fait ses preuves. Des re-touches ont parfois été apportées. Ainsi la «coloration sociale» est-ellerapidement restée sur le carreau. D’autre part, une forme économiquepetite et décentralisée ne garantit pas une conscience de l’environne-ment particulièrement développée. Lors du renouvellement des direc-tives en matière de crédit, quelques années après les débuts, la proposi-tion a été faite de renoncer aux critères négatifs, considérés comme unbagage déclamatoire inutile. «Si nous formulons ce que nous voulons,ce que nous ne voulons pas en ressortira clairement et la litanie descritères négatifs deviendra superflue.»77 Ce point de vue n’a pas pu s’im-poser. «L’identité est déterminée par la différence», a plaidé ThomasHeilmann devant le conseil d’administration. Une telle énumérationn’est «nullement ridicule», a renchéri Dorothee Jaun. Et Hans Peter Vielide rappeler que la publicité de la BAS a connu «davantage de succès avecla négation».78 L’expérience avait apporté des résultats clairs: quand lapublicité appelait un chat un chat et quand la BAS soulignait sa diffé-rence, cela plaisait davantage aux gens que les objectifs positifs, ainsiqu’on avait pu le mesurer au nombre de coupons renvoyés.

La ‹constitution› sur papier de la BAS ne tenait pas seulement àun programme; elle assurait également le respect de ce dernier. Lacrainte d’une concentration incontrôlée du pouvoir est courante dansles entreprises alternatives et autonomes. L’organisation en sociétéanonyme est établie de manière à exclure une telle évolution. Personnene peut y détenir plus de 3 pour cent des voix. Outre les personnes pos-sédant des actions ordinaires, des organisations proches disposent d’ac-tions à droit de vote: acquises à un dixième du prix, elles valent toutefoisautant de voix qu’une action normale lors des assemblées. Cela permetà des organisations financièrement faibles de s’engager, elles aussi. Au

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départ, le conseil d’administration était pléthorique: dix-sept membresreprésentaient de nombreuses organisations fondatrices, dans un or-gane quasi-parlementaire. Walter Thierstein, alors directeur du WWFSuisse, a fait partie de l’organe pendant dix ans. Le conseil d’administra-tion avait élu un comité de crédits éthique, qui examinait toutes lesdemandes de crédit présentées par la direction. Il a été supprimé aprèsquelques années, après qu’il se fut avéré qu’il existait peu de justifica-tions à son intervention. En outre, le conseil d’éthique de cinq membressurveillait déjà l’activité de la banque, comme nous le verrons plus loin.Conformément au régime des quotas, la proportion des femmes ou deshommes ne pouvait dépasser 60 pour cent dans aucune des instances.La répartition du pouvoir dans l’entreprise avait également été prévue:le personnel doit s’organiser en association, laquelle délègue un membreau conseil d’administration. Tous les procès-verbaux des organes et leshonoraires des membres de ces organes peuvent être consultés par toutle personnel, de même que tous les salaires, y compris ceux de la direc-tion. La liste des salaires est distribuée à chacune et chacun à la fin del’année.

«Cela, nous ne le faisons pas», dit la publicité «Que vaut le cambriolage d’une banque face à la fondation d’une ban-que?» C’est avec les mots de Mackie Messer dans L’Opéra de quat’sousde Bertolt Brecht que l’Association de soutien appela à souscrire les ac-tions de la BAS en été 1988. Cette citation reflète un style auquel la BASest restée fidèle depuis ses débuts. Il accompagne la banque avec lamême constance que le logo de l’oiseau en vol. Le graphiste Aldo Clericil’avait d’abord mis au point pour l’Association de soutien. Puis il fut pro-posé après la création de la banque dans la forme abstraite, légère etsuggestive qui est la sienne aujourd’hui encore.

«Pêcher dans les eaux troubles des profits maximaux. Voilà ceque nous ne faisons pas.»79 Voilà le genre d’accroches que la BAS utilisepour sa publicité. «Cela correspondait, à mon idée, au positionnementque la banque devait se donner», se souvient Aldo Clerici. «J’ai penséqu’il fallait être jusqu’au-boutiste. Sinon, il est difficile de se différen-

L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 49

76 moneta, 3/1989, p. 5.77 Irène Meier (CE)

à Felix Bührer (Dir),26. 5. 1997.

78 CA, 19.5.1998, p. 5.79 Accroche publicitaire

1994.

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50 CHAPITRE 04 LA BAS AU TRAVERS DE SON PROGRAMME 50

cier.» En l’absence d’un gros budget publicitaire, il a été décidé de tra-vailler sur la base d’annonces de petit format, contenant surtout dutexte, insérées essentiellement dans la presse hebdomadaire et les pu-blications d’organisations ayant pris part à la fondation de la BAS (Dé-claration de Berne, WWF, ATE et autres). Le ton est piquant et provoca-teur: il interpelle directement la clientèle potentielle et attire toujoursl’attention sur le fait – choquant – qu’avec l’argent qui leur est confié, les banques peuvent poursuivre des objectifs éloignés de ceux de leurclientes et clients, blessant parfois profondément l’éthique de ces der-nières et derniers. «Nous dénonçons les faiblesses des autres», est-il pré-cisé dans le concept marketing de 1991.80

«Traduire des slogans, c’est impossible», affirme Marianne Tel-lenbach, qui se rappelle que la version française exigeait de la créativité.«C’était de vrais brainstormings: créatifs, efficaces et durant lesquels on riait beaucoup», ajoute Gérald Progin. Les slogans font leur effet etfâchent parfois la concurrence, par exemple lorsqu’ils tournent en dé-rision la publicité des banques cantonales («Votre argent travaille durpour vous...»): «Si vous avez déjà surpris votre argent au travail... mercid’en faire une photo!»81

Elément important pour l’image de la BAS, la publication mo-neta n’a jamais voulu se contenter d’être un journal pour la clientèle.L’ambition originelle était d’en faire un journal économique alternatif,ce qui a été impossible à réaliser. Toutefois, les rédactions successivesont toujours défendu leur indépendance, et celle-ci n’a jamais été sé-rieusement remise en question. Les informations bancaires y trouventleur place, tout comme les articles généralistes, en veillant à alimen-ter d’importants débats de société. Selon l’équipe rédactionnelle, l’équi-libre entre les types d’articles a varié. Les différents numéros de monetaconstituent une précieuse documentation des grands et des petits dé-bats qui ont fait évoluer la BAS.

