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ACADEMIE DE MONTPELLIER C.N.R.S. A.O. 7787 UNIVERSITE DES SCIENCES ET TECHNIQUES DU LANGUEDOC THE SE présentée à l'Université des Sciences et Techniques du Languedoc pour obtenir le grade de Docteur ès Sciences Naturelles L'ARCHITECTURE DE LA FORET GUYANAISE par Roelof A.A. OLDEMAN Landbouwkundig Ingenieur (Faculté de WAGENINGEN) Maître de Recherches au Centre ORsrOM de Cayenne Soutenue le 16 Décembre 1972 devant la Commission d'Examen. JURY MM. Ch. SAUVAGE, Président P. CHAMPAGNAT. J. ROUX, Assesseurs F. HALLÉ, H. c. D. de WIT, Invité

L'architecture de la forêt guyanaisehorizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/... · 2014. 6. 2. · naissante demeure chez vous, StRIE et FAURAN, de l'Institut Pasteur

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  • ACADEMIE DE MONTPELLIER

    C.N.R.S. A.O. 7787

    UNIVERSITE DES SCIENCES ET TECHNIQUES DU LANGUEDOC

    THE S E

    présentée à l'Université des Sciences et Techniques du Languedoc

    pour obtenir le grade de Docteur ès Sciences Naturelles

    L'ARCHITECTURE DE LA FORET GUYANAISE

    par

    Roelof A.A. OLDEMAN

    Landbouwkundig Ingenieur

    (Faculté de WAGENINGEN)

    Maître de Recherches

    au Centre ORsrOM de Cayenne

    Soutenue le 16 Décembre 1972 devant la Commission d'Examen.

    JURY MM. Ch. SAUVAGE, Président

    P. CHAMPAGNAT.

    J. ROUX, AssesseursF. HALLÉ,

    H. c. D. de WIT, Invité

  • Je dédie ce livre à la mémoire de mon père,

    Gerrit üLDEMAN.

  • Erstens gibt es eine Einheit der Dinge, durch die

    jedes Ding eins mit sich selbst ist, aus sich selbst

    besteht und mit sich selbst zusammenhangt.

    Zweitens gibt es eine Einheit, durch die ein Geschopf

    mit allen anderen vereint ist, und alle Teile der

    Welt ergeben eine Welt.

    Giovanni PICO della MIRANDOLA,

    cité par Arthur KOESTLER.

    Old an adequate ideas, like old and adequate cities,

    come to polarize everything around them. Minor alte-

    rations can be made in the outskirts, but it is im-

    possible to change the whole structure radically

    and very difficult to shift the center of organiza-

    tian to a different place.

    Edward DE BONO.

    Niets is geheel waar, en zelfs dat niet.

    (Rien n'est entièrement vrai, même pas ceci).

    MULTATULI

    ( , 1 d' ème)auteur neer an a~s, XIX

  • DE

    LISTE DES

    L'UNIVERSITE DES

    PROFESSEURS

    SCIENCES ET TECHNIQUES

    PRESIDENT

    DU LANGUEDOC

    P. DUMONTET

    Vice-Présidents: J. ROUZAUD - G. SAUMADE

    Doyens honoraires de la Faculté des Sciences P. MATHIAS

    B. CHARLES

    A. CASADEVALL

    Professeurs honoraires de la Faculté des Sciences

    R. JACQUES

    M. CASTERAS

    E. CARRIERE

    E. TURRIERE

    C. CAUQUIL

    Secrétaire Général: E. SIAU

    Professeurs titulaires

    M. M. MOUSSERON

    M. J.P. ROIG

    M. P. CHATELAIN

    Mlle O. TUZET

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    Mlle A.M. VERGNOUX

    M. J. AVIAS .

    M. P. VIELES

    M. R. MAURY (I.P.A.)

    M. E. KAHANE

    M. J.J. MOREAU

    M. B. CHARLES

    M. R. JOUTY .

    M. P. DUMONTET

    M. R. LEGENDRE

    M. 1. ASSENMACHER

    M. B. PISTOULET

    M. Ch. ROUMIEU

    M. J. ROBIN . .

    G. DENIZOT

    J. GRANIER

    Ch. BOUET

    J. MOTTE

    J. SALVINIEN

    Chimie organ1que

    Physique

    Minéralogie etcri st allo graphie

    Zoologie

    Mécanique supérieure

    Physique

    Géologie

    Chimie

    Droit

    Chimie biologique

    Mécanique rationnelle

    Mathématiques pures

    Physique

    Physique

    Zoologie

    Physiologie animale

    Physique

    Analyse supérieure

    Physique

  • ;"J, ... A. POTIER

    M. R. LAFONT

    M. R. JACQUIER

    M. J. FALGUEIRETTES

    M. J. REGNIER

    Mme J. CHARLES

    M. P. CAILLON

    M. J. ROUZAUD

    M. Ch. SAUVAGE

    M. H.CHRISTOL (E.N.S.I.)

    Mme G. VERNET

    M. L. CECCHI

    M. H. ANDRILLAT

    M. M. SAVELLI

    M. M. MATTAUER

    M. L. EUZET

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    M. G. LAMATY

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    Mme S. ROBIN

    M. R. CORRIU (I.U.T.)

    Mme N. PARIS

    M. J. ZARZYCKI

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    Professeurs sans chaire

    M. G. TOURNE

    M. J. REMY

    M. P. DEMANGEON

    M. E. GROUBERT

    Mme H. GUASTALLA

    M.

    M.

    M.

    R. LENEL .

    F. PROUST

    A. BASSOMPIERRE

    Chimie minérale

    Physique

    Chimie

    Minéralogie

    Chimie

    Mathématiques

    Physique

    Chimie

    Botanique

    Chimie

    Biologie animale

    Physique

    Astronomie

    Physique

    Géologie

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    Physique

    Botanique

    Botanique

    Chimie

    Psychophysiologie

    Physique

    Chimie

    Physiologie végétale

    Sciences des matériaux(Physique du Solide)

    Chimie physique

    Chimie organique

    Chimie

    Géologie

    Géologie

    Physique

    Biologie physico-chimique

    Biologie animale

    Géologie

    Physique

  • M.

    M.

    M.

    M.

    M.

    M.

    M.

    M.

    M.

    M.

    M.

    M.

    M.

    M.

    M.

    M. MAURIN

    N. ROBY

    R. GAUFRES

    J. PARIS

    G. BOUGNOT

    M. ROUZEYRE

    P. SABATIER

    P. MOLINO

    L. THALER

    J. LEGRAND

    R. JONARD

    R. CANO (I.U.T.)

    J.P. FILLARD (I.U.T.

    J.M. MORETTI

    J.L. IMBACH

    NlMES)

    Chimie

    Mathématiques

    Chimie

    Zoologie

    Physique

    Physique

    Mathématiques

    Mathématiques

    Géologie

    Physiologie animale

    Botanique

    Mesures physiques

    Génie électrique

    Biochimie

    Chimie

    Professeurs associés

    M.

    M.

    M.

    M.

    M.

    E. AKUTOWICZ

    A. MICALI .

    C. VAGO .

    L. DAUZIER

    H. HELSON .

    Mathématiques

    Mathématiques

    Biologie animale

    Physiologie animale

    Mathématiques

    Maîtres de conférences :

    M. G. LOUPIAS

    M. Ch. CASTAING

    M. J.D. BAYLE

    M. R. HAKIM

    Mme M. HAKIM,M. F. HALLE

    M. G. MASCHERPA

    M. F. LAPSCHER .

    M. J. GARCIA (I.U.T.)

    M. M. DENIZOT

    M. B. BRUN

    M. L. GlRAL

    M. P. JOUANNA (I.U.T.)

    M. L. LASSABATERE (I.U.T.)

    M. C. GOUT . .. ...

    Mathématiques

    Mathématiques

    Physiologie animale

    Mathématiques

    Mathématiques

    Biologie végétale

    Chimie

    Mathématiques

    Génie mécanique

    Biologie végétale

    Chimie physique

    Chimie organique

    Génie civil

    Mesures physiques

    Physique.

  • M. J.P. TRILLES (I.U.T.)

    M. G. LECOY ( I.U.T.) .

    M. G. BORDURE (I.U.T.) .

    M. Y. PIETRASANTA (E.N.S.I.)

    M. M. AMANIEU (Sciences & Techniques)

    M. J. CROUZET (Sciences & Techniques)

    M. A. COMMEYRAS . . . .

    M. H. MATHIEU (Sciences & Techniques)

    M. J.L. ROBERT (I.U.T. NIMES)

    M. P. LOUIS . . . . . . . . .

    M. Ch. DURANTE (Sciences & Techniques

    Mle M. LEVY (I.U.T.) ...

    M. J. LAGARRIGUE (I.U.T.)

    M. Cl. DROGUE (Sciences & Techniques)

    H. P. GENESTE (E.N.S.I.) .

    M. J. CHEFTEL (Sciences & Techniques)

    M. M. AVEROUS (I.U.T. NIMES) .....

    M. B. LEMAIRE (Sciences & Techniques)

    M. M. VALADIER . . . . . .

    M. O. MAISONNEUVE (I.U.T.)

    Maîtres de conférences associés

    Biologie appliquée

    Génie électrique

    Génie électrique

    Chimie appliquée

    Hydrologie etmariculture.

    Biochimie appliquée

    Chimie organique

    E.E.A.Electronique mesures

    Génie électrique

    Géophysique appliquée

    Automatique

    Chimie

    Biologie appliquée

    Hydrogéologie

    Chimie physiqueappliquée

    Biochimie appliquéeà l'alimentation

    Génie électrique

    Mathématiques appli-quées. Informatique

    Mathématiques

    Informatique

    M. Y. CORMARY .

    M. C. MAURIN . . .

    Géologie

    Biologie animale

    Chargés d'enseignement

    M. M. LEFRANC

    M. Y. ESCOUFFIER (I.U.T.)

    M. B. FILL IATRE

    M. Y. CESARI {I.U.T.)

    M. P. BESANCON . .

    Chargés de cours :

    M. G. SAUMADE (I.U.T.)

    M. J. GUIN (I.P.A.)

    M. Cl. PEROCHON (I.U.T.)

    Mathématiques

    Informatique

    Informatique

    Informatique

    Physiologie de lanutrition appliquéeà l'alimentation

  • I.

    PRELUDE.

    En jetant un regard dans le passé, ce n'est pas sans surprise que

    Je constate avoir franchi maintes frontières, au sens propre comme

    au sens figuré: mes activités se sont déroulées d'abord aux Pays-

    Bas, puis en Côte d'Ivoire, enfin en France équinoxiale et métropo-

    litaine. Elles m'ont mené du domaine de la Taxonomie vers celui de

    la Morphogénèse; avec le présent travail, j'avance, d'un pas hé-

    sitant, dans la sphère de l'Ecologie.

    Suivre une telle voie est courir des risques la marge qU1 sépare

    le voyageur de l'apatride est aussi exiguë que celle qui sépare la

    synthèse scientifique du rêve. Aussi est-il certain que je n'aurais

    pu emprunter ce chemin sans l'aide et l'appui des maîtres, collègues,

    collaborateurs et amis que j'ai eu le bonheur et la chance de rencon-

    trer. Je me conformerai au style traditionnel des Thèses néerlandai-

    ses, cérémonieux et pourtant plus personnel que hiérarchique, afin de

    leur expr1mer ma gratitude.

