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L’assurance en responsabilité civile médicale VERSION OCCULTEE en conformité avec la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal Présenté par : Pierre-Louis BRAS, Christine d’AUTUME, Bernadette ROUSSILLE et Valerie SAINTOYANT Membres de l’Inspection générale des affaires sociales Il est rappelé que les travaux de l’IGAS sont menés en toute indépendance. Le présent rapport n’engage pas les ministres qui l’ont demandé. Rapport RM 2007-027P Février 2007

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L’assurance en responsabilité civile médicale

VERSION OCCULTEEen conformité avec la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 modifiée

portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administrationet le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal

Présenté par :

Pierre-Louis BRAS, Christine d’AUTUME,Bernadette ROUSSILLE et Valerie SAINTOYANT

Membres de l’Inspection générale des affaires sociales

Il est rappelé que les travaux de l’IGAS sont menés en toute indépendance.Le présent rapport n’engage pas les ministres qui l’ont demandé.

Rapport RM 2007-027PFévrier 2007

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Résumé du rapport n° RM2007-027P présenté par Pierre-Louis Bras, Christine D’Autume, BernadetteRoussille et Valerie Saintoyant, membres de l’Inspection générale des affaires sociales.

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Par lettre de mission du 4 octobre 2006, le ministre de la santé et des solidarités achargé l’Inspection générale des affaires sociales d’expertiser le fonctionnement dumarché de l'assurance en responsabilité civile médicale, en particulier celui desgynécologues obstétriciens.

La mission s’est inscrite dans le contexte de l’annonce par un des principauxintervenants de ce marché, la MACSF, de la résiliation fin 2006 de l’ensemble descontrats de gynécologues – obstétriciens et de l’augmentation importante de leursprimes en 2007. La lettre de mission demandait notamment une analyse approfondie dela proposition de réforme de l'indemnisation des dommages liés aux fautes médicalesformulée par un groupe de travail inter-URML et communément désignée comme laproposition SYNGOF. A cet égard, il convient de rappeler qu’une précédente missionIGAS - IGF sur l’assurance de responsabilité civile médicale diligentée en 2003 avaitalors écarté toute perspective de « réforme de structure »1 (dispositif d’écrêtement ouproposition SYNGOF), jugeant qu’il convenait « d’attendre pour prendre une décisionéclairée, que les deux lois de 2002 aient produit leurs effets ». Force est de constater quel’annonce de la MACSF est venue relancer les interrogations sur la capacité du marchéde la responsabilité civile médicale à fonctionner normalement.

La mission s’est donc attachée à analyser les difficultés actuelles du marché en ce quiconcerne les gynécologues – obstétriciens, et à expertiser les diverses pistes de réformeaujourd’hui évoquées en réponse à ces difficultés. Conformément à sa lettre de mission,elle a accordé une attention particulière à l’analyse de la proposition du groupe detravail inter-URML. Le résumé qui suit présente ses principaux constats et conclusions.

L’indemnisation des dommages liés aux fautes médicales et l’assurance de laresponsabilité civile des médecins, plus particulièrement des gynécologues -obstétriciens, posent des problèmes dans la plupart des pays occidentaux. D’une part, lerisque est difficile à assurer : forte volatilité, base de mutualisation réduite, risque àdéveloppement long. D’autre part, la mise en cause de la responsabilité des médecins etle traitement judiciaire des sinistres engendrent des effets pervers (développement de lamédecine défensive, incitation à la dissimulation des sinistres, sous estimations ducaractère systémique des accidents) qu’il faut mettre en balance avec un éventuel effetresponsabilisant.

En France, suite à une première crise en 2002/2003 caractérisée par le retrait deplusieurs intervenants et une forte augmentation des primes, les pouvoirs publics ontpris diverses dispositions qui ont permis au marché de retrouver un fonctionnementnormal (indemnisation de l'aléa thérapeutique, transfert à la solidarité nationale del’indemnisation du handicap de l’enfant non décelé avant sa naissance, passage à la baseréclamation, introduction d'un plafond de garantie). Les primes des gynécologues -obstétriciens ont certes poursuivi leur augmentation mais à un rythme plus modéré.

Par ailleurs, la négociation menée à l’été 2006 avec les chirurgiens et gynécologues –obstétriciens, notamment sur la question de la stabilisation de leurs charges d’assurance,a conduit à l’adoption du décret du 7 décembre 2006 qui permet la prise en charge 1 IIGGAASS // IIGGFF,, RRaappppoorrtt dd’’eennqquuêêttee ssuurr ll’’aassssuurraannccee ddee rreessppoonnssaabbiilliittéé cciivviillee mmééddiiccaallee ((NN°°22000033--116622)),, jjaannvviieerr22000044..

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d’une part importante (55 à 66%) de leurs primes d’assurance par l’assurance –maladie. Conjuguées aux augmentations des tarifs des actes d’accouchement, cesmesures ont en moyenne compensé, voire sur-compensé les charges liées àl’augmentation des primes. Toutefois, ces efforts financiers ont été consentis demanière dispersée et peu cohérente. Il aurait été sans doute préférable de privilégier lavoie d’un ajustement, via le coût de la pratique, des tarifs des actes techniques de laclassification commune des actes médicaux (CCAM). Cette approche, même si elleprésente des difficultés techniques, semble être la seule cohérente avec la mise en œuvreprogressive de cet outil tarifaire et avec le rôle attribué à l’assurance maladie dans lanégociation des tarifs des médecins.

Les déclarations de la MACSF en 2006 ont fait peser le risque d’une nouvelle crise. Lemontant des primes annoncé correspond d’ailleurs au niveau d’équilibre, tel qu’il estévalué par la FFSA pour les gynécologues - obstétriciens (27000 euros), alors que lesprimes se situent aux environs de 14 000 euros en moyenne en 2006. Toutefois, ilapparaît que les données fournies à l’appui de cette augmentation des primes ne sont paspleinement convaincantes. De plus, deux des principaux assureurs, représentant près de45% du marché, considèrent que le niveau actuel des primes est correct et n’appelle pasd'augmentation dans l'immédiat, à contexte inchangé.

Une jurisprudence récente de la Cour de cassation, maintenant le droit à indemnisationpour les enfants dont le handicap n’aurait pas été décelé avant leur naissance, dès lorsqu’une instance était en cours avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, estfréquemment invoquée à l’appui des augmentations de tarifs. La mission observetoutefois que si cette jurisprudence renchérit effectivement le coût de quelques sinistrespassés (estimés à une douzaine) et conduit à l’augmentation des provisions afférentes àces dossiers, elle n’a en revanche aucun effet sur le coût des sinistres futurs et ne devraitpas, en théorie, se traduire par de fortes augmentations de primes.

Au total, la mission n’est pas en mesure, compte tenu du manque persistant de donnéessur l’évolution de la sinistralité en gynécologie – obstétrique, de porter une appréciationsur le niveau pertinent d’équilibre des primes de cette spécialité. Elle ne peut queconstater que pour certains assureurs, les primes actuelles sont aujourd’hui à l’équilibre.

Dans ce contexte, il ne paraît pas justifié d’envisager de nouvelles mesures visant àaccroître le financement par la solidarité nationale (écrêtement notamment), alors mêmequ’il est possible que le marché se stabilise sans cela. Aussi semble-t-il préférable à lamission, en l’état actuel, de laisser jouer la concurrence voire de l’encourager.

Dans l’hypothèse d’un retrait de la MACSF, le marché se réorganiserait principalementautour d’un oligopole composé de deux / trois intervenants. La crainte d’un oligopole àvenir ne doit pas pour autant conduire les pouvoirs publics à caler leur attitude à partirdu niveau de prime jugé souhaitable par l’un des acteurs dominant sur le marché actuel,le plus alarmiste.

Dans l’hypothèse où une hausse généralisée des primes des gynécologues –obstétriciens s’avèrerait inéluctable à l’avenir, la mission estime qu’il serait plus clair etcohérent de la prendre en compte dans les tarifs des actes médicaux techniques (coût de

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la pratique) plutôt que d’instaurer une mesure d’écrêtement qui viendrait renforcer lacomplexité du dispositif d’aide sur fonds publics et sa bonne maîtrise. Dans tous les cas,une vigilance accrue des tutelles à l’égard de l’observatoire des risques médicaux seranécessaire en vue d’assurer la disponibilité effective de données fiables et exploitablessur l’évolution globale des coûts de sinistralité et des primes des spécialités à risque.

Les remarques précédentes sur la situation de la responsabilité civile médicale neplaident pas pour entreprendre aujourd’hui une réforme aussi profonde que celleproposée par le groupe de travail inter-URML. Toutefois, indépendamment du contexte,la démarche proposée présente des avantages :

- garantir contre la répétition de périodes de crise sur ce marché. Ces crises sont liéesaux difficultés propres à l’assurance des spécialités à risques et au caractèrenécessairement limité de la concurrence sur un marché aussi étroit. Avec aussi peud’intervenants, le retrait de l’un d’entre eux ou l’augmentation significative de sestarifs se traduit par de fortes perturbations et surtout crée une insécurité chez lesgynécologues - obstétriciens dont on peut penser qu’ils ont mieux à faire que dedevoir s’interroger régulièrement sur la manière dont ils seront assurés ;

- favoriser un traitement plus apaisé et moins judiciarisé des accidents médicaux,propice à une politique des prévention des risques et à un traitement plus adéquat, lecas échéant, des cas de praticiens présentant des risques aggravés ;

- permettre globalement des économies par réduction des frais de gestion desentreprises d’assurance (20 à 30% des primes actuelles) et du traitement judiciairedes réclamations.

Ainsi, même si le contexte actuel ne justifie pas que l’on mette en œuvre la propositiondu groupe de travail inter-URML, pas plus d’ailleurs que les autres mesures envisagées,celle-ci mérite d’être examinée de manière approfondie. La constitutionnalité et lacompatibilité avec le droit communautaire de cette proposition posent question mais iln’est pas avéré que sa mise en œuvre soit de ce fait impossible. Plus fondamentalement,la proposition se heurte, aujourd’hui, au sentiment qu’elle vise à exonérer les médecinsde leur faute ; elle ne satisferait pas le désir de certaines victimes soucieuses, au-delà dela réparation financière, de stigmatiser les médecins responsables. A l’inverse, pourcertaines organisations syndicales, elle risque à travers la faute inexcusable de conduireà une stigmatisation accrue des médecins. On peut estimer qu’il s’agit d’une approchede compromis qui, sans aller jusqu’à un système « no blame », essaie d’aménager lesconditions de prise en compte des fautes pour les rendre à la fois respectueuses desvictimes et propices à un traitement pertinent des accident médicaux. Il est clairtoutefois que ce sentiment est loin d’être partagé, alors même qu’en ce domaine, il estimportant que les solutions et les procédures retenues satisfassent un « sentiment dejustice ». Il est donc important que le débat puisse se poursuivre, au-delà de la questiondu niveau des primes, entre les pouvoirs publics, le corps médical et les associations demalades sur la meilleure manière de considérer les accidents médicaux, la question de lafaute et de la sanction et, bien sûr, la prévention des risques.

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Sommaire

1. DIAGNOSTIC................................................................................................................................................... 51.1 LE RISQUE RESPONSABILITÉ CIVILE MÉDICALE DES GYNÉCOLOGUES – OBSTÉTRICIENS............................. 5

1.1.1 Un risque difficile à assurer ............................................................................................................ 51.1.2 Les mesures prises par les pouvoirs publics pour rétablir l’assurabilité du risque .......................... 61.1.3 La sinistralité................................................................................................................................... 81.1.4 Le montant des indemnisations ....................................................................................................... 9

1.2 LA SITUATION DE L’OFFRE SUR LE MARCHÉ DE L’ASSURANCE EN RESPONSABILITÉ CIVILE MÉDICALE .... 101.3 LES PERSPECTIVES D’ÉVOLUTION DES PRIMES ......................................................................................... 111.4 L’ÉVOLUTION DES REVENUS DES GYNÉCOLOGUES – OBSTÉTRICIENS ...................................................... 13

2. APPRÉCIATION DES MODALITÉS D'INTERVENTION COMPLÉMENTAIRES SUR LEMARCHÉ DE LA RCM..................................................................................................................................... 14

2.1 LE TRANSFERT À LA SOLIDARITÉ NATIONALE DE L’INDEMNISATION DES SINISTRES LES PLUS LOURDS.... 142.1.1 L'indemnisation du préjudice au nouveau-né par la solidarité nationale....................................... 142.1.2 La mise en place d’un dispositif d’écrêtement .............................................................................. 15

2.2 LA MUTUALISATION DU RISQUE............................................................................................................... 172.2.1 La mutualisation du risque entre médecins et assurés sociaux...................................................... 172.2.2 La mutualisation du risque entre médecins ................................................................................... 172.2.3 La mutualisation forcée entre assureurs ....................................................................................... 18

2.3 LA PRISE EN COMPTE DES CHARGES D’ASSURANCE DANS LES TARIFS ...................................................... 18

3. ANALYSE DE LA PROPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL INTER-URML ................................ 213.1 LES ÉVENTUELS OBSTACLES JURIDIQUES................................................................................................. 21

3.1.1 La conformité aux principes constitutionnels de l’instauration d’un régime spécifique deresponsabilité civile. .................................................................................................................................... 213.1.2 Le passage préalable obligatoire devant les CRCI ........................................................................ 223.1.3 La compatibilité de la proposition du groupe de travail inter-URML avec le droit communautairede la concurrence. ........................................................................................................................................ 23

3.2 LA PROPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL INTER-URML ET LA “RESPONSABILISATION COLLECTIVE”.... 243.3 LA PROPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL INTER-URML ET LA "RESPONSABILISATION INDIVIDUELLE". 25

3.3.1 Les effets pervers de la mise en cause de la responsabilité des praticiens .................................... 263.3.2 Le système actuel et la responsabilisation individuelle. ................................................................ 283.3.3 Le dispositif proposé par le groupe de travail inter-URML et la responsabilisation individuelle parla « faute inexcusable ». .............................................................................................................................. 303.3.4 L'indemnisation des fautes et la réduction des risques. ................................................................. 32

3.4 LE COÛT DE LA PROPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL INTER-URML ..................................................... 333.4.1 Le coût brut (les charges à couvrir)............................................................................................... 333.4.2 Le coût net..................................................................................................................................... 333.4.3 La compensation du coût par des cotisations des médecins .......................................................... 343.4.4 D’un financement par capitalisation à un financement par répartition.......................................... 343.4.5 La transition .................................................................................................................................. 35

3.5 LES EFFETS SUR LES VICTIMES, LES GYNÉCOLOGUES – OBSTÉTRICIENS ET LES ASSUREURS. ................... 353.5.1 Les effets sur les victimes ............................................................................................................. 353.5.2 Les effets sur les gynécologues obstétriciens ................................................................................ 363.5.3 Les effets sur les assureurs ............................................................................................................ 38

3.6 LA CAPACITÉ DES CRCI ET DE L’ONIAM À ABSORBER LE FLUX SUPPLÉMENTAIRE DES RÉCLAMATIONS ETINDEMNISATIONS. ............................................................................................................................................. 38

3.6.1 La procédure devant les CRCI ...................................................................................................... 383.6.2 L’offre d'indemnisation par l'ONIAM........................................................................................... 39

3.7 L’EXTENSION AUX AUTRES SPÉCIALITÉS MÉDICALES ET AUX ÉTABLISSEMENTS...................................... 40

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ANNEXES

Annexe n°1 : Lettre de mission

Annexe n°2 : Liste des personnes rencontrées

Annexe n°3 : Présentation schématique du rapport de l’OCDE

Annexe n°4 : Les trous de garantie

Annexe n°5 : L’interprétation de la loi About

Annexe n°6 : L’évolution des primes

Annexe n°7 : La sinistralité

Annexe n°8 : Les parts de marché

Annexe n°9 : L’évolution des revenus

Annexe n°10 : Les modalités actuelles de socialisation

Annexe n°11 : L’exemple de la Suède

Annexe n°12 : La prévention des accidents médicaux

Annexe n°13 : Textes et jurisprudence

Annexe n°14 : L’ONIAM

Annexe n°15 : Liste des sigles

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IGAS L’assurance en responsabilité civile médicale février 2007

Introduction

Par lettre de mission du 4 octobre 2006, le ministre de la santé et des solidarités a confié àl’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) une mission relative à la responsabilitécivile médicale. Cette décision du ministre s’est inscrite dans le contexte d’un mouvementrevendicatif d’une partie des organisations syndicales de chirurgiens, gynécologues -obstétriciens et anesthésistes libéraux concernant l’application de l’accord du 24 août 2004.L’un des points de cet accord prévoyait en effet la stabilisation des primes d’assurance deschirurgiens et gynécologues - obstétriciens. Or, au printemps 2006, l’un des principauxassureurs en responsabilité civile médicale, la Mutuelle d’assurances du corps de santéfrançais (MACSF) avait rendu publique son intention de résilier à la fin de l’année les contratsde l’ensemble des gynécologues – obstétriciens assurés auprès d’elle et/ou d’augmenterconsidérablement les tarifs pour cette spécialité en 2007.

