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LETTRE A ` LA RE ´ DACTION Lambeau perforant en he ´lice base´sur l’arte `re collate´rale radiale : « Discussion » Radial collateral artery perforator (RCAP)- based propeller flap: ‘‘Discussion’’ Mots cle´s: Lambeau perforant en he´lice; Arte `re collate´rale radiale; Coude; Lambeau brachial externe Keywords: Propeller flap; Collateral radial artery; Elbow; RCAP-based propeller flap; Lateral arm flap Cher Rédacteur en chef, Nous avons lu avec intérêt l’article par Boucher et al., intitulé « Reconstruction des pertes de substance du coude par lambeau perforant en hélice de la région bra- chiale Observation clinique » [1]. Nous félicitons les auteurs pour ce travail et souhaitons apporter notre expérience dans ce type de lambeau à travers quelques remarques. Dans cet article, les auteurs présentent a priori un lam- beau basé sur une perforante de l’artère collatérale radiale postérieure (RCAP) permettant de prélever un RCAP-based propeller flap [2,3]. La littérature reste encore pauvre à l’heure actuelle sur ce lambeau alors que son intérêt appa- raît indéniable. L’artère brachiale profonde se divise 10 à 12 cm au-dessus de l’épicondyle latéral en branche antérieure et branche postérieure. La branche antérieure peut donner des perforantes mais celles-ci semblent incons- tantes, de plus le nerf radial, tout proche, rend leur dissec- tion délicate. La branche postérieure donne en moyenne trois perforantes dominantes pour Hennerbichler et al., localisées à 10,7, 7,8 et 4,8 cm et pouvant être utilisées pour modéliser un lambeau [4]. In vivo, le territoire de perfusion exact d’une perforante donnée reste inconnu mais il semblerait que l’on puisse réaliser un lambeau de 12 à 13 cm de long par 5 à 6 cm de large sur ces perforantes [3,5,6]. Nous avons une expérience de quelques cas de ce RCAP en hélice et considérons que la démocratisation actuelle de ces lambeaux et leur banalisation ne doivent pas faire sous- estimer leur réelle difficulté de réalisation et leur caractère peu robuste les premiers jours. Nous avons récemment réalisé un RCAP en hélice chez une patiente de 83 ans diabétique de type II qui présentait une exposition osseuse après une fracture de l’olécrane (Fig. 1). Après repérage de la perforante au doppler acoustique bidirectionnel (Vidéo 1), le lambeau a pu être réalisé puis tourné à 1808 autour de sa perforante (Vidéo 2). Il faut noter que la partie latérale du bras comportait un tissu sous-cutané très graisseux. La perforante a été parfaitement disséquée pour éviter toute strangulation lors de la rotation et nous avons attendu plus de 15 minutes pour être assurés de la bonne vascularisation de la palette cutanée. Pour éviter toute traction, le membre supérieur a été immobilisé dans une attèle en rectitude. Pourtant, en moins de 24 h, l’épais- seur du lambeau en regard de la perforante est passée de 3 cm à plus de 5 cm. Nous avons alors lâché la plupart des points. Un volumineux œdème de la graisse a entraîné un épaississement significatif du lambeau et une projection très importante en regard de la perforante. Cela a eu pour corollaire de tracter sur le pédicule et de le mettre en insuffisance veineuse étant donné qu’il s’agit d’un système à bas débit veineux (constitué uniquement de veines comi- tantes). Au lieu de souffrir uniquement en distalité comme dans la majorité des cas, sur cinq jours, le lambeau a nécrosé en totalité témoignant d’une insuffisance veineuse complète (Fig. 2). Pour nous une question reste alors en suspens, quand contre-indiquer formellement ce type de lambeau en hélice ? Chez les patients âgés, avec des comorbidités vascu- laires ou microvasculaires (tel le diabète) ou des sites de prélèvement comportant un tissu sous-cutané trop gras ou trop épais, nous pensons qu’il est souhaitable de privilé- gier soit les lambeaux axiaux avec ici les lambeaux chinois ou ulnaires à pédicule proximal, soit musculaires tel le lambeau de muscle brachioradialis, de fléchisseur ulnaire du carpe ou de chef médial du triceps brachial, plus fiables. Les lambeaux perforants en hélice restent difficiles car peu résistants à la traction dans les premiers jours et donc particulièrement fragiles sur les zones de fonction (coude, genou. . .). Une immobilisation les premiers jours est selon nous indispensable. Nous apprécions particulièrement l’idée du couple doppler acoustique associé à une cartographie des perforantes sous forme d’atlas. Il s’agit d’une procédure très intéressante Annales de chirurgie plastique esthétique (2013) 58, 379381 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com 0294-1260/$ see front matter # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2013.04.006

Lambeau perforant en hélice basé sur l’artère collatérale radiale : « Discussion »

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Page 1: Lambeau perforant en hélice basé sur l’artère collatérale radiale : « Discussion »