    ,Vous, HALLE, sûtes toujours être l'ami, le collègue et le directeur,

    sans qu'il fût possible de séparer ces aspects, également stimulants

    je vous en suis foncièrement reconnaissant. C'est vous, De WIT, que

    Je remercie sincèrement de m'avoir enseigné la rigueur de la méthode

    taxonomique sans pour autant concevoir les plantes en objets, jetant

    ainsi les bases d'un premier travail dans la Nature vivante des Tro-

    piques, où vous, SAVADOGO, m'initiâtes à la forêt africaine.

    Je vous sais profondément gré, CHAMPAGNAT, d'avoir élargi mes vues

    au long de votre parrainage, et d'être venu siéger dans mon Jury.

    Que vous, SAUVAGE, voulûtes bien le présider après m'avoir enrichi

    de vos conseils, m'est une source de vive gratitude. Les discussions

    stimulantes en forêt avec vous, MANGENOT, seront pour moi inoubliables.

  • II.

    Sans l'Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer,

    organisation unique au monde, le présent travail n'aurait pas exis-

    té : ma très grande reconnaissance va à ceux qui ont eu la vaste

    vision de créer cet Office et à vous, CAMUS, qui maintenant dirigez

    ses activités.

    En forêt guyanaise ce furent vous, BURGOT, ELFORT, TIBURCE, et maints

    autres aussi, qui avez été les maîtres m'enseignant ce qui ne se trou-

    ve pas dans les livres, tandis que vous, MANREDJO, soignâtes chloro-

    digitalement les plantes des serres et du jardin ; que ces quelques

    lignes vous soient le témoignage de ma gratitude. Au Centre O.R.S.T.O.M.

    de Cayenne, vous, BRUGIERE, dirigeâtes notre équipe, si bien que vous,

    TURENNE, THIAIS, HOORELBECK, de GRANVILLE, DEWARD, ROSSIGNOL, BOURGES,

    HOEPFNER et encore d'autres collègues, sûtes faire du Centre une véri-

    table pépinière de la Recherche; je vous remercie tous, du fond

    de moi-même, des huit années pendant lesquelles il m'a été donné de

    travailler dans cette ambiance.

    Je ne pourrais oublier aucun d'entre vous, qui m'aidâtes de toutes

    manières lors de l'exécution de ma tâche en Guyane. Ma pensée recon-, ,naissante demeure chez vous, StRIE et FAURAN, de l'Institut Pasteur

    et chez vous, MULLARD, de l'Office National des Forêts. Elle vous

    est également destinée, pilotes des avions de Guyane, KONG, RENOUARD,

    MALIDOR, et à vous, hommes de la Gendarmerie Nationale, et vos épou-

    ses, qui me reçûtes et secondâtes dans vos postes de Brigade à Saül,

    Camopi, Régina, Saint Georges, Sinnamary, Iracoubo et Cayenne. Qu'à

    vous, Maires présents et passés de ces communes, et à vous qui appar-

    tenez au Service de la Radio-Préfecture, soient également adressés

    mes sentiments de foncière gratitude.

    La joie que m'a procurée votre venue en Guyane, collègues de tous les

    points cardinaux, et le caractère stimulant des échanges de vues sur

    le terrain, dont je vous sais infiniment gré, sont difficiles à cap-

    ter dans des mots, si riches et cependant si pauvres. Je me souvien-

    drai de vous, arrivés de l'Ancien Continent, Mlle BANCILHON, Mlle

    LOURTEIG, BERTHET, KUBITZKI, NORMAND, ROLLET, SASTRE et de vous, ROUX,

  • III.

    dont la présence dans mon Jury me réjouit et m'inspireo Mais je me

    rappellerai également, le coeur non moins rempli de reconnaissance,

    de vous, qui vîntes du Nouveau Monde, Mlle MAURICE, BENSON, BIERHORST,

    MORLEY, TEUNISSEN, TOMLINSON et ZIMMERMANN.

    En dehors de la Guyane, je vous remerC1e sincèrement tous, qU1, appar-

    t.enant au Museum National d'Hist.oire Naturelle à Paris, au Museu Goeldi

    à Bélem, au Laboratoire de Taxonomie Tropicale de Wageningen, aux La-

    boratoires de M~rphogénêse à Clermont-Ferrand et à Strasbourg, au

    Centre I,NoR,A. à la Guadeloupe, et au Laborato1re d'Ecologie à Mont-

    pellier, ~ontr1buâtes au développement des 1dées du présent travail.

    Ma profonde grat1tude est acquise à vous, BUDOWSKI, CHAPPUIS, CROIZAT,

    NOZERAN, SCHNELL et d'autres encore, ayant trouvé le temps d'échan-

    ges ép1stolaires qui me furent d'un Sl grand profit.

    Je voue une particul1ère reconna1ssance à vous, Mlle de la CHAPELLE,

    Mme MONNIER, FLORUS, qui prêtâtes vos plumes à la finition de mes

    dessins, à vous BARBRY, qui fîtes des photographies belles et par-,faites de documents souvent défectueux, à vous Mme HALLE, qU1 con-

    sacrâtes votre art dactylographique à la réalisation d'un texte soi-

    gné, et à vous CORDIER, qU1 sûtes donner à cet ouvrage une admirable

    forme imprimée.

    Mon épouse bien-aimée, Je vous saiS gré de tout mon coeur d'avoir

    subi les contraintes et. tensions, inhérentes à un travail de longue

    haleine, sans vous départir de votre constant et réconfortant appui.

    Enfin, je ne veux pas terminer ces quelques pages sans évoquer votre

    mémoire, vous, qui n'êtes plus parmi nous et qui m'avez consacré un

    fragment de votre existence: PAN HUN KUET, dessinateur au Centre

    O.R.SoT.OoMo de Cayenne, et vous, NICOLAS et RENOUARD, aviateurs dé-

    jà légendaires de la Guyane.

    En jetant un regard dans le passé, je constate non sans une certaine

    mélancolie qu'il est imposs1ble de rendre justice à tous les hommes

    et toutes les femmes qui m'ont apporté leur aide, leur savoir, leurs

    encouragements, leur amitié" Que ma profonde gratitude puisse les em-

    brasser tous, partout où ils se trouvent.

  • IV.

    PLAN DE L'OUVRAGE.

    INTRODUCTION . .

    ++ Historique

    ++ But du présent travail

    ++ Méthode de synthèse

    p.

    p.

    p. 5

    p. 8

    ++ Les lianes .

    ++ Architecture et modèle de croissance

    ++ Relation entre hauteur et diamètre chez les arbres.

    ++ Les mouvements forestiers de haut en bas

    ++ Récapitulation des faits acquis ...

    p. 14

    · p. 14

    p. 16

    p. 16

    p. 37

    p. 55

    · p. 60p. 61

    p. 67

    p. 72

    p. 75

    p. 84

    p. 90

    p. 90

    p. 93

    · p. 94

    p. 97

    p. 98

    p.102

    · p. 104

    P .107

    p.109

    P . 112

    LES ARBRES

    DESCRIPTIONS DE FORETS

    COMPORTEMENT FORESTIER DES ARBRES

    La réitération du modèle .++

    Résumé

    Chapitre l , LE

    PREMIERE PARTIE

    Chapitre II . ESQUISSE D'UN SCHEMA FONCTIONNEL DE L'ARBRE.

    ++ Schéma fonctionnel général

    ++ Le bois et l'hydrosystème.

    ++ La Photosynthèse . . .

    ++ Courbes de production.

    ++ Tentative de définition de la vigueur.

    Chapitre III. LA FORET AU PLATEAU DE LA DOUANE

    ++ Techniques et méthodes . . .

    ++ Quelques notes floristiques.

    ++ Les ensembles forestiers . .

    ++ Planimétrie des projections de c~mes

    ++ Localisation et fréquence de la réitération.

    DEUXIEME PARTIE

    Résumé

  • V.

    ++ Les structures aériennes .

    Chapitre VI . UN MODELE DE LA FORET GUYANAISE

    Chapitre VII . CONTROLE DU MODELE FORESTIER

    ++ Exemples guyanais

    ++ Exemples néo tropicaux.

    ++ Exemples africains .++ Exemples asiatiques.

    ++ Exemples pacifiques

    ++ Exemple européen .++ Récapitulation et discussion

    p. 113

    p. 114

    p. 115

    p. 117

    p. 121

    p. 123

    p. 124

    p. 125

    p. 129

    p. 130

    p. 131

    p. 132

    p. 137

    p. 138

    p. 140

    p. 141

    p. 142

    p. 142

    p. 145

    p. 146

    p. 163

    p. 172

    p. 173

    p. 177

    p. 180

    p. 181

    p. 184

    p. 185

    p. 197

    p . 204

    p. 210

    p. 215

    p . 217

    p. 219

    LE MODELE FORESTIER

    Résumé

    ++ Sylvigénèse, géométrie des ensembles forestiers,

    gradients écologiques

    ++ Les structures souterraines.

    ++ Les surfaces d'inversion

    ++ L'effet de balance ..

    ++ L'effet de libération.

    ++ Energétique de la sylvigénèse.

    Chapitre IV . LA FORET A CRIQUE GREGOIRE

    ++ Amélioration de la méthode .

    ++ Quelques notes floristiques.

    ++ Les ensembles forestiers "

    ++ La relation entre hauteurs et diamètres des arbres

    ++ Planimétrie des projections de cimes . . . .

    ++ Localisation et fréquence de la réitération.

    ++ Les lianes, les épiphytes et les plantes mobiles

    ++ Récapitulation des faits acquis.

    TROISIEME PARTIE

    Chapitre V . LA FORET A MONT BELVEDERE

    ++ Quelques notes floristiques.

    ++ Les ensembles forestiers . .

    ++ La relation entre hauteurs et diamètres des arbres.

    ++ L'imbrication forestière ..

    ++ Planimétrie des projections de c~mes

    ++ Récapitulation des faits acquis ...

  • VI.

    QUELQUES PERSPECTIVES EN GUISE DE CONCLUSION GENERALE .. p. 225

    BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 234

    INDEX ALPHABETIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.

  • INTRODUCTION.-

    ++ Historique.

    Dès les premiers voyages vers les régions équatoriales, les forêts de ces

    contrées ont fait sur l'Européen une profonde impression. Emerveillé et ef-

    frayé à la fois, il les a dépeintes dans ses récits de voyages, pour les

    faire entrer ensuite dans son folklore. L'avis d'OVIEDO y VALDES (1526, cité

    par ALLEN, 1956) : "Je dis que, généralement, les arbres qui existent dans

    ces Indes sont chose inexplicable, par leur multitude ..... " représente l'im-

    pact initial, transmis de génération en génération par la littérature.

    Cette littérature, au début assez peu différenciée, - l'on trouvait des obser-

    vations de nouvelles espèces et de leur comportement dans des journaux de

    bord (cf. DARWIN, 1845), ou des comptes rendus économiques, géographiques et

    anthropologiques dans des Flores (AUBLET, 1775) -, s'est par la suite divisée

    en deux coù~ants distincts qui se sont graduellement écartés l'un de l'autre.