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«La banque de verre» La BAS aspire à la transparence de ses activités, que celles-ci concernentl’intérieur ou l’extérieur de l’institution. Elle attend aussi un effort de lapart de ses clientes et clients: des informations honnêtes sur l’origine del’argent placé et sa déclaration aux autorités fiscales. Un élément-clé estla suppression partielle du secret bancaire. Les crédits octroyés sontpubliés dans moneta et dans le rapport d’activité. Cela n’est possiblequ’avec le consentement de la clientèle: une spécificité qui fonctionnesans problème depuis de nombreuses années, mais qui était à l’origineune expérience risquée. A mesure que le succès se confirmait, cettemesure renforçait encore la confiance que le public accordait à la BAS.C’était également une démonstration: «Pour les responsables de ban-ques conventionnelles, il est devenu plus difficile d’affirmer que l’acti-vité bancaire ne peut plus du tout fonctionner sans la discrétion en ma-tière de crédits.»82

La politique de transparence a fait ses preuves au quotidien,mais aussi dans les situations délicates, par exemple fin 1997, quand labanque a subi un détournement sérieux: une employée avait transféréun demi-million de francs à son ami, afin de couvrir ses pertes spécula-tives chez son employeur, la Société de Banque Suisse. Elle a avoué sonacte avant même que la disparition des fonds n’ait été remarquée. LaBAS a immédiatement informé le public et envoyé une lettre à sa clien-tèle, ce qui eut des effets très positifs une fois le premier choc passé.L’exposé de toutes les circonstances permit également que la Société deBanque Suisse restitue très rapidement l’argent, ce qu’elle avait toutd’abord refusé.83 Toutefois, les contrôles internes ont dû être repensésau sein de la BAS.

Le principe de la transparence, lui aussi, a parfois atteint des li-mites. A titre d’exemple, l’amélioration des moteurs de recherche sur In-ternet a permis d’accéder à des noms et à des crédits figurant dans laversion numérique du rapport d’activité. La diffusion inconsidérée deces informations n’était pas l’intention du principe de ‹transparence›.Cela relevait de la protection des personnes et des données; de ce fait, lapublication de noms par des moyens électroniques a été interrompue.

L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 51

80 Concept marketing de la BAS, 12. 11. 1991,p. 8.

81 Accroches, annexeséance de travailSuisse romande,22. 1. 1999 (archivesLausanne).

82 moneta, 4/1995, p. 1.83 L’affaire en détail:

moneta, 1/1998, p. 11 s.

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 53

84 CA, 24. 8. 1992, p. 3.85 Rudi Neuberth,

Quelques considéra-tions au sujet de lamorale et de l’éthique,10. 8. 1997.

86 moneta, 2/1991, p. 8.

Lors de l’exposé de différends internes à la banque, on s’est aussi de-mandé si cette transparence ne lui était pas nuisible. Les difficultés del’époque du démarrage, en 1991 et 1992, étaient abordées avec tant defranchise par moneta que la morosité a gagné les organes et une partiedu personnel. Le numéro du journal en question a été considéré commede la «propagande négative» et a été «mis en cave».84 Plus tard, lors desituations délicates comparables ou face aux conflits récurrents entre la direction et le comité du conseil d’administration, l’information futdavantage retenue. Mais le personnel a toujours été informé à l’interne.En tant que porte-parole de la banque, Hans Peter Vieli a souvent étéconfronté aux limites de la divulgation: «Mon opinion personnelle étaitque l’on ne pouvait pas tout communiquer, mais seulement ce que l’onpouvait faire comprendre. Avec le temps, nous avons acquis l’expériencede ce que l’on pouvait dire sans donner de mauvais signaux.»

L’éthique entre utopie et pragmatisme L’éthique bancaire est-elle envisageable? On attendait des réponsesclaires de la part du conseil d’éthique, dont la BAS s’était volontairementdotée. Mais comment «l’éthique en tant que science de l’action morale»(Rudi Neuberth, pasteur et membre du conseil d’éthique) pouvait-elleêtre mise en œuvre dans la pratique bancaire?85 Il n’existe aucun modèlede ce type de contrôle.

Lors de la fondation de la banque, en 1990, le conseil d’éthique aété conçu en tant que signal dans un monde financier où bien peu d’en-treprises se souciaient de questions écologiques ou sociales. «La tâchedu conseil d’éthique de la BAS est de réfléchir à l’importance globale del’activité bancaire, au rôle de l’argent dans la société, aux aspects dupouvoir liés aux opérations financières et de crédit, à la justificationfournie ou absente des taux d’intérêt, et bien davantage.»86 C’est ce queprécisait moneta peu après l’ouverture de la banque.

Dans l’organigramme de la BAS, le conseil d’éthique occupait laplus haute place, au-dessus du conseil d’administration. Pour MargritBühler, qui a longtemps été coordinatrice du conseil d’éthique, il est clairque cette hiérarchie ne pouvait pas fonctionner, car les compétences dé-

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54 CHAPITRE 04 LA BAS AU TRAVERS DE SON PROGRAMME

«Objectif à long terme:

la suppression des intérêts.»Association de soutien, 1989

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cisionnelles correspondantes faisaient défaut. Ce n’est que si la banqueavait été menacée dans son existence que le conseil d’éthique aurait puconvoquer une assemblée générale extraordinaire. Mais cela n’a jamaisété nécessaire. Le «rôle diffus» de l’organe a suscité toujours plus de ten-sions avec le conseil d’administration. A certains égards, ajoute-t-elle, ilavait également été dans l’intention des fondateurs de la BAS de faire ensorte que «le conseil d’administration ne puisse pas devenir exubérantet que la BAS ne se mue pas en UBS».

Les statuts précisent que le conseil d’éthique a un droit de regardsur tous les documents; ses membres peuvent participer aux réunionsdu conseil d’administration et doivent surveiller toute l’activité com-merciale. Cela a poussé certain(e)s à aller toujours plus loin dans leuremprise sur le niveau opérationnel. Margrit Bühler: «Je me souviens dedéclarations telles que: ‹Si nous pouvions diriger cette banque, alors...›,auxquelles je devais toujours répliquer: ‹Mais la question n’est pas là;nous ne le pouvons pas!› Devant l’assemblée générale, c’est le conseild’éthique qui doit des comptes si la banque n’a pas travaillé éthique-ment. Ni plus ni moins.» En revanche, les grandes ambitions de ceconseil en faisaient une «usine à pensée», un «atelier du futur» interne,bien que les visions et les objectifs stratégiques eussent toujours été du ressort du conseil d’administration. La manière dont l’organe devaitremplir sa tâche est restée controversée pendant des années, jusqu’à laquestion provocatrice: «A-t-on vraiment besoin du conseil d’éthique?»87

Durant plusieurs années, l’instance a agi comme un deuxièmeconseil d’administration ou un tribunal, harcelant durement la direc-tion. Quand elle a rejoint le comité en 1996 (elle y est restée neuf ans),Margrit Bühler a été horrifiée par la manière de faire: «La convictionétait très forte que l’on ne contrôlait bien qu’en critiquant. C’est typiquedes organisations qui ont un idéal fort. En marquant le mal au fer rouge,on définit le bien.»

