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ACADEMIE DE MONTPELLIER
C.N.R.S. A.O. 7787
UNIVERSITE DES SCIENCES ET TECHNIQUES DU LANGUEDOC
THE S E
présentée à l'Université des Sciences et Techniques du Languedoc
pour obtenir le grade de Docteur ès Sciences Naturelles
L'ARCHITECTURE DE LA FORET GUYANAISE
par
Roelof A.A. OLDEMAN
Landbouwkundig Ingenieur
(Faculté de WAGENINGEN)
Maître de Recherches
au Centre ORsrOM de Cayenne
Soutenue le 16 Décembre 1972 devant la Commission d'Examen.
JURY MM. Ch. SAUVAGE, Président
P. CHAMPAGNAT.
J. ROUX, AssesseursF. HALLÉ,
H. c. D. de WIT, Invité
Je dédie ce livre à la mémoire de mon père,
Gerrit üLDEMAN.
Erstens gibt es eine Einheit der Dinge, durch die
jedes Ding eins mit sich selbst ist, aus sich selbst
besteht und mit sich selbst zusammenhangt.
Zweitens gibt es eine Einheit, durch die ein Geschopf
mit allen anderen vereint ist, und alle Teile der
Welt ergeben eine Welt.
Giovanni PICO della MIRANDOLA,
cité par Arthur KOESTLER.
Old an adequate ideas, like old and adequate cities,
come to polarize everything around them. Minor alte-
rations can be made in the outskirts, but it is im-
possible to change the whole structure radically
and very difficult to shift the center of organiza-
tian to a different place.
Edward DE BONO.
Niets is geheel waar, en zelfs dat niet.
(Rien n'est entièrement vrai, même pas ceci).
MULTATULI
( , 1 d' ème)auteur neer an a~s, XIX
DE
LISTE DES
L'UNIVERSITE DES
PROFESSEURS
SCIENCES ET TECHNIQUES
PRESIDENT
DU LANGUEDOC
P. DUMONTET
Vice-Présidents: J. ROUZAUD - G. SAUMADE
Doyens honoraires de la Faculté des Sciences P. MATHIAS
B. CHARLES
A. CASADEVALL
Professeurs honoraires de la Faculté des Sciences
R. JACQUES
M. CASTERAS
E. CARRIERE
E. TURRIERE
C. CAUQUIL
Secrétaire Général: E. SIAU
Professeurs titulaires
M. M. MOUSSERON
M. J.P. ROIG
M. P. CHATELAIN
Mlle O. TUZET
M. G. COUCHET
Mlle A.M. VERGNOUX
M. J. AVIAS .
M. P. VIELES
M. R. MAURY (I.P.A.)
M. E. KAHANE
M. J.J. MOREAU
M. B. CHARLES
M. R. JOUTY .
M. P. DUMONTET
M. R. LEGENDRE
M. 1. ASSENMACHER
M. B. PISTOULET
M. Ch. ROUMIEU
M. J. ROBIN . .
G. DENIZOT
J. GRANIER
Ch. BOUET
J. MOTTE
J. SALVINIEN
Chimie organ1que
Physique
Minéralogie etcri st allo graphie
Zoologie
Mécanique supérieure
Physique
Géologie
Chimie
Droit
Chimie biologique
Mécanique rationnelle
Mathématiques pures
Physique
Physique
Zoologie
Physiologie animale
Physique
Analyse supérieure
Physique
;"J, ... A. POTIER
M. R. LAFONT
M. R. JACQUIER
M. J. FALGUEIRETTES
M. J. REGNIER
Mme J. CHARLES
M. P. CAILLON
M. J. ROUZAUD
M. Ch. SAUVAGE
M. H.CHRISTOL (E.N.S.I.)
Mme G. VERNET
M. L. CECCHI
M. H. ANDRILLAT
M. M. SAVELLI
M. M. MATTAUER
M. L. EUZET
M. C. DELOUPY
M. L. GRAMBAST
M. A. BONNET
M. G. LAMATY
M. R. MARTY
Mme S. ROBIN
M. R. CORRIU (I.U.T.)
Mme N. PARIS
M. J. ZARZYCKI
M. S. GROMB
M. F. SCHUE
Professeurs sans chaire
M. G. TOURNE
M. J. REMY
M. P. DEMANGEON
M. E. GROUBERT
Mme H. GUASTALLA
M.
M.
M.
R. LENEL .
F. PROUST
A. BASSOMPIERRE
Chimie minérale
Physique
Chimie
Minéralogie
Chimie
Mathématiques
Physique
Chimie
Botanique
Chimie
Biologie animale
Physique
Astronomie
Physique
Géologie
Zoologie
Physique
Botanique
Botanique
Chimie
Psychophysiologie
Physique
Chimie
Physiologie végétale
Sciences des matériaux(Physique du Solide)
Chimie physique
Chimie organique
Chimie
Géologie
Géologie
Physique
Biologie physico-chimique
Biologie animale
Géologie
Physique
M.
M.
M.
M.
M.
M.
M.
M.
M.
M.
M.
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M.
M.
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N. ROBY
R. GAUFRES
J. PARIS
G. BOUGNOT
M. ROUZEYRE
P. SABATIER
P. MOLINO
L. THALER
J. LEGRAND
R. JONARD
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J.P. FILLARD (I.U.T.
J.M. MORETTI
J.L. IMBACH
NlMES)
Chimie
Mathématiques
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Zoologie
Physique
Physique
Mathématiques
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Géologie
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Professeurs associés
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M.
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L. DAUZIER
H. HELSON .
Mathématiques
Mathématiques
Biologie animale
Physiologie animale
Mathématiques
Maîtres de conférences :
M. G. LOUPIAS
M. Ch. CASTAING
M. J.D. BAYLE
M. R. HAKIM
Mme M. HAKIM,M. F. HALLE
M. G. MASCHERPA
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M. J. GARCIA (I.U.T.)
M. M. DENIZOT
M. B. BRUN
M. L. GlRAL
M. P. JOUANNA (I.U.T.)
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Mathématiques
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M. B. LEMAIRE (Sciences & Techniques)
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Génie électrique
Géophysique appliquée
Automatique
Chimie
Biologie appliquée
Hydrogéologie
Chimie physiqueappliquée
Biochimie appliquéeà l'alimentation
Génie électrique
Mathématiques appli-quées. Informatique
Mathématiques
Informatique
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M. C. MAURIN . . .
Géologie
Biologie animale
Chargés d'enseignement
M. M. LEFRANC
M. Y. ESCOUFFIER (I.U.T.)
M. B. FILL IATRE
M. Y. CESARI {I.U.T.)
M. P. BESANCON . .
Chargés de cours :
M. G. SAUMADE (I.U.T.)
M. J. GUIN (I.P.A.)
M. Cl. PEROCHON (I.U.T.)
Mathématiques
Informatique
Informatique
Informatique
Physiologie de lanutrition appliquéeà l'alimentation
I.
PRELUDE.
En jetant un regard dans le passé, ce n'est pas sans surprise que
Je constate avoir franchi maintes frontières, au sens propre comme
au sens figuré: mes activités se sont déroulées d'abord aux Pays-
Bas, puis en Côte d'Ivoire, enfin en France équinoxiale et métropo-
litaine. Elles m'ont mené du domaine de la Taxonomie vers celui de
la Morphogénèse; avec le présent travail, j'avance, d'un pas hé-
sitant, dans la sphère de l'Ecologie.
Suivre une telle voie est courir des risques la marge qU1 sépare
le voyageur de l'apatride est aussi exiguë que celle qui sépare la
synthèse scientifique du rêve. Aussi est-il certain que je n'aurais
pu emprunter ce chemin sans l'aide et l'appui des maîtres, collègues,
collaborateurs et amis que j'ai eu le bonheur et la chance de rencon-
trer. Je me conformerai au style traditionnel des Thèses néerlandai-
ses, cérémonieux et pourtant plus personnel que hiérarchique, afin de
leur expr1mer ma gratitude.
,Vous, HALLE, sûtes toujours être l'ami, le collègue et le directeur,
sans qu'il fût possible de séparer ces aspects, également stimulants
je vous en suis foncièrement reconnaissant. C'est vous, De WIT, que
Je remercie sincèrement de m'avoir enseigné la rigueur de la méthode
taxonomique sans pour autant concevoir les plantes en objets, jetant
ainsi les bases d'un premier travail dans la Nature vivante des Tro-
piques, où vous, SAVADOGO, m'initiâtes à la forêt africaine.
Je vous sais profondément gré, CHAMPAGNAT, d'avoir élargi mes vues
au long de votre parrainage, et d'être venu siéger dans mon Jury.
Que vous, SAUVAGE, voulûtes bien le présider après m'avoir enrichi
de vos conseils, m'est une source de vive gratitude. Les discussions
stimulantes en forêt avec vous, MANGENOT, seront pour moi inoubliables.
II.
Sans l'Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer,
organisation unique au monde, le présent travail n'aurait pas exis-
té : ma très grande reconnaissance va à ceux qui ont eu la vaste
vision de créer cet Office et à vous, CAMUS, qui maintenant dirigez
ses activités.
En forêt guyanaise ce furent vous, BURGOT, ELFORT, TIBURCE, et maints
autres aussi, qui avez été les maîtres m'enseignant ce qui ne se trou-
ve pas dans les livres, tandis que vous, MANREDJO, soignâtes chloro-
digitalement les plantes des serres et du jardin ; que ces quelques
lignes vous soient le témoignage de ma gratitude. Au Centre O.R.S.T.O.M.
de Cayenne, vous, BRUGIERE, dirigeâtes notre équipe, si bien que vous,
TURENNE, THIAIS, HOORELBECK, de GRANVILLE, DEWARD, ROSSIGNOL, BOURGES,
HOEPFNER et encore d'autres collègues, sûtes faire du Centre une véri-
table pépinière de la Recherche; je vous remercie tous, du fond
de moi-même, des huit années pendant lesquelles il m'a été donné de
travailler dans cette ambiance.
Je ne pourrais oublier aucun d'entre vous, qui m'aidâtes de toutes
manières lors de l'exécution de ma tâche en Guyane. Ma pensée recon-, ,naissante demeure chez vous, StRIE et FAURAN, de l'Institut Pasteur
et chez vous, MULLARD, de l'Office National des Forêts. Elle vous
est également destinée, pilotes des avions de Guyane, KONG, RENOUARD,
MALIDOR, et à vous, hommes de la Gendarmerie Nationale, et vos épou-
ses, qui me reçûtes et secondâtes dans vos postes de Brigade à Saül,
Camopi, Régina, Saint Georges, Sinnamary, Iracoubo et Cayenne. Qu'à
vous, Maires présents et passés de ces communes, et à vous qui appar-
tenez au Service de la Radio-Préfecture, soient également adressés
mes sentiments de foncière gratitude.
