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  L'ART N'EST PAS L'ARCHITECTURE  Martine Bouchier in Chris Younès , Art et phi losophie, ville et arch itecture  La Découverte | Armillaire 2003 pages 104 à 118  Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/art-et-philosophie---page-104.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Bouchier Martine, « L'art n'est pas l'architecture », in Chris Younès , Art et philosophie, ville et architecture La Découverte « Armillaire », 2003 p. 104-118. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte. © La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.    D   o   c   u   m   e   n    t    t    é    l    é   c    h   a   r   g    é    d   e   p   u    i   s   w   w   w  .   c   a    i   r   n  .    i   n    f   o      U   n    i   v   e   r   s    i    t    é    P   a   r    i   s    8        1    9    3  .    5    4  .    1    7    2  .    1    2    4      0    2    /    0    5    /    2    0    1    4    1    5    h    4    3  .    ©    L   a    D    é   c   o   u   v   e   r    t   e D m e é é g d s w c r n n o U v s é P s 8 1 5 1 1 0 0 2 1 © L D e

L'art n'est pas l'architecture

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L'art n'est pas l'architectureMartine Bouchier

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  • L'ART N'EST PAS L'ARCHITECTURE Martine Bouchier

    in Chris Youns , Art et philosophie, ville et architecture La Dcouverte | Armillaire 2003pages 104 118

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/art-et-philosophie---page-104.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Bouchier Martine, L'art n'est pas l'architecture , in Chris Youns , Art et philosophie, ville et architectureLa Dcouverte Armillaire , 2003 p. 104-118. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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  • Lart nest pas larchitecture

    par Martine Bouchier

    Si quelque chose dans la consciencedes hommes daujourdhui a valeurdAbsolu ou dInfini, ce nest plus la puis-sance de Dieu ou la puissance de la nature,ni mme les prtendues puissances de lamorale ou de la culture : cest notre proprepuissance. la cration ex nihilo, qui taitune manifestation domnipotence, sestsubstitue la puissance oppose : la puis-sance danantir, de rduire nant, etcette puissance, elle, est entre nos mains.

    Gnther ANDERS 1

    Il y a quelque temps dj que la relation art(s)/architecture acommenc faire parler delle et interroger les artistes, lesarchitectes, les philosophes. La raison principale de cette mer-gence est un intrt accru pour les questions poses par linter-disciplinarit et par le rexamen de leur identit, de leurautonomie, du statut de leurs limites par les savoirs. Il mesemble donc important de prciser demble que dans le champdes arts plastiques, les relations interdisciplinaires seffectuentdans une dynamique de proximit et dans le face--face dunerelation binaire qui se dcline en termes de transfert,

    1. Gnther ANDERS, LObsolescence de lhomme. Sur lme lpoque dela deuxime rvolution industrielle (1956), Paris, ditions de lEncyclopdiedes nuisances/ditions Ivrea, 2002, p. 266.

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  • dinteraction, de solidarit ou, linverse, de confrontation, derapports de forces, de dngation, et parfois mme de repli. Siles relations des arts questionnent les catgories esthtiques ense dveloppant dans des zones floues o se ddoublent leursfrontires et se redessinent sans cesse leurs contours, elles rin-ventent et recrent aussi dans une communaut dchanges etde passages, prcisment lendroit de leurs limites, la singula-rit et la multiplicit des mondes pour exhiber, comme le ditNelson Goodman, de nouvelles dimensions de la disparit.

    Le contexte transdisciplinaire a t analys et explicit parTheodor W. Adorno dans la clbre confrence de Genve de1967 o il a soulign la fluidification des frontires entre lesarts, leur effrangement et leur dissolution. Lart est, selon lui,devenu de moins en moins esthtique au XXe sicle et aucundes arts nchappe une indiffrenciation croissante conci-dant presque toujours avec un mouvement des formes tendant capturer une ralit extrieure lesthtique 2. Ainsi, dans larelation art(s)/architecture, lart et larchitecture se recouvrentdeux--deux lendroit de leurs limites et il suffit de peu pourquils basculent de lautre ct. Cependant, leur rsistance lhomognit ouvre la perspective dun autre lieu, dun troi-sime domaine de connaissance mis distance et maintenu horsde cette fausse et illusoire unit. Sauf le considrer par langative, ce lieu constitue un filtre au travers duquel se red-finit chacun des arts et il lui revient dtablir la mdiation etlarticulation entre les ides et les phnomnes qui distinguentces diffrents domaines de la culture 3.