Face à cette annonce de la MACSF qui faisait craindre des difficultés au moment durenouvellement des contrats d’assurance fin 2006, le gouvernement décidait à l’été 2006,d’améliorer le dispositif d’aide à la couverture des primes d’assurances prévu par le décretn°2006-909 du 21 juillet 2006 en faveur des chirurgiens et gynécologues – obstétriciens. Uneaugmentation sensible de l’aide à la souscription d’assurance a ainsi été accordée auxpraticiens s’engageant dans une procédure d’accréditation (décret n°2006-1559 du 7décembre 2006).

Si cette mesure a été jugée positive, elle n’a pas réglé, selon les praticiens concernés,notamment les gynécologues – obstétriciens, le problème de la stabilisation de leurs primessur le marché de l’assurance, ni l’incertitude juridique pesant sur leurs conditions d’exercice.Ils soutiennent en conséquence une proposition de réforme en profondeur de leur assurance deresponsabilité civile médicale, formulée par un groupe de travail inter- unions régionales desmédecins libéraux (URML) et communément désignée comme la proposition SYNGOF(Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France), visant à transférer à l’Officenational d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) l’indemnisation des accidentsfautifs1.

Il convient de préciser qu’une précédente mission IGAS - IGF sur l’assurance deresponsabilité civile médicale diligentée en 2003 avait alors écarté toute perspective de« réforme de stucture »2 (dispositif d’écrêtement ou proposition SYNGOF), jugeant qu’ilconvenait « d’attendre pour prendre une décision éclairée, que les deux lois de 2002 aientproduit leurs effets ». Force est de constater que l’annonce de la MACSF est venue relancerles interrogations sur la capacité du marché de la responsabilité civile médicale à fonctionnernormalement.

Dans ce contexte, la mission IGAS a pour objet d’éclairer les problèmes actuels du marché del’assurance de responsabilité civile des gynécologues - obstétriciens et d’expertiser lessolutions envisageables. Il paraît nécessaire en tout état de cause que les pouvoirs publicsdisposent d’éléments plus complets d’analyse sur l’évolution de la sinistralité et les éléments

1 Sauf en cas de faute inexcusable du praticien2 IGAS / IGF, Rapport d’enquête sur l’assurance de responsabilité civile médicale (N°2003-162), janvier 2004.

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constitutifs des primes d’assurance, compte tenu de l’accroissement de l’effort financierdemandé à l’assurance - maladie.

Bien évidemment, la manière la plus efficace pour pallier les difficultés de l’assurance enresponsabilité civile médicale serait de parvenir à une meilleure maîtrise des accidents fautifs,en réduisant la sinistralité par une politique active de prévention des risques. Toutefois,l’analyse du champ des fautes de gynécologie – obstétrique évitables et des moyens à mettreen œuvre pour en réduire le nombre dépasse le champ de cette mission et mériterait d’êtreconduite en dehors même des préoccupations liées à l’assurance de responsabilité civilemédicale. Il en va de même d’autres pistes secondaires visant à mieux discerner la sinistralitéattribuable à la faute, grâce à l’amélioration des connaissances scientifiques sur les causes desdommages constatés à la naissance, ou encore la réforme des procédures d’expertise.

Conformément à la lettre de mission, une attention particulière a été donnée à la propositiondu groupe de travail inter-URML. L’analyse est conduite pour les gynécologues -obstétriciens. L’opportunité d’étendre le dispositif à d’autres spécialités, voire à tous lespraticiens et aux établissements de santé, est évoquée à la fin du rapport.

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1. Diagnostic

1.1 Le risque responsabilité civile médicale des gynécologues – obstétriciens

1.1.1 Un risque difficile à assurer

Les difficultés en matière d’assurance de la responsabilité civile professionnelle des médecinsne sont pas propres à la France. Un rapport de l’OCDE, Prévenir, assurer et couvrir lesincidents médicaux, publié en décembre 2006, montre que de nombreux pays de l’OCDEexpérimentent depuis plusieurs années, à l’instar de la France, une palette de solutions,aucune d’entre elles ne s’étant révélée pour l’instant tout à fait probante (voir annexe n°3) :« Dans la plupart des pays de l’OCDE, l’augmentation des taux de prime d’assurance enresponsabilité médicale, conjuguée à la réduction du champ de la couverture, estparticulièrement problématique pour les spécialités les plus risquées. Cela concerne, enparticulier, la chirurgie générale, l’obstétrique / gynécologie, la neurochirurgie, la chirurgieplastique, l’anesthésie, l’orthopédie et les établissements publics et privés. Dans certains cas,les professionnels ne peuvent plus s’assurer qu’à un coût excessif »3.

Le problème est particulièrement aigu pour les gynécologues – obstétriciens, en raison descaractéristiques du risque lié à leur responsabilité civile professionnelle :

risque à développement long : dans le domaine de la gynécologie – obstétrique, lesdommages (handicap de l’enfant par exemple) peuvent n’être mis en évidence queplusieurs années après le sinistre ; les délais de prescription sont fixés à dix ansaprès la consolidation du dommage, celle-ci pouvant n’intervenir qu’au moment dela majorité de l’enfant ;

forte volatilité : la fréquence des sinistres apparaît stable mais le montant desindemnisations varie dans une fourchette très large, avec quelques sinistres pouvantdépasser trois millions d’euros (voir infra) ;

base de mutualisation réduite : en France, seuls 1500 gynécologues – obstétricienspratiquent des actes d’obstétrique en libéral. La mutualisation entre médecins,pratiquée en particulier par les mutuelles présentes sur ce secteur (MACSF, Soumédical), s’est considérablement réduite en raison de la divergence croissante entreles coûts des sinistres selon les spécialités. La concurrence sur le marché de laresponsabilité civile des médecins généralistes a logiquement conduit à unesegmentation du marché selon le niveau des risques par spécialité.

3 OCDE, Prévenir, assurer et couvrir les incidents médicaux, décembre 2006. Le niveau de prime est jugéexcessif pour les assurés, il peut être réaliste du point de vue de l’assureur.

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1.1.2 Les mesures prises par les pouvoirs publics pour rétablir l’assurabilité du risque

Les pouvoirs publics ont pris au courant de l’année 2002, à la faveur des lois n°2002-303 du 4mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (« loiKouchner ») et n°2002-1577 du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale(« loi About »), une série de mesures dont l’un des objectifs était de rétablir l’assurabilité durisque de responsabilité civile médicale :

la prise en charge par la solidarité nationale de l’aléa thérapeutique, au-delà de seuilsde gravité fixés par décret. Cette disposition avait non seulement pour objet degarantir l’indemnisation de la victime, même en l’absence de faute prouvée, maisaussi d’éviter que la préoccupation de faire bénéficier la victime d’uneindemnisation conduise le juge à imputer la responsabilité à un médecin ou à unétablissement par interprétation extensive de la notion de faute.

l’adoption de la disposition dite « anti-Perruche » selon laquelle un enfant ne sauraitprétendre à une indemnisation au motif qu’une erreur de diagnostic prénatal aempêché ses parents d’avoir, éventuellement, recours à une interruption médicale degrossesse (voir annexe n°13). Cette disposition a pour effet de limiter le nombred’indemnisations de montants très élevés (liés au coût de l’aide d’une tiercepersonne pendant toute la vie d’un enfant handicapé).

l’institution d’une obligation pour les professionnels de santé de s’assurer, dontl’objectif principal est de garantir l’indemnisation des victimes mais qui a aussi poureffet d’éviter le phénomène d’anti-sélection4. Cependant, la loi a posé un corollaire :l’obligation pour les assureurs d’assurer, via le passage devant le bureau central detarification (BCT), désormais doté d’une section médicale.

la faculté pour les assureurs d’introduire des plafonds de garantie, dont le niveau aété fixé par décret à 3 millions d’euros au minimum par sinistre et 10 millionsd’euros au minimum par an. L’ONIAM intervient au-delà du plafond de garantie,avec une possibilité d’action récursoire contre le médecin concerné parl’insuffisance de couverture assurantielle.

la prise en charge par la solidarité nationale des infections nosocomiales graves (au-delà de 25% d’incapacité permanente partielle). La loi du 4 mars 2002 avait établiune présomption de faute de l’établissement ou du praticien en la matière ; la chargede la réparation est depuis la loi About partiellement transférée vers la collectivité.

le passage des contrats en base réclamation5, en réponse à une revendicationrécurrente des assureurs et dans le contexte de crise qui a caractérisé l’année 2002.La loi About a en fait donné une base juridique à une pratique des assureurslargement répandue, mais qui avait été déclarée non valide par la Cour de cassation

4 Selon le phénomène d’anti-sélection ou « sélection adverse », si un assureur fixe un prix non adapté, la primepeut apparaître trop chère à ceux dont les risques sont les moins élevés (et qui, de fait, ne s’assurent pas) etintéressante pour ceux qui présentent le risque. L’assureur est ainsi sélectionné par les agents qui présentent leplus de risques.5 En base réclamation, ce n’est pas l’assureur du contrat en vigueur lors de la survenance du fait dommageablequi indemnise la victime, mais celui du contrat en vigueur lors de la réclamation.

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de façon constante depuis 19906. L’introduction de la base réclamation s’estaccompagnée de la fixation de délais minima de garanties subséquentes, inférieursaux délais de prescription (voir annexe n°4)7. Par ailleurs, certains assureurs, enfonction de l’interprétation qu’ils ont faite des dispositions de la loi About, ont puréintégrer des provisions constituées antérieurement sous les contrats fait générateur(voir annexe n°5).

Les assureurs, interrogés par la mission sur les effets de ces dispositions sur leur activité, ontfait part des éléments suivants :

- ils considèrent que la prise en charge de l’aléa thérapeutique devrait avoir un effet demodération sur la mise en cause de la responsabilité pour faute mais soulignent que ceteffet est pour l’instant peu perceptible. Toutefois, à titre d’exemple, l’ONIAM a relevéque la jurisprudence tend désormais à considérer une mauvaise manipulation du plexusbrachial comme un aléa thérapeutique, sauf faute caractérisée du médecin ;

- ils reconnaissent que les clauses en base réclamation offrent une meilleure visibilité sur lesparamètres du risque à garantir. Il n’y a quasiment plus de provisions à constituer pour lessinistres à venir. Pourtant la diminution escomptée des provisions statistiques, quiintègrent l’incertitude liée à la déclaration tardive de sinistres ou à l’aggravation imprévuede sinistres déclarés, semble ne pas s’être produite, selon les assureurs interrogés par lamission.

Au total, les primes n’ont pas diminué depuis 2002 ; mais les hausses sont plus limitéesdepuis 2004 (voir annexe n°6).

Dans ce contexte, plusieurs hypothèses peuvent être formulées :- soit les dispositions des lois de 2002 n’ont effectivement eu aucun impact sur les charges

et les provisions des sociétés d’assurance ; elles n’auraient alors que contribué à rétablirl’assurabilité du risque et à éviter un retrait massif des assureurs du marché ;

- soit la sous-tarification au début des années 2000 était telle que les effets favorables ontpermis une modération de la progression des primes ;

- soit les sociétés d’assurance ont choisi de ne pas répercuter les effets favorables sur lesprimes et ont préféré reconstituer leurs résultats, mis à mal par la crise du début desannées 20008 (engendrée par la sous-tarification, l’effondrement des produits financiers etle durcissement des conditions de réassurance) ;

- soit les évolutions favorables ont été dissimulées par des facteurs tendant àl’accroissement des charges. La mission s’est donc efforcée d’apprécier l’évolution de lasinistralité et du montant des indemnisations accordées dans le domaine de la gynécologie– obstétrique.

6 Dans sept arrêts du 19 décembre 1990, la Cour de cassation a jugé que la clause base réclamation aboutissait« à priver l’assuré du bénéfice de l’assurance en raison d’un fait qui ne lui est pas imputable et à créer unavantage illicite, comme dépourvu de cause, au profit du seul assureur, qui aurait alors reçu les primes sanscontrepartie ».7 A noter que les clauses base réclamation ont été autorisées (sans être obligatoires) pour l’ensemble des contratsen responsabilité civile professionnelle, par la loi n°2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière.8 Voir à ce sujet IGAS / IGF, Rapport d’enquête sur l’assurance de responsabilité civile médicale, janvier 2004.

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1.1.3 La sinistralité

La mission n’a pu obtenir des séries longues de données sur la sinistralité que de la part dequelques assureurs (voir annexe n°7). L’observatoire des risques médicaux (ORM), créé parla loi n°2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie et chargé de recueillir auprèsdes assureurs, des CRCI, de l’ONIAM et de l’AP-HP les données relatives aux accidentsmédicaux, aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales, n’a pas encore fourni dedonnées exploitables. Ainsi, en 2006, l’ORM a recensé les sinistres supérieurs à 15000 eurosmais ces données sont trop parcellaires pour apprécier la gravité et la fréquence de lasinistralité en gynécologie – obstétrique (10 sinistres recensés en obstétrique sur les dixpremiers mois de 2006).

Les données fournies à la mission font apparaître les éléments suivants :

La fréquence des sinistres semble stable depuis dix ans, en moyenne légèrementinférieure à 20%. Autrement dit, en moyenne, un gynécologue – obstétricien faitface à une réclamation tous les cinq ans.

Le coût moyen des sinistres est très variable d’un exercice à l’autre et d’une sourcestatistique à l’autre (voir infra, partie 1.1.4.).

Les sinistres très graves (supérieurs à 3 M€) sont rares, donc a fortiori ceux de 5 à 6M€. La FFSA en recense, dans son échantillon, 12 au cours des dix dernières annéesdont six en 2004 et 2005. La MACSF fournit des estimations supérieures, ladifférence pouvant tenir à des pratiques de provisionnement différentes.

Ces résultats infirment certaines des impressions recueillies par la mission auprès de sesinterlocuteurs :- il est fréquemment évoqué le développement d’une « société de litiges » et la

« judiciarisation ». Il est vrai que la stabilité de la fréquence des sinistres donnant lieu àréclamation peut dissimuler une double tendance : une diminution du nombre de sinistresdu fait de l’amélioration des pratiques, conjuguée à une augmentation de la propensiondes victimes à faire une réclamation en cas d’accident. Cela étant, ni l’instauration d’uneobligation d’information du patient, ni la création des commissions régionales deconciliation et d’indemnisation (CRCI) par la loi du 4 mars 2002 n’ont engendréd’augmentation visible du nombre de réclamations, contrairement à ce qui était redouté ;

- de même, en ce qui concerne les sinistres donnant lieu à des indemnisations très élevées,la mission n’a pu mettre en concordance les données statistiques recueillies et lesperceptions de ses interlocuteurs qui évoquent régulièrement une dizaine de sinistres de 5millions d’euros par an.

Au total, la mission ne peut que rappeler les préconisations faites dans le précédent rapportIGAS / IGF sur l’importance de mettre en place un dispositif de recueil des donnéesstatistiques qui soit fiable et exhaustif.