La joie que m'a procurée votre venue en Guyane, collègues de tous les
points cardinaux, et le caractère stimulant des échanges de vues sur
le terrain, dont je vous sais infiniment gré, sont difficiles à cap-
ter dans des mots, si riches et cependant si pauvres. Je me souvien-
drai de vous, arrivés de l'Ancien Continent, Mlle BANCILHON, Mlle
LOURTEIG, BERTHET, KUBITZKI, NORMAND, ROLLET, SASTRE et de vous, ROUX,
III.
dont la présence dans mon Jury me réjouit et m'inspireo Mais je me
rappellerai également, le coeur non moins rempli de reconnaissance,
de vous, qui vîntes du Nouveau Monde, Mlle MAURICE, BENSON, BIERHORST,
MORLEY, TEUNISSEN, TOMLINSON et ZIMMERMANN.
En dehors de la Guyane, je vous remerC1e sincèrement tous, qU1, appar-
t.enant au Museum National d'Hist.oire Naturelle à Paris, au Museu Goeldi
à Bélem, au Laboratoire de Taxonomie Tropicale de Wageningen, aux La-
boratoires de M~rphogénêse à Clermont-Ferrand et à Strasbourg, au
Centre I,NoR,A. à la Guadeloupe, et au Laborato1re d'Ecologie à Mont-
pellier, ~ontr1buâtes au développement des 1dées du présent travail.
Ma profonde grat1tude est acquise à vous, BUDOWSKI, CHAPPUIS, CROIZAT,
NOZERAN, SCHNELL et d'autres encore, ayant trouvé le temps d'échan-
ges ép1stolaires qui me furent d'un Sl grand profit.
Je voue une particul1ère reconna1ssance à vous, Mlle de la CHAPELLE,
Mme MONNIER, FLORUS, qui prêtâtes vos plumes à la finition de mes
dessins, à vous BARBRY, qui fîtes des photographies belles et par-,faites de documents souvent défectueux, à vous Mme HALLE, qU1 con-
sacrâtes votre art dactylographique à la réalisation d'un texte soi-
gné, et à vous CORDIER, qU1 sûtes donner à cet ouvrage une admirable
forme imprimée.
Mon épouse bien-aimée, Je vous saiS gré de tout mon coeur d'avoir
subi les contraintes et. tensions, inhérentes à un travail de longue
haleine, sans vous départir de votre constant et réconfortant appui.
Enfin, je ne veux pas terminer ces quelques pages sans évoquer votre
mémoire, vous, qui n'êtes plus parmi nous et qui m'avez consacré un
fragment de votre existence: PAN HUN KUET, dessinateur au Centre
O.R.SoT.OoMo de Cayenne, et vous, NICOLAS et RENOUARD, aviateurs dé-
jà légendaires de la Guyane.
En jetant un regard dans le passé, je constate non sans une certaine
mélancolie qu'il est imposs1ble de rendre justice à tous les hommes
et toutes les femmes qui m'ont apporté leur aide, leur savoir, leurs
encouragements, leur amitié" Que ma profonde gratitude puisse les em-
brasser tous, partout où ils se trouvent.
IV.
PLAN DE L'OUVRAGE.
INTRODUCTION . .
++ Historique
++ But du présent travail
++ Méthode de synthèse
p.
p.
p. 5
p. 8
++ Les lianes .
++ Architecture et modèle de croissance
++ Relation entre hauteur et diamètre chez les arbres.
++ Les mouvements forestiers de haut en bas
++ Récapitulation des faits acquis ...
p. 14
· p. 14
p. 16
p. 16
p. 37
p. 55
· p. 60p. 61
p. 67
p. 72
p. 75
p. 84
p. 90
p. 90
p. 93
· p. 94
p. 97
p. 98
p.102
· p. 104
P .107
p.109
P . 112
LES ARBRES
DESCRIPTIONS DE FORETS
COMPORTEMENT FORESTIER DES ARBRES
La réitération du modèle .++
Résumé
Chapitre l , LE
PREMIERE PARTIE
Chapitre II . ESQUISSE D'UN SCHEMA FONCTIONNEL DE L'ARBRE.
++ Schéma fonctionnel général
++ Le bois et l'hydrosystème.
++ La Photosynthèse . . .
++ Courbes de production.
++ Tentative de définition de la vigueur.
Chapitre III. LA FORET AU PLATEAU DE LA DOUANE
++ Techniques et méthodes . . .
++ Quelques notes floristiques.
++ Les ensembles forestiers . .
++ Planimétrie des projections de c~mes
++ Localisation et fréquence de la réitération.
DEUXIEME PARTIE
Résumé
V.
++ Les structures aériennes .
Chapitre VI . UN MODELE DE LA FORET GUYANAISE
Chapitre VII . CONTROLE DU MODELE FORESTIER
++ Exemples guyanais
++ Exemples néo tropicaux.
++ Exemples africains .++ Exemples asiatiques.
++ Exemples pacifiques
++ Exemple européen .++ Récapitulation et discussion
p. 113
p. 114
p. 115
p. 117
p. 121
p. 123
p. 124
p. 125
p. 129
p. 130
p. 131
p. 132
p. 137
p. 138
p. 140
p. 141
p. 142
p. 142
p. 145
p. 146
p. 163
p. 172
p. 173
p. 177
p. 180
p. 181
p. 184
p. 185
p. 197
p . 204
p. 210
p. 215
p . 217
p. 219
LE MODELE FORESTIER
Résumé
++ Sylvigénèse, géométrie des ensembles forestiers,
gradients écologiques
++ Les structures souterraines.
++ Les surfaces d'inversion
++ L'effet de balance ..
++ L'effet de libération.
++ Energétique de la sylvigénèse.
Chapitre IV . LA FORET A CRIQUE GREGOIRE
++ Amélioration de la méthode .
++ Quelques notes floristiques.
++ Les ensembles forestiers "
++ La relation entre hauteurs et diamètres des arbres
++ Planimétrie des projections de cimes . . . .
++ Localisation et fréquence de la réitération.
++ Les lianes, les épiphytes et les plantes mobiles
++ Récapitulation des faits acquis.
TROISIEME PARTIE
Chapitre V . LA FORET A MONT BELVEDERE
++ Quelques notes floristiques.
++ Les ensembles forestiers . .
++ La relation entre hauteurs et diamètres des arbres.
++ L'imbrication forestière ..
++ Planimétrie des projections de c~mes
++ Récapitulation des faits acquis ...
VI.
QUELQUES PERSPECTIVES EN GUISE DE CONCLUSION GENERALE .. p. 225
BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 234
INDEX ALPHABETIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.
INTRODUCTION.-
++ Historique.
Dès les premiers voyages vers les régions équatoriales, les forêts de ces
contrées ont fait sur l'Européen une profonde impression. Emerveillé et ef-
frayé à la fois, il les a dépeintes dans ses récits de voyages, pour les
faire entrer ensuite dans son folklore. L'avis d'OVIEDO y VALDES (1526, cité
par ALLEN, 1956) : "Je dis que, généralement, les arbres qui existent dans
ces Indes sont chose inexplicable, par leur multitude ..... " représente l'im-
pact initial, transmis de génération en génération par la littérature.
Cette littérature, au début assez peu différenciée, - l'on trouvait des obser-
vations de nouvelles espèces et de leur comportement dans des journaux de
bord (cf. DARWIN, 1845), ou des comptes rendus économiques, géographiques et
anthropologiques dans des Flores (AUBLET, 1775) -, s'est par la suite divisée
en deux coù~ants distincts qui se sont graduellement écartés l'un de l'autre.
Celui qui s'épanouit à peu près du temps de Jules VERNE:, pour se développer,
avec Edgar Rice BURROUGHS (auteur de Tarzan), vers les bandes dessinées,
traduit l'aspect émotionnel, mythologique, qu'a revêtu la forêt sempervirente
pour la plupart de ceux qui n'en ont qu'une connaissance superficielle ou
indirecte. Cet aspect est remarquablement vivant et puissant: l'impression
d'une végétation dense, inextricable, où tout est possible et où tout est mons-
trueux, colore inconsciemment les jugements,même ceux de gens réputés lucides.
Il est à souligner que ce sentiment est ressenti par tout un chacun, y com-
pris le biologiste,qui débute sur le terrain sous les Tropiques humides.
---------------------------------------------------------------------------------------------
Figure Les principaux modèles architecturaux. Les raC1nes dont la struc-
ture est inconnue, sont symbolisés d'une façon uniforme.
PREVQSTmodele de
de MANGENQTmodelemodele de COOK--de ROUXmodelede MASSART
..'
'.
mode le
PETlT~'I.\!JIl~!m".:..aIJ.;.111n11'J_~-modele de-FAGERLINDmode le de
- 2 -
La forêt équatoriale n'est cependant pas un monde surréaliste,quoi.que l'on
puisse éprouver lors d'un premier contact. OVIEDO y VALDES, commençant avec
les lignes citées ci-dessus, continue avec une véritable description de la
forêt, et c'est par de telles descriptions que débute une longue série d'é-
crits visant à augmenter les connaissances - que nous appelons maintenant
scientifiques - du monde végétal tel qu'il s'exprime entre les Tropiques.
" Même là, où manquent les notions, un mot paraît au bon moment" a dit Von
GOETHE. Aussi, l'inventaire des forêts sempervirentes équatoriales, pendant
des siècles, comporte surtout des descriptions, des classifications et une
nomenclature des espèces végétales trouvées. Une pléïade de savants s'est
occupée de cette tâche gigantesque, toujours inachevée. SCHNELL (1965)
énumère quelques 70 botanistes dont le travail a principalement concerné
l'inventaire floristique des Guyanes malgré leurs efforts, nos collections
personnelles comportent environ deux pour cent d'espèces nouvelles pour la
science.