    Historiquement, dans le champ des arts plastiques, la rela-tion de lart larchitecture sest ralise dans un enchanementmcanique de causes et deffets et par un jeu sur leurs fron-tires. Comme un pendule condamn loscillation, le destin de

    2. Theodor W. ADORNO, Lart et les arts , dans LArt dans la socitdaujourdhui, Rencontres internationales de Genve 1967, Neuchtel, Lesditions de la Baconnire, 1968, p. 40-55.

    3. De nombreuses publications et manifestations culturelles organisesdepuis plus de dix ans tudient les relations art et architecture, art et ville, villeet architecture, art et paysage, paysage et architecture, art et nature et bien plusrarement voire jamais les relations trois termes, art, architecture,paysage ou art, architecture, ville.

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  • lart sest manifest dans des mouvements centriptes dappro-priation et de recyclage impliquant en retour des phnomnesde croissance ou de dilatation et la colonisation de territoiresextrieurs lart. Lart du XXe sicle semble en effet battrecomme systole et diastole, entre une inclusion de donnesexognes qui contribuent lenrichissement de son champ etune expansion hors de la sphre dinfluence balise par lesystme des beaux-arts. Cest ainsi que, voulant sortir de sescadres, la sculpture a, selon Rosalind Krauss, largi son champ celui du paysage dans les formes du land art et des earth-works, et import dans son territoire ainsi augment (expendedfield) des readymades de toutes sortes, des vgtaux, des frag-ments architecturaux ainsi que des processus de production.

    Dpassant la seule aire dexercice de la relation art/paysage,on peut noter dans cette perspective les transferts les plusmarquants du XXe sicle : citons, ple-mle, les exprimenta-tions de Kurt Schwitters qui faisait de la peinture en clouant ses tableaux, la relation art/vie quotidienne intrinsque auxcollages dadastes et les assemblages cubistes o sont intgrs,au sein mme de luvre, des fragments issus de la ralitquotidienne : papier peint, papier journal, tickets de tramway.Citons encore Marcel Duchamp niant la structure circonscritedes arts par lintroduction des clbres objets manufactursdevenus ds lors les icnes de lart moderne, la substitution duterme de cration par celui de production issu de lindustrie,enfin, lintrusion dans luvre dun tre vivant et mobile : lespectateur qui jusqualors avait t maintenu hors de porte deluvre dans la distance dune approche essentiellementvisuelle. La porosit des limites, les ruptures de frontire, lesempitements de problmes, la mise en circulation de concepts nomades ont fcond et enrichi les domaines jusquicispars, parfois jusqu lhybridation de leurs formes ; DanGraham, qui un journaliste demandait si ses Pavillons taientde la sculpture ou de larchitecture, rpondit ceci : Ils sont larencontre impossible entre Venturi et Mies Van der Rohe. Cesont des hybrides. Comme lart actuel qui se trouve de plus enplus dans cette situation limite.

    En 1910 dj, dans le chapitre Architecture de ses chro-niques viennoises, Adolph Loos interrogeait la nature artis-tique de larchitecture en la comparant luvre dart :

