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Institut de Formation en Ergothérapie de Rennes L’IMPACT DES ATTITUDES DE L’ERGOTHÉRAPEUTE SUR LA QUALITÉ DE LA RELATION Auprès de personnes atteintes de schizophrénie Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention du Diplôme d’Etat d’Ergothérapeute Maud GERARD Juin 2010

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Institut de Formation en Ergothérapie de Rennes

L’IMPACT DES ATTITUDES DE L’ERGOTHÉRAPEUTE SUR LA QUALITÉ

DE LA RELATION

Auprès de personnes atteintes de schizophrénie

Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention du Diplôme d’Etat d’Ergothérapeute

Maud GERARD Juin 2010

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DE LA RELATION

Auprès de personnes atteintes de schizophrénie

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Car tout dépend souvent d’une première attitude que l’on prend Alain [Emile Chartier]

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Un grand merci …

à Jean-Philippe GUIHARD qui m’a aidée, conseillée et soutenue

tout au long de ce travail,

aux ergothérapeutes qui ont accepté de répondre à mes questions,

à Josiane BELLOUARD, ergothérapeute, pour ses conseils et ses relectures,

à tous les professionnels et patients que j’ai pu rencontrer

sur mes différents lieux de stage, et qui m’ont sensibilisée à l’importance de la relation entre un patient et son ergothérapeute,

à ma famille, mes camarades, et Xavier pour leur intérêt,

leur soutien et leur présence.

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SOMMAIRE INTRODUCTION ..................................................................................... 1 I – APPORTS THEORIQUES ................................................................. 3

I-1 – CADRE CONCEPTUEL ................................................................................. 3 I-1-1 – L'attitude ................................................................................................... 3 I-1-2 – La communication .................................................................................... 7 I-1-3 – Les attitudes de communication ............................................................. 13

I-1-4 – La relation .............................................................................................. 17

I-2 – LA SCHIZOPHRENIE ................................................................................... 22 I-2-1 – Définition ................................................................................................ 22 I-2-2 – Epidémiologie ......................................................................................... 22 I-2-3 – Aspects cliniques .................................................................................... 23 I-2-4 – Modes évolutifs ...................................................................................... 25

I-3 – L’ERGOTHERAPIE ...................................................................................... 27

I-3-1 – Historique ............................................................................................... 27 I-3-2 – Définition ................................................................................................ 27

I-3-3 – Ergothérapie en psychiatrie .................................................................... 28 I-3-4 – Ergothérapie auprès d’un patient schizophrène ..................................... 29

II – HYPOTHESE .................................................................................. 33 III – ETUDE ........................................................................................... 34

III-1 – METHODOLOGIE ...................................................................................... 34 III-1-1 – Le choix de la méthode ........................................................................ 34 III-1-2 – Le guide d’entretien .............................................................................. 35

III-1-3 – Les limites de l’entretien ....................................................................... 37

III-2 – ANALYSE DES DONNEES RECUEILLIES ................................................ 38 III-2-1 – La communication ................................................................................ 38 III-2-2 – L’exercice professionnel ....................................................................... 39

III-2-3 – Auprès d’un patient schizophrène ........................................................ 41 IV – DISCUSSION ................................................................................ 47 CONCLUSION ...................................................................................... 52

BIBLIOGRAPHIE ANNEXES

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Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute – Juin 2010 1

INTRODUCTION

Tout au long de ma formation d’ergothérapeute, j’ai été amenée petit à petit à me

positionner en tant que professionnelle, ce qui a souvent suscité certaines interrogations sur

ma pratique, certaines remises en question, indispensables pour avancer.

« L’activité est le support de la relation en ergothérapie », cette phrase m’a souvent été

répétée durant ces trois ans et m’a conduit à m’interroger sur cette relation si particulière que

nous entretenons avec le patient en ergothérapie. La relation est-elle inhérente à l’activité ?

L’activité permet-elle seulement la relation ? Existe-t-il une relation patient-thérapeute en

dehors de ce temps d’activité ? Autant d’interrogations qui ont engendré en moi un

questionnement sans réponse, mais la relation me paraît pourtant un des éléments

fondamentaux de notre profession. Qu’est-ce qui fait que face à certains patients, nous

sommes plus ou moins à l’aise, nous n’adoptons pas le même comportement, nous

n’établissons pas la même distance ? Mais ce qui me questionne davantage, c’est le

ressenti, la perception du patient par rapport à tous ces comportements.

Toutes ces questions, en fin de deuxième année, m’ont incitée à poser un regard réflexif

sur ma pratique de future professionnelle, à m’interroger sur ce que nous renvoyons au

patient en tant que thérapeute, mais surtout au retentissement que cela peut avoir sur cette

relation bien particulière entre un patient et son ergothérapeute.

En début de troisième année, j’ai été amenée à réaliser un stage en psychiatrie, pendant

lequel j’ai beaucoup travaillé auprès de patients psychotiques. J’ai alors découvert des

patients ayant un étrange rapport au monde et aux autres. Toutes les relations qu’ils peuvent

entretenir, et notamment avec l’ergothérapeute, négligent totalement les règles sociales et

sociétales du monde extérieur. La relation que nous entretenons avec lui en ergothérapie est

bien spécifique, et elle a été source d’un grand nombre de réflexions sur moi-même. J’ai pu

constater qu’à chaque patient, il convient d’adopter des attitudes spécifiques, le tout est de

savoir lesquelles. Même si lors de ce stage, les prises en charge se faisaient essentiellement

en groupe, la relation patient-ergothérapeute n’en reste pas moindre, bien au contraire, il

s’agit pour le thérapeute d’être présent et attentif à chaque membre du groupe, et pour

chaque personnalité, d’adapter son comportement.

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C’est tout au long de ce stage que j’ai pu prendre conscience de l’importance d’instaurer

une relation de qualité avec un patient psychotique, et plus précisément schizophrène, car ici

plus qu’ailleurs, les troubles de la relation sont ce que nous cherchons spécifiquement à

travailler, à améliorer. Je pense qu’il est alors légitime de se demander comment faire pour

que cette relation soit bénéfique pour le patient, pour qu’elle soit de qualité ?

En mettant en lien mes interrogations concernant nos attitudes ainsi que mes réflexions

de stage sur la relation entre un patient schizophrène et son ergothérapeute, je me suis alors

interrogée autour de l’impact de notre attitude sur la relation entretenue avec un patient

schizophrène. En effet, s’il est fréquent de définir des objectifs ciblés sur le patient, il est plus

rare de le faire concernant le thérapeute. Néanmoins, dans une relation, les deux personnes

se doivent de présenter une attitude adaptée afin que dans un premier temps puisse s’établir

une relation, et que par la suite, elle puisse perdurer dans le temps.

Suite à cela, j’ai donc trouvé intéressant, par ce regard réflexif, de travailler sur les

attitudes que nous mettons en place, de façon consciente ou non, face à un patient, et

d’évaluer les critères et outils qui entrent en jeu afin que notre attitude d’ergothérapeute

puisse être elle-même considérée comme thérapeutique.

J’ai alors formulé ma problématique de manière plus précise :

Comment par ses attitudes l’ergothérapeute peut-il influer sur la relation qu’il entretient avec un patient schizophrène ?

Afin d’apporter une réponse à ce questionnement, nous expliciterons dans une première

partie théorique tous les concepts présents dans la recherche et toutes les notions qui en

découlent logiquement. Nous reprendrons ainsi l’attitude, les attitudes de communication, la

communication puis la relation. Par la suite, nous définirons la schizophrénie ainsi que

l’ergothérapie, puis nous étudierons la spécificité de la prise en charge ergothérapique en

psychiatrie et plus particulièrement auprès d’un patient schizophrène. Ce cadre théorique

nous permettra alors de formuler l’hypothèse qui fera l’objet de l’étude réalisée à partir

d’entretiens. Nous analyserons ensuite les données recueillies, puis nous discuterons autour

des résultats afin de confronter la théorie à la pratique.

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I – APPORTS THEORIQUES

I-1 – CADRE CONCEPTUEL

I-1-1 – L'attitude

I-1-1-1 – Définition

D'après Le Dictionnaire Le Grand Robert 2005, l'attitude, dans le langage courant, est

définie comme étant la « manière de tenir son corps ».1 Ainsi elle fait référence à une

certaine position, une certaine posture dans l'espace, en d'autres termes, à un état purement

physique. Rapidement, ce sens primitif du mot est repris par les scientifiques et entre dans le

langage de la psychologie, l'attitude prend alors une dimension psychologique en se

définissant comme étant « une manière de se tenir qui correspond à une certaine disposition

psychologique ». L'attitude n'est donc plus simplement une position spatiale, mais en se

transposant à la psychologie, elle acquiert un aspect psychique et ainsi, met en lien le corps

et l'esprit. Ainsi, l'attitude, dans son sens figuré, est « une disposition, un état d'esprit (à

l'égard de quelqu'un ou de quelque chose) ; un ensemble de jugements et de tendances qui

pousse à un comportement ».

D'après toutes ces définitions issues du Dictionnaire Le Grand Robert 2005, l'attitude

n'est pas exclusivement physique, mais elle est le résultat de la réciprocité corps/esprit, l'un

influençant l'autre. Malgré la multiplicité des définitions et des auteurs s’étant penchés sur la

notion d'attitude, la plupart d'entre eux s'accorde sur le fait qu'une attitude est toujours

dirigée vers un objet ou une situation rencontrée. Ces stimuli appartenant à l'environnement

extérieur provoquent alors chez l'individu une disposition mentale, en adéquation avec la

dimension corporelle, et c'est justement cette congruence qui constitue l'attitude, permettant

ainsi, dans la vie quotidienne, une réponse appropriée aux objets ou situations rencontrées.

Ainsi, notre corps est en fait le reflet de notre disposition psychique, et il traduit, le plus

souvent de manière inconsciente, nos états d'esprit. Mais la réciproque est aussi vraie car

notre psychique est le reflet de notre corps ; ainsi faisons nous des grimaces quand une

douleur survient par exemple. L'attitude que nous pouvons adopter lors de diverses

situations est par conséquent fatalement liée à la situation en elle-même. Il en va de même

dans le milieu médical, et même si ces attitudes sont pour la plupart difficilement

contrôlables, il est important pour le thérapeute d'en avoir connaissance afin non pas de

pouvoir les maîtriser mais de pouvoir les gérer au mieux. 1 Le Grand Robert de la langue française, 2ème édition – Paris : dictionnaires Le Robert éditions, 2005

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I-1-1-2 – Les attitudes du thérapeute

Il est évident que face à une situation donnée, chaque thérapeute adoptera une attitude

qui lui est propre, en fonction des valeurs, des principes et de la culture qui lui ont été

inculqués. Néanmoins, comme le dit Max Pages, psychothérapeute, « Dans le travail

thérapeutique, le thérapeute n'est pas tant attentif au client [...] qu'aux sentiments que

provoque en lui le client. Le travail thérapeutique n'est autre chose qu'une extrême, délicate,

amoureuse attention [...] portée par le thérapeute à ses propres perceptions du client, à ses

émotions en relation avec le client ».2 En effet, le patient, par sa personnalité, son physique,

ou justement par son attitude, renvoie inéluctablement des images au thérapeute, qu'elles

soient positives ou négatives, ce qui peut se traduire par diverses attitudes qu'il est fréquent

de retrouver chez les thérapeutes. J’ai donc décidé de définir ici les phénomènes qui me

paraissent les plus fréquents en institution et qui entraînent inéluctablement des attitudes

particulières chez le thérapeute.

I-1-1-2-1 - Le contre transfert

Il se définit par opposition au transfert, qui lui-même est caractérisé comme étant un

mécanisme inconscient par lequel le patient reproduit sur le thérapeute les liens affectifs qu'il

a pu entretenir avec une figure maternelle, paternelle, ou toute autre figure prégnante de

l'enfance. Ainsi, les différentes réactions du patient s'adresseront non au thérapeute, mais

aux figures qu'il représente dans l'inconscient du patient3.

Le contre transfert est le pendant du transfert, il renvoie aux réactions émotionnelles du

thérapeute envers le patient. Le mécanisme est comparable à celui du transfert, il en est

parfois même la réponse, le thérapeute voit, à travers le patient, une figure marquante de sa

vie, qui peut être par exemple son père, son fils... Dans ce cas, le caractère unilatéral du

transfert se transforme en caractère bilatéral et réciproque. Le thérapeute transfère alors sur

le patient ses émotions destinées initialement à ce proche. Ce contre transfert peut donc être

à l'origine de réactions d'irritation, d'agressivité, de rejet... ce qui constitue le contre transfert

négatif, ou au contraire de réaction de sympathie, de bienveillance... constituant alors le

contre transfert positif. Ainsi, le contre transfert provoque une réponse face à une situation

donnée : le patient évoque chez le thérapeute une représentation mentale, se traduisant par

une congruence entre le corps et l'esprit, autrement dit par une attitude.

2 PAGES M., L'orientation non directive en psychothérapie et en psychologie sociale – Paris : Dunod, 1986, 182 p. 3 POUGET R., Précis de psychologie médicale et de psychiatrie – Montpellier : Sauramps médical, 1995, 328 p.

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La difficulté majeure pour le thérapeute réside dans la prise de conscience de cette

attitude, car elle est, la plupart du temps, inconsciente. C'est seulement suite à cela qu’il peut

tenter de décentrer sa réaction affective afin de s'axer davantage sur le patient lui-même, ou

alors il peut au contraire utiliser cette réaction affective afin de mieux comprendre le patient

dans le but de mieux l'aider.

Le contre transfert est certainement le phénomène le plus fréquent chez les thérapeutes,

néanmoins, il n'est pas rare d’en retrouver d'autres telles que la projection, moins connue,

mais tout aussi importante.

I-1-1-2-2 - La projection

Elle caractérise l'opération par laquelle le sujet expulse de soi et localise dans l'autre des

qualités, des sentiments, des désirs qu'il méconnait ou refuse en lui. La projection est avant

tout un mécanisme de défense, normal ou pathologique, qui permet au thérapeute d'expulser

inconsciemment sur le patient tous les sentiments, les craintes ou les désirs qui lui sont

pénibles4. L'individu projette son inconscient sur le monde extérieur, à titre d'exemple,

lorsque nous sommes de bonne humeur, nous sommes enclins à « voir la vie en rose », ce

qui se traduit par la projection de notre optimiste sur notre environnement proche, qu'il soit

matériel ou humain.

Il n'est pas rare que la projection soit associée à une certaine forme de culpabilité, la

personne attribue inconsciemment à autrui ses propres sentiments, en refusant d'admettre

leur présence en elle-même, elle va ainsi lui attribuer de façon subjective des qualités ou des

défauts, voire des desseins qui ne sont en fait que le reflet de sa propre personne. Tout ceci

s'illustre parfaitement par le dicton enfantin « c'est celui qui le dit qui y est ! »

La projection est souvent méconnue des thérapeutes et des soignants, et même si on la

retrouve régulièrement dans le milieu hospitalier, rares sont ceux qui ont conscience d'utiliser

ce mécanisme de défense.

I-1-1-2-3 - La réparation

A l'heure actuelle, peu d'auteurs se sont penchés sur ce concept, néanmoins, il a une

importance toute particulière dans le milieu médical puisqu'il permet de nous interroger sur

notre vocation d'être soignant. En effet, pourquoi choisissons-nous d'être thérapeute ? La

réparation apparaît comme une piste afin d'expliquer ce choix, en mettant en lien notre vécu

personnel avec notre désir de soigner. Cette volonté de soigner, de guérir et même de faire 4 DIPLAS C., Les mécanismes de défense – Cours de psychologie, 1ère année

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du bien apparaitrait alors comme la conséquence d'une situation ou d'un environnement

subi, souvent faisant lien avec l'enfance. Soigner deviendrait alors un moyen de compenser

ce déficit, voire de réparer en nous ce qui a été blessé. A ce sujet, Winnicott a travaillé sur le

constat selon lequel les enfants de mère dépressive cherchent à soigner, à protéger les

autres5. Le processus de réparation n'est pas gênant tant qu'il n'a pas de répercussion sur

notre manière de travailler ; néanmoins, si le désir de réparer se confond avec le désir de

soigner, alors le patient sera dépourvu de son statut de malade et deviendra ainsi le

médiateur de la réparation du thérapeute.

De tous ces phénomènes la plupart du temps inconscients et incontrôlables résulte un

certain nombre d’attitudes démontrant bien que notre corps et notre façon d'agir sont

étroitement en lien avec notre esprit, nos pensées et notre vécu. L'attitude étant la

transposition de notre état psychique sur notre état physique, elle permet de transmettre au

monde extérieur nos aspects intérieurs, constituant ainsi une certaine forme de

communication avec les autres.

5 GUILLOIS F., La réparation du soignant – Formation à la relation, 1ère année

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I-1-2 – La communication

Dans notre société, la communication est la base de tout contact avec autrui, avec le

monde extérieur. Mais ce terme est devenu si usuel que son impact sur notre façon d'être est

rarement perceptible. Pourtant, la communication est bien une réalité, tout particulièrement

dans le monde du soin puisqu'elle permet l'échange avec le patient.

I-1-2-1 – Définition

Étymologiquement, communiquer, c'est mettre en commun6. Il existe de nombreuses

définitions concernant ce terme, mais d'après le dictionnaire le Grand Robert 2005, la

communication se définit comme « le fait de communiquer, d'établir une relation avec

(quelqu'un, quelque chose). » En ce sens, la communication se fait donc entre deux

personnes, on parle ainsi de communication réciproque. A l'origine, ce terme, synonyme de

« communier », ne renvoie qu'à la notion de mise en commun, mais peu à peu, il va prendre

un autre sens, celui d'échanger, de transmettre. De cette façon, la communication représente

« l'ensemble des processus d'échanges signifiants entre le sujet émetteur et le sujet

récepteur ».7 Il n'est plus alors question de simple mise en commun, mais de transmission

d'information entre deux personnes, et ce par le biais de signes, qui varient selon les

espèces, mais également selon les cultures, d'où la multiplicité de langues et de langages.

Il existe de nombreuses théories concernant la communication, mais d'après l'école de

Palo Alto8, « il est impossible de ne pas communiquer ». Ce modèle s'appuie sur deux

niveaux de sens dans un message, l'information en elle-même : ce qui est communiqué, et la

relation entre les individus.

Ainsi, l'information transmise est directement en lien avec l'attitude et le comportement

de l'émetteur, mais également du récepteur. La communication elle-même est donc

inévitablement liée au comportement des protagonistes. Or, d'après l'école de Palo Alto, il

n'existe pas de « non-comportement » (le silence constituant lui-même un comportement),

de cette façon, il n'existe pas de « non-communication », ce qui vérifie donc le postulat « il

est impossible de ne pas communiquer ».