Nos prédécesseurs n'étaient cependant pas spécialisés comme le sont les taxo-
nomistes d'aujourd'hui. Le cloisonnement de la Botanique est relativement
récent, et ces grands voyageurs étaient souvent aussi d'excellents biologis-
tes, morphologistes ou connaisseurs de végétations. Les descriptions de FUSEE
AUBLET, Botaniste du Roy (1775) incluent des éléments concernant la forme des
plantes entières et des renvois aux expériences de semis et d'acclimatation
les gravures de forêts et de savanes publiées dans la Flora Brasiliensis de
Von MARTIUS (1840-1906) sont de loin supérieures à la plupart des photographies
aujourd'hui diffusées, et les arguments de SAGOT (1885) quant à la biologie
des Lecythidaceae, provenant de recherches sur le terrain "à la Guyane" comp-
tent toujours parmi les plus probants.
Mais, vers la fin du siècle dernier, la taxonomie montra de plus en plus une
tendance à se replier sur elle-même, symbolisée par MIERS, l'antipode de
SAGOT qui, à Londres, étudia les Lecythidaceae ..... sur l'herbier. Ce repli
est parfaitement compréhensible si l'on considère les myriades de plantes
s'accumulant dans les collections et les erreurs de classification et de déno-
mination commises depuis plus d'un siècle, facteurs dont la "digestion"
constituait un métier à plein temps. Cependant, les autres domaines de la
Botanique restaient en friche; puisque la science linnéenne ne s'en occupait
- 3 -
plus suffisamment, d'autres le firent.
La présente introduction ne v~se à rien d'autre que de donner quelques
grandes lignes caractéristiques de la recherche botanique dans le passé, et
dont le prolongement mène à nos actuelles études. Un caveat lector est ici
nécessaire: puisqu'il ne s'agit pas d'une étude historique exhaustive, sa
partie contemporaine sera aussi dépourvue de détails que celle qui concerne
un plus lointain passé.
La morphologie végétale, tout en conservant quelques liens avec la taxonomie,
s'approche d'un statut quasi indépendant avec GOEBBEL, suivi de TROLL. Les
deux voyagent sous les Tropiques, notamment en Indonésie, mais n'y séjournent
pas suffisamment longtemps pour empêcher que l'accent ne Se trouve'-surtout
placé sur les formes végétales des pays tempérés. Von GOETHE avait lié la
croissance à la forme dans sa notion de "métamorphose", mais,pvec le temps,
l'accent se déplaça vers la conception plus statique de séries de formes
achevées et apparentées, chez différentes espèces comme au sein d'un même
individu végétal. L'ontogénèse n'avaitsa place, dans une telle typologie, que
pour expliquer des convergences ou des divergences.
Cette démarche était inévitable à cause de la réorientation de la recherche
botanique, provoquée par l'énoncé des théories de l'Evolution, et exigeant
des possibilités de comparaison, non seulement entre des plantes vivantes,
ma~s encore avec les végétaux fossiles. Si l'Evolution procède par la survie
des plus aptes, on pourra sôutenir que c'ést le résultat - la plante achevée
avec ses formes définitives - qui est symptomatique du maintien d'une espèce.
Il allait presque de soi que l'attention des morphologistes restât captée
par les fleurs et les fruits, car ce qui avait été retenu des vues de Von
LINNE concernait principalement la reproduction sexuelle, dont l'efficacité
est conçue comme facteur majeur de surv~e. Par conséquent, la vérité a surtout
été cherchée dans le carpelle, et il a été accordé moins d'attention, par
exemple, au tronc, pour ne pas parler des racines.
- 4 -
Von GOETHE ne séparait pas encore la morphologie de la physiologie, comme il
le montre en associant la production de "sucs plus purs" à l'approche du
"stade perfectionné" de la floraison. Nous voulons souligner la remarquable
correspondance de ce modèle explicatif avec les notions récentes impliquant
un changement métabolique - par exemple, en ce qui concerne les phytohormo-
nes - à mesure que la plante parcourt sa séquence de différenciation.
Pourtant, la physiologie - comme la morphologie et la taxonomie - a connu
une phase d'isolement relatif, pendant laquelle les autres domaines botaniques
ne lui étaient qu'accessoires. S'associant de près à la chimie et à la physi-
que, elle aboutit à un état dont le HANDBUCH der PFLANZENPHYSIOLOGIE est
l'expression. D'une prodigieuse richesse, cette encyclopédie ne permet cepen-
dant pas de concevoir nettement l'organisme végétal entier, ni de comprendre
les plantes tropicales dans leur généralité,
La redécouverte des travaux de MENDEL et l'idée de l'Evolution devenue domi-
nante, fondues dans la génétique moderne sous l'influence féconde de la bio-
chimie, ont progressivement amené les biologistes vers une nouvelle prise
de conscience de l'organisme en tant qu'entité génétique, physiologique et
morphologique. Après la Deuxième Guerre mondiale, on remarque de plus en
plus que des publications spécialisées dans ces domaines laissent une porte
ouverte vers les autres.
CORNER symbolise cette tendance à la réunification de la Botanique, d'abord
par son point de départ tropical, général, opposé au point de vue particulier
tempéré, ensuite par son refus de traiter tout élément d'information autrement
que dans le contexte de la plante entière, de son ontogénèse et de son his-
toire évolutive. On peut contester le résultat de ses travaux, comme l'a fait
récemment CROIZAT, mais nullement la démarche elle-même, fondamentalement
commune à tous les grands naturalistes que nous connaissons : Von LINNE,
Von GOETHE, LAMARCK, DARWIN, CORNER et CROIZAT lui-même, pour n'en nommer
que quelques-uns.
La théorie de l'Evolution a deux faces: celle de l'hérédité et celle du
milieu. Il va de soi que, parallèlement aux études taxonomiques, morphologi-
ques, physiologiques et génétiques, des recherches ont été entreprises sur
la coexistence des plantes dans un même biotope. La phytogéographie, déjà
ancienne, et la plus jeune science écologique proviennent de cette souche.
- 5 -
Les études des relations entre la végétation et le milieu se lient aux
recherches concernant l'individu végétal, qui ont procuré pour l'analyse de
la répartition des espèces, des critères taxonomiques (Ecole de ZURICH-MONT-
PELLIER), biologiques (RAUNKIAER), physiologiques (SCHIMPER) ou chorologi-
ques (Van der PIJL). Ces critères sont ensuite mis en corrélation avec les
discontinuités météorologiques, géologiques, pédologiques et hydrologiques
du milieu.
En forêt équatoriale, de telles recherches ont été menées par de grands cher-
cheurs, de formations diverses (AUBREVILLE, RICHARDS, Van STEENIS ... ). Le
livre de RICHARDS fait le point de ce qui avait été fait jusqu'en 1952. Re-
flétant, dans une certaine mesure, la richesse encyclopédique et le manque
de vues synthétiques signalés ci-dessus dans des sciences concernant l'indi-
vidu végétal, ce livre présente une image de la Tropical RainForest qU1
est"périphérique", mais suffisannnent complète pour faire pressentir, avec
un certain flou, les principes qui gouvernent le mode d'existence de cette
végétation.
D'où provient ce flou? La réponse à cette question est essentielle pour
comprendre la tentative présentée ici.
++ But du présent travail.
;'Pour HAIHl.E et nous-même ( 1970), l'organisme végétal produi t des axes végéta-
tifs et inflorescentiels dans un ordre déterminé, tandis que pour un autre
groupe de chercheurs, la plante est une population d'axes (cf. SCARRONE,
1969). La première idée mène à une conception plutôt déterministe de l'arbre
et l'autre invite à une interprétation plutôt probabiliste. Les résultats
spectaculaires de la statistique, notannnent en physique, et le point d'inter-
rogation qu'elle a fini par mettre derrière toute conclusion basée sur des
relations de cause à effet, exigent que nous justifiions le choix entre une
approche "causale" ou statistique.
En écologie, la même alternative épistémologïque se manifeste. Peut-on dire
qu'une végétation détermine la croissance de certaines plantes dans des
- 6 -
endroits et à des moments définis, ou, doit-on au contraire, analyser statis-
tiquement des populations de plantes? En Europe, c'est généralement la deu-
xième méthode que l'on préfère (ASHTON, 1964 ; ROLLET, 1969 ; SCHULZ, 1960).
Outre-atlantique, on essaye plutôt d'obtenir un modèle déterministe (cf.
BUDOWSKI, 1963 ; JANZEN , 1970). La démarche statistique en tant que moyen
d'analyse de végétations a été exposé en grand détail par GODRON (1971).
Nous pensons qu'il faut pourtant formuler des réserves quant à l'utilité
universelle de l'approche probabiliste. Un exemple nous fournira un début de
démonstration.
Une parcelle de forêt guyanaise, de 20 x 30 mètres, et sur laquelle toutes
les plantes plus basses que 10 mètres ont été supprimées, contient une cen-
taine d'arbres. Ce nombre est bien bas pour un échantillon statistique.
On peut maintenant considérer les rameaux. Leur nombre est déjà considéra-
ble, et permet une interprétation statistique correcte. Le nombre de feuil-
les dans la parcelle est encore plus élevé, et enfin, le nombre de cellules
végétales s'approche de l'idéal statistique: des données en quantité pra-
tiquement indéfinie.
On peut augmenter la surface de forêt considérée, comme l'a fait ROLLET
(1969) : en effectuant des mesures sur 5.000 km2 de forêt en Guyane vénézué-
lienne, il obtient un nombre extrêmement élevé de données.
Il n'est pas question ici des seules dimensions des échantillons de végéta-
tion, à propos desquelles ont réfléchi aussi bien GODRON que ROLLET, mais,
surtout,~u nombre de données. A condition que celui-ci reste constant et
limité, on peut se déplacer d'un domaine botanique à l'autre: cent arbres! '
constituent un ensemble écologique, cent branches un ensemble morphologique,
cent cellules un ensemble histologique, et ainsi de suite. L'ensemble étudié
détermine le "niveau d'intégration", expression utilisée par plusieurs éco-
logistes (GODRON, 1971).
L'expérience prouve que l'on peut découvrir des lois de cause à effet à cha-
que niveau d'intégration. La question de savoir si la notion de causalité
est illusoire devient superflue, quand on constate que ces lois permettent
de prévoir,à leur propre niveau, les réactions d'un système. Dans une cellu-
le, où les concentrations de chaque espèce de molécule sont très faibles
- 7 -
(cf. ASIMOV, 1962), on peut prévoir, en principe, le comportement de chaque ,]
molécule ; dans une solution à haute concentration, ce comportement est
sujet à une approximation probabiliste. Enfin, quand on considère toutes les
molécules de cette espèce sur notre planète, la situation devient homogène
aucune prévision au niveau d'une seule molécule n'est plus possible,
Ici surgit une notion-clef de l'écologie: l'homogénéité. Dans l'exemple
moléculaire, la situation devient homogène par manque d'information en
écologie, elle l'est par égalité d'information d'un point à l'autre du sys-
tème étudié, et ceci par contraste avec le système vo~s~n, où l'information
est aussi homogène, mais différente. C'est dire que l'homogénéité des types
de végétation dérive de l'hétérogénéité entre ces types, ou, en d'autres ter-
mes, d'une différenciation. La différenciation la plus simple que l'on puisse
concevoir implique seulement deux facteurs, dont l'un entraîne obligatoire-
ment l'autre: c'est l'expression la plus élémentaire de la causalité.
