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L’Art de la mesure Sous ce titre, est imprimée, en mai 1995, chez Flammarion, la première traduction française de l’Underweysung der messung de Durer, près d’un demi-millénaire plus tard. Jeanne Peiffer en novembre de la même année a préféré pour la sienne, le titre plus concis Géométrie 1 Ce dernier travail est remarquable, y compris dans sa présentation, il est suivi d’une importante bibliographie des auteurs ayant traité le sujet. Je ne ferai pas la biographie de Dürer, il suffit d’ouvrir un dictionnaire, mais tiens à faire une mise en garde : On a toujours cherché à l’accaparer ou à le discréditer en en faisant un homme du Moyen-Age ou un précurseur de la Renaissance, sans s’apercevoir qu’il était trop tard dans les deux cas. Quand à ses opinions religieuses elles ne présentent pour nous aucun intérêt. Sachons qu’il a vécu dans les régions dominés par différentes formes d’une même religion, dont les membres s’étripaient joyeusement, au chant des cantiques. Ces quelques éléments ne sauraient isoler Dürer, qui comme nous, s‘inscrit dans une longue tradition née avec la géométrie qui est le véritable propos de ce soir. Ce qui est remarquable est son désir de transmettre aux plus jeunes. Il n’est pas exagéré de dire que le ton de cet ouvrage est fraternel. Le premier auteur auquel il se réfère et qui nous a laissé un texte complet sur l’Architecture est Vitruve (à l’époque de Jules César). Comme tous ceux qui s’inscriront dans la grande lignée des arts appliqués, Vitruve commence par rendre hommage aux anciens, pour lui, les Grecs. Nous leur devons d’avoir exprimé, par le texte pour Platon, l’idée que la géométrie appliquée est la forme de l’harmonie du monde. Son application dans les arts, résulte de l’enseignement d’une méthode qui est nous Dürer, dans la dédicace de son Traité des proportions du corps humain, « celle que les maçons utilisent journellement ». Il écrit dans le même ouvrage s’être mis à Vitruve, ce qui est confirmé dans la dédicace de la Géométrie que j’ai reproduite en annexe. Il n’est pas question de faire ici un cours complet de géométrie, ce qui demanderait du temps et dont je serais incapable, Mon désir est le même que celui de Dürer, attirer votre attention sur une méthode analogique précise et vérifiable dans ses résultats pour pénétrer l’harmonie du monde dans son aspect cyclique. L’espace et le temps sont liés d’une manière très étroite, la durée n’est mesurable que par un déplacement et il est remarquable que tous les anciens maçons et géomètres au sens large des termes qui ne permettent pas de les distinguer, se sont intéressés à l’astronomie et à l’élaboration d’instruments dont les cadrans solaires. Les formes naturelles sont souvent belles ainsi les cristaux de neige ou la coupe d’un coquillage, le nautile. Coupe réelle d’un nautile photographie C. G. Cristaux de neige Matila C. Ghika Esthétique des proportions

L’Art de la mesure · hommage aux anciens, pour lui, ... tome 5, page 490 de l’édition des « Belles ... dans une Eglise qui avait remplacé la Cité de Dieu de Saint-Augustin

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L’Art de la mesureSous ce titre, est imprimée, en mai 1995, chez Flammarion, la première traduction française de l’Underweysung dermessung de Durer, près d’un demi-millénaire plus tard.Jeanne Peiffer en novembre de la même année a préféré pour la sienne, le titre plus concis Géométrie1

Ce dernier travail est remarquable, y compris dans sa présentation, il est suivi d’une importante bibliographie des auteursayant traité le sujet.

Je ne ferai pas la biographie de Dürer, il suffit d’ouvrir un dictionnaire, mais tiens à faire une mise en garde :On a toujours cherché à l’accaparer ou à le discréditer en en faisant un homme du Moyen-Age ou un précurseur de laRenaissance, sans s’apercevoir qu’il était trop tard dans les deux cas. Quand à ses opinions religieuses elles ne présententpour nous aucun intérêt. Sachons qu’il a vécu dans les régions dominés par différentes formes d’une même religion, dontles membres s’étripaient joyeusement, au chant des cantiques.