LETTRE A LA REDACTION

Annales de chirurgie plastique esthétique (2013) 58, 379—381

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Lambeau perforant en helice base sur l’arterecollaterale radiale : « Discussion »

Radial collateral artery perforator (RCAP)-based propeller flap: ‘‘Discussion’’

Mots cles: Lambeau perforant en helice; Artere collaterale radiale;Coude; Lambeau brachial externe

Keywords: Propeller flap; Collateral radial artery; Elbow;RCAP-based propeller flap; Lateral arm flap

Cher Rédacteur en chef,

Nous avons lu avec intérêt l’article par Boucher et al.,intitulé « Reconstruction des pertes de substance ducoude par lambeau perforant en hélice de la région bra-chiale — Observation clinique » [1]. Nous félicitons lesauteurs pour ce travail et souhaitons apporter notreexpérience dans ce type de lambeau à travers quelquesremarques.

Dans cet article, les auteurs présentent a priori un lam-beau basé sur une perforante de l’artère collatérale radialepostérieure (RCAP) permettant de prélever un RCAP-basedpropeller flap [2,3]. La littérature reste encore pauvre àl’heure actuelle sur ce lambeau alors que son intérêt appa-raît indéniable. L’artère brachiale profonde se divise 10 à12 cm au-dessus de l’épicondyle latéral en brancheantérieure et branche postérieure. La branche antérieurepeut donner des perforantes mais celles-ci semblent incons-tantes, de plus le nerf radial, tout proche, rend leur dissec-tion délicate. La branche postérieure donne en moyennetrois perforantes dominantes pour Hennerbichler et al.,localisées à 10,7, 7,8 et 4,8 cm et pouvant être utiliséespour modéliser un lambeau [4]. In vivo, le territoire deperfusion exact d’une perforante donnée reste inconnu maisil semblerait que l’on puisse réaliser un lambeau de 12 à13 cm de long par 5 à 6 cm de large sur ces perforantes[3,5,6].

Nous avons une expérience de quelques cas de ce RCAP enhélice et considérons que la démocratisation actuelle de ceslambeaux et leur banalisation ne doivent pas faire sous-estimer leur réelle difficulté de réalisation et leur caractèrepeu robuste les premiers jours.

0294-1260/$ — see front matter # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droihttp://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2013.04.006

Nous avons récemment réalisé un RCAP en hélice chez unepatiente de 83 ans diabétique de type II qui présentait uneexposition osseuse après une fracture de l’olécrane (Fig. 1).Après repérage de la perforante au doppler acoustiquebidirectionnel (Vidéo 1), le lambeau a pu être réalisé puistourné à 1808 autour de sa perforante (Vidéo 2). Il faut noterque la partie latérale du bras comportait un tissu sous-cutanétrès graisseux. La perforante a été parfaitement disséquéepour éviter toute strangulation lors de la rotation et nousavons attendu plus de 15 minutes pour être assurés de labonne vascularisation de la palette cutanée. Pour évitertoute traction, le membre supérieur a été immobilisé dansune attèle en rectitude. Pourtant, en moins de 24 h, l’épais-seur du lambeau en regard de la perforante est passée de3 cm à plus de 5 cm. Nous avons alors lâché la plupart despoints. Un volumineux œdème de la graisse a entraîné unépaississement significatif du lambeau et une projection trèsimportante en regard de la perforante. Cela a eu pourcorollaire de tracter sur le pédicule et de le mettre eninsuffisance veineuse étant donné qu’il s’agit d’un systèmeà bas débit veineux (constitué uniquement de veines comi-tantes). Au lieu de souffrir uniquement en distalité commedans la majorité des cas, sur cinq jours, le lambeau a nécroséen totalité témoignant d’une insuffisance veineuse complète(Fig. 2).

Pour nous une question reste alors en suspens, quandcontre-indiquer formellement ce type de lambeau enhélice ?

Chez les patients âgés, avec des comorbidités vascu-laires ou microvasculaires (tel le diabète) ou des sites deprélèvement comportant un tissu sous-cutané trop gras outrop épais, nous pensons qu’il est souhaitable de privilé-gier soit les lambeaux axiaux avec ici les lambeaux chinoisou ulnaires à pédicule proximal, soit musculaires tel lelambeau de muscle brachioradialis, de fléchisseur ulnairedu carpe ou de chef médial du triceps brachial, plusfiables.

Les lambeaux perforants en hélice restent difficiles carpeu résistants à la traction dans les premiers jours et doncparticulièrement fragiles sur les zones de fonction (coude,genou. . .). Une immobilisation les premiers jours est selonnous indispensable.

Nous apprécions particulièrement l’idée du couple doppleracoustique associé à une cartographie des perforantessous forme d’atlas. Il s’agit d’une procédure très intéressante

ts réservés.

