48
Les Capucins y connaissent un grand essor L’Inde, pays fascinant No 2 | Avril 2013

L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Les Capucins y connaissentun grand essor

L’Inde,pays fascinant

No 2 | Avril 2013

Page 2: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

2 frères en marche 2|2013

Photo de couverture: Adrian Müller

Table des matières

4 Un paysage religieux diversifié Inde: le berceau des religions

8 Lueurs d’espoir malgré tout Emouvantes histoires d’enfants

12 Un havre de paix pour les Intouchables Un village uniquement réservé aux Intouchables

16 Une chasse au trésor Une autre philosophie de vie

20 Mariage avec grains de riz jauni au curry Mariage à l’indienne

26 «Bifurcation» Malgré la séparation, besoin de solidarité et de communauté

28 Sur les pas de Fr. Joseph Thamby A la tombe de Fr. Joseph Thamby

32 Les enfants portent l’avenir en eux34 Juste retour des choses Les frères indiens en Suisse

36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements40 Fr. Imier Montavon43 Livre/Lettres des lecteurs45 Impressum/présentation46 «Questions à un lecteur» Interview avec Roman Ambühl-Rütimann

L’Islam a joué un grand rôledans l’histoire de l’Inde.

4 16 20Ne faire qu’un dansle travail et la détente.

Un mariage change la vie.

Page 3: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

3frères en marche 2|2013

Editorial

Chers lectrices et lecteurs

L’Inde, un sous-continent fascinant tant par ses paysages, ses civilisations,ses religions et son art de vivre. J’en ai fait l’expérience durant trois mois,de la mi-avril à la mi-juillet de l’année dernière et je vous livre dans ce numérocinq expériences marquantes. Accueilli dans diverses communautés capucines,il m’a été donné de voir leur engagement en faveur de l’éducation des enfants,des intouchables et rejetés, indépendamment de leur race et de leur religion.Cette proximité avec le monde des petits et des intouchables est uneconstante de la vie capucine. Un tout autre monde que le nôtre en fait!Car là-bas, on ne fait pas dans la dentelle mais en gros, les besoins étant telsqu’on tâche d’y répondre en conséquence. Mais les capucins sont aussi desformateurs à la vie spirituelle. L’Inde est riche de ses diverses expressionsliturgiques et les communautés chrétiennes se bâtissent sur le recueillementet bien évidemment sur la charité fraternelle. Cela fait partie de leur ADN.Il est vrai que l’on parle aussi de la sécularisation de la société bien que toutsemble, à première vue, baigner dans le sacré.

Par ses migrants et ses chercheurs qui s’inculturent peut-être plus rapidementque nous ne pouvons le faire chez eux, l’Inde ne nous est plus étrangère et ellenous fascine. Des multitudes de jeunes Européens y sont partis à la recherched’une sagesse. Des maîtres les ont initiés à une manière de voir et à un nouvelart de vivre. Je n’ai pas rendu visite à un ashram ou à un «gourou» maisle temps vécu au quotidien dans diverses communautés m’a laissé entrevoircette purification qui relativise nos attaches et nos références culturelles.On y devient pèlerin de l’absolu car ici on marche sans fin avec le justenécessaire pour vivre et survivre. Que dire de ces sâdhus, de ces chercheursd’Absolu? L’Inde ne s’apprend pas tant dans les livres que sur les routes etdans le dépouillement de soi pour vivre pleinement le moment présent.

Bienheureux qui comme Ulysse a fait un long voyage! Ce sous-continent a sonâme, par-delà les diversités raciales, religieuses et culturelles. Qui sommes-nousface à ces peuples qui nous apprennent la simplicité de vie et la richesse desrelations humaines bien que souvent nous ayons l’impression que l’on se croisesans trop se connaître. Surtout ne sacralisons pas nos manières de voir etde faire pour nous ouvrir à d’autres horizons qui nous en apprennent plus surnous-même que nous ne pouvons l’imaginer. Allez-y et voyez à votre tour.Vous serez non seulement surpris mais plus encore complètement retournés!

Fr. Bernard Maillard, rédacteur

Page 4: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

En Inde, le christianisme est plusancien que dans la plupart despays européens. Aujourd’hui, il secaractérise principalement par unegrande diversité d’Eglises, certainsparlant même de «fragmenta-tions». Avant de décrire l’Eglisedans ses différents «rites», voiciquelques remarques sur les reli-gions les plus courantes en Inde. L’Inde est le berceau des quatredes principales religions du mon-de: l’hindouisme, le jaïnisme, le sikhisme et le bouddhisme. L’Hindouisme est la plus an-cienne d’entre elles et daterait de1200 ans avant le Christ et ce n’estque depuis le début du 19e sièclequ’elle porte son nom actuel. Dansl’histoire du pays, la religion a sou-vent joué un rôle important; la diversité et la tolérance religieusesy sont des traits significatifs dela culture indienne, aujourd’hui reconnus par la loi. L’immense majorité des Indiens se reconnaîtdans une religion et celle-ci jouesouvent un rôle primordial dansleur vie. La croyance en la réincarna-tion y est très importante ainsi quele système des castes, encore en vigueur dans la vie quotidienne(par exemple dans le choix du par-

tenaire). Les Hindous connaissentdes dizaines de milliers, voire descentaines de milliers de «divinités»,considérées comme des manifes-tations différentes d’un mêmeDieu. L’hindouisme n’a pas de pou-voir contraignant pour tous. Y sontimportantes les questions ayanttrait à la souffrance qui se résolventpar l’ascèse et qui aboutissent aunirvana (bonheur). Après le christianisme, l’islam etl’hindouisme, le bouddhisme est laquatrième religion la plus impor-

tante au monde. Son fondateur,Siggarhata Gautama, le fils d’unroi, est né en 563 avant J-C. Retirédu monde, il devient Bouddha(L’éveillé). Le bouddhisme présente un en-semble de pratiques méditativeset éthiques, de théories philoso-phiques, abordées dans la perspec-

tive de la bodhi «l’éveil». Le boud-dhisme passe pour une religionsans dieu. Le jaïnisme est apparu entre le6e et 5e siècle avant J.-C. Il ne croitpas en un dieu unique et créateurmais en un univers, bercé par desmouvements permanents, organi-sés en cycles. Grâce à un travail discipliné de purification, les âmespeuvent transmigrer et connaîtrela délivrance. Là, elles accèdent auséjour éternel, situé au sommet del’univers. Dans certaines traditions,les adeptes utilisent un balai debrins de coton pour nettoyer le solafin de ne pas risquer d’écraser lemoindre insecte. Ils peuvent par-

fois porter un masque couvrant lenez et la bouche pour ne pas avalerune vie microscopique qu’ils n’au-raient vue. Strictement végéta-riens, les jaïnistes accordent unegrande valeur au pardon et à la tolérance. Les adeptes du sikhisme qui estapparu seulement au 16e siècle sereconnaissent au port d’un turbanminutieusement attaché. Commeexpression de leur solidarité tousles sikhs en plus de leur prénom etnom y ajoutent encore la parole«Singh» pour terminer alors quepour les femmes on y ajoute cellede «Kaur», princesse.

Islam: Taj MahalQui ne connaît pas le plus impor-tant monument de l’islam indien,le Taj Mahal «Palais de la cou-ronne»? Joyau de l’architecture

Un paysage religieux diversifié

En Inde, on retrouve toutes les grandes religions et quatred’entre elles y ont été fondées. L’islam par exemple, y a jouéet joue toujours un rôle important. Bien que les chrétiens nereprésentent que 2,3% de la population, ils apportent unecontribution précieuse à l’éducation et dans les servicessociaux. Le christianisme indien comprend en fait denombreuses Eglises. Certaines sont «unies», c’est­à­dire en lienavec Rome. Après un coup d’œil sur les principales religionsnous présentons ici les Eglises syro­malabar, syro­malankaret knananite, toutes rattachées à Rome.

Strictement végétariens,les jaïnistes accordentune grande valeur aupardon et à la tolérance.

4 frères en marche 2|2013

Religions en IndeHindouisme 80,5%Islam 13,4%Christianisme 2,3%Sikhisme 1,9%Bouddhisme 0,8%Jaïnisme 0,4%Autres 0,6%

Page 5: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Islamique situé à Agra, dans l’Etatde l’Uttar Pradesh (là où travaillaMgr Anastasius Hartmann, capu-cin suisse). Ce mausolée de marbreblanc fut construit par l’empereurmoghol Shâh Jahân en mémoirede son épouse. Même à l’époque de Mahomet,l’Islam s’est répandu dans le payspar des moyens pacifiques, surtoutpar le témoignage des marchands.Bien qu’aujourd’hui l’hindouismesoit dominant, l’Inde est après l’Indonésie et le Pakistan, le pays leplus peuplé de musulmans. Il existe également une commu-nauté juive d’environ 6000 mem-bres. Selon un rapport de l’ONU,l’Inde est un des seuls pays qui n’ajamais persécuté les Juifs.

18 millions de catholiquesEn Inde, il y a environ 25 millions dechrétiens. Parmi ceux-ci, environ18 millions sont catholiques. Parmiceux-ci six millions sont de ritesyro-malabar, 500000 de rite syro-malankar et le solde est de rite latin(les plus nombreux).

Chrétiens de saint ThomasLes chrétiens de saint Thomas sontun ensemble de communautésdont l’origine remonte au débutdu christianisme. Si l’on en croit la tradition, l’apôtre Thomas serait arrivé en 53. Son tombeau setrouve, aujourd’hui à Chennai, au-trefois Madras. Même si l’histoirede L’Eglise peut avoir quelquestraits légendaires, la foi chrétiennea survécu de sorte que S. François-Xavier, Jésuite, fut étonné de trou-ver des communautés vivantes lorsde son arrivée au 16e siècle. Pour les chrétiens qui étaientrestés plus de quinze cents ans

fidèles à leur foi, ce fut un tempsdifficile car des gens venant duNord – pour la plupart des Portu-gais – ont commencé par latiniserla liturgie et d’autres formes de dévotion.

Catholiques syro-malabarsL’Eglise locale a réagi. En 1662 laplupart des chrétiens se réclamantde Saint Thomas ont quitté l’arche-vêché latin. Après neuf ans de

luttes, ils retournèrent à leur Eglised’origine. Ils ont fondé l’Eglise ca-tholique syro-malabar, présenteprincipalement dans le sud del’Inde, au Kerala et au Tamil Nadu.Bien que cette Eglise soit «unie» àRome, elle a pu conserver ses ritestraditionnels de l’est de la Syrie.En outre, il y a encore l’Eglise «del’ouest de la Syrie», qui ne reconnaîtpas le pape et donc faisant partiede l’orthodoxie. A cela s’ajoute une

5frères en marche 2|2013

Phot

o: m

ise à

disp

ositi

on

En septembre 2012, le Pape Benoît XVI recevait avec beaucoup de chaleur humaine deuxreprésentants de l’hindouisme, lors de l’audience publique du mercredi.

Page 6: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Eglise rattachée aux anglicans etune autre au protestantisme. Pasfacile de s’y retrouver!

L’Eglise catholique syro-malankarMême si la chose est compliquée,en particulier pour les étrangers,voici brièvement une autre Eglise –syro-malankar – est souvent con-fondue avec celle de rite syro-mala-bar. L’Eglise syro-malankar ortho-doxe est une église orthodoxeorientale autonome rattachée ca-

L’hindouisme connaîtde multiples divinités

et tous les sanctuaires,grands et petits, sont

les lieux privilégiésd’offrandes en leur

honneur.

A Vijayawada, le sanctuaire marial de Gunadala est un lieufréquenté par les catholiques et bien d’autres croyants.Le dimanche, on y vient en famille et on y passe la journéecar c’est aussi un espace de détente également car degrands espaces verdoyants entourent le sanctuaire.

