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Lettre de l’ASAF 11/03 « Ne pas subir » (Maréchal Jean de Lattre de Tassigny) L’armée et la politique de la France Au moment où la France engage son armée en Libye, nos pensées vont vers tous les militaires qui à l’étranger servent avec courage, compétence et détermination les intérêts supérieurs de la Nation. Ils sont aujourd’hui, plus que jamais, l’honneur de la France. En voyant aujourd’hui les avions français en mission au dessus de Benghazi, comme le sont depuis des années nos soldats, marins et aviateurs en opération en Afghanistan, dans l’Océan indien, au Liban et en Afrique, on ne peut s’empêcher de rappeler les nombreuses coupes effectuées dans les budgets de la Défense depuis trois décennies. Elles ont privé nos armées de capacités qui font défaut aujourd’hui et elles ont considérablement amoindri notre potentiel de combat. Le payerons-nous au prix du sang ? Aujourd’hui n’y a-t-il pas comme une incohérence dans une relance de la diplomatie française en s’appuyant sur des atouts militaires que les responsables politiques ont contribué à rétrécir dangereusement ? Car, ne nous y trompons pas, si le conflit durait nous aurions bien du mal à soutenir ce rythme. C’est dans ces circonstances où la France joue sa crédibilité sur la scène internationale que nous mesurons les conséquences de décisions à courte vue, notamment celle qui a conduit la réduction de moitié du budget de la Défense au nom des dividendes de la paix. De quel poids peut peser une Nation comme la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, si elle ne possède pas un ensemble cohérent et puissant de capacités militaires ? On comprend bien pourtant que les opérations en cours exigent des équipements militaires extrêmement complexes à mettre en œuvre : moyens de renseignement, systèmes d’armes, réseaux de commandement et de transmission, dispositif logistique en particulier. Or la mise en condition des forces armées pour de tels engagements nécessite des crédits pour développer et acquérir en nombre suffisant des matériels performants, mais également du temps et beaucoup d’entraînement pour remplir avec succès la mission dans des zones souvent inconnues et des conditions toujours difficiles. N’en déplaise aux technocrates irresponsables, l’armée n’est pas une « vaste entreprise » et son organisation comme son fonctionnement n’ont rien à voir avec ceux des groupes industriels ou commerciaux. Sa finalité n’est pas la leur ; elle doit être capable d’agir sur court

L'armée et la politique de la France

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Lettre de l'A.S.A.F. du 11/03/2011

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Page 1: L'armée et la politique de la France

Lettre de l’ASAF 11/03

« Ne pas subir » (Maréchal Jean de Lattre de Tassigny)

L’armée et la politique de la France

Au moment où la France engage son armée en Libye, nos pensées vont vers tous les militaires

qui à l’étranger servent avec courage, compétence et détermination les intérêts supérieurs de

la Nation. Ils sont aujourd’hui, plus que jamais, l’honneur de la France.

En voyant aujourd’hui les avions français en mission au dessus de Benghazi, comme le sont

depuis des années nos soldats, marins et aviateurs en opération en Afghanistan, dans l’Océan

indien, au Liban et en Afrique, on ne peut s’empêcher de rappeler les nombreuses coupes

effectuées dans les budgets de la Défense depuis trois décennies. Elles ont privé nos armées

de capacités qui font défaut aujourd’hui et elles ont considérablement amoindri notre potentiel

de combat. Le payerons-nous au prix du sang ?

Aujourd’hui n’y a-t-il pas comme une incohérence dans une relance de la diplomatie française

en s’appuyant sur des atouts militaires que les responsables politiques ont contribué à rétrécir

dangereusement ? Car, ne nous y trompons pas, si le conflit durait nous aurions bien du mal à

soutenir ce rythme.

C’est dans ces circonstances où la France joue sa crédibilité sur la scène internationale que

nous mesurons les conséquences de décisions à courte vue, notamment celle qui a conduit la

réduction de moitié du budget de la Défense au nom des dividendes de la paix. De quel poids

peut peser une Nation comme la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU,

si elle ne possède pas un ensemble cohérent et puissant de capacités militaires ?

On comprend bien pourtant que les opérations en cours exigent des équipements militaires

extrêmement complexes à mettre en œuvre : moyens de renseignement, systèmes d’armes,

réseaux de commandement et de transmission, dispositif logistique en particulier. Or la mise

en condition des forces armées pour de tels engagements nécessite des crédits pour

développer et acquérir en nombre suffisant des matériels performants, mais également du

temps et beaucoup d’entraînement pour remplir avec succès la mission dans des zones

souvent inconnues et des conditions toujours difficiles.

N’en déplaise aux technocrates irresponsables, l’armée n’est pas une « vaste entreprise » et

son organisation comme son fonctionnement n’ont rien à voir avec ceux des groupes

industriels ou commerciaux. Sa finalité n’est pas la leur ; elle doit être capable d’agir sur court

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préavis, n’importe où dans le monde avec ses propres moyens pour mener des actions de

guerre. On est bien loin des problèmes à résoudre par les multinationales…

La France, malgré les contraintes financières du moment, doit redresser d’urgence la courbe

de l’évolution de son budget militaire et réinvestir dans sa Défense pour retrouver des

capacités opérationnelles cohérentes avec la politique qu’elle conduit et ses ambitions

légitimes.

A l’aune de la multiplicité des menaces et de leur diversité croissante, c’est un impératif

absolu.

Notre nouveau Ministre saura-t-il abandonner cette réforme dévastatrice dite « des bases de

défense » qui vise avant tout à rogner des effectifs en s’inspirant des méthodes de

management des grands entreprises dont les contraintes n’ont rien à voir avec celles d’une

armée en opération ?

Il serait désastreux pour la France que sa stratégie militaire et les moyens militaires dont elle

dispose ne soient plus en mesure d’appuyer sa politique étrangère, comme ce fut

dramatiquement le cas en 1939. Il y a en effet un paradoxe grave à diminuer drastiquement les

effectifs des armées (plus de 50 000 hommes soit 15% du total, mais 25% dans l’armée de

l’air) au moment où la France cherche à être présente diplomatiquement, donc militairement,

dans toutes les zones de crises.

Dans un tout autre registre, le Japon fournit un bel exemple de ce à quoi peuvent aussi servir

les armées dans une catastrophe qui est, à cet égard, une véritable surprise stratégique. Dans

l’urgence et le chaos, les forces d’auto-défense ont assuré le déploiement rapide de moyens de

détection, de secours, de recherche, de transport en complément des moyens civils existants.

L’armée, grâce à sa disponibilité permanente, à la diversité et à la puissance de ses

équipements, à son aptitude à agir en toute autonomie et à son expérience très riche de

nombreux types de crises, doit demeurer au cœur des préoccupations de la Nation.

Association de Soutien à l’Armée Française (ASAF) : 18 rue de Vézelay - 75008 Paris

Contact : [email protected]

Site :www.asafrance.fr