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L’APPORT DES TRAVAILLEURS DE LA TERRE A LA SOCIETE INDUSTRIELLE PO? PMCIDE RAMBAUD Erole &s Hautts Etu&s en Sciences Sociab, Pans, France Pour transformer leur agriculture, les socittts modernes ont choisi avec plus ou moins de rigiditk le schtma dit de l’industrialisation qui est un modPle technique, organisationnel, social, conceptuel. I1 est rkalisi de maniire polymorphe selon les difftrents systPmes sociaux. Ces processus crient des types dominants d’organisation sociale du travail: l’exploi- tation familiale, n’employant pas ou peu de salariis, forme largement majoricaire en France et en Pologne; la coop6rative de travail, dont le modtle le plus original est le kibboutz israilien; la ferme d’Etat dont la Roumanie offre un exemple. Partout, dans ces socittts objet de notre itude, s’affirment des coexistences, des complimentaritts, des conflits entre ces modkles. A I’tvidence, les notions de capitalisme et de socia- lisme ne rendent pas compte 1 elks seules de cecte complexitk. A ces formes diversifiks d’unitis de travail correspondent pour ainsi dire des types-idiaux de travailleurs: le chef d’entreprise de la sociiti libirale; l’ouvrier, fierti de la sociitk socialiste; le coopirateur dont le kib- boutznik est une forme exemplaire. Comment l’industrialisation du travail, rialiti apparernment univoque, a-t-elk produit une telle diver- sit; de travailleurs? en retour, cette diversitt marque-t-elle la socikti industrielle? L’INDUSTRIALISATION, UN CONCEPT A REDEFINIR La tradition sociologique organise la dkfinition de l’industrialisation autour de quelques composantes majeures. La micanisation tout d’a- bord dont l’emploi de l’informatique constitue une nouvelle ktape. O n sait ses effets sur la suppression de la main-d’oeuvre par exemple, sur la productivitk ou sur l’amtlioration des conditions de travail. Elle est ensuite caracttrisie par la &paration cntre la famille et l’entreprise, pendant longtemps considtrte comme un cridre dtcisif de la socittt industrielle, parce que cette rupture reprkente une itape dans l’histoire

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L’APPORT DES TRAVAILLEURS DE LA TERRE A LA SOCIETE INDUSTRIELLE

P O ?

PMCIDE RAMBAUD

Erole &s Hautts Etu&s en Sciences Sociab, Pans, France

Pour transformer leur agriculture, les socittts modernes ont choisi avec plus ou moins de rigiditk le schtma dit de l’industrialisation qui est un modPle technique, organisationnel, social, conceptuel. I1 est rkalisi de maniire polymorphe selon les difftrents systPmes sociaux. Ces processus crient des types dominants d’organisation sociale du travail: l’exploi- tation familiale, n’employant pas ou peu de salariis, forme largement majoricaire en France et en Pologne; la coop6rative de travail, dont le modtle le plus original est le kibboutz israilien; la ferme d’Etat dont la Roumanie offre un exemple. Partout, dans ces socittts objet de notre itude, s’affirment des coexistences, des complimentaritts, des conflits entre ces modkles. A I’tvidence, les notions de capitalisme et de socia- lisme ne rendent pas compte 1 elks seules de cecte complexitk. A ces formes diversifiks d’unitis de travail correspondent pour ainsi dire des types-idiaux de travailleurs: le chef d’entreprise de la sociiti libirale; l’ouvrier, fierti de la sociitk socialiste; le coopirateur dont le kib- boutznik est une forme exemplaire. Comment l’industrialisation du travail, rialiti apparernment univoque, a-t-elk produit une telle diver- sit; de travailleurs? en retour, cette diversitt marque-t-elle la socikti industrielle?

L’INDUSTRIALISATION, UN CONCEPT A REDEFINIR

La tradition sociologique organise la dkfinition de l’industrialisation autour de quelques composantes majeures. La micanisation tout d’a- bord dont l’emploi de l’informatique constitue une nouvelle ktape. O n sait ses effets sur la suppression de la main-d’oeuvre par exemple, sur la productivitk ou sur l’amtlioration des conditions de travail. Elle est ensuite caracttrisie par la &paration cntre la famille e t l’entreprise, pendant longtemps considtrte comme un cridre dtcisif de la socittt industrielle, parce que cette rupture reprkente une i tape dans l’histoire

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kconomique. Le rapport de ces deux tlkments constitue un observatoire parmi les plus pertinents pour analyser les transformations en cours dans l’agriculture. Un autre constituant de l’industrialisation est la concentration des terres, des capitaux et de la main-d’oeuvre. Celle-ci ne rtpond pas uniquement d des ntcessitts techniques, ni d une optimisa- tion tconomique. Elk porte souvent des objectifs idtologiques. Ainsi, la croyance est trPs rtpandue qu’une entreprise de grande taille est plus efficiente qu’une petite. Une quatriime composante est la division du travail; imitke de l’industrie, e lk crCe pour les agriculteurs une +cia- lisation croissante. Enfin, complkmentaire mais dtterminant, I’indus- trialisation implique de plus en plus le contr6le par les entreprises d’amont et d’aval sur l’orientation et la rkmuntration du travail agraire.