D’autre part, dans le processus d’échange et de mise en relation présent dans la

communication, des éléments dits « parasites » transforment les informations transmises. 6 BIOY A., BOURGEOIS F., NEGRE I., Communication soignant-soigné : repères et pratiques – Breal 2003 – p.15 7 Le Grand Robert de la langue française, 2ème édition – op. cit. 8 DICOPSY, Dictionnaire de psychologie en ligne – Ecole de Palo Alto - http://www.dicopsy.com/palo-alto-ecole.htm (consulté

le 7/11/2009)

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Cela explique qu’il peut arriver que nous ne disions pas exactement ce que nous voulons

dire et que nous entendons parfois autre chose que ce que l’interlocuteur veut nous dire. Un

élément parasite dans la communication peut justement être l’attitude de l’émetteur et

l’attitude du récepteur, qui peuvent interférer dans ce processus communicationnel.

Nous avons vu que la communication est la base de tout contact ou de toute relation

avec autrui et qu'elle intervient dans toute situation ; néanmoins, il existe différentes

manières de communiquer, chacune porteuse de sens, mais pas nécessairement du même

sens.

I-1-2-2 – Les différents niveaux de communication

Dans la communication, il y a bien évidemment ce qu'on dit. Pourtant, même si nous

n'en avons pas toujours conscience, la façon de le dire est tout aussi importante. Ainsi, la

communication se divise en trois niveaux : la communication verbale, la communication

infra-verbale et la communication non verbale. D'après certaines études9, l'ensemble d'un

message compte 7% de parole, 38% d'intonation et 55% de langage gestuel, ce qui

démontre bien l'importance de tous ces niveaux de communication.

I-1-2-2-1 - La communication verbale

La communication verbale se fait par le biais de la langue, autrement dit par un

ensemble de signes et de sons faisant sens pour une communauté donnée. Ainsi, comme l'a

décrit Ferdinand de Saussure, la communication verbale est un rapport son/sens, entraînant

une analyse permanente du son pour lui donner du sens. Nous percevons très bien cette

réciprocité son/sens lorsque nous sommes face à une personne parlant une langue qui nous

est inconnue, nous entendons du son mais sommes incapables d'y associer du sens.

Ainsi, la parole n'est qu'un moyen de communiquer verbalement, au même titre que le

cri par exemple. De la même manière, la langue que nous utilisons n'est qu'un langage parmi

d'autres, elle est fonction de la culture de la personne.

La communication verbale nous permet de nous exprimer oralement, de communiquer

nos idées. C'est également la manière la plus utilisée pour émettre un souhait, un besoin ou

même une plainte. Néanmoins, la communication verbale s'accompagne toujours des deux

autres niveaux de communication.

9 BIOY A., BOURGEOIS F., NEGRE I., op. cit. – p.45

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I-1-2-2-2 - La communication infra verbale

Encore appelée communication subverbale, elle comprend tout ce qui entoure la

communication verbale et plus particulièrement la parole.

Voici quelques éléments qui constituent la communication infra verbale10 :

l'intonation, qui peut être maniérée, théâtrale, vulgaire...

le rythme d'expression, pouvant être rapide ou au contraire lent, mais qui

peut aussi être déficient, comme par exemple lors de bégaiements

l'accent éventuel, qui ne sera perçu que si les interlocuteurs sont issus de

régions différentes

le volume, qui, à l'extrême, se transforme en cri ou en chuchotement

le souffle, à l'origine des soupirs ou des pauses dans le discours

les rires, les pleurs

...

Tous ces éléments font partie intégrante de la communication, ils structurent le discours

et sont indispensables pour une bonne compréhension. En effet, comme nous l'avons vu, ils

représentent plus d'un tiers de l'ensemble d'un message. Dans notre société actuelle où le

langage écrit est en plein essor grâce aux mails, aux SMS… nous constatons l’importance

de ce niveau de communication par l’apparition des émoticônes afin de pallier à ce manque

de communication infra verbale, parfois à l’origine de quiproquos. Toutefois, la majeure partie

de la transmission d'un message passe par la communication non verbale.

I-1-2-2-3 - La communication non verbale

Que nous le voulions ou non, notre corps parle. C'est ce que nous appelons

couramment le langage du corps. Comme nous l'avons vu, le verbal informe sur ce que nous

voulons bien dire, en revanche, le langage non verbal n'utilise pas le verbe, mais il transmet

vers l'extérieur un grand nombre d'informations, consciemment ou non. Il est très facile de

maîtriser la communication verbale ; la communication infra verbale est également

contrôlable, mais la communication non verbale est la seule qui soit sincère, qui ne puisse

tricher puisqu'elle n'est quasiment pas maitrisable. Comme le dit Madeleine Ferron, « il est

rare quand on ment que tout s’accorde : le regard, la voix et l’attitude ».11 Certes nous

pouvons apprendre à contrôler notre corps, mais cette maîtrise ne dure pas longtemps car

nous relâchons rapidement notre vigilance.

10 POUGET R., op. cit. 11 FERRON M., Un singulier amour, nouvelles – Montréal : Boréal, 1987 – 195 p.

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Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute – Juin 2010 10

Beaucoup d'éléments entrent en compte dans la communication non verbale, mais je ne

citerai ici que ceux me paraissant les plus pertinents.

Les expressions faciales

Elles jouent un rôle essentiel dans la communication humaine, elles permettent de

communiquer par le visage, car c'est souvent celui-ci que nous regardons lorsque nous

parlons à quelqu'un.

Grâce à différentes mimiques comme le froncement des sourcils, le clignement des

paupières, le froncement du front, le sourire... nous pouvons repérer six émotions

fondamentales qui sont : la joie, la surprise, la peur, la colère, la tristesse et le dégoût

(Annexe 1).

Le regard

D'après le dictionnaire Larousse 2009, le regard se définit comme l'action de regarder,

de porter la vue sur quelqu'un ou quelque chose. En effet, dans son sens propre, le regard

n'est qu'une action purement physique, il s'agit simplement de placer ses yeux dans la

direction de la chose à regarder. Toutefois, le regard que nous pouvons porter sur une

personne inconnue est à l'évidence différent de celui que nous portons sur les personnes qui

nous sont proches. Le regard devient alors une manière de regarder, une expression des

yeux12. Ainsi, il transporte manifestement des messages, des émotions... ce qui s’illustre par

la phrase de Jean Racine, « J'entendrai des regards que vous croirez muets ».13 Le regard

constitue donc un langage à part entière, une manière d'exprimer des choses que nous ne

pouvons pas toujours verbaliser. C'est pourquoi certains regards peuvent nous mettre à

l'aise, alors que d'autres nous mettent mal à l'aise ; certains peuvent nous inspirer confiance,

ou au contraire méfiance... De cette manière, le regard est donc une façon de communiquer

avec son interlocuteur, de lui transmettre des messages ou de compléter la parole.

Les gestes

Bien qu'ils soient très différents d'une culture à l'autre, les gestes que nous utilisons lors

de certaines situations ne sont pas insignifiants.

Lors d'une conversation, nous pouvons distinguer certains gestes, pouvant être classés

comme suit14 :

les auto-contacts : ils sont particulièrement observables lors de situations

importantes pour la personne, ils peuvent refléter une réflexion interne ou une 12 Le petit Larousse en couleurs – Paris : Larousse, 1984 – p. 784 13 RACINE J., Britannicus, II, 3 - 1669 14 BIOY A., BOURGEOIS F., NEGRE I., op. cit. – p.48

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quête de réassurance. Les plus courants sont le grattage, la main dans les

cheveux ou dans la barbe, le rongement des ongles...

les activités de dérivation : pour certains auteurs, elles peuvent être synonymes

d'un trouble, alors que pour d'autres, elles peuvent traduire un excédent d'énergie

qui s'écoule alors par des mouvements parasites, comme le maniement

incessant d'un stylo, le besoin de déplacer les objets...

les contacts avec l'interlocuteur : ces gestes ne sont pas observables chez tous

les individus ; parfois perçus comme intrusifs, certains ne les supportent pas. Ces

contacts avec autrui sont souvent en lien avec l'éducation reçue par la personne.

Ces gestes, bien souvent inconscients, ponctuent le discours et sont la plupart du temps

incontrôlables. Néanmoins, d'autres gestes peuvent être utilisés au même titre qu'un

langage : la langue des signes en est l'illustration idéale. Toutefois, selon les cultures, les

signes n'ont pas toujours le même sens, en France, il est courant de lever la main pour

saluer quelqu'un ou pour l'interpeller, alors qu'en Afrique ou en Grèce par exemple, ce geste

est très mal perçu puisqu'il traduit une insulte grave.

Les postures

De la même manière que les gestes, les postures peuvent renseigner sur la disposition

morale de la personne. Ainsi, notre corps, par sa façon de se positionner ou de se mouvoir,

peut transmettre des messages, de manière consciente ou non. A titre d'exemple, il n'est pas

rare d'entendre que les bras croisés traduisent chez l'interlocuteur une non-réceptivité aux

propos de l'autre. A l'inverse, des hochements de tête, des sourires, des regards directs

peuvent révéler l'intérêt porté pour la conversation.

Les postures peuvent également refléter l'état émotionnel de l'individu, une personne

déprimée adoptera une posture accablée, tête baissée, le regard vers le sol...

La proxémique (Annexe 2)

La proxémique s'intéresse à l'utilisation de l'espace par les êtres animés dans leurs

relations, et des significations qui s'en dégagent15. Elle représente l'espace que la personne

considère comme sien, en quelques sortes l'extension de son propre corps. L'espace et la

manière dont il est utilisé et géré par l'individu est particulièrement important dans la

communication, il permet d'instaurer une certaine distance, indispensable à toute relation.

15 LAROUSSE, dictionnaires et encyclopédie en ligne - http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/proxémique/64676

(consulté le 14/11/2009)

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Toutefois, en fonction de la personne à qui l'on s'adresse, la distance varie

considérablement, ainsi, dans les pays latins, nous pouvons définir quatre zones

concentriques16 comme suit :

l'espace intime : de 15 à 45 cm, c'est un espace très personnel dans lequel seul

l'entourage très proche est autorisé à pénétrer

l'espace privé : de 45 cm à 1,2 m, il est réservé aux amis, aux connaissances

l'espace social : de 1,2 à 3,5 m, il sépare deux personnes qui se connaissent peu

ou pas du tout

l'espace public : au delà de 3,5 m, il est nécessaire lorsqu'une personne

s'adresse à un groupe.

Lors de la communication, il est important de respecter ces distances, de les adapter en

fonction de l'autre afin que chacun se sente à l'aise, d'où la nécessité de « garder ses

distances ».

Nous pouvons remarquer que la communication non verbale est le miroir de notre

psychisme, ainsi, ses différentes composantes peuvent être considérées comme des

attitudes que nous adoptons lors de diverses situations et qui traduisent notre état d’esprit

intérieur. Plus généralement, la communication est donc un moyen pour échanger,

transmettre une information, un message, elle permet le contact avec autrui. Pour cela, la

manière la plus courante reste bien entendu la parole, mais tout ce qui entoure la parole est

tout aussi important, ainsi, la communication infra verbale et non verbale permet, pour la

personne qui reçoit, d'intégrer un message plus rapidement et efficacement. De ce fait, pour

une communication de qualité, les différents paramètres doivent être respectés et

congruents les uns avec les autres, tant de la part de l'émetteur que du récepteur. Ainsi,

d’après Jacques Chaminade, « La communication ne peut pas exister sans la clarté de celui

qui s'exprime et l'attention totale de celui qui reçoit le message. Chacun n'est rien sans

l'autre. Encore faut-il le savoir et le vouloir. »17

La communication est la base de la relation, l'une étant indissociable de l'autre ;

néanmoins, il ne suffit pas de communiquer pour créer une relation, il est nécessaire

d'adopter des attitudes de communication, indispensables à toute bonne relation.

16 BIOY A., BOURGEOIS F., NEGRE I., op. cit. – p.46 17 CHAMINADE J., Drus propos – Paris : Dervy, 1997, p. 38

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I-1-3 – Les attitudes de communication

Dans le milieu du soin, les attitudes de communication sont particulièrement utilisées,

elles permettent d'instaurer une relation adaptée et de qualité avec le patient. Néanmoins,

même si ces outils permettent de faire évoluer la relation de soin dans le but d'aider le

patient, il est indispensable de ne pas oublier que la communication est une expérience

humaine, qui nécessite l'échange et l'interactivité avec le patient.

Les attitudes de communication que je vais décrire ne sont donc que des outils et ne

constituent pas à elles seules la communication.

I-1-3-1 – L'empathie

L'empathie, dans le langage courant, se définit comme la faculté intuitive de se mettre à

la place d'autrui, de percevoir ce qu'il ressent18. Ainsi, elle n'est pas une technique mais bien

une façon d'être, une attitude vis-à-vis d'un individu, il s'agit de « se mettre à la place de »

afin de mieux comprendre les sentiments et émotions de l'autre. Carl Rogers définit

l'empathie de la manière suivante « Percevoir de manière empathique, c'est percevoir le

monde subjectif d'autrui, ''comme si'' on était cette personne, sans toutefois jamais perdre de

vue qu'il s'agit d'une situation analogue, ''comme si''. »19 L'empathie nous permet alors

d'entrer dans le monde de l'autre, sans pour autant prendre sa place. Elle implique donc une

certaine distance à mettre en place afin de ne pas se laisser submerger par l'autre et de ne

pas devenir l'autre.

Toute la subtilité de l'empathie réside dans la difficulté pour chacun de garder sa place,

d'instaurer une distance suffisante afin de comprendre au mieux l'autre, d'éprouver les

émotions et les sentiments de la même manière que lui, de regarder les choses sous le

même angle, sans pour autant oublier que ces perceptions ne sont pas les nôtres, que nous

ne sommes pas l'autre et qu'en aucun cas nous ne prétendons prendre sa place. Auprès d'un patient, il est nécessaire que le thérapeute laisse de côté ses

représentations personnelles et oublie un moment son propre monde afin de pouvoir

accepter et entrer dans celui du patient sans émettre un quelconque jugement. Le

thérapeute doit alors adopter la bonne attitude et trouver la distance adaptée afin de ne pas

confondre ses propres émotions avec celles du patient, ce qui renverrait alors à

l'identification.

18 LAROUSSE, dictionnaires et encyclopédie en ligne – http://www.larousse.fr/encyclopedie/nom-commun-nom/empathie/47249 (consulté le 3/12/2009) 19 MARQUET A., BIOY A., Se former à la relation d'aide : Concepts, méthodes, applications – Paris : Dunod, 2007 – p. 57

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Le patient se sent alors écouté, compris, il n'est plus seul face à ses difficultés, et bien

souvent, le simple fait de les verbaliser lui permet d'avoir un regard différent, et parfois de

trouver lui-même des solutions adéquates. Ainsi, l'empathie permet au patient de s'aider lui-

même, ce qui induit bien souvent une meilleure image et une plus haute estime de soi.

I-1-3-2 – La congruence

Le terme de congruence se définit comme le caractère de ce qui coïncide, de ce qui

s’adapte parfaitement20. Cette notion est particulièrement utilisée dans le monde du soin car

afin d'entretenir une relation de qualité avec le patient, il est primordial que le thérapeute soit

dans un premier temps congruent avec lui-même pour que dans un deuxième temps, il

puisse être en congruence avec le patient.

Au niveau personnel, la congruence n'est en fait que le reflet d'un état d'harmonie avec

soi-même et avec son environnement, en d'autres termes, la personne est congruente avec

elle-même seulement si elle se comporte telle qu'elle est vraiment. Cela implique une

certaine authenticité dans les attitudes afin de faire concorder son esprit et son corps, mais

également entre les attitudes et les mots, ce qui n'est pas toujours le cas. En effet, il n'est

pas rare d'observer des comportements et des attitudes complètement en désaccord avec

les propos de la personne. Lorsqu'un un individu répond ''oui'' à une question quelconque

mais que simultanément il tourne la tête de gauche à droite, cela traduit parfaitement une

inadéquation esprit/parole : par sa communication non verbale, il exprime une réponse

négative malgré sa réponse verbale positive, ce qui met en évidence une contradiction et qui

traduit une non-congruence chez cet individu.

Une fois ce niveau de congruence personnelle atteint, il est alors possible d'être

congruent avec son interlocuteur, tout particulièrement son patient. Le but est alors de

rechercher ce même état d'harmonie, cet équilibre, mais cette fois à deux. Carl Rogers parle

alors d'authenticité21, nécessaire à la congruence. Le thérapeute est authentique avec lui-

même, a conscience de ses propres émotions afin de pouvoir les partager avec le patient,

sans pour autant fusionner avec lui. Pour cela, une bonne distance est nécessaire, ni trop

proche pour préserver les données personnelles, mais ni trop éloignée afin de pouvoir être

en harmonie. Il est évident que pour le thérapeute, il est souvent difficile d'exprimer ses

sentiments, ses émotions, car nous sommes bien souvent cachés derrière les barrières de

l'institution, cependant, cela montre au patient qu'éprouver des émotions est normal et qu'il

20 LAROUSSE, dictionnaires et encyclopédie en ligne – http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/congruence (consulté 4/12/2009) 21 BIOY A., BOURGEOIS F., NEGRE I., op. cit. – p. 30

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est possible de les partager avec autrui. Ainsi, d'après Carl Roger, « le changement de la

personne se trouve facilité lorsque le thérapeute est ce qu'il est ». Toutefois, afin d'être

congruent avec le patient, une écoute appropriée est indispensable, de la part du thérapeute

mais également de la part du patient.

I-1-3-3 – L'écoute

Du latin auscultare « être attentif à, tenir compte de ce que quelqu'un dit, exprime, de sa

volonté, de ses désirs ».22 Quotidiennement, nous pratiquons l'écoute, que ce soit auprès

d'amis, de parents, ou bien d'enseignants mais bien souvent, cette écoute aboutit à des

jugements, des conseils de la part de l'interlocuteur. Cependant, l'écoute thérapeutique est

bien différente, elle nécessite une attention, une implication et une disponibilité de la part du

thérapeute, comme le dit Montaigne, « la parole est moitié à celui qui parle, moitié à celui qui

l’écoute ».23 Trois niveaux sont repérables lors de cette écoute :

I-1-3-3-1 - Le premier niveau d'écoute

Ce premier niveau s'attache aux mots, aux propos, à ce qui est dit par le patient. Le

thérapeute se met alors en position d'écoute, il recueille le récit du patient. Ici, il est important

d'apprendre à se taire et simplement écouter, ce qui est souvent difficile car dans un souci de

bien faire, nous proposons des conseils, des solutions en pensant aider le patient.