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  • Aujourdhui la plupart des maisons ne plaisent qu deuxpersonnes : au propritaire et larchitecte. La maison doitplaire tout le monde. Cest ce qui la distingue de luvre dart,qui nest oblige de plaire personne []. Luvre dart estpar essence rvolutionnaire, et la maison est conservatrice.Luvre dart pense lavenir, la maison au prsent. Nousaimons tous notre commodit. Nous dtestons celui qui nousarrache notre commodit et vient troubler notre bien-tre.Cest pourquoi nous aimons la maison et dtestons lart. Maisalors la maison ne serait pas une uvre dart ? Larchitecture neserait pas un art ? Oui, cest ainsi. Il ny a quune faible partiedu travail de larchitecte qui soit du domaine des beaux-arts :le tombeau et le monument commmoratif. Tout le reste, toutce qui est utile, tout ce qui rpond un besoin doit tre retranchde lart 4. La question souleve par Adolf Loos reste duneactualit vivace et nous interroge encore aujourdhui, car, silarchitecture a pu tre considre comme un art, les contextesactuels de sa production et ceux de sa rception par un publicou par la critique ne permettent plus de laffirmer comme tel.Comment en effet penser larchitecture en tant quart contem-porain si lon retient comme principal fait historique la substi-tution des mdiums (pictural, sculptural) par lacte crateur ?Comment penser larchitecture ds lors que lart ne se mani-feste plus ncessairement dans un contact vivace avec lamatire, avec sa rugosit, sa rsistance, mais plutt dans lesprocessus dlaboration, dans la conception ainsi que dans lapossibilit pour luvre de trouver un accomplissement danslide et non plus uniquement dans une forme ralise dans lerel ? Si lon veut comprendre lidentit de larchitecturecomme art, discipline artistique et uvre dart en identifiant sesdimensions artistiques, il semble ncessaire de la soumettre un questionnement esthtique et historique et de la confronteraux problmes soulevs par lvolution des pratiques artis-tiques au XXe sicle dont on va voir quelles travaillent les seuils

    4. Adolf LOOS, Architecture (1910), Paroles dans le vide Chro-niques crites loccasion de lExposition viennoise du Jubil (1898) Autres chroniques des annes 1897-1900 Malgr tout (1900-1930),Paris, ditions Ivrea, 1994, p. 226.

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  • et constituent par transferts, traverses et passages une relationart(s)/architecture.

    Pour que lnonc ceci est de lart soit avr, Thierry deDuve 5, propose quatre conditions concomitantes et ncessairesauxquelles nous pourrions notre tour confronter larchitec-ture : il faut un objet servant de rfrent, un auteur ayant uneintention dlibre duvrer dans le champ de lart, cest--dire une instance subjective qui indique lobjet comme tantde lart, il faut un public distinct de lauteur et enfin une institu-tion, cest--dire un dispositif dcisionnel, un cadre dont lafonction est dentriner les trois premires conditions. Pour sapart, Nathalie Heinich donne une dfinition plus circulaire etplus tautologique de la valeur artistique : Lart nest riendautre que ce que produit lartiste, qui lui-mme se dfinit parsa capacit produire des uvres dart 6. Dans un entretienavec Volker Harlan intitul Quest-ce que lart ? (1986),Josef Beuys postule quant lui que la pense est elle seuledj un processus sculptural, un vritable acte crateur, ralispar lhomme, par lindividu lui-mme sans quil ait t inculqupar une quelconque autorit 7. Beuys affirme dans ce propos savolont de rompre avec toute extriorit et notamment avec lesgrands rcits constitutifs de lhistoire de lart. Le pass nestplus appropri et son inactualit peut se rsumer en quelquesides qui constituent autant de brches permettant lartdoprer ses transferts vers dautres champs dexprimentationet notamment vers larchitecture. Parmi celles-ci : leffondre-ment de la mimesis (ni la sculpture ni la peinture ne cherchentplus traduire le rel ou copier la nature), la dconstructionde lespace perspectif par le cubisme et lclatement de lobjetpar la prise en compte dune pluralit de points de vue, la subs-titution des techniques artistiques traditionnelles par des tech-niques nouvelles comme le dripping de Jackson Pollock, lapeinture avec les pieds de Shiraga, la peinture sans peinture de

    5. Thierry DE DUVE, Rsonances du readymade. Duchamp entre avant-garde et tradition, Nmes, ditions Jacqueline Chambon, 1989, p. 19.