Ces quelques éléments ne sauraient isoler Dürer, qui comme nous, s‘inscrit dans une longue tradition née avec la géométriequi est le véritable propos de ce soir. Ce qui est remarquable est son désir de transmettre aux plus jeunes. Il n’est pasexagéré de dire que le ton de cet ouvrage est fraternel.Le premier auteur auquel il se réfère et qui nous a laissé un texte complet sur l’Architecture est Vitruve (à l’époque deJules César). Comme tous ceux qui s’inscriront dans la grande lignée des arts appliqués, Vitruve commence par rendrehommage aux anciens, pour lui, les Grecs.Nous leur devons d’avoir exprimé, par le texte pour Platon, l’idée que la géométrie appliquée est la forme de l’harmoniedu monde. Son application dans les arts, résulte de l’enseignement d’une méthode qui est nous Dürer, dans la dédicace deson Traité des proportions du corps humain, « celle que les maçons utilisent journellement ». Il écrit dans le mêmeouvrage s’être mis à Vitruve, ce qui est confirmé dans la dédicace de la Géométrie que j’ai reproduite en annexe.

Il n’est pas question de faire ici un cours complet de géométrie, ce qui demanderait du temps et dont je serais incapable,Mon désir est le même que celui de Dürer, attirer votre attention sur une méthode analogique précise et vérifiable dansses résultats pour pénétrer l’harmonie du monde dans son aspect cyclique. L’espace et le temps sont liés d’une manièretrès étroite, la durée n’est mesurable que par un déplacement et il est remarquable que tous les anciens maçons etgéomètres au sens large des termes qui ne permettent pas de les distinguer, se sont intéressés à l’astronomie et à l’élaborationd’instruments dont les cadrans solaires.

Les formes naturelles sont souvent belles ainsi les cristaux de neige ou la coupe d’un coquillage, le nautile.

Coupe réelle d’un nautilephotographie C. G.

Cristaux de neigeMatila C. Ghika

Esthétique des proportions

La géométrie pratique représente les objets par des lignes, elle ne requiert que la règle et le compas. Sur une épure, lecordeau remplace l’un et l’autre.Le point est toujours au départ, il contient potentiellement tout : c’est une ligne vue en bout.La ligne est également une surface vue par la tranche.La surface est en effet obtenue par le déplacement ou la rotation d’une ligne, la surface plane n’est qu’un casparticulier comme le carré n’est qu’un forme à cotés égaux du rectangle.Le volume est généré par la surface.La géométrie spatio-temporelle fait intervenir, soit la durée, simple déplacement, que l’on représente par « Z » dansle système de coordonnées rectangulaires, dites cartésienne soit un temps cyclique « ω ». Elle régit l’univers del’atome à la galaxie, ce n’es pas le sujet ce soir.

La ligne permet représente, d’une manière convenue, les surfaces et des volumes.Sans entrer dans la technique, la (ou plus exactement les) perspectives sont une méthode de représentation pouvantsuffire à la construction sans aucune cote si le module de base est connu.Voir le dessin de Serlio ci-dessous Il est sur l’original « au petit pied » c’est à dire à une échelle d’un pouce pour unpied, la hauteur d’une marche est d’un demi-pied et sa foulée d’un pied, le reste s’en déduit facilement. Un autreexemple est celui d’une tour à horloge en charpente chez Villard de Honnecourt.

Jean Cousin nous donne l’exemple d’une construction avec la vue et le plan en perspective, le plan (géométral) et uneperspective latérale permettant de définir les hauteurs.Vreedeman de Vries termine son traité de perspective en indiquant le module d’une colonne dorique : un demi pied.d’une manière suggestive.Les méthodes actuelles de dessin se réduisent à des vues en plan, l’objet présentant successivement ses facesprincipales. Sans module définissant les proportions de nombreuses cotations sont reportées sur les plans.

Jean Cousin nous donne l’exemple d’une construction avec la vue et le plan en perspective, le plan (géométral) et uneperspective latérale permettant de définir les hauteurs.Vreedeman de Vries termine son traité de perspective en indiquant le module d’une colonne dorique : un demi pied.d’une manière suggestive.Les méthodes actuelles de dessin se réduisent à des vues en plan, l’objet présentant successivement ses faces principales.Sans module définissant les proportions de nombreuses cotations sont reportées sur les plans.