I-1-3-3-2 - Le deuxième niveau d'écoute

Il consiste à observer le langage infra verbal et le langage non verbal du patient, à

relever les différents gestes, postures et attitudes et à confronter ces éléments avec le

discours afin d'évaluer la congruence personnelle du patient. Ce niveau est particulièrement

important puisque comme nous l’avons vu, le langage non verbal représente la majeure

partie de ce qui est communiqué.

22 Le Petit Larousse illustré – Paris, éditions Larousse,1994 23 MONTAIGNE, Essai, III, 13, de l’Expérience – 1595

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I-1-3-3-3 – Le troisième niveau d'écoute

Ici, le thérapeute est à l'écoute de lui-même, il repère en lui ses propres émotions et

sentiments provoqués par le discours du patient. Comme le dit J. Isham, « écouter est une

attitude du cœur, un désir authentique d’être avec l’autre qui attire et guérit à la fois ». Cette

écoute est strictement personnelle et totalement subjective puisqu'elle renvoie

inéluctablement à des images intimes et personnelles, à des situations passées. Ce niveau

d'écoute est indispensable puisqu'il permet au thérapeute de prendre conscience de ses

propres ressentis vis-à-vis du patient, lui permettant d'identifier ainsi un potentiel contre-

transfert et d'y faire face.

Pour un thérapeute, la connaissance de ces attitudes de communication est

indispensable. En effet, même si elles impliquent une certaine disponibilité, ces attitudes

permettent une réponse adaptée à la demande du patient, bien souvent implicite. Ainsi, elles

sont la base de toute notion de confiance, étape primordiale dans l'établissement d'une

relation.

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I-1-4 – La relation

Dans la vie quotidienne, la relation est un terme particulièrement employé, notamment

pour qualifier toutes sortes de rapports entre un ou plusieurs individus. Néanmoins, dans le

monde du soin, la relation est un concept assez complexe, qui requiert généralement une

formation appropriée afin d'en assimiler les différentes méthodes et applications.

I-1-4-1 – Définition

L’être humain est un être psychologique et social en constante interdépendance avec le

monde qui l’entoure. Autrement dit, il est caractérisé par les rapports qu’il entretient avec son

environnement, matériel ou humain. Ces liens, qu’il entretient avec autrui, sont la base de

toute vie sociale, s’exprimant elle-même par la relation.

D'après le Grand Robert 2005, la relation se définit comme une « activité ou situation

dans laquelle plusieurs personnes sont susceptibles d'agir mutuellement les unes sur les

autres ». Ainsi, la relation induit un lien de dépendance entre les différentes personnes

impliquées, chacune ayant une influence sur l'autre. La relation est donc marquée par la

nécessité d'une réciprocité, et particulièrement d'une influence réciproque.

Dans une relation, chacun vient rencontrer l'autre, chacun y apporte quelque chose de

son histoire, de son rapport au monde, de ses peurs et de ses désirs. Ainsi, un rapport entre

deux personnes où le partage ne se ferait que de façon unilatérale ne pourrait être défini

comme une relation. De cette manière, une relation implique un échange entre les individus.

Cet échange, qu’il soit informatif, sentimental ou autre se formalise par les différents modes

de communication. Ainsi, comme nous l’avons vu précédemment, la parole n’est qu’un outil

d’expression de la relation, au même titre que le geste, le regard…, généralement plus

authentiques.

La relation, au sens où nous l’entendons ici, diffère du sens employé dans la vie

courante. En effet, il n’est pas rare que le terme relation se substitue au terme de

communication ou de contact. Dans ce cas, la notion d’échange est susceptible d’intervenir,

mais pas celle de réciprocité et d’interdépendance entre les individus, ce qui constitue

pourtant la majeure partie de la relation.

Il est également important de préciser qu’une relation s’inscrit inéluctablement dans un

contexte, dans un cadre, un environnement spatio-temporel, où chaque protagoniste a un

rôle propre. Cette contextualisation influe directement sur la relation elle-même. Le milieu

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hospitalier constitue justement un cadre où certains ont le rôle de thérapeutes, d’autres de

patients. Ce contexte permet donc une relation thérapeute/patient, qui deviendrait, en dehors

de l’hôpital, une relation classique entre deux personnes.

I-1-4-2 – La relation soignant/soigné

Cette relation est assez particulière puisqu'elle implique deux personnes, un patient et

un soignant ou thérapeute, mais qui, dans ce contexte précis, ne jouissent pas du même

rôle ; l'un est là à titre personnel, alors que l'autre bénéficie de son statut de professionnel.

Or, cette disparité peut parfois conduire à un sentiment de supériorité de la part du soignant,

ou au contraire d'infériorité chez le patient. Afin d'éviter cela, il est indispensable que chacun

se positionne et trouve sa place dans la relation en tenant compte de son rôle et de celui de

son interlocuteur, de leur pouvoir respectif, sans pour autant installer une hiérarchisation, ce

qui entraverait l'établissement d'une relation.

Dans la relation soignant/soigné, nous retrouvons trois principaux types de relation, la

relation de soins, la relation d’aide et la relation thérapeutique.

I-1-4-2-1 - La relation de soins

La relation de soins est courante dans le milieu hospitalier, elle est particulièrement

utilisée par le personnel soignant tel qu’infirmiers ou aides-soignants. Elle consiste

uniquement à soigner, à prescrire ou à réaliser des soins dans le but d'améliorer la qualité de

vie du patient en agissant sur sa douleur, son traitement, son confort... 24 Cette relation est

essentiellement axée sur le présent, sur des répercussions à court terme. Dans cette

relation, c'est l'acte technique qui est visé. Il arrive parfois que cet acte soit source d'échange

et d'information entre patient et soignant, mais cet échange ne peut se substituer à la relation

d'aide puisque le soignant, par la réalisation de son soin, ne peut pas être entièrement

disponible et à l'écoute du patient.

24 FORMARIER M., La relation de soins, concepts et finalités – Recherche en soins infirmiers, juin 2007, n°89 – pp. 33-42

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I-1-4-2-2 - La relation d'aide

Pour le soignant, la relation d'aide n'est autre qu'un savoir être. Comme son nom

l'indique, elle consiste à aider le patient, à le soutenir de manière prolongée ou ponctuelle

dans ses difficultés et dans sa souffrance. Carl Rogers définit la relation d'aide comme « des

relations dans lesquelles l'un au moins des protagonistes cherche à favoriser chez l'autre la

croissance, le développement, la maturité, un meilleur fonctionnement et une plus grande

capacité à affronter la vie ». 25 Dans cette relation, le soignant cherche à soutenir le patient, à

l'accompagner dans les différentes épreuves de sa guérison, il est attentif à son bien-être et

à ses attentes. Il ne suffit par pour le soignant d'être sympathique, aimable avec le patient, il

s'agit d'être à son écoute, d'être bienveillant et de comprendre l'objet de sa souffrance, qui

bien souvent est implicite, parfois même inconnu du patient lui-même. Ainsi, cette relation

d'aide implique de la part du soignant une grande disponibilité, mais également une bonne

connaissance et utilisation des concepts d'empathie, de congruence et d'écoute.

De la relation d’aide découle la relation thérapeutique, elle-même une forme de relation

d’aide.

I-1-4-2-3 - La relation thérapeutique

La relation thérapeutique est la relation qu’entretient un thérapeute avec son patient.

Cette relation est une relation d’aide dans le sens où le thérapeute cherche à soutenir et

accompagner son patient dans la complexité de sa prise en charge. Il s’agit d’être à l’écoute

de ses attentes et de ses difficultés afin de pouvoir y pallier au mieux.

Malgré la bonne utilisation de la communication et de ses différents niveaux, la relation

thérapeutique est inévitablement subordonnée à la personnalité et la motivation des deux

individus, bien souvent traduites par les attitudes des personnes, rendant parfois impossible

la mise en place des attitudes de communication nécessaires.

Afin que la relation thérapeutique puisse s’établir, il est nécessaire d’instaurer un cadre

adéquat, c’est-à-dire que le thérapeute et le patient s’approprient. C’est précisément ce

cadre qui caractérise la relation thérapeutique. Il se compose notamment du lieu, de

l’horaire, de la durée du rendez-vous… La relation thérapeutique est inhérente à ce cadre,

sans celui-ci, elle ne serait plus définie comme thérapeutique, mais comme une relation

classique entre deux personnes. A titre d’exemple, lorsque nous rencontrons un de nos

patients en dehors des heures de rendez-vous ou dans les couloirs, la relation que nous

25 GUILLOIS F., La relation d’aide – Formation à la relation, 1ère année

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pouvons entretenir avec lui n’est en aucun cas thérapeutique puisqu’elle ne s’inscrit pas

dans le cadre d’une séance ou d’un rendez-vous.

Dans la relation thérapeutique, il est également important de mettre en place une

distance thérapeutique permettant à chacun de se sentir à l’aise dans son rôle et plus

généralement dans la relation. Cette distance se traduit par la proxémique, permettant de

chiffrer la distance physique, mais également par une distance plus implicite qui se manifeste

par la communication verbale, non verbale et infra verbale. Il n’existe pas de distance type,

elle se définit par le patient et le thérapeute, en fonction de l’histoire de chacun. Par exemple,

chez certains thérapeutes, le tutoiement de la part du patient n’altère en rien la prise en

charge, alors que pour d’autres, il sera perçu comme une forme de familiarité, le

vouvoiement constituera alors un élément primordial de la distance thérapeutique.

Nous pouvons alors constater que la relation soignant/soigné est dépendante d’un

certain nombre de paramètres et de conditions. Bien entendu, la motivation du patient est

indispensable, mais celle du thérapeute l’est tout autant, sans quoi la relation ne pourra être

bénéfique pour le patient et ne sera donc pas de qualité.

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Cette partie conceptuelle nous a permis de constater qu’en tant que thérapeute, nous

renvoyons inéluctablement des images au patient, que nous le voulions ou non. En effet, par

nos attitudes, nos attitudes de communication et essentiellement par notre communication

non verbale, elle-même pouvant être définie comme une attitude, nous extériorisons

certaines pensées et sentiments personnels. Ces manifestations de notre psychisme sont

alors interprétées par le patient en fonction de son vécu, de son histoire et de ses propres

représentations.

Tous ces facteurs mis en lien permettent alors d’instaurer une relation entre le patient et

le thérapeute ; la qualité d’une relation dépend donc des attitudes adoptées par le thérapeute

mais également de la manière dont le patient va recevoir et percevoir ces attitudes. Par

conséquent, seule une bonne utilisation de tous ces éléments permettra, mais ne garantira

pas, l’instauration d’une relation de confiance entre le thérapeute et son patient. Néanmoins,

comme nous l’avons vu, la majeure partie de nos attitudes et de notre communication est

inconsciente. Ainsi, afin de les utiliser de manière optimale, il serait intéressant pour le

thérapeute de réaliser un travail sur lui-même afin de porter un regard réflexif sur ses

propres attitudes.

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I-2 – LA SCHIZOPHRENIE

Dans notre société actuelle, la schizophrénie est une maladie qui fait peur. Malgré sa

médiatisation, notamment par des films, des émissions de télévision… elle demeure

méconnue du grand public et les idées reçues à son sujet sont nombreuses.

I-2-1 – Définition

D’après le dictionnaire de psychiatrie Larousse, la schizophrénie se définit comme une

psychose grave survenant chez l’adulte jeune ; habituellement chronique, elle est

cliniquement caractérisée par des signes de dissociation mentale, de discordance affective

et d’activité délirante incohérente entraînant généralement une rupture de contact avec le

monde extérieur et un repli autistique26. D’après l’Organisation Mondiale de la Santé, la

schizophrénie est l’une des dix maladies entraînant le plus d’invalidité, elle est à l’origine de

désocialisation et de précarité majeures27. Elle entraîne un désordre psychique empêchant

l’individu d’être conscient de son identité, de son unicité et de son autonomie.

Les étiologies de cette pathologie sont très mal connues et ne sont à l’heure actuelle,

qu’au stade d’hypothèses. Néanmoins, plusieurs pistes sont évoquées, telles que le facteur

génétique, les voies dopaminergiques et sérotoninergiques, les théories

neurodéveloppementales… Les traitements seront développés en annexe (Annexe 3).

I-2-2 – Epidémiologie

La schizophrénie est une maladie ubiquitaire, elle est présente aux quatre coins du

globe, mais l’observation des similitudes entre les différentes populations laisse penser que

sa symptomatologie est indépendante de toutes données socioculturelles.

Sa fréquence dans la population actuelle est de 1%, ce qui représente en France

environ 600 000 cas. Aucune différence épidémiologique significative n’est observable entre

les hommes et les femmes.

26 POSTEL J., Dictionnaire de la psychiatrie et de la psychopathologie clinique – Paris : Larousse 2003 – p. 411 27 ORPHANET, Article du professeur LLORCA P-M., Schizophrénie – http://www.orpha.net/data/patho/FR/fr-schizo.pdf

(consulté le 4/12/2009)

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I-2-3 – Aspects cliniques

Il n’existe pas de signes pathognomoniques des schizophrénies, néanmoins, cette

pathologie singulière se caractérise par les trois grands syndromes suivants28 : le syndrome

dissociatif, le syndrome délirant et le syndrome autistique.

I-2-3-1 - Le syndrome dissociatif

Il constitue le syndrome le plus caractéristique de la schizophrénie. La dissociation

représente l’altération fondamentale de la pensée, des diverses manières d’éprouver des

émotions et d’entretenir des relations avec le monde environnant. Elle se caractérise par une

perte de cohésion interne des différents secteurs de la vie mentale que nous pouvons

classer en différents signes cliniques :

Les troubles du cours de la pensée

Même si l’intelligence de la personne schizophrène est conservée, son usage est

largement perturbé, rendant la pensée désordonnée et chaotique. Les associations d’idées

peuvent alors s’enchaîner par dérivation, par contamination ou par substitution. Il est

également fréquent d’observer des barrages ou des fadings mentaux29.

Les troubles du langage

Il est souvent difficile d’entretenir avec une personne schizophrène une conversation

ayant valeur de dialogue ; bien souvent les réponses aux questions sont inadaptées ou

logorrhéiques, voire absentes : la personne schizophrène se renferme souvent dans des

périodes de mutisme parfois interrompues par des impulsions verbales.

Son discours est souvent ponctué de néologismes qui, à l’extrême, constituent alors une

schizophasie rendant les propos incompréhensibles. Les troubles phonétiques sont

également fréquents, altérant ainsi le langage infra verbal.

L’altération du système logique

La pensée de la personne schizophrène semble souvent hors de la réalité ; elle utilise

pour préciser son discours beaucoup de métaphores et d’abstractions vides en usant d’un

raisonnement philosophique ou scientifique dans un but totalement inadapté. 28 LANDRU A., La schizophrénie – Cours de psychiatrie, 2ère année 29 Fading mental : évanouissement progressif de la pensée

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La désorganisation de la vie affective

Il n’est pas rare d’observer également des manifestations émotionnelles et affectives

parfaitement inappropriées. On remarque également une discordance entre les affects

ressentis et les propos, ce qui correspond à l’ambivalence affective.

La discordance psychomotrice

Dans la schizophrénie, nous remarquons fréquemment un décalage entre le

comportement adopté et la situation, ce qui se traduit le plus souvent par des sourires

discordants, un maniérisme marqué, des écholalies, des échopraxies, des stéréotypies…

Certaines personnes schizophrènes perdent au contraire toute initiative motrice, entraînant

ainsi un état de catalepsie, encore appelé syndrome catatonique.

I-2-3-2 - Le syndrome délirant

Egalement appelé syndrome délirant paranoïde, il n’est pas très caractéristique de la

schizophrénie, néanmoins, il est souvent présent dans la maladie, de manière plus ou moins

marquée.

Les thèmes du délire sont multiples, mais les plus fréquents sont la dépersonnalisation,

l’étrangeté, l’influence… Les mécanismes aussi sont nombreux mais le principal reste le

mécanisme hallucinatoire. Le délire schizophrénique est un délire non systématisé dont le

vécu est intense et chaotique.

I-2-3-3 - Le syndrome autistique

Dans la schizophrénie, le retrait socioprofessionnel est considérable. L’individu s’isole,

ne cherche plus à communiquer, il se désintéresse de tous les investissements sociaux

habituels. Les rapports qu’il entretient avec la réalité sont alors totalement perturbés avant de

devenir inexistants. Le mode de vie devient alors très autocentré et les influences du monde

extérieur ne sont plus prises en compte.

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I-2-3-4 - Les autres symptômes

Nous avons vu les trois grands syndromes de la schizophrénie, néanmoins, il est

fréquent d’observer d’autres symptômes mais qui ne sont pas nécessairement

caractéristiques de la maladie. Nous pouvons alors retrouver des angoisses de

morcellement et de néantisation, des phobies, des obsessions atypiques ainsi que des

troubles de l’humeur se traduisant par une excitation pseudo-maniaque ou au contraire par

une dépression.

Le tableau 1 en annexe (annexe 4) récapitule les aspects cliniques de la schizophrénie.

I-2-4 – Modes évolutifs

Dans la schizophrénie, deux phases sont à différencier, la phase de début avec le mode

d’entrée, ainsi que la forme d’état où différentes formes cliniques sont observables.

I-2-4-1 - Le mode de début

Encore appelé phase de début ou mode d’entrée, il se manifeste généralement entre 15

et 25 ans. Dans la schizophrénie, il existe deux modes de début, le début aigu ou bruyant,

dont les signes peuvent s’apparenter à ceux d’une bouffée délirante aigue ; ce début bruyant

est marqué par la présence de signes dits « positifs » tels que des troubles thymiques aigus

atypiques, pouvant aller du tableau maniaque au syndrome catatonique aigu.

Le mode d’entrée de la schizophrénie peut également être plus insidieux, caractérisé par

un repli apathique, un fléchissement scolaire, des préoccupations et obsessions étranges

non critiquées, souvent de thème mystique, des passages à l’acte inopinés…

Il est difficile pendant le mode de début d’affirmer que nous sommes face à une

schizophrénie, d’abord parce qu’une grande partie des signes sont identiques à ceux

retrouvés dans la bouffée délirante aigue, mais également parce que le diagnostic d’une

schizophrénie ne peut être posé qu’après au moins un an d’évolution.

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I-2-4-2 - La phase d’état

Lors de la phase d’état et en fonction de la sémiologie observée, la schizophrénie se

divise en cinq formes cliniques : l’hébéphrénie, la schizophrénie paranoïde, l’héboïdophrénie,

la schizophrénie résiduelle ou simple et la schizophrénie dysthymique.