    Celui qui s'épanouit à peu près du temps de Jules VERNE:, pour se développer,

    avec Edgar Rice BURROUGHS (auteur de Tarzan), vers les bandes dessinées,

    traduit l'aspect émotionnel, mythologique, qu'a revêtu la forêt sempervirente

    pour la plupart de ceux qui n'en ont qu'une connaissance superficielle ou

    indirecte. Cet aspect est remarquablement vivant et puissant: l'impression

    d'une végétation dense, inextricable, où tout est possible et où tout est mons-

    trueux, colore inconsciemment les jugements,même ceux de gens réputés lucides.

    Il est à souligner que ce sentiment est ressenti par tout un chacun, y com-

    pris le biologiste,qui débute sur le terrain sous les Tropiques humides.

    ---------------------------------------------------------------------------------------------

    Figure Les principaux modèles architecturaux. Les raC1nes dont la struc-

    ture est inconnue, sont symbolisés d'une façon uniforme.

  • PREVQSTmodele de

    de MANGENQTmodelemodele de COOK--de ROUXmodelede MASSART

    ..'

    '.

    mode le

    PETlT~'I.\!JIl~!m".:..aIJ.;.111n11'J_~-modele de-FAGERLINDmode le de

  • - 2 -

    La forêt équatoriale n'est cependant pas un monde surréaliste,quoi.que l'on

    puisse éprouver lors d'un premier contact. OVIEDO y VALDES, commençant avec

    les lignes citées ci-dessus, continue avec une véritable description de la

    forêt, et c'est par de telles descriptions que débute une longue série d'é-

    crits visant à augmenter les connaissances - que nous appelons maintenant

    scientifiques - du monde végétal tel qu'il s'exprime entre les Tropiques.

    " Même là, où manquent les notions, un mot paraît au bon moment" a dit Von

    GOETHE. Aussi, l'inventaire des forêts sempervirentes équatoriales, pendant

    des siècles, comporte surtout des descriptions, des classifications et une

    nomenclature des espèces végétales trouvées. Une pléïade de savants s'est

    occupée de cette tâche gigantesque, toujours inachevée. SCHNELL (1965)

    énumère quelques 70 botanistes dont le travail a principalement concerné

    l'inventaire floristique des Guyanes malgré leurs efforts, nos collections

    personnelles comportent environ deux pour cent d'espèces nouvelles pour la

    science.

    Nos prédécesseurs n'étaient cependant pas spécialisés comme le sont les taxo-

    nomistes d'aujourd'hui. Le cloisonnement de la Botanique est relativement

    récent, et ces grands voyageurs étaient souvent aussi d'excellents biologis-

    tes, morphologistes ou connaisseurs de végétations. Les descriptions de FUSEE

    AUBLET, Botaniste du Roy (1775) incluent des éléments concernant la forme des

    plantes entières et des renvois aux expériences de semis et d'acclimatation

    les gravures de forêts et de savanes publiées dans la Flora Brasiliensis de

    Von MARTIUS (1840-1906) sont de loin supérieures à la plupart des photographies

    aujourd'hui diffusées, et les arguments de SAGOT (1885) quant à la biologie

    des Lecythidaceae, provenant de recherches sur le terrain "à la Guyane" comp-

    tent toujours parmi les plus probants.

    Mais, vers la fin du siècle dernier, la taxonomie montra de plus en plus une

    tendance à se replier sur elle-même, symbolisée par MIERS, l'antipode de

    SAGOT qui, à Londres, étudia les Lecythidaceae ..... sur l'herbier. Ce repli

    est parfaitement compréhensible si l'on considère les myriades de plantes

    s'accumulant dans les collections et les erreurs de classification et de déno-

    mination commises depuis plus d'un siècle, facteurs dont la "digestion"

    constituait un métier à plein temps. Cependant, les autres domaines de la

    Botanique restaient en friche; puisque la science linnéenne ne s'en occupait

  • - 3 -

    plus suffisamment, d'autres le firent.

    La présente introduction ne v~se à rien d'autre que de donner quelques

    grandes lignes caractéristiques de la recherche botanique dans le passé, et

    dont le prolongement mène à nos actuelles études. Un caveat lector est ici

    nécessaire: puisqu'il ne s'agit pas d'une étude historique exhaustive, sa

    partie contemporaine sera aussi dépourvue de détails que celle qui concerne

    un plus lointain passé.

    La morphologie végétale, tout en conservant quelques liens avec la taxonomie,

    s'approche d'un statut quasi indépendant avec GOEBBEL, suivi de TROLL. Les

    deux voyagent sous les Tropiques, notamment en Indonésie, mais n'y séjournent

    pas suffisamment longtemps pour empêcher que l'accent ne Se trouve'-surtout

    placé sur les formes végétales des pays tempérés. Von GOETHE avait lié la

    croissance à la forme dans sa notion de "métamorphose", mais,pvec le temps,

    l'accent se déplaça vers la conception plus statique de séries de formes

    achevées et apparentées, chez différentes espèces comme au sein d'un même

    individu végétal. L'ontogénèse n'avaitsa place, dans une telle typologie, que

    pour expliquer des convergences ou des divergences.

    Cette démarche était inévitable à cause de la réorientation de la recherche

    botanique, provoquée par l'énoncé des théories de l'Evolution, et exigeant

    des possibilités de comparaison, non seulement entre des plantes vivantes,

    ma~s encore avec les végétaux fossiles. Si l'Evolution procède par la survie

    des plus aptes, on pourra sôutenir que c'ést le résultat - la plante achevée

    avec ses formes définitives - qui est symptomatique du maintien d'une espèce.

    Il allait presque de soi que l'attention des morphologistes restât captée

    par les fleurs et les fruits, car ce qui avait été retenu des vues de Von

    LINNE concernait principalement la reproduction sexuelle, dont l'efficacité

    est conçue comme facteur majeur de surv~e. Par conséquent, la vérité a surtout

    été cherchée dans le carpelle, et il a été accordé moins d'attention, par

    exemple, au tronc, pour ne pas parler des racines.

  • - 4 -

    Von GOETHE ne séparait pas encore la morphologie de la physiologie, comme il

    le montre en associant la production de "sucs plus purs" à l'approche du

    "stade perfectionné" de la floraison. Nous voulons souligner la remarquable

    correspondance de ce modèle explicatif avec les notions récentes impliquant

    un changement métabolique - par exemple, en ce qui concerne les phytohormo-

    nes - à mesure que la plante parcourt sa séquence de différenciation.

    Pourtant, la physiologie - comme la morphologie et la taxonomie - a connu

    une phase d'isolement relatif, pendant laquelle les autres domaines botaniques

    ne lui étaient qu'accessoires. S'associant de près à la chimie et à la physi-

    que, elle aboutit à un état dont le HANDBUCH der PFLANZENPHYSIOLOGIE est

    l'expression. D'une prodigieuse richesse, cette encyclopédie ne permet cepen-

    dant pas de concevoir nettement l'organisme végétal entier, ni de comprendre

    les plantes tropicales dans leur généralité,

    La redécouverte des travaux de MENDEL et l'idée de l'Evolution devenue domi-

    nante, fondues dans la génétique moderne sous l'influence féconde de la bio-

    chimie, ont progressivement amené les biologistes vers une nouvelle prise

    de conscience de l'organisme en tant qu'entité génétique, physiologique et

    morphologique. Après la Deuxième Guerre mondiale, on remarque de plus en

    plus que des publications spécialisées dans ces domaines laissent une porte

    ouverte vers les autres.

    CORNER symbolise cette tendance à la réunification de la Botanique, d'abord

    par son point de départ tropical, général, opposé au point de vue particulier

    tempéré, ensuite par son refus de traiter tout élément d'information autrement

    que dans le contexte de la plante entière, de son ontogénèse et de son his-

    toire évolutive. On peut contester le résultat de ses travaux, comme l'a fait

    récemment CROIZAT, mais nullement la démarche elle-même, fondamentalement

    commune à tous les grands naturalistes que nous connaissons : Von LINNE,

    Von GOETHE, LAMARCK, DARWIN, CORNER et CROIZAT lui-même, pour n'en nommer

    que quelques-uns.

    La théorie de l'Evolution a deux faces: celle de l'hérédité et celle du

    milieu. Il va de soi que, parallèlement aux études taxonomiques, morphologi-

    ques, physiologiques et génétiques, des recherches ont été entreprises sur

    la coexistence des plantes dans un même biotope. La phytogéographie, déjà

    ancienne, et la plus jeune science écologique proviennent de cette souche.

  • - 5 -

    Les études des relations entre la végétation et le milieu se lient aux

    recherches concernant l'individu végétal, qui ont procuré pour l'analyse de

    la répartition des espèces, des critères taxonomiques (Ecole de ZURICH-MONT-

    PELLIER), biologiques (RAUNKIAER), physiologiques (SCHIMPER) ou chorologi-

    ques (Van der PIJL). Ces critères sont ensuite mis en corrélation avec les

    discontinuités météorologiques, géologiques, pédologiques et hydrologiques

    du milieu.

    En forêt équatoriale, de telles recherches ont été menées par de grands cher-

    cheurs, de formations diverses (AUBREVILLE, RICHARDS, Van STEENIS ... ). Le

    livre de RICHARDS fait le point de ce qui avait été fait jusqu'en 1952. Re-

    flétant, dans une certaine mesure, la richesse encyclopédique et le manque

    de vues synthétiques signalés ci-dessus dans des sciences concernant l'indi-

    vidu végétal, ce livre présente une image de la Tropical RainForest qU1

    est"périphérique", mais suffisannnent complète pour faire pressentir, avec

    un certain flou, les principes qui gouvernent le mode d'existence de cette

    végétation.

    D'où provient ce flou? La réponse à cette question est essentielle pour

    comprendre la tentative présentée ici.

    ++ But du présent travail.

    ;'Pour HAIHl.E et nous-même ( 1970), l'organisme végétal produi t des axes végéta-

    tifs et inflorescentiels dans un ordre déterminé, tandis que pour un autre

    groupe de chercheurs, la plante est une population d'axes (cf. SCARRONE,

    1969). La première idée mène à une conception plutôt déterministe de l'arbre

    et l'autre invite à une interprétation plutôt probabiliste. Les résultats

    spectaculaires de la statistique, notannnent en physique, et le point d'inter-

    rogation qu'elle a fini par mettre derrière toute conclusion basée sur des

    relations de cause à effet, exigent que nous justifiions le choix entre une

    approche "causale" ou statistique.

    En écologie, la même alternative épistémologïque se manifeste. Peut-on dire

    qu'une végétation détermine la croissance de certaines plantes dans des

  • - 6 -

    endroits et à des moments définis, ou, doit-on au contraire, analyser statis-

    tiquement des populations de plantes? En Europe, c'est généralement la deu-

    xième méthode que l'on préfère (ASHTON, 1964 ; ROLLET, 1969 ; SCHULZ, 1960).

    Outre-atlantique, on essaye plutôt d'obtenir un modèle déterministe (cf.

    BUDOWSKI, 1963 ; JANZEN , 1970). La démarche statistique en tant que moyen

    d'analyse de végétations a été exposé en grand détail par GODRON (1971).

    Nous pensons qu'il faut pourtant formuler des réserves quant à l'utilité

    universelle de l'approche probabiliste. Un exemple nous fournira un début de

    démonstration.

