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Prévision météorologique pour les énergies renouvelables Sylvain Cros 1 , Pierre Pinson 2 1. Reuniwatt SAS, Paris 2. Université technique du Danemark, Kongens Lyngby, Danemark [email protected] Résumé Les électricités solaire et éolienne sont les filières d’énergies renouvelables connaissant la plus forte progression mondiale de leur capacité installée. Toutefois, leurs productions varient instantanément avec la situation météorologique. Cette variabilité est un frein pour accroître leur utilisation dans un réseau électrique et un parc de consommation originellement conçus pour accueillir des énergies à production relativement stable et pilotable. La prévision météorologique du vent et de l’ensoleillement sont des solutions pour maîtriser cette variabilité et contribuer à une transition énergétique vers moins d’énergies fossiles. Abstract Meteorological forecasts for renewable energies Solar and wind power are the renewable energy sectors with the highest worldwide growth in installed capacity. However, their productions vary instantly with the weather situation. This variability is an issueto increase their use in an electricity network and a consumption park originally designed to accommodate energy with relatively stable and controllable production. Meteorological forecasts of wind and solar irradiance are solutions for managing this variability and contributing to an energy transition towards less fossil energies. L a production d’électricité à partir d’énergies renouvelables est une solution pour réduire le bilan global des émissions de gaz à effet de serre et accroître l’autonomie énergétique d’un territoire. Fin 2016, 24,5 % de l’électricité mondialement produite était d’origine renouvelable dont 16,6 % issues de barrages hydrauliques, 4 % d’énergie éolienne, 2 % de combustion de biomasse, 1,5 % d’énergie photovoltaïque ; la part des énergies marines (houle, marée), du solaire thermodynamique et de la géothermie était de 0,4 % 1 . Le solaire photovoltaïque et l’éolien sont les filières connaissant les plus fortes progressions mondiales d’installation de capacité, avec respectivement 28 et 12,6 % de croissance entre fin 2015 et fin 2016 2 . Ces deux sources d’énergie ont aussi toutes deux la particularité d’avoir une production qui varie étroitement avec les conditions météorologiques. L’énergie éolienne dépend de la vitesse du vent au niveau du hub (qui supporte les pales) et dans une moindre mesure de sa direction au niveau de la turbine. La production photovoltaïque dépend essentiellement du rayonnement solaire incident au sol (ci-après appelée éclairement) et dans une moindre mesure de la température du module photovoltaïque (figure 1). Si les énergies hydrauliques et marines présentent une faible variabilité de production à l’échelle de quelques heures, voire plusieurs jours, les énergies solaire et éolienne peuvent connaître des variations de très forte amplitude en quelques secondes. Ces énergies dites « variables », souvent appelées à mauvais escient « intermittentes », ont une production à variabilité stochastique : leur prévisibilité est limitée. Plus précisément, l’erreur de prévision de production électrique peut devenir significative au-delà de quelques minutes. L’électricité se stockant difficilement, il est impératif que la quantité produite puisse, à tout instant et à l’échelle d’un pays, être égale à celle de la consommation. Les réseaux électriques actuels et leur gestion ont été pensés pour accueillir des énergies à production garantie (hydro-électricité, combustion de charbon, fission nucléaire…) et délivrer de l’électricité selon une répartition préexistante des bassins de population. La coexistence d’un service efficace de distribution d’électricité et d’une forte pénétration des énergies solaire et éolienne nécessite une gestion du réseau réactive qui puisse bénéficier de capacités d’interconnexion renforcées, de moyens de stockage au meilleur rendement possible, d’un contrôle de la demande (organisation d’effacement, politique de sobriété énergétique), mais aussi d’anticipation de la production. La prévision météorologique tient donc un rôle majeur dans la transition énergétique en cours vers plus d’énergies renouvelables. 1 La Météorologie - n° 100 - février 2018 1. Renewables 2017 Global status report, http://www.ren21.net/status-of-renewables/global -status-report/ 2. Global Wind Energy Council, 2017. Global wind statistics 2016, http://www.gwec.net/ wp-content/uploads/vip/GWEC_PRstats2016_EN_ WEB.pdf World Energy Council, 2017. World Energy Resources Solar 2016, https://www.worldenergy. org/wp-content/uploads/2017/03/WEResources_ Solar_2016.pdf

LaMétéorologie-n°100-février2018 Prévision …(Dambreville, 2014). Autoriser la pénétration à plus de 30 % permettrait aujourd’huideconsommerdesénergies renouvelables disponibles

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Prévision météorologiquepour les énergiesrenouvelablesSylvain Cros1, Pierre Pinson2

1. Reuniwatt SAS, Paris2. Université technique du Danemark, Kongens Lyngby, Danemark

[email protected]

RésuméLes électricités solaire et éolienne sontles filières d’énergies renouvelablesconnaissant la plus forte progressionmondiale de leur capacité installée.Toutefois, leurs productions varientinstantanément avec la situationmétéorologique. Cette variabilité estun frein pour accroître leur utilisationdans un réseau électrique et un parcde consommation originellementconçus pour accueillir des énergiesà production relativement stable etpilotable. La prévision météorologiquedu vent et de l’ensoleillement sontdes solutions pour maîtriser cettevariabilité et contribuer à unetransition énergétique vers moinsd’énergies fossiles.