- L’hébéphrénie, encore appelée ‘‘versant négatif de la schizophrénie’’, est dominée

par le syndrome dissociatif et notamment par la discordance, le délire est présent

mais peu élaboré. On note aussi la présence, mais moindre, du syndrome autistique

et de ponctuelles explosions de violence.

- Dans la schizophrénie paranoïde ou ‘‘versant positif’’, les symptômes sont moins

profonds que dans l’hébéphrénie, mais les idées délirantes sont au premier plan.

Cette forme semble plus sensible aux traitements et de meilleur pronostic social.

- L’héboïdophrénie est marquée par l’apparition de comportements antisociaux et de

délires.

- On emploie le terme de schizophrénie résiduelle ou simple lorsque le patient

présente les trois formes citées ci-dessus, mais à minima. Elle peut également

qualifier une schizophrénie sous traitement dont quelques petits signes persistent.

- La schizophrénie dysthymique caractérise une schizophrénie marquée par des

troubles de l’humeur majeurs.

La schizophrénie est par conséquent une pathologie aux multiples facettes, dont les

symptômes peuvent différer d’un individu à l’autre, entraînant alors des formes de

schizophrénie différentes. Toutefois, la schizophrénie altère inévitablement les capacités de

communication et de relation avec l’autre, le patient est alors « hors de la réalité » et voit le

monde extérieur différemment. Lors de la prise en charge d’un patient schizophrène en

ergothérapie, il sera donc indispensable de tenir compte de la symptomatologie mais

également du patient lui-même, de son vécu et de ses émotions afin d’adopter les attitudes

adéquates.

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I-3 – L’ERGOTHERAPIE

Malgré son développement considérable dans d’autres pays européens, en France,

l’ergothérapie est une profession encore mal connue du public mais dont les domaines

d’application sont très vastes et diversifiés.

I-3-1 – Historique

Même si les bienfaits de l’activité sont déjà reconnus lors de l’antiquité, en 1786, Pinel,

psychiatre à la Salpêtrière, introduit la notion de traitement par le travail et édite un ouvrage

en 1801 promouvant l’activité dans la guérison30.

C’est à partir de 1900, en Amérique du Nord, que les psychiatres américains s’inspirent

des théories de Pinel et définissent l’activité comme thérapie, donnant ainsi naissance à

l’ergothérapie. Elle apparait en France peu de temps après et se développe dans le domaine

de la médecine physique lors des deux guerres mondiales et c’est à partir de 1945 que

l’ergothérapie en psychiatrie se développe considérablement suite à l’apparition de la

psychothérapie institutionnelle.

Ce n’est que dans les années 1970 que l’environnement humain, architectural et

matériel apparait comme un élément primordial dans la santé du patient, introduisant ainsi le

concept de handicap. L’ergothérapie prend alors tout son sens, mettant en lien le patient, son

environnement et l’activité31.

I-3-2 – Définition

L’ergothérapie est une profession de santé qui se pratique sur prescription médicale au

sein d’une équipe interdisciplinaire. Etymologiquement, l’ergothérapie se définit comme une

thérapie par l’activité, l’ergothérapeute utilise l’activité elle-même comme moyen

thérapeutique, comme technique de soins et comme support de la relation auprès de

personnes présentant des troubles de l’activité humaine. Cette profession est régie par le

décret n°86-1195 du 21 novembre 1986 d’après lequel les ergothérapeutes contribuent

« au traitement des déficiences, des dysfonctionnements, des incapacités ou des handicaps

30 DETRAZ M-C et collaborateurs, Ergothérapie – Encyclopédie Médico-Chirurgicale, Paris Editions Techniques, 1992, p.1 31 ANFE, site officiels de l’ergothérapie et des ergothérapeutes, L’Ergothérapie -

http://www.anfe.fr/index.php?option=com_content&view=category&id=34&Itemid=60 (consulté le 27/12/2009)

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de nature somatique, psychique ou intellectuelle, en vue de solliciter, en situation d’activité et

de travail, les fonctions déficitaires et les capacités résiduelles d’adaptation fonctionnelle et

relationnelle des personnes traitées, pour leur permettre de maintenir, de récupérer ou

d’acquérir une autonomie individuelle, sociale ou professionnelle. » 32

Ainsi, quel que soit son domaine d’activité, l’ergothérapeute, en tant qu’interface entre la

personne handicapée et son environnement a pour mission de rééduquer, de réadapter et de

conseiller la personne et son entourage de façon personnalisée en tenant compte des

habitudes antérieures et des attentes de la personne.

I-3-3 – Ergothérapie en psychiatrie

Nous pouvons définir la pathologie mentale dans sa généralité comme une altération de

la vie de la relation.33 Elle est bien souvent marquée par une souffrance profonde et

envahissante aboutissant à une solitude majeure. La pensée est alors altérée, faussant ainsi

la symbolisation de la liaison entre le réel et l’imaginaire. L’ergothérapie en psychiatrie vise

alors à faire extérioriser par le patient cette souffrance interne, et ce par le biais de l’activité

et plus précisément de la matière, servant de médiateur entre le patient et le thérapeute et

rendant ainsi possible la relation. L’atelier d’ergothérapie permet alors au patient, grâce à

diverses activités, de s’exprimer verbalement et corporellement mais également au travers

de ses productions, reflet de ses conflits internes ; le ressenti et les attitudes du patient lors

de la création importent finalement davantage que le résultat en lui-même.

Plus généralement, l’activité en ergothérapie est pour le patient le support de la relation

avec le monde extérieur car elle nécessite des capacités de communication, de verbalisation

mais également des capacités relationnelles, apparaissant comme nécessaires dans la

réintégration sociale du patient. Bien souvent, pour le patient, l’activité permet également une

revalorisation et une meilleure estime de lui-même, permettant une intégration ou une

réintégration de sa propre identité personnelle.

En psychiatrie, avant de proposer une activité au patient, il est important de tenir compte

des aptitudes physiques et psychiques de la personne, de ses désirs et de ses goûts afin

que l’activité soit signifiante et significative, mais aussi de la pathologie et plus précisément

des symptômes pouvant constituer des contre-indications. Il est également indispensable de

bien présenter les activités au patient comme s’inscrivant dans le processus de soins afin

d’éviter la notion de thérapie occupationnelle.

32 DETRAZ M-C et collaborateurs, op. cit. – p.1 33 FABIEN F., Pertinence des médiations – Soins en psychiatrie, Masson, juillet/août 1999, n°203 – pp. 7-9

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I-3-4 – Ergothérapie auprès d’un patient schizophrène

Pour l’ergothérapeute, la prise en charge d’une personne schizophrène est souvent

complexe et délicate car lors des épisodes délirants et dissociatifs, le patient psychotique,

par son mutisme et son regard profond, crée un climat oppressant, nous mettant à nu et

nous obligeant à nous dévoiler, faisant parfois naître en nous un sentiment de mal-être.34 Il

est parfois difficile d’entrer en relation avec un patient schizophrène, de le considérer de

manière à tenir compte de ses difficultés sans toutefois le traiter comme un exclu de la

société. Si des limites ne sont pas fixées, la relation sera d’autant plus difficile à instaurer,

d’où la nécessité d’établir un cadre, évitant au patient de se disperser mais nous permettant

également de nous préserver d’une relation trop fusionnelle.

Auprès d’un patient schizophrène, il est important pour l’ergothérapeute de bien prêter

attention à son propre comportement, à ses attitudes et à ses différents niveaux de

communication car il n’est pas rare que la personne schizophrène interprète, de manière

exacte ou erronée, notre langage, ce qui rapidement altère la relation. C’est pourquoi, en

fonction de la symptomatologie du patient schizophrène, certaines de nos attitudes et

particulièrement certains de nos niveaux de communication ont un impact non négligeable

sur la qualité de la relation, il est donc intéressant d’en avoir connaissance afin de les utiliser

au mieux dans cette relation.

I-3-4-1 - L’ergothérapeute face au syndrome dissociatif

Avant toute chose, il est important d’établir avec le patient schizophrène une relation de

confiance, sans quoi la prise en charge ne pourra être de qualité. Cette relation de confiance

permettra au patient de se sentir en sécurité35 et par la suite de s’investir dans sa prise en

charge. A ce niveau, la congruence de l’ergothérapeute, non seulement avec lui-même mais

également avec son patient est importante puisqu’elle permet une authenticité dans la

relation, signifiant au patient qu’il peut avoir confiance en nous. Toutefois, il est parfois

possible d’observer un contre-transfert se substituant à la relation de confiance, mais cette

attitude, si elle n’est pas identifiée par l’ergothérapeute, ne permettra pas une relation de

qualité et pourra, à long terme, altérer la prise en charge.

34 BOCKSTAEL C., Partage et limites dans la relation avec le patient - & avec, septembre 2003, n°7 35 PIBAROT I., Dynamique de l’ergothérapie, essai conceptuel – 1977, p. 6

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Afin que le patient ait entière confiance en nous, le syndrome dissociatif, et

particulièrement l’altération du système logique et la désorganisation de la vie affective, nous

obligent à adapter notre proxémique, de manière à ce qu’il se sente en sécurité tout en

respectant son espace vital. Une proxémique inadaptée à la situation pourrait être vécue

comme une agression ou au contraire comme un abandon. Il est donc important lors d’une

activité de se placer en conséquence, afin de soutenir et d’aider le patient si besoin, sans

pour autant faire à sa place et sans l’oppresser afin de lui laisser un espace de liberté, un

espace de créativité dans lequel il se sente à l’aise. De la même façon, le toucher est

souvent très délicat auprès de la personne schizophrène car son interprétation peut parfois

être faussée. J’ai moi-même fait en stage l’expérience d’une proxémique et de gestes

inadaptés auprès d’un patient schizophrène car une fois sa création terminée, j’ai souhaité le

féliciter en lui posant la main sur l’épaule, ce à quoi il m’a répondu « tu m’aimes ? » Même si

cet exemple peut prêter à sourire, il arrive parfois que le patient se sente au contraire

menacé voire attaqué, ce qui peut rapidement altérer une prise en charge.

Le syndrome dissociatif entraine fréquemment chez le patient schizophrène une

transgression des règles de notre société, ses comportements discordants sont inadaptés à

la situation mais les troubles du cours de la pensée et l’altération du système logique ne lui

permettent pas de prendre conscience de l’inadéquation de ses comportements. En fixant un

cadre, l’ergothérapeute l’aide à maitriser ses comportements inadaptés en lui indiquant par

sa gestuelle, ses expressions faciales ou simplement verbalement, ce qui est autorisé et ce

qui ne l’est pas. Dans ce cas, les communications infra-verbale et non verbale sont

particulièrement utiles car elles permettent de faire passer un message sans que le patient

ne le vive comme un ordre et ne se sente agressé. Le cadre va alors permettre au patient de

se sentir soutenu et contenu, lui permettant d’accéder à un espace de repos, de calme, afin

d’ouvrir un espace de création et de communication.

I-3-4-2 - L’ergothérapeute face au syndrome délirant

Il est difficile pour l’ergothérapeute de savoir comment réagir face à un épisode délirant

mais il est primordial de prendre en compte cet épisode, de ne pas laisser le patient seul

face à son délire. L’écoute et ses différents niveaux sont alors très utiles ici puisqu’ils

permettent au patient de se sentir soutenu, écouté sans être jugé. Par son écoute attentive,

l’ergothérapeute montre au patient son implication, son intérêt et accueille son délire. De

même, pendant un épisode délirant, l’ergothérapeute, par son empathie va pouvoir « se

mettre à la place » du patient, sans pour autant prendre sa place, lui permettant ainsi de

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Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute – Juin 2010 31

mieux comprendre ses sentiments, ses émotions et son angoisse. Ceci se traduit de la part

du thérapeute par l’utilisation adaptée des niveaux de communication, reflets de la

disponibilité de l’ergothérapeute.

D’après Jean-Paul Sartre, « nous ne sommes nous qu’aux yeux des autres et c’est à

partir du regard des autres que nous nous assumons comme nous-mêmes ».36 En effet, tout

particulièrement lors des épisodes délirants, il est important de se souvenir que

l’ergothérapeute est le reflet de ce que le patient dégage, il est en quelques sortes son miroir

dans la réalité. Notre façon de nous tenir, de regarder, de nous placer, de nous exprimer…

est en relation directe avec ce que nous voyons, ou plus particulièrement avec ce que nous

renvoie le patient. Ainsi, notre façon d’être est l’ancrage direct du patient dans la réalité.

D’après Winicott37, pour exister, il faut être vu, ainsi, pour que le patient puisse se construire

lui-même, il est important qu’il puisse se voir dans les yeux de l’ergothérapeute, toutefois si

contre-transfert il y a, le patient ne pourra se voir lui-même et ne saura se construire en tant

que tel. Le rôle du miroir de l’ergothérapeute se manifeste alors lors de l’activité par des

compliments, des sourires, des encouragements, un renforcement positif personnalisé qui

viendra affirmer le narcissisme du patient38. D’ailleurs, cela explique que lors d’une activité,

le patient nous demande souvent notre avis et répète fréquemment des phrases du type

« c’est bien comme ça ? »

I-3-4-3 - L’ergothérapeute face au syndrome autistique

Dans le service du patient schizophrène, les soins sont essentiellement axés sur le

patient, ses soucis, son mal-être, ses angoisses, ses symptômes et la prise en charge est

réalisée en conséquence. En ergothérapie, l’objectif concernant le syndrome autistique est

de décentrer le patient de lui-même, de l’ouvrir sur son environnement, en lui faisant

découvrir de nouveaux centres d’intérêt, de nouvelles personnes, de nouveaux lieux... le

sortant ainsi d’une démarche autocentrée. Tout d’abord, l’ergothérapeute utilise sa

communication verbale et non verbale pour rassurer le patient, pour le mettre en confiance,

puis, par la suite, en proposant diverses activités, il va tenter d’induire chez le patient

schizophrène une implication, un intérêt pour autre chose que pour lui-même. Pour cela,

l’ergothérapeute va, pendant l’activité, se décentrer quelque peu du patient par des regards

plus ponctuels, une proxémique plus grande, une gestuelle moins tournée vers le patient,

une verbalisation moins fréquente… tout en restant disponible si besoin. Cela va permettre

au patient d’explorer lui-même la matière, d’avoir une plus grande zone de liberté, 36 SARTRE J-P., L’être et le néant, essai d’ontologie phénoménologique – Gallimard, 2008 – 675 p. 37 PIBAROT I., op. cit. – p. 9 38 J’anime un groupe psychoéducatif pour patients schizophrènes - Schiz’ose dire, spécial soignant – Lilly, 2004 – p. 8

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d’autonomie et de création, il prendra lui-même des décisions en fonction de ce qui lui plait,

lui permettant de se responsabiliser et de s’impliquer dans quelque chose qu’il a choisi, voire

qu’il apprécie. Le patient va alors agir et interagir sur son environnement, l’incitant à se

décentrer de lui-même et à différencier son imaginaire de la réalité.

D’autre part, avec un patient présentant des troubles autistiques, il est important, comme

nous l’avons vu précédemment, de faire attention à notre gestuelle qui peut vite être

considérée comme une menace voire une agression, car le toucher porte souvent atteinte à

l’espace vital du patient, d’où la nécessité de prévenir le patient avant chaque contact.

Il est fréquent d’observer pour les patients schizophrènes des séances d’ergothérapie en

groupe, ouvert ou fermé, ce qui favorise une certaine resocialisation parfois même une

complicité entre les patients. Ce type de prise en charge confronte le patient à la réalité en lui

apprenant à gérer ses frustrations ; l’ergothérapeute a alors pour rôle de susciter l’entraide et

la prise d’initiatives tout en assurant une dynamique de groupe en favorisant les échanges et

la communication entre les patients. La difficulté pour l’ergothérapeute est donc de trouver la

distance adéquate afin de favoriser l’autonomie des patients sans pour autant les laisser

seuls, ce qui majorerait rapidement l’angoisse.

Cette première partie nous a permis de nous familiariser avec les différents concepts

intervenants dans la relation entre un patient et son ergothérapeute. Nous avons pu observer

que chacune de nos attitudes est adaptée à la situation présente et constitue le reflet de

notre psychisme. En définissant la communication et ses différents niveaux, nous avons

également pu noter que la communication non verbale représente justement une forme

d’attitude puisqu’elle transmet indirectement au monde extérieur nos états d’esprit intérieurs.

C’est en utilisant de manière appropriée ces niveaux de communication et en adoptant des

attitudes de communication adéquates que nous pouvons espérer mettre en place une

relation de qualité avec le patient.

Chez la personne schizophrène, ce sont justement toutes ces notions d’attitude, de

communication et de relation qui sont déficitaires, d’où la difficulté à élaborer une quelconque

relation. En séance, l’ergothérapeute, par divers moyens, fait face aux symptômes liés à la

schizophrénie ; tous ces moyens apparaissent alors, pour la deuxième partie, comme des

éléments de réponse, nous permettant ainsi d’élaborer une hypothèse répondant à la

problématique.

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II – HYPOTHESE Comment par ses attitudes l’ergothérapeute peut-il influer sur la relation qu’il

entretient avec un patient schizophrène ?

Cette question, que j’ai définie comme ma problématique, m’a guidée tout au long de ma

première partie. En effet, la rédaction de mon cadre théorique m’a permis d’éclaircir et de

définir tous les concepts qui, d’après moi, interviennent dans la relation entre un patient

schizophrène et son ergothérapeute.

Suite à cela, j’ai décidé de m’intéresser tout particulièrement à la communication non

verbale, qui, comme nous l’avons vu, est une attitude à part entière et dont l’importance dans

la communication et dans la relation est considérable.

Ainsi, la communication non verbale apparait comme une piste afin de répondre à ma

question de recherche ; mon travail théorique et mon cheminement personnel m’ont alors

conduite à émettre l’hypothèse suivante :

La communication non verbale de l’ergothérapeute permet d’agir de façon positive sur les troubles relationnels liés à la schizophrénie.

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III – ETUDE

III-1 – METHODOLOGIE

III-1-1 – Le choix de la méthode

Après avoir effectué mes recherches théoriques, il m’a paru nécessaire de réaliser un

travail d’enquête sur le terrain. En effet, afin de soumettre mon hypothèse à ma

problématique, il est indispensable de confronter la théorie avec la réalité des prises en

charge ergothérapiques.

Pour cela, j’ai décidé d’utiliser la technique de l’entretien semi-directif. Organisé autour

de quelques axes thématiques que j’ai définis par avance, il me permet d’explorer les

ressentis, les expériences, les opinions mais également les attitudes de mes interlocuteurs.