Un modèle élaboré de cette causal~té a été donné par THOM (1968), qui dit
à propos des champs morphogénétiques "Si l"on veut se contenter de proprié-
tés expérimentalement contrôlables, on sera amené à remplacer l'hypothèse
invérifiable du déterminisme par la propriété expérimentalement vérifiable
de "stabilité structurelle" : un processus (P) est structuralement stable,
s~ une petite variation des conditions initiales conduit à un processus
(P') isomorphe à (P)."
L'approche optimale d'un problème peut être définie à partir de ces"condi-
tions initiales" : quand celles-ci sont assez simples~ on peut essayer d'é-
tablir un modèle déterministe ou structurel de la situation, mais, lorsqu'
elles sont plus compliquées, lès résultats du processus deviennent imprévisi-
bles et doivent être analysés statistiquement,
Or, la situation initiale peut être complexe pour deux ra~sons. Le relevé
stochastique des éléments à analyser introduit une hétérogénéité plus,
prononcée qu'un choix d'éléments "apparentés" - en outre, cette hétérogénéi-
té augmente avec le nombre d'éléments. Appelons ces éléments"échantiLl.ons",
et l'on reconnaîtra la démarche de ROLLET et de GODRON. Pris entre deux
hétérogénéités, celle de chacun des échantillons et celle de leur ensemble,
- 8 -
ces auteurs essayent de définir statistiquement les dimensions des échantil-
lons, afin que leur hétérogénéité serve de façon optimale à la délimitation
de champs homogènes dans le système d'ensemble l'étendue de ce dernier
doit également être définie dans ce but.
La présente étude suit un chemin complémentaire. La méthode probabiliste
était certainement la seule valable, tant que le niveau d'intégration écologi-
que restait séparé par un très grand intervalle du niveau d'intégration
où se trouvaient la physiologie et la morphologie des axes, le niveau corres-
pondant aux types de RAUNKIAER n'étant pas interposable entre les deux. C'est
justement cet intervalle trop grand que traduit le flou déjà noté dans le
livre de RICHARDS (1952).
Les modèles arborescents (HALLE et OLDEMAN, 1970) sont déterministes ou
structurels à un niveau d'intégration plus grossier que celui du déterminis-
me des axes de ce fait, ils constituent un premier jalon dans l'intervalle
mentionné. Le pas suivant consiste à établir une liaison causale entre ces
modèles, dont l'observation directe est assez rare dans la nature, et la phy-
sionomie des végétaux, puis entre la physionomie et l'écologie. C'est préci-
sément le but du présent travail que de proposer un modèle de la forêt guya-
naise qui, partant du niveau des modèles arborescents, et mettant l'accent
sur la génèse de la physionomie, permet de formuler des notions ayant, tel
Janus, deux faces: l'une regarde le niveau d'intégration écologique, et
l'autre celui de la morphologie.
Ce projet est ambitieux, et son exécution devait immanquablement laisser sub-
sister des lacunes importantes. C'est la raison pour laquelle nous nous som-
mes efforcés de laisser des ouvertures dans notre modèle forestier pour que
puissent s'y incorporer les faits nouveaux et les améliorations qui ne man-
queront pas d'être découverts dans l'avenir.
++ Méthodes d'analyse et de synthèse.
La notion de modèle est au centre de notre approche de la nature. Nous l'a-
vons empruntée au cybernéticien GEORGE (1965), qui expose le principe con-
sistant à mimer le système étudié, afin de pouvoir comprendre et prévoir
- 9 -
le comportement de ce système, en utilisant l'imitation, appelée modèle.
On distingue deux sortes de modèles : le modèle "solide" (hardware model) ,
qui se présente comme une maquette, tridimensionnelle, ou une image, bidimen-
sionnelle, et le modèle "mou" (software model), constitué: de mots arrangés
en description, ou de conceptions mathématiques en formule (voir aussi
FREUDENTHAL, 1961).
L'utilisation consciente de modèles scientifiques est relativement récente,
mais l'emploi d'imitations,verbales ou graphiques,de la réalité est aussi
ancien que l'Homme lui-même. Si l'on considère que c'est la langue qui défi-
nit Homo sapiens' , la première onomatopée était le premier modèle. La puis-
sance attribuée aux modèles se traduit par exemple dans des pratiques mag~ques
datant de l'aurore humaine, et supposant l'action directe de forces occultes
émanant du modèle sur le système imité. Dans les rubriques astrologiques qui
foisonnent dans nos quotidiens, c'est, en fait, la même croyance magique qu~
prouve sa vitalité, chaque corps céleste ou signe zodiacal considéré étant
censé être le"modèle agissant" d'un facteur psychologique ou corporel de
l'homme.
On pourrait penser que THOM (1968) effleure une telle notion en écrivant:
" un champ morphogénétique sur un ouvert U de l'espace-temps réside
dans la donnée d'un "modèle universel" dont le processus donné est copié."
Pour exclure toute équivoque, il s'avère donc impératif de définir le modèle
scientifique - le seul modèle envisagé par THOM.
D'une part, la sc~ence postule l'indépendance fondamentale du modèle vis à
v~s du système réel, sauf par l'intermédiaire du chercheur dont l'activité
lie l'un à l'autre. L'objectivité de cette méthode réside dans le fait qu'on
doive pouvoir remplacer un chercheur par un autre pour obtenir le même ré-
sultat, ce qu~ équivaut à la possibilité habituellement exigée de pouvoir
répéter les observations et les expériences. L'idéal du cybernéticien est d'
ailleurs d'éliminer le chercheur de la méthode, en faisant établir le modè-
le par ordinateur, ce qui s'est avéré impossible jusqu'ici. L'indépendance
entre .modèle et système imité - ou "substrat" - a été justement analysée à
fond par THOM, qui conclut qu'un même modèle peut souvent rendre compte de
systèmes d'ordres tout à fait différents, "d'oa sa remarque ci-dessus.
- 10 -
D'autre part, le modèle scientifique eX1ge l'expression de tous ses élé-
ments en termes d'espace-temps à quatre dimensions. Les démarches mathémati-
ques impliquant l'emploi de vecteurs d'un ordre supérieur sont, bien sûr,
admises, mais le résultat doit être lisible en quatre dimensions, afin de
pouvoir être confronté avec le système réel. Si cette exigence paraît au
premier abord imposer des limites intolérables à l'esprit de recherche, il
suffit ~our se convaincre du contraire, de considérer le modèle einsteinien
de l'univers, pourtant rigoureusement quadridimensionnel.
Le modèle probabiliste répond à ces deux conditions autant que le modèle
causal. GODRON, par la statistique, établit des cartes de végétation, modèles
solides quadridimensionnels, car concernant une région définie dans l'espace
et dans le temps. Les généticiens (voir ASIMOV, 1962 MONOD, 1971), emplo-
yant un modèle structurel stéréochimique, arrivent à des prédictions parfai-
tement valables, concernant au moins certains gènes.
Si les chercheurs probabilistes essayent de capter des situations homogènes
entre deux niveaux d'hétérogénéité, notre méthode a été de capter l'hétéro-
généité entre deux niveaux d'homogénéité. Au niveau d'intégration des axes,
on peut capter la morphogénèse par un nombre relativement réduit de règles
assez simples (cf. NOZERAN, BANCILHON et NEVILLE, 1971). L'interaction entre
les processus décrits dans ces termes entraîne une situation très complexe
et hétérogène au niveau de l'ontogénèse (cf. TYREE in ZIMMERMANN et BROWN,
1971). Mais, ces processus mènent à des résultats qui peuvent de nouveau ê-
tre interprétés par un nombre assez faible de conceptions simples et homogè-
nes: par exemple, les modèles arborescents.
Dans la pratique de la recherche, les niveaux d'homogénéité se reconnaissent
à ce que l'on peut les schématiser en termes ou en graphiques relativement
simples. Le "gaz idéal" et le "mouvement sans friction" sont des niveaux d'ho-
mogénéité utilisés par les physiciens.
Notre démarche a été éclectique au niveau de l'échantillonnage. Tout comme
nous avons étudié précédemment les rares individus d'une espèce qui parais-
saient se conformer à une architecture analysable, nous avons chois~ par la
suite, des arbres dont la physionomie était compréhensible à partir de nos
- Il -
modèles arborescents, puis des forêts dont l'architecture pouvait s'expli-
quer par les notions physionomiques précédemment développées. Une première
analyse en ces termes concernait la végétation forestière ripicole en Guyane.
Cl 972) .
A partir de modèles simples provenant de l'étude d'échantillons choisis, la
confrontation avec la réalité a été effectuée par deux moyens. D'une part,
nous avons essayé d'expliquer, à l'aide de notre modèle forestier, plusieurs
échantillons arbitrairement choisis, mais du même niveau d'intégration, ce
qui a permis d'enrichir ce modèle de facteurs absents dans les premiers échan-
tillons. Si le modèle est correct, on arrive rapidement à le compléter, et à
expliquer les échantillons suivants sans le modifier. Il nous a fallu étudier,
par exemple, trois profils forestiers guyana1s pour pouvoir interpréter, à
l'aide du modèle développé, les trois suivants qui n'ont plus rien apporté
d'essentiel - au niveau d'intégration considéré.
La m1se à l'épreuve du modèle peut, d'autre part, s'effectuer en ne se limi-
tant plus, "horizontalement", au même niveau d'intégration homogène, mais
en considérant aussi, "verticalement", les deux niveaux hétérogènes situés
de part et d'autre du précédent. Si le modèle est valable, il permet de
prévoir la forme du nuage de points reliant des données de ces deux niveaux
hétérogènes. Quand cela s'avère possible, la réinterprétation d'autres nuages
connus d'après la littérature donnée, peut révéler de nouveaux points de vue.