    Une parcelle de forêt guyanaise, de 20 x 30 mètres, et sur laquelle toutes

    les plantes plus basses que 10 mètres ont été supprimées, contient une cen-

    taine d'arbres. Ce nombre est bien bas pour un échantillon statistique.

    On peut maintenant considérer les rameaux. Leur nombre est déjà considéra-

    ble, et permet une interprétation statistique correcte. Le nombre de feuil-

    les dans la parcelle est encore plus élevé, et enfin, le nombre de cellules

    végétales s'approche de l'idéal statistique: des données en quantité pra-

    tiquement indéfinie.

    On peut augmenter la surface de forêt considérée, comme l'a fait ROLLET

    (1969) : en effectuant des mesures sur 5.000 km2 de forêt en Guyane vénézué-

    lienne, il obtient un nombre extrêmement élevé de données.

    Il n'est pas question ici des seules dimensions des échantillons de végéta-

    tion, à propos desquelles ont réfléchi aussi bien GODRON que ROLLET, mais,

    surtout,~u nombre de données. A condition que celui-ci reste constant et

    limité, on peut se déplacer d'un domaine botanique à l'autre: cent arbres! '

    constituent un ensemble écologique, cent branches un ensemble morphologique,

    cent cellules un ensemble histologique, et ainsi de suite. L'ensemble étudié

    détermine le "niveau d'intégration", expression utilisée par plusieurs éco-

    logistes (GODRON, 1971).

    L'expérience prouve que l'on peut découvrir des lois de cause à effet à cha-

    que niveau d'intégration. La question de savoir si la notion de causalité

    est illusoire devient superflue, quand on constate que ces lois permettent

    de prévoir,à leur propre niveau, les réactions d'un système. Dans une cellu-

    le, où les concentrations de chaque espèce de molécule sont très faibles

  • - 7 -

    (cf. ASIMOV, 1962), on peut prévoir, en principe, le comportement de chaque ,]

    molécule ; dans une solution à haute concentration, ce comportement est

    sujet à une approximation probabiliste. Enfin, quand on considère toutes les

    molécules de cette espèce sur notre planète, la situation devient homogène

    aucune prévision au niveau d'une seule molécule n'est plus possible,

    Ici surgit une notion-clef de l'écologie: l'homogénéité. Dans l'exemple

    moléculaire, la situation devient homogène par manque d'information en

    écologie, elle l'est par égalité d'information d'un point à l'autre du sys-

    tème étudié, et ceci par contraste avec le système vo~s~n, où l'information

    est aussi homogène, mais différente. C'est dire que l'homogénéité des types

    de végétation dérive de l'hétérogénéité entre ces types, ou, en d'autres ter-

    mes, d'une différenciation. La différenciation la plus simple que l'on puisse

    concevoir implique seulement deux facteurs, dont l'un entraîne obligatoire-

    ment l'autre: c'est l'expression la plus élémentaire de la causalité.

    Un modèle élaboré de cette causal~té a été donné par THOM (1968), qui dit

    à propos des champs morphogénétiques "Si l"on veut se contenter de proprié-

    tés expérimentalement contrôlables, on sera amené à remplacer l'hypothèse

    invérifiable du déterminisme par la propriété expérimentalement vérifiable

    de "stabilité structurelle" : un processus (P) est structuralement stable,

    s~ une petite variation des conditions initiales conduit à un processus

    (P') isomorphe à (P)."

    L'approche optimale d'un problème peut être définie à partir de ces"condi-

    tions initiales" : quand celles-ci sont assez simples~ on peut essayer d'é-

    tablir un modèle déterministe ou structurel de la situation, mais, lorsqu'

    elles sont plus compliquées, lès résultats du processus deviennent imprévisi-

    bles et doivent être analysés statistiquement,

    Or, la situation initiale peut être complexe pour deux ra~sons. Le relevé

    stochastique des éléments à analyser introduit une hétérogénéité plus,

    prononcée qu'un choix d'éléments "apparentés" - en outre, cette hétérogénéi-

    té augmente avec le nombre d'éléments. Appelons ces éléments"échantiLl.ons",

    et l'on reconnaîtra la démarche de ROLLET et de GODRON. Pris entre deux

    hétérogénéités, celle de chacun des échantillons et celle de leur ensemble,

  • - 8 -

    ces auteurs essayent de définir statistiquement les dimensions des échantil-

    lons, afin que leur hétérogénéité serve de façon optimale à la délimitation

    de champs homogènes dans le système d'ensemble l'étendue de ce dernier

    doit également être définie dans ce but.

    La présente étude suit un chemin complémentaire. La méthode probabiliste

    était certainement la seule valable, tant que le niveau d'intégration écologi-

    que restait séparé par un très grand intervalle du niveau d'intégration

    où se trouvaient la physiologie et la morphologie des axes, le niveau corres-

    pondant aux types de RAUNKIAER n'étant pas interposable entre les deux. C'est

    justement cet intervalle trop grand que traduit le flou déjà noté dans le

    livre de RICHARDS (1952).

    Les modèles arborescents (HALLE et OLDEMAN, 1970) sont déterministes ou

    structurels à un niveau d'intégration plus grossier que celui du déterminis-

    me des axes de ce fait, ils constituent un premier jalon dans l'intervalle

    mentionné. Le pas suivant consiste à établir une liaison causale entre ces

    modèles, dont l'observation directe est assez rare dans la nature, et la phy-

    sionomie des végétaux, puis entre la physionomie et l'écologie. C'est préci-

    sément le but du présent travail que de proposer un modèle de la forêt guya-

    naise qui, partant du niveau des modèles arborescents, et mettant l'accent

    sur la génèse de la physionomie, permet de formuler des notions ayant, tel

    Janus, deux faces: l'une regarde le niveau d'intégration écologique, et

    l'autre celui de la morphologie.

    Ce projet est ambitieux, et son exécution devait immanquablement laisser sub-

    sister des lacunes importantes. C'est la raison pour laquelle nous nous som-

    mes efforcés de laisser des ouvertures dans notre modèle forestier pour que

    puissent s'y incorporer les faits nouveaux et les améliorations qui ne man-

    queront pas d'être découverts dans l'avenir.

    ++ Méthodes d'analyse et de synthèse.

    La notion de modèle est au centre de notre approche de la nature. Nous l'a-

    vons empruntée au cybernéticien GEORGE (1965), qui expose le principe con-

    sistant à mimer le système étudié, afin de pouvoir comprendre et prévoir

  • - 9 -

    le comportement de ce système, en utilisant l'imitation, appelée modèle.

    On distingue deux sortes de modèles : le modèle "solide" (hardware model) ,

    qui se présente comme une maquette, tridimensionnelle, ou une image, bidimen-

    sionnelle, et le modèle "mou" (software model), constitué: de mots arrangés

    en description, ou de conceptions mathématiques en formule (voir aussi

    FREUDENTHAL, 1961).

    L'utilisation consciente de modèles scientifiques est relativement récente,

    mais l'emploi d'imitations,verbales ou graphiques,de la réalité est aussi

    ancien que l'Homme lui-même. Si l'on considère que c'est la langue qui défi-

    nit Homo sapiens' , la première onomatopée était le premier modèle. La puis-

    sance attribuée aux modèles se traduit par exemple dans des pratiques mag~ques

    datant de l'aurore humaine, et supposant l'action directe de forces occultes

    émanant du modèle sur le système imité. Dans les rubriques astrologiques qui

    foisonnent dans nos quotidiens, c'est, en fait, la même croyance magique qu~

    prouve sa vitalité, chaque corps céleste ou signe zodiacal considéré étant

    censé être le"modèle agissant" d'un facteur psychologique ou corporel de

    l'homme.

    On pourrait penser que THOM (1968) effleure une telle notion en écrivant:

    " un champ morphogénétique sur un ouvert U de l'espace-temps réside

    dans la donnée d'un "modèle universel" dont le processus donné est copié."

    Pour exclure toute équivoque, il s'avère donc impératif de définir le modèle

    scientifique - le seul modèle envisagé par THOM.

    D'une part, la sc~ence postule l'indépendance fondamentale du modèle vis à

    v~s du système réel, sauf par l'intermédiaire du chercheur dont l'activité

    lie l'un à l'autre. L'objectivité de cette méthode réside dans le fait qu'on

    doive pouvoir remplacer un chercheur par un autre pour obtenir le même ré-

    sultat, ce qu~ équivaut à la possibilité habituellement exigée de pouvoir

    répéter les observations et les expériences. L'idéal du cybernéticien est d'

    ailleurs d'éliminer le chercheur de la méthode, en faisant établir le modè-

    le par ordinateur, ce qui s'est avéré impossible jusqu'ici. L'indépendance

    entre .modèle et système imité - ou "substrat" - a été justement analysée à

    fond par THOM, qui conclut qu'un même modèle peut souvent rendre compte de

    systèmes d'ordres tout à fait différents, "d'oa sa remarque ci-dessus.

  • - 10 -

    D'autre part, le modèle scientifique eX1ge l'expression de tous ses élé-

    ments en termes d'espace-temps à quatre dimensions. Les démarches mathémati-

    ques impliquant l'emploi de vecteurs d'un ordre supérieur sont, bien sûr,

    admises, mais le résultat doit être lisible en quatre dimensions, afin de

    pouvoir être confronté avec le système réel. Si cette exigence paraît au

    premier abord imposer des limites intolérables à l'esprit de recherche, il

    suffit ~our se convaincre du contraire, de considérer le modèle einsteinien

    de l'univers, pourtant rigoureusement quadridimensionnel.

    Le modèle probabiliste répond à ces deux conditions autant que le modèle

    causal. GODRON, par la statistique, établit des cartes de végétation, modèles

    solides quadridimensionnels, car concernant une région définie dans l'espace

    et dans le temps. Les généticiens (voir ASIMOV, 1962 MONOD, 1971), emplo-

    yant un modèle structurel stéréochimique, arrivent à des prédictions parfai-

    tement valables, concernant au moins certains gènes.

    Si les chercheurs probabilistes essayent de capter des situations homogènes

    entre deux niveaux d'hétérogénéité, notre méthode a été de capter l'hétéro-

    généité entre deux niveaux d'homogénéité. Au niveau d'intégration des axes,

    on peut capter la morphogénèse par un nombre relativement réduit de règles

    assez simples (cf. NOZERAN, BANCILHON et NEVILLE, 1971). L'interaction entre

    les processus décrits dans ces termes entraîne une situation très complexe

    et hétérogène au niveau de l'ontogénèse (cf. TYREE in ZIMMERMANN et BROWN,

    1971). Mais, ces processus mènent à des résultats qui peuvent de nouveau ê-

    tre interprétés par un nombre assez faible de conceptions simples et homogè-

    nes: par exemple, les modèles arborescents.

    Dans la pratique de la recherche, les niveaux d'homogénéité se reconnaissent

    à ce que l'on peut les schématiser en termes ou en graphiques relativement

    simples. Le "gaz idéal" et le "mouvement sans friction" sont des niveaux d'ho-

    mogénéité utilisés par les physiciens.