Photo: Daniel Hug

Phot

os: B

erna

rd M

ailla

rd

noniquement à l’Eglise syriaque orthodoxe (Patriarcat d’Antioche).Le chef de l’Eglise porte le titre deMaphrien et Catholicos de l’Inde,avec résidence à Puthencuriz dansle district d’Ernakulam. L’unionavec l’Eglise catholique romaine,en 1926, suite à des dissensionsau sein de cette Eglise a été un telsuccès que les huit diocèses – quiont à leur tête l’Archevêque majeurde Trivandrum (Thiruvanantha- puram) – comptent actuellement430000 fidèles. De plus, il y a douzecommunautés aux Etats-Unis etcinq en Allemagne.

«Patriarches» élusLe «Patriarche» est l’autorité su-prême de l’Eglise syro-malabar etsyro-malankar. Ils sont élus démo-cratiquement et confirmés par leVatican. A l’heure actuelle, deuxd’entre eux ont le rang de cardi-naux.

Les knananitesLes knananites forment une com-munauté religieuse et culturellespécifique parmi les chrétiens desaint Thomas du sud de l’Inde. Au4e siècle, 72 familles judéo-chré-tiennes en provenance de la Méso-potamie ont émigré vers le sud de

6 frères en marche 2|2013

Capucins syro-malabarsWLu. En Inde, il existe des Capucins quiappartiennent au rite syro-malabar.En 1977 le Suisse Pascal Rywalski, ensa qualité de ministre général à Rome, autorisa la création d’une provincesyro-malabar avec environ 500 frères.Certains d’entre eux sont engagés dansla pastorale en Suisse.

Page 7: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Photo: Adrian Müller

A Cuttack, le templeséculaire consacréau Soleil, est un lieutrès fréquenté parles touristes indienset étrangers, trèsnombreux à Puri,cité balnéaire réputée.

Le Taj Mahal, près d’Agra, est un site internationalement reconnu.Il est le joyau le plus parfait de l’art musulman en Inde. Sanctuaires.

l’Inde. Cette communauté compte300000 adeptes. Les deux-tierssont Syro-malabars et un tiersest membre de l’Eglise orthodoxesyriaque. Au 4e siècle, 72 familles judéo-chrétiennes en provenance de laMésopotamie ont émigré vers le

sud de l’Inde. Ils sont endogames,ils se marient uniquement à l’inté-rieur de leur communauté.

Les LatinsIl y a en Inde aussi des communau-tés de rite latin donc rattachées àl’Eglise de Rome. Ils sont de loin les

plus nombreux et il n’est pas néces-saire ici de les présenter.

Walter Ludin

7frères en marche 2|2013

Page 8: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Lueurs d’espoir malgré tout

8 frères en marche 2|2013

Après la visite des lieux sous le soleil implacable de midi, il me remit un petit fascicule intitulé«Blossoms in the dust», qui se

traduirait au sens large par «Se relever de la misère». Il s’agit de témoignages d’enfants accueillisdans cette institution «Reaching

to unreached», à savoir «atteindreles inatteignables». Laissons la parole aux enfantsqui y ont trouvé une mamande substitution et de nouveaux«frères» et «sœurs». Ce sont des

enfants accueillis et pris en char-ge par unité «familiale» afin deleur offrir un cocon. Des récitsà prendre tels qu’ils sont, sans commentaire, tellement ils sontpoignants.

Une famille qui basculedans la misèreJe m’appelle Pushparani et j’ai 12ans. J’ai deux frères et une sœur.Mes parents étaient très affec-tueux et prenaient soin de nous.Mon père était charpentier et ma

mère s’occupait du ménage etnous nourrissait bien. J’aimais le visage de ma mère, il était toujoursrayonnant et ses yeux étaient remplis d’amour. Soudainement,elle tomba malade, fut hospitalisée

et notre vie bascula. Mon père fitde son mieux pour être auprèsd’elle. Quant à moi, je faisais la cuisine et prenais soin de mesjeunes frères. Le dernier a dix mois.Les jours et les mois passèrent et finalement nous avons vu la dépouille de notre mère revenir àla maison. Notre père en tombamalade peu après. Il perdit la têteet n’alla plus travailler. Nous dépen-dions de nos voisins pour la nourri-ture quotidienne. Finalement, nousavons terminé dans la rue, sans rienet avons commencé à mendier etavons trouvé refuge sous un pont.J’étais comme la maman de monpetit frère de dix mois qui voulaittoujours se cramponner à meshanches et être porté sur le dos. Un jour, un inconnu pressa monpère de s’adresser au responsable

de cette institution «Reaching toUnreached». Une fois accueillis, no-tre père ne revint jamais nous trou-ver. Nous ne savions rien à son su-jet, ni s’il était vivant ou non. Main-tenant, nous sommes en sécurité

Des récits à prendretels qu’ils sont, sanscommentaire, tellementils sont poignants.

Phot

os: m

ise à

disp

ositi

on

Une cellule de vie la plus proche de la famille: enfants accueillisau centre et pris en charge par une maman «adoptive».

Partager sa joie de vivre s’exprime de multiples manières.

Accueilli par Fr. John Antony Paulsamy, je réalise d’embléequ’il est le père de tous, dans ce village d’enfants fondé parun Frère des Ecoles chrétiennes. En faisant sa connaissance,je ne savais pas encore qu’il avait été lui­même placé ici commeenfant et y avait fait toute sa scolarité avant de frapper à laporte des Capucins.

Page 9: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

9frères en marche 2|2013

et nous avons une maman de substitution qui s’occupe de nous.

Enchaînés comme les chiensJe m’appelle Dharshini et j’ai unesœur, Poongothai et un frère, Ba-lan. Mon père, Mayandi était pous-seur de richshaw. Il gagnait peuet donnait son argent à sa belle-mère. Elle ne nous préparait jamaisde repas et elle nous détestait.Elle ne supportait pas que noussoyons à la maison. Mon pèreavait l’habitude de nous enchaîneravec un collier de chien à l’exté-rieur. Il revint une nuit et nouslibéra. Nous étions nourris de peude choses et nous étions dénutris.Un jour, Fr. Thatha (mot affectueuxpour «Père») nous a finalementamenés au village d’enfants. Nousavons été bien reçus et nous

sommes bien nourris. Maintenantnous sommes heureux.

Empoisonnés par notre mèreJe m’appelle Sangavi et je vivaisdans un petit village. J’ai une sœur

et un frère plus âgés que moi. Monpère n’avait pas confiance en mamère et chaque jour il la battait. Ilsse querellaient sans cesse. Cette situation était insupportable. Fina-lement elle s’est enfuie avec nousdans une forêt où nous vivions cachés dans une cabane. Un jour,toute effrayée, elle vint nous direde nous tenir tranquille car notrepère était dans les parages avec latête d’un homme qu’il avait tué.Puis soudainement elle revint etnous dit que nous lui appartenionset qu’elle ne permettrait pas quenous puissions vivre. Elle préparadu poison qu’elle tenait à nousfaire manger. Je m’en défendis.Mais mon frère et ma sœur durenten manger et ma mère termina lanourriture. Tous trois s’évanoui-rent et je me rendis au village pour

appeler au secours. Une jeep de lapolice arriva et emmena les trois.Deux étaient morts, à savoir mamère et mon frère. Ma sœur s’entira et avec moi qui n’avais pris quetrès peu de nourriture, nous avons

été amenésà l’hôpital. Monpère qui avait faitde la prison mou-rut peu après sonretour au village.

Famille couvertede dettesJe m’appelleVishalini.Mon papa

était vendeur ambulant de tissus.Nous étions heureux. Ma mamantomba malade subitement. Elle sedut se rendre souvent à l’hôpital.C’est par une amie qu’elle a connuRTU. Mon frère et moi-même tra-

Fr. J. AnthonyPaulsamy,ancien de cetteinstitution, enest aujourd’huil’animateur.

Etre reconnus comme membres d’une même grande famille, cela dégagedes énergies nouvelles au service de l’épanouissement d’un chacun.

La balançoire est un lieu de détente etd’intégration.

Page 10: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

10 frères en marche 2|2013

vaillions durs pour payer les dettesde la famille. Nous étions tristes,les premiers jours, d’être séparés denos parents. Mais par la suite, nousnous sommes faits à notre nou-velle vie. Quelque temps après, mamère mourut. Je me souviens alorsde ses paroles sur son lit de mort,«Etudie bien, prends soin de tonfrère et ne le frappe pas». Quandelle me dit cela, mon père sortit dela pièce en pleurant et moi égale-ment. Après une année, au tempsdes examens, notre grand-père estvenu pour nous amener chez lui.Lorsque mon frère lui demandapourquoi, il lui dit que mon papas’était suicidé. Nous ne savions paspourquoi il avait mis fin à ses jours.Arrivé au village, chacun voulait savoir ce que nous étions devenus.J’ai répondu que je fréquentaisl’école St-Pierre. Ici, au village d’en-fants, chacun m’aime, prend soinde moi si je souffre un peu. Moncœur est reconnaissant à Thatha(ndr: la maman du foyer) et à tousmes amis.

Jetée dans un sac à orduresJe m’appelle Sadhan et suis étu-diante du secondaire. Je ne connaisni ma mère, ni mon père. J’ai apprisque j’avais été trouvée dans un sacà ordures. Un couple m’accueillitet je les considère comme mes parents mais ils vivent actuelle-ment séparés ... Je réalise qu’unejeune fille a besoin d’une mamanà ses côtés. Malheureusement,je n’avais plus de mère pour me guider dans ce que je devaisfaire ou ne pas faire. Ici, j’ai une

Assurer une bonne alimentation faitpartie aussi des objectifs de la prise encharge.

Se retrouver face à face pour un repasen commun, cela met de l’ambiancedans les corridors!

Photos: Adrian Müller

Page 11: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

11frères en marche 2|2013

«maman» qui m’aime, des frèreset tant de sœurs qui m’aiment.Je trouve du bonheur à être parmieux. Nous aimons les enfants denotre «Thatha» (mot affectueuxpour «maman» de substitution). Jene savais pas danser auparavantmais maintenant je danse bien.Je prie toujours pour Thatha ettous les autres enfants pour qu’ilssoient toujours heureux.

Livré à moi-mêmeJe m’appelle Ponmani et j’ai 15 ans.Je suis d’une pauvre famille. J’aideux frères et trois sœurs. Monpère buvait énormément et nes’occupait pas de nous. Parfois nousn’avions rien à manger. Il est tombémalade et mourut alors que j’avais9 ans. Deux de mes sœurs ont étéreçues ici, dans ce village d’enfantsmais elles tenaient à ce que j’aide lafamille plutôt que d’aller à l’école.J’avais rencontré des enfants scola-risés en venant visiter mes sœurs

avec ma mère. Mon oncle maltrai-tait ma maman et elle se suicida.J’ai perdu père et mère. Je me sen-tais perdu avec ma petite sœur de6 mois. Mes frères aînés ne sepréoccupaient pas de moi. Ma petite sœur et moi-même avonsdû aller travailler dans une fabriquede production d’encens. Ma tanteeut pitié de moi et m’amena au village. J’ai eu à manger et j’ai pu aller à l’école. J’ai commencé l’écoleprimaire à 9 ans et non à 6 anscomme les autres enfants. Mais jesuis content d’aller à l’école carsans cela je ne pourrais même pasvous décrire ce que j’ai vécu. Je veuxréussir dans la vie et je veux fairemon possible pour venir en aideaux enfants abandonnés à leursort, comme moi, même si cela nepeut se faire par de grands moyens.

Voir, juger et agirTous ces témoignages d’enfantsnous interpellent. Peut-être que la

manière la plus adéquate est de revenir simplement à la BonneNouvelle de l’Evangile. Jésus nousdit sans ambages: «Ce que vousavez fait au plus petit d’entre lesmiens, c’est à moi que vous l’avezfait.» Ceci dit non pour vous citerune fois de plus la phrase de Jésusdont nous ne réalisons pas toutela portée «révolutionnaire». Autemps de Jésus, les enfants sontpeu considérés et mis de côté et Jésus aime à les rencontrer et àles embrasser. C’est bien dans cetesprit que travaillent le Fr. John Antony Paulsamy et toutes les«mamans» des diverses unités fa-miliales au sein de ce village d’en-fants. Et ce n’est pas le seul village!Quatre autres fonctionnent sur lemême système et cela représente1500 enfants pris en charge.