AbstractMeteorological forecastsfor renewable energies

Solar and wind power are therenewable energy sectors with thehighest worldwide growth ininstalled capacity. However, theirproductions vary instantly with theweather situation. This variability isan issueto increase their use inan electricity network and aconsumption park originally designedto accommodate energy with relativelystable and controllable production.Meteorological forecasts of wind andsolar irradiance are solutions formanaging this variability andcontributing to an energy transitiontowards less fossil energies.

L a production d’électricité à partird’énergies renouvelables est unesolution pour réduire le bilan

global des émissions de gaz à effetde serre et accroître l’autonomieénergétique d’un territoire. Fin 2016,24,5 % de l’électricité mondialementproduite était d’origine renouvelabledont 16,6 % issues de barrageshydrauliques, 4 % d’énergie éolienne,2 % de combustion de biomasse, 1,5 %d’énergie photovoltaïque ; la part desénergies marines (houle, marée), dusolaire thermodynamique et de lagéothermie était de 0,4 %1.

Le solaire photovoltaïque et l’éoliensont les filières connaissant les plusfortes progressions mondialesd’installation de capacité, avecrespectivement 28 et 12,6 % decroissance entre fin 2015 et fin 20162.Ces deux sources d’énergie ont aussitoutes deux la particularité d’avoir uneproduction qui varie étroitement avecles conditions météorologiques.L’énergie éolienne dépend de la vitessedu vent au niveau du hub (qui supporteles pales) et dans une moindre mesurede sa direction au niveau de la turbine.La production photovoltaïque dépendessentiellement du rayonnement solaireincident au sol (ci-après appeléeéclairement) et dans une moindremesure de la température du modulephotovoltaïque (f igure 1). Si lesénergies hydrauliques et marinesprésentent une faible variabilité deproduction à l’échelle de quelquesheures, voire plusieurs jours, lesénergies solaire et éolienne peuventconnaître des variations de trèsforte amplitude en quelques secondes.Ces énergies dites « variables »,souvent appelées à mauvais escient« intermittentes », ont une production à

variabilité stochastique : leurprévisibilité est limitée. Plusprécisément, l’erreur de prévision deproduction électrique peut devenirsignif icative au-delà de quelquesminutes.

L’électricité se stockant difficilement, ilest impératif que la quantité produitepuisse, à tout instant et à l’échelle d’unpays, être égale à celle de laconsommation. Les réseaux électriquesactuels et leur gestion ont été penséspour accueillir des énergies àproduction garantie (hydro-électricité,combustion de charbon, f issionnucléaire…) et délivrer de l’électricitéselon une répartition préexistante desbassins de population. La coexistenced’un service efficace de distributiond’électricité et d’une forte pénétrationdes énergies solaire et éoliennenécessite une gestion du réseau réactivequi puisse bénéf icier de capacitésd’interconnexion renforcées, demoyens de stockage au meilleurrendement possible, d’un contrôle de lademande (organisation d’effacement,politique de sobriété énergétique), maisaussi d’anticipation de la production.La prévision météorologique tient doncun rôle majeur dans la transitionénergétique en cours vers plusd’énergies renouvelables.

1La Météorologie - n° 100 - février 2018

1. Renewables 2017 Global status report,http://www.ren21.net/status-of-renewables/global-status-report/2. Global Wind Energy Council, 2017. Globalwind statistics 2016, http://www.gwec.net/wp-content/uploads/vip/GWEC_PRstats2016_EN_WEB.pdfWorld Energy Council, 2017. World EnergyResources Solar 2016, https://www.worldenergy.org/wp-content/uploads/2017/03/WEResources_Solar_2016.pdf

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Figure 1. Ferme photovoltaïque à La Réunion. Crédit : Reuniwatt.

Le rôle de la prévisionde productiond’électricitéphotovoltaïqueet éolienneLa prévision de production s’utilise surplusieurs points distincts des filièreséolienne et solaire. Le développementd’un projet de ferme solaire ouéolienne a recours à des donnéesclimatologiques. Des prévisions à très court terme allant de quelquesminutes à plusieurs jours serontutilisées pour l’optimisation destransactions sur les marchés del’électricité, le dimensionnement et lagestion des réseaux électriques,notamment des réserves, à différenteséchelles spatiales et temporelles.

Estimer la ressourceà long terme d’une centraleAvant de construire une ferme, ledéveloppeur de projet doit connaîtrele gisement d’un territoire af ind’optimiser le choix du terrain, lacapacité de la centrale et sa rentabilité.La prévision de cette production à trèslong terme (souvent 20 ans) supposeque le gisement des 10 à 30 dernièresannées est représentatif du potentielénergétique des décennies à venir. Plusconcrètement, des séries temporellesde données solaires (éclairementénergétique solaire au sol sur un planhorizontal ou incliné, appelé aussiirradiance) ou éoliennes (vitesseet direction du vent) à échellehoraires, issues d’observations et demodèles, sont utilisées pour obtenir de

manière statistique une annéereprésentative du gisement, appelée« année météorologique typique »(TMY en anglais). La TMY contient,heure par heure, les moyennes et lesquantiles du gisement qui permettentd’en déduire la production la plusprobable et de quantifier les risques quecelle-ci dépasse ou n’atteigne pas desseuils critiques de rentabilité. Si desrecherches sont initiées pour estimerl’impact des changements climatiquessur la ressource future, les incertitudesdes résultats restent diff icilementintégrables dans les modèles dedécision actuels des développeurs deprojets et de leurs investisseurs (Jerez etal., 2015 ; Moemken et al., 2017).