    6. Nathalie HEINICH, LArt contemporain expos aux rejets tudes decas, Nmes, ditions Jacqueline Chambon, 1997, p. 9.

    7. Joseph BEUYS, Volker HARLAN, Quest-ce que lart ? (1986), Paris,ditions de lArche, 1992, p. 34.

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  • John Baldessari, enfin, lmergence dattitudes, les mises ensituation et la prise en compte du lieu dexposition commenouvelles figures de luvre. La position radicale de Beuys, etde tant dautres artistes aprs lui qui ont reconsidr le rle delartiste dans la socit, a consist riger en ncessit internela liaison art/vie, art/socit, et a ainsi attir lart vers larchitec-ture qui demeure, malgr les multiples dispositifs artistiquescontemporains ouverts la vie et au social, lart le plus ancrdans la ralit civique et politique. Le fait quaucune formedart nest plus structure par lobjectivit des rcits majeurs delhistoire de lart entrine la situation du tout est possible qui caractrise notre contemporanit.

    Nous pouvons lgitimement nous demander commentlarchitecture est implique dans ce quArthur Danto nomme lecontexte de lart posthistorique 8 , cest--dire un tat delibert permettant aux artistes dchapper langoisse desprjugs historiques en choisissant parmi les multiplesmdiums disponibles celui ou ceux qui seront le plus mmede construire leur identit et de devenir ainsi ce quils dsirenttre, en loccurrence des individus responsables du point de vuethique, esthtique et politique. Linstallation, lin situ, lartenvironnemental attestent que larchitecture possde la capa-cit accueillir en elle dautres domaines artistiques et il estparfois difficile, voire impossible, de distinguer o commencelespace de luvre dart et o se situent les limites du conte-nant architectural. En tant que mur utilis comme support dunepeinture au chssis fragment ou la toile absente, sol-supportdune sculpture ayant depuis longtemps perdu son socle, piceplonge dans le noir pour la prsentation dune uvre multi-mdia et, plus gnralement, en tant que lieu dexposition,larchitecture constitue un continuum spatial dont lambigutstimule les artistes et les commissaires dexpositions. De plus,lart emprunte largement larchitecture ses archtypes, sestypologies, ses dispositifs spatiaux et espaces intrieurs. Appa-reillages, composants, lments structurels ou dcoratifs, igloo,cabane, tente, cellule, pavillon, tour, coin, seuil et corridor,portes et fentres, colonne, arcs en plein cintre, mur, cloison ou

    8. Arthur DANTO, LArt contemporain et la clture de lhistoire (1997),Paris, Seuil, 2000.

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  • parquet, papier peint et rideaux ont t dtachs par les artistesdes ensembles qui les englobaient et auxquels ils donnaient senset cohrence. ces lments formels ou spatiaux spcifique-ment architecturaux viennent sajouter les processus de consti-tution des uvres, les modes de reprsentation comme lamaquette ou le dessin en plan/coupe/lvation, ainsi que lesnotions dusage ou dhabiter qui, gnralement, par leur appar-tenance au domaine de la fonctionnalit, distinguent larchitec-ture de lart et lattirent vers le non-art. Ces concepts ont tinvestis par lart de telle sorte quils ne suffisent plus dter-miner lidentit de larchitecture sur les bases de leurs diff-rences. Lazlo Moholy-Nagy, Kurt Schwitters, Jesus RaphaelSotto, Daniel Buren, Dan Graham, Alice Aycock, RachelWhiteread, Mary Miss ou Lucy Orta et bien dautres artistesencore ralisent des uvres fondes sur la mise en scne duneintriorit et sur lexprience du passage littral de lespace rel lespace de luvre. Les artistes nous montrent que larchitec-ture nest plus le seul art constitu dune forme enveloppantelabore sur une tension entre intrieur et extrieur, quellenest plus seule construire un espace qui dborde sur sondehors, efface les limites par lamnagement de seuils quiappellent le pas franchir lentre-deux territoires.