A cette période, la polémique tournait autour des intérêts et del’endettement. Plusieurs membres du conseil, en particulier les profes-seurs Pierre Fornallaz et Jean Vallat, s’en occupaient et ne voulaient enaucun cas se satisfaire du rôle d’instigateurs. Leur critique était proche

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 55

87 Question d’EllenMeyrat-Schlee, CA25. 10. 1993, p. 10.

88 Comité de l’asso-ciation de soutien,7. 3. 1989, p. 5.

89 A. P. Ragaz, Principes de la stratégie d’entreprise existante,8. 6. 1993.

des intentions originelles. «Objectif à long terme: la suppression des in-térêts», affirmait un forum de discussion au printemps 1989.88 Plus tard,des résistances se sont élevées contre un tel objectif. «La suppressiondes intérêts serait envisageable dans une banque de l’ordre de gran-deur de 30 millions de francs», affirmait Andreas P. Ragaz en 1993. «Celaconstituerait un modèle intéressant et un sujet pour les médias. Mais cemodèle pourrait difficilement être reproduit à plus grande échelle, carpar sa taille et son effet, une telle banque ressemblerait plutôt à unesecte.»89 La polémique enfla et s’attacha plus concrètement à la ques-tion de l’endettement hypothécaire: celles et ceux qui critiquaient les in-térêts exigeaient que la BAS, contrairement à l’usage, pousse la clientèleà réduire sa dette aussi rapidement et complètement que possible. Lesspécialistes bancaires objectèrent que cela diminuerait la charge d’inté-rêt sur le long terme, mais en poussant les loyers vers le haut à courtterme. Pour les coopératives, cela aurait été incompatible avec l’objectifd’un habitat à coût avantageux. Trois membres quittèrent le conseild’éthique fin 1997, ce qui mit fin au débat.

Les questions abordées étaient essentielles, mais il n’existait pasde solutions simples. Il est vrai que le système des intérêts fonctionneaussi comme un système de redistribution produisant de l’inégalité. In-terpellé à ce propos, Thomas Heilmann, alors président du conseil d’ad-ministration, répondait en décembre 2005 : «Remettre les taux d’intérêten question aussi fondamentalement est peu réaliste, d’un point de vuepragmatique. Les théories économiques qui soutiennent cela ne sontpas défendables, elles non plus.» Concrètement, cela s’est traduit par lefait que la BAS ne doit pas suivre immédiatement toute évolution des in-térêts et qu’elle peut agir à tête reposée; elle peut aussi proposer de re-noncer aux intérêts, mais sans pression morale. En outre, elle doit s’or-ganiser bon gré mal gré dans le système financier existant, avec sa poli-tique commerciale.

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«Se développer sans

perdre son âme»:

Le présent alternatif

et pragmatique.

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CITATION EN TITRE

Extrait d’un article surla BAS dans: Jean-Michel Servet, DavidVallat: Exclusion etliens financiers.Rapport du CentreWalras, Paris 2001.

90 Thomas Beck et al.:Recherche qualitativesur la structure de laclientèle de la Banquealternative suisse,Zurich 2001, p. 15.

91 Thomas Heilmann,rapport annuel 1999,p. 10.

92 Rapport annuel 2000,p. 12.

93 Basler Zeitung,21. 4. 2001, p. 19.

94 CA, 4. 1. 2000, p. 1 s.

L ’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 57

Presque vingt ans ont passé depuis que le Groupe de travail Banquealternative (GTBA) a lancé en Suisse, au printemps 1987, l’idée d’une‹banque alternative›. Depuis lors, la signification du terme ‹alternative›a clairement évolué. «Alors qu’on lui associe volontiers l’esprit de pion-nier, les mouvements antinucléaires, l’antimilitarisme, le genre ‹chaus-settes de laines et bircher muesli›, etc., pour une partie des clientes etdes clients, ce paradigme ‹classique› n’est pas (ou plus) particulière-ment attrayant.»90 Une étude de marché qualitative mandatée par laBAS en 2001 est parvenue à cette conclusion. Son analyse a révélé quel’image du ‹tricoté main› s’apparente mal à la notion d’une banque tra-vaillant de manière professionnelle. Depuis, la BAS a bien avancé sur lavoie du professionnalisme, sans abandonner pour autant ses objectifsde «banque différente, orientée vers l’écologie et le social».91 Les pagessuivantes traiteront des changements qui ont fait évoluer l’entreprise,depuis le «dépassement de la phase pionnière» entamée en 1999.92

Le dernier Mohican de la génération des fondateurs s’en va «Quiétude, allégresse, petits fours: voilà qui est généralement indisso-ciable des assemblées générales en Suisse. A plus forte raison quand celacoïncide avec la célébration d’un anniversaire. Lors de l’assemblée anni-versaire de la Banque alternative BAS, toutefois (. . .), des paroles duresont brisé l’harmonie», rapporta le quotidien Basler Zeitung à propos de ladixième assemblée générale en 2001.93 Depuis quelque temps, en effet,la banque connaissait un problème de conduite. Les personnes impli-quées ressentaient la situation comme étant critique, mais il n’est pas fa-cile de saisir précisément les contours de cette crise. Trop peu de tempss’est écoulé depuis pour bénéficier d’un recul historique satisfaisant.