Prévoir la productionà vendre ou à achetersur le marchéDepuis la fin des années 1990, l’Unioneuropéenne organise progressivementla libéralisation du marché intérieur del’électricité. En France, les producteursd’énergie variable peuvent aujourd’huivendre leur électricité sur les marchéstout en bénéficiant d’un complémentde rémunération assuré par l’État.Comme la prévisibilité de ces énergiesest limitée, elles ont plus intérêt à êtrevendues peu de temps avant leurlivraison ; ce que permet le marchéboursier « au comptant » qui est lemarché Epex Spot pour la France. Cemarché a deux composantes : leDay-Ahead et l’Intraday.

Dans le marché Day-Ahead, lesproducteurs ou leurs négociants (destraders d’électricité) déclarent uneprévision de leur production au

lendemain sous la forme d’une sérietemporelle horaire et propose un prixau mégawatt heure. De leur côté, lesacheteurs (des distributeurs d’électricitéaux usagers) annoncent la demande àsatisfaire et les prix d’achat souhaités.À partir des demandes engagées parles parties, une unique procédured’enchère ayant lieu à 12 h 00 faitcorrespondre l’offre de production et lecours du mégawatt heure associé. Lelendemain, si le producteur constatequ’il produit plus que prévu, il pourraliquider son excédent sur le marchéIntraday à un tarif moins élevé quecelui du Day-Ahead. S’il produit moinsque prévu, il devra honorer sesengagements de fourniture en achetantde l’électricité supplémentaire à un tarifplus élevé que celui du Day-Ahead. Surl’Intraday, l’électricité s’échange sousla forme de séries temporelles deproduction au pas de temps de 15minutes et les transactions ont lieujusque 30 minutes avant la livraison.Passé ce délai, le producteur quin’a toujours pas pu honorer sonengagement sollicite le gestionnaire deréseau de transport d’électricité (GRT)qui lui fournira de l’électricité issue desa réserve prévue à cet effet. Cetteaction de dernier recours est encoreplus coûteuse, car le GRT doit sécuriseren permanence une réserve pour touttype de défaut de fourniture dans leréseau.

La prévision de production à l’horizontemporel du lendemain pour leDay-Ahead et des prochaines heurespour l’Intraday permet donc d’estimerla capacité de fourniture la plusréaliste afin de réduire les erreurs desurestimation ou de sous-estimation quisont des manques à gagner pour leproducteur. Du côté des acheteurs, lesprévisions de production photovoltaïqueet éolienne sont une information àcombiner avec la prévision de lademande et la production des autresénergies af in d’acheter le bouqueténergétique le plus compétitif.

Les acteurs du marché s’intéressent auxprévisions à différentes échellesspatiales. Les acheteurs souhaitentanticiper les prix et les volumesdisponibles à échelle nationale. Ilsont donc besoin d’une prévision dela production totale d’un pays. À cetteéchelle, l’incertitude de prévision deces énergies est relativement faible.Le producteur souhaite une prévisionsur une centrale donnée qui estnécessairement plus incertaine. Pourtransférer leur risque, les producteurssollicitent des agrégateurs. Ce sont en

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Figure 2. Production d’électricité photovoltaïque le 21 juin 2017 : à gauche, sur une unique centrale de capacité de 1 600 kWc (kilowatt crête) dans ledépartement du Gard (source Reuniwatt) ; à droite, pour l’ensemble de la France métropolitaine (estimations ECO2Mix - RTE).

quelque sorte des courtiers qui gèrentun portefeuille de centrales incluantdifférents types de filière de production(photovoltaïque, éolien, hydraulique,mais aussi gaz, charbon…) sélectionnésde manière à obtenir une productiontotale plus rentable et mieux garantiecontre la variabilité météorologique. Unagrégateur a intérêt à utiliser unensemble de prévisions ponctuelles. Ledéveloppement de cette activité a crééle besoin de prévision de productiontirant parti des corrélations spatialesentre les conditions d’ensoleillementet/ou de vent des différentes centralessolaires et éoliennes d’un portefeuille.