Fr. Bernard MaillardVous pouvez consulter le site de ce

village d’enfants, pour de plus amplesinformations: www.rtuindia.org.

La scolarisation des enfants recueillis est une des tâches primordiales des Villages d’enfants.

Phot

o: A

dria

n M

ülle

r

Page 12: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

A Thullur, cette colonie construiteil y a trente ans avec l’aide des Capucins de Suisse, est placée sousle patronage de L’Enfant-Jésus dePrague. Mais il faut le dire d’em-blée, si cela a pu se réaliser, c’estque vous avez fait partie de ces donatrices et donateurs, toujours

si généreux, qui nous ont permisd’agir en votre nom.

Nos arrièresRien de ce que nous tendons àréaliser à travers le monde et sur-tout en Inde n’aurait pu se fairesans le soutien assidu de celles et

ceux qui forment et assurent nosarrières, à quelque titre que ce soit.Nous leur sommes redevables etc’est pourquoi, pour marquer cetrentième anniversaire, j’aimeraisvous retracer ce projet qui a vu lejour grâce l’engagement de Fr. Ste-fano Bronner, alors vicaire provin-cial. Il a toujours su prendre encompte les défis qui se présentent

à nous lorsque nous recevons desdemandes de soutien. Là, nousavons touché dans le mille. Les

Un havre de paix pour les Intouchables

Des anges annonciateurs d’une bonne nouvelle, voilà ceque rappelle l’arc de triomphe du paradis des «exclus»,à l’entrée du village de Thullur, dans l’Etat d’Andhra Pradesh.Les Dalits, intouchables, du village y trouvent un coin deparadis, eux qui n’avaient pas le droit de posséder des terres,ni d’avoir un toit en tant que hors­castes.

Phot

os: B

erna

rd M

ailla

rd

Là, nous avons touchédans le mille.❯

12 frères en marche 2|2013

Fr. Bernard Maillard dans une des familles de ce havre de paix

Page 13: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

homme doit être reconnu dans sadignité de créature, et surtout lesbannis de la terre. Permettre à ceuxqui n’ont droit à rien même unchez-soi, cet espace de vie nouvelle,bien que limité est d’une immenseportée sociale.

Pas un club de vacancesC’est dans un tel environnementqu’il faut saisir la portée de la naissance de cette petite «colonie», regroupement de 150 familles quidisposent d’un espace privilégié,ce qui ne veut pas encore dire deluxe… Nous ne sommes pas ici dansun club de vacances! Nous nous retrouvons sur une surface quandmême limitée. Mais, ce qui compteau cœur de cette cité, n’est pas tantl’espace, quoi qu’important parceque significatif aux yeux de ceuxet celles qui ont eu le bonheur d’y

besoins étaient tels pour ces laissés-pour-compte sans toit queconstruire pour chaque famille unepetite maison de deux chambres,avec cuisine à l’extérieur commeaussi l’eau courante dans la courde la maison apparaissait commeune évidence.

Voir au-delà des besoins de l’OrdreFr. Stefano sait ce que vaut chaquefranc et tient à ce que notre pro-vince en fasse un bon usage. Il saitreplacer une requête dans son

Somme accordée à ce projet?Le gouvernement indien contrôle sérieusement les entrées financières des Instituts religieux ou de l’Eglise de l’étranger, de manière à ce que cet argent ne serve pas au prosélytisme mais bien aux besoins sociaux des populations. L’arc de triomphe porte le nom des politiciens locaux, en dessous de l’inscription:«A l’Enfant Jésus». L’enfant Jésus de Prague y est déposé dans une niche. Cette statueest sans doute l’héritage de la présence des missionnaires étrangers. On le retrouvedans presque toutes les églises.

tissu social et économique ou encore religieux. Il a le cœur sur lamain et il est conscient de ce quereprésente notre apport dans lecontexte économique du milieudans lequel nous intervenons. Ilsait qu’avec peu de choses on peutfaire beaucoup mais il sait surtoutqu’il faut investir en fonction desbesoins des gens et avec l’appui denos frères indiens. Dans ce projetà taille humaine, il tient surtout àmanifester son sens de l’humainet sa profonde conscience que tout

13frères en marche 2|2013

L’arc de triomphe du village est à l’honneur des anges de Noël et du Petit Jésus de Prague et bien sûr des politiciens du village.

Page 14: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

entrer. Nous pouvons dire que nousen sommes au moins déjà à ladeuxième génération de ces pion-niers et peut-être que les jeunesde la colonie ne savent pas grand-chose de son origine.

Un coin de terre où coulentle lait et le mielPour les Dalits installés en ces lieux,c’est un Paradis, une terre promisequi leur a été donnée gracieuse-

ment. Un geste d’une portée so-ciale et religieuse incontestable,sans aucun prosélytisme. Au-jourd’hui, il m’est raconté que tous

sont catholiques. J’ai pu constaterque les gens cherchent à améliorerleur habitation. Certains cherchentà s’y installer, ce qui veut dire quele village grandit peu à peu et queles nouveaux venus doivent ache-ter du terrain adjacent, dans le prolongement de la rue principale. Serait-ce une terre où coulent lelait et le miel? C’est sans douteexagéré mais c’est quand mêmeune terre où l’eau a été acheminée,grâce à une station de pompageperdue dans la campagne, à 5 km

14 frères en marche 2|2013

Un Paradis, une terrepromise qui leur a étédonnée gracieusement.

❯Le P. Joseph Tumma qui était alorscuré m’a rappelé combien les Capucinsd’Andhra Pradesh sont reconnaissantsà notre province suisse de les avoir toujours aidés dans leurs projets sociaux dès leur arrivée dans cet Etatdans les années 70.

Page 15: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

de là. Il a d’abord fallu déceler lasource et construire une petite station puis creuser une tranchéepour y enterrer la conduite. Avoirl’eau au seuil de sa maison, c’estun privilège d’une importance ca-

pitale pour les besoins de chaquefamille. L’eau à portée de main, c’est

aussi une grâce faite aux femmeset aux filles qui sont dispenséesde la corvée quotidienne qui est encore le sort de tant de femmes,surtout dans les campagnes.

Bernard Maillard

15frères en marche 2|2013

L’eau à portée de main,c’est une grâce faite auxfemmes et aux filles.

IntouchablesLes intouchables, ou Dalits, forment, en Inde, un groupe d’individus exclus du système des castes (stricto sensu, ils sont considérés àproprement parler comme «hors du système des castes» au même titre que les populations aborigènes du pays ou les étrangers). Depuis l’indépendance de l’Inde (1947), considérer un citoyen indien comme «intouchable» est interdit par la constitution.Ils représentaient environ 240 millions de personnes et sont désignés généralement par le terme de Dalit qui signifie «opprimé»,même s’ils peuvent aussi être appelés Harijan («enfant de dieu», forme utilisée par Gandhi). L’appartenance à une caste est héréditaire, ce qui limite les possibilités d’ascension sociale. Source Wikipedia

Photos: Adrian Müller

La récolte de la bouse de vaches estune source de revenus car les galettes qu’on

en tire servent à la cuisson des aliments.

Page 16: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Ils sont une quarantaine à vivre durant trois ans en communauté.La plupart connaît déjà ce mode devie car de nombreux jeunes ne peu-vent étudier qu’en étant soit en internat du gouvernement ou dansune maison d’accueil tenue par descongrégations religieuses, connue

sous le nom de boys hostel ou girlshostel (hôtel – bien grand mot –pour garçons et filles).

Un désert avec une oasisde sagesseC’est donc en dehors d’aventuressur les routes et les collines du sud

de cet état, en dehors de toute ren-contre directe avec des populations«tribales» et de toute expérienceimmédiate sur le terrain, mais dans

un univers bien restreint qu’il m’aété donné de vivre une expériencede «désert». Désert, dans le faitd’accepter l’inattendu, de devoir aller plus loin que découvrir untemple du XIIIe siècle, consacré audieu soleil, à Konarak, près de Puri,ville balnéaire très fréquentée. Jen’ai connu ses abords qu’en pleinmidi, tout en restant dans une voiture climatisée mise à disposi-

Une chasse au trésor

Une chasse au trésor en Odisha, c’est un peu l’expériencequi m’avait été proposée durant dix jours, afin de faire mieuxconnaissance avec ses trois communautés capucines et leurenvironnement. C’était bien le fait d’être retenu non pas enotage – comme cela peut se passer dans ces contrées – maisen tant que frère étranger ayant le privilège de partager la vied’une communauté capucine particulière. A la périphérie deBerhampur, elle se consacre en effet à la formation des futurscandidats à notre forme de vie.

Phot

os: B

erna

rd M

ailla

rd

Il m’a été donnéde vivre une expériencede «désert»

16 frères en marche 2|2013

Page 17: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

tion par un abbé indien, ami de lacommunauté. Mon «désert» ou, vu sous un autre angle, cette oasis au milieude la vie trépidante, je l’ai donc accepté comme un «don de Dieu».La vie en Inde, malgré toutes ses vicissitudes, est un don de Dieu oude la divinité. Un jeune homme de17 ans qui venait de perdre sonpapa était chargé de prendre soinde l’étranger et de veiller à ce qu’ilse sente chez lui.

Rien n’est impossibleC’est ce jeune Indien qui m’a apprisque chaque jour est différent etqu’il faut l’accepter comme tel,me montrant que les doigts d’unemain ne sont pas pareils. Doncprends la vie qui t’est donnée danssa diversité. N’essaie pas de forcerles choses. Tout finira par s’arran-ger, que ce soit la température dujour ou la chose à régler, commel’électricité qui fait soudain défaut.

Sous l’effet de la chaleur, les câb-les fondent et provoquent unecoupure de courant à l’heure oùl’on voudrait que les ventilateursfonctionnent pour brasser l’airmoite. Savoir attendre pendantqu’un frère s’improvise électricienet découvre après des heures lesconnections à opérer pour le mira-cle tant attendu. Savoir vivre l’instant présentsans forcer les choses, je l’ai com-pris en apprenant que le train queje devais emprunter partirait le lendemain et que finalement il n’yaurait pas de confirmation du bil-

let réservé. A trente minutes du départ, je ne connaissais pas en-core le siège qui m’était attribué.J’étais un peu sur les braises maismes hôtes me rassurèrent en me

garantissant que la situation pou-vait encore s’arranger. Je ne saispas encore aujourd’hui commentj’ai pu m’installer dans ce compar-timent en seulement deux mi-nutes, le temps que dure l’arrêtdans cette station.

La relation est dans l’attentionportée à l’autreEn Inde, à tout merci donné pourun service on répond inexorable-ment par «welcome». Ce fut uneagréable surprise pour moi. Cela setraduit par «bienvenue» ou peut-être encore par «avec plaisir». Cetteexpression traduit non seulementune formule consacrée mais aussiune disponibilité qui s’adapte àun souhait ou un besoin, tout ensachant qu’il ne peut trouver uneréponse souvent que bien plustard. Rien ne se réalise ici sur lecoup de pouce. Il faut savoir quetoute chose ne se trouve pas sousla main. On peut faire des maga-

17frères en marche 2|2013

Savoir vivre l’instantprésent sans forcerles choses.

Page 18: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

sins et des magasins avant de trouver chaussure à son pied. J’enai fait l’expérience. Sous l’effet dela canicule et de la forte chaleur surles routes, mes sandales se sontfendues. Il m’a fallu attendre desjours et des jours avant de pouvoirme rendre dans un magasin spé-cialisé. Je ne trouvai rien qui meconvenait. Fatigué – il était déjà 9 heuresdu soir – je décidai de rentrer et departir tôt le lendemain, à l’heure

où le trafic était moins dense. Maisles deux frères capucins qui m’ac-compagnaient firent une tentative

dans un autre coin de la ville et découvrirent enfin sandales à monpied. J’ai dû tout de même me

contenter d’un numéro 44 alorsqu’il m’aurait fallu du 47! Et cecidit pour ne donner qu’un exemple!En Inde, il ne faut jamais désespé-rer ...