    Lhistoire rcente de la relation art(s)/architecture, dont jesitue lorigine dans lesthtique de Hegel, se dessine en suivantun itinraire dont il nest pas sans intrt de dgager la voie.Linfluence hglienne sur la forme, les contours et particuli-rement sur la dynamique de cette voie sincarne dans le travaildu ngatif, cr par Hegel et repris par la psychanalyse. Il sagitdun mcanisme dcisif dans laffirmation dune identit ou aucontraire dans la ngation de lide de frontire entre desdomaines spars. Ainsi, la mise en perspective de lart et delarchitecture donne lieu un constat prcis de leurs relationsqui slaborent dans des rapports directs ou indirects par rf-rence lautre, mais aussi par rfrence leur domaine internepos comme un tout lintrieur de ses limites. Je soutiens eneffet lide quun antagonisme rciproque et fondamental, unestructure dattraction-rpulsion conditionnent les oprationsesthtiques et productrices de ce que lon peut appeller la rela-tion art(s)/architecture. La mise en uvre du travail du ngatifconstitue le moteur principal du dveloppement de cette

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  • relation et lon peut reprer trois moments historiques deproblmatisation dterminant eux-mmes, leur tour, troisfigures de larchitecture : le moment hglien organise la rela-tion art(s)/architecture selon une structure hirarchise danslaquelle larchitecture est relgue au statut infrieur de soubas-sement ou, pour employer un terme plus adquat au domainedes arts, de socle sur lequel sont poss les arts et partir duquelils slvent. Le moment moderne, de Wagner aux premiresavant-gardes, se caractrise par des dynamiques de rapproche-ment, de fusion, de synthse ou dintgration, qui rsultent dunnouveau point de vue de lart sur larchitecture quil considrecomme paradigme, comme modle imiter. Enfin, le momentpost-historique voit depuis les annes 1960-1970, le travail dungatif refaire surface et intervenir de faon essentielle dans ladtermination par la ngative de lidentit de lart. Ainsi,Donald Judd donne une dfinition ngative des SpecificObjects, comme tant ni de la sculpture ni de la peinture, RobertMorris caractrise, non sans une certaine ironie, la sculpturecomme tant ce dans quoi lon bute quand on recule pourtrouver le meilleur point de vue sur une peinture, RobertSmithson invente le concept de non-site pour dfinir, par langative, la fois le retrait, la soustraction de matire effec-tue dans un site, son transfert et son actualisation dans unegalerie. Enfin, pour Rosalind Krauss, hglienne et greimas-sienne, le jeu de la ngativit permet de dfinir le land artcomme la combinaison de deux exclusions en le suspendantentre deux domaines proches : il est la fois non-paysage etnon-architecture. Nous verrons plus loin, comment, la suitede ces positions, la mise en uvre du ngatif dans le momentcontemporain va sexacerber dans des actes de destruction quiidentifieront finalement larchitecture comme altrit dpasser, effacer ou dtruire.

    Mais revenons un temps en arrire pour dtailler les mca-nismes de fonctionnement de la relation art(s)/architecture. Lahirarchie hglienne est un difice vertical (une pyramide, unetour) construit selon une perspective de progrs conduisant lesprit absolu, cest--dire laccomplissement le plus lev delart et de lhomme. Son principe de fonctionnement montrelordre de la fondation et de la construction et rvle tout autantla possibilit dun rassemblement des arts, de leur cohsion que