Prévoir la productionà injecter dans le réseauà échelle nationaleLe gestionnaire de réseau et detransport (GRT) de l’électricité apour rôle de transporter cette énergieà haute tension vers les postes dits de« distribution » à partir desquelsl’électricité est acheminée à bassetension chez les utilisateurs par legestionnaire de réseau et dedistribution (GRD). En Francemétropolitaine, Réseau de transportd’électricité (RTE) et Enedis jouentrespectivement ces rôles. Ces acteurssont aussi responsables du maintiende l’équilibre entre production etconsommation af in que le courantpuisse être distribué sans interruptionni variation significative de fréquence.Le GRT a ainsi le pouvoir de réduirel’injection d’électricité en cas desurproduction imprévue ou biend’utiliser ses réserves en cas de manque

soudain d’électricité par rapport à lademande. Le dimensionnement de cetteréserve tient compte de la probabilitéd’incidents d’approvisionnement(coupures dans les réseaux, défaillanceou arrêt de centrales thermiques etnucléaires…) et des erreurs deprévision de la demande. Le GRT doitaussi arbitrer des choix d’injectionsd’électricité parmi les différentesf ilières. Si par exemple une forteproduction solaire est prévue, il auraintérêt à utiliser cette énergie àcondition que sa réserve puisseassumer l’incertitude associée à cetteprévision. De son côté, le GRD apour rôle de prévoir les délestages(coupure de courant) en cas desous-production. Il peut utiliser lesprévisions si des unités de productiond’énergie variables sont significativessur le réseau local de distribution.Les horizons de prévision utiliséspar le GRT et GRD pour gérer leréseau au niveau national sont ceuxdu lendemain sur une résolutiontemporelle horaire.

La pénétration croissante des énergiesvariables dans le réseau électrique estdonc conditionnée par une croissancede leur volume, une réduction de leurvariabilité d’ensemble et une réductionde l’incertitude de leur prévision deproduction. Une gestion du réseau àl’échelle nationale bénéf icie d’uneproduction moins variable grâce à unerépartition des centrales sur différenteszones où les conditions de vent etl’ensoleillement sont faiblementcorrélés entre elles. La f igure 2montre des prof ils journaliers deproduction nationale et pour une uniquecentrale.

Prévoir la productionà injecter dans le réseauà échelle localeLa gestion du réseau sur des zones dites« non interconnectées » comme les îlesrend la pénétration de l’éolien etdu solaire plus difficile. La productiony est beaucoup plus variable etl’incertitude de la prévision associée estd’autant plus forte. Une limite du tauxde pénétration des énergies variables aété légalement fixée à 30 % en Francedepuis 2008 afin de mieux garantir laréserve3. Depuis, les parcs éolien etsolaire ont augmenté leurs capacités et,dès 2012, cette limite a été atteinte enCorse, en Guadeloupe et à La Réunion(Dambreville, 2014). Autoriser lapénétration à plus de 30 % permettraitaujourd’hui de consommer des énergiesrenouvelables disponibles à conditionde pouvoir garantir la gestion de cerisque par des prévisions.

Néanmoins, la gestion des réseauxélectriques à petite échelle est vouée àévoluer, même dans les zonesinterconnectées. L’utilisation croissantedes technologies de l’information dansce qu’on appelle un réseau intelligentou smart grid permet de rationaliserl’équilibre production/consommationen réagissant en temps réel à toutes lescontraintes d’un réseau. La générationde données sur le comportement desconsommateurs sur de petites unités detemps permet d’ajuster en temps réelles besoins en production et de mieuxdimensionner et utiliser les solutions de

3La Météorologie - n° 100 - février 2018

3. .Légifrance, 2017. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000018698004

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stockage. Cette gestion plus fine dusystème permet alors d’insérer et demieux valoriser des productions localesd’énergie à forte variabilité tout enévitant de reconsidérer l’eff icacitéd’un réseau historique de transportd’électricité à échelle nationale.L’avènement des smart grids induit unbesoin supplémentaire de prévision deproduction solaire et éolienne à échellespatiale et temporelle réduite (quelqueskilomètres, quelques minutes) pouvantêtre fournie à très court terme (quelquesdizaines de minutes). Enfin, les réseauxélectriques autonomes dits offgriddestinés à l’électrification de sites isolés(villages, sites miniers…) peuvent êtrealimentés avec des groupes électrogènesà carburant complétés par des panneauxphotovoltaïques. Ces systèmes utilisentla prévision d’énergie dans lesprochaines minutes afin de démarrer legroupe électrogène uniquement avant unpassage nuageux.

La prévision météorologique pourl’énergie solaire et éolienne intervientdonc à plusieurs niveaux de ces filièreset doit être disponible sur des échellesspatiales et des horizons temporelsvariés.

La prévisionde l’éclairementsolaire au solLa production électrique d’une cellulephotovoltaïque dépend essentiellementdu rayonnement solaire (souvent appelé« éclairement » chez les physiciens del’atmosphère) incident reçu sur sonplan. À rayonnement reçu égal, lapuissance produite par un panneauphotovoltaïque voit sa productionlégèrement décroître si sa températures’élève. L’impact de la variabilitéde la température sur la productionphotovoltaïque étant beaucoup plusfaible que celui du rayonnement, soninfluence ne sera pas traitée dans cetarticle. L’éclairement est la puissancedu rayonnement par unité de surface(Wm-2). Sa projection au sol sur unplan horizontal (ci-après nommée parson acronyme anglais GHI pourGlobal horizontal irradiance) est lagrandeur météorologique courammentutilisée pour estimer et prévoir laproduction photovoltaïque. Elle peutêtre utilisée directement dans desmodèles d’estimation de la productionphotovoltaïque ou bien convertieen éclairement sur plan incliné

(GTI pour Global tilted irradiation)en estimant ou en mesurant sescomposantes directe et diffuse (Davidet al., 2013). L’éclairement direct estla part du rayonnement provenantdirectement du disque solaire apparentdans le ciel. La part restante estdiffuse. Elle représente l’ensemble durayonnement diffusé par l’atmosphère,les nuages, les aérosols. Elle inclutaussi la part réfléchie par l’atmosphèreet le sol. De ce fait, le rayonnementdiffus est isotrope.