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Figure 1 A. Exposition osseuse après six semaines de pansement à pression négative dans le cadre d’une fracture de l’olécrane. B.Après repérage de la perforante au doppler acoustique, on réalise une petite incision sur une berge du lambeau pour authentifier laprésence de la perforante et vérifier son calibre. Ici, le tissu sous-cutané très épais et graisseux a rendu ce geste difficile. C—D. Aspectaprès mise en place du lambeau et fermeture immédiate du site donneur. Nous plaçons systématiquement une lame de drainage, eneffet le moindre hématome risque de placer la perforante en tension et de compromettre le retour veineux, qui rappelons-le est unsystème à basse pression donc très sensible à la compression externe.

Figure 2 Aspect à 48 heures (gauche) puis à cinq jours (droite). En 24 heures, l’épaisseur du lambeau avait doublé. Nous avons lâchéla plupart des points mais le lambeau s’est progressivement placé en insuffisance veineuse (notez la stase veineuse non seulement àl’extrémité distale du lambeau mais également sur toute la périphérie). À cinq jours, le lambeau a complètement nécrosé.

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mais comme le rapportent les auteurs, la sensibilité de cetype de doppler nous a parfois conduit en erreur et nousn’avons pas retrouvé de perforante d’intérêt sur le site sélec-tionné, soit car le doppler avait détecté les vaisseaux pro-fonds, soit parce que la perforante était de calibre trop réduit.Dans cette optique l’échographie-Doppler pourrait grâce àla visualisation échographique du vaisseaux permettre

« d’assurer » notre geste et nous informer sur l’axe desperforantes [7].

Pour conclure, un concept peu évoqué dans la littérature,qui demeure très intéressant dans ce type de lambeau per-forant prélevé sur le même site qu’un lambeau axial décrit(ici le lambeau brachial externe), est qu’il reste possibleaprès cicatrisation complète de réaliser ce dernier, les

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vaisseaux sources, en l’occurrence le pédicule brachial pro-fond, n’ayant pas été sacrifiés [8].

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

Annexe. Matériel complémentaire

Le matériel complémentaire accompagnant la version enligne de cet article (vidéo 1 : exemple de repérage d’uneperforante d’intérêt basée sur la branche postérieure del’artère collatérale radiale ; vidéo 2 : modalité de rotationantihoraire du lambeau et fermeture immédiate) est dispo-nible sur http://www.sciencedirect.com et http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2013.04.006.

Références

[1] Boucher F, La Marca S, Delay E, Mojallal A. Reconstruction despertes de substance du coude par lambeau perforant en hélice dela région brachiale — Observation clinique. Ann Chir Plast Esthet2013. http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2013.03.005 [souspresse].

[2] Brunetti B, Tenna S, Segreto F, Del Buono R, Persichetti P.Lateral arm reconstruction with posterior radial collateral arteryperforator based flap. J Plast Reconstr Aesthet Surg 2013.http://dx.doi.org/10.1016/j.bjps.2013.01.005 [Epub ahead ofprint].

[3] Murakami M, Ono S, Ishii N, Hyakusoku H. Reconstruction ofelbow region defects using radial collateral artery perforator(RCAP)-based propeller flaps. J Plast Reconstr Aesthet Surg2012;65:1418—21.

[4] Hennerbichler A, Etzer C, Gruber S, Brenner E, Papp C, Gaber O.Lateral arm flap: analysis of its anatomy and modification using a

vascularized fragment of the distal humerus. Clin Anat2003;16:204—14.

[5] Ono S, Sebastin SJ, Yazaki N, Hyakusoku H, Chung KC. Clinicalapplications of perforator-based propeller flaps in upper limbsoft tissue reconstruction. J Hand Surg Am 2011;36(5):853—63.http://dx.doi.org/10.1016/j.jhsa.2010.12.021 [Epub 2011Apr 12].

[6] Ono S, Ogawa R, Hayashi H, Takami Y, Hyakusoku H. How largecan a pedicled perforator flap be? Plast Reconstr Surg2012;130:195e—6e [Author reply 196e—198e].

[7] Qassemyar Q, Sinna R. Le lambeau perforant en hélice. Ann ChirPlast Esthet 2010;55:204—10.

[8] Chaput B, Gandolfi S, Ho quoc C, Chavoin JP, Garrido I, GrolleauJL. Reconstruction of cubital fossa skin necrosis with radialcollateral artery perforator-based propeller flap (RCAP). AnnChir Plast Esthet 2013. http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2013.05.004 [sous presse].

B. Chaput*, D. FaisanService de chirurgie plastique, reconstructrice et des brûlés,

CHU Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhès,31059 Toulouse, France

A. EspieService de chirurgie orthopédique et traumatologique,

CHU Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhès, 31059 Toulouse, France

J.-L. Grolleau, I. GarridoService de chirurgie plastique, reconstructrice et des brûlés,

CHU Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhès,31059 Toulouse, France

*Auteur correspondantAdresse e-mail : [email protected] (B. Chaput)

Recu le 29 April 2013Accepte le 30 April 2013