    Notre démarche a été éclectique au niveau de l'échantillonnage. Tout comme

    nous avons étudié précédemment les rares individus d'une espèce qui parais-

    saient se conformer à une architecture analysable, nous avons chois~ par la

    suite, des arbres dont la physionomie était compréhensible à partir de nos

  • - Il -

    modèles arborescents, puis des forêts dont l'architecture pouvait s'expli-

    quer par les notions physionomiques précédemment développées. Une première

    analyse en ces termes concernait la végétation forestière ripicole en Guyane.

    Cl 972) .

    A partir de modèles simples provenant de l'étude d'échantillons choisis, la

    confrontation avec la réalité a été effectuée par deux moyens. D'une part,

    nous avons essayé d'expliquer, à l'aide de notre modèle forestier, plusieurs

    échantillons arbitrairement choisis, mais du même niveau d'intégration, ce

    qui a permis d'enrichir ce modèle de facteurs absents dans les premiers échan-

    tillons. Si le modèle est correct, on arrive rapidement à le compléter, et à

    expliquer les échantillons suivants sans le modifier. Il nous a fallu étudier,

    par exemple, trois profils forestiers guyana1s pour pouvoir interpréter, à

    l'aide du modèle développé, les trois suivants qui n'ont plus rien apporté

    d'essentiel - au niveau d'intégration considéré.

    La m1se à l'épreuve du modèle peut, d'autre part, s'effectuer en ne se limi-

    tant plus, "horizontalement", au même niveau d'intégration homogène, mais

    en considérant aussi, "verticalement", les deux niveaux hétérogènes situés

    de part et d'autre du précédent. Si le modèle est valable, il permet de

    prévoir la forme du nuage de points reliant des données de ces deux niveaux

    hétérogènes. Quand cela s'avère possible, la réinterprétation d'autres nuages

    connus d'après la littérature donnée, peut révéler de nouveaux points de vue.

    Par rapport au niveau homogène représenté par la physionomie des arbres, la

    forêt dont ils font partie, et les dimensions propres de chacun d'eux, cons-

    tituent des niveaux hétérogènes; or, à l'aide du modèle physionomique, on

    peut prédire la forme du nuage de points représentant, au sein d'une forêt,

    la relation entre hauteurs et diamètres des arbres.

    Cette prédiction rend possible la réinterprétation d'une statistique reliant,

    dans une forêt en ThaIlande, le poids du bois au poids des feuilles de chaque

    arbre (fig. 79).

    Dans la pratique, le statisticien trace des courbes de régression à partir

    de nuages de points, tandis que le "déterministe" peut prévoir, à l'aide

    de son modèle, la forme de ce nuage. Les possibilités de contrôle réciproque

  • - 12 -

    des deux méthodes apparaissent ~c~ clairement : consciemment appliqué, ce

    contrôle peut permettre un travail très économique, en réduisant à leur

    strict minimum le nombre de données nécessaires à une certitude scientifique.

    Notre modèle structurel, au sens de THOM, des arbres et de la forêt en Gu-

    yane, se base sur l'observation de leurs architectures. Celles-ci constituent

    un ensemble de nouvelles données qui sert d'ossature à notre étude. Il s'y

    attache de nombreux faits notés par des spécialistes d'autres domaines de la

    Botanique. Ces recherches partant de points de vue différents des nôtres,

    c'est surtout dans cette partie du modèle que l'on trouvera des lacunes ou

    des hypothèses.

    Nous avons toujours essayé de vérifier ces dernières par de brèves séries

    d'observations simples. En guise de résultat, nous présentons un modèle qui

    permet d'esquisser une image de la forêt guyanaise en termes d'énergie dispo-

    nible, de l'utilisation de cette énergie, et de l'architecture végétale ex-

    primant les modalités de cette utilisation.

    Ce modèle touche à des domaines de la Botanique bien distincts, malgré les

    tendances à leur réunification signalés au début de cette introduction. L'un

    des buts essentiels de notre travail a été l'établissement de liens entre ces

    domaines, ce qui impliquait d'abord de reprendre les idées fondamentales de

    chacun d'eux, puis de reformuler ces idées, afin qu'elles puissent être liées

    entre elles au sein de notre modèle forestier. Nous insistons sur le caractè-

    re indispensable de ces deux préliminaires, faute desquels ce travail serait

    un assemblage d'essais disjoints, au lieu d'un ensemble cohérent.

    Il est incontestable que tout botaniste spécialisé trouvera quelque part dans

    la présente étude, des paragraphes lui paraîssant d'une évidence si élémentai-

    re qu'ils sont presque superflus, ou au moins susceptibles d'être fortement

    abrégés.

    Or, nous soulignons de nouveau le caractère indispensable de tels exposés.

    Le texte doit contenir tous les éléments pour qu'un spécialiste puisse le lire

    facilement, sans devoir consulter trop de publications d'autres disciplines

    que la sienne. Ces données ont en outre été reformulées, comme il a été

    spécifié plus haut, et certaines d'entre elles ont reçu une attention parti-

    culière, étant essentielles à la comparaison des aspects généraux.

  • - 13 -

    Les particularités du travail que nous présentons peuvent peut-être se résu-

    mer en disant que nous avons tenté d'approfondir l'étude de la forêt, en

    élargissant le domaine botanique examiné, alors que la tendance habituelle est ! '.

    est à l'approfondissement par restriction du sujet d'étude. Le relatif isole-

    ment du laboratoire botanique du Centre O.R.S.T.O.M. de Cayenne a certainement

    favorisé notre démarche, parce que, à priori, nous y étions contraint à ré-

    soudre par nos propres moyens les problèmes se posant dans des domaines très

    différents de la Botanique. En outre, de fréquentes et longues missions en

    forêt guyanaise ne manquaient pas de démasquer impitoyablement toute fausse

    solution, par une confrontation quotidienne avec la nature tropicale.

    Empruntée sous les contraintes inhérentes à ce cadre de travail, la vo~e sui-

    vie dans la présente étude s'est cependant avérée extrêmement riche en pers-

    pectives inattendues, et révélatrices ,sur la forêt guyanaise. Le résultat

    d'une telle prospection ne pouvait être capté entièrement dans la terminolo-

    gie courante.

    Tout en partageant la méfiance générale v~s à vis des nouveaux termes, et,

    surtout, vis à vis des néologismes, il nous a pourtant bien fallu trouver

    les mots exacts pour décrire nos résultats. Le vocabulaire développé ne con-

    tient aucun néologisme. Nous avons utilisé, autant que possible, les notions

    et les termes classiques; quand ceci s'avérait insuffisant, les raisons

    pour la création d'une nouvelle expression ont été exposées, et cette expres-

    s~on a été construite de la façon la plus simple possible, tout en lui don-

    nant un caractère mnémonique suffisamment imagé pour aider le lecteur au

    lieu de l'embarrasser. Soucieux de ne pas excéder le nombre absolument:

    indispensable de nouveaux termes, nous avons parfois préféré employer un

    terme existant dans un domaine spécialisé, en lui donnant une signification

    analogue dans un autre. Nous avons été surpris de constater que les déficien-

    ces du vocabulaire classique se situaient plutôt au niveau des notions géné-

    rales qu'au niveau des détails.

    Les chapîtres suivants, écrits selon les critères exposés, ont pour but de

    procurer à tout biologiste intéressé par la forêt sempervirente, une image

    claire de cette végétation et des arbres qui la constituent, à l'aide d'un

    texte conçu pour être d'un accès aussi aisé que possible, et d'une illustra-

    tion assez abondante pour visualiser autant la réalité que l'abstraction.

    ====================

  • PRE MIE R E

    - 14 -

    PAR T l E LES A R B RES

    Résumé: Ce sont les arbres qui constituent la forêt. Chaque espèce pousse

    selon une séquence bien définie de différenciations morphogénétiques, la

    manifestation visible de cette séquence étant par définition un modèle

    architectural. Le nombre de modèles est réduit par rapport à celui des espèces

    espèces: d'après nos actuelles connaissances, il en existe vingt-trois,

    presque tous tropicaux. Le modèle initial débute avec la germination et

    se manifeste ensuite par la formation successive et ordonnée d'organes;

    si, parmi ces organes, se trouvent des branches, nous parlons de ramifica-

    tion séquentielle. Plus tard, des méristèmes inactifs au sein du modèle

    initial peuvent être activés. Leur développement, conforme au modèle ini-

    tial, fait que ce modèle se réalise plusieurs fois chez un même arbre,

    phénomène que nous avons appelé la réitération du modèle. Ces notions

    s'appliquent sans doute aussi à l'appareil racinaire.

  • - 15 -

    La réitération du modèle est, entre autres, le moyen de régénération d'arbres

    traumatisés. Elle peut être complète ou partielle, suivant que la séquence

    de différenciations est reprise entièrement ou partiellement. En vieillis-

    sant, l'arbre édifie généralement de plus en plus d'axes par réitération du

    modèle, mais d'une façon de moins en moins complète. Ainsi, l'arbre conforme

    au modèle initial pourra normalement se développer encore à l'avenir, tandis

    que celui qui présente une physionomie en parasol constitué de multiples mo-

    dèles réitérés, est arrivé au terme de son expansion.

    En Guyane, l'arbre conforme au modèle initial est cent fois plus haut que son

    diamètre, celui qui se régénère montre un excès de croissance en lhauteur

    par rapport à cette relation, et là, ofi l'on trouve la réitération prolifique

    du modèle, venue avec la vieillesse, l'arbre manifeste un excès de cro~ssance

    en épaisseur. Outre cette relation spatiale concernant l'arbre, les modèles

    réitérés, montrent une désynchronisation de leurs rythmes.

    L'architecture de l'arbre, et la physionomie qui à chaque moment en résulte,

    sont révélatrices du fonctionnement physiologique. Celui-ci dépend, à un

    n~veau assez grossier, de trois systèmes producteurs: les feuilles, le cam-

    bium, et les racines. Leur relation consiste en amplification ou en freinage

    réciproques: si la production de l'un d'entre eux ralentit, les autres sui-

    vront la même tendance. Un manque de photosynthèse entraîne un manque de subs-

    tances nécessaires au cambium et aux rac~nes ; une réduction de la production

    cambiale entraîne une insuffisance de tissus conducteurs fonctionnels, donc

    aussi de capacité de translocation entre la cime et les racines ; une dimi-

    nution de la production racinaire, enfin, occasionne l'affaiblissement du

    courant de sève indispensable aux deux autres systèmes.

    La production biologique en fonction du temps, s'effectue selon une courbe

    dont le principe est connu, et qui s'applique, entre autres, aux productions

    racinaires, cambiales et photosynthétiques. Il est permis de considérer cet-

    te courbe comme une mesure de l'énergie qui s'écoule au travers de l'arbre.

    Connaissant le modèle arborescent et sa réitération, il devient possible de

    lier le facteur quantitatif énergétique au facteur qualitatif architectural,

    et de tenter une définition de la vigueur végétale. L'échange d'énergie avec

    le milieu fera l'objet des parties ultérieures de la présente étude.

  • Chapitre I.

    -16 -

    LE COMPORTEMENT FORESTIER DES ARBRES . -

    Dans ce chapitre, nous analyserons le comportement des arbres en forêt, à

    partir de leur germination, en fondant cette étude sur ce qui a été trouvé,par F. HALLE et nous-même (1970), travail qui ne sera plus guère cité dans

    ce chapitre, mais auquel nous renvoyons pour tout détail concernant les mo-

    dèles architecturaux.