Au début de l’année 2000, Susanne Aebi plaça le conseil d’ad-ministration devant plusieurs «cas de conscience».94 Les difficultés àl’échelon de la direction étaient-elles de nature personnelle ou struc-turelle? La survie de la BAS s’en trouvait-elle sérieusement menacée?Fallait-il des démissions immédiates pour retrouver la capacité d’agir?Peu après, Dorothee Jaun adressa un rapport au conseil d’éthique et à la

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direction sur la situation au sein du conseil d’administration: les «rela-tions tendues entre plusieurs membres» de cette structure furent misesen exergue.95 Rétrospectivement, il est difficile de faire ressortir degraves différends quant au fond. Mais la ‹structure de relations› au seindu conseil d’administration, ainsi qu’entre le comité du conseil d’admi-nistration et la direction, était manifestement bloquée, à tel point quedes effets négatifs et paralysants pour toute l’entreprise se firent jour.Un sondage réalisé en automne 1999 révéla un grand désabusementchez les collaboratrices et les collaborateurs. Lors d’une réunion du per-sonnel, Christina von Passavant informa ces dernières et ces derniersque le conseil d’administration était conscient d’avoir sous-estimé saresponsabilité sur certains points. En tant que nouveau membre, elleavait souvent le sentiment de briser des tabous.96

La réponse à la crise n’est pas venue du jour au lendemain. Elleest née petit à petit et s’est traduite par un vaste renouvellement du per-sonnel d’encadrement, présenté comme le remplacement de la généra-tion des fondateurs. Au printemps 1999, l’assemblée générale a élu qua-tre nouveaux membres du conseil d’administration, ce qui a initié unchangement. Le conseil d’administration forma un groupe de travailcomposé de Dorothee Jaun, déjà aguerrie à la tâche, ainsi que de MarkusSchatzmann et Christina von Passavant, deux nouveaux membres. Letrio avait pour mission de déterminer quelles réformes pourraient ré-soudre les problèmes de l’entreprise. A partir de là, le conseil d’adminis-tration «rétréci» réorganisa intégralement son travail. Pour remplacer lecomité dont les compétences et le savoir surpassaient ceux des autresmembres, un comité de crédit à trois membres fut créé en 1999, ain-si que plusieurs groupes spécialisés dans les domaines des finances, du personnel et du marketing en tant que solutions provisoires. Dès2000/01, le travail fut réparti différemment entre la présidence et lavice-présidence: les réunions étaient désormais organisées en communet, en 2001, le vice-président prit la direction du comité de crédit. «Parcette réorganisation (. . .), la responsabilité concrète de surveillance gé-nérale de l’entreprise est répartie sur davantage d’épaules et les proces-sus décisionnels ont été raccourcis.»97

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95 CE, 14. 1. 2000, p. 1.96 Procès-verbal séance

du bureau, 6. 1. 2000.97 Rapport annuel 2000,

p. 12.98 CA, 19. 12. 2000, p. 8.99 Die Weltwoche,

12. 7. 2001, p. 27.100 moneta, 2/2001, p. 18.

L ’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 59

A l’assemblée générale 2001, le conseil d’administration proposaun renouvellement global: outre les quatre nouveaux membres de 1999,quatre autres nouveaux noms furent avancés, auxquels s’ajouta celui deGünther Ketterer, grâce à qui la continuité fut assurée. Claudia Nielsenfut désignée pour la présidence, à pourvoir après la démission de Tho-mas Heilmann; faisant partie des quatre nouveaux membres de 1999,elle avait jusqu’alors été vice-présidente. Hans Peter Vieli, au conseild’administration depuis le début, ressentit cette élection comme un«putsch».98 Il reprocha au conseil d’administration d’avoir négligé toutestratégie. Ainsi que l’a rapporté Die Weltwoche, le conseil d’administra-tion riposta au «dernier Mohican de la génération des fondateurs» enl’accusant d’avoir «saboté le travail commun par des offenses person-nelles, des écarts de langage et des actes inappropriés.»99 Le pionnier dela BAS ne se retira pas de son plein gré: il soumit sa candidature ‹sau-vage› à l’assemblée générale, mais sans succès.100 Malgré les âpres que-relles de cette époque, Claudia Nielsen affirme aujourd’hui: «Les quali-tés de Vieli nous manquent. Il était profondément audacieux, créatif, cequi fait actuellement défaut au conseil d’administration, à mon avis.»

La transition entamée en 1999 fut compliquée par une phase dif-ficile également vécue à la direction, lors de l’absence d’Ulrike Mix pourcause de grave maladie, au milieu de l’année 2000. Après des mois d’incer-titude, il fallut admettre qu’elle n’allait pas pouvoir réintégrer la direction.De surcroît, la collaboration entre la direction et le conseil d’administra-tion fut compromise en raison d’un conflit portant sur un cas de crédit épi-neux, présenté dans le troisième chapitre. Felix Bührer prit momentané-ment les rênes de la banque, ce qui constitua une grande charge de travail.A l’automne 2000, Etienne Bonvin fut nommé en tant que successeur pro-visoire d’Ulrike Mix; il devint définitivement membre de la direction enaoût 2001. Parallèlement, une femme rejoignit la direction à l’automne2001, en la personne de Ruth Walther; la BAS disposa ainsi, pour la pre-mière fois depuis ses débuts, d’une direction à trois membres.

De 2004 à 2005 eut lieu un renouvellement intégral. Après queRuth Walther et Felix Bührer eurent quitté la BAS en 2004, deux nou-veaux membres furent recherchés, dont une femme qualifiée. L’offre

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60 CHAPITRE 05 LE PRÉSENT ALTERNATIF ET PRAGMATIQUE

«Nous cumulions pour ainsi dire les jours fériés.

Pour une banque, cela devient assez coûteux.»Christina von Passavant, 2005

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d’emploi était ainsi libellée: «(.. .) nous vous proposons le poste de di-rectrice et examinons également les candidatures des hommes.» Au-jourd’hui comme hier, les femmes sont rares à l’échelon de la directiondes établissements financiers en Suisse: les hautes responsabilités sontpresque partout en mains masculines. Avec Christa Joss, c’est unefemme expérimentée dans le domaine bancaire qui a pris ses fonctionsen janvier 2005, en tant que présidente de la direction. Avec l’arrivée si-multanée d’Edy Walker, la direction est à nouveau forte de trois per-sonnes. D’ailleurs, Etienne Bonvin et Edy Walker sont les premiers àavoir franchi les échelons jusqu’à cette position au sein de la BAS. Depuislors, l’ambiance de travail profite d’un vent nouveau et agréable.

Pour son contrôle éthique aussi, la BAS a pris une nouvelle voie.Claudia Nielsen, présidente du conseil d’administration, a écrit dansmoneta à propos de l’assemblée générale 2005: «Le conseil d’éthique dela BAS a fait ce que peu d’organes font: il a proposé sa propre dissolution.Lorsqu’il est parvenu à la conclusion que le contrôle éthique pouvait êtrerendu plus efficace sans lui, il a tracé les grandes lignes d’un nouveaumodèle.»101 Depuis 2005, l’Institut d’éthique économique de l’Universitéde Saint-Gall contrôle la mise en œuvre de l’orientation éthique de la BAS.Le passage de témoin à une instance externe aide les différents éche-lons à garder du recul; la difficulté récurrente de déterminer la positiondu conseil d’éthique est finalement résolue. Ce n’est pas par hasard quele conseil d’administration a choisi l’Université de Saint-Gall pour parte-naire en matière d’éthique, comme l’explique Christina von Passavant:«Nous avons considéré cela comme une provocation, dans le bon sensdu terme. L’Université de Saint-Gall est une institution reconnue dansles milieux économiques. Sa culture est totalement différente de lanôtre. On ne peut assurément reprocher aux Saint-Gallois ni d’être tropde gauche, ni d’être trop alternatifs.»