Ainsi conGue, l’industrialisation a provoqut d’importantes modifi- cations dans l’agriculture, mais toutes ces mutations ne relevent pas d’une acception aussi restrictive de ce processus social. En effet, partout, l’industrialisation du travail est r h l i k e par une emprise sans cesse croissante de 1’Etat. Emprise signifie non pas seulement des interven- tions conjoncturelles comme l’attribution d’un crtdit, le soutien des prix ou la prioriti accordk i une production, mais le fait que dans chaque systPme social 1’Etat dtfinit un ou plusieurs statuts particuliers pour les travailleurs de la terre. Ainsi, 1’Etat francais a tiabort2 un mod& d’exploitation familiale d responsabilitt personnelle. L’Etat socialiste polonais ou roumain pose la ferme d’Etat comme le prototype de l’entreprise agricole, avec la proprittt sociale des moyens de production. L i les travailleurs de la terre sont assimilks des chefs d’entreprise, ici i des ouvriers d’industrie. C’est i travers de multiples actions, parfois reliees par une logique qui n’est pas immtdiatement tvidente, qu’op2- rent les processus. 11s peuvent transiter, par exemple, i travers les institutions de crtdit ou les tcoles professionnelles, i travers la planifi- cation ou le rt-amtnagement de l’espace, autant de moyens pour intt- grer les travailleurs aux normes d’une socittt. I1 y a lh une dimension encore insuffisamment analyke de I’industrialisation que rtvPle aussi la recherche par les agriculteurs de nouveaux espaces de libertt.

Parmi les schtmas introduits par I’industrialisation, celui de la crois- sance, avec ses dtrivts que sont les termes de progrts technique ou de dtveloppement, est devenu le maitre-mot d’aujourd’hui. C’est d partir de lui que bien des idtologies et des pratiques s’organisent. La sociologie commence i entrevoir ce qu’implique ce changement de conception pour les agriculteurs. D’abord, la croissance ne peut &re pende que comme indtfinie. Ensuite, elk suppose que le primat soit dksoirmais accord6 au futur. I1 y a li une rupture pratique, politique et idtologique avec le pas& et ses traditions. A partir de cette inversion sont crttes des institutions pour maitriser l’avenir, maitrise de la nature, du produit standardid, du marcht. Paradoxalement, cette inversion est gtntratrice

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d’une permanente incertitude h laquelle tentent de ripondre la pros- pective, la planification, la programmation. De plus en plus, l’agricul- ture ivolue disormais aussi sous l’emprise du chiffre et de la statistique privisionnelle. Le langage de la comptabiliti est sans doute une des expressions les plus pertinentes de ces mutations.

Ce langage est, d’ailleurs, le symbole de la nouvelle accumulation du savoir impliquie dans les processus d’industrialisation du travail. Ce savoir est pour ainsi dire conden& dans la notion de qualification professionnelle, disormais principe majeur de la croissance de l’agricul- ture. Acquise i I’Ccole, elle supplante les savoir-faire h t r i tb . E lk crCe un rCseau technique et scientifique qui enveloppe le travail. Inginieurs, professeurs, conseillers, vulgarisateurs, animateurs, bref une importante intelligentsia oriente e t contraint les travailleurs de la terre. A travers le contrble social exerci par cette “classe du savoir”, ils doivent construire de nouveaux rapports avec 1’Etat. Cette classe est giniralement un corps d’Etat et l’acquisition scolaire de la qualification tend i devenir une obligation ligale, comme en France ou en Pologne.

Emprise de l’Etat, idiologie de la croissance, contr6le social exerci par la nouvelle c l a w du savoir sont encore un peu la face cachk de l’industrialisation telle que la coutume la prisente, difinie par la mkca- nisation, la division du travail, la concentration, la $paration entre famille e t entreprise. Comment ces trois caractirisriques agissentelles sur l’organisation social du travail pour la rendre multiple?

U N E ORGANISATION D U TRAVAIL POLYMORPHE

La r6alitC historique propose i I’analyse trois types principaux d’orga- nisation du travail, l’entreprise familiale, la ferme d’Etat, la coopirative de travail, avec des complimentaritis variables selon les politiques insti tubes.

Quand I‘Etat domestique /a socie“

Dans les syst2mes sociaux, objet de notre analyse (France, Pologne, Roumanie, Israel), I’organisation sociale du travail agraire maintient solidement l’initiative familiale, mCme si 1’Etat cherche incessamment i la contr8ler et i la riglementer. L’observation des espaces oh s’affron- tent la famille et I’Etat est instructive. Aucune de ces sociitis ne donne l’exclusiviti i un seul modile. I1 y a Ih un i n d m que la famille et le travail ne sont pas aiskment dissociables, mCme si, comme en Rou- manie, le travail familial s’exerce surtout sur le lot individuel ou i travers “l’accord global” institut en 1975. Ce lien est souvent un lieu de risistance que les individus opposent aux multiples violences exerckes par les pouvoirs publics. La terre travaillie par une famille n’est pas

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seulement un espace technique, c’est aussi I’espace d’une certaine conception de la libertt individuelle conquise sur la socittt e t plus encore contre 1’Etat.