La méthode semi-directive permet à la personne interrogée une certaine liberté de propos

tout en suivant la trame de mes questions. Les questions ouvertes de mon entretien donnent

également la possibilité à l’interlocuteur d’exprimer des éléments qui lui semblent pertinents

dans le cadre de mon travail, éléments que je n’ai pas forcément mentionnés dans mon

cadre théorique.

J’ai donc décidé de m’entretenir avec quatre ergothérapeutes, toutes travaillant en

psychiatrie. Dans le cadre de mon mémoire, je n’ai pas jugé pertinent de m’entretenir avec

d’autres professionnels de la santé ; certes, ils perçoivent d’un œil extérieur les attitudes de

l’ergothérapeute, mais l’intérêt de mon mémoire réside dans la prise de conscience de ses

propres attitudes par l’ergothérapeute, le but étant de poser un regard réflexif sur sa pratique

professionnelle. En revanche, je me suis entretenue avec quatre ergothérapeutes ayant

chacune des pratiques professionnelles différentes. Afin de garantir l’anonymat des

entretiens, je nommerai les ergothérapeutes par les lettres suivantes :

A : diplômée depuis deux ans. Travaille dans une unité d’ergothérapie et de réinsertion

auprès de patients suivis en ambulatoire.

B : diplômée depuis 25 ans. Travaille en intra-hospitalier, en hôpital de jour et en Centre

Médico-Psychologique.

C : diplômée depuis 25 ans. Travaille uniquement en intra-hospitalier.

D : diplômée depuis 15 ans. Travaille uniquement en service d’ergothérapie à domicile.

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III-1-2 – Le guide d’entretien (Annexe 5)

Lors de mes entretiens, avant toute question, j’ai présenté mon thème de mémoire à

mes interlocuteurs, tout en restant assez évasive afin de ne pas les influencer dans leurs

réponses. Mon guide d’entretien compte 10 questions, réparties en trois parties : la

communication, l’exercice professionnel et le patient schizophrène :

La communication

D’un point de vue ergothérapique, comment définiriez-vous le concept de communication et

qu’inclut-il pour vous ?

Je cherche à savoir quelles représentations ont les ergothérapeutes de la

communication.

Avez-vous connaissance du niveau non verbal de la communication ?

Si oui, comment le caractériseriez-vous ?

Je souhaite savoir si la communication non verbale est un concept qu’elles connaissent

et ce qu’elles englobent sous ce terme.

L’exercice professionnel

D’après vous, ce niveau a-t-il une quelconque importance dans une prise en charge

ergothérapique ?

Pourquoi et comment ?

Je cherche à me faire une idée quant à l’importance du niveau non verbale de la

communication dans une prise en charge ergothérapique.

Dans votre pratique d’ergothérapeute, prêtez-vous attention à votre propre communication

non verbale ? A celle du patient ?

Comment cela se traduit-il ?

Ici, je veux comparer l’importance que les ergothérapeutes accordent à leur propre

communication non verbale avec l’importance qu’elles attachent à celle du patient.

Auprès d’un patient schizophrène

Dans la relation que vous entretenez avec un patient schizophrène, quelle est la place de la

communication et de ses différents niveaux ?

Je cherche à savoir si auprès des patients schizophrènes, les ergothérapeutes

privilégient un niveau de communication en particulier.

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Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute – Juin 2010 36

Dans une prise en charge ergothérapique, quelles sont, d’après vous, les attitudes à adopter

ou au contraire à éviter face à un patient schizophrène afin d’entretenir une relation de

qualité ?

Ici, je souhaite savoir si elles considèrent que certaines attitudes sont à proscrire ou au

contraire à prioriser face à un patient schizophrène.

Pensez-vous que la communication non verbale de l’ergothérapeute a une incidence,

positive ou négative, sur le syndrome dissociatif du patient schizophrène ?

D’après vous, sur quels symptômes et de quelle manière ?

En avez-vous déjà fait l’expérience ?

Je veux savoir si les ergothérapeutes considèrent que la communication verbale est en

lien direct avec l’évolution du syndrome dissociatif du patient schizophrène.

Pensez-vous que la communication non verbale de l’ergothérapeute a une incidence,

positive ou négative, sur le syndrome délirant du patient schizophrène ?

D’après vous, de quelle manière ?

En avez-vous déjà fait l’expérience ?

De la même manière que la question précédente, je cherche à savoir si les

ergothérapeutes considèrent que la communication verbale est en lien direct avec l’évolution

du syndrome délirant du patient schizophrène.

Pensez-vous que la communication non verbale de l’ergothérapeute a une incidence,

positive ou négative, sur le syndrome autistique du patient schizophrène ?

D’après vous, de quelle manière ?

En avez-vous déjà fait l’expérience ?

Ici, je souhaite également savoir si elles considèrent que la communication verbale est

en lien direct avec l’évolution du syndrome autistique du patient schizophrène.

Pour conclure, pensez-vous que certaines attitudes de l’ergothérapeute peuvent agir sur les

troubles relationnels liés à la schizophrénie ?

Si oui, lesquelles et pourquoi ?

Enfin, de manière plus générale, je souhaite me faire une idée quant à l’importance et

l’influence que peuvent avoir les attitudes de l’ergothérapeute sur les troubles de la relation

du patient schizophrène.

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III-1-3 – Les limites de l’entretien

Etant donné le sujet de mon travail, j’ai décidé de ne m’entretenir qu’avec des

ergothérapeutes, cependant je n’en ai interrogé que quatre. Certes, elles m’ont permis de

compléter l’apport théorique de mon travail, mais il est possible que si j’avais rencontré

davantage de personnes, j’aurais probablement apporté plus de nuances à mes conclusions,

et j’aurais peut-être même mis en avant d’autres facteurs.

Concernant mon guide d’entretien, avec du recul, je pense que la manière dont

certaines questions sont posées influe sur la réponse donnée par l’ergothérapeute, en effet,

par les contradictions que j’ai pu relever dans la retranscription de mes entretiens

(Annexes 6 et 7), je me suis aperçue qu’il était difficile de répondre négativement à

certaines de mes questions.

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Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute – Juin 2010 38

III-2 – ANALYSE DES DONNEES RECUEILLIES

III-2-1 – La communication

III-2-1-1 - Le concept de communication

Le tableau 2 en annexe (annexe 8) récapitule les notions abordées par les

ergothérapeutes lorsqu’on leur demande ce qu’évoque pour elles le concept de

communication

Nous pouvons constater que pour la majorité des ergothérapeutes interrogées, la

notion de communication renvoie directement aux différents niveaux de communication.

L’ergothérapeute A parle de communication verbale mais également de communication

visuelle et gestuelle. La professionnelle B évoque l’importance de la communication non

verbale, qui d’après elle représente environ 70% de la communication (contre 30% de

communication verbale). L’ergothérapeute C parle de communication par la parole, par les

gestes, mais plus généralement par une attitude globale de la personne. En revanche,

l’ergothérapeute D n’aborde pas les différents niveaux de communication. Ces réponses

nous montrent que le niveau verbal et non verbal sont, pour les ergothérapeutes, bien

souvent indissociables. Cependant, aucune des professionnelles interrogées n’évoque le

niveau infra-verbal de la communication, qui semble assez méconnu.

Contrairement aux idées reçues, communication n’est pas toujours associée à

relation, en effet, nous voyons ici que seule la professionnelle A définit la communication

comme « le fait d’entrer en relation ». Pour les autres ergothérapeutes, la communication

renvoie davantage à la notion d’échange, de transmission, de dialogue,

d’intercommunication, en effet, pour l’ergothérapeute B « c’est un moyen d’échanger, de se

faire comprendre, de transmettre des informations ». En revanche, l’ergothérapeute D n’insiste pas sur la notion d’échange mais évoque plutôt la fragilité de la communication

dans une prise en charge, ainsi que la présence d’un émetteur, d’un récepteur et d’un

message clair.

Les réponses à cette question nous montrent bien que la communication est un concept

très personnel, dont les définitions varient selon les personnes interrogées. Malgré tout,

l’échange ainsi que la communication verbale et non verbale sont des notions redondantes.

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Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute – Juin 2010 39

III-2-1-2 - Le niveau non verbal de la communication

Le tableau 3 en annexe (annexe 9) nous permet de visualiser ce que chaque

ergothérapeute entend par « communication non verbale ».

Nous pouvons constater que toutes les ergothérapeutes interrogées ont connaissance

du niveau non verbal de la communication, cependant, elles ne le définissent pas de la

même manière.

Trois des personnes interrogées insistent sur l’importance du regard, de la manière de

regarder et d’être regardé. Comme le dit l’ergothérapeute A, « c’est très important de

regarder une personne dans les yeux et de sentir qu’on nous regarde ».

Les professionnelles B et C considèrent que l’attitude, la manière d’être face à l’autre,

constitue une grande partie de la communication non verbale.

Les ergothérapeutes A et D évoquent l’importance d’un bon placement, d’une

« proximité » adaptée face à un patient. Seule l’ergothérapeute D parle des mimiques, et

insiste sur l’importance de l’observation, même si elle avoue ne pas savoir interpréter tous

ces signes.

Enfin, les quatre personnes interrogées s’accordent sur le fait que la communication

verbale passe nécessairement par les gestes, et plus particulièrement par le toucher.

Grâce à cette question, nous pouvons remarquer que la communication non verbale est

un concept qui semble assez connu des ergothérapeutes, et dont les composantes sont

multiples et variés.

III-2-2 – L’exercice professionnel

III-2-2-1 - Le niveau non verbal dans une prise en charge ergothérapique

Toutes les ergothérapeutes interrogées ont répondu unanimement et estiment que le

niveau non verbal a une importance non négligeable dans une prise en charge.

Toutes les quatre insistent sur l’importance de l’observation dans une prise en charge, et

c’est justement l’observation des différentes composantes de la communication non verbale

qui va permettre de décrypter ce que le patient ressent, d’identifier l’état dans lequel il se

trouve, s’il est présent ou parasité, s’il a bien reçu le message ou non et comment il l’a reçu,

s’il acquiesce… Toutes emploient l’expression « faire attention à l’autre » afin de s’ajuster et

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Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute – Juin 2010 40

d’ajuster ou réguler ses propres attitudes, d’adopter une façon d’être adaptée à la situation

en fonction des observations que l’on a pu faire et en fonction de ce que nous renvoie le

patient. La professionnelle D ajoute que l’observation, d’après elle, se fait beaucoup en

fonction de la symptomatologie du patient, permettant de repérer parfois certaines attitudes

anormales.

L’ergothérapeute B nous souligne qu’il lui arrive parfois de se retrouver dans la même

posture que la personne avec qui elle communique, sans qu’elle ne l’ait fait volontairement,

car d’après elle, c’est une façon de se comprendre, d’être attentif à l’autre. D’après elle, ceci

illustre bien toute l’importance de la communication non verbale même si cette forme de

communication reste assez spontanée et rarement pensée ou préméditée.

Enfin les professionnelles A, B et C s’accordent sur le fait que la communication non

verbale est difficilement dissociable de la communication verbale car comme le dit

l’ergothérapeute C, « ça n’est pas parce qu’une personne ne parle pas qu’elle n’est pas

capable d’entendre », d’où l’importance de verbaliser, de poser des mots sur ce qu’on croit

comprendre mais aussi sur ce qu’on fait pour avoir un retour, pas forcément verbal, de la part

du patient. Ainsi, la communication verbale a également un rôle prépondérant dans une prise

en charge ergothérapique.

Cette question nous permet de constater que lorsqu’on parle uniquement de

« communication non verbale en ergothérapie », les ergothérapeutes parlent spontanément

de celle des patients, mais elles ne parlent que très rarement de leur propre communication

non verbale, alors que dans la question je n’ai pas mentionné le terme « patient ». Seule

l’ergothérapeute C, dans un petit aparté, parle de l’importance de la réflexivité de

l’ergothérapeute : « Nous sommes là pour emmener la personne d’un point à un autre, faire

que ses relations ne soient plus vraiment pathologiques, si nous ne sommes pas capables

d’étayer les nôtres, de réfléchir dessus, d’avancer, on tombe dans l’occupationnel et ce n’est

pas mon métier. »

III-2-2-2 - L’attention portée à sa propre communication non verbale

Pour chacun des entretiens, il est amusant de noter que les réponses ont toutes été

précédées d’une période de silence, probablement temps de réflexion, plus ou moins long en

fonction des personnes interrogées. Néanmoins, chacune d’entre elles ont affirmé prêter

attention à leur propre communication non verbale, mais parfois en émettant quelques

réserves.

En effet, les ergothérapeutes A et B nous expliquent qu’il leur arrive d’être attentives au

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niveau non verbal de leur communication, mais plutôt après coup, en se disant « j’aurai du

faire ça… ». Il arrive que cette attention s’apparente également à une prise de conscience

ponctuelle du type « ah, tiens là je suis comme ça ». Elles avouent se remettre en question,

souvent suite à une erreur de leur part, mais c’est ce qui leur permet d’avancer et de

s’améliorer.

Les ergothérapeutes C et D insistent davantage sur l’influence de l’expérience

professionnelle et personnelle. D’après elles, la communication non verbale est quelque

chose de naturel, qu’on ne calcule pas et à laquelle on ne réfléchit pas. Toutefois, la

professionnelle D précise qu’il lui arrive de maîtriser sa communication non verbale,

notamment lorsqu’elle est fatiguée, afin de ne pas renvoyer au patient une image négative.

L’ergothérapeute C pense qu’il faut faire attention à soi, mais qu’avec la pratique « c’est

comme le vélo, ça devient automatique ». D’après elle, il est important d’être soi-même, de

faire en sorte que les choses n’aillent pas en contradiction avec sa personnalité, « ça n’est

pas parce qu’on enfile une blouse blanche qu’on est quelqu’un d’autre », néanmoins, on

s’améliore toujours, on améliore notre façon de faire, on acquiert plus de technique, mais

d’après elle, il faut rester soi-même.

Nous pouvons noter une convergence des réponses lorsque le thème du patient est

abordé. En effet, chacune des ergothérapeutes interrogées affirme prêter davantage

attention à la communication non verbale du patient qu’à la sienne. L’observation du patient

se fait sciemment alors que la leur ne se fait qu’après coup ou de façon exceptionnelle.

Pourtant, à la question « prêtez-vous attention à votre propre communication non-

verbale ? », les quatre ergothérapeutes ont répondu « oui », ce qui met en avant une

certaine contradiction.

III-2-3 – Auprès d’un patient schizophrène

III-2-3-1 - La relation : place de la communication et des différents niveaux

A ce sujet, les quatre personnes interrogées estiment que les différentes formes de

communication ont chacune une grande importance auprès d’un patient schizophrène, elles

sont intriquées et quasiment indissociables. La prise en charge en ergothérapie, comme la

définit l’ergothérapeute B, c’est « le fait d’utiliser les médiations pour communiquer, pour

favoriser l’expression mais aussi pour que les patients soient dans la réalité », et pour cela, il

n’y a pas un niveau de communication qui soit plus important que l’autre, chacun intervient et

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complète l’autre.

L’ergothérapeute C parle d’une attitude générale, une attitude d’écoute et de disponibilité

auprès du patient schizophrène. Ceci va favoriser un contexte d’échange, permettant au

patient d’être ce qu’il est, même s’il est mal, et c’est ce qui fait que l’activité est

thérapeutique. L’ergothérapeute D rejoint alors la professionnelle C en insistant sur

l’importance des mots dans l’échange, notamment auprès des patients schizophrènes. Lors

d’un épisode délirant, l’attitude du patient peut mettre en avant quelque chose d’inadapté,

dans ce cas, il est nécessaire de mettre des mots sur ce que nous observons de non-dit,

« d’avoir un retour verbal sur une communication non verbale ». L’ergothérapeute D insiste

particulièrement sur le fait de verbaliser lorsqu’une situation peut être difficile pour un patient

schizophrène, car la relation peut rapidement être faussée par un retrait du patient ou par

des idées délirantes. Elle parle de « remettre des mots entendables, des mots sur des

sensations qui sont parfois complètement folles » afin que le patient puisse réaliser que ses

sentiments sont entendables par l’autre. L’objet est support et intermédiaire à la relation, et

d’après elle, il est indispensable au départ, pour que le patient puisse se projeter dedans,

mais plus tard, il ne devient qu’un prétexte, mais nécessaire « car il faut bien une raison

d’être là, raison par antonymie à la folie supposée, ça veut dire que tout est entendable. »

L’ergothérapeute B considère que face à un patient schizophrène dispersé, comme face

à un patient dépressif, il est important d’utiliser la communication non verbale, qui va

permettre de stopper un discours qui peut parfois s’avérer stérile et redondant, mais qui va

également éviter de conforter les patients dans leurs idées négatives. De plus, auprès d’un

patient schizophrène, les mots sont parfois mal interprétés, dans ce cas, il est important de

raccrocher le patient à l’activité.

Par cette question, nous pouvons alors constater que les avis sont divergents

concernant l’utilisation des mots, néanmoins, les quatre ergothérapeutes considèrent que les

différents niveaux de communication sont importants et indissociables les uns des autres.

Elles parlent également de la spécificité de chaque patient, d’où la nécessité de savoir

s’adapter à chaque cas rencontré.

III-2-3-2 - Les attitudes à adopter ou à éviter face à un patient

schizophrène

Pour chacune des ergothérapeutes, il n’y a pas une attitude à adopter face à un patient

schizophrène, mais plutôt des attitudes à adapter à chaque patient, non pas en fonction de

sa pathologie, mais en fonction de lui-même en tant que personne. Nos comportements

varieront d’un patient schizophrène à un autre, même s’ils présentent tous deux les mêmes

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symptômes. Malgré cette convergence des points de vue concernant l’absence d’attitudes

prédéfinies, les quatre ergothérapeutes interrogées ont des avis différents quant aux

principes de base d’une prise en charge de qualité.

L’ergothérapeute A pense qu’il est nécessaire de faire preuve d’empathie, d’écoute face

aux souffrances et aux difficultés, de disponibilité, de bienveillance et d’observation afin de

repérer les difficultés. D’après elle, l’ergothérapeute doit également être garant du cadre afin

que le patient schizophrène soit rassuré d’être face à quelqu’un de fiable.

Pour la professionnelle B, il faut adapter ses attitudes au cas par cas. Toutefois, face à

des patients délirants, mieux vaut éviter d’alimenter la conversation, il est alors nécessaire

de réorienter le patient vers des choses plus concrètes, des choses de la réalité, comme ce

qu’il est entrain de faire par exemple. Face à des patients plus angoissés, il faut essayer de

rassurer en reprenant ce qu’on perçoit d’angoissant dans la situation, et utilisant des paroles

apaisantes. Enfin, d’après elle, il est important avec les patients schizophrènes de limiter les

informations, mais plutôt de faire simple car un excès d’informations peut vite se transformer

en situation angoissante et complexe.