L’égalité des droits dans la pratique En juin 2005, la BAS a reçu le «Prix Egalité» décerné par la Société suissedes employés de commerce (SEC Suisse). Cette distinction n’a pas vrai-ment constitué une surprise. «L’égalité est pour ainsi dire inscrite dans

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 61

101 moneta, 2/2005, p. 19.102 Context. Le magazine

de la SEC Suisse,11/2005, p. 7.

103 Exposé de RoswithaKick, entretien, hauteécole de Soleure,19. 3. 2005.

nos gènes»102, souligne Roswitha Kick, cheffe du personnel, qui a établiet soumis le dossier de candidature. L’égalité des chances entre lafemme et l’homme est ancrée dans les lignes directrices, dans les sta-tuts, dans les directives en matière de crédit et dans le règlement dupersonnel de la Banque alternative BAS. Les statuts prescrivent des quo-tas pour les instances dirigeantes, imposant que chaque sexe soit repré-senté au minimum à 40 pour cent. Christina von Passavant décrit ainsison expérience: «Je n’étais pas une adepte des quotas. Mais aujourd’hui,je trouve qu’ils constituent une aide appréciable face au temps considé-rable que l’égalité entre hommes et femmes nécessite encore dans uneentreprise.» Elle considère les quotas comme un instrument valable,bien que l’on soit parfois «presque devenu fou» avant que le conseild’administration trouve une personne répondant à tous les critères. Carla BAS prévoit des relations équilibrées dans le conseil d’administrationnon seulement entre les sexes, mais aussi entre les régions linguistiqueset l’expérience professionnelle.

En matière de politique du personnel également, il est manifesteque la BAS aspire à l’égalité des droits. Les femmes comme les hommesont droit à un congé parental payé pendant un mois et non rémunérépendant six mois. D’autre part, l’entreprise «encourage et favorise letravail à temps partiel à tous les échelons».103 Ainsi, la présidente de ladirection travaille actuellement à 80 pour cent.

La journée internationale de la Femme, le 8 mars, montre que lesanciens ‹acquis sociaux› évoluent sans qu’il soit question de les aban-donner. Au cours des premières années, les femmes qui travaillaient à laBAS manifestaient lors de cette journée, qui devint plus tard tout sim-plement un jour congé. Pour des raisons d’économie et d’image, Chris-tina von Passavant a voulu supprimer ce dernier, ainsi qu’elle l’explique:«Comme nous sommes établis dans le canton de Soleure, nous avonscongé lors des fêtes catholiques; en tant que socialistes, nous avonsaussi congé le 1er mai; en qualité de féministes, nous avions encorecongé lors de la Journée de la Femme. Nous cumulions pour ainsi dire lesjours fériés. Pour une banque, cela devient assez coûteux. De plus, laclientèle finit par s’étonner que la banque soit fermée chaque fois que

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62 CHAPITRE 05 LE PRÉSENT ALTERNATIF ET PRAGMATIQUE

«Pour la BAS, proposer des fonds

de placement relève d’un compromis.»Edy Walker, 2005

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c’est la Saint-Quelqu’un, la Journée de la Femme ou que sais-je encore.»Actuellement, ce jour-là, tout le personnel suit une formation continuesur le thème de l’égalité des sexes.

Le débat sur les nouveaux règlements relève toujours d’un péril-leux exercice de funambule entre la volonté d’obligeance vis-à-vis dupersonnel et les aspects économiques. De la même manière que la jour-née du 8 mars, la participation par le biais de la démocratie directe à évo-lué vers le travail par groupe de projet, plus efficace. Parallèlement, ladifférence entre les salaires s’est légèrement accrue. Depuis 2002, lerapport entre le salaire le plus bas et le plus élevé peut atteindre 1 : 5.104

Mais dans les faits, avec 1 : 2,9, l’écart salarial reste proche du maximumde 1 : 2,5 prescrit par l’ancien règlement. Début 2006, le salaire mensuelle plus bas s’élevait à 4267 francs et le plus haut à 12 486 francs (les deuxconvertis pour un taux d’occupation 100 pour cent); en comparaisonavec d’autres banques, la hiérarchie salariale est ainsi extrêmementplane. La majorité des collaboratrices et collaborateurs – 35 sur 56 à la fin 2005 – travaillent à temps partiel.

Instruments financiers «vert clair» et «vert foncé» «Fonds de placement à la Banque alternative? Possible!», titrait Le Courrierde Genève en décembre 2000. En août 2000 encore, un cadre déclaraitdans l’éditorial de moneta: «La BAS dit non aux fonds de placement.»105

Justification: les fonds éthiques ou écologiques n’ont «en règle généralepas d’effet véritable et durable sur l’économie», car «un fonds de place-ment se limite essentiellement à la vente et à l’achat de papiers-valeurs àla bourse». Un an plus tard, la BAS incluait dans son offre deux fonds deplacement éco-éthiques de la banque Sarasin. «Seuls les imbéciles nechangent pas d’avis.»106 C’est ainsi qu’une revue économique commentala décision, illustrant la manière dont la banque interprète ses principes‹alternatifs› de manière évolutive. Les débats tels que celui portant sur lesfonds appartiennent à la culture d’entreprise et ils l’enrichissent.

C’est, entre autres, en raison de la demande de la clientèle que laBAS s’est lancée «avec circonspection et avec un regard critique dans lesproduits boursiers».107 Conséquence de ce regard critique vis-à-vis des

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 63

104 Ibid.105 Cette citation et les

suivantes: moneta,3/2000, p. 3.

106 Banco. Le guide del’optimisation finan-cière, n° 17/2002, p. 9.

107 moneta, 3/2005, p. 3.108 moneta, 3/2005, p. 18.109 moneta, 3/2004, p. 16.110 Cf. Hypothèques plus

avantageuses pourles maisons écologi-ques (GünstigeHypotheken für Öko-häuser), Neue ZürcherZeitung, 16.12.2005, p. 73.

fonds, sur la commission de 2,5pour cent versée par les clientes et lesclients, la BAS rétrocède un demi pour cent à une organisation non gou-vernementale soutenant des objectifs sociaux et écologiques. Jusqu’en2006, il s’agit d’ACTARES (Actionnariat pour une économie durable/AktionärInnen für nachhaltiges Wirtschaften).