Modélisation et mesureLe GHI en un lieu donné varieprincipalement en fonction de l’anglesolaire zénithal et de la transparence del’atmosphère. La première variablese calcule avec une bonne précision,la deuxième dépend de la couverturenuageuse et de la concentrationen composants atmosphériquesoptiquement actifs. Hormis les nuages,la modélisation du rayonnementsolaire pour l’énergie solaire retientgénéralement les aérosols, la vapeurd’eau et l’ozone comme composantssignificatifs. Grâce à la modélisationdu GHI par ciel clair (GHICC), ondéfinit l’indice ciel clair (Kc) par :

Kc = GHI / GHIcc

Cette variable a l’avantage de représenteruniquement l’influence des nuages sur lerayonnement solaire au sol. GHIcc estdéterminé par un modèle de ciel clair quiprend en entrée les concentrations descomposants atmosphériques. Le récentmodèle McClear (Lefèvre et al., 2013)utilise ces variables fournies à échellelobale et infrajournalière grâce auservice Cams4. Ce service est issu duprogramme de recherche européenCopernicus qui a pour objectif de rendrepublique une multitude de donnéesissues de l’observation de la Terre depuisl’espace dans des thématiques variées(atmosphère, surfaces continentales etmarines, services d’urgence et desécurité).

Les instruments de références de mesuredu GHI utilisés par les ingénieurs enénergétique solaire sont issus despratiques météorologiques.Ce sont lespyranomètres mesurant le GHI et lespyrhéliomètres mesurant l’éclairementdirect reçu sur un plan normal (Directnormal irradiance ou DNI). Cependant,l’instrumentation à installer et maintenirest coûteuse pour obtenir ce type demesure n’importe où. L’utilisationd’images de satellites météorologiques

géostationnaires fournit une estimationdu GHI à échelle globale sur desrésolutions spatiales de 1 à 5 km ettemporelles de 10 à 15 min. Blanc etWald (2015) décrivent une méthode deproduction de cartes de GHI en traitantdes archives de Météosat SecondeGénération datant de 2004 à nos jours.Ce type de technique est courammentutilisé pour qualifier le gisement d’unsite avant le développement d’un projetde ferme photovoltaïque.

Méthodologiesde prévision existantespour le court terme(quelques minutesà quelques jours)Si un historique de mesure du GHI estutilisable sur un site donné, denombreuses méthodes de modélisationde séries temporelles peuvent êtreutilisées. La méthode la plus simplese nomme la persistance. Elle consiste àsupposer que le GHI ou le Kc resteconstant durant tout l’horizontemporel de prévision. Cette prévisiondite « naïve » est parfois la plusperformante dans un horizon temporeltrès court (jusqu’à 10 à 15 minutes).Toutefois, elle est surtout utilisée pourfixer le seuil de performance qu’il fautdépasser avec un algorithme pluscomplexe. Des modèles linéaires de sérietemporelle (AR, Arma, Arima, Cards…)peuvent être utilisés sur des mesureshistoriques de GHI – (portant sur aumoins une année afin d’inclure tous leseffets saisonniers) ou bien de Kc pourpouvoir travailler sur une sérietemporelle quasi stationnaire. Lecomportement stochastique de lacouverture nuageuse observée au-dessusd’un site a incité l’usage de méthodesnon linéaires avec apprentissage machinenon supervisé (réseau de neurones,machine à vecteurs de support…).Lauret et al. (2015) ont expérimentéces méthodes plus efficaces que lesmodèles linéaires en zones insulaires.

Si ces méthodes ont l’avantage d’êtresimples à mettre en place et nenécessitent qu’un point de mesurescontinues, elles ne sont vraimentexploitables que pour des horizonstemporels inférieurs à quelques heures.De plus, elles se privent d’informationssupplémentaires sur le comportementdes nuages.

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4. Copernicus Atmospheric Monitoring Service,http://atmosphere.copernicus.eu/

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Figure 3. À gauche, instrument Sky InSight utilisé par le démonstrateur de smart-grid « IssyGrid » situé à Issy-Les-Moulineaux. À droite, visionhémisphérique de la température du ciel (en K) dans l’infrarouge thermique, les nuages les plus bas étant les plus chauds tandis que les zones sansnuages apparaissent comme les plus froides.