Se dépasser, c’est essentielPartir en Inde durant la période quiprécède la mousson, c’est un peude la folie. On me l’a dit et répété:c’est le pire moment pour s’y rendre! Combien de fois des frèresm’avaient confié combien ils souf-

18 frères en marche 2|2013

Sous l’effet de lacanicule et de la fortechaleur sur les routeset les chemins, messandales se sont fendues.

Photo: Adrian MüllerJésus dans la position du lotus, c’est aussi de l’inculturation.

Page 19: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

fraient de ce climat torride et se demandaient comment je pourraissupporter cela. Cela a été simple-ment possible grâce à la bienveil-lance de ces frères qui ont mis à disposition une climatisation. Celanous incite surtout à faire l’expé-rience de nos limites et de notreêtre propre, non pas dans le fait dece que l’on peut faire ou ne pas fairemais dans de vivre l’instant présentcomme tel. Vivre non pas impassi-blement mais vivre l’instant pré-sent comme une grâce. Tenter le diable pourrait paraîtrela meilleure expression pour tra-duire cette expérience de la fini-

tude. Se dépasser, c’est essentiel àune vie en plénitude. En voilà unechasse au trésor! La meilleure quel’on puisse vivre et finalement enfaire une action de grâce.

Fr. Bernard Maillard

La meilleure quel’on puisse vivre etfinalement en faireune action de grâce.

19frères en marche 2|2013

Phot

os: A

dria

n M

ülle

r

Les arbres numérotés ne peuvent être abattussans autorisation, comme en Suisse.

Les conditions du trafic exercent pour le moins à la patience.

Page 20: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Immense fête de famille qui ras-semble à la fois la parenté de SleevaRaju, jeune informaticien et de cellede Pavithra Jyoti, infirmière, ainsi

que de nombreux amis des deuxfamilles. Environ 700 participantsse pressent à cette fête haute encouleurs.

Arrivés une heure avant le débutdes festivités, nous ne dérangeonspas la famille qui est en train de recevoir les invités; nous sommesaccueillis par un parent de Sleevadont deux fils sont prêtres. Nouspartageons le verre de l’amitié, duvin de palme. Les confrères et lesprêtres invités sont heureux de seretrouver et se félicitent de cetteoccasion. Liés par l’amitié frater-nelle à Fr. Joseph Madanu, ils sontfinalement dix-huit à concélébrer.

Ils seront en grande partie encorede la fête car le repas est la mani-festation la plus évidente de l’atta-chement que l’on porte à une famille. Et la fête va durer quatrejours! Toutefois pas avec la mêmeintensité que le jour du mariagelui-même.

Fête aussi du villageIl y a un air de fête dans l’air, la musique diffusée par haut-parleurrésonne à travers le village biensoudé, un peu comme dans nos villages de la Broye, de part et d’autre de la route principale. Lecouple se rend à l’église précédéd’un petit orchestre local, com-posé de trois jeunes tamboursqui annoncent l’événement, toutcela amplifié par un haut-parleurmonté sur un vélo. Tout le village,essentiellement composé de ca-

Mariage avec grains de riz jaunis au curry

Ce mariage est célébré à Govindapuram, village rural d’AndhraPradesh, dans l’arrière­pays indien, le lundi 25 juin 2012.Invité à cette fête par Fr. Joseph Madanu, étudiant enthéologie à Fribourg, je suis donc là au nom de l’amitiéfraternelle qui unit tous les frères de l’Ordre. Ils sont dix­huitcapucins et diocésains réunis à cette occasion. Cette fêteclôture mon séjour de trois mois passé en Inde.

Environ 700 participantsse pressent à cettefête haute en couleurs.

20 frères en marche 2|2013

A l’église, ce sont les neveux des jeunes époux qui assurent la lecture de la Parole de Dieu.

Phot

os: B

erna

rd M

ailla

rd

Page 21: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

au centre de la nef mais sur le côté,de manière à ce que l’assemblée,

nombreuse, puisse participer plei-nement au déroulement de la cérémonie.

tholiques qui ont émigré sur cesterres, se sent concerné par cettecélébration.

Les premiers de fileA 10 h, les fiancés attendant aufond de l’église paroissiale l’ouver-ture de la procession d’entrée. Ils se-ront en tête, précédant les prêtreset un diacre. Ils ne sont pas installés

Triduum autour d’un mariageBM. Tout n’est pas fini au terme du premier jour de liesse. Le lendemain, les rites du mariage se poursuivent dans la famille de l’épouse. Le «triduum» va s’achever dansla famille des parents de l’époux.

Deux fauteuils rougesécarlates, de style indien,les attendent.

La jeune fille est vêtue du saritraditionnel. Elle porte de nom-breux bracelets et, au début de lacélébration, une parente vient luiattacher autour du cou un collierqu’elle n’a visiblement pas eu letemps de lui remettre auparavant.Le garçon est en costume de ville.Leurs mains sont couvertes designes avec du henné, dont unecroix gammée, symbole de fertilité.

La réforme liturgiqueest passée par làLe célébrant principal est le Pro- vincial des capucins de l’AndhraPradesh. La première lecture est assurée par un neveu, tout jeunegarçon, en langue télougou, ladeuxième par une tante. Jeconstate que la réforme liturgiqueest aussi passée par là et que lafemme n’est pas exclue de la pro-clamation de la Parole de Dieu.L’Evangile est lue par un diacre quisera ordonné prêtre dans les joursà venir. La prédication est assuréepar Fr. Chinou, capucin, parent dufiancé. Vous le pensez bien ... je n’airien compris mais j’en ai appréciéla durée, une quinzaine de minutes.

Un oui qui suscite des riresComme de coutume, la célébrationdu mariage se déroule avant le début de la présentation des of-frandes. Au début des questions

21frères en marche 2|2013

Les nouveaux mariés entourés par les parents du jeunemarié et par le Fr. Joseph Madanu, étudiant à l’Universitéde Fribourg et par le Fr. Praveen, provincial des capucinsd’Andhra Pradesh.

Les parents du jeune marié sont honorésde pouvoir aussi s’asseoir sur les trônes réservésprincipalement au nouveau couple.

Le repas de noces fait partie intégrante de la célébration.Ici, chez les parents du jeune marié.

Page 22: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

posées à Sleeva, une réponse sus-cite les rires de l’assemblée. Je nesais pourquoi. Informations prisesplus tard, c’est une réaction nor-

male au «oui» donné à celle qui vadevenir son épouse. Pas de baiserpour sceller cette union, mais la remise d’une banderole de fleursque l’un et l’autre vont se passermutuellement autour du cou. Aupied de l’autel, parmi les offran-des, il y a une bassine de riz couleursafran. Dessus y sont déposés lesanneaux.

Les promesses de mariage faites,les jeunes mariés partent en pro-cession jusque sous le porche del’église pour chercher le calice ainsique le pain et le vin pour la célébra-tion de l’Eucharistie.

Une bénédiction horsde l’ordinaireAprès la communion, tous les prêtres, les mains étendues sur lesnouveaux époux, un peu commepour les ordinations, participent àla prière de bénédiction. Mais legeste qui m’a le plus impressionné,c’est la bénédiction personnelle dechaque prêtre qui, après avoir puisédans la bassine de riz, le répand généreusement sur la tête des

époux. Le sol est jonché de riz –symbole de fertilité – et de poudresdécoratives. Mais ce qui m’a profondémenttouché, c’est la participation detoute la communauté à ce rite,signe de communion et de joie par-tagée en ce jour de fête, fête nonsimplement familiale mais aussicommunautaire. Les paroissiens y

sont nombreux malgré les travauxdes champs en cette fin juin où lamousson est attendue avec unecertaine impatience. Car la pluie,signe de bénédiction, tarde à venir.

Car la pluie, signe debénédiction, tarde à venir.❯

22 frères en marche 2|2013

Une réaction normaleau «oui» donné à celle quiva devenir son épouse.

Page 23: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Il paraît qu’il y a 17 ans qu’ils n’ontpas vécu un été aussi chaud et long.

Remise des cadeauxParents et amis de la famille se sontensuite retrouvés pour une agape,soit à la cure de la paroisse pour lesprêtres, soit à la maison du jeuneépoux. Pendant que les invités seréjouissent de partager un repastraditionnel composé de riz, com-me toujours, a lieu la remise des cadeaux aux époux. C’est un défiléde tous ceux qui tiennent à mani-fester publiquement leur attache-ment au nouveau couple. C’est aunom de tous les capucins de cetteprovince et au nom des capucinssuisses que je leur manifeste ma

reconnaissance d’avoir été invitéà la fête. Elle clôture en quelquesorte mon séjour en Inde. Et jepeux en rapporter non seulementdes souvenirs mais aussi des expé-riences de terrain, indispensablespour percevoir un peu mieux la culture de ce vaste pays.

Fr. Bernard Maillard

23frères en marche 2|2013

Page 24/25: Les parents et amisdu jeune couple y vont de leur

bénédiction en y déposant des grainsde riz jaunis au curry sur leur tête.

Photos: Adrian Müller

Ouvrir une noix de coco pour y extrairele fameux lait est tout un art, autant

pour les femmes que pour les hommes.

Croix gammée indienneWLU. La phrase pourrait être mal interprétée: «Parmi d’autres motifs, on dessine unecroix gammée sur le dos de la main.» Ce symbole est compris de manière très diffé-rente en Inde, au Japon, au Tibet, qu’en Allemagne ou d’autres pays européens. Il faitpartie intégrante de l’héritage de la culture indienne. Le caractère «Svastika» qui estapparu durant l’époque néolithique, vient du sanskrit et signifie, entre autres, «vie» –ou, comme dans cet article, «fertilité». Seuls les nazis ont, par la suite, abusé de ce sym-bole à des fins obscures pour servir leur propres besoins et nuire ainsi à des millions depersonnes.

Page 24: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»
Page 25: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Phot

o: B

erna

rd M

ailla

rd

Page 26: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Ne pas diviser pour régnerCette division de la province n’estpas un règlement de comptes entre deux parties mais il s’agitbien d’un choix offert à chacun deréaliser au mieux ses options dansde nombreux projets à caractèresocial, surtout à l’endroit des «petits». Cette «bifurcation», comme l’aexpliqué Fr. Mauro Jöhri, trouve unexemple concret lorsqu’Abrahamet son cousin Loth, avec femmes,enfants et troupeaux, se mettentd’accord pour s’installer à l’opposédu choix de l’autre. Et Abraham eutla délicate attention de laisser soncousin aller là où il le jugeait bonet lui se contenta de la part libre,à gauche ou à droite. Dans son homélie, il cite aussi l’exemple dePierre et de Paul, qui, d’un communaccord, se consacrèrent, l’un auxJuifs convertis et l’autre aux païens.Tout cela après en avoir largementdiscuté entre eux et avec la com-munauté chrétienne naissante.Deux beaux exemples pour encou-rager les frères à vivre cette «bifur-cation» dans la plus grande solida-rité. Ils se sont partagé le territoire.Suivent d’autres démarches poursignifier aussi la solidarité inter-provinciale. Bel exemple pour illustrer la liberté de choix de vivre dans lapaix et la concorde. La division dela province était attendue, vouluepar les deux parties, certains la réclamant à grands cris et enfin, ce25 avril 2012, elle a été proclamée

publiquement à Trichy, dans le premier couvent des capucinsérigé en Tamil Nadu par le Fr. AlainPerson (devenu par la suite évêqueen Ethiopie, après avoir dû quitterl’Inde). Tous les frères de la pro-vince, mis à part ceux qui avaientdû garder les maisons de l’Ordrece jour-là, pour raison de sécuritéévidente, étaient là. Les ministresprovinciaux ont été nommés par leConseil général ainsi que les quatreautres membres du Conseil provin-

cial. C’est une surprise aux yeux decertains mais elle est quand mêmele fruit d’une consultation de tousles frères. La liturgie a débuté par unedanse classique traditionnelle. Laprocession d’entrée était aussi àl’indienne, avec lancement defleurs de jasmin sur le passage dugénéral et des concélébrants ainsique la remise d’un collier de fleursen guise d’accueil.