L’ergothérapeute C parle de principes de base comme celui de respecter ce que le

patient a envie de faire. Elle insiste aussi sur le fait que lorsqu’on ne connait pas, mieux vaut

reprendre le mot que la personne emploie afin d’éviter toute interprétation ou mauvaise

utilisation du mot si le sens n’est pas le même. Enfin, la relation s’établit dans un cadre

précis, celui de l’atelier, avec des horaires, un lieu, des règles, « et dans ce cadre tout est

possible ».

Enfin, pour l’ergothérapeute D, il ne faut pas renforcer le délire, ce qui nécessite de

cadrer, d’entourer et de rassurer, tout cela en étant dans l’activité. Face à un délire, il faut

pouvoir verbaliser pour que le patient sache qu’on l’entend bien, même si on n’adhère pas à

ses propos. Face à certains patients plus fuyant, le contact est à éviter, mais d’autres

patients schizophrènes peuvent tout à fait le supporter.

Nous pouvons constater que chaque ergothérapeute a des principes qui lui sont

propres, néanmoins, elles s’accordent toutes sur le fait que les attitudes à adopter face à un

patient ne sont pas liées à la pathologie en elle-même, mais davantage au patient, à sa

personnalité et à ce qu’il nous renvoie.

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III-2-3-3 - La communication non verbale de l’ergothérapeute face aux

différents syndromes de la schizophrénie

Concernant le syndrome dissociatif, les ergothérapeutes A et D estiment que la

communication non verbale de l’ergothérapeute a effectivement un impact non négligeable.

D’après elles, le patient schizophrène est très sensitif, il a besoin d’un environnement

rassurant, cadrant, et structuré, c’est pourquoi l’ergothérapeute se doit de maîtriser la

situation, de ne pas être elle-même dispersée. Toutefois, une attitude trop cadrante, trop

stricte pourrait engendrer le repli ou la fuite du patient ; l’ergothérapeute D adopte alors une

attitude globale, en fonction de ce que lui renvoie le patient et en fonction de ce qu’elle

perçoit de la situation.

La professionnelle C considère également le patient schizophrène comme quelqu’un de

très sensitif, qui perçoit beaucoup de choses, notamment par rapport à nos attitudes, mais

elle n’est pas en mesure de nous dire si cela a réellement un impact sur le syndrome

dissociatif ou non. D’après elle, l’important face à un patient schizophrène, c’est de ne pas

faire quelque chose et dire son contraire car c’est justement ce qui caractérise la

schizophrénie, les sentiments contradictoires. Elle insiste également sur l’importance de ce

que l’ergothérapeute met en place, et sur ce que toute l’équipe peut mettre en place pour

aider le patient.

Pour l’ergothérapeute B, la communication non verbale n’est pas en lien direct avec le

syndrome dissociatif, car la dissociation vient de l’intérieur, et simplement avec notre

communication non verbale, nous ne pouvons pas agir directement sur ce que le patient

produit intérieurement, sinon « nous aurions beaucoup de pouvoir ! » Elle rejoint alors

l’ergothérapeute C et considère qu’en revanche, ce que nous allons proposer a davantage

d’influence sur le syndrome dissociatif que notre communication non verbale à elle seule.

Au sujet du syndrome délirant, les ergothérapeutes A, B et D considèrent que notre

communication non verbale à elle seule ne déclenche pas le délire, mais elle peut

l’alimenter. En effet, si le délire est présent, nos attitudes, nos sourires, nos regards…

peuvent rapidement être interprétés dans le sens du délire. Mais les ergothérapeutes

soulignent qu’il est important d’être vigilant puisque nous ne maîtrisons pas le regard que le

patient pose sur nos propres attitudes.

L’ergothérapeute B pense que notre manière de faire, ce que nous proposons et la

façon dont nous le proposons peuvent avoir une influence positive sur le syndrome délirant.

Enfin, les professionnelles A et D rejoignent l’ergothérapeute C qui estime que face à un

délire, « tout ce qui peut ne pas se dire, c’est encore mieux de le dire ». Il est important

d’engager la conversation, ne serait-ce que pour rassurer le patient et lui dire que nous

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entendons bien ce qu’il croit voir, mais que nous ne le voyons pas ainsi. L’ergothérapeute C

insiste davantage sur l’intonation que sur le contenu car il est important d’être convaincu de

nos propos afin d’obtenir l’effet escompté.

Concernant le syndrome autistique, les professionnelles A, B et D considèrent que notre

communication non verbale a effectivement un impact non négligeable sur ce syndrome.

Pour l’ergothérapeute A, grâce à nos regards, à notre proximité, nous allons pouvoir dans un

premier temps rassurer le patient pour ensuite l’aider à s’ouvrir davantage à ce qui l’entoure.

Toutefois, face à un ergothérapeute trop intrusif, le patient peut rapidement se renfermer.

Face à un patient replié, apathique, l’ergothérapeute B considère qu’il faut être

stimulant dans sa communication verbale mais également dans sa communication non

verbale, en faisant avec le patient, en proposant des idées… Dans ces cas là, il est important

de repérer les patients qui ont besoin d’aide puisqu’ils ne sont pas toujours en mesure de

nous le dire.

Même si la professionnelle D ne réalise que des prises en charge individuelles, elle

considère qu’en groupe, l’ergothérapeute peut influer sur le syndrome autistique en

instaurant une dynamique de groupe et en stimulant les interrelations qui peuvent exister

entre les patients. Dans ses prises en charge individuelles, elle insiste sur le fait d’être

disponible, d’être présent, d’engager la conversation par des questions ouvertes mais sans

trop insister, « sans forcer le verrou », il faut être patient.

Concernant le syndrome autistique, l’ergothérapeute C ne se prononce pas réellement

quant à l’impact de notre communication non verbale, cependant, elle met l’accent sur le

temps de rencontre, d’approche, particulièrement important face aux patients présentant ce

syndrome. Ce temps permet à chacun de faire connaissance de l’autre, il y a alors une

certaine réciprocité puisque d’après elle, on ne peut pas aller à la rencontre de l’autre si on

ne laisse pas l’autre aller à notre rencontre, sans quoi le patient ne nous fera jamais

confiance. Il est alors indispensable d’être vrai, d’être soi-même. Toutefois, elle souligne

l’importance d’une distance adaptée, puisque « ce ne sont pas des copains. »

Concernant les trois grands syndromes de la schizophrénie, il est intéressant de

remarquer que les avis sont assez divergents, et les explications toutes différentes. Mais

comme le dirait l’ergothérapeute B, « mince, depuis tout ce temps, je ne me suis jamais posé

cette question là ! » ce qui montre bien toute la difficulté à se poser en tant qu’observateur de

ses propres attitudes.

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III-2-3-4 - Les attitudes de l’ergothérapeute face aux troubles relationnels

A ce sujet, les quatre ergothérapeutes interrogées estiment que les attitudes de

l’ergothérapeutes peuvent agir, de manière plus ou moins directe, sur les troubles

relationnels liés à la maladie. L’ergothérapeute A précise d’ailleurs que cela constitue

généralement un des objectifs principaux de l’ergothérapeute dans sa prise en charge.

Les professionnelles B et C considèrent effectivement que nos attitudes ont un impact

sur les troubles de la relation, mais elles ne peuvent pas réellement déterminer quand,

comment et pourquoi. Elles constatent toutes les deux que « globalement, ça fonctionne »,

mais avouent ne pas s’être posé suffisamment la question pour pouvoir l’expliquer

clairement. D’après elles, il pourrait être intéressant de mettre en place des grilles afin

d’évaluer l’ergothérapeute et l’impact de ses attitudes, et pour plus de précision, il faudrait

que l’analyse soit faite par une tierce personne. Comme le dit l’ergothérapeute B « je ne sais

pas si nous avons réellement des effets positifs, mais en tout cas, nous nous devons de ne

pas en avoir de négatifs », ce qui illustre bien le questionnement des ergothérapeutes face à

leur propre pratique.

Pour les ergothérapeutes A et D, pour pouvoir espérer avoir des effets positifs sur les

troubles de la relation du patient schizophrène, il est important d’instaurer une relation de

confiance, en faisant preuve d’empathie, d’écoute, de disponibilité, et sans émettre de

jugement. Les prises en charge individuelles, notamment les prises en charge à domicile,

permettent de travailler autour de la relation duelle, en faisant avec le patient, en le stimulant

et en lui apprenant à se stimuler dans les actes de la vie quotidienne. Il est important de le

mobiliser, tant au niveau de l’action que de la communication. Dans des prises en charges

en groupe, le travail se fait autour de la relation vis-à-vis des autres, l’ergothérapeute, grâce

aux activités qu’il propose, favorise les échanges et interactions dans le groupe et instaure

une certaine dynamique.

Cette dernière question nous montre bien qu’il est particulièrement difficile de réfléchir

sur sa pratique, sur ses attitudes et sur l’impact qu’elles peuvent avoir. Même si chacune des

ergothérapeutes considère que nos attitudes agissent sur les troubles relationnels, deux

avouent s’être rarement posé la question.

L’analyse de ces entretiens nous permet de constater que les réponses sont assez

diversifiées et que la communication est un concept assez subjectif qui dépend fortement

des représentations que la personne peut en avoir. Mais comme le dit l’ergothérapeute B,

« tout ce qui est moyen de communiquer autrement, c’est aussi la spécificité du travail

relationnel que l’on fait en ergothérapie. »

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IV – DISCUSSION

Une fois ma partie conceptuelle terminée, j’ai posé l’hypothèse selon laquelle la

communication non verbale de l’ergothérapeute permet d’agir de façon positive sur les

troubles relationnels liés à la schizophrénie.

La confrontation de ma partie théorique avec l’analyse des données recueillies permet

de discuter de la pertinence de mon hypothèse.

Nous constatons tout d’abord que la communication est un concept très personnel dont

chacun a sa propre définition. Aucune des ergothérapeutes interrogées ne la définit de la

même manière, elles abordent chacune des notions développées dans ma partie théorique,

mais elles mettent également en avant d’autres éléments dont je n’ai pas parlé, comme par

exemple la notion d’un émetteur et d’un récepteur. La plupart d’entres elles, pour définir la

communication, cite le niveau verbal et le niveau non verbal, mais aucune n’a mentionné le

niveau infra verbal. Nous pouvons alors nous demander si cette absence est due à un

simple oubli, à une méconnaissance ou bien à un choix : les ergothérapeutes jugent-elles

que ce niveau n’est pas réellement un moyen de communication à part entière ? En tout cas,

la communication non verbale est quasi indissociable de la communication verbale, chacune

complétant l’autre.

Concernant la communication non verbale, les notions les plus abordées lors des

entretiens sont les gestes, le toucher et le regard, particulièrement utilisés par les

ergothérapeutes. Cependant, toutes les composantes du niveau non verbal décrites dans

ma partie théorique ont été citées au moins une fois. Toutefois, deux ergothérapeutes

définissent l’attitude, la façon d’être, comme étant une composante de la communication non

verbale ; dans ma partie conceptuelle, je considère au contraire que la communication non

verbale est une forme d’attitude puisqu’elle permet de traduire extérieurement nos états

d’esprit intérieurs. Mais il n’est pas certain que nous définissions l’attitude de la même

manière, et il est possible que les ergothérapeutes nomment « attitude » ce que j’appelle moi

« posture » et qui, dans ma partie théorique, figure bien dans les différentes composantes de

la communication non verbale.

Lorsque nous transposons ce sujet à l’ergothérapie, la communication non verbale

apparaît comme particulièrement importante dans toute prise en charge. Les

ergothérapeutes insistent sur la nécessité de l’observation ; mais il est intéressant de

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Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute – Juin 2010 48

remarquer que spontanément, lorsque j’évoque la communication non verbale, toutes me

renvoient à celle du patient, alors que dans ma question, rien ne laissait supposer que je

parlais de celle du patient. Ce constat montre bien que nous ne pensons pas de façon

spontanée à notre communication non verbale, nous sommes davantage axés sur celle du

patient, et c’est à partir de celle du patient que nous « calquons » la notre. En quelques

sortes, nous adaptons nos attitudes en fonction de ce que nous renvoie le patient, et non

l’inverse, c'est-à-dire que nous n’adoptons pas telle ou telle attitude dans l’idée d’engendrer

telle ou telle réaction de la part du patient.

Seule une ergothérapeute évoque l’importance de la réflexivité dans notre travail, mais

elle avoue pourtant ne pas faire régulièrement attention à ce qu’elle peut renvoyer par son

niveau non verbal et verbal.

Lorsque les ergothérapeutes parlent de leur propre communication non verbale, le

discours est nettement moins spontané et beaucoup plus réfléchi, cependant, toutes disent

prêter attention à leur propre communication non verbale. Cela se fait, pour la plupart d’entre

elles, par des prises de conscience ponctuelles, voire par hasard, de leurs attitudes

actuelles. Mais peut-on considérer que ces occasionnelles prises de conscience permettent

de réellement prêter attention à sa communication non verbale ? En sachant que le terme

« faire attention à » se définit comme le fait d’être conscient de quelque chose, d’y prendre

garde ou d’en prendre soin, d’être attentif à39, je ne pense pas que nous puissions

réellement considérer que les ergothérapeutes prêtent attention à leur communication non

verbale. Toutefois, avec du recul, étant donné la manière dont était posé ma question, il était

délicat d’y répondre de façon négative, ce qui peut potentiellement expliquer cette

contradiction.

Les ergothérapeutes concèdent qu’il leur est fréquent de se remettre en question suite à

une erreur, mais sans cela, c’est de manière automatique qu’elles adoptent telle ou telle

attitude, sans y réfléchir préalablement. Face à un patient, si nous sommes nous-mêmes et

si nous sommes un minimum intégrés socialement, la communication non-verbale que nous

adopterons sera nécessairement la bonne, sans que nous ayons besoin d’y réfléchir. Nous

pouvons alors mettre en lien cette nécessité d’être naturel, d’être soi-même avec la

congruence, qui constitue une attitude de communication indispensable à l’établissement

d’une relation de qualité. Ce qui démontre une nouvelle fois qu’il n’est pas forcément

nécessaire d’être attentif en permanence à ses propres attitudes afin de proposer au patient

une prise en charge de qualité.

39 LAROUSSE, dictionnaires et encyclopédie en ligne - http://www.larousse.fr/encyclopedie/nom-commun-nom/attention/23869

(consulté le 3/04/2010)

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Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute – Juin 2010 49

Auprès d’un patient schizophrène, les ergothérapeutes mettent l’accent sur l’importance

de tous les niveaux de communication, quasi indissociables les uns des autres. Il n’y a pas

un niveau plus important que l’autre face à un patient schizophrène, l’essentiel est de garder

en tête que l’un est inutile sans l’autre, chaque niveau est utile et utilisable dans une prise en

charge et le niveau adéquat est utilisé spontanément par l’ergothérapeute, en fonction de ce

qu’il perçoit de la situation, et ce de manière automatique, comme nous l’avons vu

précédemment.

Ainsi, d’après les ergothérapeutes interrogées, il n’y a donc pas d’attitude à prioriser ou

au contraire à éviter face à un patient schizophrène, tout est fonction de la situation

présente, du patient et de ce que nous en percevons. Certes, comme je l’ai décrit dans ma

partie conceptuelle, certaines de nos attitudes peuvent parfois être mal interprétées par le

patient schizophrène, comme par exemple le toucher, certains regards, certains mots… mais

tout dépend en fait du patient lui-même, de ses expériences personnelles, de sa

personnalité, de ses émotions… La pathologie elle-même entre évidemment en compte,

mais elle n’est pas le seul facteur à considérer. En effet, certaines personnes ne supportent

pas le toucher, mais ça n’est pas pour autant qu’elles sont schizophrènes. L’essentiel est

donc d’adapter sa prise en charge à la personne, en tant que patient, mais également en

tant que personnalité à part entière. Tout se fait au cas par cas, il n’y a pas de généralisation

possible autour du patient schizophrène, le tout est d’adopter, comme nous l’avons vu

précédemment, une attitude de « bon sens », une attitude naturelle.

Face au syndrome dissociatif, les avis des ergothérapeutes sont partagés. Certaines

pensent que la communication non verbale constitue un des points clefs du travail autour du

syndrome dissociatif, car le patient schizophrène est très sensitif et il ressent et perçoit tous

nos faits et gestes. Une autre ergothérapeute admet ne pas être en mesure d’évaluer

l’impact de notre communication non verbale, et enfin, une dernière ne pense pas que nous

puissions avoir cette prétention car le syndrome dissociatif est quelque chose qui vient de

l’intérieur, et sur lequel nous ne pouvons donc pas agir. Pour ma part, même si nous ne

pouvons bien évidemment pas supprimer ce syndrome simplement avec notre

communication non verbale, je pense que nous pouvons tout de même avoir un certain

impact dessus, que ce soit d’une manière positive ou négative car inconsciemment, nous

renvoyons fatalement des choses au patient simplement par nos attitudes, alors comment le

patient peut-il percevoir des choses sans qu’elles n’aient un impact, même minime, sur lui ?

Le tout est de savoir bien utiliser ses attitudes et particulièrement sa communication non

verbale pour que, sans forcément avoir un effet positif, elles n’aient au moins pas d’effet

négatif.

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Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute – Juin 2010 50

Dans ma partie théorique, les principes que j’ai décrits concernant l’ergothérapeute

auprès du patient schizophrène, comme par exemple le respect du cadre, l’adaptation de la

proxémique… n’ont pas été cités par les ergothérapeutes, mais ils ne semblent pas

foncièrement inexacts. Une nouvelle fois, s’ils ne sont pas spécifiques à la schizophrénie,

ces principes sont valables pour toutes les pathologies psychiatriques, le tout est de les

adapter à chaque patient.

En revanche, face au syndrome délirant, la plupart des ergothérapeutes considèrent que

notre communication non verbale ne déclenche pas le délire mais qu’elle peut toutefois

l’alimenter. Par conséquent, notre communication non verbale a bien une influence sur ce

syndrome, il faut donc être très vigilant à ce que nous renvoyons au patient par notre niveau

non verbal, et surtout à ce qu’il interprète. Face à un délire, les ergothérapeutes insistent sur

l’importance des mots, qui peuvent parfois être plus utiles que la communication non

verbale, le tout est de savoir juger, apprécier la situation afin d’adopter le comportement

approprié. Dans des épisodes délirants, les mots permettent de dire au patient que nous

entendons bien son délire, même si nous n’y adhérons pas, pour qu’il sache que nous

sommes présents et à son écoute pour l’aider au mieux.