Pour les horizons temporels limités à30 minutes, les caméras à visionhémisphérique du ciel ont l’avantagede caractériser la situation nuageuseau-dessus d’un site donné et d’extrapolercelle-ci par méthode de traitementd’image. En supposant que les nuagesévoluent par déplacements horizontauxsans trop se déformer, ce moyen deprévision est particulièrement adaptépour prévenir les chutes brutales de GHIdans les cas de couvertures nuageuseshétérogènes. Les défis de cette techniquesont liés à la qualité de la caméra et àl’efficacité du traitement d’image pourdifférencier correctement l’état clair ounuageux de chacun des pixels (lasegmentation nuageuse). De plus, laqualité actuelle des prévisions dépendfortement de la nature des changementsde la couverture nuageuse (déplacementhorizontal, apparition ou dissipation,etc.) Le Sky InSight de Reuniwatt(figure 3) utilise la vision infrarougethermique, notamment pour s’affranchirde la lumière du Soleil qui affectesouvent la technique de reconnaissanceautomatique de la couverture nuageusesur une image (Cros et al., 2017a).

Pour des horizons temporels plus longsde, typiquement, plusieurs heures, unevision de la couverture nuageuse parsatellite est plus appropriée. Les satellitesgéostationnaires permettent d’observer lacouverture nuageuse avec une résolutiontemporelle élevée. Météosat-10 acquiertune image incluant l’Europe, l’Afrique etl’Atlantique toutes les 15 minutes. Cettefréquence d’observation permet

d’appliquer un algorithme dedétermination des mouvements nuageuxà partir de deux images consécutives.Les images du canal visible sontpréalablement converties en carted’indice nuageux (valeur continue allantde 0 pour un pixel sous ciel clair et 1pour un pixel totalement nuageux)obtenue par comparaison avec les valeursminimales et maximales observées surun pixel à un instant donné. Cetalgorithme calcule ensuite un vecteurpour chaque pixel de l’image d’indicenuageux. Ce champs de vecteur est alorsutilisé pour extrapoler les motifsnuageux et produire ainsi les cartesd’indices nuageux prévues (Cros et al.,2014). La prévision de GHI s’effectue ensimulant le GHIcc prévu avec un modèlede ciel clair et en utilisant ces indicesnuageux en tant que facteur d’atténuationde ce GHIcc.

Plusieurs publications, dont cellede Lorenz et al. (2015), ont démontréque ce type de prévision est plusperformant que ceux issus des modèlesmétéorologiques pour un horizontemporel inférieur à 6 heures. Desapproches sont aujourd’hui à l’étudepour prévoir le GHI avant le leverdu soleil. Cette application estparticulièrement demandée par lesacteurs des marchés de l’électricité.L’utilisation de canaux infrarougespermet de reconstituer une nébulositénocturne que l’algorithme de prévisionextrapole jusqu’aux heures de prévisionsouhaitées durant la journée (Hammeret al., 2015 ; Cros et al., 2017b).

Les horizons temporels plus longs(jusqu’à 2 jours) ne peuvent se reposerque sur la modélisation météorologique.Le défi de cette modélisation pour laprévision du GHI est la représentation laplus précise possible de la couverturenuageuse à f ine échelle (quelqueskilomètres). Les échelles caractéristiquesdes processus physiques liés à laprévision du GHI (par exemple, lacondensation, la convection, laturbulence, la diffusion et l’absorptiondu rayonnement) sont très inférieuresà celles des mailles des modèlesmétéorologiques globaux (15 à 50 kmpour une prévision à granularité de 3 ou6 heures). Les modèles régionaux ou àméso-échelle ont une résolution plusadaptée (3 à 10 km pour des prévisionshoraires).

Les premiers travaux effectués pourobtenir des prévisions exploitablesà partir de modèles ont été uneamélioration dumodèle de transfert radiatifet une meilleure prise en compte desaérosols. Ces procédures ont été adoptéespar exemple au NCAR5 pour le modèleWeather Research and Forecast (WRF) parJimenez et al. (2015). D’autres approchesplus ambitieuses tentent aujourd’huil’assimilation de propriétés nuageusesà partir de données de satellitesmétéorologiques géostationnaires, commeles travaux de Schomburg et al. (2015) auDeutscherWetterdienst.

D’une manière générale, les utilisateursde modèles météorologiques portentleurs efforts sur le développement de

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Figure 4. Courbe de puissance typique pour une éolienne moderne d’une puissance de 3 MW.

modèles statistiques de traitement dessorties. Les chercheurs européensutilisent généralement les modèlesrégionaux disponibles auprès de leurservice météorologique national(Arome, Cosmo, Hirlam, Icon, etc.), duCentre européen pour les prévisionsmétéorologiques à moyen terme(CEPMMT) et du NCEP6 avec lemodèle Global Forecasting System(GFS). Si un historique de mesurede GHI ou même de productionphotovoltaïque est disponible sur le siteen question, ces outils réduisent leserreurs de prévision des modèles demanière significative (Diagne et al.,2013). Enfin, la prévision d’ensembleles sorties de plusieurs de ces modèlestend à se généraliser.

La prévision du ventet de la productiond’énergie éolienne

Relation entre le ventet la production d’énergieélectriqueLa production d’énergie à partir d’uneéolienne dépend directement de lavitesse du vent, définie par sa courbede puissance (figure 4). Celle-ci estdéfinie par une constante pour les ventsfaibles, une variation quasi cubiqueavec la vitesse du vent puis de nouveauun plateau pour les vents forts,suff isants pour produire à capaciténominale. Pour les vents très forts(typiquement, à partir de 25-30 ms–1),les pales des éoliennes se mettent endrapeau par sécurité et la productiond’énergie électrique s’arrête.