Les rapports sociaux entre les agriculteurs et 1’Etat vont en se multi- pliant; ils provoquent des conflits, des rtsignations, des acculturations. La redistribution autoritaire des terres, la fixation politique des prix agricoles, la secialisation politiquement privilkgik comme en Po- logne, la qualification professionnelle rendue obligatoire pour accider au mktier, la planification centralistie ou indcative sont quelques-unes des formes du contrdle social qu’exerce 1’Etat. Elks rtvtlent aussi la capacid d’adaptation ou d’indtpendance de l’exploitation familiale. C’est i l’intersection de ces relations que se dtveloppent les organisa- tions professionnelles, par exemple les Cercles agricoles ou le Syndicat indtpendant et autogtrt des agriculteurs individuels-Solidaritt en Po- logne, les syndicats agricoles ou les coopiratives de credit en France, l’adhtsion des kibboutzim i la Histadrout en Israel. Elks ont des comportements ambivalents, tant6t plus proches des aspirations des travailleurs, tantdt plus attentives aux exigences de 1’Etat.

Les rapports de la famille avec la cooptrative agricole de production en Roumanie ont pu ttre qualifits ‘de “probl2me cardinal pour la sociologie moderne” (Cernea 1974, p. 193). L’organisation coopkrative, dans les Etats socialistes, institue des rapports i la fois avec les individus et avec la famille. Par son origine meme, elle entend se substituer aux structures familiales de production. En Roumanie, la Constitution de 1952 dtnommait “ferme paysanne” la parcelle de terre m i x i la dispo- sition des coop&ateurs, tandis que celle de 1965 la dtfinit comme une “ferme familiale”. I1 ne s’agit pas l i d’un simple vestige du pas& mais de la crhtion, par la cooptrative elk-mtme, d’une unit6 de travail com- plitant son activitt, jouant le rdle d’iconomie auxiliaire pour fournir des produits et permettre d’utiliser la main-d’oeuvre disponible. Su- bordination statutaire, compltmentaritt fonctionnelle, espace symbo-

.lique de libertt, terrain de concurrence occulte, le rapport entre la structure familiale e t la coopkrative de production diff2re de celui que connaft une grande usine. Cependant, la coopikative pose la famille comme une unit6 de travail qui entre comme composante de sa propre organisation. Par li-meme, e lk exerce un contr6le sur l’activitt de xs mernbres pour qu’ils ne &dent pas i un mouvement centrifuge. Ainsi, le statut des coopiratives publit en 1972 stipule que l’attribution de la surface de terre est fonction du travail effectut dans la cooerative sans qu’il y ait tgalitt entre les familles. La coopirative est proprittaire des moyens de production, mais, paradoxalement, la “force de travail” demeure proprittt personnelle des coopkateurs et l’organisation n’a pas toujours la possibilitt d’obliger chacun i fournir le travail attendu, ni mtme de proposer i chacun une activite suffisante. Ainsi, l’exploitation

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auxiliaire ou farniliale est situie i la fois i l’intirieur et a l’extirieur de la coopirative; son produit ichappe d2s lors largernent i la planification cencralisie.

Dans les rapports farnille-coopkrative la sanction iconornique de- rneure prerniPre, rnais sous une forrne chargte de significations. La coop&ative a dissocii le groupe de travail familial; l’uniti de production est l’individu organisi en iquipe ou brigade et donc pris dans de nouveaux rapports sociaux. Cette individualisation s’exprirne dans le systPrne de rimuniration, fond; sur la “norrne de travail” de l’individu itablie i partir de la difficulti et de la quantitk de travail fourni, copite de l’industrie. Pour pallier les dysfonctionnernents, notamment la faible productiviti, a Cti. introduit un mode de rkrnuniration appeli “accord global” dont les effets furent vite spectaculaires. I1 s’agit d’un contrat de travail pas& entre la cooptrative et ses rnernbres par lequel une surface de terre est confite chaque annie aux coopirateurs pour y pratiquer une culture donnie. Quand le travailleur dipasse le plan fix;, il reGoit une forte rttribution supplimentaire. Ce contrat rivtle la faiblesse de l’atti- rude coopirative, consolide la cohesion iconornique de I’organisation, crte des conflits quand l’une ou I’autre partie ne respecte pas ses engagements. I1 a fait surgir une situation paradoxale. Ce systkrne de travail e t de rkmuniration tend i rernplacer la brigade par la farnille. Ainsi, pour partie exttrieure i la coop&ative, la farnille comme unit6 de travail riapparait i l’intirieur de I’organisation elle-rn2me qui l’utilise pour rnieux rialiser ses plans de production.