Par rapport au niveau homogène représenté par la physionomie des arbres, la
forêt dont ils font partie, et les dimensions propres de chacun d'eux, cons-
tituent des niveaux hétérogènes; or, à l'aide du modèle physionomique, on
peut prédire la forme du nuage de points représentant, au sein d'une forêt,
la relation entre hauteurs et diamètres des arbres.
Cette prédiction rend possible la réinterprétation d'une statistique reliant,
dans une forêt en ThaIlande, le poids du bois au poids des feuilles de chaque
arbre (fig. 79).
Dans la pratique, le statisticien trace des courbes de régression à partir
de nuages de points, tandis que le "déterministe" peut prévoir, à l'aide
de son modèle, la forme de ce nuage. Les possibilités de contrôle réciproque
- 12 -
des deux méthodes apparaissent ~c~ clairement : consciemment appliqué, ce
contrôle peut permettre un travail très économique, en réduisant à leur
strict minimum le nombre de données nécessaires à une certitude scientifique.
Notre modèle structurel, au sens de THOM, des arbres et de la forêt en Gu-
yane, se base sur l'observation de leurs architectures. Celles-ci constituent
un ensemble de nouvelles données qui sert d'ossature à notre étude. Il s'y
attache de nombreux faits notés par des spécialistes d'autres domaines de la
Botanique. Ces recherches partant de points de vue différents des nôtres,
c'est surtout dans cette partie du modèle que l'on trouvera des lacunes ou
des hypothèses.
Nous avons toujours essayé de vérifier ces dernières par de brèves séries
d'observations simples. En guise de résultat, nous présentons un modèle qui
permet d'esquisser une image de la forêt guyanaise en termes d'énergie dispo-
nible, de l'utilisation de cette énergie, et de l'architecture végétale ex-
primant les modalités de cette utilisation.
Ce modèle touche à des domaines de la Botanique bien distincts, malgré les
tendances à leur réunification signalés au début de cette introduction. L'un
des buts essentiels de notre travail a été l'établissement de liens entre ces
domaines, ce qui impliquait d'abord de reprendre les idées fondamentales de
chacun d'eux, puis de reformuler ces idées, afin qu'elles puissent être liées
entre elles au sein de notre modèle forestier. Nous insistons sur le caractè-
re indispensable de ces deux préliminaires, faute desquels ce travail serait
un assemblage d'essais disjoints, au lieu d'un ensemble cohérent.
Il est incontestable que tout botaniste spécialisé trouvera quelque part dans
la présente étude, des paragraphes lui paraîssant d'une évidence si élémentai-
re qu'ils sont presque superflus, ou au moins susceptibles d'être fortement
abrégés.
Or, nous soulignons de nouveau le caractère indispensable de tels exposés.
Le texte doit contenir tous les éléments pour qu'un spécialiste puisse le lire
facilement, sans devoir consulter trop de publications d'autres disciplines
que la sienne. Ces données ont en outre été reformulées, comme il a été
spécifié plus haut, et certaines d'entre elles ont reçu une attention parti-
culière, étant essentielles à la comparaison des aspects généraux.
- 13 -
Les particularités du travail que nous présentons peuvent peut-être se résu-
mer en disant que nous avons tenté d'approfondir l'étude de la forêt, en
élargissant le domaine botanique examiné, alors que la tendance habituelle est ! '.
est à l'approfondissement par restriction du sujet d'étude. Le relatif isole-
ment du laboratoire botanique du Centre O.R.S.T.O.M. de Cayenne a certainement
favorisé notre démarche, parce que, à priori, nous y étions contraint à ré-
soudre par nos propres moyens les problèmes se posant dans des domaines très
différents de la Botanique. En outre, de fréquentes et longues missions en
forêt guyanaise ne manquaient pas de démasquer impitoyablement toute fausse
solution, par une confrontation quotidienne avec la nature tropicale.
Empruntée sous les contraintes inhérentes à ce cadre de travail, la vo~e sui-
vie dans la présente étude s'est cependant avérée extrêmement riche en pers-
pectives inattendues, et révélatrices ,sur la forêt guyanaise. Le résultat
d'une telle prospection ne pouvait être capté entièrement dans la terminolo-
gie courante.
Tout en partageant la méfiance générale v~s à vis des nouveaux termes, et,
surtout, vis à vis des néologismes, il nous a pourtant bien fallu trouver
les mots exacts pour décrire nos résultats. Le vocabulaire développé ne con-
tient aucun néologisme. Nous avons utilisé, autant que possible, les notions
et les termes classiques; quand ceci s'avérait insuffisant, les raisons
pour la création d'une nouvelle expression ont été exposées, et cette expres-
s~on a été construite de la façon la plus simple possible, tout en lui don-
nant un caractère mnémonique suffisamment imagé pour aider le lecteur au
lieu de l'embarrasser. Soucieux de ne pas excéder le nombre absolument:
indispensable de nouveaux termes, nous avons parfois préféré employer un
terme existant dans un domaine spécialisé, en lui donnant une signification
analogue dans un autre. Nous avons été surpris de constater que les déficien-
ces du vocabulaire classique se situaient plutôt au niveau des notions géné-
rales qu'au niveau des détails.
Les chapîtres suivants, écrits selon les critères exposés, ont pour but de
procurer à tout biologiste intéressé par la forêt sempervirente, une image
claire de cette végétation et des arbres qui la constituent, à l'aide d'un
texte conçu pour être d'un accès aussi aisé que possible, et d'une illustra-
tion assez abondante pour visualiser autant la réalité que l'abstraction.
====================
PRE MIE R E
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PAR T l E LES A R B RES
Résumé: Ce sont les arbres qui constituent la forêt. Chaque espèce pousse
selon une séquence bien définie de différenciations morphogénétiques, la
manifestation visible de cette séquence étant par définition un modèle
architectural. Le nombre de modèles est réduit par rapport à celui des espèces
espèces: d'après nos actuelles connaissances, il en existe vingt-trois,
presque tous tropicaux. Le modèle initial débute avec la germination et
se manifeste ensuite par la formation successive et ordonnée d'organes;
si, parmi ces organes, se trouvent des branches, nous parlons de ramifica-
tion séquentielle. Plus tard, des méristèmes inactifs au sein du modèle
initial peuvent être activés. Leur développement, conforme au modèle ini-
tial, fait que ce modèle se réalise plusieurs fois chez un même arbre,
phénomène que nous avons appelé la réitération du modèle. Ces notions
s'appliquent sans doute aussi à l'appareil racinaire.
- 15 -
La réitération du modèle est, entre autres, le moyen de régénération d'arbres
traumatisés. Elle peut être complète ou partielle, suivant que la séquence
de différenciations est reprise entièrement ou partiellement. En vieillis-
sant, l'arbre édifie généralement de plus en plus d'axes par réitération du
modèle, mais d'une façon de moins en moins complète. Ainsi, l'arbre conforme
au modèle initial pourra normalement se développer encore à l'avenir, tandis
que celui qui présente une physionomie en parasol constitué de multiples mo-
dèles réitérés, est arrivé au terme de son expansion.
En Guyane, l'arbre conforme au modèle initial est cent fois plus haut que son
diamètre, celui qui se régénère montre un excès de croissance en lhauteur
par rapport à cette relation, et là, ofi l'on trouve la réitération prolifique
du modèle, venue avec la vieillesse, l'arbre manifeste un excès de cro~ssance
en épaisseur. Outre cette relation spatiale concernant l'arbre, les modèles
réitérés, montrent une désynchronisation de leurs rythmes.
L'architecture de l'arbre, et la physionomie qui à chaque moment en résulte,
sont révélatrices du fonctionnement physiologique. Celui-ci dépend, à un
n~veau assez grossier, de trois systèmes producteurs: les feuilles, le cam-
bium, et les racines. Leur relation consiste en amplification ou en freinage
réciproques: si la production de l'un d'entre eux ralentit, les autres sui-
vront la même tendance. Un manque de photosynthèse entraîne un manque de subs-
tances nécessaires au cambium et aux rac~nes ; une réduction de la production
cambiale entraîne une insuffisance de tissus conducteurs fonctionnels, donc
aussi de capacité de translocation entre la cime et les racines ; une dimi-
nution de la production racinaire, enfin, occasionne l'affaiblissement du
courant de sève indispensable aux deux autres systèmes.
La production biologique en fonction du temps, s'effectue selon une courbe
dont le principe est connu, et qui s'applique, entre autres, aux productions
racinaires, cambiales et photosynthétiques. Il est permis de considérer cet-
te courbe comme une mesure de l'énergie qui s'écoule au travers de l'arbre.
Connaissant le modèle arborescent et sa réitération, il devient possible de
lier le facteur quantitatif énergétique au facteur qualitatif architectural,
et de tenter une définition de la vigueur végétale. L'échange d'énergie avec
le milieu fera l'objet des parties ultérieures de la présente étude.
Chapitre I.
-16 -
LE COMPORTEMENT FORESTIER DES ARBRES . -
Dans ce chapitre, nous analyserons le comportement des arbres en forêt, à
partir de leur germination, en fondant cette étude sur ce qui a été trouvé,par F. HALLE et nous-même (1970), travail qui ne sera plus guère cité dans
ce chapitre, mais auquel nous renvoyons pour tout détail concernant les mo-
dèles architecturaux.
Parmi ces modèles arborescents se trouvaient en 1970, trois cas hypothétiques,1
dont deux ont été effectivement trouvés depuis cette date. Cependant, ce n'est
que des 21 modèles résumés sur la figure l et dont traite principalement l'
ouvrage cité, qu'il sera question dans ce qui suit.
Le comportement forestier d'un arbre est un cas particulier du comportement
écologique, dont nous avons donné ailleurs la définition (1972) : ce compor-
tement se manifeste quand tous les modèles d'un biotope précis sont soumis
à un facteur écologique dirigé (gradient écologique) ou à un ensemble de tels
facteurs dirigés dans le même sens. La présente étude traitera ultérieurement
de ces gradients; il est pourtant utile de retenir dès maintenant qu'ils
jouent un rôle dans les phénomènes décrits.
Ce chapitre comporte trois volets d'égale importance, ma~s d'inégales
dimensions: le premier concerne les modèles architecturaux des arbres, le
deuxième, la réitération de ces modèles, et le tro~sième, la relation entre
la hauteur et le diamètre pendant les phases successives de la croissance.