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    Valeria Tellez

  • le risque de leur dsunion, de leur parpillement et de leffon-drement. Sachant quun difice est toujours menac par lactionde forces dstructurantes, par le danger de la chute ou delcroulement, Hegel a appareill les arts, les a chans, vissspour les maintenir ensemble. Partant de larchitecture commesol originaire stable, solide, fond, prenne, il pousse vers lehaut le systme en ritrant un effort de diffrenciation untravail du ngatif qui porte et fait passer successivementles arts de larchitecture la sculpture, de la sculpture la pein-ture, de la peinture la musique jusqu la posie o la forme,devenue idalement sans forme, se dissout dans lesprit. Distan-ciant et dpassant lart prcdent, chaque art corrige les dfautsde larchitecture par une nouvelle victoire sur la matrialit etpar un gain dautonomie sur les fonctions et les usages. Niantla valeur de ltage prcdent sur lequel il sappuie, le dispo-sitif hglien dissout progressivement la prsence sensible etmatrielle de lart et identifie rtroactivement larchitecturecomme sol ou soubassement en de duquel il ny a plus dartsmais seulement des techniques. Fondamentalement rfractaire la dissolution, larchitecture apparat comme une part cache ourefoule de lart, elle est crase par le poids de la superstruc-ture et constitue, par la ngative , lidentit idale des artscomme facult de diffrenciation et de rapprochement delesprit absolu. Lart qui slve nest pas larchitecture qui tend linverse vers son point le plus bas, et cet antagonisme fonda-mental prserve le systme du risque dhomognisation. Larta besoin de quelque chose dhtrogne, de quelque chosedtranger comme larchitecture, il a besoin de se confronter aunon-art pour devenir entirement de lart. Avec Hegel, le travaildu ngatif est donc double car simultanment il rassemble etspare. Il est mdiation quand il opre, par une sorte de fonduenchan cinmatographique, la liaison entre les arts. Il estdisjonction quand il met en uvre des forces de sparationtelles que puisse toujours, dans un cart maintenu, saffirmer ladiffrence des arts. Ce double jeu de correspondance/dissem-blance constitue finalement la relation art(s)/architecture dansle systme hglien, il quivaut galement une relation entreart et non-art.

    Le second moment remet en cause lorganisation verticale dela hirarchie hglienne. Les artistes de la premire avant-garde

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  • simpliquent dans un remaniement gnral visant la ralisationde lunit de la socit travers lunification des arts. Il nesagit plus de classer les arts sur un mode majeur mais deconstruire un modle horizontal et dhirarchis permettantdtendre leur rayonnement le plus largement possible dans lasocit, de lustensile la ville, selon la formule bien connueemploye par Walter Gropius dans le Manifeste du Bauhaus.Prescrivant un contexte fonctionnel quelle contribue former,larchitecture est alors considre avec empathie par les artsmanifestes et devient le paradigme dun processus de produc-tion et dune conomie de projet. Objet dun rapport didentifi-cation, elle se voit rhabilite en tant quart part entire,retrouve une aura lui permettant de quitter la position dinfrio-rit dans laquelle lavait maintenue le systme hglien. Cenouveau point de vue de lart sur larchitecture va favoriserlouverture littrale de lespace des uvres et lmergence dedispositifs exemplaires comme le Relief en coin de W. Tatlindont lespace interne se mle celui de larchitecture dans unecontinuit fusionnelle qui djoue toute ide de limite, lesespaces Proun de El Lissitsky, vritables uvres dart totaloffrant pour la premire fois au spectateur la possibilit de vivreune exprience corporelle de luvre dart en linvitant sedplacer en elle comme dans une promenade architecturale etenfin, le Licht-Raum-Modulator de Lazslo Moholy-Nagy o,dsintgre par un mouvement rotatif et par la lumire, la formesculpturale se projette hors de ses propres limites jusquau lieuidentifi et nomm par Wladyslaw Strzeminski comme la limite-limitante de la sculpture, cest--dire lenveloppearchitecturale 9.

    Paralllement et en raction ce mouvement douverture, decirculation et dexpansion de lart, se dveloppe un principeinverse de dlimitation, de rduction et de concentration desuvres sur leur essence. Cherchant redfinir lidentit de larten procdant des coupes svres parmi les liens qui les unis-sent toutes formes dextriorit et rduisant notamment ladiversit des mdiums travers lesquels sexprime la notiondart, les artistes oprent un retour aux choses mmes. Malvich

    9. Wladyslaw STRZEMINSKI et Katarzyna KOBRO, LEspace Uniste. critsdu constructivisme polonais, Lausanne, Lge dHomme, 1977, p. 80.