    Parmi ces modèles arborescents se trouvaient en 1970, trois cas hypothétiques,1

    dont deux ont été effectivement trouvés depuis cette date. Cependant, ce n'est

    que des 21 modèles résumés sur la figure l et dont traite principalement l'

    ouvrage cité, qu'il sera question dans ce qui suit.

    Le comportement forestier d'un arbre est un cas particulier du comportement

    écologique, dont nous avons donné ailleurs la définition (1972) : ce compor-

    tement se manifeste quand tous les modèles d'un biotope précis sont soumis

    à un facteur écologique dirigé (gradient écologique) ou à un ensemble de tels

    facteurs dirigés dans le même sens. La présente étude traitera ultérieurement

    de ces gradients; il est pourtant utile de retenir dès maintenant qu'ils

    jouent un rôle dans les phénomènes décrits.

    Ce chapitre comporte trois volets d'égale importance, ma~s d'inégales

    dimensions: le premier concerne les modèles architecturaux des arbres, le

    deuxième, la réitération de ces modèles, et le tro~sième, la relation entre

    la hauteur et le diamètre pendant les phases successives de la croissance.

    ++ ARCHITECTURE ET MODELE DE CROISSANCE

    La définition de l'architecture comme l'ensemble de formes structurales que

    l'on peut observer à un moment donné chez le végétal, et celle du modèle de

    croissance comme la série d'architectures se succédant chez cette même plante

    au cours du temps, sont nécessaires pour comprendre les schémas de la figure

    1. Ces dessins montrent chacun une architecture arborescente représentative

    d'un modèle arborescent, de telle sorte que l'on puisse comprendre ce modèle

    en regardant l'architecture. Le schéma complet du modèle comporterait une

  • - 17 -

    série chronologique de dessins faits lors de chaque étape de la ramification.

    A partir de 1970~ de nombreuses remarques cri(~ques nous ont été adressées

    à propos de la nomenclature des modèles arborescents; c'est pourquoi celle-

    ci sera ici brièvement commentée.

    Dès le début~ il était clair qu'une immatriculation alphabét~que ou numérique

    des modèles provoquerait des malentendus~ n'ayant aucune signification bio-

    logique~ ma~s invitant en même temps à y voir une séquence linéaire où 3 pro-

    vient de 2 et Z découle de Y. En outre, toute insertion logique de nouvelles

    formes est impossible dans une telle série.

    La dénomination de chaque modèle d'après une espèce botanique qui le réalise~

    paraît à première vue meilleure~ mais présente des pièges" Le lecteur serait

    tenté d'y attacher des théories issues de la taxonomie~ tandis que l'archi-

    tecture végétale apporte justement à cette science des données indépendantes.

    Les modèles étant cosmopolites~ ma~s non les espèces~ il aurait fallu choisir

    une espèce quelconque provenant généralement d'un seul des cinq continents~

    et de ce fait~ très souvent ignorée des botanistes des quatre autres. La

    nomenclature linnéenne~ binaire~ suggérerait trop~ et à tort~ le cas particu-

    lier.

    Il en aurait été autrement avec une dénomination du style AIA~ RNA~ HCN~

    qui aurait souligné le caractère indépendant des données architecturales

    et permis de construire des abréviations aide-mémoires~ comme"le modèle

    TOBOCRIT" (Tronc Orthotrope~ Branches Orthotropes~ Croissance Rythmique

    et Inflorescences Terminales)" Abstraction faite du manque d'élégance de

    cette méthode~ et de la surcharge de tels termes dont souffrent déjà les lan-

    gues européennes~ il s'est avéré impossible de créer 21 abréviations diffé-

    rentes et prononçables"

    ,-Il était également impossible de trouver 21 objets familiers auxquels pouvaient

    se comparer les modèles arborescents dans le style des " pagoda trees" et

    " sword trees" de CORNER. La caractérisation des modèles par des mots uniques~

    comme l'a fait RAUNKIAER pour les types biologiques~ s'avérait~ elle aussi~

    impraticable.

  • - 18 -

    Le seul système de nomenclature neutre - car non chargé de notions précon-

    çues - simple - parce qu'exigeant l'empl01 d'un seul mot -, et n'utilisant

    que des noms existants, était celui qui nous a donné le VOLT, l'AMPERE,

    l'OHM et le WATT, les 101s d'AVOGADRO, de BOYLE et de GAY-LUSSAC, les '-

    voitures BERLIET et FORD, les villes de LELYSTAD, de BRAZZAVILLE et de

    WASHINGTON, les îles KERGUELEN, le mont DARWIN et le Pic CARSTENZ dans

    les monts de NASSAU, le détr01t de BEHRING, le lac VICTORIA, et, plus ré-

    cemment, le cirque GAGARINE, le cycle de KREBS et celui de CALVIN, la trom-

    pe d'EUSTACHE et les barres de SANIO, le système PYTHAGORicien et le CAR-

    TESianisme, le mouvement BROWNien et le prix NOBEL, les expressions RABE-

    LAISiennes et le rire HOMERIque, pour ne citer que quelques exemples.

    Jusqu'ici, nous n'avons trouvé aucune réelle amélioration de cette nomen-

    clature, ni ressenti - Justement pour cette ra1son - le besoin de la chan-

    ger. Ma1s, il va de soi que toute suggestion constructive est la bienvenue.

    Enfin, nous voulons souligner que les modèles arborescents ne représentent

    nullement des "casiers" dans lesquels tout arbre peut être rangé. Il s'a-

    git au contraire de points de repère dans un domaine plus ou moins continu

    de formes arborescentes, et il existe des cas de transition entre ces

    points. Cependant, la position de ces repères est telle que la "densité"

    de plantes autour d'eux est beaucoup plus grande qu'elle ne l'est dans

    les intervalles, ce qui est illustré par le tableau de la page

    Nous reprenons ci-dessous vingt et un modèles arborescents, en décrivant

    en même temps comment l'arbre conforme au modèle se transforme en celui

    que l'on voit habituellement en forêt.

    - Les modèles arborescents.

    o Le modèle de HOLTTUM, monocaule et hapaxanthique (fig. 1), ne peut sedévelopper au-delà du modèle initial, puisque celui-ci se termine avec la

    mort de la plante.

    o Il en est autrement du modèle de CORNER (fig. 1), dont le méristème ter-minal unique peut continuer indéfiniment une activité végétative, la se-

    xualité s'exprimant latéralement.

  • CD-.a......._ CD)

  • - 19 -

    Le plus souvent, un arbre monocaule reste monocaule, quelles que soient les

    dimensions qu'il puisse atteindre. Ceci est particulièrement vrai des Palm~ers

    arborescents, si importants en forêt guyanaise, aussi bien - par exemple -

    pour le Pataoua (Oenocarpus oligocarpa (Griseb.) W. Boer) qui dépasse 15 mè-

    tres, que pour le Counana (Astrocaryum paramaca Mart.), à tronc très court.

    Cette règle est pourtant moins générale chez les Dicotylédones. L'exemple

    familier du Papayer (Carica papaya L. - Caricaceae) montre le modèle de CORNER

    quand il est jeune. Cette espèce s'est si bien acclimatée en Guyane, qu'on

    la trouve souvent dans la végétation secondaire, ou dans des chablis fores-

    tiers. Des axes latéraux provenant de bourgeons sériaux se trouvent sur les

    troncs de v~eux pieds: ces axes, situés dans des endroits quelconques, s'é-

    difient à partir d'un niveau très bas de la même séquence de différenciations

    qui détermine la structure du tronc. On peut les considérer comme des rejets

    ou des troncs surnuméraires (fig. 2 et 3), issus du modèle de CORNER par un

    processus que nous nommons réitération.

    Le cas de Carapa guianensis Aubl. (Meliaceae) est comparable à celui du papa-

    yer'. En forêt, l'espèce reste monocaule jusqu'à une hauteur de 10 à 15 mè-

    tres, sans fleurir (fig. 4). On voit alors apparaître des axes équivalents

    au tronc et dont l'origine se trouve dans certaines zones différenciées pen-

    dant la croissance rythmique de ce dernier. Ces zones sont donc mieux défi-

    nies que chez Carica papaya ; les rejets se développent en branches maîtres-

    ses verticales qui dépassent le tronc primaire en répétant sa morphogénèse.

    Aucun des axes forts ne porte d'inflorescence, ma~s il faut spécifier que pres-

    que tous les méristèmes terminaux aériens de cette espèce sont anéantis par

    des attaques d'un coléoptère du genre Hypsipila, de sorte que l'on ne saurait

    affirmer sans étude expérimentale, quel est le terme normal de leur séquence

    Figures 2 et 3 Le modèle de CORNER et sa réitération chez Carica papaya L.

    (Caricaceae).

    Figures 4 et 5 : Carapa guianensis Aubl. (Meliaceae). Jeune arbre monocaule,

    stérile et individu âgé ramifié uniquement par réitération; inflorescences

    terminales sur des axes d'ordre élevé.

  • - 20 -

    de différenciations. Des inflorescences terminales se trouvent sur des

    axes plus faibles d'ordre élevé (fig. 5), dont la durée de vie plus brè-

    ve permet d'échapper à la destruction par l'insectec

    La morphogénèse de Co guianensis rappelle, par la croissance rythmique

    de ses axes et par ses inflorescences terminales, le modèle de SCARRONE

    (fig. 1), où nous l'avions classé (1970). Cependant, l'apparition de ses

    axes latéraux - la ramification lato sensu - est irrégulière dans le

    temps et mal définie dans l'espace. Cette ramification ne suit pas de sé-

    quence endogène ordonnée, ce qui la distingue de la ramification séquen-

    tielle observable au sein d'un modèle comme celui de SCARRONE. En fait,

    elle correspond plutôt à ce que l'on voit chez Carica papaya : la ré~téra

    tion d'un modèle à partir de méristèmes latéraux.

    Les inflorescences, terminales, indiqueraient que c'est le modèle de HOLT-

    TUM qui est réitéré chez C, guianensis. Pourtant, le tronc initial n'arri-

    ve jamais au stade de la floraison, contrairement aux branches. Le cas,

    très curieux, de Cerberiopsis candelabrum Vieill., Apocynacée arborescente

    néo-calédonienne étudiée par VEILLON (1971), est sur certains points, le

    complément de Carapa guianensis. Chez l'Apocynacée, tous les axes sont

    rigoureusement hapaxanthiques, tandis que les stades ultimes des séquen-

    ces de différenciation de ces axes sont si bien coordonnés, que tous

    fleurissent en même temps, rendant hapaxanthique cet organisme très ra-

    mifié.