Cette conversion est égalementimpactée par la densité de l’air.Elle dépend donc de la pressionatmosphérique, la température etl’humidité. La turbulence peut aussijouer un rôle si l’on regarde leprocessus de conversion à des échellesde temps limitées. Mais, comme enmajorité ces prévisions sont pour desproductions d’énergie moyennées sur10 à 60 minutes, l’effet de la turbulenceest alors négligeable et négligé. Cettedépendance théorique est égalementinfluencée par l’environnement del’éolienne, que ce soient des collines,des arbres ou d’autres éoliennes. Ladirection du vent devient alors elleaussi importante, car elle permet de

modéliser les effets de ces obstacles quivont affecter le vent effectivementperçu au niveau du hub de l’éolienne.

Mesure de la directionet de la vitesse du ventLa mesure du potentiel éolien ne peutpas se limiter à l’instrument qu’estl’anémomètre. Il est nécessaire deconnaître le champ détaillé desvecteurs de vent autour de l’éolienne.L’instrument le plus courammentutilisé est le lidar à effet Doppler.Celui-ci émet une onde lumineusedans une direction donnée, qui estrétrodiffusée par les particules de l’airet collectée par le télescope du lidar.La différence de fréquence entrel’onde émise et celle reçue permet dedéduire par effet Doppler la vitesse dedéplacement de l’air, et donc celle duvent, dans la direction parallèle àl’onde lumineuse. Plusieurs usages dulidar sont possibles. Les lidarsverticaux mesurent le profil de vent.Les lidars horizontaux placés surles éoliennes analysent le ventincident. Enf in, l’usage de troislidars synchronisés permet unereconstitution tridimensionnelle duchamp de vent et, par conséquent, unequantif ication exploitable desphénomènes de turbulence.

Méthodologiesde prévision existantesLes premiers travaux sur les problèmesde prévision éolienne pour les heures etles jours suivants sont apparus dès ledébut des années 1980. Ce sont, parexemple, les méthodes présentées

par Brown et al. (1984), qui déjà àl’époque proposaient de donner uneinformation sur l’incertitude desprévisions. Aujourd’hui, la littératureliée à la prévision du vent et de laproduction d’énergie éolienne est enexpansion très rapide, avec descentaines d’articles scientif iquespubliés chaque année.

De manière fondamentale, deuxparadigmes coexistent : d’une part,prévoir le vent en premier lieu pour leconvertir en production d’énergieéolienne par la suite ; d’autre part,prévoir directement la productiond’énergie éolienne par des méthodesstatistiques appliquées à des sériestemporelles de production d’un champd’éoliennes, de mesures de vent ou degrandeurs analogues. Le choix duparadigme pour des horizons proches(quelques heures) n’est pas évident. Parcontre, pour des horizons d’un ouplusieurs jours, il est impératifd’utiliser des prévisions issues desmodèles météorologiques, au minimumpour la vitesse et la direction du vent.

Une partie des développements desméthodes de prévision pour lesapplications éoliennes a de fortessimilarités avec ceux dédiés au solaire.On pense aux prévisions utilisantles méthodes de modélisation deséries temporelles (AR, ARMA7, etc.),d’intelligence artificielle (notamment legradient boosting) pour la prévision àtrès court terme, de régression nonlinéaire pour la conversion des prévisions

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5. National Center for Atmospheric Research.6. National Center for Environmental Prediction.7. AR, autoregressive ; ARMA, autoregressivemoving average.

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Figure 5. Exemple de prévisions probabilistes pour la production d’énergie éolienne à des horizons de0-48 h pour une ferme éolienne au Danemark. À chaque bande de couleur correspond uneprobabilité de contenir l’observation, centrée sur la médiane.

Figure 6. Parc éolien offshore au Danemark. Source : Université technique du Danemark.

météorologiques en prévisions depuissance électrique, etc. L’éolien anéanmoins ses spécificités qui amènentaussi des différences. En premier lieu, lesphénomènes physiques (et les échelles detemps correspondantes) et les variablesd’intérêt sont différents. De façoncertaine, ce sont la vitesse et la directiondu vent qui sont les plus importantes.Pourtant, les gradients verticaux detempérature peuvent aussi permettre dedéduire les conditions de stabilitéatmosphérique et donc la forme desprofils verticaux de vent. Aussi, touteinformation sur les conditions deconvection peut être utile, car elle permetde déduire le comportement fluctuant(ou non) du vent. D’ailleurs, pour le casdes fermes éoliennes offshore, lesmodèles de séries temporelles avecchangement de régimes (MSAR)permettent d’identifier les changementsde dynamiques de fluctuations, et ainsid’améliorer les prévisions (Pinson etMadsen, 2012).