Ne serait-il pas ntcessaire, d2s lors, de mieux analyser comment la parent6 partout cherche i rCguler les rapports entre les travailleurs, leurs organisations et I’Etat? Ces structures anthropologiques inconscientes n’ont-elks pas une part dans l’explication des cornporternents tcono- miques et politiques? La ri-indwidualisation, en 1956, des coopiratives polonaises rnises en place par 1’Etat en fournit un exernple. La farnille q u i se pose de plus en plus face a u k i b b u t z apr& avoir CtP cornme dissoute en lui apporte une autre confirmation i cette hypothise. D’autre part, l’abandon du kibboutz pour le mochav oli chaque farnille reprend son autonomie de travail n’est sans doute pas le simple effet d’une mal-adaptation psychologique. L’Etac socialiste, tant polonais que roumain, dinornrne ce type de travailleurs paysans-coop&ateurs. La dkfinition souligne l’arnbivalence de la coopbative et la contradiction que lui oppose la farnille. I1 y .a comme une sorte de concurrence structurelle que suscite I’industrialisation du travail agraire l i oii 1’Etat en propose d’autoriti les formes.

La rroinance h e m e ideologic Les rapports entre les travailleurs et 1’Etat ne peuvent, aujourd-hui, &re viritablernent compris s’ils ne sont pas places dam I’idCologie par

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laquelle les Etats modernes justifient leur action, i savoir I’idiologie de la croissance. La Constitution de la Rtpublique populaire de Pologne, dans ses articles 14 et 15, fait de 1’“augmentation constante” de la production et du bien-&re un projer conscient de la sociiti. Cet exemple montre comment idiologies e t pratiques de la croissance dtterminent ainsi la vie quotidienne des travailleurs de la terre. L’Etat les formule, les impose et les contr6le. Un de xs objectifs est, en effet, de donner le primat au futur sur le pasd, de le doter d’un signe positif, celui du progrts, de I’ouvrir sur I’in-difini sans autre norme que sa propre infiniti. Une sorte de rupture des schimes mentaux risque d’engendrer une crise permanente du travail qui ne peut nigliger les contraintes inscrites dans la mimoire collective et dans I’organisation de I’espace. Par exemple, le Syndicat indipendant et autogiri des agricul- teurs individuels-Solidariti, en Pologne, est en partie fond6 sur la volonti de faire respecter la riforme agraire de 1944 qui avait partagi la terre entre les “paysans” individuels (Rambaud, 1782).

Les tensions entre la mimoire collective des agriculteurs, leurs ini- tiatives e t la volonti prospective de 1’Etat sont riglies par la mise en place de la planification, indicative i la fraqaise, centralisie i la manitire roumaine ou israilienne. Ainsi, la croyance en la croissance se double d’une sorte de “mystique” du plan, parfois haus& au niveau d’une certitude qui se veut scientifique. La planification est PO& comme un moyen de maitriser le futur, une sorte d’ “anti-hasard” (Masse, 1965). Cette volonti collective de faire recujer l’incertitude est un des chan- gements majeurs conquis par les sociitis industrielles. Mais il n’y a pas de plan sans informations chiffrkes, ni de statistiques sans action de 1’Etat. Le plan traduit une volonti politique de donner une forme ii I’avenir. Analyser sociologiquemen t les tensions entre les comporte- ments quotidiens des agriculteurs et le long terme organis! par le pouvoir politique permettrait de connaitre un des domaines les plus neufs de I’emprise de 1’Etat sur la sociiti agraire.

Planification et idiologie de la croissance sont indissociables; elks contribuent, pour une part, ii occulter les changements inigalitaires rialisis par une sociitt. Regardie h travers le prisme du travail agraire, la planification est un instrument pour riduire I’incertitude, un moyen pour h i r e r des incohirences ma1 supportables et une volonri, parfois inconsciente, de supprimer la diversiti. I1 est ai& de cornprendre que les planificateurs prifkrent un nombre restreint de grandes unitis de travail i une multitude de petites exploitations dont une des raisons d’ttre est la recherche de leur indipendance. Mais l’exploitation familiale en France et en Pologne, la coop6rative roumaine ou le kibboutz isratlien constituent des sous-systimes qui naturellement rendent i divelopper I’autonomie dont ils disposent au risque parfois d’annuler route pros- pective programmie.