    Nous reviendrons plus tard sur ces cas de transition, tout en employant

    dès maintenant les notions de ramification séquentielle et de réitération

    du modèle en examinant des cas de ramificat~on.

    o Les arbres du modèle de TOMLINSON (fig. 1) sont principalement desMonocotylédones dont tous les axes se conforment à l'un des deux modèles

    monocaules. Ces arbres en touffe sont importants en forêt guyanaise. On

    peut citer, par exemple, le Pinot (Euterpe oleracea Mart. - Palmae) at-

    teignant jusqu'à 20 mètres de hauteur, l'un des Balisiers (Phenakosper-

    mum guianense Endl. - Musaceae), qui ne dépasse pas les 10 mètres, mais

    aussi Geonoma stricta (Poit.) Kunth (Palmae), ne montrant qu'une hauteur

    de 50 centimètres. L'équivalence de tous les axes, et surtout leur autono-

    mie du fait qu'ils possèdent leurs propres racines, nous ont fait hésiter

  • - 21 -

    (1969), avec d'autres botanistes, entre les termes de rejets, tiges, branches

    -. "', etc,. En fait, d'après les considérations ci-dessus, nous pouvons

    les considérer comme des modèles réitérés, Mais, chez les arbres à tallage,

    ces axes trouvent leur origine dans une zone basale du tronc initial très

    bien localisée (Fig_ 6)"

    Cependant, certaines formes montrent une ressemblance significative avec l'

    architecture du modèle de TOMLINSON, sans pour autant le réaliser totalement,

    L'exemple de Myrcia bracteata (Rich.) D-C- (Myrtacede), arbrisseau du sous-

    bois, montre un tronc primaire qUi est une succession sympodiale de bases

    d'axes mixtes (modèle de TROLL, voir fig, i). Très tôt, des troncs surnumérai-

    raires du même type apparaissent près de la base du tronc initial (fig. 7).

    Cette basitonie caractérise surtout des arbustes tels que Sambucus sp.pL

    (Caprifoliaceae), les Sureaux, mais également des lianes comme Desmoncus

    orthacanthos Mart, (Palmae) ; les axes mixtes de cette espèce montrent quelques

    feuilles imparfaitement distiques à la base, puis des extrêmités différenciées

    en tiges souples, dont le méristème édifie des feuilles distiques, différen-

    tes des précédentes par la présence de crochets épineux.

    Il est à noter qu'une réitération basitone, chez d'autres modèles que celui

    de TOMLINSON, peut faire douter du caractère séquentiel de la ramification

    modèle initial -M.1

    Figure 6 Le modèle de TOMLINSON chez Euterpe oleracea Mart, (Palmae).

    Figure 7 Réitération basitone du modèle de TROLL (Myrcia bracteata

    (Rich.) D.C, - Myrtaceae).

    Figure 8 : Réitération du modèle de CHAMBERLAIN (Talisia spp. - Sapindaceae)

    convergence physionomique avec la réitération dans le modèle de COOK (Ryania

    speciosa Vahl var. bicolor D.C. - Flacourtiaceae).

    Figure 9 : Réitération du modèle de LEEUWENBERG après épaississement privi-

    légié de certaines filières d'articles; M, = modèle initial - R = réitéra-i c

    tion complète - R = réitération partielle,p

    Figure 10 = Réitération du modèle de KWAN-KORIBA

    R = réitération.

  • Mi111

    11

    11

    11

    11,,

    R

  • - 22 -

    chez ce dernier: il s'agit en effet d'un cas marginal, la limite entre

    ramification séquentielle et réitération du modèle n'étanc pas nettement

    tranchée, fait sur lequel nous reviendrons,

    o Les arbres du modèle de CHAMBERLAIN (fig, 1) sont relativement bien repré-sentés dans le sous-bois guyana~s, où des espèces des genres Talisia (Sapin-

    daceae) et Cedrela (Meliaceae) s 'y conforment, ains~ que Potalia amara Auhl.

    (Loganiaceae), Ce modèle est caractérisé par un tronc linéaire sympod~al où

    se relaient des article~+~apaxanthiquesà partir de méristèmes latéraux si-

    tués juste au-dessous des ~nflorescences apicales. Chez des p~eds plus âgés,

    deux relais ou plus se forment dans la même zone, au lieu de l'un~que axe

    séquentiel, Les relais surnuméraires se "(rouvent partois aussi en dehors de

    cette zone ou sur des parties plus âgées du tronc, Réalisant chacun de nou-

    veau le modèle, ~ls présentent un cas de ré~tération dont résulte l'archi-

    tecture de la figure 8, La physionomie rappelle alors celle d'un individu

    âgé représentant le modèle de COOK (f~g j ; vo~r p-33 ), tand~s que les

    architectures sont très différentes-

    o Le modèle de LEEUWENBERG (fig J) montre des articles morphologiquementéquivalents et acrotones- Sa structure se modifie avec l'âge: les art~cles

    sont, à partir d'un certain niveau, mo~ns nombreux que ne le suggérera~t

    l'extrapolation du modèle. Cette d~minution du nombre des relais a été suivie

    en détail chez Tabernaemontana crassa Benth" Apocynacée africaine étud~ée

    par PREVOST (1969), Chez des espèces guyanaises de ce genre, se comportant

    d'une façon analogue, nous avons remarqué une croissance en épaisseur dif-

    férentielle parmi les articles, Ceux qui sont privilégiés deviennent les

    plus massifs et portent un nombre de relais normal pour le modèle ; les su-

    bordonnés en portent beaucoup moins (fig. 9), et peuvent être éventuellement

    éliminés (voir p, ) ,

    Dans le modèle de LEEUWENBERG, on pourra~t soupçonner une même équivoque

    que dans le modèle de TOMLINSON : le système de relais représente-t-il une

    (+) Les articles sont des "un~tés morphogénétiques simples et constantes

    qui dérivent les unes des autres par un mécanisme sympodial Il (PREVOST,

    1967) ,

  • - 23 -

    réitération acrotone ou une ramificat~on séquentielle? L'apparition des

    relais est si bien déterminée dans l'espace et dans le temps, qu'il s'a-

    git, sans aucun doute, d'un véritable modèle arborescent à ramification

    séquentielle, ordonnée et prévisible. La réitérat~on du système ramifié

    entier, conforme au modèle (fig. 9) en est la preuve.

    Le modèle de LEEUWENBERG est très fréquent dans le sous-bois guyana~s

    Miconia sp.pl. et autres Mélastomacées, Psychotr~a sp.pl. et la plupart

    des Rubiacées-Psychotriées, Tabernaemontana sp.pl. (Apocynaceae) en sont

    des exemples. On trouve moins de grands arbres dans ce modèle; parmi les

    rares exemples, citons le plus important: le Bois St. Jean (Didymopanax

    morototoni (Aubl.) Decne et Planch. - Araliaceae - voir A. HLADIK, 1970).

    o Le modèle de SCHOUTE (Fig. 1) comprend des arbres à relais équ~valents,dont la limitation de croissance n'est pas liée à la floraison. Dans le

    cas des Palmiers ramifiés des genres Hyphaene, Nypa et Nanorrhops, et

    de Flagellaria indica L. (Flagellariaceae), TOMLINSON (1970, 1971) a cons-

    titué un dossier anatomique impressionnant qui met pratiquement hors de

    doute la nature véritablement dichotomique de la ramification chez ces es-

    pèces. Le seul exemple guyanais connu du modèle de SCHOUTE, Connarus fas-

    ciculatus (D.C.) Planch. (Connaraceae), dont nous avons récemment trouvé

    un matériel suffisamment abondant pour l'analyse, montre une architecture

    tout à fait différente.

    Connarus fasciculatus est un petit arbre cauliflore, à tronc grêle et

    à feuilles pennées, très grandes par rapport au tronc. Après la germina-

    tion, il pousse d'abord selon le modèle de CORNER, avec un unique axe

    à croissance rythmique. Le rythme s'y manifeste, comme chez la plantule

    monocaule de l'Hévéa (Hevea brasiliensis Muell. Arg. - Euphorbiaceae -

    HALLE et MARTIN, 1968), par une succession d'unités de cro~ssance sur les-

    quelles les grandes feuilles, d'abord rouges, molles et pendantes, se

    déplient et acquièrent leur rigidité pendant le repos du méristème termi-

    nal. Toutefois, chez la Connaracée guyanaise, la compétition "troph~que"

    (voir p. ) entre les grandes feuilles et le méristème est parfois lé-

    tale pour ce dernier. Il sort alors affaibli du repos, édifie encore une

    unité de croissance rudimentaire avec des feuilles très réduites, et

    meurt. Ce processus est probablement accéléré par l'activation d'un méris-

    tème axillaire de l'une des dernières grandes feuilles; ce méristème

  • - 24 -

    réitère le modèle.

    Il nous semble que les articles de Connarus fasciculatus méritent le

    nom de monopodes instables, S'agit-il vraiment d'un modèle? Il n'est pas

    possible de prévoir quand le méristème terminal disparaîtra, car, les ar-

    ticles montrent une à cinq unités de croissance. On peut seulement affir-

    mer qu'à cet instant, un relai subapical prendra la relève. s'il s'agit

    d'une séquence, celle-ci est imparfaitement définie. C. fasciculatus pré-

    sente donc encore un exemple où il est difficile de distinguer la réité-

    ration du modèle de la ramification séquentielle. Ceci souligne le carac-

    tère hétérogène du modèle de SCHOUTE, déjà signalé en 1970.

    a Le modèle de KWAN-KORIBA (fig. 1) est très proche de celui de LEEUWENBERG.En Guyane, ses représentants se trouvent plutôt dans la végétation ripi-

    cole, comme nous l'avons déjà souligné (1972), et dans la végétat~on secon-

    daire, où l'on note Croton sp. ind. (Euphorbiaceae, commun à Saül), et

    Himatanthus articulatus (Vahl) Woods. (Apocynaceae). En forêt, Aparisth-

    mium cordatum Baill. (Euphorbiaceae) se conforme au modèle de KWAN-KORIBA.

    Les jeunes arbres de ce modèle montrent la différenciation tardive d'un

    seul article de tronc parmi les articles du pseudo-verticille de relais.

    Les autres forment des branches, tandis que l'enchaînement sympodial des

    articles de tronc constitue une tronc unique. Plus tard, on constate la

    différentiation d'un plus grand nombre d'articies de tronc dans un même

    pseudo-verticille. Ces articles surnuméraires réitèrent le modèle ; ils

    sont hors séquence car imprévisibles avec la seule donnée du modèle

    initial. On notera la convergence physionomique entre les arbres des mo-

    dèles de LEEUWENBERG (fig, 9) et de KWAN-KORIBA (fig. 10), quand une réi-

    tération prolifique a eu lieu.

    a Nous ne connaissons le modèle de PREVOST (fig. 1) en Guyane que par denombreuses espèces du genre Cardia (Boraginaceae), dans la végétation ri-

    picole marécageuse, en sous-bois et parmi les arbres forestiers moyens.

    Chez les espèces du sous-bois, les articles de branches sont très spécia-

    lisés, et l'on ne trouve de réitération du modèle qu'à partir de méristè-

    mes latéraux du tronc. Chez les arbres moyens, comme Cordia tetrandra

    Aubl., les bourgeons aux aisselles des feuilles dorsales des articles

  • - 25 -

    de branches engendrent des axes orthotropes. pouvant se développer en

    petits troncs surnuméraires réitérant le modèle. ou porter très rap~dement

    des inflorescences.

    o Le modèle de FAGERLIND (fig. 1) caractérise plusieurs espèces du sous-

    bois guyanais: Quararibea turbinata Poir. in Lam. (Bombacaceae). Miconia

    sp. (Melastomaceae). et Conohoria sp-pl, (Violaceae ; le genre est parfois

    inclus dans Rinorea). Dans les végétations ripicoles et seconda~res.