Faire mémoire du passéLors de la lecture du décret datédu 25 mars 2012, il est rappelé lalongue histoire des capucins enInde. Etonnant, le nombre de frè-res venant de France, de Suisse,d’Autriche, de Belgique, du Canada,d’Italie qui ont contribué pendantpresque 4 siècles à implanter la viecapucine dans ce sous-continent.

Cela débute en 1732 (cf. l’articleconsacré à cette histoire). D’un petit nombre en 1960 encore, ilssont plus de 1500, les capucins indiens, plus du dixième de toutnotre Ordre. Et aujourd’hui, ils ont acceptéque des frères portent le flambeaufranciscain et le charisme mission-naire franciscain dans de nom-

Bifurcation

Dans la province du Tamil Nadu comptant deux cent membres,après des années de réflexion, on est arrivé à faire un choix:les uns pour une nouvelle entité, la province du Sud et les autrespour celle du Nord.

Photo: Bernard Maillard

La division de la provinceétait voulue par les deuxparties.

26 frères en marche 2|2013

Page 27: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

breux pays africains, de l’est com-me de l’ouest, comme aussi dans

leur propre pays, dans le Nord etl’Est et jusqu’en Papouasie-Nou-velle Guinée et Nouvelle Zélande.

Ce qui a été seméil y a bien longtempsporte du fruit.

Ce qui a été semé il y a bien long-temps porte du fruit. Quel seral’avenir des Capucins dans ce sous-continent? Dieu seul le sait. Il y adéjà une tendance à la baisse desvocations. Mais aujourd’hui les pa-rents ne s’opposent pas à l’entréede leur fils dans notre commu-nauté, même s’il est fils unique. Ilssavent que les jeunes rêvent sou-

vent de faire leur vie ailleurs et nevont plus rester dans les villagescomme eux le souhaiteraient.L’Inde qui peut nous paraître im-muable change profondément.

Bernard Maillard

27frères en marche 2|2013

A la fin de la célébration, le Frère Mauro Jöhri, Ministre Général, et les nouveaux provinciaux et conseillers posent pourla photo-souvenir de cet évènement de grande importance pour la vie de l’Ordre des Capucins en Inde.

Page 28: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Après avoir fait le tour des pointsforts du pèlerinage, il m’a paru nécessaire de retracer la vie de cestigmatisé qui a vécu dans le dé-pouillement en servant les pauvresautour de lui. Il a désiré partager lavie des Capucins mais son état desanté et ses expériences mystiquesfirent qu’il ne fut jamais admis à laprofession. Mais, comme il avaitété postulant, il portait l’habit destertiaires, comme c’était la cou-tume alors. Il continua à le porteret fit tout son possible pour faciliterla croissance de l’Ordre.

Un «sannyasin», un hommede DieuLes foules, et tout particulière-ment les Capucins, tiennent à se recueillir sur ces lieux sanctifiés. De

son vivant, on le reconnut comme«sannyasin», un homme de Dieu,à cause de son style de vie. Son habitation est aujourd’huiun lieu obligé du pèlerinage. Cha-cun y peut recueillir un peu de terrequ’il considère comme un «médi-cament» pour le corps et l’âme.

Personne ne se rend sur ces lieuxsans une intention particulière. Lafoi de la masse des pèlerins est

très grande en ce franciscain dansl’âme! A l’entrée de l’espace consacréaux activités du sanctuaire, il y aun secteur réservé aux coiffeurs. Jen’en croyais pas mes yeux quandj’ai vu le nombre de jeunes qui serendaient au sanctuaire la tête rasée à zéro. Ce n’était pas pour êtreà la mode d’aujourd’hui, mais poury témoigner publiquement qu’ilsavaient fait un vœu. En discutant

Sur les pas de Fr. Joseph Thamby

S’il est un lieu très fréquenté en Andhra Pradesh, c’est bienAvutappally où se trouve la tombe du Vénérable Fr. JosephThamby, tertiaire de Saint François, son humble habitationet le lieu de son décès dans une famille qui l’accueillit lorsqu’iltomba gravement malade. Un lieu de pèlerinage pour lesIndiens de toutes les religions.

Son habitation estaujourd’hui le lieuobligé du pèlerinage.

28 frères en marche 2|2013

Portrait de Fr. Joseph Thamby dansl’église paroissiale d’Avutapally. Ph

oto:

Adr

ian

Mül

ler

Page 29: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

avec les capucins de la fraternitéen charge de la paroisse et dusanctuaire, il m’a été reporté quele vœu le plus courant chez lesjeunes est que s’ils réussissaient

leur examen ou concluaient un bonmariage ils manifestaient leur re-connaissance en se rasant la tête.Ce qui m’a touché, c’est la foi deces gens qui viennent en famille

Ils se rendent ausanctuaire et se fontraser la tête.

soit remercier ce Vénérable, soit luiconfier une intention, comme lasanté de leur enfant. Ils sont tousprofondément recueillis, appuyéssur la tombe de Celui qui peut répondre à leur attente. Toute la famille est là, dans la confianceet l’attente d’un miracle. Que sepassera-t-il? Des témoignages dereconnaissance pour grâces obte-nues ne manquent pas dans ledossier de sa cause. Je sors du sanctuaire et je re-marque qu’un jeune couple, avecdes écharpes de dévotion, tourne

autour de l’édifice; c’est sans douteune manière d’exprimer publique-ment son attachement à ce lieusaint. Peut-être sont-ils des Hin-dous qui répètent ici ce qu’ils fontlorsqu’ils se rendent dans leurstemples? Le temple où repose le corps dece Vénérable est fréquenté à lon-gueur de journée mais tout parti-culièrement en fin de semaine. Lespèlerins arrivent souvent la veillede la célébration de l’Eucharistiedans cette petite chapelle où re-pose son corps et ceux des hôtes

29frères en marche 2|2013

Jour de fête à Avutapally, en AndhraPradesh. Entrée des concélébrantsavec au premier rang, Fr. Ephrem

Bucher, provincial des FrèresCapucins de Suisse

Des parents ont déposésur le tombeau duFrère Joseph Thambyun enfant gravementatteint dans sa santé,avec son dossier médical.Ph

oto:

Ber

nard

Mai

llard

Phot

o: D

anie

l Hug

Page 30: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

qui l’avaient accueilli alors qu’ilétait à bout de forces. Fr. PraveenKumar, provincial, petit-fils de cecouple, me fait l’honneur de meconduire dans sa famille pour y re-trouver l’autel domestique de la fa-mille érigé sur le lieu du décès de Fr. Joseph.

«I love you»Mis à part les capucins, il y a troiscongrégations religieuses au ser-vice du sanctuaire, des vieillardsmalades ou abandonnés ou despersonnes chassées de chez ellespour une raison ou une autre.Lorsque je passe dans le corridordu secteur réservé aux femmes, encompagnie de la directrice, uneSœur franciscaine clarisse d’Assise– congrégation fondée en Inde quicompte plus de 8000 membres etorganisée en 40 provinces – voilàqu’une femme plus que centenaire,me dit-on, me lance en langue telugu: «I love you». J’en suis biensurpris lorsque l’on m’en fait la traduction et j’en ris encore debon cœur. Bien sûr que ce passage dé-clenche un mouvement, les fem-mes sortent les unes après les au-tres du dortoir et tiennent à rece-

voir une bénédiction, après avoirfait le geste typique de l’accueil,les deux mains jointes portées aufront, tout en faisant une profondeinclination. J’en suis touché quandje me rends compte que ces per-sonnes marquées par le travailet l’âge tiennent à vénérer mes

pieds. Je m’en défends car ce seraità moi de leur baiser les pieds!Mais ce que femme veut, Dieu leveut, comme l’a proclamé un jourSainte Catherine de Sienne auPape d’Avignon qui devait accueillirson souhait de le voir retourner àRome!

Des signes à bien interpréterCette attitude de respect me rap-pelle ce que j’avais vécu au Came-roun, il y a plus de 15 ans lorsque,m’étant rendu dans une chapellede brousse très éloigné de la mis-sion centrale, les femmes se mirentà masser mes mollets, la sortie de

l’Eucharistie, à mon grand étonne-ment. Je me demandais ce qu’ellesvoulaient me faire comprendre etj’ai réalisé au retour, grâce au curéqui m’avait accueilli dans sa pa-roisse, qu’il s’agissait d’un signe dereconnaissance pour le déplace-ment effectué et surtout pour quej’aie la force de leur rendre visitepour y célébrer à nouveau l’Eucha-ristie. Les gens simples qui ont ducœur trouvent dans certaines cul-tures des formes de gratitude quinous désorientent mais qui, enfait, doivent être interprétés d’unetoute autre façon. Savoir lire les«signes des temps» d’autres cul-tures n’est jamais simple.

Cœur spirituel des CapucinsCe sanctuaire joue un grand rôledans la province des capucinsd’Andhra Pradesh. C’est le lieu où

tous les frères décédés reposent.Mais bien plus encore où les jeunesfrères viennent y prononcer leursvœux temporaires ou définitifs ouêtre ordonnés prêtres. Tous lesfrères y célèbrent les grands évène-ments de l’Ordre et de la Province.Cette année, sept capucins y ontété ordonnés. La province des ca-pucins y est florissante et elle estfortement engagée dans la pasto-rale paroissiale qui est avant toutévangélisatrice centrée sur la fa-mille. Il faut se rappeler qu’en Indeles catholiques sont une minorité.Dans un village, on parle plus de fa-milles chrétiennes que du nombrede catholiques. Ce Vénérable Fr. Joseph Thambypeut être considéré comme le pro-tecteur de l’Ordre des Capucins enAndhra Pradesh. Il a marqué lesesprits par son style de vie, sa pré-sence bienveillante et attentive àtout un chacun, particulièrementenvers les plus pauvres. Il a unsens de la justice et a pris déjà, deson temps, position pour que lespopulations tribales soient mieuxconsidérées. Les autorités colo-niales, quant à elles, n’appréciaientguère ses prises de position. Il reste comme le modèle de viedes Capucins eux-mêmes, ce quiexplique peut-être le rayonnementde la vie franciscaine capucine et ledynamisme pastoral et vocation-nel des frères qui vivent prochesdu peuple et à son service.

Fr. Bernard Maillard

Professions à AvutapallyLe 15 mai était le cadre de la profession perpétuelle de 7 frères et la profession simplede deux jeunes frères, ce qui porte le nombre des frères de la province à 110. Ce quim’a frappé, c’est la participation massive des frères des 19 communautés de la province, malgré les distances à accomplir pour se joindre à cet événement présidépar le Fr. Praveen Kumar. C’est la première fois que le rite de la Profession et l’Eucharistiese déroulaient en langue tegulu. De nombreuses communautés religieuses féminines, comme quelques prêtresdiocésains et les parents et amis des profès, ainsi que la communauté chrétienne locale, ont donné à cette journée un caractère de très forte communion fraternelle.

C’est le lieu où tous lesfrères décédés reposent.❯

Mais ce que femme veut,Dieu le veut.❯

30 frères en marche 2|2013

Chapelle du tombeau du VénéréFrère Joseph où accourent

des croyants de toutes religions.

La maison dans laquelle vécutle Fr. Joseph: on y vient

recueillir un peu de terre quel’on emporte comme relique.

Page 31: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Photos: Adrian Müller

Page 32: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Photos: Adrian Müller

Les enfants portent l’avenir en euxSi vous voulez amener la société vers l’avenir, alors il est important, entreautres, d’offrir aux enfants la santé et l’éducation. Remplis d’espoir etde dynamisme, ils deviendront grands et pourront, un jour, changer lemonde.