Quant aux perspectives d’évolution de la sinistralité, elles sont difficiles à discerner tant lesfacteurs entrant en jeu sont nombreux. On peut a priori escompter du développement dessystèmes de prévention et de gestion des risques une diminution de la sinistralité mais celle-ci

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peut être contrebalancée par une augmentation du volume annuel des actes à risques9, et unepropension plus grande des victimes à intenter un recours en cas d’accident.

1.1.4 Le montant des indemnisations

Les données statistiques fournies par les assureurs ont permis de relever la forte volatilité dumontant unitaire des indemnisations. Le montant des indemnisations les plus élevées auraitaugmenté, selon les interlocuteurs de la mission, du fait des sommes attribuées au titre del’aide d’une tierce personne.

A cet égard, plusieurs remarques peuvent être formulées :

le problème du montant des indemnisations accordées en matière de responsabilitécivile médicale se fond dans la problématique plus large de l’indemnisation desaccidents corporels ;

parmi les pistes explorées par d’autres pays de l’OCDE pour renforcer l’assurabilitéde la responsabilité civile médicale, figure l’encadrement des indemnisations (voirannexe n°3) ;

l’instauration de forfaits d’indemnisation ou la fixation de plafonds, décidées danscertains pays, ne sont pas envisageables en France, dans la mesure où ellesremettraient en cause le principe de réparation intégrale ;

en revanche, on peut souligner l’intérêt des démarches visant à établir unenomenclature partagée des préjudices10 ainsi que la diffusion d’un barème indicatifd’indemnisation11. A cet égard, le barème établi par l’ONIAM est d’ores et déjàutilisé par certaines juridictions administratives. Sans porter atteinte à la liberté dujuge et à la nécessaire individualisation des indemnisations, ces outils favorisentl’égalité de traitement des victimes, en réduisant les fortes disparités entretribunaux ; en outre, ils améliorent la visibilité des assureurs sur le risque de laresponsabilité civile médicale ;

une meilleure articulation serait à prévoir entre les indemnisations accordées par lestribunaux / l’ONIAM et les dispositifs de droit commun de prise en charge duhandicap, en particulier la prestation de compensation du handicap créée par la loin°2005-102 du 11 février 2005, afin notamment d’éviter le cumul d’aides accordéesau titre de l’aide d’une tierce personne.

9 Soit en raison par exemple d’une augmentation des naissances induisant une augmentation des interventions àrisque, soit sous l’effet du progrès médical (par exemple augmentation des grossesses multiples liée au recoursaccru à l’assistance médicale à la procréation).10 Les rapports Lambert – Faivre (Rapport sur l’indemnisation du dommage corporel, octobre 2003) et Dintilhac(Rapport du groupe de travail chargé d'élaborer une nomenclature des préjudices corporels, juillet 2005)plaident pour une nomenclature basée sur la distinction entre les préjudices de la victime directe et des victimespar ricochet, les préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux, et les préjudices temporaires et permanents.11 L'ONIAM a mis en place un " référentiel indicatif d'indemnisation" qui inclut l'incapacité permanentepartielle, les préjudices économiques (dont l'assistance tierce personne), le préjudice esthétique, le préjudiced'agrément, le préjudice sexuel et d'établissement, la perte d'année scolaire. Des fourchettes ou des montants sontfournis à titre indicatif pour permettre d'évaluer les réparations des préjudices extrapatrimoniaux, les préjudiceséconomiques étant quant à eux calculés sur la base des pertes ou des dépenses réelles qu'ils occasionnent.

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En ce qui concerne les indemnisations très élevées, une mention particulière doit être faitepour les dossiers type Perruche. La Cour de cassation a jugé, dans trois arrêts du 26 janvier2006, que l’article 1er de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002, dite disposition « anti-Perruche »,ne pouvait pas s’appliquer aux instances en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi, souspeine de priver les plaignants d’une « valeur patrimoniale » préexistante. Par des arrêts du 6octobre 2005, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait condamné la Franceau même motif (affaires Draon c. France, requête no 1513/03, et Maurice c. France, requêteno 11810/03).

Cette jurisprudence renchérit effectivement le coût de quelques sinistres passés (estimés à unedouzaine) et conduit à l’augmentation des provisions afférentes à ces dossiers. En revanche,elle n’a aucun effet sur le coût des sinistres futurs. Elle ne devrait donc pas en principe enavoir sur les primes à venir, sauf si, faute de concurrence suffisante, les assureurs peuventrattraper par les primes actuelles ces insuffisances de provisionnement. C’est une tellemutualisation dans le temps que semble vouloir opérer la MACSF quand elle liel’augmentation de ses tarifs en 2007 à la jurisprudence sur les dossiers type Perruche.

Quant à l’interprétation de la cour d’appel de Reims du 30 octobre 2006, selon laquelle lavictime est titulaire d’une créance en réparation à la date de réalisation du dommage et nonpas à la date d’introduction de l’instance (la jurisprudence Perruche peut donc être invoquéepour toutes les naissances intervenues avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002,même en l’absence d’instance en cours à cette date), elle est limitée pour l’instant au casd’espèce.

1.2 La situation de l’offre sur le marché de l’assurance en responsabilité civilemédicale

En 2002, le marché de la responsabilité civile médicale était secoué par une première crisecaractérisée par une contraction de l’offre du fait du retrait des assureurs américains Saint-Paul et ACE en 2001 et 2002 et du désengagement des assureurs généralistes français (AGF,AXA). Cette crise a pu être surmontée en 2003 et 2004 au prix de la mise en place d’unmécanisme transitoire de mutualisation du risque, le groupement temporaire d’assurancemédicale (GTAM), puis du passage de nombreux médecins par le bureau central detarification (BCT) et leur réassurance par le groupement temporaire de réassurance médicale(GTREM).

Le retour à un fonctionnement « normal » du marché est corroboré par les données d’activitédu BCT. Les saisines sont passées, entre 2003 et 2006, de 1096 à 49 pour l’ensemble desmédecins et de 321 à 17 pour les gynécologues – obstétriciens.

Ainsi, au début de l’année 2007, le marché de l’assurance en responsabilité civile médicalefonctionne à nouveau, tout en restant étroit, notamment sur le segment des gynécologues –obstétriciens (voir annexe n°8) :- la MACSF / Sou médical est encore très présente (tiers du marché), malgré sa volonté

manifeste de se désengager, par le biais de hausses massives des primes à partir d’avril2007 ;

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- la Medical Insurance Company (MIC), fondée par le courtier français Branchet et baséeen Irlande, détient désormais un peu moins du tiers des contrats de gynécologues-obstétriciens ;

- Hannover Re opère en France en libre prestations de services, via le courtier Marsh, etreprésente entre 15 et 20% du marché ;

- AXA ne s’est finalement pas retiré du marché mais son portefeuille (moins de 10% dumarché) est essentiellement composé d’anciens clients, apportés par les agents généraux ;

- les AGF, en dépit de leur décision de retrait, gardent environ 10% de parts du marché, dufait des attributions faites par le BCT à la suite de leur refus d’assurer, ainsi quemarginalement quelques contrats signés par les agents généraux de leur réseau ;

- la SHAM est arrivée sur le marché des praticiens libéraux à l’automne 2006. Toutefois, lavolonté de cette société de lier l’assurance des praticiens à l’assurance des établissementspeut limiter son développement commercial.

L’étroitesse du marché explique qu’il n’est pas à l’abri de turbulences dès lors qu’un acteurchange de stratégie, ainsi qu’en témoigne l’impact de l’annonce de la MACSF. En outre, lareconstitution de l’offre ne s’est pas accompagnée d’un renforcement de la concurrence surles prix, dans le sens où les assureurs traditionnellement présents sur le marché ont continué àaugmenter les primes, en dépit des tarifs inférieurs pratiqués par Marsh et MIC (voir infra).

Même si les deux assureurs étrangers détiennent déjà 45% des contrats en gynécologie –obstétrique, la mission s’est interrogée sur les raisons pour lesquelles ne s’était pas produit undéport plus massif des gynécologues - obstétriciens vers ces assureurs : fidélité et réticence àchanger d’assureur (auprès duquel les médecins ont souvent souscrit d’autres contratsd’assurance) et / ou rumeurs sur la situation prudentielle de la société MIC, accusée depratiques de dumping et d’une interprétation abusive des dispositions de la loi About (voirannexe n°5) ? Or ces rumeurs semblent d’autant moins justifiées aujourd’hui que lesMutuelles du Mans Assurances (MMA) sont devenues un actionnaire important de MICdepuis le 1er janvier 2005, lui garantissant ainsi des perspectives prudentielles favorables.

1.3 Les perspectives d’évolution des primes12

Les primes d’assurance en responsabilité civile professionnelle des gynécologuesobstétriciens s’établissent en 2006 à environ 14 000 euros et devraient avoisiner en moyenne15000 euros en 2007. Après la crise de la responsabilité civile médicale des années2002/2003, le mouvement de hausse des primes s'est poursuivi mais à un rythme plus modéré.L’augmentation peut être estimée à 2000 euros de 2003 à 2006.

Une nouvelle tension sur le niveau des primes est apparue à la suite de l'annonce par laMACSF, au printemps 2006, de sa volonté de se retirer du marché des gynécologues-obstétriciens, sauf à obtenir une augmentation substantielle des primes d'environ 15 000 eurospar rapport à ses tarifs précédents pour un plafond de garantie maintenu à 6 millions d'euros.Pour un plafond de garantie à 3 million d’euros, les tarifs seraient portés à 22 000 euros pourles obstétriciens et à 30 000 euros pour les chirurgiens gynécologiques.

12 Les données évoquées dans cette partie sont détaillées en annexe 6, nous invitons le lecteur à s'y reporter.

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Les attitudes des assureurs, interrogés par la mission sur l’évolution nécessaire des primes,sont divergentes. Au-delà de l’invocation de la jurisprudence de la cour de cassation sur ledispositif anti-Perruche (voir supra), la MACSF estime que ce niveau de prime est nécessairepour couvrir les charges des sinistres à venir. Les AGF confirment que l’attitude de laMACSF est cohérente avec les fondamentaux du marché. Les assureurs étrangers,Marsh/Hannover et MIC considèrent, pour leur part, que le niveau actuel des primes estproche d'un niveau d'équilibre.

Le niveau des primes dépend notamment du coût moyen des sinistres. A cet égard, lesdonnées recueillies par la mission sont divergentes et difficiles à interpréter. Une étude de laFFSA, réalisée à partir d'un échantillon de 30 à 40% des gynécologues - obstétriciens, faitapparaître sur les dix dernières années (1995-2005) un coût moyen des sinistres de 100 000euros. Il en ressort que la prime pure devrait s’établir à environ 20 000 euros et que la primechargée devrait s’établir à 27 000 euros (voir annexe n°7).

Les données fournies par l’ACAM pour les sinistres clos au cours des années 2004 et 2005font apparaître un coût moyen de, respectivement, 42 000 et 45 000 euros. Ce niveau estconfirmé par des données issues de la FFSA pour 2004. Les sinistres clos peuvent être dessinistres anciens, toutefois ils intègrent, s’ils ont été réglés récemment, l'influence desévolutions de la jurisprudence sur le montant des réparations.

L'appréciation du coût des sinistres varie donc du simple au double selon que l’on se réfère aucoût des sinistres clos ou aux provisions constitués par certains assureurs. Même s’il estimpossible, à la mission, au vue de ces divergences, de porter une appréciation sur le coûtmoyen des sinistres et donc sur le niveau de la prime d'équilibre, elle constate qu’il estpossible qu’une tarification fondée sur un coût moyen de 50 000 euros (soit une primemoyenne de 14 300 euros13, soit un niveau équivalent à celui des primes actuelles) soitpertinente. On peut d’autant plus le penser que deux assureurs représentant 45% du marché,en cohérence avec l’analyse précédente, estiment que le niveau de prime actuel est correct.

Dans ce contexte, la mission estime que le marché, en son état actuel, offre aux gynécologues– obstétriciens la possibilité de bénéficier de primes en moyenne moins élevées que celles desassureurs spécialisés et généralistes traditionnellement sur le marché. Aussi le rôle despouvoirs publics ne nous semble-t-il pas être d'entériner les revendications d'un desintervenants du marché mais de laisser jouer la concurrence, voire de l’encourager. Dès lorsque les primes sont prises en charge par des fonds publics, ne serait-ce qu'en partie, la bonnegestion des deniers publics exige que l'on recherche les primes les moins chères.

Au total, il semble qu'une augmentation généralisée des primes n'est pas inéluctable.L'analyse des données et plus encore la politique tarifaire de deux intervenants sur le marchélaissent penser qu'une stabilisation est possible. Cette stabilisation exige toutefois que lesmédecins concernés fassent jouer la concurrence et changent massivement d'assureur.

Il est vrai que dans cette hypothèse, on peut s'inquiéter de la dynamique à terme d'un marchéqui, sauf nouveaux entrants, ne sera animé que par deux à trois intervenants dont deuxsociétés étrangères. Le caractère étroit du marché, la limitation du nombre des intervenants,l'ampleur des incertitudes font craindre de nouvelles turbulences. Ce questionnement sur lacapacité du marché à réguler la prise en charge de ce risque sans sur- ou sous-réaction à 13 Un coût moyen de 50 000 euros et une fréquence de 20% aboutissent à un prime pure de 10 000 euros et uneprime chargée (avec les coûts de gestion et les taxes) d'environ 14 300 euros.

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l’incertitude peut constituer un argument en faveur d'une prise en charge directe du coût desindemnisations par un établissement public. Quel que soit le dispositif retenu, il apparaît queles primes ont vocation à être "socialisées". Dans un dispositif public géré en répartition, lacollectivité publique (les contribuables futurs) devra assumer, si elle se produit, uneaugmentation du coût du risque, mais elle évite un éventuel provisionnement excessif, lié àune surestimation de cette augmentation par les assureurs.

1.4 L’évolution des revenus des gynécologues – obstétriciens14

Il convient d’apprécier si la hausse des primes d’assurance des spécialités à risques s’esttraduite par une érosion des revenus des spécialités concernées.

Les données dont dispose la mission sur le revenu des spécialités à risques sur 2000-2004, soitla période de forte hausse des primes, montrent que ces spécialités ont connu une croissancedu pouvoir d’achat similaire à celle des autre médecins et supérieure à celle du salarié moyen.

Toutefois ces données ne couvrent pas la période récente, ne distinguent pas les médecinsselon qu’ils sont en secteur 1 ou 2, amalgament dans la catégorie gynécologue - obstétricienceux qui pratiquent et ceux qui ne pratiquent pas d’actes d'obstétrique et ne permettent pas dedistinguer les effets volumes et prix/tarifs. La CNAMTS n’a pas été en mesure de fournir,dans les délais de nos travaux, les données sur les honoraires, demandées par la mission,nécessaires pour approfondir l’analyse.

La CNAMTS a cependant transmis l’évolution des tarifs d'accouchements qui, pour la période2000-2003, ont évolué d’environ 40%, suggérant un mécanisme de compensation par lestarifs des augmentations de primes.

En tout état de cause, la question de l’évolution des revenus se pose en des termesfondamentalement différents depuis qu’une prise en charge des primes d’assurance à hauteurde 66% pour les médecins secteur 1 et de 55% pour les médecins secteur 2, dans la limite de18 000 euros, a été décidée fin 2006. Par exemple, un gynécologue secteur 1 qui acquitte uneprime moyenne de 15 000 euros ne supportera qu’une charge résiduelle de 5 000 euros, soitune charge sensiblement équivalente à celle qu’il devait supporter avant la première crise surle marché de l’assurance en 2002-2003. Aussi n’y a-t-il pas de doute que les hausses de primed'assurance sont dorénavant compensées si ces niveaux de tarifs restent stables ; on peut seposer la question, au vue des données dont dispose la mission, de savoir si elles n’ont pas étésurcompensées (prise en compte des hausses de primes dans les tarifs avant les décisions deprise en charge des primes).

