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25 formation dossier Actualités pharmaceutiques n° 505 Avril 2011 Pour la pratique L’antisepsie au quotidien Multiples sont les circonstances de la vie dans lesquelles le recours à un antiseptique est nécessaire pour prévenir la survenue d’une infection. La conduite à tenir diffère, cependant, selon le contexte. Conduite à tenir en cas d’accident d’exposition au sang (AES) Les accidents d’exposition au sang (AES) sont représentés essentiellement par les piqûres (70 %), les coupures et les pro- jections de sang ou de tout liquide biologique contenant du sang. Le risque de contracter le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) lors d’AES avec une personne contaminée est évalué à 0,3 %, celui de l’hépatite B à 30 % et celui de l’hépatite C à 3 %. En cas de piqûres ou de coupures, il convient de tremper, après lavage, immédiatement la zone concernée dans une solution antiseptique appropriée pendant au moins 5 minutes : poly- vidone iodée, chlorhexidine, alcool à 70 %, produits chlorés, eau javellisée à 0,9 ° chl (attention à la dilution car ce produit est dangereux). En cas de projection sur l’œil, celui-ci doit être rapidement rincé à grande eau (celle du robinet suffit). Une consultation en ophtalmologie s’impose. En cas de projection sur les autres muqueuses, un lavage abondant de la zone éclaboussée doit être pratiqué. Dans tous les cas, il faut réaliser une sérologie à J0, à 3 mois et à 6 mois, une vérification du statut immunitaire vis-à-vis de l’hépatite B et du tétanos, un examen sérologique du patient à l’origine de l’accident, en le prévenant. Un éventuel traitement anti-VIH peut être débuté. Antisepsie à domicile des petites brûlures peu étendues Au moment de la brûlure, seul le refroidissement à l’aide d’un gel d’eau ou, à défaut, d’un jet d’eau courante jusqu’à la cessation de la douleur est nécessaire. L’utilisation de l’antiseptique intervient dans un second temps, au moment de la cicatrisation, s’il apparaît une surinfection secondaire mineure. Le choix du produit est alors limité. Il est possible d’utiliser : – Betadine ® en solution pendant un maximum de 48 heures du fait de son effet tannant (respect des contre-indications car absorption possible de l’iode). Il convient d’alterner à chaque renouvellement du pansement Tulle ® gras simple et Bétadine ® tulle 10 % par exemple ; – Biseptine ® ou Dermaspray ® pendant quelques jours, la forme spray évitant les frottements de la brûlure par les compresses. En l’absence d’amélioration en 48 heures ou en cas de surinfection grave, une consultation médicale est nécessaire. Antisepsie après une morsure ou une griffure Si l’origine de la blessure est animale, il faut réaliser un nettoyage large, à l’eau et au savon, suivi d’un rinçage abon- dant avec de l’eau du réseau ou stérile, puis d’un séchage soigneux effectué à l’aide de compresses stériles. Le soin doit se terminer par une antisepsie proprement dite avec de la povi- done iodée ou de la chlorhexidine. Une consultation médicale est préconisée pour vérifier la pro- phylaxie antitétanique du patient et afin de mettre en route une éventuelle prophylaxie antirabique et antibiotique. Si l’origine de la blessure est humaine, la procédure est identique. Une consultation médicale permettra de vérifier la prophylaxie antitétanique et décidera de la conduite à tenir en cas d’AES. Antisepsie à domicile d’une petite plaie Le soin d’une petite plaie doit débuter par un nettoyage large, à l’eau et au savon, suivi d’un rinçage abondant avec de l’eau du réseau, puis d’un séchage soigneux réalisé avec des compresses stériles. Il doit se poursuivre par une antisepsie proprement dite avec de la povidone iodée, de la chlorhexi- dine ou des dérivés chlorés, si possible sous forme d’unido- ses. Il ne faut pas utiliser de coton pour appliquer l’antisep- tique, mais une compresse stérile sur laquelle celui-ci doit être versé en jet, sans mettre en contact l’orifice du flacon et la compresse. Le soin doit se terminer par la réalisation d’un pansement stérile. Il est important de consulter le médecin traitant en vue de la mise en place d’une prophylaxie antibiotique éventuelle ou, si nécessaire, antitétanique. Antisepsie après une piqûre d’insecte Avant de réaliser tout geste d’antisepsie, il faut enlever le dard avec une pince si la personne a été piquée par une guêpe, un frelon ou une abeille. Toute piqûre d’insecte nécessite de réaliser un nettoyage large à l’eau et au savon ou avec de la povidone iodée ou encore de la chlorhexidine imbibant une compresse stérile. Il faut ensuite rincer abondamment, avec l’eau du réseau ou de l’eau stérile, puis sécher soigneusement à l’aide de compresses stériles. L’antisepsie proprement dite doit être réalisée avec de la povidone iodée, de la chlorhexidine ou Dermaspray ® .