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  • par exemple, avec le Carr blanc sur fond blanc, atteindra en1918 un espace homogne, uni, objectif et autorfrent, vri-table paradigme de la question critique souleve par larecherche du degr zro comme amorce dune solutionnouvelle pour lart, la culture ou la socit. De son ct, en1925, combattant le mouvement dcoratif, Le Corbusier mili-tera pour le retour la simplicit dun proto-langage dont lesfigures archtypales sont la fois des rfrences thiques dunefaon dtre au monde et une esthtique de lexistence : le laitde chaux, enduit des habitations populaires, et Diogne, philo-sophe ayant choisi de vivre comme un chien dans une jarre 10.Ainsi, cette concentration de luvre sur elle-mme fit appa-ratre le double jeu des arts : la fois synthse des multiples etlmentarisation, fusion et autonomisation, dploiement horslimites et concentration sur leur principe. Par ce dcapagegnral qui dbarrasse les arts de toutes les conventions jugesinutiles, lart et larchitecture peuvent alors se retrouver sur unebase commune, car, paradoxalement, tout en renforant leuridentit et leur autonomie, cette qute les a conduits serejoindre dans leur lieu le plus commun situ au-del des spci-ficits disciplinaires et culturelles, un degr plus lev degnralisation. Rduire signifie mettre entre parenthses pour que soit rvl ce qui rsiste lpuration, cest--dire uneprsence non mdiatise par les ralits individuelles des arts.Lessence constitue en cela un point de repre la fois tho-rique et pratique, un absolu fdrateur, un neutre rfrentiel etun commutateur de part et dautre duquel se situent de manirequilibre arts et architecture.

    Le troisime et dernier moment de la relation art(s)/architec-ture dbute dans les annes 1960 et se poursuit toujoursaujourdhui. Il culmine dans les mises en scne provocatricesde destruction du rfrent architectural par certains artistes quitentent de retrouver lindpendance perdue dans les annes1920, instaurent une diffrence de potentiel et entrent en rac-tion contre larchitecture. Compare lagitation et au renou-vellement incessants des formes artistiques, limage dordre, lastabilit, limmutabilit de larchitecture en font un plan de

    10. LE CORBUSIER, LArt dcoratif daujourdhui (1925), Paris, Flamma-rion, 1996, p. 138.

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  • rfrence, un repre fixe, un cadre trop fig pour luvre darten constant devenir. Cette rigidit est dailleurs largementexploite par les artistes qui, comme Bruce Nauman ou PeterCampus, ralisent des dispositifs architecturaux contraignantso larchitecture oppose la raideur de ses plans, de ses represorthonorms pour produire une rsistance au corps humain,conduire le parcours, provoquer des sensations. Dabord consi-dre comme soubassement puis comme paradigme, elledevient altrit dpasser, symptme liminer, symbole etexpression dun systme oppressant. Attirs par leur destin quiconsiste ractualiser sans cesse lidentit de lart, les artistessen prennent larchitecture domestique et ordinaire dont ilscritiquent les caractristiques fondamentales, dtruisent lescentres vitaux comme la cohsion de sa structure, la prsencephysique de sa faade, son chelle, sa rsistance la pesanteur.Ils rendent finalement larchitecture totalement inhabitablepour lhomme. Se dessine alors un trange tableau de maltrai-tances et de ruines : immatrialise par Yves Klein en 1958,crase sous le poids dune masse de terre par Robert Smithsonen 1970, coupe en morceaux, fendue de haut en bas ou trouepar Gordon Matta Clark entre1972 et 1978, dpossde de safaade par Dan Graham, brle par Robert Gober, renverse parVito Acconci ou par le groupe japonais Ph Studio dans lesannes 1980, larchitecture subit de multiples dommages etmontre sa fragilit.

    Mais que disent les artistes quand ils sattaquent ainsi larchitecture ? Le travail destructeur ne serait-il pas ce parquoi, plus dun sicle aprs Hegel, se construit encore par langative labsolu de lart ?