++ ARCHITECTURE ET MODELE DE CROISSANCE
La définition de l'architecture comme l'ensemble de formes structurales que
l'on peut observer à un moment donné chez le végétal, et celle du modèle de
croissance comme la série d'architectures se succédant chez cette même plante
au cours du temps, sont nécessaires pour comprendre les schémas de la figure
1. Ces dessins montrent chacun une architecture arborescente représentative
d'un modèle arborescent, de telle sorte que l'on puisse comprendre ce modèle
en regardant l'architecture. Le schéma complet du modèle comporterait une
- 17 -
série chronologique de dessins faits lors de chaque étape de la ramification.
A partir de 1970~ de nombreuses remarques cri(~ques nous ont été adressées
à propos de la nomenclature des modèles arborescents; c'est pourquoi celle-
ci sera ici brièvement commentée.
Dès le début~ il était clair qu'une immatriculation alphabét~que ou numérique
des modèles provoquerait des malentendus~ n'ayant aucune signification bio-
logique~ ma~s invitant en même temps à y voir une séquence linéaire où 3 pro-
vient de 2 et Z découle de Y. En outre, toute insertion logique de nouvelles
formes est impossible dans une telle série.
La dénomination de chaque modèle d'après une espèce botanique qui le réalise~
paraît à première vue meilleure~ mais présente des pièges" Le lecteur serait
tenté d'y attacher des théories issues de la taxonomie~ tandis que l'archi-
tecture végétale apporte justement à cette science des données indépendantes.
Les modèles étant cosmopolites~ ma~s non les espèces~ il aurait fallu choisir
une espèce quelconque provenant généralement d'un seul des cinq continents~
et de ce fait~ très souvent ignorée des botanistes des quatre autres. La
nomenclature linnéenne~ binaire~ suggérerait trop~ et à tort~ le cas particu-
lier.
Il en aurait été autrement avec une dénomination du style AIA~ RNA~ HCN~
qui aurait souligné le caractère indépendant des données architecturales
et permis de construire des abréviations aide-mémoires~ comme"le modèle
TOBOCRIT" (Tronc Orthotrope~ Branches Orthotropes~ Croissance Rythmique
et Inflorescences Terminales)" Abstraction faite du manque d'élégance de
cette méthode~ et de la surcharge de tels termes dont souffrent déjà les lan-
gues européennes~ il s'est avéré impossible de créer 21 abréviations diffé-
rentes et prononçables"
,-Il était également impossible de trouver 21 objets familiers auxquels pouvaient
se comparer les modèles arborescents dans le style des " pagoda trees" et
" sword trees" de CORNER. La caractérisation des modèles par des mots uniques~
comme l'a fait RAUNKIAER pour les types biologiques~ s'avérait~ elle aussi~
impraticable.
- 18 -
Le seul système de nomenclature neutre - car non chargé de notions précon-
çues - simple - parce qu'exigeant l'empl01 d'un seul mot -, et n'utilisant
que des noms existants, était celui qui nous a donné le VOLT, l'AMPERE,
l'OHM et le WATT, les 101s d'AVOGADRO, de BOYLE et de GAY-LUSSAC, les '-
voitures BERLIET et FORD, les villes de LELYSTAD, de BRAZZAVILLE et de
WASHINGTON, les îles KERGUELEN, le mont DARWIN et le Pic CARSTENZ dans
les monts de NASSAU, le détr01t de BEHRING, le lac VICTORIA, et, plus ré-
cemment, le cirque GAGARINE, le cycle de KREBS et celui de CALVIN, la trom-
pe d'EUSTACHE et les barres de SANIO, le système PYTHAGORicien et le CAR-
TESianisme, le mouvement BROWNien et le prix NOBEL, les expressions RABE-
LAISiennes et le rire HOMERIque, pour ne citer que quelques exemples.
Jusqu'ici, nous n'avons trouvé aucune réelle amélioration de cette nomen-
clature, ni ressenti - Justement pour cette ra1son - le besoin de la chan-
ger. Ma1s, il va de soi que toute suggestion constructive est la bienvenue.
Enfin, nous voulons souligner que les modèles arborescents ne représentent
nullement des "casiers" dans lesquels tout arbre peut être rangé. Il s'a-
git au contraire de points de repère dans un domaine plus ou moins continu
de formes arborescentes, et il existe des cas de transition entre ces
points. Cependant, la position de ces repères est telle que la "densité"
de plantes autour d'eux est beaucoup plus grande qu'elle ne l'est dans
les intervalles, ce qui est illustré par le tableau de la page
Nous reprenons ci-dessous vingt et un modèles arborescents, en décrivant
en même temps comment l'arbre conforme au modèle se transforme en celui
que l'on voit habituellement en forêt.
- Les modèles arborescents.
o Le modèle de HOLTTUM, monocaule et hapaxanthique (fig. 1), ne peut sedévelopper au-delà du modèle initial, puisque celui-ci se termine avec la
mort de la plante.
o Il en est autrement du modèle de CORNER (fig. 1), dont le méristème ter-minal unique peut continuer indéfiniment une activité végétative, la se-
xualité s'exprimant latéralement.
CD-.a......._ CD)
- 19 -
Le plus souvent, un arbre monocaule reste monocaule, quelles que soient les
dimensions qu'il puisse atteindre. Ceci est particulièrement vrai des Palm~ers
arborescents, si importants en forêt guyanaise, aussi bien - par exemple -
pour le Pataoua (Oenocarpus oligocarpa (Griseb.) W. Boer) qui dépasse 15 mè-
tres, que pour le Counana (Astrocaryum paramaca Mart.), à tronc très court.
Cette règle est pourtant moins générale chez les Dicotylédones. L'exemple
familier du Papayer (Carica papaya L. - Caricaceae) montre le modèle de CORNER
quand il est jeune. Cette espèce s'est si bien acclimatée en Guyane, qu'on
la trouve souvent dans la végétation secondaire, ou dans des chablis fores-
tiers. Des axes latéraux provenant de bourgeons sériaux se trouvent sur les
troncs de v~eux pieds: ces axes, situés dans des endroits quelconques, s'é-
difient à partir d'un niveau très bas de la même séquence de différenciations
qui détermine la structure du tronc. On peut les considérer comme des rejets
ou des troncs surnuméraires (fig. 2 et 3), issus du modèle de CORNER par un
processus que nous nommons réitération.
Le cas de Carapa guianensis Aubl. (Meliaceae) est comparable à celui du papa-
yer'. En forêt, l'espèce reste monocaule jusqu'à une hauteur de 10 à 15 mè-
tres, sans fleurir (fig. 4). On voit alors apparaître des axes équivalents
au tronc et dont l'origine se trouve dans certaines zones différenciées pen-
dant la croissance rythmique de ce dernier. Ces zones sont donc mieux défi-
nies que chez Carica papaya ; les rejets se développent en branches maîtres-
ses verticales qui dépassent le tronc primaire en répétant sa morphogénèse.
Aucun des axes forts ne porte d'inflorescence, ma~s il faut spécifier que pres-
que tous les méristèmes terminaux aériens de cette espèce sont anéantis par
des attaques d'un coléoptère du genre Hypsipila, de sorte que l'on ne saurait
affirmer sans étude expérimentale, quel est le terme normal de leur séquence
Figures 2 et 3 Le modèle de CORNER et sa réitération chez Carica papaya L.
(Caricaceae).
Figures 4 et 5 : Carapa guianensis Aubl. (Meliaceae). Jeune arbre monocaule,
stérile et individu âgé ramifié uniquement par réitération; inflorescences
terminales sur des axes d'ordre élevé.
- 20 -
de différenciations. Des inflorescences terminales se trouvent sur des
axes plus faibles d'ordre élevé (fig. 5), dont la durée de vie plus brè-
ve permet d'échapper à la destruction par l'insectec
La morphogénèse de Co guianensis rappelle, par la croissance rythmique
de ses axes et par ses inflorescences terminales, le modèle de SCARRONE
(fig. 1), où nous l'avions classé (1970). Cependant, l'apparition de ses
axes latéraux - la ramification lato sensu - est irrégulière dans le
temps et mal définie dans l'espace. Cette ramification ne suit pas de sé-
quence endogène ordonnée, ce qui la distingue de la ramification séquen-
tielle observable au sein d'un modèle comme celui de SCARRONE. En fait,
elle correspond plutôt à ce que l'on voit chez Carica papaya : la ré~téra
tion d'un modèle à partir de méristèmes latéraux.
Les inflorescences, terminales, indiqueraient que c'est le modèle de HOLT-
TUM qui est réitéré chez C, guianensis. Pourtant, le tronc initial n'arri-
ve jamais au stade de la floraison, contrairement aux branches. Le cas,
très curieux, de Cerberiopsis candelabrum Vieill., Apocynacée arborescente
néo-calédonienne étudiée par VEILLON (1971), est sur certains points, le
complément de Carapa guianensis. Chez l'Apocynacée, tous les axes sont
rigoureusement hapaxanthiques, tandis que les stades ultimes des séquen-
ces de différenciation de ces axes sont si bien coordonnés, que tous
fleurissent en même temps, rendant hapaxanthique cet organisme très ra-
mifié.
Nous reviendrons plus tard sur ces cas de transition, tout en employant
dès maintenant les notions de ramification séquentielle et de réitération
du modèle en examinant des cas de ramificat~on.
o Les arbres du modèle de TOMLINSON (fig. 1) sont principalement desMonocotylédones dont tous les axes se conforment à l'un des deux modèles
monocaules. Ces arbres en touffe sont importants en forêt guyanaise. On
peut citer, par exemple, le Pinot (Euterpe oleracea Mart. - Palmae) at-
teignant jusqu'à 20 mètres de hauteur, l'un des Balisiers (Phenakosper-
mum guianense Endl. - Musaceae), qui ne dépasse pas les 10 mètres, mais
aussi Geonoma stricta (Poit.) Kunth (Palmae), ne montrant qu'une hauteur
de 50 centimètres. L'équivalence de tous les axes, et surtout leur autono-
mie du fait qu'ils possèdent leurs propres racines, nous ont fait hésiter
- 21 -
(1969), avec d'autres botanistes, entre les termes de rejets, tiges, branches
-. "', etc,. En fait, d'après les considérations ci-dessus, nous pouvons
les considérer comme des modèles réitérés, Mais, chez les arbres à tallage,
ces axes trouvent leur origine dans une zone basale du tronc initial très
bien localisée (Fig_ 6)"
Cependant, certaines formes montrent une ressemblance significative avec l'
architecture du modèle de TOMLINSON, sans pour autant le réaliser totalement,
L'exemple de Myrcia bracteata (Rich.) D-C- (Myrtacede), arbrisseau du sous-
bois, montre un tronc primaire qUi est une succession sympodiale de bases
d'axes mixtes (modèle de TROLL, voir fig, i). Très tôt, des troncs surnumérai-
raires du même type apparaissent près de la base du tronc initial (fig. 7).