Villard de Honnecourt vers 1240 Vreedeman de Vries vers 1604

Jean Cousin, Traité de perspective

Une autre méthode, connue sous le nom de « Trait » et vulgarisée par Gaspard Monge sous le nom de géométrie descriptiveest le tracé de l’épure. C’est un procédé très utilisé en charpente qui consiste à tracer au sol en grandeur nature les axesprincipaux et la projection des pièces.Elles sont ensuite calées en position et le trait de l’épure est remonté au fil à plomb sur la pièce. Les assemblagesverticaux sont repris à plat, ce qui rend le tracé difficilement lisible pour celui qui n’en a pas l’habitude, mais évite touteerreur dimensionnelle.

La géométrie des formes nous est enseignée par la nature, l’œuf est le prototype du « voile mince » utilisé dans les toursréfrigérantes des centrales nucléaires.Si le nombre de lignes passant par un point est illimité, il est réduit à une seule verticale.Le nombre de polygones réguliers, y compris ceux qui ne peuvent être construits que par approximation, ne connaît pasde limite. Si nous passons au volume, il n’en existe que 5, que Platon fait correspondre avec les éléments, pour lespremiers, à base de carrés et de triangle.Le dernier écrit-il (Timée, tome 5, page 490 de l’édition des « Belles Lettres, Paris 1936) Dieu s’en est servi pourachever le dessin de l’Univers.

On en retrouve les formes dans les cristaux, sauf pour le dernier, de structure pentagonale qui n’existe que dans lesformes du vivant.

Sur la partie technique, il faut compléter Platon qui manque cruellement d’illustrations par Euclide dont l’œuvre ne selimite pas à la seule géométrie plane.

Montage démonstratif du tracé sur épureL. Mazerolle,Traité de Charpente, I, bois droits, planche 7-8.

Le but n’étant pas de compliquer mais de clarifier, il ne sera pas parléde Riemann ou de Lobatchevski ni des paradoxes de Cardinal de Cues,qui cependant peuvent générer une profonde réflexion. Simplementpour le plaisir et pour les géographes et des marins : les droite dessinéesà l’intérieur ou à l’extérieur d’une sphère permettent de tracer destriangles dont la somme des angles est différente de 180 °.

Il est probable que Dürer, enItalie, rencontra Pacioli auteur de“La Divine proportion” et sonillustrateur: Léonard de Vinci. Sonintérèt pour le dessin des lettres tend àle prouver.Il s’inscrira dans la lignée dont fit partie,en France Geoffroy Thory avec son“Champfleury” dont le dessin de la lettreA est reproduit page suivante

Les cinq polyèdres réguliers platoniciens et leur développement

dessinés par Dürer

La géométrie et certaines de sesparticularités, connues depuis l’antiquité,telle la section des coniques ont inspiré (entreautres) l’abbé Lacuria dans ses harmoniesde l’Etre, excellente définition des rapportsqui doivent exister entre l’esprit et la raison.(Si, comme le déclare l’écriture l’ «Espritsouffle où il veut et quand il veut », il l’afait dans les mêmes termes à 150 ans d’écart,la seconde fois dans une remarquableencyclique du Pape intitulée : « fides etratio »2 .

Dans les documents anciens géométrie et Artde construire sont synonymes.De même, dans les arts libéraux duquadrivium , l’arithmétique, la musique etl’astronomie sont inconcevables sans lagéométrie qui vient au secours del’arithmétique pour la représentation desnombres irrationnels.

Ces principes ont présidé à la constructiondes anciens Egyptiens, disposant, grâce à unmilieu fertile d’une main-d’œuvreconsidérable, aux Grecs leurs élèvesdisposant de marbres somptueux, auxurbanistes que furent les romains, égalementimportateurs des coupoles.

Ce que l’on appelle depuis un siècle et demi seulement l’art roman remplaça progressivement le bois dans notre pays,avant qu’y naisse le gothique actuellement à la mode, mais très décrié par Voltaire et par Anderson3 .L’Italie redécouvrit l’antiquité grecque sur son sol même et disposait de marbres d’une aussi grande qualité. Elle ne selimita pas à l’Architecture, les Médicis formèrent Marcile Ficin à la pensée platonicienne, ce qui créa des remousdans une Eglise qui avait remplacé la Cité de Dieu de Saint-Augustin par l’Aristotélisme de Saint-Thomas.On a accusé la Renaissance de tous les maux, souvent à tort en oubliant le plus grand.A cette époque par l’entente du clergé séculier et du pouvoir royal, le clergé régulier a été « contrôlé » ou détruit,privant l’Occident de sa principale source de spiritualité. Pour en revenir à la maçonnerie, les méthodes pratiques deconstruction ont plus changé en un siècle qu’en cinq millénaires. Plus grave, le lien entre les formes géométriques,l’harmonie du Monde est souvent ignorée et la Force, sans la Sagesse, ne peut générer la beauté.