    Les destructions, renversements, dtournements dobjetsarchitecturaux sont les signes dune rbellion contre les institu-tions et une expression dlinquante de lart quivalant aux graf-fitis couvrant faades et mobiliers urbains. Manifestation derefus et rejet de la notion de progrs qui sous-tend et organiselensemble du systme des arts, ce passage lacte constitue lalimite o sachve le systme hglien. Un renversement desvaleurs, une rtroversion est luvre. Lanti-art de RobertMorris laissant la pesanteur la prrogative de conformer sessculptures de feutre, le non-projet dAllan Kaprow prenant laforme danecdotes dart jouant la vie sont lexact contraire

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  • de la concentration et de la cohsion de lart tendu vers un pointde fuite vertical dans lquilibre suppos par la hirarchie hg-lienne. Vritable cho lappel la dmolition de la pyramidelanc par Georges Bataille dans le premier article consacr larchitecture du Dictionnaire crit en 1929, attaquer larchitec-ture revient sen prendre une forme dautorit, une diguedresse contre les lments troubles 11 . Djouant lpure, leplan et la planification, lexpression la plus spectaculaire decette rupture dquilibre sincarna en 1970 dans luvre deRobert Smithson intitule Partially Buried Woodshed. Cettemise en scne potico-dramatique de la destruction revenait sen prendre aux forces tectoniques de larchitecture, emblmede la limite sparant ordre et dsordre. Smithson ouvrit ainsi lavoie ce quil appela un panorama zro , cest--dire un tatantrieur de non-intgralit o peuvent sexalter la foislexpression et les processus cratifs les plus incompatiblesavec la stabilit. Exposer la structure et sa dsintgration, laforme et sa dcomposition, les forces de cration et danantis-sement, dit et affirme la rsistance de lesprit artistique lidalofficiel de lart, mais institue aussi larchitecture comme rsis-tance ultime aux puissances destructrices.

    Comme lavait dj nonc Walter Benjamin en 1931 dansun texte intitul Portrait du caractre destructeur : Le carac-tre destructeur ne connat quun seul mot dordre : faire de laplace ; quune seule activit : dblayer. Son besoin dair fraiset despace libre est plus fort que toute haine. [] Le caractredestructeur est jeune et enjou. [] Dtruire en effet nousrajeunit, parce que nous effaons par l les traces de notre ge,et nous rjouit parce que dblayer signifie pour le destructeurrsoudre parfaitement son propre tat, voire en extraire la racinecarre 12. Ainsi, partir du geste terminal et inaugural deRobert Smithson o saffirme le rle constructif de la dmoli-tion et o coexistent fin dune histoire et nouvel ge, il neconvient plus pour lart de retrouver lespacement hglien

    11. Georges BATAILLE, Architecture , Documents, n 2, mai 1929, O.C.,tome I, p. 171 et Dictionnaire critique , Documents, Paris, Mercure deFrance, Gallimard, 1968, article Architecture , p. 168-169.

    12. Walter BENJAMIN, uvres, tome II (1972), traduit de lallemand parMaurice Gandillac et Pierre Rusch, Paris, Gallimard, 2000, p. 330-332.

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  • dune Aufhebung que la modernit avait effac par des stra-tgies de fusion, dintgration ou de synthse. En supprimantcet Autre devenu fusionnel, matriciel et encombrant, il sagit aucontraire de remplacer le principe de domination rationnelle dela pense par un postulat inverse sincarnant dans le tas dematires brutes et inertes, degr zro dun nouveau chantier deconstruction. Ouverture au tout est possible , leffondrementde larchitecture et le tas de gravats qui subsiste disent la possi-bilit de pervertir le sens unique du temps. Envisag du pointde vue du double mouvement qui lanime, ce moment dactiono coexistent et saffrontent les forces contraires de destruc-tion et de ralisation apparat comme libr de toute ambitionreprsentative et de la qute dune cristallisation finale. Il sendgage une immdiatet de luvre comme libert investir,comme prsence et puissance de ralisation o seul est vis ledevenir.

    Henry Flynt, confrence New York, 1963(photo Diane Wakowski).

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  • Michael Elmgreen, Demolish prison.Installation au Palais de Tokyo, Paris, 2002

    (photo Martine Bouchier).

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