Au total, les hausses de primes ont d’ores et déjà été prises en charge sous des formes diversespar la collectivité. Aussi, sauf nouvelle hausse significative des primes, l’évolution desrevenus des spécialités à risque ne justifie-t-elle pas, à elle seule, de prendre de nouvellesmesures en matière de responsabilité civile médicale.

14 Les données relatives aux revenus et charges des spécialités à risques, évoquées dans ce paragraphe, sontdétaillées dans l'annexe 9, nous invitons le lecteur à s’y reporter.

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2. Appréciation des modalités d'intervention complémentaires sur lemarché de la RCM

Nous concluons dans la partie précédente que le marché peut se stabiliser au niveau actuel etque l’augmentation des charges des médecins a été d’ores et déjà compensée, voiresurcompensée. Toutefois, cette deuxième partie est consacrée à l’analyse de divers modesd’interventions complémentaires qu'il ne serait légitime de mobiliser que si les primesaugmentaient à nouveau de manière significative. Dans cette hypothèse, sont étudiés :- le transfert à la solidarité nationale d’une partie des charges d’indemnisation des sinistres

fautifs les plus lourds ;- des modalités de mutualisation accrue ;- la répercussion dans les tarifs des hausses éventuelles de primes.

2.1 Le transfert à la solidarité nationale de l’indemnisation des sinistres les pluslourds

Deux types de dispositifs de transfert à la solidarité nationale des charges d’indemnisation dessinistres les plus lourds sont actuellement proposés, fondés :- soit sur leur nature, la solidarité nationale intervenant en faveur de certaines victimes, en

l’occurrence les nouveaux - nés ;- soit sur le coût des sinistres, la solidarité nationale intervenant au-delà d’un certain seuil

(dispositif d’écrêtement).

Dans les deux cas, en schématisant, il s’agit en fait de transférer à la solidarité nationale lescharges d’indemnisation, particulièrement élevées, liées à la nécessité de recourir àl’assistance d’une tierce personne tout au long de la vie.

2.1.1 L'indemnisation du préjudice au nouveau-né par la solidarité nationale

Parmi les propositions présentées par le SYNGOF figure le transfert à la solidarité nationaledes dommages exceptionnels subis par les enfants à l’occasion d’actes d’accouchement,l’indemnisation des patientes continuant de relever des assurances professionnelles privées.

Cette dissociation se justifierait par le poids que représentent, dans les sinistres obstétricaux,l’indemnisation des préjudices de l’enfant et singulièrement les montants attribués pour sonentretien lorsqu’il a besoin d'une tierce personne en permanence. Une autre raison tient à lalongueur du sinistre et à l’incertitude sur l’état de l’enfant avant consolidation. Le SYNGOFmet aussi en avant l’extension des délais de prescription à 28 ans, du fait que la consolidationpeut n’être constatée qu’à la majorité de l’enfant.

On ne voit pas toutefois de raison de réserver au nouveau-né cette indemnisation par lasolidarité nationale, des sinistres graves pouvant toucher de la même façon des enfants trèsjeunes hors accouchement. D’ailleurs, les sinistres lourds sont loin d’être concentrés sur lesobstétriciens.

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L’évaluation précise de l’impact de cette mesure est obérée par le manque de données sur lesaccidents de naissance. Selon les sociétés d’assurances rencontrées par la mission, le nombrede sinistres supérieurs à 3 millions d’euros en gynécologie -obstétrique a été de 3 en 2005 auGTREM et, selon la FFSA, est de 2 à 3 sinistres par an (voir annexe n°7).

Cette proposition revient à écrêter les indemnités. Mais le fondement en est moins clair quecelui de l’écrêtement, décrit ci-dessous.

2.1.2 La mise en place d’un dispositif d’écrêtement

La mise en place d’un dispositif d’écrêtement a été évoquée à plusieurs reprises au cours del’année 2006. En cas d’échec des négociations entre les assureurs et l’Union nationale descaisses d’assurance maladie (UNCAM) engagées actuellement, la loi de financement de lasécurité sociale pour 2007 prévoit que le gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance,avant le 30 avril 2007, des dispositions d’écrêtement (voir annexe n°13).

La mission observe tout d’abord que la situation présente du marché ne semble pas justifierla mise en place d’un tel dispositif (cf. partie 1.3).

La mise en place éventuelle d’un dispositif d’écrêtement appelle par ailleurs les remarquessuivantes :

Pour obtenir un impact significatif sur les primes de l’ensemble des assureurs, leseuil d’écrêtement devrait être fixé suffisamment bas, d’où un coût brut de la mesurepotentiellement élevé. Un seuil à trois millions d’euros, correspondant au plafond degarantie utilisé par la majorité des assureurs, n’aurait en effet qu’un impact trèslimité (voir annexe n°4). Ainsi, la FFSA estime que pour stabiliser les primes à leurniveau actuel (12 000 euros de prime non chargée) et éviter leur hausse vers un“niveau d’équilibre” estimé par elle à 27 000 euros, prime chargée (voir annexen°6), le seuil d’écrêtement devrait être fixé à hauteur de 1 million d’euros. Le coûtbrut de la mesure pourrait s’avérer élevé (de l’ordre de 25 millions d’euros selon lesestimations du ministère de la santé et des solidarités15). Le coût net serait toutefoisnettement plus faible, dans la mesure où l’aide à la souscription d’assurancediminuerait en proportion de la baisse ou stabilisation des primes. La mission écarteen tout état de cause l’hypothèse évoquée du financement du dispositif par une taxeassise sur les contrats multi-risques habitation, ou sur l’ensemble des contrats deresponsabilité civile médicale (cf. ci-après 2.2.1 et 2.2.2).

Si l’écrêtement peut contribuer à stabiliser les primes, il accentuera la complexité etla difficulté de maîtrise de l’effort financier public. Le mécanisme d’écrêtement nepourra pas se substituer purement et simplement aux mécanismes d’aide actuels à lacouverture des primes. En effet, puisque les simulations de la FFSA montrentqu’avec un seuil d’écrêtement fixé à 1 million d’euros, les primes des gynécologues-obstétriciens resteraient approximativement à leur niveau actuel, il serait nécessaire

15 Direction de la sécurité sociale. Il est toutefois impossible de déterminer précisément le coût brut de cedispositif, à la charge de l’assurance maladie puisqu’on ne dispose pas de données statistiques fiables sur ladistribution des sinistres (part des sinistres supérieure aux différents seuils d’écrêtement envisagés).

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de maintenir un mécanisme d’aide au financement des primes, sauf à augmenterl’effort financier des praticiens. Par ailleurs, il convient d’observer que les tarifs dela classification commune des actes médicaux (CCAM) ont vocation à couvrir lescoûts de la pratique, notamment les charges d’assurance de responsabilité civilemédicale des praticiens. Au total, on voit mal comment ces différents dispositifs definancement pourront être combinés. L’écrêtement ne facilitera pas l’appréhensionde l’effort financier global de l’assurance–maladie, dans le domaine de laresponsabilité civile médicale, et rendra sa maîtrise plus complexe.

Ses effets sur le marché de la responsabilité civile apparaissent par ailleurspotentiellement déstabilisateurs. Outre les autres spécialités, l’écrêtement pourraitêtre étendu aux établissements de santé susceptibles d’en revendiquer le bénéfice,compte tenu de la justification avancée (prise en charge par la solidarité nationale del’indemnisation des sinistres les plus lourds). Son impact sur le marché de laréassurance, dès lors élargi, renforcerait le risque d’atteinte à la libre prestation deservice. En outre, beaucoup d’établissements de santé pourraient alors avoirfinancièrement intérêt à s’auto-assurer, ce qui placerait une société comme laSHAM en sérieuse difficulté.

Le risque d’extension du dispositif d’écrêtement à d’autres contextes d’assurance, égalementsouvent évoqué, paraît en revanche plus théorique : si les charges d’assurance des autresprofessions libérales (architectes notamment) peuvent être très élevées, ces dernières ont lapossibilité de répercuter ces charges dans leur tarifs contrairement aux praticiens (notammentceux en secteur 1). Par ailleurs, dans les autres situations de dommages corporels (automobilepar exemple), la situation est également très différente du fait des possibilités beaucoup plusimportantes de mutualisation des risques entre assurés.

En conclusion, la mission souligne que si la mise en place d’un dispositif d’écrêtement peutconstituer une solution en cas de hausse généralisée des primes, l’état actuel du marché nesemble pas justifier son intervention à court terme. Si une hausse importante et générale desprimes de gynécologie -obstétrique s’avérait inéluctable à l’avenir, elle note que l’efficacitéd’une mesure d’écrêtement en vue de la contenir aurait pour pendant une complexité accruedu dispositif, sans possibilité de maîtrise réelle de l’effort financier public. Le caractèredurable de la modération des primes16 ne pouvant par ailleurs faire l’objet d’aucune garantiede la part des assureurs et le risque de contradiction d’une mesure d’écrêtement avec laréglementation européenne17 ne pouvant être totalement exclu, la mission estime dès lorspréférable que l’assurance- maladie prenne en compte ces hausses des primes au travers de latarification des actes médicaux, sous réserve de disposer des données de contrôle afférentessur la sinistralité et les coûts associés18.

16 En particulier, le caractère imparfait de la concurrence sur ce marché pourrait favoriser, à plus ou moins brèveéchéance, des pratiques de couverture des sous-provisionnements passés par les gains issus de l’écrêtement. Uneévolution défavorable de la sinistralité reste par ailleurs toujours possible.17 Une mesure d’écrêtement porterait atteinte à la libre prestation de services sur le marché de la réassurance,atteinte dont la nécessité devrait être justifiée par un motif d’intérêt général avéré, et qui devrait êtreproportionnée à l’objectif poursuivi. En l’occurrence, l’existence d’un motif d’intérêt général avéré sera sansdoute plus difficile à établir pour une mesure d’écrêtement de portée générale, bénéficiant à l’ensemble desspécialités médicales concernées, que pour une mesure ciblée sur la seule spécialité des gynécologues -obstétriciens.18 Données qui devraient lui être transmises par l’Observatoire des risques médicaux.

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Enfin, s’il est vrai que la jurisprudence récente de la Cour de cassation place certainsassureurs, notamment la MACSF, en situation de constituer des provisions substantielles pourfaire face, le cas échéant, à l’indemnisation de nouveaux cas19 de préjudices d’enfant dont lehandicap n’aurait pas été décelé avant la naissance (affaire type “Perruche”), et que cescharges nouvelles peuvent les conduire à modifier leur politique de tarification, la réponse àce problème ne passe pas nécessairement par l’écrêtement. Il peut certes sembler logique queles pouvoirs publics reprennent à leur compte les conséquences de décisions jurisprudentiellesrevenant sur les principes que la représentation nationale a entendu affirmer (prise en chargedu handicap non décelé de l’enfant par la solidarité nationale, article 1er de la loi du 4 mars2002). Toutefois, une mesure générale d’écrêtement aurait un champ d’application beaucoupplus large : elle concernerait tous les sinistres lourds de gynécologie -obstétrique et, au-delà,tous les sinistres médicaux lourds, quelle que soit la spécialité du praticien. Des mesuresd’aide financière ciblées sur le reliquat de sinistres “Perruche” et accordées au cas pas cas,après confirmation des condamnations, sembleraient plus pertinentes. Ces aides ne seraienttoutefois envisageables que dans l’hypothèse d’une stabilisation des primes, sauf à payer deuxfois les conséquences des jurisprudences récentes20.

2.2 La mutualisation du risque

Pour pallier l’étroitesse de la base de mutualisation qui caractérise le risque responsabilitécivile médicale des gynécologues- obstétriciens (voir supra), est régulièrement évoquée,parmi les pistes de réforme, la mutualisation « forcée » du risque, sous différentes formes.

2.2.1 La mutualisation du risque entre médecins et assurés sociaux

Cette modalité de mutualisation a été présentée comme solution, d’une part, dans uneproposition de loi déposée au Sénat en 2004 et, d’autre part, par certains assureurs désireux degénéraliser les contrats de garantie des accidents de la vie (GAV). Les patients seraientobligés de souscrire un tel contrat ou de payer une prime forfaitaire en cas d’hospitalisation et/ou de recours au plateau technique, destinée à contribuer au financement des accidentsmédicaux. Cette proposition soulève une objection de principe : pourquoi les patientsdevraient-il supporter même partiellement la charge financière des risques d’accident, afortiori liés à une faute du praticien ?

2.2.2 La mutualisation du risque entre médecins

Certains assureurs, notamment la MACSF, évoquent l’hypothèse d’une contributionobligatoire de l’ensemble des médecins aux charges d’assurance des gynécologues-obstétriciens ou plus largement des spécialistes du plateau chirurgical. Cette contributionobligatoire prendrait par exemple la forme d’une taxe sur les contrats en responsabilité civilemédicale de tous les praticiens, ou d’une cotisation additionnelle à l’Ordre des médecins quisouscrirait en contrepartie un contrat de réassurance au bénéfice des spécialistes concernés.

19 Affaires en instance avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 200220 Via ces aides ponctuelles et via les aides à la couverture des primes si celles-ci augmentaient fortement pourpermettre de constituer des provisions pour les affaires « Perruche » en instance.

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Les partisans de cette mesure font valoir qu’elle serait probablement facilement acceptée parles médecins libéraux, enclins à la solidarité professionnelle face à ce type de charges (gravitédes conséquences des accidents dans certaines spécialités), et compte tenu de la relativemodestie de la contribution susceptible d’être mise à leur charge.

Toutefois, la mission observe tout d’abord que la charge additionnelle pour chaque médecinne serait pas tout à fait négligeable : dans l’hypothèse d’une prime moyenne en gynécologie -obstétrique portée à 27 000 euros, la mutualisation sur l’ensemble des médecins libérauxmettrait à la charge de chacun d’eux une charge supplémentaire d’environ 400 euros. Parailleurs, une telle contribution aboutirait à créer un prélèvement supplémentaire avec toutesles complexités inhérentes à la gestion d'un prélèvement affecté21.

Sur le fond, de surcroît, on discerne mal la justification d’un tel dispositif. Le statut demédecin libéral n’implique pas de solidarité financière entre les médecins qui le choisissent.Les conditions de rémunération des médecins généralistes et des spécialistes libéraux sontfixées par des conventions différentes. En outre, le système de tarification des actestechniques pratiqués par les spécialistes du plateau technique vise à couvrir au moinspartiellement leurs charges d’assurance. On ne voit donc pas de raison de faire partager àl’ensemble des médecins libéraux, notamment aux généralistes, les charges d’assurance decertaines spécialités. Il semble plus logique d’adapter le système de tarification à lacouverture de ces charges (voir 2.3.).

Au total, il ne paraît pas opportun d’imposer une mutualisation du risque d’accident engynécologie -obstétrique à l’ensemble des médecins.

2.2.3 La mutualisation forcée entre assureurs

Une forme de mutualisation a déjà été mise en œuvre. Le GTAM, mis en place en 2002,constituait un pool d’assureurs ayant vocation à assurer les praticiens confrontés à au moinsdeux refus d’assurance. Il a été remplacé par le GTREM en 2004 afin de réassurer tous lescontrats de praticiens affectés d’office à des compagnies d’assurance par le BCT. Généraliserle GTREM à tous les contrats de gynécologie – obstétrique ne résoudrait d’abord que trèspartiellement le problème du caractère étroit de la base de mutualisation dans cette spécialité.Imposer cette généralisation changerait par ailleurs totalement le rôle de régulation ponctuelledu GTREM. Une telle orientation serait difficilement compatible avec le maintien demécanismes de marché.

2.3 La prise en compte des charges d’assurance dans les tarifs

Les primes d’assurance ont d’ores et déjà été socialisées par une prise en charge directe deleurs coûts (cf. décret du 7 décembre 2006). La mission estime qu’il aurait été préférable quecette socialisation emprunte la voie d’une répercussion des hausses de primes dans les tarifs etque cette voie devrait être privilégiée à l'avenir. Les primes d’assurance constituent une

21 Il faudrait aussi déterminer les modalités de répartition entre assureurs du produit de cette taxe : fonds demutualisation et répartition au prorata des gynécologues assurés ? Perception et gestion directe par les assureursavec des mécanismes de péréquation pour tenir compte des variations de clientèle ? etc.. ;

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charge comme les autres et leur augmentation a donc vocation à être compensées par lestarifs.