Cette basitonie caractérise surtout des arbustes tels que Sambucus sp.pL
(Caprifoliaceae), les Sureaux, mais également des lianes comme Desmoncus
orthacanthos Mart, (Palmae) ; les axes mixtes de cette espèce montrent quelques
feuilles imparfaitement distiques à la base, puis des extrêmités différenciées
en tiges souples, dont le méristème édifie des feuilles distiques, différen-
tes des précédentes par la présence de crochets épineux.
Il est à noter qu'une réitération basitone, chez d'autres modèles que celui
de TOMLINSON, peut faire douter du caractère séquentiel de la ramification
modèle initial -M.1
Figure 6 Le modèle de TOMLINSON chez Euterpe oleracea Mart, (Palmae).
Figure 7 Réitération basitone du modèle de TROLL (Myrcia bracteata
(Rich.) D.C, - Myrtaceae).
Figure 8 : Réitération du modèle de CHAMBERLAIN (Talisia spp. - Sapindaceae)
convergence physionomique avec la réitération dans le modèle de COOK (Ryania
speciosa Vahl var. bicolor D.C. - Flacourtiaceae).
Figure 9 : Réitération du modèle de LEEUWENBERG après épaississement privi-
légié de certaines filières d'articles; M, = modèle initial - R = réitéra-i c
tion complète - R = réitération partielle,p
Figure 10 = Réitération du modèle de KWAN-KORIBA
R = réitération.
Mi111
11
11
11
11,,
R
- 22 -
chez ce dernier: il s'agit en effet d'un cas marginal, la limite entre
ramification séquentielle et réitération du modèle n'étanc pas nettement
tranchée, fait sur lequel nous reviendrons,
o Les arbres du modèle de CHAMBERLAIN (fig, 1) sont relativement bien repré-sentés dans le sous-bois guyana~s, où des espèces des genres Talisia (Sapin-
daceae) et Cedrela (Meliaceae) s 'y conforment, ains~ que Potalia amara Auhl.
(Loganiaceae), Ce modèle est caractérisé par un tronc linéaire sympod~al où
se relaient des article~+~apaxanthiquesà partir de méristèmes latéraux si-
tués juste au-dessous des ~nflorescences apicales. Chez des p~eds plus âgés,
deux relais ou plus se forment dans la même zone, au lieu de l'un~que axe
séquentiel, Les relais surnuméraires se "(rouvent partois aussi en dehors de
cette zone ou sur des parties plus âgées du tronc, Réalisant chacun de nou-
veau le modèle, ~ls présentent un cas de ré~tération dont résulte l'archi-
tecture de la figure 8, La physionomie rappelle alors celle d'un individu
âgé représentant le modèle de COOK (f~g j ; vo~r p-33 ), tand~s que les
architectures sont très différentes-
o Le modèle de LEEUWENBERG (fig J) montre des articles morphologiquementéquivalents et acrotones- Sa structure se modifie avec l'âge: les art~cles
sont, à partir d'un certain niveau, mo~ns nombreux que ne le suggérera~t
l'extrapolation du modèle. Cette d~minution du nombre des relais a été suivie
en détail chez Tabernaemontana crassa Benth" Apocynacée africaine étud~ée
par PREVOST (1969), Chez des espèces guyanaises de ce genre, se comportant
d'une façon analogue, nous avons remarqué une croissance en épaisseur dif-
férentielle parmi les articles, Ceux qui sont privilégiés deviennent les
plus massifs et portent un nombre de relais normal pour le modèle ; les su-
bordonnés en portent beaucoup moins (fig. 9), et peuvent être éventuellement
éliminés (voir p, ) ,
Dans le modèle de LEEUWENBERG, on pourra~t soupçonner une même équivoque
que dans le modèle de TOMLINSON : le système de relais représente-t-il une
(+) Les articles sont des "un~tés morphogénétiques simples et constantes
qui dérivent les unes des autres par un mécanisme sympodial Il (PREVOST,
1967) ,
- 23 -
réitération acrotone ou une ramificat~on séquentielle? L'apparition des
relais est si bien déterminée dans l'espace et dans le temps, qu'il s'a-
git, sans aucun doute, d'un véritable modèle arborescent à ramification
séquentielle, ordonnée et prévisible. La réitérat~on du système ramifié
entier, conforme au modèle (fig. 9) en est la preuve.
Le modèle de LEEUWENBERG est très fréquent dans le sous-bois guyana~s
Miconia sp.pl. et autres Mélastomacées, Psychotr~a sp.pl. et la plupart
des Rubiacées-Psychotriées, Tabernaemontana sp.pl. (Apocynaceae) en sont
des exemples. On trouve moins de grands arbres dans ce modèle; parmi les
rares exemples, citons le plus important: le Bois St. Jean (Didymopanax
morototoni (Aubl.) Decne et Planch. - Araliaceae - voir A. HLADIK, 1970).
o Le modèle de SCHOUTE (Fig. 1) comprend des arbres à relais équ~valents,dont la limitation de croissance n'est pas liée à la floraison. Dans le
cas des Palmiers ramifiés des genres Hyphaene, Nypa et Nanorrhops, et
de Flagellaria indica L. (Flagellariaceae), TOMLINSON (1970, 1971) a cons-
titué un dossier anatomique impressionnant qui met pratiquement hors de
doute la nature véritablement dichotomique de la ramification chez ces es-
pèces. Le seul exemple guyanais connu du modèle de SCHOUTE, Connarus fas-
ciculatus (D.C.) Planch. (Connaraceae), dont nous avons récemment trouvé
un matériel suffisamment abondant pour l'analyse, montre une architecture
tout à fait différente.
Connarus fasciculatus est un petit arbre cauliflore, à tronc grêle et
à feuilles pennées, très grandes par rapport au tronc. Après la germina-
tion, il pousse d'abord selon le modèle de CORNER, avec un unique axe
à croissance rythmique. Le rythme s'y manifeste, comme chez la plantule
monocaule de l'Hévéa (Hevea brasiliensis Muell. Arg. - Euphorbiaceae -
HALLE et MARTIN, 1968), par une succession d'unités de cro~ssance sur les-
quelles les grandes feuilles, d'abord rouges, molles et pendantes, se
déplient et acquièrent leur rigidité pendant le repos du méristème termi-
nal. Toutefois, chez la Connaracée guyanaise, la compétition "troph~que"
(voir p. ) entre les grandes feuilles et le méristème est parfois lé-
tale pour ce dernier. Il sort alors affaibli du repos, édifie encore une
unité de croissance rudimentaire avec des feuilles très réduites, et
meurt. Ce processus est probablement accéléré par l'activation d'un méris-
tème axillaire de l'une des dernières grandes feuilles; ce méristème
- 24 -
réitère le modèle.
Il nous semble que les articles de Connarus fasciculatus méritent le
nom de monopodes instables, S'agit-il vraiment d'un modèle? Il n'est pas
possible de prévoir quand le méristème terminal disparaîtra, car, les ar-
ticles montrent une à cinq unités de croissance. On peut seulement affir-
mer qu'à cet instant, un relai subapical prendra la relève. s'il s'agit
d'une séquence, celle-ci est imparfaitement définie. C. fasciculatus pré-
sente donc encore un exemple où il est difficile de distinguer la réité-
ration du modèle de la ramification séquentielle. Ceci souligne le carac-
tère hétérogène du modèle de SCHOUTE, déjà signalé en 1970.
a Le modèle de KWAN-KORIBA (fig. 1) est très proche de celui de LEEUWENBERG.En Guyane, ses représentants se trouvent plutôt dans la végétation ripi-
cole, comme nous l'avons déjà souligné (1972), et dans la végétat~on secon-
daire, où l'on note Croton sp. ind. (Euphorbiaceae, commun à Saül), et
Himatanthus articulatus (Vahl) Woods. (Apocynaceae). En forêt, Aparisth-
mium cordatum Baill. (Euphorbiaceae) se conforme au modèle de KWAN-KORIBA.
Les jeunes arbres de ce modèle montrent la différenciation tardive d'un
seul article de tronc parmi les articles du pseudo-verticille de relais.
Les autres forment des branches, tandis que l'enchaînement sympodial des
articles de tronc constitue une tronc unique. Plus tard, on constate la
différentiation d'un plus grand nombre d'articies de tronc dans un même
pseudo-verticille. Ces articles surnuméraires réitèrent le modèle ; ils
sont hors séquence car imprévisibles avec la seule donnée du modèle
initial. On notera la convergence physionomique entre les arbres des mo-
dèles de LEEUWENBERG (fig, 9) et de KWAN-KORIBA (fig. 10), quand une réi-
tération prolifique a eu lieu.
a Nous ne connaissons le modèle de PREVOST (fig. 1) en Guyane que par denombreuses espèces du genre Cardia (Boraginaceae), dans la végétation ri-
picole marécageuse, en sous-bois et parmi les arbres forestiers moyens.
Chez les espèces du sous-bois, les articles de branches sont très spécia-
lisés, et l'on ne trouve de réitération du modèle qu'à partir de méristè-
mes latéraux du tronc. Chez les arbres moyens, comme Cordia tetrandra
Aubl., les bourgeons aux aisselles des feuilles dorsales des articles
- 25 -
de branches engendrent des axes orthotropes. pouvant se développer en
petits troncs surnuméraires réitérant le modèle. ou porter très rap~dement
des inflorescences.
o Le modèle de FAGERLIND (fig. 1) caractérise plusieurs espèces du sous-
bois guyanais: Quararibea turbinata Poir. in Lam. (Bombacaceae). Miconia
sp. (Melastomaceae). et Conohoria sp-pl, (Violaceae ; le genre est parfois
inclus dans Rinorea). Dans les végétations ripicoles et seconda~res.
Quararibea guianensis Aubl. (Bombacaceae) et Duroia sp.pL (Rubiaceae)
présentent ce modèle.
La réitération peu abondante se produit généralement à partir de méris-
tèmes latéraux sur le tronc. entre les étages de branches articulées.