    Quararibea guianensis Aubl. (Bombacaceae) et Duroia sp.pL (Rubiaceae)

    présentent ce modèle.

    La réitération peu abondante se produit généralement à partir de méris-

    tèmes latéraux sur le tronc. entre les étages de branches articulées.

    Chez Quararibea turbinata. nous avons cependant constaté la présence de

    modèles réitérés sur les bases de branches d'individus âgés il pour-

    rait s'agir de néoformations de méristèmes. car sur l'article normal.

    aucun bourgeon n'existe. à part celui qui. axillé par la seule feuille

    de chaque article - la préfeuille oç - édifie l'article suivant,

    Les Conohoria constituent un cas cur~eux. Leur tronc est un monopode ins-

    table (cf. p. 24). Après l'ébauche d'un étage de branches. plusieurs méris-

    tèmes latéraux. axillés par des écailles. sont produits sur le tronc avant

    l'entrée en repos de l'apex. Les entrenoeuds restent courts dans cette

    zone: on trouve. en dessus des jeunes branches. un plateau sur lequel

    quelques bourgeons sont disposés en spirale autour du méristème terminal

    dormant (fig. II).

    Figure Il : Conohoria sp.pl. (Violaceae - modèle de FAGERLIND).

    Sommet d'un tronc. portant quelques bourgeons entourant l'apex. Chacun

    de ces bourgeons peut poursuivre la croissance en hauteur : le tronc est

    un monopode instable. A.- Vue d'en haut; B.- Vue latérale.

    Figure 12 Réitération (R) du modèle de RAUH. à partir de méristèmes la-

    téraux ou d'apex de branches.

  • A

    ®

    ®

  • - 26 -

    Trois solutions existent pour la continuation de la cr01ssance en hauteur

    et apparaissent avec des fréquences comparables : le méristème terminal

    peut reprendre son activité, les autres restant en repos ; le méristème

    terminal peut se réactiver en même temps qu'un ou deux bourgeons voisins

    qui réitéreront le modèle; enfin, le méristème terminal peut mourir, tan-

    dis qu'un ou plusieurs bourgeons périphériques réitèrent le modèle, Les

    Conohoria appartiennent au modèle de FAGERLIND, parce que, le plus souvent,

    le méristème survit, Pourtant, la tendance au tronc sympodial suggère une

    comparaison avec les modèles de PREVOST, de KWAN-KORIBA et de NOZERAN

    cf. fig. 1).

    Quelques Annonacées, telles que Fusaea longifolia Aubl, , arbre moyen ou

    petit, et un arbrisseau d'un mètre de haue, d'un genre probablemenc nouveau

    o pour la Guyane (herbier OLDEMAN 3066, CAY, P), se conforment au modèle dePETIT (fig. 1), ainsi que de très nombreuses espèces du genre Piper

    (Piperaceae). Il est rare que de telles plantes réitèrent leur modèle

    si tel est le cas, la réitération a lieu à partir de méristèmes latéraux,

    généralement à la base du tronc. Chez Piper cf, augustum Rudge, ces modè-

    les réitérés forment rapidement leurs propres racines et deviennent ainsi

    relativement autonomes,

    o En forêt guyanaise, le modèle d'AUBREVILLE (fig. 1) est très important.S'y conforment surtout des arbres grands ou moyens, comme Terminalia

    (Combretaceae) et Manilkara, Pouteria ou Prieurella (Sapotaceae). Sur un

    tronc monopodial à croissance rythmique, ces arbres portent des étages de

    branches articulées. Les articles ne sont pas définis par une inflorescen-

    ce terminale, mais par le fonctionnement très ralenti de leurs apex: chez

    certaines espèces (cf. Terminalia amazonia Exell), on serait tenté de

    parler d'un comportement en rameau court de ces parties distaleso Quand

    ce phénomène s'exprime forcement, la séquence de différenciations est

    stricte et la définition du modèle ne pose aucun problème,

    Il existe cependant de nombreux cas marginaux, tel Pachira aquatica

    Aubl. et P. insignis Sav. (Bombacaceae), où la croissance des articles est

    bien plus lente que celle du tronc, mais nullement brachyblastique.

    Quand on observe un pied à croissance particulièrement vigoureuse, on

  • - 27 -

    est enclin à l'interpréter selon le modèle de RAUH (cf. fig. 1), La va-

    leur de points de repère des modèles architecturaux (cf. p. 15) est 1C1

    parfaitement illustrée.

    La réitération du modèle d'AUBREVILLE ne se produit pas seulement à par-

    tir de méristèmes situés sur le tronc ou les branches - en particulier

    sur les parties basales de leurs articles - mais encore, par la dédiffé-

    renciation de méristèmes terminaux de ces articles. Nous avons déjà exposé

    ces phénomènes dans une étude de la forêt ripicole (1972).

    o Le modèle de SCARRONE (fig. 1) est caractérisé par un tronc monopodial,à croissance rythmique, avec des branches orthotropes à inflorescences

    terminales, qui forment des complexes sympodiaux, mais non articulés. Ce-

    ci tient à ce que la floraison intervient après une période végétative

    dont la durée n'est pas fixée, de sorte que le nombre d'entrenoeuds

    produits peut être très différent d'un axe à l'autre.

    Des cas de néoténie ont été constatés par SCARRONE (1969) chez de jeunes

    Manguiers (Mangifera indica- L. - Anacardiaceae), monocaules et portant

    une inflorescence terminale. Les arbres de ce modèle montrent un manque

    de stabilité méristématique du tronc, observé par SCARRONE (1971) chez la

    même espèce, et visible en Guyane dans l'architecture des Spondias sp.pl.

    (Anacardiaceae) et des Fagara sp.pl. (Rutaceae). Tout ceci indique une

    séquence de différenciations très floue dans le modèle de SCARRONE. Ce

    modèle reste cependant nécessaire comme point de repère architectural,

    à cause du nombre d'espèces occupant cette position intermédiaire entre

    les modèles de LEEUWENBERG et KWAN-KORIBA, et celui de RAUH, comme nous

    l'avons déjà exposé (1970). Pourtant, nous conna1ssons aUSS1 l'exemple de

    Triplaris surinamensis Cham. (Polygonaceae), chez lequel le modèle de

    SCARRONE est plus stable.

    o Le modèle de RAUH (fig. 1), différant seulement de celui de SCARRONE parses inflorescences latérales, montre une séquence de différenciations,beaucoup plus stricte, analysée par F. HALLE et MARTIN (1968) chez l'

    Hévéa (Hevea brasiliensis Muell. Arg.- Euphorbiaceae). Une longue liste

    d'exemples peut illustrer l'importance de ce modèle en forêt guyanaise;

  • - 28 -

    nous nous limitons ici aux genres Couma (Apocynaceae), Protium, Tetragas-

    tris, Trattinickia (Burseraceae), Carpotroche (Flacourtiaceae), Aniba

    (Lauraceae), Bagassa, Cecropia, Pourouma (Moraceae) et Sterculia (Stercu-

    liaceae), dans lesquels de nombreuses espèces représentent le modèle de

    RAUH.

    Il importe de ne pas confondre les intermédiaires entre les modèles d'AU-

    BREVILLE (p. 26), et celui de RAUH, avec les structures axiales convergen-

    tes, qui font que les extrêmités de branches âgées du modèle de RAUH, com-

    posées d'axes réduits, parce que d'ordre élevé, ressemblent aux branches

    du modèle d'AUBREVILLE, composées d'emblée d'articles réduits, comme l'im-

    plique la séquence de différenciations (cf. p. 26 ).

    La réitération du modèle est analogue chez le modèle de RAUH et de SCAR-

    RONE. Elle se produit à partir de méristèmes situés sur le tronc, entre

    les étages de branches, ou sur les branches, mais elle peut également

    procéder de la dédifférenciation d'un méristème terminal de branche (fig.

    12). La dédifférenciation implique, dans le modèle de SCARRONE, que la

    floraison terminale de l'axe soit retardée, parfois ad infinitum. L'équi-

    valence de tous les axes aériens, qu'ils soient séquentiels ou réitérés,

    confère au modèle de RAUH, une remarquable souplesse morphogénétique,

    d'où probablement l'abondance de ce modèle.

    a Le modèle d'ATTIMS (fig. 1) diffère du précédent par sa ramification con-tinue ou diffuse, et ne comprend que de très rares espèces guyanaises.

    La réitération de ce modèle s'effectue rarement sur le tronc; le plus

    souvent, elle intervient par la dédifférenciation d'un méristème de bran-

    che - cas courant chez le Gaiac de Cayenne, Dipteryx odorat a (Aubl.)

    Willd., Caesalpinioidae - ou par l'activité hors séquence de méristèmes

    sur les branches. Ce dernier processus est habituel chez le Palétuvier

    rouge, Rhizophora sp.pl. (Rhizophoraceae), où les modèles réitérés forment

    souvent leur propre système racinaire en envoyant des échasses vers le

    sol boueux. Comme on l'a vu chez le modèle de TOMLINSON (p. 17), de telles

    racines rendent le modèle réitéré pratiquement autonome.

    TOMLINSON (1972) constate, chez Rhizophora mangle L. (Rhizophoraceae),

    du modèle d'ATTIMS, l'existence d'une "certaine périodicité" dans la

  • - 29 -

    formation de branches, malS de telle sorte que "in this tree ..... the unit

    of growth should be regarded as the internode itself rather than an "an-

    nual" shoot increment with many internodes ..... ". Le nombre d'entrenoeuds

    sur un même ar'bre étant très élevé, on voit que la "situation initiale"

    est si compliquée (cf. pp. 6 - 7 du présent travail), que le résultat, au

    nlveau du modèle, devient "statistique". Ce fait figure dans la définition

    du modèle d'ATTIMS, où il est indiqué comme une ramification diffuse.

    Sur le plan théorique, c'est ainsi que l'on peut définir la différence

    entre la séquence du modèle d'ATTIMS, constituée de très nombreuses peti-

    tes étapes, et celle du modèle de RAUH, contenant un nombre réduit de gran-

    des unités de croissance, traduites par une ramification rythmique.Nous

    reviendrons sur la ramification continue lors de l'examen du modèle de

    ROUX (p. 31)

    Une nouvelle différenciation axiale, la plagiotropie, apparaît avec le

    o modèle de NOZERAN (fig. 1). La notion de plagiotropie ne constitue pasplus que nos autres conceptions architecturales, une catégorie contrai-

    gnante , car il existe des intermédiaires entre les axes orthotropes et

    plagiotropes (voir MASSART, 1923). D'autre part, le rôle de l'inflorescen-

    ce dans l'architecture arborescente devient accessoire, du moment qu'elle

    se produit sur une branche plagiotrope ; la position de l'inflorescence

    reste importante pour comprendre ces axes, mais peut être écartée en tant

    que critère du modèle arborescent. Elle n'intervient désormais qu'à un

    niveau plus fin que celui de l'arbre entier.

    D'après nos connaissances actuelles, le modèle de NOZERAN est plus rare

    dans l'Ancien Monde qu'aux Amériques : en Guyane, il est représenté par

    de grands arbres forestiers, comme le Maria-congo, Geissospermum sericeum

    (Sagot) Bth. (Apocynaceae), le Méquoi, Minquartia gu