Cette solution présente plusieurs avantages :

- elle est relativement simple par rapport à celles évoquées ou déjà mises en place. Elleévite de mettre en œuvre des circuits administratifs pour rembourser une partie de laprime, ou pour renvoyer vers l’ONIAM une partie de l'indemnisation dans le cas del'écrêtement ou, enfin, pour gérer une contribution complémentaire comme dansl'hypothèse de la mutualisation.

- elle est la seule cohérente avec la CCAM qui vise à valoriser les actes en prenant encompte toutes les charges qui leur sont attachées. Elle suppose toutefois une actualisationrégulière du coût de la pratique dans la tarification des actes médicaux S'il est clair que laCCAM ne peut être adaptée au fil de l'eau, il est tout à fait possible d'envisager desnégociations intermédiaires pour tenir compte des augmentations importantes pour tel outel poste de charge.

- elle continue à responsabiliser le médecin sur la négociation de la prime. En effet, c’est laprime moyenne qui est intégrée dans les tarifs et chaque praticien a toujours intérêt àrechercher la prime la plus faible. Elle le responsabilise aussi par rapport à ses sinistres, unéventuel bonus/malus par rapport à la prime moyenne avantage ou sanctionne le praticienconcerné. Cette responsabilisation est écornée dans le système actuel où c'est unpourcentage de la prime qui est pris en charge.

- elle garantit a priori que les pouvoirs publics ne payent pas deux fois l'augmentation desprimes : une fois dans les négociations tarifaires où les médecins font valoir, à l'appui deleurs revendications, la hausse des primes, une seconde fois par des dispositionsspécifiques de prise en charge des primes. Ce risque de payer deux fois n'est pasnégligeable aujourd'hui dans la mesure où il y a deux centres de décisions : l’UNCAMpour les tarifs et l’Etat pour les dispositifs particuliers de prise en charge des primes. Dansl'hypothèse d'une adaptation des tarifs, il n'y a plus qu'un lieu de négociation et dediscussion : l’UNCAM.

- elle devrait avoir la préférence des assureurs car elle ne modifie en rien les conditions deleur activité. On peut craindre, dans ce cas, une inflation des primes mais ce seraitnégliger que chaque médecin individuellement a toujours intérêt à rechercher la prime laplus basse en faisant jouer la concurrence. Pour autant, il serait sûrement nécessaire, dansce cas, que l’UNCAM, payeur en dernier ressort des primes moyennes, puisse s'assurerque la marché est bien actif et concurrentiel. L’UNCAM pourrait jouer un rôle de conseildes praticiens dans la mesure où elle aurait intérêt à la modération des primes moyennes.

Cette hypothèse suppose que l’UNCAM dispose de données fiables sur les tarifs d’assurancepratiqués et soit en mesure d'en analyser l'impact sur le coût des actes. La complexité del'exercice ne doit pas être sous estimée mais elle doit pouvoir être prise en charge parl’UNCAM car le principe même de la CCAM consiste à pouvoir associer à chaque acte lescharges qui lui sont liées. Elle suppose également un rendez-vous annuel pour les spécialitésconcernées, afin de faire le point sur les évolutions des primes et en tirer les conséquenceséventuelles sur les tarifs.

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Une des difficultés de cette solution est que les primes semblent actuellement peu moduléesen fonction de l'activité des praticiens (voir infra), la répercussion d'un coût moyen des primesdans les actes favoriserait donc les praticiens à forte activité.

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3. Analyse de la proposition du groupe de travail inter-URML

Alertées par les spécialités concernées par les hausses des primes, les unions régionales desmédecins libéraux (URML), sous l’impulsion de quatre d’entre elles (Midi-Pyrénées, Basse-Normandie, Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon) ont constitué un groupe de travail,intitulé « Réconcilier droit et soins ».

Ce groupe de travail inter-URML a présenté en 2003 aux pouvoirs publics trois propositions,communément appelées « propositions SYNGOF » :1) créer un fonds d’assurance des spécialités les plus à risque, sans mise en cause judiciaire

des praticiens, sauf faute inexcusable ou intentionnelle ;2) pour le cas de l’obstétrique, dissocier l’indemnisation de la mère et celle de l’enfant ;

l’indemnisation des nouveau-nés relèverait de la solidarité nationale (voir supra) ;3) mettre en place une politique active de gestion du risque.

La première proposition, à l’expertise de laquelle est consacrée cette partie, conformément àla lettre de mission du ministre de la santé et des solidarités, équivaut à une socialisationintégrale de l’indemnisation des accidents fautifs, à l’exception des fautes qualifiéesd’inexcusables ou intentionnelles (en référence au régime des accidents du travail ainsi qu’à lafaute détachable du service).

Dans le schéma inter-URML, le fonds d’assurance, chargé de cette indemnisation, seraitconfié à l’ONIAM. Il serait abondé à la fois par les médecins (par le biais de cotisations quiintégreraient à la fois une part de tarification individuelle en fonction de la sinistralité et unepart de mutualisation entre spécialités médicales) et l’assurance maladie.

Le projet présenté par le groupe de travail inter-URML a suscité à la fois intérêt et rejet. Lamission s’est attachée à examiner aussi bien la pertinence des arguments avancés à l’encontrede cette proposition que les modalités de son éventuelle mise en œuvre.

3.1 Les éventuels obstacles juridiques

3.1.1 La conformité aux principes constitutionnels de l’instauration d’un régimespécifique de responsabilité civile.

Le Conseil constitutionnel a jugé non-conforme à la Constitution un texte exonérant demanière absolue une personne de toute responsabilité civile, en application du principe,inspiré de l’article 1382 du code civil, selon lequel “tout fait quelconque de l'homme quicause un dommage à autrui l’oblige à le réparer" (DC 88-248 du 17 janvier 1989). Le jugeconstitutionnel laisse cependant au législateur la possibilité d'aménager des régimesd'immunité "moins rigoureux que le droit commun" (DC 83-162 du 20 juillet 1983).

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L’analyse des décisions du conseil constitutionnel en matière de responsabilité civile22 faitapparaître que l’institution d’un régime spécifique de responsabilité civile est possible àcondition :

- que l'immunité ne soit pas absolue. Or, en l'espèce, l'immunité ne concernerait que lesfautes excusables, puisque les gynécologues –obstétriciens seraient tenus de s'assurer pourgarantir leur responsabilité pour faute inexcusable. L’ONIAM disposerait d'une actionsubrogatoire contre les professionnels dont la responsabilité serait engagée à ce titre.

- que soit garanti aux victimes le respect effectif de leur droit à réparation auprès d’un autredébiteur. En l’occurrence, ce serait l’ONIAM qui indemniserait les victimes pour tous lesdommages liés à une faute, en dehors de tout seuil de gravité.

En outre, l’atteinte, ainsi délimitée, au principe de responsabilité civile doit être justifiée par"un motif d'intérêt général ", constitué par les avantages présentés par la proposition dugroupe de travail inter-URML (voir infra) et par une " différence de situation" (particularitésdu risque gynécologie – obstétrique)23.

3.1.2 Le passage préalable obligatoire devant les CRCI

Dans le schéma qu’il présente, le groupe de travail inter-URML ne propose pas explicitementde rendre, au préalable, le passage par les commissions régionales de conciliation etd’indemnisation (CRCI) obligatoire. La mission a néanmoins choisi d’intégrer cettehypothèse, car elle la juge indispensable à la cohérence du système proposé.

Il apparaît24 que la loi peut disposer que le recours à un mode alternatif de règlement deslitiges soit un préalable obligatoire avant d’engager une procédure judiciaire. Il en est ainsi,par exemple, de la conciliation préalable obligatoire pour les litiges portant sur ladétermination du montant du loyer, introduite par la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant àaméliorer les rapports locatifs25.

Deux exigences fondamentales doivent être respectées :

- le recours à la procédure de conciliation ou de règlement amiable devant les CRCI ne doitpas avoir pour conséquence de priver la victime de l’accès au tribunal, afin que soitrespecté le principe de son droit au recours juridictionnel (qui a valeur constitutionnellepuisqu’il découle de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen).En cas d’échec de la procédure (contestation de l’avis de la CRCI et / ou de l’offre del’ONIAM), la victime doit pouvoir saisir une juridiction qui se prononcera surl’indemnisation des préjudices subis ;

22 C.Radé, « Liberté, égalité, responsabilité dans la jurisprudence du conseil constitutionnel », Cahiers duConseil constitutionnel n°16.23 Note du ministère de la justice sur La valeur constitutionnelle de la responsabilité civile du 27/2/200624 Note du ministère de la justice sur La création d’une phase préalable obligatoire de conciliation du 27/2/200625 Extrait de l’article 17 : « (…) En cas de désaccord ou à défaut de réponse du locataire quatre mois avant leterme du contrat, l'une ou l'autre des parties saisit la commission de conciliation. A défaut d'accord constaté parla commission, le juge est saisi avant le terme du contrat (…) ».

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- en vertu du principe de libre consentement, la victime ayant recours à la procédure deconciliation ou de règlement amiable devant les CRCI doit pouvoir interrompre leprocessus à tout moment (dès la première réunion comme à tout moment ultérieur).L’accès au juge ne peut être subordonné à l’aboutissement, même partiel, de la procéduredevant les CRCI.

3.1.3 La compatibilité de la proposition du groupe de travail inter-URML avec le droitcommunautaire de la concurrence.

La question est de savoir si le passage d’un régime assurantiel à un régime de solidariténationale, qui fait sortir l’assurance en responsabilité civile des gynécologues - obstétriciensdu marché, créant ainsi une restriction de concurrence et une entrave à la libre prestation deservices, est compatible avec le droit communautaire.

Sur ce point, deux pistes d’analyse semblent pouvoir être explorées26 :

on pourrait arguer que la mission confiée à l’ONIAM, dans le schéma proposé par legroupe de travail inter-URML, ne constitue pas une « activité économique », au senscommunautaire du terme, et ne serait donc pas soumise au droit communautaire dela concurrence. A l’appui de cette argumentation, le nouveau dispositifd’indemnisation des accidents médicaux pourrait être comparé à celui existant pourles accidents du travail et les maladies professionnelles. Or ce dernier, à l’instar desautres branches et régimes légaux de sécurité sociale, ne constitue pas une « activitééconomique » 27. La difficulté de cette argumentation tient au fait que l’assurance enresponsabilité civile médicale est actuellement confiée au marché.

si l’on considère qu’il s’agit d’une « activité économique », une entrave à la libreprestation de services (ce que constituerait la mise en œuvre de la proposition dugroupe de travail inter-URML) est possible à condition qu’elle réponde à des motifsd’intérêt général, qu’elle soit objectivement nécessaire et proportionnée au problème(ces critères ont été rappelés dans la communication interprétative de la commissionLiberté de prestation de services et intérêt général dans le secteur des assurances,publié au JOCE du 16/2/2000) :

Dans cette dernière hypothèse, il faudrait établir que :- le fonctionnement du marché d’assurance en responsabilité civile médicale des

gynécologues – obstétriciens n’est pas satisfaisant, dans la mesure où les primesd'assurance augmentent alors que les gynécologues - obstétriciens ne peuvent pasrépercuter ces augmentations dans leurs tarifs (voir aussi à ce sujet la décision du conseilde la concurrence du 9 novembre 2006) ;

- une intervention des pouvoirs publics est objectivement nécessaire dans la mesure où onne peut accepter ni une désaffection de la profession (et donc une insuffisance d’offre sur

26 Voir aussi l’analyse juridique relative à la compatibilité avec le droit communautaire que le groupe de travailinter-URML a fait réaliser, www.urmlmp.org27 Notamment arrêts Pouce et Pistre du 17 février 1993, Garcia du 26 mars 1996. La CJCE a jugé que " lesorganismes chargés de la gestion des régimes de sécurité sociale imposés par l'État, tels que l'assurance-maladie obligatoire, qui reposent sur le principe de solidarité, sont à but non lucratif et dont les prestations nesont pas proportionnelles au montant des cotisations obligatoires, remplissent exclusivement une fonctionsociale et n'exercent pas une activité économique".

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le territoire), ni une libération des tarifs ; cette intervention poursuit des motifs d'intérêtgénéral en particulier liés à la santé publique et à l’équilibre financier de l'assurancemaladie ;

- cette intervention des pouvoirs publics n'est pas disproportionnée : la proposition dugroupe de travail inter-URML est la seule solution susceptible de répondre au problème.Les solutions plus respectueuses de la libre prestation de services telles que les correctionsau fonctionnement du marché (comme l'écrêtement, la mutualisation par le GTREM) ou lesubventionnement des primes d'assurance ne suffisent plus.

Au total, la mission estime qu’il serait possible de plaider la compatibilité de la proposition dugroupe de travail inter-URML avec le droit communautaire de la concurrence. Elle souligneen revanche la difficulté de prévoir le raisonnement juridique de la CJCE en cette matière.Ainsi que le rappelle la Commission dans sa communication sus-citée, la jurisprudence de laCJCE a "un caractère évolutif et non fermé" et c’est au cas par cas que la Cour se prononce"sur la possibilité de considérer une mesure nationale donnée comme poursuivant un objectifimpérieux d'intérêt général".

3.2 La proposition du groupe de travail inter-URML et la “responsabilisationcollective”.

La proposition du groupe de travail inter-URML soulève une objection de principe qui, avecune forte connotation morale, est généralement formulée sous la forme suivante : il appartientà toute profession de supporter, à travers les primes d'assurance responsabilité civile, lacharge des dommages imputables à ses fautes. Il convient d'apprécier la portée de cetargument.

Tout d’abord, la mise à contribution des professionnels ne peut être considérée commel'application d'un principe de justice. La responsabilité civile a pour vocation principale laréparation de la faute, elle ne peut être conçue comme un mode de sanction proportionné à lafaute. Pour la même faute, selon la nature de l'activité pratiquée, les caractéristiques desvictimes, et donc les dommages et les montants de réparation, seront fondamentalementdifférentes. Pour prendre un exemple dans le domaine médical, les mêmes fautes d'un gériatreet d'un gynécologue aboutiront à des montants de réparation et donc de primes sans communemesure, du fait des différences d'espérance de vie de leurs patients respectifs.

De plus, il n’est pas exact de postuler qu'un groupe de professionnels, parce qu'il acquitte lesprimes d'assurance, en supporte effectivement la charge. Pour un groupe professionnelproduisant un service sur un marché parfaitement concurrentiel, une hausse des primesd’assurance qui initialement pèse sur les producteurs se traduira normalement par uneréduction de l'offre, du fait de la diminution de la rémunération du travail offerte auxmembres du groupe, cette réduction de l'offre entraînera une hausse des prix qui elle-mêmeentraînera une diminution de la demande... A la suite de ces ajustements, le marché trouveraun nouvel équilibre déterminé pour l'essentiel par l'élasticité de l'offre de travail à larémunération et par l'élasticité de la demande aux prix. D'autres configurations sont possiblessi le marché n'est pas "parfait". Par exemple, si les producteurs parviennent à une entente surles prix et si la demande est totalement inélastique aux prix, le consommateur supporteraintégralement la charge de l'accroissement des primes. En toutes hypothèses, rien ne permet

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d’affirmer que celui qui acquitte la prime, la "paye" vraiment ; elle se répartit entre leproducteur et le consommateur, le professionnel et son client.

La légitimité des dispositifs de responsabilité civile professionnelle est en fait strictementfonctionnelle. Elle mutualise - dans une proportion indéterminée- entre les producteurs et lesconsommateurs d'un même service le risque de fautes attaché à l'activité considérée. Parexemple, les consommateurs du service architecture et les architectes assumentcollectivement, à travers la responsabilité civile professionnelle, le risque de faute lié à cetteactivité. Il est pertinent que ce soit sur ce seul marché que s’opère cette mutualisation. Si laresponsabilité civile des architectes était socialisée, les agents économiques qui n’y ont pasrecours contribueraient à financer les services des architectes.