Geoffroy Thory, Champfleury : La lettre A

L’auteur met les lettres en rapport avec lagéométrie, également avec les artslibérauux, principalement la musique et lesmuses. Il est l’un des principaux créateursde la typographie française.

Ce texte est court, c”est volontaire, le discours faible mais je vous ai apporté des fleurs : les illustrationscomplémentaires qu”il m”a été très difficile de limiter.

C.G. le 26/11/02

1 Albert Dürer Géométrie, présentation, traduction de l’allemand et notes de Jeanne Peiffer, Paris, le Seuil, 1995, 420pages2 Disponible sur : http://www.zenit.org/french/3 A sa mort, le Roi JAMES VI d’Ecosse succéda à la Couronne d ANGLETERRE. C était un Roi-Maçon, et il ranima les LogesAnglaises ; et comme il était le Premier Roi de GRANDE-BRETAGNE, il fut aussi le Premier Prince du Monde à releverl’Architecture Romaine des Ruines de l’Ignorance Gothique. [souligné par nous](39) En effet, après plusieurs Siècles obscurs ou illettrés, dès que se ranimèrent les diverses Branches du Savoir et que laGéométrie retrouva son Terrain, les Nations civilisées commencèrent à se rendre compte de la Confusion et de l’Inconvenance desEdifices Gothiques. C’est ainsi qu’aux quinzième et seizième Siècles, le STYLE AUGUSTIN renaquit de ses Cendres en Italie, avecBRAMANTE, BARBARO, SANSOVINO, SANGALLO, MICHEL-ANGE, RAPHAEL URBIN, JULIO ROMANO, SERGLIO,LABACO, SCAMOZI, VIGNOLA, et bien d’autres brillants Architectes ; mais au-dessus de tous, le Grand PALLADIO, qui n’a pasencore été vraiment imité en Italie, bien qu’il ait été justement rivalisé en Angleterre par notre grand Maître-Maçon INIGOJONES. Extrait des Constitutions de 1723.

4 Tous se réfèrent au moins implicitement à Alberti qui fit connaître Vitruve

En complément

Pas tout à fait régulier,c’est un beau volume.

Photo Gazette de Drouot,22 novembre 2002

Quadrature“presque”parfaite,

dessin de Dürer

Sur ce plan de la Cathédrale de Cologne, dont la con-struction a duré huit siècles, j’ai indiqué par un pointilléen bas le prolongement du carré central, repéré par leslettres A B C D. C’est un autre procédé de tracé d’unequadrature approchée.Ce plan est publié par Matlila C. Ghika dans sonEsthétique des proportions dans la nature et dans lesarts, Paris Gallimard, 1927.

Le « traité des pinnacles » de MatthäusRoriczer figure dans toutes lesbibliographies des bons auteurs et desautres. C’est un incunable daté de 1486.Ouvrage pratique, il donne ici unedouble représentation, en plan et enélévation. Les parties sont superposéesont leur surface divisée par deux. Uneréédition récente (sans traduction) :Wiesbaden, Guido Pressler , 1955.

Girard Desargues, Lyon 1591 - 1661.De 1620 à 1650, il vécut à Paris, où ilenseigna les mathématiques et fut en rapportavec Descartes, Pascal, Mersenne etRoberval. Il écrivit en 1636 un petit manuelde composition musicale.L’oeuvre mathématique de Desargues estcentrée sur la théorie des sections coniques,la perspective, et la géométrie projective. Ilpublia Traité de la section perspective in1636. Il tenta de développer une perspective,sans point extérieur. Brouillon project d’uneatteinte aux événemens des rencontres d’uncône avec un plan (1639) présente desinnovations en géométrie projectiveappliquée à la théorie des sections coniques.Le dessin ci-contre retrouvé récemmentreprésente au petit pied, (ici réduit)l’appareillage complet d’une descente biaisedans un mur en talus, en une seule figure.Il fut accusé d’instruire gratuitement lesouvriers.