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La planification cherche i assurer la giniralisation d’une cohtrence et d’une rationalitk tconomiques. Pour cela, e lk prockde conjointement i un remodelage de l’cspace er i une manipulation du temps. DPs lors, ses espaces et ses temps ne sont plus ceux des agriculteurs. Dkcoupage fonctionnel du temps, tel est le plan quinquennal en Roumanie, le plan de dtveloppement sur cinq ans en France ou le plan annuel de comp- tabilitk. A la diffirence, l’agriculteur klabore une prospective non pas d’abord en fonction de I’annie caiendaire, mais de “la campagne” de production. LR plan de dheloppement pour son entreprise est souvent pen& d a m le cadre d’une giniration. A l’kvidence, dans les deux cas, ni les instruments intellectuels utiliks, ni les informations ntcessaires, ni les objectifs poursuivis ne sont les mimes. Comment les travailleurs intkriorisent-ils ce langage i m p & du dehors avec sa rationalit; propre? I1 y a li comme une acculturation d’une autre conception du tempsavec ses nouvelles normes. Elk est moins facile qu’il ne parait, d’autant que la modification de la temporaliti est toujours accompagnie d’une riorganisation de l’espace, autre indice de l’emprise de 1’Etat. La criation des fermes d’Etat et des coopkratives agricoles de production ou l’im- plantation des kibboutzim oGissent i une logique politique. A ce premier dkcoupage iconomique se surajoute souvent un redtcoupage i dimensions idiologiques. La riforme communale polonaise de 1973 a supprimt administrativement de nombreux villages afin d’assurer une meilleure efficaciti des services; elk s’est soldie par une plus forte diffusion du pouvoir central. I1 en a ttk de mtme en Roumanie, qui a rtorganisk aussi ses I‘ judet” pour rendre plus efficiente la planification. Dts 1955, I’Etat franGais prkvoyait I’ttablissement de “programmes d’action rigionale” pour promouvoir l’expansion iconomique et sociale des rkgions, pour coordonner les efforts des administrations et les initiatives locales.

Incertitude et diversiti combattues sont deux aspects ma1 apprthen- dks de ce phinomkne social moderne qu’est la planification. I1 est significatif que la Roumanie ait lais& les explotations situkes en zone diffcile hors de sa volonti planificatrice. En France, le “plan de dive- loppement” de certaines exploitations est aussi un plan d’exclusion pour les rnoins comptitives. I1 serait instructif de prockder i une investigation sociologique sur la transformation des schimas de pens& et d’action que les Etats imposent aux agriculteurs. Un savoir inidit pknPtre ainsi l’organisation du travail e t des acteurs sociaux venant du dehors y inkrent une logique, reflet de conceptions diffkrentes de la sociitk.

L’appropriation d n n nouveau savoir

Aujourd’hui, tout Etat est quelque peu planificateur. I1 en fait rntme un critire de sa moderniti qu’il justifie par I’idCologie de la croissance

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indtfinie. Ainsi, une nouvelle classe du savoir exerce un contr6le social sur les travailleurs de la terre. Elk leur propose ou leur impose, selon les cas, des techniques, des normes, des objectifs. Ses agents tressent un rkseau de relations avec les exploitations et contribuent h en modifier les dimensions sociales. Ce systime complexe de spicialistes est une p i k e maitresse des socittts modernes dont l’organisation se veut la plus rationnelle possible.

Cette intervention provoque une mttamorphose des agriculteurs, mttamorphose inachevie puisque le systime h i - m h e recule sans cesse ses frontiires. D’abord, la notion d’indipendance qui sert i dkfinir l’exploitation familiale comme capacitt de diterminer librement son travail et sa rtmuntration cPde devant celle d’interdipendance. Ensuite, les socittis industrialisiies instituent une qualification professionnelle pour les agriculteurs, acquise par l’tcole et reconnue par des diplBmes. Pour imiter la stratification industrielle e t priparer h la division du travail, cette sptcialisation obtit i des normes extirieures aux savoir- faire hkritts. Elk dttermine dtsormais les rtmuntrations et les rtussites sociales. La Pologne a invent6 des examens pour dtlivrer les titres d’ “agriculteur qualifit” et de “ m a h e agriculteur”. La Roumanie et la France ont ilabort une longue nomenclature des professions en agri- culture et multiplit les qualifications, d’abord techniques. Celles-ci ont constitui une premiire ttape de l’industrialisation. Dtsormais, elks doivent devenir tconomiques et la capacitt h tenir une comptabilitt de gestion en est le maitre-mot; elks devront &re, semble-t-il, de plus en plus organisationnelles.

Derriere ces savoirs aux formes multiples, il y a toujours 1’Etat avec des norrnes et des finalitis qu’il croit ntcessaires pour le dtveloppement de la socittt. Ces normes et ces finalitts, sous le couvert de la technique et de la science, prttendent h un certain universalisme. Les ttudes sociologiques font dtfaut sur cette classe du savoir, sur son r61e, sur ses rapports avec les travailleurs de la terre. Entre l’universel technique qu’elle prttend diffuser e t le singulier qui la reGoit ou la refuse, les modes d’acculturation et d’articulation sont encore ma1 connus. Dans leur action, ceux-ci a n t dtterminis trts largement par la nature des systimes sociaux. Sous le terme univoque d’industrialisation, l’emprise de 1’Etat justifite par les idtologies de la croissance i fondements savants ou populaires a contribui sinon i c r k r du moins h consolider des types fort diversifits de travailleurs de la terre.