Tout comme pour le syndrome délirant, les professionnelles interrogées estiment que

notre communication non verbale est étroitement en lien avec ce syndrome autistique. Elle

permet dans un premier temps de rassurer, d’instaurer une relation de confiance, comme je

l’ai décrit dans ma partie conceptuelle. Le temps de rencontre avec un patient présentant un

syndrome autistique est quelque chose de primordial, il est nécessaire pour que chacun aille

à la rencontre de l’autre. Dans ce cas, il est alors important pour le soignant d’être patient,

car le temps de rencontre doit être mutuel et réciproque, d’où la nécessité de laisser le

patient aller à son rythme. Une fois ce temps de rencontre passé, nous nous devons d’être

stimulant face au patient, pour le sortir de son isolement. Cela passe bien sûr par la

communication verbale, mais également par la communication non verbale, en incitant, en

faisant avec, en montrant, en regardant… afin que le patient ne se sente pas seul. Le niveau

infra verbal a également son importance afin de stimuler au maximum le patient. La prise en

charge en groupe est alors un bon moyen de rompre l’isolement du patient au syndrome

autistique et de le confronter à la réalité.

Plus généralement, toutes les ergothérapeutes interrogées considèrent que leurs

attitudes sont directement liées à l’évolution des troubles de la relation du patient

schizophrène. Cela constitue d’ailleurs un de nos principaux objectifs en ergothérapie, mais

toute la difficulté est d’en trouver les moyens. En effet, la plupart des ergothérapeutes

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Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute – Juin 2010 51

constatent que nos attitudes ont effectivement un impact, mais elles ne savent pas

réellement pourquoi et comment. Dans ce cas, je pense qu’il pourrait être judicieux, comme

l’ont proposé deux ergothérapeutes, de soumettre un moyen d’évaluation ou

d’autoévaluation afin d’utiliser au mieux sa communication non verbale, et de tirer parti des

retentissements qu’elle peut avoir, tout du moins d’en avoir conscience ; il y a ici quelque

chose qui fonctionne, et il serait dommage de ne pas l’exploiter. Les ergothérapeutes

avouent ne s’être jamais réellement posé cette question, tout du moins jamais de manière

approfondie, mais il me paraît tout de même important de poser un regard réflexif sur notre

pratique afin de pouvoir avancer, de restreindre nos erreurs, de se connaître et de savoir ce

que nous renvoyons à tel ou tel patient ainsi que l’effet que cela peut avoir sur lui.

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Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute – Juin 2010 52

CONCLUSION

Avant de commencer ce mémoire de fin d’étude, la relation entre un patient et son

ergothérapeute était un concept qui suscitait en moi de nombreuses interrogations. Suite à

mon stage réalisé en psychiatrie, j’ai pu prendre conscience de l’importance de nos propres

attitudes dans l’établissement d’une relation avec un patient, notamment avec un patient

schizophrène, dont la relation au monde et aux autres est largement perturbée. C’est

pourquoi j’ai décidé de traiter ce sujet afin d’expliciter tous les éléments de nos attitudes qui

peuvent entrer en jeu dans une relation, ainsi que leur impact sur la qualité de la relation.

Les données théoriques démontrent que l’établissement d’une relation de qualité est

tributaire d’un certain nombre de notions, telles que l’attitude des deux protagonistes, la

communication et ses différents niveaux, ainsi que les attitudes de communication. Le but de

ce mémoire étant d’expliciter l’incidence des attitudes de l’ergothérapeute sur la qualité de la

relation, j’ai formulé ma problématique de la manière suivante : Comment par ses attitudes

l’ergothérapeute peut-il influer sur la relation qu’il entretient avec un patient schizophrène ?

Dans la rédaction de ma partie théorique, je me suis particulièrement attardée sur le niveau

non verbal de la communication, qui suscite tout mon intérêt. C’est pourquoi, afin de tenter

répondre à ma problématique, j’ai mis en avant l’importance de la communication non

verbale dans la relation, aboutissant ainsi à l’hypothèse suivante : La communication non

verbale de l’ergothérapeute permet d’agir de façon positive sur les troubles relationnels liés à

la schizophrénie.

Les avis des ergothérapeutes interrogées à ce sujet m’ont permis d’élargir mon point de

vue, en effet, en confrontant mes idées avec leurs réponses, j’ai pu nuancer mon avis à ce

sujet. La communication est un concept très personnel, que chacun définit à sa manière,

mais la communication non verbale est quasiment indissociable de la communication

verbale, chacune étant subordonnée à l’autre. Il est alors difficile d’évaluer l’impact de la

communication non verbale à elle seule ; elle a effectivement une incidence, mais elle est

très rarement dissociée de la communication verbale. Le tout est de savoir adopter l’attitude

adéquate en fonction de ce que nous percevons de la situation ; en effet, nous n’adoptons

pas telle ou telle attitude dans le but d’engendrer une réaction précise chez le patient, notre

attitude est plutôt définie en fonction de ce que peut nous renvoyer le patient. Alors

effectivement, notre attitude et notamment notre communication non verbale ont un impact

sur la relation, mais un impact que nous ne maîtrisons pas nécessairement. L’important est

de rester naturel, d’être soi-même dans la relation, d’être congruent, notamment auprès d’un

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Mémoire de fin d’étude en vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’ergothérapeute – Juin 2010 53

patient schizophrène. Il n’y a pas d’attitude à prioriser ou à proscrire face à cette pathologie,

mais il faut savoir s’adapter au patient lui-même, à sa personnalité, à son vécu, à ses

envies… Chaque prise en charge est réalisée au cas par cas, et même si la pathologie entre

évidemment en compte, elle n’est certainement pas le seul facteur à considérer.

Plus généralement, l’attitude de l’ergothérapeute a effectivement un impact non

négligeable sur la qualité de la relation auprès d’un patient schizophrène, mais il faut être

très vigilant à ce que nous renvoyons car l’incidence positive que nous recherchons peut vite

se transformer en incidence négative, en fonction de ce qu’interprète le patient. La

communication non verbale peut alors être très utile pour faire passer un message, mais en

fonction des situations, il faut aussi savoir se retourner vers la communication verbale

lorsqu’il s’agit de mettre des mots sur les situations. Le niveau non verbal de la

communication ne suffit donc pas à lui-seul à faire régresser les symptômes, mais il peut y

participer.

Ce mémoire d’initiation à la recherche m’a permis de constater que l’importance de nos

propres attitudes n’est pas un sujet fréquemment abordé par les ergothérapeutes, rares sont

ceux qui ont souvent un regard réflexif sur leur profession ; néanmoins, une grille

d’évaluation pourrait justement permettre d’évaluer l’impact de nos attitudes afin de les

utiliser au mieux.

Grâce à ce travail, j’ai pu cibler les éléments importants dans l’établissement d’une

relation, non seulement auprès d’un patient schizophrène mais également auprès de tout

autre patient car l’instauration d’une relation est toujours un exercice compliqué, dépendant

de nombreux facteurs internes et externes aux protagonistes. D’un point de vue personnel,

ce mémoire m’a beaucoup apporté, il m’a permis de me positionner en tant que future

professionnelle, mais également de porter un regard sur ma pratique et sur ma future

profession. Quelque soit mon secteur d’activité, ce travail de fin d’étude m’aidera

nécessairement à aborder certaines relations avec plus de sérénité et plus d’aisance.

Toutefois, il est incontestable que mes lectures sur le sujet ne sont pas exhaustives, et

d’autres ouvrages m’auraient certainement permis de compléter mes concepts.

Je pense que porter un regard réflexif sur sa pratique est ce qui nous permet d’avancer,

et le nouveau référentiel de formation en ergothérapie va justement dans ce sens puisque

dans les principes pédagogiques de la réforme apparaissent ‘‘l’attitude réflexive’’ ainsi que

‘‘la reconnaissance et l’identification de ses émotions pour s’en servir’’

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éditions, 2005

Le petit Larousse illustré 1995 – Paris : Larousse, 1994

Le petit Larousse en couleurs – Paris : Larousse, 1984 – 1665 p.

POSTEL J., Dictionnaire de la psychiatrie et de la psychopathologie clinique – Paris :

Larousse, 2003 – 543 p.

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http://www.anfe.fr/index.php?option=com_content&view=category&id=34&Itemid=60

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LAROUSSE, site proposant des dictionnaires et une encyclopédie en ligne – [en

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Schizophrénie [en ligne], disponible sur internet :

http://www.orpha.net/data/patho/FR/fr-schizo.pdf (consulté le 4/12/2009)

COURS

DIPLAS C., Les mécanismes de défense – Cours de psychologie, 1ère année

GUILLOIS F., La réparation du soignant – La relation d’aide – Formation à la Relation, 1ère année

LANDRU A., La schizophrénie – Cours de psychiatrie, 2ème année

ORVOINE C., L’ergothérapie, définition et pratique – Méthodologie professionnelle,

1ère année

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ANNEXES

ANNEXE 1 : Les émotions

ANNEXE 2 : Proxémique : un tableau de synthèse

ANNEXE 3 : Schizophrénie : les différents traitements

ANNEXE 4 : Aspects cliniques de la schizophrénie

ANNEXE 5 : Guide d’entretien

ANNEXE 6 : Retranscription de l’entretien de l’ergothérapeute B

ANNEXE 7 : Retranscription de l’entretien de l’ergothérapeute C

ANNEXE 8 : La communication selon les ergothérapeutes

ANNEXE 9 : La communication non verbale selon les ergothérapeutes

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Annexe 1 – Les émotions

Fig. 1 : Représentation des six émotions 40

40 Communication et interprétation – COLLOC E., COTTEN J., COZ M., DAVID C. – Dossier de psychologie, 2ème année de formation en ergothérapie, Rennes, 2009 – p. 9

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Annexe 2 – Proxémique : tableau de synthèse41

41 Tableau extrait et adapté de E. T Hall (1968). Dans le livre de Extrait de WINKIN Yves, La nouvelle communication. Paris, Seuil 1981 Annotations rajoutées en fonction de ma partie théorique

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Annexe 3 – Schizophrénie : les différents traitements42 Conduite à tenir thérapeutique :

En phase aigue

- Hospitalisation avec surveillance du risque de tentative de suicide

- Mise en place d’un traitement médicamenteux (neuroleptiques ou

antipsychotiques pour diminuer les idées délirantes)

- Soutien psychothérapeutique

En phase résiduelle

- Maintien aux plus petites doses des neuroleptiques (parfois ‘‘traitements

retardateurs’’ : une fois injectés en voie intramusculaire, ils délivrent

progressivement le neuroleptique dans l’organisme. A refaire toutes 2, 3

ou 4 semaines)

- Accompagnement psychothérapeutique du sujet et de sa famille : évite le

repli autistique, les rechutes, et favorise l’acceptation du traitement et le

maintien relationnel

- Accompagnement et réhabilitation socio-professionnelle

42 LANDRU A., La schizophrénie – Cours de psychiatrie, 2ème année

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Annexe 4 – Aspects cliniques de la schizophrénie

Tab. 1 : Tableau récapitulatif des aspects cliniques de la schizophrénie

Syndrome dissociatif

Syndrome délirant

Syndrome autistique

Autres symptômes

Signes cliniques

- Troubles du

cours de la

pensée

- Troubles du

langage

- Altération du

système logique

- Désorganisation

de la vie affective

- Discordance

psychomotrice

- Thèmes

multiples :

dépersonnalisation,

influence…

- Mécanismes

divers mais

principalement

hallucinations

- Isolement

- Diminution de la

communication

- Désintérêt pour

les activités

sociales

- Mode de vie

autocentré

- Angoisses

- Phobies

- Obsessions

- Troubles de

l’humeur

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Annexe 5 – Guide d’entretien

La communication

1) D’un point de vue ergothérapique, comment définiriez-vous le concept de

communication et qu’inclut-il pour vous ?

2) Avez-vous connaissance du niveau non verbal de la communication ?

Si oui, comment le caractériseriez-vous ?

L’exercice professionnel

3) D’après vous, ce niveau a-t-il une quelconque importance dans une prise en charge

ergothérapique ?

Pourquoi et comment ?

4) Dans votre pratique d’ergothérapeute, prêtez-vous attention à votre propre

communication non verbale ? A celle du patient ?

Comment cela se traduit-il ?

Auprès d’un patient schizophrène

5) Dans la relation que vous entretenez avec un patient schizophrène, quelle est la

place de la communication et de ses différents niveaux ?

6) Dans une prise en charge ergothérapique, quelles sont, d’après vous, les attitudes à

adopter ou au contraire à éviter face à un patient schizophrène afin d’entretenir une

relation de qualité ?

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7) Pensez-vous que la communication non verbale de l’ergothérapeute a une incidence,

positive ou négative, sur le syndrome dissociatif du patient schizophrène ?

D’après vous, sur quels symptômes et de quelle manière ?

En avez-vous déjà fait l’expérience ?

8) Pensez-vous que la communication non verbale de l’ergothérapeute a une incidence,

positive ou négative, sur le syndrome délirant du patient schizophrène ?

D’après vous, de quelle manière ?

En avez-vous déjà fait l’expérience ?

9) Pensez-vous que la communication non verbale de l’ergothérapeute a une incidence,

positive ou négative, sur le syndrome autistique du patient schizophrène ?

D’après vous, de quelle manière ?

En avez-vous déjà fait l’expérience ?

10) Pour conclure, pensez-vous que certaines attitudes de l’ergothérapeute peuvent agir

sur les troubles relationnels liés à la schizophrénie ?

Si oui, lesquelles et pourquoi ?

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Annexe 6 – Retranscription de l’entretien de l’ergothérapeute B

La communication

1) D’un point de vue ergothérapique, comment définiriez-vous le concept de

communication et qu’inclut-il pour vous ?

Pour moi, la communication c’est ce qui permet d’être en contact avec d’autres êtres humains ou animaux éventuellement, c’est un moyen d’échanger, de se faire comprendre, de transmettre des informations, des informations concrètes, de la réalité mais aussi par rapport à soi sur ses besoins, ses envies ou ses émotions. Voila, communiquer pour moi c’est ça, c’est pouvoir transmettre à l’autre tout ça, et pouvoir écouter tout ce que l’autre a à nous dire. Alors, il y a aussi la communication verbale, le langage, mais on communique aussi beaucoup avec le corps, je crois d’ailleurs qu’il y a environ 70% de communication non verbale et 30% de verbale, ou même plus, donc le non verbal est très important. Cela me fait aussi penser qu’on peut communiquer par des traces, mais ça fait plutôt parti du non verbal.

2) Avez-vous connaissance du niveau non verbal de la communication ?

Si oui, comment le caractériseriez-vous ?

Oui, en tout cas je sais que c’est plus important que la communication verbale. Ce que je mets dedans, c’est toutes les attitudes du corps, les mouvements du corps… ici, par ‘’attitude’’, j’entends ‘’posture’’, si on est fermé, ouvert… Il y a aussi le regard qui est important, si on regarde celui à qui on s’adresse ou pas, si on regarde vraiment, je pense aux schizophrènes où parfois, on a l’impression que le regard nous transperce mais qu’il ne nous voit pas. Voila, spontanément, c’est ça que je mets dans le non verbal. Après c’est vrai que tout ce qui est moyen de communiquer autrement, c’est la spécificité aussi du travail relationnel que l’on fait en ergothérapie avec les patients.

L’exercice professionnel

3) D’après vous, ce niveau a-t-il une quelconque importance dans une prise en

charge ergothérapique ?

Pourquoi et comment ?

Oui, je pense. C’est important dans l’observation qu’on a des patients, ça nous aide, on voit que le patient est présent, ou qu’il est parasité en fonction de sa manière de se comporter, par rapport à tout ce qu’on peut observer, de non verbal et de verbal.

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Après c’est vrai que ça n’est pas une question que je me pose, parfois je me dis ‘’tiens je suis dans la même position que la personne à qui je parle’’ parce que justement, je sais que ça peut être important pour communiquer d’être un peu dans la même position, c’est une façon de se comprendre, d’être attentif. Et même si ça peut m’arriver de le faire plus ou moins volontairement, c’est plutôt rare, c’est plutôt à un moment donné une prise de conscience, car je suis plus attentive à ce que je dis, au verbal qu’au non verbal.

4) Dans votre pratique d’ergothérapeute, prêtez-vous attention à votre propre

communication non verbale ? A celle du patient ?

Comment cela se traduit-il ?

Alors je suis plus attentive à celle du patient qu’à la mienne, ça c’est sûr. Comme je disais, par moment, c’est surtout une prise de conscience ponctuelle de ma communication non verbale ‘’ah tiens, là je suis comme ça…’’. Je pense plutôt à observer comment est le patient, à le regarder. Pour certaines personnes, c’est évident, on voit tout de suite la façon dont ils se présentent, mais d’autres vont plus être dans le verbal justement, et on va avoir un peu plus de mal à les cerner, et là justement ça aide de voir au niveau corporel, comment ils sont, comment ils se positionnent. Donc pour les patients, je le fais sciemment, après, pour moi, beaucoup moins. Ou parfois après coup, je me dis ‘’tiens là j’aurais dû faire ça…’’. Par contre il m’est arrivé d’être filmée pendant les séances et ça c’est toujours rigolo justement, de voir comment on est réellement, c’est là qu’on en prend conscience.

Auprès d’un patient schizophrène

5) Dans la relation que vous entretenez avec un patient schizophrène, quelle est

la place de la communication et de ses différents niveaux ?

L’idée dans la prise en charge en ergothérapie, c’est d’utiliser les médiations pour communiquer, pour favoriser l’expression mais aussi pour que les patients soient dans la réalité par exemple. Alors là je ne pense pas forcément à des patients schizophrènes, mais si je suis en difficulté dans la communication verbale, je pense par exemple à des patients dépressifs qui sont dans un discours qui tourne en rond, là pour le coup je privilégie le non verbal, je limite le temps de parole parce que ça me parait stérile, j’ai plutôt l’impression que ça les renforce dans leurs idées négatives. Pour les schizophrènes, c’est pareil, s’ils sont un peu dispersés, on essaie de les raccrocher par l’activité, parce que les mots peuvent être parfois mal interprétés ou entendus d’une manière différente.

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6) Dans une prise en charge ergothérapique, quelles sont, d’après vous, les

attitudes à adopter ou au contraire à éviter face à un patient schizophrène afin

d’entretenir une relation de qualité ?