Chez Quararibea turbinata. nous avons cependant constaté la présence de
modèles réitérés sur les bases de branches d'individus âgés il pour-
rait s'agir de néoformations de méristèmes. car sur l'article normal.
aucun bourgeon n'existe. à part celui qui. axillé par la seule feuille
de chaque article - la préfeuille oç - édifie l'article suivant,
Les Conohoria constituent un cas cur~eux. Leur tronc est un monopode ins-
table (cf. p. 24). Après l'ébauche d'un étage de branches. plusieurs méris-
tèmes latéraux. axillés par des écailles. sont produits sur le tronc avant
l'entrée en repos de l'apex. Les entrenoeuds restent courts dans cette
zone: on trouve. en dessus des jeunes branches. un plateau sur lequel
quelques bourgeons sont disposés en spirale autour du méristème terminal
dormant (fig. II).
Figure Il : Conohoria sp.pl. (Violaceae - modèle de FAGERLIND).
Sommet d'un tronc. portant quelques bourgeons entourant l'apex. Chacun
de ces bourgeons peut poursuivre la croissance en hauteur : le tronc est
un monopode instable. A.- Vue d'en haut; B.- Vue latérale.
Figure 12 Réitération (R) du modèle de RAUH. à partir de méristèmes la-
téraux ou d'apex de branches.
A
®
®
- 26 -
Trois solutions existent pour la continuation de la cr01ssance en hauteur
et apparaissent avec des fréquences comparables : le méristème terminal
peut reprendre son activité, les autres restant en repos ; le méristème
terminal peut se réactiver en même temps qu'un ou deux bourgeons voisins
qui réitéreront le modèle; enfin, le méristème terminal peut mourir, tan-
dis qu'un ou plusieurs bourgeons périphériques réitèrent le modèle, Les
Conohoria appartiennent au modèle de FAGERLIND, parce que, le plus souvent,
le méristème survit, Pourtant, la tendance au tronc sympodial suggère une
comparaison avec les modèles de PREVOST, de KWAN-KORIBA et de NOZERAN
cf. fig. 1).
Quelques Annonacées, telles que Fusaea longifolia Aubl, , arbre moyen ou
petit, et un arbrisseau d'un mètre de haue, d'un genre probablemenc nouveau
o pour la Guyane (herbier OLDEMAN 3066, CAY, P), se conforment au modèle dePETIT (fig. 1), ainsi que de très nombreuses espèces du genre Piper
(Piperaceae). Il est rare que de telles plantes réitèrent leur modèle
si tel est le cas, la réitération a lieu à partir de méristèmes latéraux,
généralement à la base du tronc. Chez Piper cf, augustum Rudge, ces modè-
les réitérés forment rapidement leurs propres racines et deviennent ainsi
relativement autonomes,
o En forêt guyanaise, le modèle d'AUBREVILLE (fig. 1) est très important.S'y conforment surtout des arbres grands ou moyens, comme Terminalia
(Combretaceae) et Manilkara, Pouteria ou Prieurella (Sapotaceae). Sur un
tronc monopodial à croissance rythmique, ces arbres portent des étages de
branches articulées. Les articles ne sont pas définis par une inflorescen-
ce terminale, mais par le fonctionnement très ralenti de leurs apex: chez
certaines espèces (cf. Terminalia amazonia Exell), on serait tenté de
parler d'un comportement en rameau court de ces parties distaleso Quand
ce phénomène s'exprime forcement, la séquence de différenciations est
stricte et la définition du modèle ne pose aucun problème,
Il existe cependant de nombreux cas marginaux, tel Pachira aquatica
Aubl. et P. insignis Sav. (Bombacaceae), où la croissance des articles est
bien plus lente que celle du tronc, mais nullement brachyblastique.
Quand on observe un pied à croissance particulièrement vigoureuse, on
- 27 -
est enclin à l'interpréter selon le modèle de RAUH (cf. fig. 1), La va-
leur de points de repère des modèles architecturaux (cf. p. 15) est 1C1
parfaitement illustrée.
La réitération du modèle d'AUBREVILLE ne se produit pas seulement à par-
tir de méristèmes situés sur le tronc ou les branches - en particulier
sur les parties basales de leurs articles - mais encore, par la dédiffé-
renciation de méristèmes terminaux de ces articles. Nous avons déjà exposé
ces phénomènes dans une étude de la forêt ripicole (1972).
o Le modèle de SCARRONE (fig. 1) est caractérisé par un tronc monopodial,à croissance rythmique, avec des branches orthotropes à inflorescences
terminales, qui forment des complexes sympodiaux, mais non articulés. Ce-
ci tient à ce que la floraison intervient après une période végétative
dont la durée n'est pas fixée, de sorte que le nombre d'entrenoeuds
produits peut être très différent d'un axe à l'autre.
Des cas de néoténie ont été constatés par SCARRONE (1969) chez de jeunes
Manguiers (Mangifera indica- L. - Anacardiaceae), monocaules et portant
une inflorescence terminale. Les arbres de ce modèle montrent un manque
de stabilité méristématique du tronc, observé par SCARRONE (1971) chez la
même espèce, et visible en Guyane dans l'architecture des Spondias sp.pl.
(Anacardiaceae) et des Fagara sp.pl. (Rutaceae). Tout ceci indique une
séquence de différenciations très floue dans le modèle de SCARRONE. Ce
modèle reste cependant nécessaire comme point de repère architectural,
à cause du nombre d'espèces occupant cette position intermédiaire entre
les modèles de LEEUWENBERG et KWAN-KORIBA, et celui de RAUH, comme nous
l'avons déjà exposé (1970). Pourtant, nous conna1ssons aUSS1 l'exemple de
Triplaris surinamensis Cham. (Polygonaceae), chez lequel le modèle de
SCARRONE est plus stable.
o Le modèle de RAUH (fig. 1), différant seulement de celui de SCARRONE parses inflorescences latérales, montre une séquence de différenciations,beaucoup plus stricte, analysée par F. HALLE et MARTIN (1968) chez l'
Hévéa (Hevea brasiliensis Muell. Arg.- Euphorbiaceae). Une longue liste
d'exemples peut illustrer l'importance de ce modèle en forêt guyanaise;
- 28 -
nous nous limitons ici aux genres Couma (Apocynaceae), Protium, Tetragas-
tris, Trattinickia (Burseraceae), Carpotroche (Flacourtiaceae), Aniba
(Lauraceae), Bagassa, Cecropia, Pourouma (Moraceae) et Sterculia (Stercu-
liaceae), dans lesquels de nombreuses espèces représentent le modèle de
RAUH.
Il importe de ne pas confondre les intermédiaires entre les modèles d'AU-
BREVILLE (p. 26), et celui de RAUH, avec les structures axiales convergen-
tes, qui font que les extrêmités de branches âgées du modèle de RAUH, com-
posées d'axes réduits, parce que d'ordre élevé, ressemblent aux branches
du modèle d'AUBREVILLE, composées d'emblée d'articles réduits, comme l'im-
plique la séquence de différenciations (cf. p. 26 ).
La réitération du modèle est analogue chez le modèle de RAUH et de SCAR-
RONE. Elle se produit à partir de méristèmes situés sur le tronc, entre
les étages de branches, ou sur les branches, mais elle peut également
procéder de la dédifférenciation d'un méristème terminal de branche (fig.
12). La dédifférenciation implique, dans le modèle de SCARRONE, que la
floraison terminale de l'axe soit retardée, parfois ad infinitum. L'équi-
valence de tous les axes aériens, qu'ils soient séquentiels ou réitérés,
confère au modèle de RAUH, une remarquable souplesse morphogénétique,
d'où probablement l'abondance de ce modèle.
a Le modèle d'ATTIMS (fig. 1) diffère du précédent par sa ramification con-tinue ou diffuse, et ne comprend que de très rares espèces guyanaises.
La réitération de ce modèle s'effectue rarement sur le tronc; le plus
souvent, elle intervient par la dédifférenciation d'un méristème de bran-
che - cas courant chez le Gaiac de Cayenne, Dipteryx odorat a (Aubl.)
Willd., Caesalpinioidae - ou par l'activité hors séquence de méristèmes
sur les branches. Ce dernier processus est habituel chez le Palétuvier
rouge, Rhizophora sp.pl. (Rhizophoraceae), où les modèles réitérés forment
souvent leur propre système racinaire en envoyant des échasses vers le
sol boueux. Comme on l'a vu chez le modèle de TOMLINSON (p. 17), de telles
racines rendent le modèle réitéré pratiquement autonome.
TOMLINSON (1972) constate, chez Rhizophora mangle L. (Rhizophoraceae),
du modèle d'ATTIMS, l'existence d'une "certaine périodicité" dans la
- 29 -
formation de branches, malS de telle sorte que "in this tree ..... the unit
of growth should be regarded as the internode itself rather than an "an-
nual" shoot increment with many internodes ..... ". Le nombre d'entrenoeuds
sur un même ar'bre étant très élevé, on voit que la "situation initiale"
est si compliquée (cf. pp. 6 - 7 du présent travail), que le résultat, au
nlveau du modèle, devient "statistique". Ce fait figure dans la définition
du modèle d'ATTIMS, où il est indiqué comme une ramification diffuse.
Sur le plan théorique, c'est ainsi que l'on peut définir la différence
entre la séquence du modèle d'ATTIMS, constituée de très nombreuses peti-
tes étapes, et celle du modèle de RAUH, contenant un nombre réduit de gran-
des unités de croissance, traduites par une ramification rythmique.Nous
reviendrons sur la ramification continue lors de l'examen du modèle de
ROUX (p. 31)
Une nouvelle différenciation axiale, la plagiotropie, apparaît avec le
o modèle de NOZERAN (fig. 1). La notion de plagiotropie ne constitue pasplus que nos autres conceptions architecturales, une catégorie contrai-
gnante , car il existe des intermédiaires entre les axes orthotropes et
plagiotropes (voir MASSART, 1923). D'autre part, le rôle de l'inflorescen-
ce dans l'architecture arborescente devient accessoire, du moment qu'elle
se produit sur une branche plagiotrope ; la position de l'inflorescence
reste importante pour comprendre ces axes, mais peut être écartée en tant
que critère du modèle arborescent. Elle n'intervient désormais qu'à un
niveau plus fin que celui de l'arbre entier.
D'après nos connaissances actuelles, le modèle de NOZERAN est plus rare
dans l'Ancien Monde qu'aux Amériques : en Guyane, il est représenté par
de grands arbres forestiers, comme le Maria-congo, Geissospermum sericeum
(Sagot) Bth. (Apocynaceae), le Méquoi, Minquartia gu