Ce raisonnement ne vaut pas dans le cas de la médecine. En effet, à la différence des autresactivités de service, les prestations de soins sont très largement socialisées. Il n’y a pas dejustification particulière à exclure de cette socialisation générale, le coût de la responsabilitécivile médicale. Par ailleurs, les tarifs des médecins secteur 1 étant administrés, lesajustements économiques décrits plus haut ne peuvent s’opérer librement28 .

On constate d’ailleurs que si la socialisation ne s’opère pas selon les modalités proposées parle groupe de travail inter-URML, elle s’opère et s’opérera par d'autres biais (augmentation destarifs, écrêtement, prise en charge des primes…). Au total, la proposition inter-URML rendexplicite et visible la socialisation inéluctable de la réparation des fautes des médecins.

Les assureurs préfèrent bien évidemment des modes de socialisation qui préservent leurspossibilités d'intervention. Ils redoutent par ailleurs que l'on affaiblisse l'ensemble de laresponsabilité civile professionnelle si l'on souscrit à la proposition du groupe de travail inter-URML. Les analyses précédentes montrent toutefois combien les activités médicales sontspécifiques.

3.3 La proposition du groupe de travail inter-URML et la "responsabilisationindividuelle".

Après l'examen de la proposition inter-URML sous l'angle de la responsabilité collective, ilconvient d'en apprécier la portée en termes de responsabilisation individuelle ; il est en effetsouvent avancé que la socialisation de la faute entraînerait une déresponsabilisationindividuelle.

Le seul fait que la faute soit assurable et que la charge de la réparation soit ainsi mutualiséeentre tous les professionnels réduit la portée financière d’une éventuelle responsabilisationindividuelle29. Toutefois, si les primes sont correctement ajustées pour tenir compte du

28 Pour les médecins secteur 2, l'hypothèse la plus probable est le report de la charge sur les "consommateurs".En effet, le "marché" de la gynécologie obstétrique est loin d'être un marché parfait : l'offre est rationnée(numerus clausus, planification hospitalière) et les offreurs sont souvent en position de monopole oud'oligopole ; la demande, du fait de la nature particulière du service rendu, est peu élastique aux prix (on peutespérer que le désir d'enfant est peu sensible aux prix de la grossesse et de l'accouchement).29 Ce n'est qu'en 1845, que la Cour de Cassation a admis l'assurance en responsabilité civile pour faute, elle étaitauparavant prohibée car l'assurance était considérée comme "déresponsabilisante".

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comportement de chaque médecin, elles peuvent avoir un effet responsabilisant. De plus, au-delà des seuls aspects financiers, la mise en exergue de la faute est stigmatisante pour lemédecin, occasionne des tracas multiples de procédure et peut nuire à sa réputation.

Bien évidemment, on pourrait soutenir que les enjeux attachés à l'activité médicale en généralet à la gynécologie - obstétrique en particulier, conjugués au sens éthique et à la déontologiedes médecins, constituent des éléments de responsabilisation a priori suffisamment puissantspour qu'il ne soit pas nécessaire d'y adjoindre des incitations financières ou des menaces destigmatisation. Si la mission n'est pas loin de partager cette opinion, il lui a paru raisonnablede considérer l'apport que les divers dispositifs de réparation des dommages peuvent apporterà la politique de réduction des risques en promouvant la "responsabilisation individuelle".

Elle examinera les effets pervers liés à la mise en cause de la responsabilité des praticiens(3.3.1) puis elle essaiera d’apprécier si le système actuel est « responsabilisant » (3.3.2) et sila proposition du groupe de travail inter-URML est « déresponsabilisante » (3.3.3) avant deformuler des propositions (3.3.4).

3.3.1 Les effets pervers de la mise en cause de la responsabilité des praticiens

Si, en règle générale, il est pertinent de promouvoir la responsabilisation individuelle pourdiscipliner les comportements, dans le cas de la médecine, la mise en cause de laresponsabilité individuelle des praticiens peut aboutir à des effets pervers particuliers. Eneffet, si elle peut encourager la vigilance, elle peut également se traduire par ledéveloppement de comportements de précaution non fautifs mais qui peuvent s'avérerpréjudiciables pour le patient30 et coûteux pour la collectivité3132.

Le dispositif de mise en cause de la responsabilité des praticiens peut par ailleurs entraîner desréactions de protection par dissimulation des incidents. Ces réactions de dissimulationempêchent une analyse critique de ces incidents alors que de telles analyses sont essentiellespour améliorer les pratiques et réduire les risques.

La mise en cause de la responsabilité des praticiens n’est vraiment responsabilisante que sielle est opérée à bon escient. Or :

- rien n’indique que toutes les fautes soient repérées. Les événements indésirables gravesliés aux soins et par ailleurs évitables se situeraient, par an, entre 245 000 et 395 00033 ; ilsne donnent pas tous lieu à poursuite pour faute ;

30 L'exemple classique est l'abstention de pratiquer un acte dont le rapport bénéfice/risque est a priori favorablepour le patient mais qui risque en cas d'échec d'engager la responsabilité du praticien.31 L'exemple type est la multiplication des examens de précaution réalisés dans le but de se prémunir en cas demise de la responsabilité.32 Ces comportements sont dénommés « defensive medicine » aux Etats-Unis. Ils semblent y être trèsdéveloppés. Voir à cet égard, Studdert D, Mello M, Sage W, et al. “Defensive medicine among high-riskspecialist physicians in a volatile malpractice environment”, JAMA, 2005. L’ampleur de tels comportements enFrance n’est pas, à notre connaissance, documentée. Pour une analyse sociologique dans le contexte français,voir J. Barbot, E. Fillion, Les professionnels de santé face aux procès, Rapport pour la MIRE, mai 2005.33 P.Michel, JL.Quenon, A.Djihoud et al. « Les événements indésirables graves liés aux soins dans lesétablissements de santé : premiers résultats d'une étude nationale », Etudes et Résultats, mai 2005, n° 298. Danscette étude, un événement indésirable grave a été considéré comme évitable si "l'on pouvait estimer qu'il ne

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- à l’inverse, de nombreuses réclamations n’aboutissent pas à une reconnaissance de faute ;

- les conditions dans lesquelles les fautes sont reconnues posent question, notamment laqualité de l’expertise médicale mobilisée au cours des procédures. Il semble admis qu’ilest difficile de fixer la frontière entre la faute et l’aléa. A titre d'illustration des difficultésà caractériser la faute : la mesure de la PH-métrie au cours de l'accouchement permet defaire la part entre la souffrance fœtale lors de l'accouchement et les malformationsacquises avant la naissance, elle est ainsi susceptible de réduire les fautes reconnues ;

- la faute est souvent le produit d’un système alors que le raisonnement judiciaire conduit àen attribuer la responsabilité, même si c’est en la partageant, à des acteurs identifiés. Unrécent rapport de l'Académie nationale de médecine insiste sur le caractère systémique desaccidents médicaux : « l’effet indésirable demande dans ce cas une analyse très différentede l'analyse juridictionnelle qui est centrée sur la recherche de la faute individuelle envue d'une sanction éventuelle et surtout d'une réparation du préjudice. Au contrairel'analyse à visée préventive n'a qu'un souci, la compréhension de l'accident, de sesconditions de survenue et de son mécanisme dans le but d'éviter son renouvellement34 ».L’Académie de médecine préconise donc un dispositif de réduction des risques qui, plusque sur la responsabilisation individuelle, repose sur le signalement systématique detoutes les défaillances, l'analyse de chaque cas, un retour d'information et la définition derecommandations pour éviter la réitération du problème. Les conditions de succès d'un teldispositif sont la confidentialité et l'absence de blâme35.

L'ensemble de ces effets pervers (médecine défensive, dissimulation des incidents,insuffisance de l'analyse systémique…) ont conduit certains pays à mettre en place dessystèmes de réparation sans faute. Tel est le cas notamment de la Suède (voir annexe n°11).Même aux Etats-Unis, pays peu suspect de négliger la notion de responsabilité individuelle, lesystème de réparation fondé sur la mise en cause des praticiens est soumis à de fortescritiques36.

Il convient de garder à l’esprit l’ensemble de ces difficultés et effets pervers lorsque l’onexamine les effets "responsabilisants" des divers dispositifs de réparation des fautes Ilconvient que les conditions de mise en cause de la responsabilité individuelle des praticienssoient parfaitement calibrées pour que les effets positifs de la responsabilisation l'emportentsur les effets négatifs.

serait pas survenu si les soins avaient été conformes à la prise en charge considérée somme satisfaisante aumoment de la survenue de cet événement".34 G. David, C. Sureau, De la sanction à la prévention. Pour une prévention des événements indésirables liés auxsoins. Rapport de l'Académie Nationale de Médecine.35 Les articles L.1413-14 et L.1414-3 du code de la santé publique prévoient la mise en place d'un dispositif dece type (voir annexe n°12).36 Le Department of Health and Human Service américain (HHS) trace ainsi un bilan très critique du système demise en cause de la responsabilité médicale aux Etats-Unis : il encourage la médecine défensive, ne prend pas encompte de manière pertinente les fautes et, enfin, entraîne une attitude de dissimulation des incidents et empêchede ce fait leur analyse. Voir HHS, Addressing the new health care crisis : reforming the medical litigationsystem to improve the quality of care, mai 2003. Voir également LL. Leape "Preventing medical errors" in D.Mechanic et al. (editors), Policy challenges in modern health care, Rutgers University Press, 2005.

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3.3.2 Le système actuel et la responsabilisation individuelle.

Il convient d'apprécier si le système actuel sanctionne par des hausses de primes lescomportements à risque ou déviants et constitue de ce fait un élément de responsabilisationindividuelle3738.

Lorsque les risques assurés se matérialisent par des sinistres à forte fréquence, les différentielsde fréquence entre les assurés renseignent sur le caractère plus ou moins sûr de leur pratiqueou comportement. Il est alors possible d’ajuster la prime au risque en la modulant à partir deces différentiels de fréquence. L’assurance a alors une vertu responsabilisante, elle sanctionneles pratiques risquées et encourage les pratiques sûres.

Toutefois, cette logique générale est difficilement transposable dans le domaine de laresponsabilité civile des gynécologues – obstétriciens comme le souligne l'OCDE39:- le risque en gynécologie- obstétrique est, heureusement, un risque de relative faible

fréquence (la fréquence moyenne est un sinistre déclaré tous les cinq ans par praticien). Ilest délicat dans ces conditions d'ajuster la prime au risque car la survenance d’un sinistrerenseigne peu sur le comportement du praticien et sur les risques à venir ;

- le sinistre se matérialise tout d'abord par une réclamation, sans qu’il soit souvent possible,de prévoir si cette réclamation aboutira ou non, après des procédures souvent longues, àune reconnaissance de faute ;

- la reconnaissance de la faute est elle-même le résultat d'un processus juridictionnel quin’apporte en règle générale qu’une information limitée sur les causes de l’accident. Il estdonc difficile d'utiliser l'information fournie par les sinistres passés pour déterminer unetarification pertinente.

Les médecins rencontrés ont fait part à la mission de leur sentiment que toute réclamationentraînait une hausse des primes pour l’année à venir. Certains assureurs confirment que leurpratique est conforme à cette perception, d’autres ont indiqué que leur comportement obéissaità des règles plus complexes (examen des sinistres par un médecin expert de l'entreprised'assurance avant décision…). Certains ont dit être incapables d’ajuster la prime au risque, dufait de la faible fréquence des sinistres et de la complexité des causes des accidents, et ont faitpart à la mission de leur scepticisme sur l’effet responsabilisant des primes.

On peut d'ailleurs douter que les assureurs puissent ajuster les primes au risque, dans lamesure où les primes ne sont même pas ajustées à l'activité des praticiens (les primes nevarient pas en fonction du nombre d'accouchements)40. En revanche, la prime peut être

37 Notons que si les différentiels de prime entre praticiens sanctionnaient des comportements à risque, il auraitfallu, dans le dispositif d’aide à la souscription d’assurance, écarter la prise en charge exprimée en pourcentagede la prime pour retenir un forfait. Or c'est bien le dispositif qui a été retenu (prise en charge à 55 ou 66% selonle secteur d'exercice), sans susciter le moindre commentaire sur un éventuel effet déresponsabilisant.38 Par ailleurs le fait que la responsabilité individuelle des praticiens soit très rarement mise en cause à l'hôpitalne conduit personne à envisager que la vigilance des praticiens hospitaliers est moindre que celle des libéraux.39 "De fait, les polices d’assurance en responsabilité médicale ne peuvent guère être tarifées sur la base dessinistres passés, dans le contexte actuel, en particulier en raison de la faible corrélation entre une négligence etle montant final des dommages et, surtout, d’un point de vue actuariel, en raison de l’insuffisance des donnéeshistoriques concernant les poursuites engagées à l’encontre des prestataires à titre individuel " OCDE,Prévenir, assurer et couvrir les incidents médicaux, décembre 200640 Si le risque n'augmente peut-être pas proportionnellement à l'activité (éventuel effet d'expérience), il estcertainement croissant avec l'activité.

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modulée en fonction de caractéristiques objectives : intervention dans plusieursétablissements (SHAM, Marsh, MIC), pratique de la chirurgie associée à la pratique del’obstétrique (MACSF, BCT), pratique de l'amniocentèse (Marsh)…

Les assureurs demandent, en règle générale, aux médecins de déclarer, dans les questionnairespréalables à l'assurance, les incidents, les réclamations et les sinistres clos sur les dix dernièresannées. Nos interlocuteurs des compagnies d'assurance nous ont indiqué que l'informationainsi collectée est difficile à interpréter pour les raisons évoquées précédemment et qu'ilsl'exploitent peu pour fixer le tarif des médecins41. S’ils l'exploitent, c'est moins pour modulerles primes que sur un mode binaire : accepter ou refuser d'assurer42.

Le refus d'assurance renvoie à la question sensible des éventuels risques aggravés. En cas derefus d'assurance ou lorsque les primes sont fixées à un niveau tel qu'il équivaut à un refusd'assurance, le dossier du médecin est transmis au BCT, qui fixe un tarif à l’assureur ayantexprimé le refus43. Le BCT doit prévenir le représentant de l'Etat dans le département oùexerce le professionnel concerné lorsque celui-ci « présente un risque d'assuranceanormalement élevé »44. Le BCT a, par trois fois, saisi le représentant de l'Etat pour ce motif,sans connaître les suites données à cette saisine.

Cette procédure pose en elle-même une question de principe. De deux choses l'une :- soit les praticiens qui ont recours au BCT sont effectivement des risques aggravés pour

l’assurance et donc pour les patients et il est, alors, éminemment contestable que lesautorités sanitaires ne soient pas saisies systématiquement pour apprécier les conditions del'exercice et faire éventuellement cesser le danger ;

- soit les praticiens qui ont recours au BCT ne présentent pas un risque aggravé et le recoursà cette procédure traduit des comportements de précaution de la part des assureurs, sansune bonne appréciation du risque, ce qui interroge sur la pertinence des pratiques detarification.

Il est difficile de trancher entre les deux branches de l'alternative. Selon le président duGTREM, les premiers résultats du GTREM feraient apparaître une sinistralité "normale"45 .

Au total, il ressort de cette discussion que le dispositif assurantiel actuel fait effectivementpeser sur les praticiens une menace de hausse des primes en cas de sinistre. Cette menacepeut, à la rigueur, être considérée comme un élément de "responsabilisation". Toutefois, ledispositif reste très frustre ; il est probable que le dispositif sanctionne les praticiens sansdiscernement et soit donc propice aux effets pervers (médecine défensive, dissimulation…).L'on peut comprendre également qu'il soit perçu comme "injuste" par les pratriciens. Enfin, ence qui concerne les risques éventuellement aggravés, le dispositif paraît insuffisant en ce qu'ilne donne pas de garanties que les dispositions adéquates seront prises.