L’antisepsie au quotidien

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Page 1: L’antisepsie au quotidien

25 formation

dossier

Actualités pharmaceutiques n° 505 Avril 2011

Pour la pratique

L’antisepsie au quotidien

Multiples sont les circonstances de la vie dans lesquelles le recours à un antiseptique est nécessaire

pour prévenir la survenue d’une infection. La conduite à tenir diffère, cependant, selon le contexte.

Conduite à tenir en cas d’accident d’exposition au sang (AES) Les accidents d’exposition au sang (AES) sont représentés

essentiellement par les piqûres (70 %), les coupures et les pro-jections de sang ou de tout liquide biologique contenant du sang. Le risque de contracter le virus de l’immuno déficience humaine (VIH) lors d’AES avec une personne contaminée est évalué à 0,3 %, celui de l’hépatite B à 30 % et celui de l’hépatite C à 3 %. En cas de piqûres ou de coupures, il convient de tremper, après

lavage, immédiatement la zone concernée dans une solution antiseptique appropriée pendant au moins 5 minutes : poly-vidone iodée, chlorhexidine, alcool à 70 %, produits chlorés, eau javellisée à 0,9 ° chl (attention à la dilution car ce produit est dangereux). En cas de projection sur l’œil, celui-ci doit être rapidement

rincé à grande eau (celle du robinet suffit). Une consultation en ophtalmologie s’impose. En cas de projection sur les autres muqueuses, un lavage

abondant de la zone éclaboussée doit être pratiqué.Dans tous les cas, il faut réaliser une sérologie à J0, à 3 mois et à 6 mois, une vérification du statut immunitaire vis-à-vis de l’hépatite B et du tétanos, un examen sérologique du patient à l’origine de l’accident, en le prévenant. Un éventuel traitement anti-VIH peut être débuté.

Antisepsie à domicile des petites brûlures peu étendues Au moment de la brûlure, seul le refroidissement à l’aide

d’un gel d’eau ou, à défaut, d’un jet d’eau courante jusqu’à la cessation de la douleur est nécessaire. L’utilisation de l’antiseptique intervient dans un second temps,

au moment de la cicatrisation, s’il apparaît une surinfection secondaire mineure. Le choix du produit est alors limité. Il est possible d’utiliser :– Betadine® en solution pendant un maximum de 48 heures du fait de son effet tannant (respect des contre-indications car absorption possible de l’iode). Il convient d’alterner à chaque renouvellement du pansement Tulle® gras simple et Bétadine® tulle 10 % par exemple ;– Biseptine® ou Dermaspray® pendant quelques jours, la forme spray évitant les frottements de la brûlure par les compresses.En l’absence d’amélioration en 48 heures ou en cas de surinfection grave, une consultation médicale est nécessaire.

Antisepsie après une morsure ou une griffure Si l’origine de la blessure est animale, il faut réaliser un

nettoyage large, à l’eau et au savon, suivi d’un rinçage abon-dant avec de l’eau du réseau ou stérile, puis d’un séchage soigneux effectué à l’aide de compresses stériles. Le soin doit se terminer par une antisepsie proprement dite avec de la povi-done iodée ou de la chlorhexidine.Une consultation médicale est préconisée pour vérifier la pro-phylaxie antitétanique du patient et afin de mettre en route une éventuelle prophylaxie antirabique et antibiotique. Si l’origine de la blessure est humaine, la procédure est

identique. Une consultation médicale permettra de vérifier la prophylaxie antitétanique et décidera de la conduite à tenir en cas d’AES.

Antisepsie à domicile d’une petite plaie Le soin d’une petite plaie doit débuter par un nettoyage

large, à l’eau et au savon, suivi d’un rinçage abondant avec de l’eau du réseau, puis d’un séchage soigneux réalisé avec des compresses stériles. Il doit se poursuivre par une antisepsie proprement dite avec de la povidone iodée, de la chlorhexi-dine ou des dérivés chlorés, si possible sous forme d’unido-ses. Il ne faut pas utiliser de coton pour appliquer l’antisep-tique, mais une compresse stérile sur laquelle celui-ci doit être versé en jet, sans mettre en contact l’orifice du flacon et la compresse. Le soin doit se terminer par la réalisation d’un pansement stérile.

Il est important de consulter le médecin traitant en vue de la mise en place d’une prophylaxie antibiotique éventuelle ou, si nécessaire, antitétanique.

Antisepsie après une piqûre d’insecte Avant de réaliser tout geste d’antisepsie, il faut enlever le dard

avec une pince si la personne a été piquée par une guêpe, un frelon ou une abeille. Toute piqûre d’insecte nécessite de réaliser un nettoyage

large à l’eau et au savon ou avec de la povidone iodée ou encore de la chlorhexidine imbibant une compresse stérile. Il faut ensuite rincer abondamment, avec l’eau du réseau ou de l’eau stérile, puis sécher soigneusement à l’aide de compresses stériles. L’antisepsie proprement dite doit être réalisée avec de la povidone iodée, de la chlorhexidine ou Dermaspray®.