32 frères en marche 2|2013

Page 33: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

33frères en marche 2|2013

Page 34: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Six frères français sont à l’originede la présence capucine en Inde.Ils débarquèrent en 1632, à Pondi-chéry comme aumôniers des Fran-çais de ce comptoir. Mais, à causede problèmes politiques, ils rentrè-rent au pays. Ils étaient de retouren 1639. Les Capucins s’y implantè-rent de plus en plus, surtout au Kerala. Le 14 avril 1963, on fondala province capucine consacrée auCœur immaculé de Marie dansl’état d’Andhra Pradesh. L’Inde compte 12 provinces, unevice-province en Assam-Megha-laya, soit environ 2000 frères, plusdu dixième de tout l’Ordre des Capucins à travers le monde.

Le premier capucinLe premier capucin du Kerala às’établir dans l’Andhra Pradesh futFr. Adolphe Kannadipa, arrivé à Warangal le 13 mai 1968. Après, ily eut d’autres missionnaires quipermirent une large implantationde communautés dans notre état.Certains de nos frères sont en-voyés en Odisha, à partir de 1995,pour travailler à l’évangélisationde la région. Même s’il y a quel-ques attaques de fondamenta-listes dans certaines zones, oncontinue à y assurer une présencepastorale. Grâce au développe-ment rapide de la mission et auxefforts des missionnaires, le 13 juin2008, on créa la province de Mary-matha, en Andhra Pradesh-Odisha.Cette province comprend 18 com-munautés avec en tout 127 frères.

Depuis quelques années, uneconvention a été signée entre nouset la province capucine de Suissepour régler la question de la solida-rité en personnel.

Capucins indiens en SuisseActuellement, en Suisse, noussommes sept frères de l’AndhraPradesh, parmi lesquels Fr. Francis

Basani à St-Maurice et Fr. Inna Allam, à Delémont, deux capucinsprêtres occupés dans le ministère

ainsi que Fr. Augustine Madanu,engagé au Tessin, au couvent deFaido. Nous, les quatre autresfrères: Fr. Satish Karumanchi, Fr. Kiran Kumar Avvari, Fr. Joseph Madanu, Fr. Abhishek Gali, vivonsau couvent des Capucins de Fri-bourg. Nous sommes étudiants immatriculés à l’Université et ins-crits à sa Faculté de théologie. Lesétudes réclament de notre part unsupplément de travail, à cause duchangement de pensée et des subtilités de la langue françaiseque l’on s’efforce d’apprendre aumieux. En plus de notre participation àla vie communautaire ordinaire,nous nettoyons ensemble la cui-sine, le samedi, et préparons unecuisienne indienne, le dimanche.Nous travaillons au jardin quandcela s’impose, pour la préparationdes platebandes, lors des récoltes

Juste retour des choses

Sur le plan international, les Capucins sont solidaires les unsdes autres. Solidarité matérielle, mais de plus en plus solidaritéen personnel. De nouveaux rapports humains s’établissentpour garantir une présence franciscaine en Suisse.

Les études réclamentde notre part unsupplément de travail.

34 frères en marche 2|2013

Jeunes Frères indiens lors de leurs engagements à suivre le Christ pauvresur les pas de Saint François d’Assise, le 15 mai 2012, à Avutapally.

Page 35: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

des légumes et des fruits commeaussi au désherbage et à l’entretiendes chemins.

La visite de notre ProvincialFr. Praveen Boyapati, élu commeprovincial le 10 mai 2011, nous arendu visite pour la première foisdu 4 au 5 février 2012 puis il estpassé à nouveau à la mi-août avant

de se rendre au Chapitre généralavec Fr. Matthew. Nous étions heureux de le recevoir dans notrecouvent de Fribourg. Après avoirdonné des nouvelles de notre pro-vince, il a été aussi ravi d’entendre

Phot

os: B

erna

rd M

ailla

rd

Nous étions heureuxde le recevoir dans notrecouvent de Fribourg.

nos remarques à ce sujet commeaussi de vérifier notre insertiondans le contexte suisse. Il nousa encouragés à persévérer dans notre vocation capucinale et dansnos études.

Notre regard sur la SuisseCe qui nous frappe en Suisse, c’estsa nature avec des montagnes magnifiques et de beaux paysages,le patrimoine architectural, la poli-tesse des Suisses, leur applicationau travail, la présence séculairedu christianisme. Quant aux Capu-cins, nous retenons leur vie simpleet admirons leur attitude de non-propriétaires. Nous notons le vieillissement dela population, de l’Eglise et des ca-pucins, le manque de jeunes dans

les églises et de vocations dansles communautés et une grande sécurité matérielle au sein de la société, ce qui, à nos yeux, conduità l’éloignement de Dieu. Quant ànous, nous espérons apporter unsoutien à la communauté qui nousaccueille en nous montrant tou-jours disponibles au partage destâches et au dialogue au sein dela communauté pour être pleine-ment au service des uns et desautres, par-delà nos différences culturelles.

Fr. Kiran Kumar Avvari, de la provinced’Andhra Pradesh-Odisha

35frères en marche 2|2013

Les frères capucins indiens en Suisseromande. Ici, au jardin du couvent de

Fribourg: les Frères Satish, Abiskek,Kiran, Francis (à St-Maurice) Joseph

et Inna (à Delémont).

Page 36: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Kaléidoscope

deux religieuses franciscaines), nesouhaite assister à l’affrontement.Nous préférons nous installer àl’intérieur de la communauté pouréchanger des vœux de paix pource Noël tout proche. Dans cette communauté, il y ades Sœurs – qui ne tremblent plusdevant ce genre de situations.Elles y sont habituées. D’autres, parcontre, sont fatiguées d’être aufront, à quelques jets de pierre desmanifestations. Elles ne veulent

Alors que nous sortions d’une retraite mensuelle dans la communautédes Franciscains à Bethléem, après avoir célébré l’Eucharistie dans lacrypte de S. Jérôme, toute proche de la grotte de la Nativité, nous voilàengagés sur les routes de la cité qui a vu naître Jésus. Nous rendionsvisite à une communauté de Sœurs franciscaines dont la maison sertde home pour les religieuses âgées et malades, de provincialat et decrèche pour les enfants palestiniens de 3 à 5 ans.

36 frères en marche 2|2013

Bethléem: paix et affrontements

Il est environ 13h30 lorsque nouslongeons le fameux mur de sépara-tion entre Jérusalem et les terri-toires palestiniens. Au détour d’uneruelle, nous nous retrouvons faceaux préparatifs d’une manifesta-tion. Trois gros caissons d’acier gênent le passage. Des pierres jonchent le chemin. Un attroupement de jeunes auregard fermé, au visage en partierecouvert d’un foulard, ou le nezprotégé par un masque, s’estformé. Surtout des adolescents.Des enfants de 7 à 10 ans peut-être,se tiennent à distance. Nous nepouvons rebrousser chemin. Nousavançons au ralenti. L’un desjeunes, voyant notre embarras ouayant identifié notre statut à causede notre habit religieux, nous faitsigne d’avancer et de ne pas traî-ner. Il n’en aurait pas été ainsi avecdes Juifs! Nous avons une voiturecaravane aux vitres teintées et à laplaque minéralogique israélienne.Tous les ingrédients pour être prispour cible. Cela sent la poudre et les caillouxsur les rebords de la rue ne man-quent pas. Certains jeunes en ontdéjà dans la main. Tout sembleprêt pour l’assaut. Aux alentours,des tourelles permettent aux Israé-liens d’assister aux préparatifs etd’intervenir s’ils le jugent bon.Vont-ils laisser faire ou intervenir?

A une petite centaine de mètres delà, des adultes observent. Une am-bulance attend. Cela sent telle-ment la poudre qu’aucun membrede notre groupe(quatre capucins et

Page 37: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

37frères en marche 2|2013

Le long du fameux mur de séparationentre Israël et les Territoires palestiniens,les affrontements entre arméeisraélienne et jeunes Palestiniensdésœuvrés et révoltés ne sont pas rares.«Captivating» en dit long sur cette priseen otage des Palestiniens

Le Père Pierbattista Pizzaballa,franciscain, est le Custode de Terre

Sainte et il est de tradition qu’il soitaccueilli par les autorités de

Bethléem la veille de l’Epiphanie.

Photos: Bernard Maillard

Page 38: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

La grotte de la Nativité est le lieu incontournable de tout pèlerinage en Terre Sainte.

38 frères en marche 2|2013

pas parler car les points de vue divergent. Certaines d’entre ellessont irakiennes, d’autres italiennes.Les unes ont peur alors que d’au-tres ne craignent plus rien, mêmed’avoir collé sur leur voiture les autocollants des drapeaux israé-lien et italien. Elles se trouvent icipour le Conseil provincial, issues depart et d’autre du mur de sépara-tion. A les entendre, on pourrait croireque l’on joue à cache-cache ... A cejeu là, toutefois, la violence peutéclater à tout moment. Il suffit delancer des pierres sur des Juifs ousur le passage des soldats pour quel’armée riposte par l’usage de gazlacrymogènes. Généralement, c’estla débandade mais parfois ce sontles jeeps de l’armée israéliennes ouses chars d’assaut qui pénètrentdans leurs territoires et font fuirles manifestants. Il est 14h30 et nous décidons derentrer à Jérusalem. On nous prie

de ne pas traverser le champ des affrontements mais de rentrer parun autre chemin. Avant de nous enaller, je tiens à m’avancer pour voirla scène. A ce moment, jeunes etenfants s’en vont par grappes, suf-foqués par les gaz. Je fais vite unephoto et je note que de la fuméemonte d’un angle du mur et je m’yattarde une minute ou deux. Toutd’un coup, je ressens des brûluresdans les yeux. Je me suis demandés’il s’agissait de l’effet de pneus entrain de brûler ... mais en fait, cesbrûlures oculaires sont la consé-quence des gaz lacrymogènes tiréspar les soldats. L’ambulance n’estplus là. Est-elle partie avec desblessés? Je n’avais pas prévu vivreune telle scène! A Bethléem qui setraduit en français par la «maisondu pain», donc de la convivialité etde la solidarité! Juste après nous être remis enroute, nous voyons des jeunes etdes enfants qui se tiennent la

tête dans les mains, appuyés surdes balustrades le long de la rue d’évitement que nous empruntonspour quitter le quartier. «Quelle paix dans cette ville quipourtant se devrait d’en être un oasis!» lance un de nos frères. Unereligieuse espagnole enchaîne:«C’est bien un triste Noël pour cesgens qui se trouvent coupés desleurs par ce mur.» Les murs sontcouverts de graffitis qui témoi-gnent de la violence exercée parceux qui sont de l’autre côté. Ducôté israélien, en revanche, les murssont d’une propreté étonnante!D’un côté on se protège, de l’autreon se bat pour le faire tomberen dénonçant les abus de l’autrepartie. C’est une provocation perma-nente: d’un côté, les juifs ortho-doxes ou non pénètrent dans lesterritoires palestiniens pour visiterla tombe de Rachel, provoquantainsi la colère des Palestiniens

Page 39: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Phot

os: B

erna

rd M

ailla

rd

39frères en marche 2|2013

musulmans. Il y a des lancers depierres contre les arrestations jugées arbitraires, des descentesde police dans le quartier pour em-mener tel ou tel Palestinien quel’on estime instigateur de la vio-lence ou chef de bande. Un coup d’œil sur les alentoursen rentrant sur Jérusalem me faitdécouvrir l’ampleur des implanta-tions illégales. Israël estime qu’ilpeut s’installer à l’intérieur desterres palestiniennes dans la me-sure où elles ne sont pas occupées.Selon eux, ces implantations sontjustifiées du fait qu’elles étaientautrefois la terre de leurs ancêtres.Israël est avide de fouilles archéo-logiques en Palestine. Si on y découvre une synagogue, alorspreuve est faite que cette terreleur revient! Israël n’a pas apprécié le vote àl’ONU, le 29 novembre dernier, qui aoctroyé aux territoires palestiniensle statut d’observateur. La Suisse a

eu le courage de reconnaître que lePeuple palestinien mériterait d’êtrereconnu comme Etat. Le 17 décem-bre, Benoît XVI a reçu MahmoudAbbas, le Président de l’Autorité palestinienne, première rencontreaprès ce vote si important à l’ONU.Une fois de plus le Pape a réclaméque les droits et devoirs des deuxparties en cause soient discutésde manière à ce que cette guerrelarvée prenne fin. Tout cela à l’heure où nousétions à la grotte de Bethléem, prierpour la Justice et la Paix sur cesterres! A voir ces jeunes n’ayantpeur de rien, je me suis demandés’il ne s’agissait pas d’un affronte-ment tel que celui qui a opposé Goliath le géant, ennemi des Hé-breux à David, le jeune gamin de latribu de Judas! Qui donnera la Paix à cette terredont se réclament les trois grandesreligions, le judaïsme, le christia-nisme et l’islam? Chacune, par une

reconnaissance mutuelle, grâce àun dialogue franc, peut apportersa contribution. Le dialogue inter-religieux nous y conduira un joursi des hommes de bonne volontéosent enfin se tendre la main. Nedésespérons pas de la nature humaine et encore moins de Celuiqui guide nos pas sur le chemin dela paix. Là où il y a la haine, que nousy apportions le pardon. Il n’existepas d’autre issue à la violence!Puisse Noël être de tous les jourssur cette terre si divisée et déchirée.