LA DIVERSITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS DE LA TERRE

Les diffkrents systimes sociaux sont en train d’tlaborer plusieurs types de travailleurs de la terre. Au travers des multiples interactions entre la famille e t l’Etat, dont nous avons esquisd quelques aspects, les agri-

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culteurs se transforment. I1 y a trois dicennies, le “paysan” ttait encore pen& comme une sorte d’archttype par les politiques et les idiologies. Celles-ci ont connu un temps de vigoureuse expression dans les annies 1740-1750, avec l’organisation corporative de I’agriculture en France (1940), la riforme agraire de 1944 en Pologne et celle de 1745 en Roumanie, avec la crbt ion de 1’Etat d’Israel en 1948 oh les “agricul- teurs” furent des pionniers. La “paysannerie” itait difinie par les rap- ports de soumission des travailleurs i la nature, par la famille considirte comme le fondement premier de la sociktt iconomique, par une liberti transcrice avant tout dans des formes spatiales, par un dtsintirt t de 1’Etat i son igard, enfin par la supkrioriti accordie au travail agraire sur le travail industriel. C’est en opposition i cet architype qu’ont i t6 ilaborts des prototypes modernes. Cependant, entre les deux bien des permanences manifestent la relative spkcificiti du travail agraire que l’on a parfois qualifiies un peu vite de traditionnelles.

Trois types, presque types-idkaux, de travailleurs de la terre affirment leur particularitt dans les sociktts industrielles: le chef d’entreprise de la sociitt libirale; l’ouvrier de la sociitC socialiste; le coopkrateur dont le kibboutznik est une forme exemplaire e t dont le paysan-coop4rateur roumain ou polonais est un mod& en transition. Le profil social de chacun peut &re diceli dans les rapports famille-Etat, dans l’organisa- tion du travail, dans la qualification professionnelle. Chacun se recon- nait dans un “nous” oh s’articulent des aspects subjectifs et des Climents objectifs, un projet social et une mimoire collective. Une identitt collective est commune i chaque type. I1 l’exprime i travers des prati- ques et des symboles, des rapports avec la socikti en son ensemble et avec sa propre histoire, i travers sa cohtsion interne acquise ou h construire, sa mani?re de lutter contre l’incertitude en affirmant certai- nes traditions, i travers la reconnaissance souvent octroyk conflictuel- lement par la sociitk.

Disormais, les Etats industrialis& dtfinissent ainsi une identiti pro- fessionnelle pour les travailleurs de la terre et dialectiquement celle-ci modifie parfois la nature de 1’Etat. Par exemple, la Ripublique popu- laire de Pologne se veut un Etat socialiste, c’est-h-dire oh le pouvoir appartient au ‘‘peuple travailleur des villes e t des campagnes”. Mais, d o n le Code du travail, le terme “travailleur” disigne une personne employte en vertu d’un contrat de travail, d’une election, d’une nomi- nation. Les agriculteurs indviduels ne sont pas officiellement considt- ris comme des travailleurs, le terme Ptant reserve aux paysans-coop4ra- teurs et aux ouvriers des fermes d’Etat. Etant donnC la fonction poli- tique du travail, ils se sentent des “citoyens de deuxitme catigorie”.

Si les travailleurs de la terre ont tous au moins une rifirence com- mune, le lien i un territoire pricis et le travail agraire, ils construisent leur diversitt typologique notamment i travers les diffkrentes formes

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d’organisation sociale de leur travail, le plus souvent produites par la volontk des Etats. Dans la France libkrale, depuis un quart de siecle, le modtle d’entreprise dtfini par la politique est l’exploitation familiale h responsabilitk personnelle. L’agriculteur-type est calqut sur le mod& du chef d’entreprise industriel. Certes, le plus souvent il n’emploie pas de salarik, faisant largement usage du travail familial quand il en est besoin. Dot6 d’une bonne qualification professionnelle et spicialisi en une ou deux productions, on lui demande de tenir une comptabilitk de gestion; ses emprunts financiers sont conditionnks par I’Qblissement d’un plan de dkveloppement. Travaillan t pour le marche, des organis- mes Cconomiques, coopkratifs ou non, assurent le rapport avec la transformation ou fa consommation. Un syndicalisme puissant coor- donne les inttrets et dialogue avec 1’Etat dont l’action s’affirme jusque dans les principaux ilkrnents du travail: les prix, la surface toltrke, parfois les quota de production. Ce mod& dominant exclut des laissis pour compte; il est aussi contest6 par d’autres mouvements sociaux.

A I’oppo& s2mantique, I’ouvrier de la ferme d’Etat polonaise ou roumaine est bien aussi un travailleur de la terre, mais son statut et son mode de vie cherchent h imiter ceux de l’employt d’usine. Division et postes de travail, journte de huit heures, congis annuels, nicessaire rationalitt comptable, production et gestion planifiks, tout concourt h le placer au sommet idtologique de la hikrarchie socialiste et h l’avant- garde de la disparition des difftrences entre ville et carnpagne. Symbole significatif, ces travailleurs polonais adherent au syndicat “SolidaritC‘ urbain et non pas h celui des agriculteurs individuels. Dans les socialis- mes, ce type est institui par 1’Etat qui y trouve une facilitk pour la planification, un mod& justifit par son idtologie, le sens qui guide l’holution de la socittk. Chaque individu est un travailleur et chaque travailleur n’est qu’un individu. La famille pour recomposer son travail collectif se replie sur le lot individuel, d e m e n t est forte la symbolique de la terre i usage personnel, ou organise la brigade i partir de la paren t i .