C’est un peu au cas par cas, tout dépend comment il est et où il en est. Je sais que quand les patients ont tendance à être très délirants, j’évite d’alimenter la conversation ou alors j’essaie de la ramener sur des choses concrètes, sur ce qu’ils sont vraiment entrain de faire ou des choses de leur vie quotidienne, les ramener à quelque chose de l’ordre de la réalité si je sens que c’est possible car ça ne l’est pas toujours. Voila, éviter d’entrer dans leur délire. Il y aussi le niveau d’angoisse que je peux percevoir chez certains patients, dans ces cas là, j’essaye de rassurer. Par exemple en modelage, lorsque nous avions fait des masques, un patient racontait qu’il avait ouvert le masque et qu’il y avait vu un couteau donc il l’avait cassé… J’avais alors fait le lien entre les masques que nous étions entrain de faire et ce qu’il racontait, en me disant que ça l’inquiétait peut-être de voir ces masques là… Donc voila, je pense qu’il faut essayer de reprendre ce qu’on perçoit de la situation et utiliser des paroles qui peuvent être apaisantes. Avec les patients schizophrènes, je crois qu’il faut aussi essayer de limiter les informations, de ne pas toutes les donner d’un coup car ça peut être beaucoup d’informations à enregistrer, donc compliqué et angoissant, mieux vaut faire simple.

7) Pensez-vous que la communication non verbale de l’ergothérapeute a une

incidence, positive ou négative, sur le syndrome dissociatif du patient schizophrène ?

D’après vous, sur quels symptômes et de quelle manière ?

En avez-vous déjà fait l’expérience ?

Spontanément je dirais non. Le syndrome dissociatif c’est quelque chose qui vient de l’intérieur du patient, c’est les idées qu’il a. Après, tout et n’importe quoi peut avoir une incidence sur le syndrome dissociatif. Mais je ne pense pas que notre communication non verbale ait un lien direct, sinon on aurait beaucoup de pouvoir ! Je pense que ça n’est pas dans nos attitudes mais plus dans ce qu’on va proposer, car par exemple on va proposer des choses pour rassembler le patient. Quoique, ça me fait penser à un patient un peu éclaté, il écrivait sur des petits bouts de papier avec des mots qu’il inventait et il les laissait partout, dans les buissons, parterre… il avait tendance à s’éparpiller comme ça. Il venait en modelage, et pareil, il incluait à ses modelages des petits bouts de papiers, des peaux d’orange… Un jour il a voulu rapporter à la fin de la séance sa production dans laquelle il avait mis quelque chose qu’il avait ramené de l’extérieur. Donc je lui ai dit non, je lui ai rappelé les règles, qu’il pouvait le récupérer plus tard, mais maintenant, ça n’était pas possible, comme convenu au départ. Alors il est parti dans une colère pas possible, à tel point que l’équipe du pavillon m’a demandé ce qu’il s’était passé… mais il est quand même revenu la fois suivante et à partir de cette séance, il n’a plus ramené de choses comme ça de l’extérieur, j’avais l’impression qu’il n’avait plus besoin de ça et que ça l’avait peut-être aidé mentalement à se rassembler. Donc là c’est plus au niveau du cadre, rappeler le cadre dans ce genre de situations.

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8) Pensez-vous que la communication non verbale de l’ergothérapeute a une

incidence, positive ou négative, sur le syndrome délirant du patient schizophrène ?

D’après vous, de quelle manière ?

En avez-vous déjà fait l’expérience ?

Oui, car ça peut être interpréter, par exemple on va éviter de serrer la main à quelqu’un qui ne supporte pas ; un sourire, un regard, tout peut être interpréter. L’attitude de l’autre peut avoir une influence sur le syndrome délirant, mais c’est du fait du patient, c’est lui qui pose ce regard là, ça vient de lui, et comme ça peut être interprété, c’est important d’être vigilant. Mais c’est vrai qu’il y a des choses du non verbal et du verbal qui peuvent être souvent mal interprétées. Pour le côté positif, ça va plus être une manière de faire, mais c’est vrai que j’ai du mal à dissocier la communication, enfin mon attitude de ce que je vais proposer au patient et la manière dont je vais le proposer, mais ça se recoupe un peu de toute façon !

9) Pensez-vous que la communication non verbale de l’ergothérapeute a une

incidence, positive ou négative, sur le syndrome autistique du patient schizophrène ?

D’après vous, de quelle manière ?

En avez-vous déjà fait l’expérience ?

Alors oui, là on va être dans quelque chose de plus stimulant, même si je pense que ça se joue plus dans le verbal, pour les gens qui sont repliés, plus apragmatiques, essayer d’être plus stimulant, de faire de l’humour. Après au niveau non verbal, ça va plus être leur montrer, faire en même temps qu’eux pour leur donner des idées, proposer des choses, qu’ils s’appuient la dessus. Dans ces cas là je vais me rapprocher des gens qui, je le sais, vont avoir besoin d’un peu de soutien. Après c’est vrai que j’y fais pas forcément attention. Mais c’est intéressant parce que je me dis ‘’ba mince, depuis tout ce temps, je ne me suis pas posé cette question là !’’

10) Pour conclure, pensez-vous que certaines attitudes de l’ergothérapeute

peuvent agir sur les troubles relationnels liés à la schizophrénie ?

Si oui, lesquelles et pourquoi ? Oui, je pense qu’on peut avoir une certaine influence. En tout cas, on se doit de ne pas avoir d’effet négatif, mais maintenant, c’est vrai qu’on ne maitrise pas tout non plus, et delà à en avoir vraiment des positifs… En même temps en psychiatrie on parle beaucoup du transfert et du contre transfert et c’est une partie de la relation qui s’établit, mais après il y a la relation et la communication, et là on est sur deux choses différentes. Donc finalement, je ne sais pas trop en fait, je n’ai pas de réponse claire ferme et définitive car je ne me suis pas posée suffisamment la question, il faudrait presque faire des grilles et même être évalué par quelqu’un d’autre pour faire quelque chose de vraiment précis. Mais c’est vrai que pour les schizophrènes il y a vraiment quelque chose autour du corps, du morcellement, la façon dont il vit dans son corps, il y a quelque chose d’inhabituel crée par la maladie.

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Annexe 7 – Retranscription de l’entretien de l’ergothérapeute C

La communication

1) D’un point de vue ergothérapique, comment définiriez-vous le concept de

communication et qu’inclut-il pour vous ?

Dans le cadre professionnel, pour moi c’est d’abord un échange, éventuellement pour faire passer un message pour celui qui cherche à se faire entendre mais ca ne veut pas dire qu’il n’y ait pas inter communication. Pour moi c’est forcément un dialogue, mais c’est très personnel. Sachant qu’on communique aussi bien par les gestes que par la parole, c’est un tout, c’est une attitude globale : être complètement fermé ou au contraire être détendu et ouvert, ça veut dire être disponible, c’est une attitude générale aussi.

2) Avez-vous connaissance du niveau non verbal de la communication ?

Si oui, comment le caractériseriez-vous ?

Oui, pour moi ce sont les gestes, l’attitude, le regard, la façon de se fermer à l’autre, ou au contraire d’aller vers l’autre, tout ça c’est communication. Sans être spécialiste de la communication, je sais qu’il existe également le niveau infra-verbal de la communication.

L’exercice professionnel

3) D’après vous, ce niveau a-t-il une quelconque importance dans une prise en

charge ergothérapique ?

Pourquoi et comment ?

C’est évident que oui, de toute façon, c’est l’autre, c’est la personne qui est en face qui va dire si c’est reçu ou si ce n’est pas reçu, ou comment il reçoit. Si on prend par exemple un autiste ou un schizophrène, il va très vite mettre des limites corporelles, ou justement ne pas en mettre, ou une barrière ou au contraire trop de perméabilité… Donc si on fait attention à l’autre et à ce qu’il est entrain de faire, on va soi-même réguler ses attitudes et la communication passe aussi par là, quelqu’un qui est angoissé, ça peut être juste un geste, poser la main sur le bras, c’est pas grand-chose, c’est simplement être là quand la personne en a besoin, être à l’écoute, être disponible, ça fait partie pour moi des principes minimum. Maintenant, on fait tous des erreurs, et ils nous le font bien ressentir, et là on se dit ‘’oh j’ai posé la main, ou je suis intervenue sur un objet, je n’aurais peut-être pas du’’, dans ces cas, on remet un mot, car ça n’est pas parce que la personne ne parle pas qu’elle n’est pas capable d’entendre. Il faut donc parfois mettre des mots sur des difficultés qu’on pense que la personne a ressenti, oser dire ‘’oui oui, j’ai bien compris que vous ne voulez pas que

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j’intervienne sur l’objet’’, maintenant, à nous de nous ajuster, d’ajuster notre attitude, si on est trop ‘’rentre-dedans’’ ça va pas le faire longtemps, si on n’est pas assez avec la personne, ça va pas le faire non plus. Ce pour quoi on est là, c'est-à-dire emmener la personne d’un point à un autre, faire que ses relations ne soient plus vraiment pathologiques, si nous ne sommes pas capables de les étayer, de réfléchir dessus, d’avancer, on tombe dans l’occupationnel et ce n’est pas mon métier.

4) Dans votre pratique d’ergothérapeute, prêtez-vous attention à votre propre

communication non verbale ? A celle du patient ?

Comment cela se traduit-il ?

Oui, évidemment. Moi maintenant je travaille de plus en plus en groupe, donc c’est plus

difficile de savoir où on en est, ça suppose qu’il y ait aussi des communications entre membres du groupe. Donc là c’est peut-être plus difficile à analyser, bon après, il y a la pratique, c’est comme faire du vélo, un moment donné on ne pense pas à mettre le pied là, la main là… là c’est la même chose, ça devient automatique.

Je pense qu’il faut aussi faire attention à soi, mais il faut quand même être soi-même, ce n’est pas parce qu’on enfile une blouse qu’on est quelqu’un d’autre, si les choses vont en contradiction avec sa propre personnalité, je ne suis pas sûre qu’on tienne le coup longtemps non plus. Bien sûr qu’on s’améliore, qu’on améliore notre façon d’être, qu’on améliore notre façon de faire, qu’on acquiert plus de technique, mais je pense qu’il faut être soi-même. Mais c’est mon point de vue, d’autres pensent que c’est une nécessité de se mettre dans un rôle, moi je ne pense pas qu’on ait un rôle à jouer, par contre, ça m’arrive de mettre en scène des choses, de faire le clown par exemple, pour dédramatiser la situation, ou sensibiliser le groupe à un aspect particulier, par exemple une personne qui est complètement éclatée, ou en larme… On n’est pas là pour empêcher les autres d’être, au contraire, on peut mettre en scène des choses, si c’est de façon inhabituelle, ponctuelle.

Auprès d’un patient schizophrène

5) Dans la relation que vous entretenez avec un patient schizophrène, quelle est

la place de la communication et de ses différents niveaux ?

Les deux ont une grande importance, mais comme je l’ai dit, remettre des mots sur une situation un peu dure, qui fait que la tête est prise, on n’est plus dans une relation correcte, on se met en retrait, on devient parano, là c’est à nous de mettre les mots dessus, mais la plupart du temps, c’est simplement l’attitude générale, comme l’écoute, la disponibilité qui sont mises en place. On est dans un contexte qui favorise normalement les échanges, les gens sont ce qu’ils sont, et ils ont y compris le droit d’être mal, c’est ce qui fait la différence avec une activité qui ne serait pas thérapeutique. Donc pour moi, toutes les communications sont intriquées, la communication est de toute façon liée à une attitude globale, maintenant, la communication verbale permet de faire passer un message, et je pense que c’est au thérapeute de remettre des mots entendables, des mots sur des sensations qui sont parfois complètement folles, comme l’hallucination, il faut appeler ça une hallucination. Remettre des mots sur des sentiments qu’une personne a

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exprimé de façon confuse, pour qu’elle puisse se dire ‘’ce que je ressens, c’est entendable par l’autre, et le fait de l’avoir dit, ça va déjà beaucoup mieux’’. L’objet est là comme intermédiaire et comme support à la relation, au départ, c’est intéressant de se reprojeter dedans, de refaire le lien avec ce que la personne est entrain de faire, et à un certain moment, quand on connait la personne, l’objet n’est vraiment plus qu’un prétexte, mais nécessaire, car il faut bien une raison d’être là, raison par antonymie à la folie supposée, ça veut dire que tout est entendable.

6) Dans une prise en charge ergothérapique, quelles sont, d’après vous, les

attitudes à adopter ou au contraire à éviter face à un patient schizophrène afin

d’entretenir une relation de qualité ?

Je dirais aucune en soi, il n’y a pas de conduite à tenir face à la schizophrénie, il y a une conduite à tenir face à un patient donné, je m’adresse à une personne, quelle soit schizophrène ou autre, donc je n’ai pas d’attitude toute faite. Par contre, il y a quelques principes de base, le premier, c’est la personne qui est en face qui décide de ce qu’elle fait, le deuxième c’est que quand je connais pas bien, je reprends les termes que vient de m’indiquer la personne car on ne sait pas tous les affects qu’il peut y avoir derrière un mot, donc il vaut mieux reprendre le mot de la personne que d’essayer de transposer à notre sauce, et sinon ça voudrait dire aussi qu’on ne l’a pas entendu. Ce qui est qui important pour moi c’est le temps de rencontre avec la personne, comme on peut rencontrer des potes, il y a bien un moment où on apprend à faire connaissance, et ils font aussi connaissance avec moi, avec l’atelier, avec les autres… Il y a aussi un cadre qui existe, le cadre de l’atelier, les horaires, mettre la blouse, se dire bonjour, au revoir… voila, il y a un cadre minimum, et dans ce cadre là, tout est possible quasiment.

7) Pensez-vous que la communication non verbale de l’ergothérapeute a une

incidence, positive ou négative, sur le syndrome dissociatif du patient schizophrène ?

D’après vous, sur quels symptômes et de quelle manière ?

En avez-vous déjà fait l’expérience ?

Une attitude sur un syndrome particulier, honnêtement, je n’en sais rien, maintenant, ce qu’on dégage soi-même de positif ou de négatif est perçu, puisque certains patients voient très bien quand nous allons mal, quand nous sommes fatigués… même si on essaie de le cacher. Donc forcément que notre attitude engendre des choses, maintenant, est-ce qu’elle aura un effet sur un syndrome particulier… Tout ce qu’on peut mettre en place, tout ce qu’une équipe peut mettre en place, peut avoir un impact, maintenant, juste une communication non verbale, je ne sais pas. En tout cas, je pense que surtout face au patient schizophrène, on n’a pas intérêt à faire quelque chose et dire le contraire, puisque la pathologie c’est un peu ça, ‘’je t’aime je te hais’’, des sentiments contradictoires, pour moi, une chose promise est une chose due, c'est-à-dire que ce qu’on fait doit être en accord avec ce qu’on est aussi.

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8) Pensez-vous que la communication non verbale de l’ergothérapeute a une

incidence, positive ou négative, sur le syndrome délirant du patient schizophrène ?

D’après vous, de quelle manière ?

En avez-vous déjà fait l’expérience ?

Non, je ne pense pas, je pense que tout ce qui peut ne pas se dire, c’est encore mieux de le dire. Alors oui, peut-être que pour certains, le toucher va les rassurer, leur passer la main dans le dos… Mais ça dépend de la personne, ce n’est pas une histoire de maladie, ça dépend de la personne, de la confiance… il y en a avec qui ça marche, mais d’autres que tu ne peux pas approcher, donc là on est obligé de parler, et là c’est même plus l’intonation que le contenu qui est importante, il faut éviter la dissociation nous-mêmes, si on n’est pas convaincu de ce qu’on dit, si on n’est pas en accord, si on ne le dit pas avec le bon ton, ça n’a aucun effet, comme avec les enfants.

9) Pensez-vous que la communication non verbale de l’ergothérapeute a une

incidence, positive ou négative, sur le syndrome autistique du patient schizophrène ?

D’après vous, de quelle manière ?

En avez-vous déjà fait l’expérience ?

Alors avec les autistes c’est particulier, il faut beaucoup de temps pour les approcher, mais je pense que c’est pareil, tout dépend de la personne. Pour moi tout est question de rencontre, de connaissance de l’autre, et c’est réciproque, tu ne peux pas aller à la rencontre de l’autre si tu ne laisses pas l’autre aller à ta rencontre, sinon ça ne se fera pas, donc tu es forcé aussi de laisser aller les choses. Il faut être vrai dans sa communication, porter un masque ne fera pas avancer les choses, même si oui, on a une distance à avoir, ce ne sont pas des copains.

10) Pour conclure, pensez-vous que certaines attitudes de l’ergothérapeute

peuvent agir sur les troubles relationnels liés à la schizophrénie ?

Si oui, lesquelles et pourquoi ?

C’est une bonne question ! Je ne me la pose pas souvent ! Honnêtement, je n’en sais rien, tout est dans tout. Comme nous ne sommes pas dissociés à priori, oui, ça peut avoir un impact, alors maintenant, lequel, qu’est-ce qui fait que les choses bougent… ? Parce qu’elles bougent quand même ! Sûrement que mon attitude a un impact, mais où, quand, comment, je ne sais pas. On va dire que globalement, ça fonctionne. En analysant un peu, je pourrai peut-être dire pourquoi pour telle personne, ce que j’ai dit là, ça a un impact, et effectivement, je l’ai dit intentionnellement. Mais pour bien s’en rendre compte, il faudrait une autoévaluation ou une tierce personne pour analyser.

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Annexe 8 – La communication selon les ergothérapeutes

Tab. 2 : Notions abordées par les ergothérapeutes dans leur définition de la communication

A B C D

Les différents niveaux de communication X X X

La relation X

Echanger / transmettre X X

Dialogue / intercommunication X

Emetteur / récepteur / message X

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Annexe 9 – La communication non verbale selon les ergothérapeutes

A B C D

Regard X X X

Attitude / façon d’être X X

Placement / proximité X X

Mimiques X

Gestes / toucher X X X X

Tab 3 : Composantes de la communication non verbale selon les ergothérapeutes

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Résumé

Toute relation est subordonnée à l’attitude des personnes concernées ; la

relation thérapeutique ne déroge pas à la règle. Afin qu’une relation de

qualité s’établisse entre un patient et son ergothérapeute, il est

indispensable que chacun adapte ses attitudes en fonction de la situation.

Mais l’établissement d’une relation est d’autant plus complexe lorsque le

patient en question souffre de schizophrénie, ce qui implique alors une

relation au monde et une relation aux autres largement perturbées. Dans

ce cas, quel impact l’attitude et la communication de l’ergothérapeute

peuvent-elles avoir sur cette relation si particulière ? La confrontation de la

théorie à la réalité du terrain nous permettra d’apporter des éléments de

réponse à cette réflexion et de poser un regard réflexif sur notre pratique

d’ergothérapeute.

Mots clés :

Attitude Communication Relation Schizophrénie Ergothérapie