Fr. Bernard Maillard

Coup d’œil sur la ville à partir du Carmel de Bethléem.

Page 40: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

40 frères en marche 2|2013

Rien ne l’arrête, que ce soit outre-mer ou chez nous. Il est un Frère quiva droit au but car sa parole et soncœur ne font qu’un. C’est aussi undur, certes, mais sensible à la souf-france d’autrui. Il sait prendre letemps de s’asseoir et partager leverre de l’amitié. C’est à St-Maurice, alors quej’étais étudiant au Scolasticat desCapucins, que je rencontre pour la

première fois Fr. Imier Montavon,un Jurassien pure souche. J’avaisla vingtaine et lui en avait dix deplus. Entre le Scola et le Couvent, iln’y avait pas de mur de séparationmais les contacts avec les frères dela communauté étaient bien limi-tés. On les connaissait s’ils étaientnos professeurs ou nos confesseursmais le reste de la communauténous restait peu connu. C’est ainsi que je voyais de tempsà autre Fr. Imier, tout jeune capucin,souvent en bleu de travail, lors denos heures de détente. Il faisaitalors un stage de formation chez

un installateur sanitaire ou un forgeron qui avait son atelier àdeux pas du couvent, de l’autre côtéde la rue. Il nous impressionnait parsa prestance et sa force de travail.En plus de sa formation initiale ilavait travaillé sur un chantier pourapprendre à ferrailler les dalles etles couler. Il avait aussi travaillécomme peintre. Il se préparait alorsà partir en mission aux Seychelles.

Il n’avait jamais pensé à la missionmais devant l’insistance d’unfrère missionnaire il s’était engagé. Il partit aux Seychelles en 1967,via le Caire et Bombay par avion,puis par bateau, via Karachi. Nousrecevions des nouvelles de ses divers engagements, tout d’abordcomme responsable des ateliersde la mission (menuiserie et méca-nique) du diocèse de Victoria, alorsconfié à Mgr Olivier Maradan deCerniat. Grâce à ses vastes connais-sances professionnelles – il avaittravaillé dans une entreprise deconstruction de charpentes – il de-

vait impressionner les employés dela mission sous ses ordres, car s’ilétait exigeant et pouvait s’énerverparfois, jamais il ne restait sur soncoup de gueule. Les chantiers de lamission ne manquaient pas avecla construction et l’entretien avanttout des lieux de culte et des écolesdes trois principales îles du diocèse,à savoir Mahé, Praslin et La Digue.Il aimait ses ouvriers et les aidait àse prendre en main et à monteraussi leur propre entreprise. Cesateliers jouissaient de la meilleureréputation. En dehors des travaux il s’occu-pait des autres missions qui luiétaient confiées, la formation desjeunes de la capitale tout particu-lièrement car ils connaissaientleurs besoins de formation. ll a tenuà leur offrir un espace de vie propre,construit d’ailleurs avec eux. Ilspouvaient jouir d’une formationcomplémentaire à l’école primaireavec des cours de langue, de mathsou encore s’adonner à divers jeuxde distraction ou au sport, commel’haltérophilie et le body building.Ce lieu de rencontres et de réjouis-sances et également d’évangélisa-tion, le Happy Youth Club lui permitde travailler au ras des pâquerettesgrâce à son charisme qui lui fit découvrir peu à peu, son appel ausacerdoce qu’il avait ressenti déjàtrès jeune. Fr. Imier était engagé sur tous lesfronts, et n’avait n’a pas sa languedans la poche. Il osait critiquer lesorientations du parti d’opposition,le Parti Unique qui voulait sa peau.Il fut mis au défi de partir ou d’êtreassassiné. Il a eu la vie sauve grâceà un ami qui l’avertit à temps. Aumoment du coup monté, les exécu-teurs de la basse besogne étaientsi saouls qu’ils ne réussirent pasleur coup. Fr. Imier serait bien retourné auxSeychelles mais le parti arrivé aupouvoir lui signala par l’intermé-diaire de l’évêque que sa présence

† Fr. Imier Montavon (1933–2012)

En voilà un Frère qui sut se mettre à la hauteur des gens. Dans unpremier temps aux îles Seychelles, dans l’océan Indien, de 1961 à1981 puis au Jura, au couvent de Delémont et dans le Val Terbi.

Mgr Denis Wiehe, évêque de Port-Victoria (Seychelles) et Fr. Imier Montavon, heureuxde retourner aux Seychelles comme prêtre, lui qui avait travaillé comme frère laïcdans les ateliers de la mission.

Phot

o: B

rigitt

e M

onta

von

Page 41: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

41frères en marche 2|2013

Ile Ste-Anne et Ile aux cerfs au large de Roche Caïman

Sur le bord de mer, l’église de Bel Ombre. Le tourisme a permis un boom économiquedans ce village, comme à travers toute l’île.

Phot

os: T

hom

as Eg

ger

n’était plus souhaitée. Un autreFrère serait le bienvenu mais entout cas pas lui. Ce fut un coup dur.Il ne s’y attendait pas. Et mêmede nombreuses années plus tard,lors d’un voyage en compagnie demembres de sa famille, alors qu’ilpensait que plus rien ne s’opposaità ce qu’il revoie les Seychelles ettous ses amis, il fut bloqué par lesservices d’immigration car il étaittoujours sur la liste noire. Après des négociations et uncontact avec Mgr Baronnet, alorsévêque, il fut finalement autoriséà y séjourner pour ses vacances. Le pays avait connu la colonisa-tion française, puis anglaise etl’indépendance en 1976. Un anplus tard, ce fut le coup d’Etat.Jusqu’alors, l’Eglise catholique avaiten charge toutes les écoles du pays.L’Etat les nationalisa et imposaaux jeunes un cycle de formationcivique dans les camps de jeunesseoù les adolescents sont pris encharge totalement par l’Etat etdonc soustraits en partie à l’auto-rité parentale. Fr. Imier, avec toute son autoriténaturelle, ne se gênait pas de mettre en relief les points faiblesde ce type d’éducation, lui quin’avait plus le droit de former dejeunes apprentis, de rassemblerdes jeunes pour des camps, pourdes cours de formation linguis-tique et technique. Tout devaitêtre assumé désormais par le PartiUnique. Ceci n’allait pas de soi dansla mentalité seychelloise. Au boutcertain nombre d’années, l’Etata d’ailleurs supprimé ces centresd’endoctrinement qui portaient lenom de «Youth National Service». Qui l’eut crû. Dès son retour enSuisse, en 1981, à 50 ans ce manuelrompu aux travaux physiques semit à fréquenter les cours de l’Ecoledes catéchistes, puis l’Université deFribourg, de manière à se préparerpas à pas, au sacerdoce. Il fut or-donné diacre en 1985 puis prêtre

en juin 1988. Il célébra sa PremièreMesse dans sa paroisse d’origine,à Montignez où il était né en 1933. Proche des jeunes aux Seychel-les, il le fut aussi dans le Jura. Il accompagna des pèlerinages, soità Lourdes en tant qu’aumônierdes Jeunes de Lourdes, soit à Assise.Il y passait des nuits entières aveceux et il ne s’en tenait pas qu’àl’eau. Il était d’une résistance physi-que incroyable. Il faisait ainsi dela «nouvelle évangélisation» bienavant que l’on use de cette expres-sion! Son expérience missionnaire

l’avait rompu à l’art du contact, del’échange et du témoignage, sansgrands discours théologiques. Fr. Imier soignait ses amitiésaussi avec ses confrères et tout particulièrement avec ceux qui l’accueillaient comme il était, unbon vivant, tout simplement. Je lerevois en compagnie de certainsFrères, comme notre feu Fr. ElieDonzallaz, après nos chapitres, nonpas refaisant le monde mais parta-geant à la fois les nouvelles denos communautés qui n’apparais-saient pas sur nos feuilles offi-

Page 42: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

42 frères en marche 2|2013

cielles, comptes rendus de séancesde travail et annonces des muta-tions. Il n’y allait pas forcément despotins inévitables de nos couventsmais bien plutôt des points de vuede la base sur certaines orienta-tions et décisions, avec brin de selnécessaire pour que le «potage»

soit bien corsé! En Afrique, on parlealors de la radio trottoir, de cette information qui circule de boucheà oreille et qui se déforme peu àpeu, au gré des interlocuteurs! Fr. Imier est mort dans la nuit du24 au 25 décembre, à 0h15 à l’hôpi-tal de Delémont, après de longues

Nous attendons vos lettresNous serons ravis de publiervos observations, commentaires, critiques au sujet de notre revueet sur les thèmes relatifs à l’ac-tualité et à nos engagementsmissionnairesàtravers le monde. N’hésitez pas à nous faire partager vos expériences et vosimpressions. Nous attendons devos nouvelles avec impatienceet nous nous ferons une joied’en publier régulièrement unesélection dans FEM.

Bernard Maillardrédacteur responsable FEM Rue de Morat 281701 Fribourg Tél. +41 (0)26 347 23 [email protected]

Phot

o: B

rigitt

e M

onta

von

Information de la procure des missionsVous avez sans doute remarqué que notre revue tout comme notre facture

vous sont désormais expédiées d’Olten.Ce changement est dû à l’intégration de notre fichier romand à celui des

abonnés du reste de la Suisse. La gestion de nos adresses étant ainsi centralisée,nous avons de ce fait réduit nos frais administratifs.

«Frères en Marche» est le fruit d’une longue et féconde collaboration entrela Suisse alémanique et la Suisse romande, ce, depuis le lancement

de notre revue. C’est la condition qui nous permet de survivre.Notre magazine se veut une ouverture sur le monde, le reflet de notre charisme

franciscain au service de la justice, de la paix et du respect de la création.Sans oublier notre engagement missionnaire et la croissance de notre Ordre

qui ne peut vivre sans la mise en commun des biens à disposition de partet d’autre de la Sarine (le fameux Röstigraben).

Nous vous remercions de prendre bonne note de ce changement qui n’entraîneraaucune conséquence sur le contenu de notre publication.

Sans votre précieux appui, nous ne pouvons pas faire grand-chose.Nous vous réitérons toute notre reconnaissance pour votre généreuse

participation à l’accomplissement de nos tâches d’évangélisation et d’aide audéveloppement social et humain.

Avec nos meilleures salutations et nos vœux de très joyeuses fêtes pascales.

Fr. Imier est son frère (à gauche, au premier plan), hôtes d’une famille seychelloise

années de souffrances. Mais c’étaitaussi à la minute près qu’il prenaitl’habit de capucin au couvent deSion en 1953. Il n’aurait pas pumieux choisir car en fait il a été lefrère qui a su incarner le messagede Noël: «Gloire à Dieu au plus hautdes cieux et paix aux hommesque Dieu aime.» Ses cendres sontdéposées au cimetière des Capu-cins de Delémont et cela nem’étonnerait pas que des gens yviennent nombreux pour lui té-moigner leur reconnaissance, postmortem! Peut-être que le gouver-nement seychellois lui décerneraun jour une médaille à titre pos-thume pour les services rendus aupays et à sa jeunesse! Sa vie sort del’ordinaire! Il est bien difficile d’enrendre compte dans ses multiplesaspects! Merci à Dieu de nousl’avoir donné. Qu’il nous en offreaussi d’une telle trempe.