Sainte-Sophie à Constantinople, La Coupole dela Mosquée du Rocher à Jérusalem (dessin deMichael Segall), le temple montagne deBorobudur, page suivante, un stupa récemmentélevé en Bretagne, sont des illustrations d’unegrande unité de conception pour représenter leCentre.

Bel Avenir, tel est le beau nom du centre bouddhique breton qui a élevé ce stupa, il y a quelques années

Annexe 1 dédicace de Dürer à W. PirckheymerA mon très cher maître et ami, Monsieur Wilbolden Pirckheymer, je souhaite, moi Albrecht Dürer, salut et prospérité. Gracieuxseigneur et ami, jusqu’à présent, dans nos pays allemands, on a mis à l’art de peindre beaucoup de jeunes genss adroits, et on les y ainstruits par la seule pratique quotidienne leur en donner les fondements. Ils ont ainsi grandi dans l’inintelligence comme l’arbresauvage qui n’a pas été taillé. Certains d’entre eux sont certes parvenus, à force d’exercice continu, à la maîtrise dans le dessin àmain libre et ont pu créer des oeuvres puissantes, mais irréfléchies et faites à leur seule guise. Mais, lorsque les peintres érudits et lesvéritables artistes ont vu une telle oeuvre irréfléchie, ils ont ri, non sans raison, de la cécité de ces gens. En effet, rien n’est plusdésagréable à un esprit éclairé que la fausseté dans le tableau, même peint avec la plus grande application. Que ces peintres secomplaisent dans l’erreur est l’unique raison qui les a empêchés d’apprendre l’art de la mesure, sans lequel y a et il n’y aura pas devéritable artisan. Mais c’est aussi de la faute de leurs maîtres qui ignoraient eux-mêmes cet art. Comme il est le véritable fondementde toute peinture, je me suis proposé d’enseigner les éléments aux jeunes gens avides de s’instruire leur art, et de leur donner desraisons pour adopter la mesure règle et au compas, afin qu’ils sachent reconnaître l’authentique vérité lorsqu’ils l’ont sous les yeux.Ainsi, ils ne seront pas seulement avides de connaître leur art, mais ils acquerront également un jugement plus sûr et plus profond. Encela, je n’ai pas tenu compte du fait que chez nous, et à notre époque, certaines gens méprisent profondément l’art de peindre etprétendent qu’il ne sert qu’à l’idolâtrie. Car un chrétien ne sera pas plus entraîné à la superstition par des tableaux et des imagesqu’un homme pieux au meurtre du seul fait qu’il porte une épée au côté. En vérité il faudrait être bien peu raisonnable pour adorer untableau, du bois ou de la pierre! Un tableau, lorsqu’il est exécuté avec art et décence, fait plus de bien que de tort. En quel honneuret en quelle dignité l’art a été tenu chez les Grecs et les Romains, les livres anciens le montrent suffisamment. Il s’est pourtant perdudans la suite et est resté caché pendant mille ans jusqu’à ce que les Italiens l’aient remis au jour, il n’y a pas plus de deux cents ans.4

Car les arts se perdent bien facilement, mais il faut beaucoup d’efforts et de temps pour les retrouver. Aussi puis-je espérer qu’aucunhomme de bon sens ne blâmera mon projet et mon enseignement. Procédant d’une bonne intention, celui-ci profitera à tous ceux quidésirent apprendre cet art, aux peintres, mais aussi aux orfèvres, aux sculpteurs, aux tailleurs de pierre, aux charpentiers et à tousceux dont le travail se fonde sur les mesures. Personne n’est obligé de suivre mon enseignement. Je sais bien pourtant que celui quis’y soumettra n’en saisira pas seulement les principes, mais, s’il les applique quotidiennement, il parviendra à une compréhensionplus profonde, il poursuivra la recherche et inventera plus que je n’indiquerai ici. Comme je sais, généreux maître et ami, que vousêtes un amateur de tous les arts, je vous ai dédié ce petit livre, en raison de l’affection singulière qui me lie à vous, non que je pensevous montrer rien de grand ou d’excellent, mais pour que vous puissiez apprécier la force de mon attachement et ma bonne volonté.Même si mon ouvrage ne saura vous être profitable, sachez que mon cœur me porte à tout moment à vous rendre les faveurs et l’amourque vous me témoignez.

L’harmonie du Monde, tellequ’elle est exprimée ci-contre parRobert Fludd, celle du Temple etl’harmonie intérieure du maçonsont-elles écrites sur une seulepartition à transposer ?