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dossier

L’antisepsie au quotidien

Actualités pharmaceutiques n° 505 Avril 2011

Il est important de consulter le médecin traitant pour qu’il puisse mettre en place une prophylaxie antitétanique éven-tuelle ainsi qu’une prophylaxie spécifique  : un traitement anti-allergique, une prophylaxie de la maladie de Lyme après piqûre de tique...

Antisepsie des escarresL’antisepsie ne concerne, le plus souvent, que la zone sèche des

escarres, les escarres elles-mêmes ne nécessitant pas ce type de traitement, voire le contre-indiquant si elles sont propres.

Dans les cas d’escarres surinfectées, pour lesquelles un traitement antiseptique s’avère nécessaire, l’utilisation de déri-vés iodés ou de chlohexidine peut être proposée.Certains auteurs préconisent d’évaluer le pH de l’escarre pour choisir la chlorhexidine en cas de pH alcalin (ex : Chlorhexidine® aqueuse, Biseptine®) et un dérivé iodé en cas de pH acide (ex : Bétadine® dermique). Attention, cependant, à l’effet tan-nant des produits de la gamme Bétadine®.

Antisepsie lors de soins de bouche L’hygiène buccale est assurée par le brossage régulier des

dents et spécifiquement par les soins de bouche, antiseptiques ou non : thérapeutique médicamenteuse (gingivite...), hygiène buccale et confort du patient, prévention des infections chez l’immunodéprimé ou l’intubé... Les produits antiseptiques utilisables sont : Bétadine®

gargarisme, Eludril® solution, Hextril® bain de bouche, Prexidine® bain de bouche... L’application de l’antiseptique se fait avec des dispositifs spé-

cialement conçus pour ces soins, à l’aide d’une compresse enroulée sur une pince ou sur un abaisse-langue, éventuel-lement de cotons-tiges. Elle doit être renouvelée aussi souvent que nécessaire. Si la personne est porteuse d’une prothèse dentaire, il faut

enlever cette dernière et la déposer dans le boîtier contenant

la solution antiseptique, nettoyer l’appareil avec la brosse à dents du malade et rincer la prothèse à l’eau du robinet avant de la replacer.

Antisepsie oculaire Concernant les soins aux nouveau-nés, la solution réglemen-

taire au nitrate d’argent est souvent remplacée par une solution de collyre antiseptique. En cas de conjonctivite du nouveau-né et de l’enfant, l’anti-

septique utilisé se présente sous forme de collyre mono-doses à usage unique. En cas de projection oculaire, un rinçage à grande eau ou à

l’eau stérile suivi de l’instillation d’un collyre antiseptique est préconisé. En cas de plaie oculaire, un pansement occlusif stérile doit

être mis en place et un ophtalmologue consulté d’urgence. Si une poussière est mobile, il faut faire mouvoir l’œil de

façon à la déplacer vers le bas, l’enlever avec une compresse stérile et appliquer un collyre antiseptique. Si elle s’est fixée dans les tissus, il convient de diriger le patient vers un centre d’ophtalmologie. Les produits utilisés sont à base de chlorhexidine ou de

polyvidone iodée sous la forme de solution pour irrigation oculaire. �

Christian Mœsch

Professeur des Universités, praticien hospitalier,

Faculté de pharmacie de Limoges (87)

Responsable de l’UF Toxicologie analytique environnementale

et de Santé au travail,

Service de pharmacologie et de toxicologie-pharmacovigilance, CHU de Limoges

[email protected]

Jacques Buxeraud

Professeur des Universités,

professeur de chimie thérapeutique, Faculté de pharmacie de Limoges (87)

[email protected]

Pour en savoir plusAntiseptiques et désinfectants (Recueil de normes). CD-Rom. Lavoisier, 2010.

Antiseptiques et désinfectants. CCLIN de l’Inter-région Paris-Nord. Mai 2000.

Dictionnaire Vidal, 2011.

Guide des bonnes pratiques de l’antisepsie chez l’enfant. Société française

d’hygiène hospitalière. Mai 2007.

Le bon usage des antiseptiques. Groupe de travail CCLIN du Sud-Ouest. 2000/2001.

Nosobase : http://nosobase.chu-lyon.fr.

Sheldon AT. Antiseptic resistance: what do we know and what does it mean?

Clinical Laboratory Science 2005; 18(3): 181-7.

Société française d’hygiène hospitalière : http://www.sf2h.net.

Weber DJ et al. Outbreaks Associated with Contaminated Antiseptics and

Disinfectants. Antimicrobial Agents and Chemotherapy 2007; 51(2): 4217-24.

Yacoby I, Benhar I. Antibacterial nanomedicine. Nanomedicine 2008; 3(3): 329-41.

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