TroisiPme type, celui qui rassemble les kibboutznikim isratliens. De ce mod& extreme ou presque les principales dimensions sont la COO- pirative de travail et de consommation, la division d’un travail haute- ment qualifi6,l’tgalitt voulue pour tous articulke i la libertt de chacun, une activiti or ientk par une planification d’une rare efficacitk. La conscience que chacun a de soi est intense et la famille agit comme ensemble seulement au niveau de certaines consommations. L’attache- ment i la terre est un trait dominant; c’est par lui que s’op6re la construction de la nation. I1 n’emptche pas les kibboutznikim de se penser comme Ctant des ouvriers et d’adhtrer i la centrale syndicale Histadrout, laissant aux agriculteurs individuels la dtnomination de “paysans”.

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En analogie avec ce type, il faut tvoquer les paysans-cooptrateurs polonais o u roumains. 11s constituent une forme de transition, dont la dur6e est indtterminte, entre les agriculteurs individuels et les ouvriers des fermes d’Etat. “Paysans”, par leur lien avec la terre en propriitk collective, recomposant le travail familial sur le lot individuel ou dans la coopkrative elk-mtme, par 1’ “accord global” ou encore par l’tquipe de travail i base parentale. Cooptrateurs, ils vivent d6ji bien des caractt- ristiques de la ferme d’Etat, de la division du travail i la rtmuntration de leur activitt, du revenu minimum garanti au temps de loisir pro- grammi. Cette organisation est voulue par 1’Etat qui y voit une avancee vers la rtalisation de son projet de socittt.

Pour comprendre la pertinence de cette typologie, il est ntcessaire de ne pas placer les types sur un continuum qui irait de l’exploitation familiale i la ferme d’Etat 2 travers l’apprentissage temporaire de la coopkative. Si continuum il y a, c’est plus dans les idiologies politiques que dans les rtalitks sociologiques. Les types doivent t t re considtrCs dans leur dwersitk d’abord, mime s’ils coexistent dans le mime sysdme social e t entretiennent entre eux des rapports complexes de conflit et de compltmentaritt. Partout, les travailleurs dtploient leurs initiatives en continuitt avec leurs appartenances anciennes et en lutte contre les formes de domination politique ou Cconomique. Par t icul ihment si- gnificative est ce qu’on dtnomme aujourd’hui l’iconomie souterraine, celle qui tchappe aux contraintes de la planification et aux tvaluations de la statistique, celle qui traduit l’incessant debat entre les familles et les Etats dont les aspirations et les exigences rtciproques sont loin d’ttre toujours concordantes. Entre ces types, des difftrences a f f rmks: une sociabilitt interne originale, une mtrnoire collective inscrite dans des pratiques et des espaces singuliers, des projets de socittt plus ou moins consciemment formulis et librement acceptts. Chaque type de travail- leurs imite i sa maniPre I’organisation industrielle, diploie des strattgies d’alliance, trouve ses propres moyens d’expression syndicaux, politiques ou culturels.

CONCLUSION

Durant les trois derniPres dtcennies et dans les quatre sociitts observies, le travail agraire s’est modifii de faqon considirable. A la manitre de P. Laslett (1969) on pourrait boque r “un monde que nous avons perdu”, mais rtcemment. La technique moderne a changi la nature et les conditions du travail. La rationalit6 de I’exploitation a tent6 de chasser les impiratifs de la famille. L’unitt de production a dipas& le domaine de la parent6 pour condenser les moyens ntcessaires, tandis que le march6 imposait une articulation plus rigide avec les usines d’amont ou d’aval. La notion d’industrialisation a gkniralement rendu compte de

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ces processus de mutation. Mais I’observation des travailleurs de la terre dans des systtmes sociaux diffirents oblige i utiliser d’autres paramitres pour expliquer les comportements collectifs et les statuts diversifiis. Le chef d’en treprise, l’ouvrier, le coop&ateur, tous travailleurs de la terre, ont construit chacun leur originaliti en assimilant une volontt poli- tique des Etats cherchant h rhliser des formes diverses, voire oppokes, de sociiti. Participant au savoir et au savoir-faire diffuks par la science, ils sont pour partie le produit d’une intelligentsia qui, consciemment ou non, traduit dans les choses des idkologies politiques plus ou moins fragmentaires. Universaliste par hypoth&e, la technique, en quoi on a parfois voulu rksumer I’industrialisation, .a ici permis d’inventer des types fort diffkren ts-de travailleurs de la terre. Ainsi, l’agriculture n’a pas laisk en retrait la moderniti. Elle propose par contre i la socikti industrialike des formes multiples d’organisation du travail, des mo- diles de travailleurs, qui pourraient bien les unes et les autres changer terme, s’il y avait des volontis politiques, ce que I’industrie socialiste ou capitaliste a jusqu’ici produit de trop uniforme au mkpris des nicessaires diversitks. Autant et peut-&re plus que tout autre, le travail agraire dkvoile ses richesses sociales, ses multiples significations symboliques, ses rkalisations polymorphes de I’igaliti et de la liberti, sans nigliger I’iconomique, mais sans se laisser riduire h lui. Tel est aussi l’apport du travail agraire i la sociiti industrielle.