En 2005, la banque a étendu son offre de deux à sept fonds éthi-ques et ‹verts›. Dans moneta, le directeur Edy Walker précise qu’il ne se-rait pas correct de parler des «sept glorieux»: «Pour la BAS, proposer desfonds de placement relève d’un compromis.»108 Sa collègue Christa Jossexplique pourquoi: «Si l’on compare ces fonds avec l’attitude que nousavons adoptée jusqu’alors, nous avons été bien plus stricts avec les cré-dits octroyés que le sont ces agences de notation qui évaluent les fonds.A titre d’exemple, certaines entreprises ont été choisies surtout pourpermettre la répartition des risques.» Face à d’autres offres «vert foncé»,Christa Joss qualifie les fonds de «plutôt vert clair». Le volume des fondsreste toutefois très modeste. Parmi les quelque 20 000 clientes etclients, seuls 139 avaient acheté des parts de fonds de placement jusqu’àfin 2005, pour une valeur de 6,45 millions de francs.

Avec le rating immobilier écologique qu’elle a lancé en 2004, laBAS a fait œuvre de pionnière. Si une construction satisfait au cataloguede critères écologiques soigneusement élaboré, la banque offre une ré-duction du taux d’intérêt. Toutefois, les maisons individuelles parvien-nent difficilement à atteindre le plus haut niveau de durabilité, préciseThomas Grädel, qui a collaboré à la mise sur pied de la procédure. La BAS«ne peut pas prendre la responsabilité de favoriser la construction demaisons standard conventionnelles. Si nous encourageons cette acti-vité, c’est seulement pour des bâtiments durables.»109 La procédure denotation (ou rating) trouve un écho favorable dans la presse; elle sedémarque bien – du point de vue économique également – des autresbanques qui proposent aussi des hypothèques écologiques.110

La Banque alternative BAS change et se développe, tout commesa clientèle. Bruno Bisang, chef du service marketing et actif au sein dela banque depuis 1995: «Au début de la BAS, la plupart des clientes et desclients étaient de véritables ‹fondamentalistes›: ils étaient contre les

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64 CHAPITRE 05 LE PRÉSENT ALTERNATIF ET PRAGMATIQUE 64

taux d’intérêt, les dividendes, les voitures, l’armée, la viande, l’électricitéd’origine nucléaire. Aujourd’hui, ils sont plutôt pragmatiques, avec uneconviction écologique et sociale.»111 Depuis le début, la BAS compte enmoyenne beaucoup plus de femmes parmi sa clientèle et son actionna-riat que les autres banques. Ce n’est que parmi les preneuses et les pre-neurs de crédit que les hommes sont pour l’instant en majorité. Ce quela banque voudrait changer. Le domaine d’encouragement «Projets defemmes» existe depuis toujours, ce qui a des effets positifs, mais égale-ment négatifs, regrette Christa Joss. D’un côté, il est bon d’encouragerspécifiquement certains groupes. D’un autre côté, cela peut porter àcroire que les groupes encouragés auraient besoin d’assistance pourréussir. «Durant un certain temps, le principe d’encouragement a souf-fert d’une mauvaise connotation selon laquelle les femmes ne sauraientse passer de soutien.» Ce qui est plutôt contre-productif, de l’avis deMargrit Bühler.

En octobre 2005, la BAS a ouvert un bureau d’information à Bel-linzone. «Au sud des Alpes aussi, on est devenu plus sensible aux ques-tions sociales et environnementales et à leur rapport avec la sphère éco-nomique», écrivait un magazine économique tessinois à l’occasion decette ouverture.112 Au moment de la fondation déjà, l’Association de sou-tien avait intégré la Suisse romande et italienne. Depuis 1997, le Tessinétait géré par Lausanne. Pour marquer ses quinze années d’existence, laBAS exauce donc le souhait de certain(e)s Tessinoises et Tessinois de voirla banque s’installer dans leur canton.

La banque qui discute La Banque alternative BAS existe et connaît le succès depuis maintenantplus de quinze ans. Mais les avis divergent quant à l’évaluation de cesuccès. Alors que certaines et certains sont très satisfait(e)s, d’autres enattendaient davantage. Lors d’un forum des anciens membres du GTBAtenu dix ans après les débuts de la banque, le cofondateur Hans PeterVieli mit le doigt sur la contradiction suivante: «En chiffres absolus, nousavons plus qu’atteint notre objectif. Mais en ce qui concerne la dimen-sion relative, l’influence dans le paysage bancaire – le paysage suisse

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en général – nous sommes restés clairement en-deçà des espoirs del’époque.»113 Si, dans les années 80, les attentes se portaient sur les ques-tions écologiques afin qu’elles soient politiquement mieux mises enavant, il faut aujourd’hui constater une certaine désillusion.

Rétrospectivement, après quinze années d’activité de la BAS, cer-taines et certains activistes pour une banque alternative s’étonnent dece succès. Thomas Bieri (collaborateur depuis 1990) se souvient des pro-blèmes du début et affirme: «Pour moi, il est presque miraculeux quecela ait fonctionné avec l’équipe et les grandes attentes exprimées parles organes.» Ce à quoi répond Hans Ulrich Schudel (président du CA de1990 à 1995): «Ce n’est pas un miracle. Le projet est venu au bon mo-ment.» «Ou», concède-t-il pensivement, «peut-être est-il tout de mêmeun peu miraculeux qu’une banque alternative soit née dans cetteSuisse.» Et si les conflits ont parfois été violents quant à la forme idéalede cette banque, personne n’a pour autant remis en question l’existencede la BAS. Hans Ulrich Schudel rappelle à quel point était grande, chezles participant(e)s, la volonté de réussir malgré toutes les différences.«S’il n’y a pas eu d’éclatement malgré de puissantes forces centrifuges,c’est qu’il y a aussi eu de grandes forces centripètes dans le projet. On lesremarque un peu moins; ces forces sont peut-être constituées par lespersonnes plus tranquilles.»

La banque pourrait-elle faire davantage pour influencer son en-vironnement social? Marianne Tellenbach (CA 1992–2001) répond: «Je suistrès contente de l’évolution aujourd’hui. Mais je trouve que la banquepourrait se profiler un peu plus sur certains thèmes politiques. En parti-culier ceux qui sont liés aux banques ou à l’Europe, au secret bancaire.»En accord avec l’avis de l’actuel conseil d’administration, Christina vonPassavant relève que la BAS ne doit pas devenir juste une ‹gentillebanque› apolitique. Elle doit garder sa position critique vis-à-vis de l’éco-nomie, «parce que c’est là une partie de sa raison d’être». Le journalmoneta y aspire également. La manière dont on pourra répondre aumieux à l’exigence sociopolitique demeure un sujet de discussion sur lelong terme. La richesse des débats est une ressource importante de labanque.