Une problématiqueplus mature que celledu solaireLes travaux de recherche sur la prévisionpour l’éolien ont débuté bien avant ceuxdu solaire, ce qui en fait un domaineplus mature. Pendant longtemps,ces prévisions ont pris une formedéterministe, avant que l’importance desapproches probabilistes ne s’impose surles dix à quinze dernières années. Denombreux travaux, notamment liés à laprévision probabiliste et à la vérificationdes prévisions, ont été établis pour lecas de l’éolien avant d’être adaptéspour le solaire. Comme pour le solaire,la plupart des acteurs produisant desprévisions de production d’énergieéolienne reçoivent aujourd’hui desprévisions météorologiques provenantdu CEPMMT et/ou de GFS, ainsi quede centres nationaux. Certains de cesacteurs vont raff iner les prévisionsen utilisant le modèle WRF), maisla plupart utilisent ces prévisionsmétéorologiques directement commevariables d’entrée de modèles statistiqueset/ ou d’intelligence artificielle pouren déduire la production d’énergieéolienne correspondant à ces conditionsmétéorologiques.

Les prévisions probabilistes décriventindividuellement la distribution desprobabilités de la production d’énergieéolienne prévue pour chacun deshorizons de prévision (figures 5 et 6).Elles peuvent être fondées sur deshypothèses quant à la nature de ces

distributions de probabilité (loi deprobabilité comme la loi normale ougaussienne, la loi Bêta, etc.). Lesprévisions probabilistes peuvent aussiutiliser des méthodes non paramétriques,c’est-à-dire obéissant à des loiscomposées d’un nombre potentiellementinfini de paramètres. Dans ce cas, lesprévisions reposent sur des méthodesde régression quantiles ou sur le post-traitement de prévisions météorologiquesd’ensemble. De façon complémentaire,certaines prévisions probabilistesprennent la forme de scénariosalternatifs pour le futur (comme pourles ensembles). Elles sont produitesà partir de prévisions d’ensemblede vent ou à partir de méthodesd’échantillonnage statistique.

Nouveaux développementset défis à venirParmi les sujets les plus importantsaujourd’hui pour la prévision éolienne,nous avons l’utilisation de quantitésimportantes de données hétérogènes(Pinson, 2013). Ces données sontdes prévisions météorologiquesprovenant de différents modèles et à

différentes résolutions d’observationsmétéorologiques conventionnellesissues de nombreux sites et d’imagesde radars à très hautes résolutionsspatiales et temporelles. Le potentieldes images radar commence à peine àêtre exploré, que ce soit dans uncadre académique (Trombe et al., 2014)ou industriel (projet BEACon auRoyaume-Uni). Ces images permettentde mieux caractériser les situationsmétéorologiques locales et de prévoircomment les éoliennes vont êtreimpactées par le passage de systèmesconvectifs.

Un autre axe qui revêt une importanceprimordiale est celui de permettre unemeilleure articulation entre le procédé deprévision lui-même et l’utilisationultérieure de ces prévisions dans lesprocessus de prises de décisions,comme ceux mentionnés précédemment(participation au marché de l’électricité,gestion des réserves, etc.). L’analysetrès récente de Bessa et al. (2017)présente ces efforts qui consistent, enautres, à standardiser les métriquesdes incertitudes et les manières decommuniquer les prévisions. Ledéveloppement des méthodes de

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prévisions doit aller de pair avec l’étudedu système d’aide à la décision,demandeur de prévisions. L’objectifsous-jacent de cet axe étant des’approcher du meilleur compromisentre l’adaptation à l’utilisateur et lafourniture de prévisions standardisées.

Enfin, concernant la prévision du venten lui-même, la plupart des effortsont été portés sur son améliorationpost-production en faisant une utilisationoptimale de données diverses disponibles(par un procédé de calibration). Parexemple, des travaux récents ont montrécomment améliorer conjointement lesprévisions d’ensembles de vitesse et dedirection (Pinson, 2012). À ce jour, trèspeu d’initiatives se concentrent surl’amélioration des prévisions de ventpour l’éolien, à l’exception des projetsWFIP aux États-Unis (Wilzack et al.,2015) et du groupe de travail 36 del’Association internationale de l’énergie(Giebel et al., 2016).

Conclusionet perspectivesParmi les défis techniques d’une fortepénétration des énergies renouvelablesdans le mix électrique, la prévisionmétéorologique tient une placestratégique sur plusieurs niveaux desf ilières solaires et éoliennes : laconception et la gestion d’une centrale,la mise sur le marché de la productionet l’injection dans le réseau électrique.L’avènement des réseaux électriquesintelligents augmente ce besoin enprévision de l’ensoleillement et desconditions de vent.

La transition énergétique pose denouveaux défis pour la météorologie.Elle doit traiter une gamme d’échellesallant de la minute à plusieurs jours.Les informations délivrées doiventprendre des formes variées et adaptéesà chacun des usages requis. Enfin, ces

nouveaux besoins promeuvent destechniques innovantes et exigeantesen termes de disponibilité desobservations.

Ces nouvelles techniquesmétéorologiques pourront en retourbénéf icier des avantages d’unecroissance de la production d’énergiesvariables. En effet, chaque unité deproduction représente la possibilitéthéorique d’obtenir en temps réel uneestimation de l’éclairement solaire oude la vitesse du vent. Un nouveau parcd’observations météorologiques estdonc voué à croître au niveau mondial.Avec les progrès techniques attendus eninstrumentation météorologique, cesnouvelles sources de données pourrontalimenter des modèles de plus en plusperformants.

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