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RESUME

Aulourd’hui, I’industrialisarion du rravail agraire doit aussi irre analyske comrne un proces- sus ou I’ernprisc dc I’Etar jouc un rblc de plus cn plus diterminant, 06 I’idiologie dc la croissance indifinic transformc Ics rapports a la nature, Ics rapports sociaux ct Ics rapports i I’hisroire, oli unc nouvcllc classe du wvoir qui va d a planificatcurs aux vulgarisatcurs chcrchc i orientcr cr i conrr6ler \a gcstion commc la production. Ces phinomenes, sclon les sysrimcs politiques, crccnt dcs formcs diversiliccs d’organisation du travail, I’cntrcprisc libtralc. la fcrme d’Erat, la coopkrativc dont Ic kibboutz est le modtle cxcmplairc. Mais panout pcrsistc et parfois se consolide un dibar cnrre I’Cconomic familialc cr la volonri irarique, indice peur-itre d’une particulariti propre a I’agriculturc. Dans cette longuc rnirarnorphose. Ics travaillcurs de la tcrrc ont crib des typcs d’idcnriri collectivc ayant chacun leur originalitc, quc ce soit celui du chef d’cnrreprise, dc I’ouvricr ou du coop6ratcur. II y a li un enrichissemenr de la sociirt indusrriclle par Ic travail agrairc que I’on nc peut pas riduire a l’iconomique ct qui invite a repcnser la notion mtmc d’industrialisation.

ABSTRACT

To-day, industrialization of agricultural work nceds to bc analyzed as a process in which the State plays a more and more decisive role, in which thc ideology of unlimited growth transforms relations with nature, social rclations and rclations with history, and in which a new ‘class of knowlcdgc’, extending from planners to cxtcnsion officers, artcmpts to direcr and control the managcmcnr of production. Depending on the political system. thcse phcnomena give rise to diffcrent forms of work organization: frec cntcrprisc, state firms or

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cooperatives of which the kibbutz is an example. But everywhere the debate bctwccn the family economy and the will of the state continues and sometimes crystallizes, which probably reflects the unique nature of agriculture. During this long metamorphosis, land workers have created diffcrcnt typcs of collcctive identity, be it that of h a d of cntcrprisc, worker, or co-operator. Here onc finds industrial socicry bcing enriched by agricultural work in a way which cannot bc reduced to the economic and which invites a rethinking of the notion of industrialization itsclf.

KURZFASSUNG

Heutzutagc muB auch die Industrialisierung der landwirtschaftlichcn Arbcit als cin ProzcB gesehcn werdcn, bci dcm der Einflu8 dcs Staates cine zunehmend bcdcursame Rollc spiclt, bei dem die Ideologie des unbegrcnztcn Wachstums die Bcziehungcn zur Narur, die sodalcn Ekziehungen und geschichtlichcn Beziigc vedndcrt, bci dem cine ncuc Klassc der Intclli- genz, die von dcn Planern bis zu dcn Berarern rcicht, versucht, sowohl die Verwalrung wic die Produktion zu lcnkcn und zu kontrolliercn. Dicsc Erschcinungcn schaffen cntsprechend den jewciligen politischen Sysremcn unterschicdliche Formcn dcr Arbcitsorganisation: das libcralc Untcrnehmen, den Sraatsbctrieb, dic Gcnosscnschaft, fur die dcr Kibbutz das Musrcrbeispicl ist. Abcr iibcrall bcstcht und ab und zu vcrstarkt sich ein Streit zwischcn der Familienwirtschaft und dcm staatlichcn Wollcn, viclleicht Indiz cincr Bcsondcrhcit, dic der Landwirtschaft cigcn ist. Im Zugc dicscr langwierigcn Umgcstaltung habcn die Bcwirts chaftcr des Bodcns Typcn kollcktiver Idcnritat cntwickclt, die jede ihre Originalitat bcsitzt, s a es als Bctriebslcitcr, Landarbcitcr odcr Genosscnschaftsmitglicd. Es gibt so cine Bcrci- chcrung der industricllcn Gesellxhaft durch die landwirtschaftliche Arbcit, die man nicht auf das Okonomische rcduzicrcn kann und die dazu auffordert, die Vorstellung von der lndustrialisierung selbst noch cinmal zu iibcrdcnken.