L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 65

111 moneta, 2/2005, p. 23.112 Ticino. Management

Donna, juin 2005, p. 36.

113 moneta, 1/2001, p. 21.

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66 ANNEXE

GTBA (1987) Felix BührerChristian HeynerAndreas P. RagazBruno RütschMax SchmidHans Peter Vieli

Association de soutien pour une banque alternativeen Suisse (1987–1990) Comité et Comité de directionMercedes AndanyLine BoserPeter BosshardRomana CamaniHeini ConradEdouard DommenMonika EggerCarola ErtleUrs HänsenbergerThomas HeilmannChristian HeynerMarie Therese

LarcherFrançoise Leu Marco Medici Erich Meier Ruth MokraniGérald Progin Anna Ratti Bruno RütschHans Ulrich SchudelDieter SpiesWalter ThiersteinFrançoise VannayHans Peter VieliJohannes WickliJörg Wyder

Secrétariat Alois BretscherGünther KettererBruno RütschMax Schmid

Groupe spécialisédans les affairesbancaires (1989–1990)Rolf Aeschlimann

Thomas BieriBeat JaussiCarlo MarchesoniLuzia MeisterPeter PolanyiAndreas P. RagazAnne RüsingToni SallerDieter SpiesFranz Thomet

Groupe d’autori-sation (1989–1990) Romana CamaniAnita ConradMonika EggerUrs HänsenbergerThomas HeilmannFrançoise LeuMarco MediciHans Peter VieliAndreas P. RagazHans Ulrich Schudel

Comité romand desoutien à l’associa-tion pour unebanque alternative(1988–1990)Mercedes AndanyFabio BaiardiDiana CastilloAdrien CrameriEdouard DommenNorbert EbelPier Luigi GiovanniniFrançoise LeuValérie LucchesiRuth MokraniJacques NerfinGérald ProginJeannette ReganPierre ReymondJean VallatLuc VodozFernand Vincent

Association roman-de pour la promo-tion de la Banquealternative BAS(1992–1997)ComitéRoberto Baranzini

Norbert EbelJulian HottingerRuth MokraniJacques NerfinPierre OdileGérald ProginJeannette ReganSophie de RivazMarianne

Tellenbach

Secrétariat Sophie de Rivaz

Personnes de con-tact au Tessin (1989) Mariangela Arizanov-

PaganiRomana Camani

Gruppo ticinese per la promozionedella BAS (2004–2005)Maurizio BellinelliLuca Buzzi Fabiano CavadiniStefano Giamboni Filippo LafranchiPaola Luchetti

StefaniniReto MediciSimone StefaniniPeter Treichler

Conseil d’ad-ministration BAS (1990–2006) Susanne AebiMonika BärThomas BieriMarie-Therese

Fasser WerlenAnita FetzUrs HänsenbergerThomas HeilmannMarianne JacobiDorothee JaunJolanda KellerGünther KettererMonika KyburzVeronika MalzacherRegula MenziClaudia Nielsen

Eric NussbaumerKarin Oberholzer

MichelChristina von

PassavantRaymond PlüssDominique RotenSylvia RothenBruno RütschMarkus SchatzmannHans Ulrich SchudelMarc SeinetUrsula SilberschmidtPeter StiegerToni StockerMarianne

TellenbachWalter ThiersteinFranz ThometHans Peter VieliEdy WalkerOlaf WeberMathys WildAnita Wymann

Conseil d’éthique(1990–2006) Richard BhendClaudia R. BinderMargrit BühlerVerena BürcherEdouard DommenCarola ErtlePierre FornallazPaola GhillaniMatina HämmerliGabi HildesheimerSylvia HoratAlbert HugueninMarco MediciIrène MeierEllen Meyrat-SchleeRudi NeuberthRita Schmid GöldiLisa SchmuckliRolf SteppacherJean VallatArie Hans VerkuilBrigitte Weisshaupt

Fondations BAS 2et BAS 3Susanne AebiEtienne Bonvin

Les activistes de la BAS

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L’HISTOIRE D’UNE BANQUE EXTRAORDINAIRE: L ’ALTERNATIVE. 67

Felix BührerMarie-Therese

Fasser WerlenDorothee JaunGünther KettererUlrike MixJudith Schär-

GrunderMarkus SchatzmannRuedi UrsenbacherRuth WaltherYvette WermeilleEva Zumbrunn

Gemperle

Direction Etienne BonvinFelix BührerHans HumbelChrista JossMarkus KisslingUlrike MixAndreas P. RagazDieter SpiesEdy WalkerRuth Walther

Collaboratrices et collaborateurs(1990–2006) Maria de AlmeidaElisabeth von ArxLee AspinallMilena Baranzini Christel BersetThomas Bieri Alexander BiglerIsabelle BiollayBruno BisangMonika BöckleChantal BolayKatharina

Bolliger-Lüthi Etienne BonvinCaroline BorerLine BoserAndreina Brodbeck Brigitta BrunnerIrene BrunnerMarianne

Bühler-KobelFelix BührerAndreas BünderMarianne de Buren

Alexandra BurkhalterAdrian Burri Ariane BüttikerGraziana Camastral

RoggerFabiano Cavadini Lea Degen Brigitte EggliUrsulai FrauchigerRenate FreyRoman Fröhlich Verena FroidevauxAgnes GeorgCornelia GerberKarin GerberMarc GerberMuriel Gerber Filomena GonzalezThomas Grädel Marco GrauElisabeth HermannWerner HildebrandAnita HubertElfriede HugHans HumbelPeter JakobChrista Joss Erika JunkerLutz Kamm Renate KämpfenWalter KäserBarbara Kehrli Erika KellerKatrin Keller-Müller Roswitha Kick Markus KisslingJeannette KlarerChristian KohlerHans Kohler Karin KriesiGregor Kuhfus Monika KyburzGaby LackRenate LehmannAndrea LehnerMartino LeoMarianne LeonhardSabine LienhardArne LooserAude-Gabrielle

LucasMonika LüscherBeatrice Marti Juan Martinez

Sarah MeiliUlrike MixMaria ModicaIsabel MorfSonja MoserIsabella Müller-

WalserJoya MuttiGertrud OchsnerRosanna di PasqualeMarkus PfisterRaymond Plüss Gaby RäberAndreas P. RagazUrs Rickenbacher Annette RiselDominique RotenKarin RothRuth RothNathalie Ruegger Claudia Salzmann Daniel Schär Judith Schär-GrunderThomas ScherpelPhilipp SchererSibylle SchibWalter SchioEsther Schlub Agnes SchmidBernadette