Bernard Maillard

Page 43: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

lett

res|

livre

43frères en marche 2|2013

La guérison du mondeFrédéric LenoirFayard (paru le: 24/10/2012) «L’homme est-il seulement unhomo economicus? Notre mondeest malade, mais la crise écono-mique actuelle, qui polarise toutesles attentions, n’est qu’un symp-tôme de déséquilibres beaucoupplus profonds. La crise que nous traversons est systémique: elletouche tous les secteurs de la viehumaine. Elle est liée à des boule-versements de nos modes de viesans doute aussi importants que letournant du néolithique, lorsquel’être humain a cessé d’être no-made pour devenir sédentaire. Il existe pourtant des voies deguérison. En m’appuyant sur desexpériences concrètes, je montrel’existence d’une autre logique quecelle, quantitative et mercantile,qui conduit notre monde à la catas-

trophe: une logique qualitative quiprivilégie le respect de la Terre etdes personnes au rendement; laqualité d’être au ‹toujours plus›. Jeplaide aussi pour une redécouverteéclairée des grandes valeurs uni-verselles – la vérité, la justice, le res-

Lettres des lecteurs

Merci et bravoUn grand merci et surtout ungrand bravo pour votre magnifiquenuméro 3 de juin 2012 (Albanie). Je ne pensaispas que lachrétientéavait pu sur-vivre dans cepays qui étaittombé dansl’oubli desnations euro-péennes du-rant des dé-cennies. Que la souffrance de cepeuple ressurgisse aujourd’hui enlumière et présence vivante de Jésus. Comme d’habitude celaétait accompagné de belles pho-

tos, typiques du pays faisant bienvivre ce petit morceau de terre quirevient à la vie.Salutations à toute votre équipe

G. C., Chermignon VS

Que de bons souvenirsDepuis la Bolivie, je suis ravie depouvoir lire des nouvelles de laSuisse et des missions sur d’autrescontinents. Grâce à votre versionélectronique, je me tiens régulière-ment informée et c’est avec plaisirque je retrouve cette nouvelle for-mule de Frères en Marche, dyna-mique et moderne, toujours àl’écoute de la planète. Cela me rap-pelle aussi mon enfance, quand mamère gardait précieusement tousles numéros de Frères en Marchedans l’ancien format. Nous avionsaussi le calendrier des Frères bienen place dans notre cuisine. Les

temps changent, les formules évo-luent mais l’esprit franciscain sub-siste et nous survivra. Et c’est celaqui est beau.

E. M., Santa Cruz. Bolivie

Vive internet et Frères en MarcheUn salut cordial de France où jepeux maintenir le contact grâceaux outils informatiques. Avec ungrand bonheur, je feuillète les nu-méros de Frères en Marche sur monordinateur. Je suis retraité et je mepaie le luxe de prendre le tempsde m’informer et d’avoir le reculnécessaire sur les événements dela vie pour en mesurer toute lagrandeur ou la décadence. Mais engardant toujours à l’esprit la phili-sophie de St François qui était unprécurseur dans beaucoup de do-maines, je pense que nous devrionsnous inspirer davantage. P. B. L.

pect, la liberté, l’amour, la beauté –afin d’éviter que l’homme modernemû par l’ivresse de la démesure,mais aussi par la peur et la convoi-tise, ne signe sa propre fin.» Aprèsavoir parlé de la sagesse person-nelle dans ses précédents ouvrages– Socrate, Jésus, Bouddha (Fayard),Petit traité de vie intérieure (Plon),L’Ame du monde (NiL) – Frédéric Lenoir pose ici les fondements phi-losophiques d’une sagesse pournotre temps; une éthique de libertéet de responsabilité qui passe parla conversion de chacun d’entrenous, selon l’expression de Gandhi:Soyez le changement que vousvoulez dans le monde! Fréderic Lenoir est philosophe, sociologue et historien des religions.Chercheur associé à l’Ecole desHautes Etudes en Sciences Sociales.Directeur de la rédaction du maga-zine Le monde des religions. Produc-teur et animateur sur France Cul-ture de l’émission hebdomadaireLes Racines du ciel.

Livre

Page 44: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

44 frères en marche 2|2013

Main qui prend ou main qui donne

Mon petit-fils aux yeux mutins,A posé les doigts de ma mainSur une feuille de papier. Il a suivi, très appliqué,D’un crayon à la mine étroite,Les contours précis de ma droite.

Quand il est venu me montrerSon chef d’œuvre enfin terminéQuelque chose m’a intrigué. Ce n’était pas la main prêtée.Il avait découpé, collé,Ma dextre, de l’autre côté.

D’une main fermée, qui saisit,Qui refuse, qui aplatit,Qui frappe, qui menace,Qui peut blesser, hélas,

Il a fait une main ouverte,La main du cœur, de l’amitié, Main de la générosité, La main de l’art ou la main verte,

Main de l’accueil, de la tendresse,Main du langage et des caresses,Main de la communication,Main du contact, main création.

Merveilleux regard de l’enfanceQui dans un geste d’innocenceMétamorphose l’égoïsmeD’une main chargée de pouvoirEn main qui propose l’espoirQui communique son charisme.

Antoine (29 janvier 2012)

Foto

: © K

licke

r/pi

xelio

.de

Page 45: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

frères en marche 2 | 2013 | AvrilISSN 1661-2523

Revue missionnairedes Capucins suisses

RédactionBernard Maillard, Rédacteur, FribourgE-Mail: [email protected]

Nadine Crausaz, Le Grand-Saconnex GECollaboratrice de la RédactionE-Mail: [email protected]

AdministrationProcure des MissionsC.P. 3741701 FribourgTél. 026 347 23 70Fax 026 347 23 67C.C.P. 17-2250-7E-Mail:[email protected]

La procure est ouvertemardi et jeudi après-midi, de 14 h à 17 h.Les autres jours, le répondeur enregistre vos appels.

Pour le changement d’adresseindiquer l’ancienne adresseet votre numéro d’abonné

GraphisteStefan Zumsteg, Dulliken

ImpressionBirkhäuser+GBC AG4153 Reinach BL

Parution 5 fois par an

Abonnement 26 francsEtudiant 19 francsOnline 12 francs

ArchivesIm

pres

sumImpressum

avec des absents. La majorité desSuisses vivent en célibataire. La viese passe souvent dans des cellulesimpersonnelles et des réseaux. Lessociologues se plaignent de l’ano-nymat croissant et de nouvellesformes de pauvreté invisible.Même avec 400 amis ou bien da-vantage sur Facebook, les jeunespeuvent devenir solitaires. L’Eglisequi est en Suisse également suitla tendance en créant des unitéspastorales toujours plus grandes,plus complexes et plus anonymes. Est-ce que la spiritualité francis-caine propose une forme de vie alternative? Saint François, SainteClaire d’Assise et Sainte Elisabethde Thuringe ont suscité un mouve-ment qui s’appuie sur les relationshumaines. Celles et ceux qui ysont engagés montrent comment,de nos jours, ils vivent le charismefranciscain de la rencontre et deses interactions dans leur environ-nement sans oublier ses répercus-sions. Tout cela est à lire dans leprochain FEM.

La société moderne etl’esprit franciscain

Quand «Toute vie réelle est ren-contre» (Martin Buber) qu’est-cedonc pour nous la plénitude de lavie promise dans la Bible? Les gensd’aujourd’hui sont constammenten contact, mais le plus souvent

Prochain numéro frères en marche 3/2013

45frères en marche 2|2013

Un abonnement­cadeau?

Les magazines, comme FEM, ne semblent pas très attrayants pour les jeunes.Les médias tels que le nôtre ont en effet la réputation d'être de petitespublications des missions sans grand intérêt. Mais vous, chères lectrices etchers lecteurs, le savez mieux que quiconque: cinq fois par an, vous faitesl'expérience de notre revue qui mérite que l'on y consacre un peu de temps.Faisons en sorte que cette expérience se multiplie: en offrant desabonnements, vous conviez en effet d'autres lecteurs à apprécier la lecturede notre revue.Pour ce faire, c'est très simple: remplissez la section.

Les thèmes de 2013:• Pas de terre, pas de pain• L’Inde, pays fascinant• La société moderne et l’esprit franciscain• Combattez avec ou contre la maladie

Page 46: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Phot

o: Fr

itz K

ehre

r

Inte

rvie

w

NomRoman Ambühl-Rütimann

Naissance en1971

DomicileCham

Profession:théologien, coach, responsable,développement organisationnel

Met préféréSchnitz et Drunder(pommes séchées, lard, ragoûtet pommes de terre)

Boisson préféréeSauser, jus de raison

Eglise préféréechapelle de Mogno au Tessin(conçue par Mario Botta)

Lieu de ressourcementmon plexus solaire

Film préféréLe cercle des poètes disparus(avec Robin Williams)

Lecture préféréeLe dialogue (de David Bohm)

Quelle est votre devise de vie?La vie c’est comme faire du vélo.Pour rester en équilibre il fautêtre en mouvement.

Qu’est ce qui vous impressionnechez Jésus?Sa radicalité

Qu’est-ce qui vous impressionnechez François d’Assise?Sa radicalité

Quel est votre saint préféré?La puissance du Saint-Esprit!

Quelles personnes vivant encoreaujourd’hui aimeriez-vous voircanonisées après leur mort?Je ne veux mettre personne surun piédestal, parce que chaquejour, tôt ou tard, on peut êtreamené à en tomber. Avec Jésus,il a fallu exactement cinq jours àcompter de l’entrée glorieuse à

Rosaire ou méditation ou?Fermer les yeux et se centrersur sa respiration

Bach ou Gospel ou?Je passe

Liturgie: tout en douceur ouavec entrain ou?Vivantes et naturelles

Célébrations: méditativesou enjouées ou?Très agréables

Questions à un ami Questions à choix Questions circonstanciées

46 frères en marche 2|2013

Page 47: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Phot

o: P

ress

e-Bi

ld-P

oss

Jérusalem jusqu’à son exécutionsur la croix. Pour moi, les gensimportants sont conscients deleurs responsabilités propres quiviennent de leur don de la vie (parDieu) avec la liberté elle-même.

Quelle histoire biblique vous parletout particulièrement?Le thème récurrent de la libérationet de la dynamique du développe-ment des images de Dieu dans laBible. Conformément à la traditionde la Bible cela m’encourage àextrapoler l’histoire de son peupleavec Dieu aujourd’hui.

Y a-t-il une histoire non chrétiennequi vous touche particulièrement?Un vieil Indien était assis avec sonpetit-fils devant un feu de camp.Il faisait déjà sombre, le feu crépi-tait et les flammes léchaient leciel. Après un moment de silence,le vieil homme dit: «Savez-vous

Respirez le nom de Dieusans le prononcer.

Prière préférée

comment je me sens parfois?C’est comme s’il y avait deuxloups qui se battent ensembledans mon cœur. L’un des deuxest vindicatif, agressif et cruel.L’autre, cependant, est aimant,doux et compatissant.«Lequel des deux va gagner labataille pour le cœur?« demandaalors le garçon. «Celui que jenourris», répondit le vieillard.

Qu’aimez vous faire?Rencontrer des gens curieux etouverts en recherche, pour quitout n'est pas encore clair.

Qu’est ce que vous n’aimezpas du tout?Les gens dogmatiques qui secroient plus malins que les autres.

Quelle a été votre meilleuredécision dans votre vie?Avoir des enfants

47frères en marche 2|2013

Page 48: L’Inde, pays fascinant36 Kaléidoscope Bethléem: paix et affrontements 40 Fr. Imier Montavon 43 Livre/Lettres des lecteurs 45 Impressum/présentation 46 «Questions à un lecteur»

Phot

o: B

erna

rd M

ailla

rd

Frères en marche, revue franciscaine avec ouverture sur le monde