41 Elle sert à répertorier les sinistres connus.42 Le fait que certains dommages puisse atteindre des montants très élevés peut expliquer cette attitude. Sil'assureur considère qu'un médecin a une plus grande probabilité de commettre une faute, il peut craindre que lafaute ne débouche sur un dommage important.43 Les primes et le risque seront alors partagés par la collectivité des assureurs à travers un groupement, leGTREM.44 Art. L 252-1 du code des assurances45 Le déficit financier du GTREM serait lié à une sous-tarification par rapport au risque de la part du BCT. Parailleurs, il est vrai que le portefeuille du GTREM comprend actuellement un grand nombre de praticiensaccueillis dans la période de retrait des assureurs que l'on ne peut pas considérer comme des risques aggravés.

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3.3.3 Le dispositif proposé par le groupe de travail inter-URML et la responsabilisationindividuelle par la « faute inexcusable ».

Dans le dispositif proposé par le groupe de travail inter-URML, même si les modalités deréparation du dommage sont similaires entre faute et aléa, la faute reste distinguée de l’aléa.Cet élément semble essentiel dans l'appréciation du dispositif car il permet non seulement deconserver l’information sur les fautes réalisées, mais aussi a priori d'acquérir cetteinformation avec plus de célérité étant donné les délais contraints qui s'imposent à l’ONIAMpour statuer.

Le groupe de travail inter-URML, sûrement dans le souci de maintenir un élément de« responsabilisation » et de « stigmatisation » des fautes les plus graves, propose, en outre, dedistinguer des fautes communes, la faute inexcusable qui resterait, elle, à la charge dupraticien. Cette faute inexcusable serait toutefois assurable, la réparation des dommages seraitdonc à la charge des assureurs en contrepartie d'une prime. La faute inexcusable secaractériserait par son caractère non intentionnel, par sa gravité exceptionnelle, par laconscience que le praticien aurait dû avoir du danger et par le fait qu'elle résulte d'un acte oud'une omission volontaire46.

Cette proposition appelle les remarques suivantes :

Elle sécurise le dispositif au plan juridique. En effet, l’analyse de la jurisprudencedu Conseil constitutionnel (voir supra) suggère que la mise en place d’un régimed’immunité n’est possible qu’à condition de le réserver aux fautes “excusables”: "sil'on voulait résumer en une phrase la ligne directrice suivie par le Conseil, onpourrait affirmer que celui qui cause à autrui un dommage par sa faute doitréparation, mais que cette obligation peut s'effacer si les fautes commises sontexcusables et si les droits de la victime sont par ailleurs préservés"47.

Dès lors que la faute inexcusable sera assurable48, elle n'est pas directementresponsabilisante. Elle ne le sera pas non plus indirectement car l'ajustement desprimes au risque sera encore plus délicat qu’il ne l'est actuellement : la fréquencedes fautes inexcusables sera encore plus faible que celle des fautes communes. Dufait du caractère par définition exceptionnel de la faute inexcusable, il n’est pascertain que les primes soient majorées en fonction des sinistres : par construction, unévénement exceptionnel n'est pas directement prédictif d'un risque aggravé pour lefutur. La faute inexcusable peut toutefois avoir une vertu responsabilisante si elle

46 La définition de la faute inexcusable est empruntée au droit des accidents du travail. La définition proposée esten effet celle forgée dans ce cadre par la Cour de Cassation, avant qu'en 2002 elle n'exige plus que la faute soitd'une gravité exceptionnelle pour la qualifier, si les autres critères sont réunis, de faute inexcusable. En droit desaccidents du travail, l’employeur bénéficiant d’une immunité en matière de responsabilité civile, la fauteinexcusable a été créée pour éviter qu’une absence totale de responsabilité en matière civile ne« déresponsabilise » les employeurs à l’égard de la sécurité de leurs salariés. La proposition du groupe de travailinter-URML vise à transposer l’économie de ce dispositif en matière de responsabilité médicale.47 C. Radé, "Liberté, égalité, responsabilité, dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel", Cahiers duConseil Constitutionnel, n°1648 Il faut bien sûr qu'elle soit assurable sauf à risquer de priver la victime d'une réparation légitime. A noter,toutefois, qu'en droit des accidents du travail, les conséquences de la faute inexcusable étaient à l'origine nonassurables afin qu'elle soit effectivement "responsabilisante". Elle n'est devenue assurable pour tous lesemployeurs qu'en 1987. La vertu responsabilisante de la faute inexcusable est désormais douteuse.

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n'est pas totalement assurable. Il faudrait que l'assurance ne puisse intervenir qu'audelà d'une franchise.

Les critères de la faute inexcusable ne sont pas les plus pertinents si l’on entendconstruire une politique de réduction des risques. La faute qui mérite réaction n'estpas seulement celle qui est d'une exceptionnelle gravité mais celle qui révèle undysfonctionnement susceptible de se reproduire.

En accident du travail, la victime a intérêt à rechercher la faute inexcusable, car uneamélioration de sa réparation est attachée à cette qualification. Cette motivationn'existerait pas dans le cas des fautes médicales puisque la réparation serait intégraledans toutes les hypothèses. Il est d'ailleurs prévu que ce soit l’ONIAM qui seretourne vers le médecin si elle estime que la faute est inexcusable. C'est doncl’ONIAM qui dessinera principalement les contours de la faute inexcusable et de lanotion de "gravité exceptionnelle". C'est une responsabilité nouvelle et importantepour l'institution qui aura à construire une doctrine sans que l'on puisse préjuger del'ampleur qu'elle souhaitera donner au champ de la faute inexcusable tant la notionde "gravité exceptionnelle" prête à interprétation49. On peut toutefois penser que lesfautes de "gravité exceptionnelle" resteront, par construction, exceptionnelles.

La distinction entre la faute inexcusable et la faute commune renverra in fine à uneappréciation des juridictions50 et il est peu probable que l'on puisse en une matièreaussi technique et sur une base aussi floue (gravité exceptionnelle) construire desjurisprudences homogènes entre les tribunaux. Cela pose question, dans la mesureoù une atteinte forte à la réputation du praticien sera associée à la qualification defaute inexcusable.

Le maintien d'un faute inexcusable complique les dispositif pour les praticiens, il lesoblige à une double relation: avec l'ONIAM pour la faute simple et avec leurassureur pour la faute inexcusable.

Elle peut apporter une satisfaction à la victime du fait du caractère stigmatisant de laprocédure et de la qualification "faute inexcusable". La victime peut en effetsouhaiter, sans recourir au droit pénal, "sanctionner" et "stigmatiser" le praticien.Dans cette perspective, il conviendrait de prévoir que le patient, même indemniséintégralement au titre de la faute, puisse se retourner contre le médecin pour fairereconnaître la faute inexcusable. Cette possibilité est de nature à rassurer, sans lessatisfaire complétement, ceux, notamment parmi les associations de victime, quiestiment que le patient est légitime à exiger, au-delà de la simple réparation, une"sanction morale" du praticien. Elle inquiétera les praticiens qui, au contraire,souhaitent que leur réputation ne soit pas mise en cause pour une simple erreur ouune simple négligence et craindront dans cette hypothèse une banalisation de lafaute inexcusable. Peut-être s’agit-il d'un compromis acceptable ?

49 A cet égard, en l'absence de jurisprudence, il sera, dans un premier temps, délicat pour les assureurs d'ajusterleur prime à un risque dont l'ampleur sera inconnue, on peut donc craindre de leur part des comportements deprécaution.50 En effet, si c'est l'ONIAM qui engage la procédure, il est probable, étant donné les enjeux financiers pourl'assureur et de réputation pour le médecin, que la qualification de faute inexcusable sera systématiquementcontestée.

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Au total, la proposition du groupe de travail inter-URML, à travers la faute inexcusable,permet de maintenir un élément de responsabilisation, tout en réduisant la stigmatisation desmédecins en cas de fautes "banales"51. Toutefois, dans cette perspective, il serait cohérent deprévoir que la faute inexcusable ne sera assurable qu’au-delà d'une franchise et que le patientlui-même puisse engager une procédure pour faire reconnaître la faute inexcusable.

3.3.4 L'indemnisation des fautes et la réduction des risques.

La proposition du groupe de travail inter-URML nous paraît devoir être articulée avec undispositif d’analyse médicale des accidents fautifs.

En effet, pour contribuer à la réduction des risques, il convient de considérer les fautes, nonseulement en fonction de leur gravité, mais en ce qu'elles révèlent sur le praticien et surl’établissement dans lequel il exerce. La distinction fondamentale dans la perspective de laréduction des risques est, en effet, entre la faute qui relève de l'erreur ou de la négligenceponctuelle (non prédictive de risques futurs même si elle peut être d'une exceptionnellegravité) et celle qui est le signe d'un dysfonctionnement structurel (par exemple, inadaptationde la pratique à l'état de la science, obsolescence des connaissances ou des apprentissages,inadaptation de l'environnement de travail…). Bien évidemment, une appréciation de ce typene peut relever des juridictions mais doit ressortir de l'expertise médicale.

Aussi le système suivant nous paraît-il devoir être envisagé :

Comme dans la proposition du groupe de travail inter-URML, l'indemnisation de lafaute quelle que soit sa nature est assurée à travers le dispositif CRCI/ONIAM.

Dans le cas où une faute est reconnue, le dossier est systématiquement adressé à uneautorité sanitaire (déterminée par la Direction générale de la santé), apte à prendreéventuellement des mesures individuelles à l’égard des praticiens52. Cette autorité,au vu des dossiers, peut considérer qu’il s'agit d'une faute ponctuelle et classer ledossier sans suite. Elle peut également, après d’éventuelles expertisescomplémentaires, considérer qu'il s'agit d'une faute prédictive de risques futurs et,dans ce cas, prescrire les mesures adaptées (interdiction de pratique, exigence deformation pour poursuivre la pratique, conditionner la poursuite de la pratique à desmodifications des conditions de travail…). Même si les accidents sont d'originesystémique et si leur prévention suppose des initiatives qui vont bien au-delà de lapolice sanitaire centrée sur la pratique individuelle, on ne peut exclure que cettedémarche soit appropriée dans certains cas mêmes s'ils devraient être rares.

Les données sont par ailleurs transmises, sous forme anonymisée, à la HauteAutorité de Santé (HAS). En effet, l’examen systématique des fautes paraît être denature à lui fournir une base d'observation pour élaborer les recommandationspertinentes en terme d'amélioration des pratiques. Bien évidemment, il s'agit d'unebase d'information complémentaire à celles qui sont en voie de constitution (voir

51 Toute la difficulté de la question vient du fait que la faute peut être banale alors que ses conséquences sontdramatiques pour les victimes.52 L’article L.1142-8 du code de la santé publique prévoit déjà que la CRCI « saisit l'autorité compétente si elleconstate des manquements susceptibles de donner lieu à des poursuites disciplinaires ».

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annexe n°12). Toutefois cette base complémentaire sera riche, dans la mesure où lesmesures d’instruction du dossier auront permis de collecter des informations pluscomplètes sur les circonstances de l'accident que celles collectées en routine.

Un tel dispositif peut sembler lourd. Ce sont toutefois environ 300 dossiers de faute quidevront être examinés par an, dont la grande majorité pourra être classée sans suite53. C’estégalement la garantie que les fautes seront suivies de mesures adéquates. Il est inquiétant,dans le système actuel, que l'identification d'un risque aggravé puisse se traduire par unesimple hausse des primes, sans assurance que des dispositions ont été prises pour faire cesserle risque.

3.4 Le coût de la proposition du groupe de travail inter-URML

3.4.1 Le coût brut (les charges à couvrir)

Dans le système proposé par le groupe de travail inter-URML, la solidarité nationale aurait àcouvrir l’intégralité de l’indemnisation des dommages liés à la faute. Cette somme peut fairel’objet d’une estimation à partir du nombre de sinistres par an recensés en gynécologie –obstétrique (environ 300) et le coût moyen de ces sinistres (selon les données transmises en2005 à l’ACAM sur les sinistres clos : 50 000 euros ; selon les données de la FFSA sur lessinistres en cours : 100 000 euros)54, soit :- selon les données transmises à l’ACAM : 15 millions d’euros- selon les données de la FFSA : 30 millions d’euros

Il faut ajouter à ces montants les frais de gestion du dispositif par l’ONIAM (voir annexen°15). Ils sont estimés, en 2006, à environ 1140 euros pour un passage en CRCI et 620 eurospour une offre d’indemnisation par l’ONIAM, soit pour 300 dossiers un coût total de l’ordrede 530 000 euros55. Soit une fourchette de coût brut entre 15,5 et 30,5 millions d’euros.

3.4.2 Le coût net

Il existe déjà actuellement des mécanismes de socialisation. Les différents dispositifs d’aideau paiement des primes (aide à la souscription d’assurance et déduction fiscale) permettent laprise en charge par la solidarité nationale de près de 75 à 80% du montant des primes (voirannexe n°10).

53 Les assureurs répertorient actuellement 300 sinistres par an mais certains sont de simples réclamations qui neseront pas considérés comme liées à une faute après le filtre CRCI/ONIAM.54 On raisonne donc à coût moyen des sinistres stable (extrapolation des observations sur les dix dernières annéespour la FFSA et données sur 2 ans sur les sinistres clos pour l’ACAM) mais en prenant en compte la divergenced’appréciation de ce coût moyen (voir annexe n°6).55 Près de 100 dossiers de gynécologie -obstétrique sont déjà instruits par les CRCI et certains font déjà l’objetd’offres d’indemnisation de l’ONIAM. Le coût net du traitement de tous les dossiers de gynécologie- obstétriquepar le circuit CRCI / ONIAM est donc inférieur à l’estimation de 530000 euros.

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Le coût que représente cette aide, et par conséquent l’évaluation du coût net de lasocialisation, dépend directement du niveau des primes56 :

- le niveau moyen des primes versées actuellement, en moyenne 14 000 euros pour les 1500gynécologues – obstétriciens en 2006, conduit à un coût des aides au paiement des primesd’environ 16 millions d’euros. Le coût net de la proposition du groupe de travail inter-URML se situe alors ans une fourchette de -0,5 à 14,5 millions d’euros en fonction ducoût moyen des sinistres ;

- or la FFSA est partie de son estimation du coût moyen des sinistres à 100 000 euros pourévaluer la prime d’équilibre chargée à 27 000 euros (voir annexe n°6). Autrement dit,pour couvrir le coût de 300 sinistres à 100 000 euros (30 M€), les assureurs serontcontraints de se rapprocher du niveau d’équilibre (à moins d’accepter les pertes sur cesegment de marché) et, dans ce cas, les dispositifs d’aide au paiement des primesaugmenteraient à due concurrence, pour atteindre environ 30 millions d’euros. Dans cettehypothèse, la fourchette serait entre un coût net de 0,5 millions d’euros et un gain net de14,5 millions d’euros.

3.4.3 La compensation du coût par des cotisations des médecins

En tout état de cause, même si on retient la fourchette haute d’estimation du coût de laproposition du groupe de travail inter - URML, on peut envisager d’instaurer une cotisationversée par les médecins, à peu près équivalente à leur charge résiduelle actuelle (environ 5000euros, soit pour 1500 gynécologues – obstétriciens, une contribution de 7,5 millions d’euros),qui réduirait d’autant le coût pour la solidarité nationale.

3.4.4 D’un financement par capitalisation à un financement par répartition

Le financement des indemnisations des dommages liés à la faute se ferait par répartition, àl’instar du fonctionnement actuel de l’ONIAM. Le passage à un système par répartitioncomporte le risque d’un report de la charge financière sur les générations futures, dansl’hypothèse où la sinistralité et / ou les montants des indemnisations augmentent. La missionne dispose pas de données qui lui permettraient de faire des projections à cet égard. Enrevanche, elle note que le système actuel de financement par capitalisation comporte, pour sapart, un risque significatif d’erreur de provisionnement et engendre par conséquent égalementdes phénomènes de mutualisation des risques dans le temps. Ainsi, en raison de la sous-estimation de la sinistralité à la fin des années 1990 / début des années 2000, les primes,perçues à l’époque au titre des sinistres futurs, n’ont pas suffi à les couvrir effectivement etont dû être abondées par les primes ultérieures.