Schnüriger Pascale SchützSabrina SelznerGeorg SieberSandra SommerDieter SpiesCornelia StillhardToni StockerUrsi StöcklinRosaria TironeSimon Tommer Sonja Trappe Silvia UebelhartCaterina VekicNenad VekicLydie VetterKarin WalderEdy WalkerRuth WaltherRobert WederIrene Weidmann Carmen WeishauptBrigitta WidmerEsther Widmer

Michel WyssEdith ZederKarin Zollinger

Rédaction de monetaWilli BärChristel BersetMargrit BühlerFelix BührerAldo ClericiChrista DettwilerMonika EggerRené HornungRuth HugiFrançoise LeuUlrike MixClaudia NielsenStephan RammingDominique RotenAfra SturmMarianne

TellenbachSylvie UlmannUrs WalterMaia WickiDaniel WienerDominique

Zimmermann

Identité visuelle et publicité Atelier Aldo ClericiClerici Partner AG

Nombreuses et nom-breux sont celles etceux qui ont permis à laBanque alternative BASde voir le jour. Nous prions celles et ceux quenous aurions oublié(e)sde nous excuser.

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68 ANNEXE

AbréviationsGTBA Groupe de travail pour une

banque alternative CFB Commission fédérale des banquesCE Conseil d’éthiqueDB Déclaration de BerneCD Comité de direction RA Rapport d’activitéDir Direction AG Assemblée générale CA Conseil d’administration CCA Comité du conseil d’administration

InterviewsHans Peter Vieli 13. 12. 2005Thomas Bieri 16. 12. 2005Margrit Bühler 19. 12. 2005Christina von Passavant 21. 12. 2005Thomas Heilmann 22. 12. 2005Hans Ulrich Schudel 4. 1. 2006Aldo Clerici 11. 1. 2006Gérald Progin et Marianne Tellenbach 13. 1. 2006Claudia Nielsen 23. 1. 2006Christa Joss 2. 2. 2006

Littérature– Banque alternative BAS (éd.): Die Alternative

im Land der Gnomen. Investieren statt spekulieren, Olten 1995.

– Bürgi, Jürg; Imfeld, Al: Mehr geben, wenigernehmen. Geschichte der Schweizer Ent-wicklungspolitik und der Novartis Stiftung für Nachhaltige Entwicklung, Zurich 2004.

– Haymoz, Urs: Finanzplatz Schweiz und DritteWelt, Bâle 1978.

– Holenstein, René: Was kümmert uns die DritteWelt. Zur Geschichte der internationalen Solidarität in der Schweiz, Zurich 1998.

– Holenweger, Toni; Mäder, Werner (éd.): Inseln der Zukunft? Selbstverwaltung in derSchweiz, Zurich 1979.

– Info. Netzwerk für Selbstverwaltung,Nr. 1–3, 1981–1990.

– Banque alternative BAS (éd.): Investir dans la transparence.. . des alternatives en Suisseromande, Olten 1997.

– König, Mario; Kreis, Georg; Meister, Franziska;Romano, Gaetano (éd.): Dynamisierung und Umbau. Die Schweiz in den 60er- und70er-Jahren, Zurich 1998.

– Kreis, Georg: Die Schweiz und Südafrika 1948–1994, Berne 2005.

– Maissen, Thomas: Verweigerte Erinnerung.Nachrichtenlose Vermögen und SchweizerWeltkriegsdebatte 1989–2004, Zurich 2004.

– Trepp, Gian: Swiss Connection, Munich 1999.

Abréviations, interviews, littérature

A propos des illustrations La transparence est un mot-clé des lignes directrices de la Banque alternative BAS. Celle-ci donne des informations sur sonactivité commerciale et ses crédits, afin d'encourager la solidarité entre épargnant(e)s et preneurs-euses de crédit, ainsi que pourpermettre aux actionnaires un jugement objectif. L’artiste RegulaSchaffer a illustré le thème de la transparence en créant une série de couples d’images, disséminés dans le présent ouvrage.

A propos de la photographe Née à Bienne et graphiste de formation, Regula Schaffer est venueà Zurich afin de suivre une formation continue de créatrice visuelleESAA sur trois ans. C’est sous le nom de BILDER-SCHAFFERIN (conceptrice d’images) qu’elle a produit ses propres œuvres visuelles telles que les «brochettes d’images», les couples d’imagesou le «calendrier de table». La photographie, le dessin et le textesont aujourd’hui ses moyens d'expression favoris.

Impressum© 2006 Banque alternative BAS Rédigé par Mario König et Aglaia Wespe à l’oc-casion du 15e anniversaire de la Banque alter-native BAS. Traduction: Sylvain Pichon Photosde l'histoire de la BAS: Urs Hänsenberger, Daniel Wiener, Aldo Clerici, Claude Degen, Ti-Press Mise en page: Clerici Partner, ZurichImpression: imprimerie coopérative ROPRESS,Zurich Papier: PlanoJet FSC Droits: tous droitsréservés. Reproduction du texte et des cita-tions avec indication de la source. Exemplaires supplémentaires: Banque alternative BAS, Représentation romande, Rue du Petit-Chêne 38, Case postale 161, 1001 Lausanne, tél +41 (0)21 319 91 00, www.bas-info.ch ISBN 3-033-00799-6 / 978-3-033-00799-4

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Une banque peut-elle être ‹alternative›? Et cela àplus forte raison en Suisse, cette citadelle tenuepar les banques conventionnelles? Dans les années1980, cette question a agité un cercle d'abord res-treint de personnes qui ont voulu tenter l'impos-sible: donner un visage concret et durable à la cri-tique des excès de la place financière suisse, sousla forme d'un établissement financier. L’expériencesociopolitique de la Banque alternative BAS et sonsuccès sont insolites; à tel point que la rétrospec-tive historique de deux décennies ‹seulement›donne des résultats passionnants.

Mario König 1947, historien indépendant à Bâle, travaille sur l’histoirespécifique d'entreprises, le développement des employé(e)s modernes, la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale, sur des sujets régionaux et d’autres aspects de l’histoire sociale et économique suisse au 20e siècle.

Aglaia Wespe 1976, historienne et ethnologueeuropéenne à Bâle, prépare son doctorat et participe au sé-minaire pour étudiant(e)s gradué(e)s Gender Studies Suisse;elle travaille en outre à des projets de l’Association fémininedes visites circulaires de Bâle.

ISBN 3-033-00799-6ISBN 978-3-033-00799-4