Au total, le bilan économique de la proposition du groupe de travail inter-URML, parrapport aux autres modes de socialisation, dépend de deux facteurs principaux : le coût dessinistres et le montant de la prise en charge des primes par l’assurance maladie.(a) Le bilan est très positif (gain pour la collectivité nationale) si les assureurs surestiment

le coût des risques et parviennent à aligner leurs primes sur ce coût surestimé. 56 L’aide à la souscription d’assurance est plafonnée à un « seuil maximal d’appel à cotisation », fixé par décret.Actuellement fixé à 18000 euros pour les gynécologues –obstétriciens, ce plafond sera ajusté tous les ans parspécialité en fonction de l’évolution du montant moyen des primes d’assurance.

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(b) Le bilan est neutre, voire légèrement positif57, après contribution des médecins, si leniveau des primes correspond au coût effectif des sinistres.

(c) Le bilan n’est négatif que si les assureurs sous-estiment le coût des sinistres et que lesprimes sont ajustées à ce coût sous-estimé.

Par ailleurs, le bilan peut être marginalement amélioré par plusieurs facteurs :- l’absence de rattrapage des pertes passées;- les évolutions que la réforme pourrait permettre par ailleurs, en particulier la réduction du

contentieux, le recours aux CRCI devenant un préalable obligatoire.

3.4.5 La transition

En ce qui concerne la période de transition, trois choix peuvent être faits :

(a) Prendre en charge tous les sinistres. Ce choix nécessite de récupérer les provisions desassureurs, ce qui a été fait par le passé pour l’assurance construction. Toutefois, si lesprovisions par dossier sont facilement identifiables, il est beaucoup plus malaisé dediscerner la quote-part des provisions statistiques, calculées globalement.

(b) Prendre en charge seulement les sinistres survenus à partir d’une certaine date. Cechoix laisserait à charge des assureurs pendant la subséquente la charge des sinistrestardifs. Or certains assureurs pourraient avoir des provisions insuffisantes (lesprovisions pour subséquente ne sont pas établis en responsabilité médicale sur unscénario brutal de disparition du risque).

(c) Prendre en charge seulement ceux qui se manifesteront à partir d’une certaine date.Cette proposition est plus simple à mettre en œuvre mais elle conduit à un bénéficeindu pour les assureurs (anciens contrats en base réclamation, reprise de subséquente).Il faudrait éventuellement fixer des règles particulières pour les sinistres connus etprévoir une contribution des assureurs (à laquelle les assureurs étrangersn’échapperaient pas si on les mettait dans l’alternative de couvrir le risquesubséquent).

3.5 Les effets sur les victimes, les gynécologues – obstétriciens et les assureurs.

3.5.1 Les effets sur les victimes

Les victimes sont concernées par la proposition du groupe de travail inter-URML à deux titresprincipaux :

- la substitution de l’ONIAM, et donc de la solidarité nationale, au médecin et à sonassureur, en tant que débiteur de l’indemnisation du dommage ;

- le recours préalable obligatoire devant les CRCI.

Les conséquences de ces deux dispositions sont les suivantes :

57 Les frais de gestion sont estimés inférieurs à l’ONIAM, en particulier du fait de la disparition des fraisd’acquisition (calculés de façon proportionnels au niveau de la prime).

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La victime conserve son droit effectif à la réparation intégrale des préjudices subis,conformément aux exigences du juge constitutionnel. Le recours au tribunal estpossible à tous les stades de la procédure : l’expertise (contestation des résultats,demande d'expertises complémentaires58), l’avis de la CRCI (déclarationsd'irrecevabilité, qualification ou non de faute ou de faute inexcusable59), l’offred’indemnisation de l’ONIAM.

La victime ne pourra plus faire de recours au civil contre le responsable dudommage, sauf faute inexcusable (voir supra) ; cette possibilité de recours en cas defaute inexcusable devrait réduire le risque d’augmentation des plaintes au pénal,souvent invoqué par les associations de victimes ; en tout état de cause, la faute dumédecin sera établie et caractérisée lors de la procédure devant la CRCI.

Le recours préalable aux CRCI étant obligatoire, la victime est conduite à privilégierce mode de règlement des litiges qui présente les avantages de rapidité (délaisencadrés par les textes), de transparence (information à tous les stades des partiesprenantes), de gratuité (en particulier, expertise gratuite) et en principe de qualité(les membres des CRCI sont spécialisés en matière d’accidents médicaux à ladifférence des juges des tribunaux). La “déjudiciarisation” comporte des avantagesnon seulement pour la victime mais aussi pour la collectivité nationale (économies,désencombrement des tribunaux). La victime ne perd pas pour autant le droit, dèslors qu’une procédure devant la CRCI est engagée, d’intenter un recours devant lejuge, si elle estime cette voie préférable.

Le parcours ultérieur à la phase de règlement à l’amiable sera simplifié et sécurisé.En effet, il n’y aura plus de contestation des avis de la CRCI de la part des assureurs(cela se produit actuellement dans 30% des cas, d'après la MACSF), lescontestations de la part de l’ONIAM étant très rares (1%). En outre, l’offred’indemnisation sera présentée directement par l’ONIAM alors qu’actuellement, cen’est le cas que dans la procédure de substitution, en cas de refus ou d’absenced’offre de l’assureur.

L’égalité de traitement entre les victimes sera favorisée par le fait que toutes lesoffres soient présentées par une autorité unique, l’ONIAM (et non plus par unemultiplicité d’assureurs), en fonction d’un barème indicatif ; néanmoins, lesdisparités de montants entre tribunaux subsisteront.

3.5.2 Les effets sur les gynécologues obstétriciens

Les gynécologues - obstétriciens sont concernés par plusieurs composantes de la propositiondu groupe de travail inter-URML :

- l’octroi d’un régime dérogatoire de responsabilité civile mais le maintien de leurresponsabilité civile pour les fautes inexcusables (assurables) ;

58 Ainsi, le TGI de Bobigny a admis la légitimité d'une demande d'expertise complémentaire (15 mars 2006).59 Voir TA Bastia, 12 septembre 2005. La déclaration d'incompétence est jugée comme un acte administratiffaisant grief.

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IGAS L’assurance en responsabilité civile médicale février 2007

- le développement de l’articulation entre la procédure d’indemnisation des victimes et lapolitique de prévention des risques (analyse des accidents médicaux et des responsabilitésen jeu ; décision éventuelle de sanctions par l’autorité sanitaire).

Les conséquences de ces dispositions sont les suivantes :

D’un point de vue financier, la proposition du groupe de travail inter-URML est, enprincipe, neutre en moyenne pour les gynécologues - obstétriciens. En effet, lasomme restant à leur charge actuellement pourrait être intégralement transformée encotisation versée à l’ONIAM, pour réduire le coût pour la solidarité nationale (voir3.4.). Quant aux primes d’assurance, leur montant serait considérablement réduitpuisque seules les fautes inexcusables devraient être assurées.

En ce qui concerne l’insécurité dénoncée par les gynécologues - obstétriciens, elleserait levée tant pour la négociation annuelle avec les assureurs (risques derésiliation brutale ou de surprimes, nécessité de s'adresser au BCT) que pour leproblème des trous de garantie (voir annexe n°4). Les praticiens âgés, en particulier,ne seront plus confrontés à la difficulté de trouver un assureur (difficulté liéeactuellement à la durée de garantie subséquente de dix ans du dernier contratd’assurance). Les gynécologues - obstétriciens devront néanmoins continuer às’assurer pour la faute inexcusable.

En revanche, l’insécurité liée à la possibilité d’une mise en évidence d’une faute, ycompris de nombreuses années après l’incident, subsiste. Mais cette mise enévidence de la faute n’emporte plus les mêmes conséquences, puisque n’est plusattachée à cette faute la mise en cause de la responsabilité civile. En outre, laprocédure CRCI, désormais préalable obligatoire au recours contentieux, est jugéemoins stigmatisante et moins aléatoire que la procédure contentieuse ou latransaction avec l’assureur. Elle a, selon le SYNGOF, le mérite d'être beaucoup plustransparente pour le médecin mis en cause car, à tous les moments de l'affaire, lesparties sont informées par les CRCI. Elle est aussi plus rapide et plus claire en ce quiconcerne l'expertise. A l'inverse, le SYNGOF critique la composition et les pratiquesdes CRCI qui ne garantiraient pas une confidentialité suffisante des débats, défautqui avait été relevé aussi dans le rapport de l'IGAS sur l’indemnisations desaccidents médicaux60, mais qui est contesté par les responsables des CRCI.

Quant à la participation des gynécologues - obstétriciens à la prévention des risques,elle est appelée à se développer indépendamment de la réforme du régime deresponsabilité civile (évaluation des pratiques professionnelles obligatoire, mise enœuvre de l’accréditation…). On peut néanmoins escompter de la proposition dugroupe de travail inter-URML une meilleure articulation entre l’analyse desaccidents médicaux ouvrant droit à réparation et l’amélioration des pratiquesprofessionnelles (cf. partie 3.3.). L’incitation financière à la participation àl’accréditation disparaissant (du fait de la suppression du mécanisme d’aide à lasouscription d’assurance), celle-ci devrait être rendue obligatoire61.

60 IGAS, L’indemnisation des accidents médicaux, rapport n°2005-058, septembre 2005.61 Le décret n° 2006-1559 du 7 décembre 2006 réserve le bénéfice de l’aide à la couverture des primesd’assurance aux praticiens qui sollicitent leur accréditation : début février 2007, 17 000 médecins libérauxavaient déjà signalé à la HAS leur intention d'engagement.

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IGAS L’assurance en responsabilité civile médicale février 2007

D’une façon générale -et cela est cohérent avec le fait que la proposition émane de leursinstances - les gynécologues obstétriciens estiment que la mise en œuvre de la proposition dugroupe de travail inter-URML permettrait de résoudre la crise actuelle de la responsabilitécivile.

3.5.3 Les effets sur les assureurs

Le transfert à l’ONIAM de la gestion de l’assurance de responsabilité civile médicale n’auraita priori qu’un impact économique relativement marginal sur le secteur des assurances maispourrait mettre en difficulté les quelques sociétés spécialisées sur ce segment de laresponsabilité civile.

Avec environ 400 millions d’euros, la responsabilité civile médicale ne représente en effetque moins de 1% du chiffre d’affaires de l’ensemble des assurances de biens et deresponsabilité et, dans ce total, la part des gynécologues obstétriciens libéraux ne dépasse pas5% (voir annexe n°8). Le transfert à l’ONIAM de l’assurance en responsabilité civileprofessionnelle des gynécologues - obstétriciens libéraux pourrait certes affecter les sociétésqui se sont plus particulièrement positionnées sur ce créneau comme MIC, sachant que deuxdes assureurs français les plus concernés (MACSF, AGF) semblent vouloir se désengager.

Ce risque économique se double d’un risque juridique, dans la mesure où des recours desassureurs devant la CJCE pour entrave à la libre prestation de service sont possibles (voirsupra).

3.6 La capacité des CRCI et de l’ONIAM à absorber le flux supplémentaire desréclamations et indemnisations.

Dans l’hypothèse étudiée, l’ensemble composé des CRCI et de l’ONIAM, créé par la loi du 4mars 2002, tiendrait une place centrale. Il constituerait un guichet unique pour les sinistres degynécologie – obstétrique, la saisine préalable des CRCI devenant obligatoire.

On rappelle que les CRCI procèdent à l'instruction des dossiers et donnent un avisd'indemnisation (« circonstances, cause, nature, étendue des dommages, régimed'indemnisation », article L.1142-8 du code de la santé publique)62. Sur cette base, l'ONIAMfait une offre d'indemnisation.

3.6.1 La procédure devant les CRCI

L'effet volume du nouveau système, qui verrait tous les litiges concernant la gynécologie -obstétrique obligatoirement soumis aux CRCI, serait d'environ 200 dossiers supplémentairespar an, alors que le flux annuel de dossiers pour cette spécialité, présentés aux CRCI, est

62 Le statut juridique ambigu des avis des CRCI a été souligné par le rapport de l'IGAS sur l'indemnisation desaccidents médicaux de mai 2005 : caractère obligatoire ou non pour l'ONIAM de l'avis des CRCI, caractère dedécisions ou d'actes préparatoires des avis positifs des CRCI et de leur autorité vis-à-vis du juge, qualificationjuridique des avis négatifs des CRCI (voir TGI de Bobigny,15 mars 2006 TA Bastia, 12 septembre 2005). Dansson rapport sur l’indemnisation des accidents médicaux (n°2005-058), l'IGAS a estimé nécessaire uneclarification législative et a souhaité que les avis des CRCI soient exécutoires.

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IGAS L’assurance en responsabilité civile médicale février 2007

actuellement d’environ 10063. Cela représenterait une augmentation de 7 % environ des 3000dossiers soumis actuellement aux CRCI chaque année. Ce surcroît d'activité est absorbabledans le cadre actuel, sous réserve de quelques recrutements dans les CRCI les plus sollicitées,comme la CRCI Ile-de-France, qui peinent à respecter les délais de traitement légaux

Le circuit de traitement des dossiers en CRCI s'organise actuellement en trois temps :- l’examen de la recevabilité qui fait intervenir principalement la date du litige, la

qualification d'accident médical et l’atteinte des seuils, au-dessous desquel l'ONIAMn'est pas compétent64 ;

- l’organisation et la réalisation de l'expertise ;- la délibération de la commission qui aboutit à une indemnisation, à un rejet ou à une

demande d'expertise complémentaire.

Or, les dossiers de gynécologie - obstétrique requerront une instruction de recevabilité allégéepuisque la CRCI les examinera sans critère de seuil 65. En revanche, les juristes de la CRCI etla commission devront distinguer l’aléa de la faute pour tous les dossiers, y compris pour ceuxqui se situent en-dessous des seuils de gravité. En cas de qualification fautive, ils devrontexaminer le caractère inexcusable de la faute, pour lequel des critères seront à élaborer. Quantà la procédure autour de l'expertise, elle restera inchangée : quête d'experts, déroulement del'expertise, rapport d'expertise.

Au cours de ces phases, les CRCI économiseront du temps (et des lettres recommandées) enn’ayant plus à informer les assureurs à tous les stades de la procédure. Mais si le sinistrerenvoie à une faute inexcusable (fréquence extrêmement faible à prévoir), la CRCI se mettraen contact avec l’assureur.

Ainsi, le transfert de tous les litiges de gynécologie - obstétrique aux CRCI signifie un circuitd’instruction particulier à établir, engendrant de la complexité ; l’allègement de la charge detravail au stade de l'examen de la recevabilité et de la communication avec les parties seconjuguera à un alourdissement de l'analyse juridique aboutissant à l’avis de la Commission.

3.6.2 L’offre d'indemnisation par l'ONIAM.

Alors que pour les autres dommages liés à la faute, l’ONIAM se substitue à l’assureurseulement quand celui-ci refuse ou ne propose pas d’offre d’indemnisation, en gynécologie –obstétrique, il présentera désormais systématiquement une offre d’indemnisation. Celasignifie que, pour la gynécologie – obstétrique, il n'y aura plus de contentieux opposantl’ONIAM aux assureurs66, sauf pour les sinistres – en très faible nombre – qui comporteraientune faute inexcusable. Au total, l’ONIAM aura à procéder à davantage d'offresd'indemnisation mais dans le cadre d'une baisse de la charge de travail contentieuse.

63 7% des dossiers soumis aux CRCI sur 2003-2004, d'après le rapport n°2005-058 de l'IGAS.64 24% de taux d'incapacité permanente, durée d'incapacité temporaire de travail au moins égale à 6 moisconsécutifs ou 6 mois non consécutifs sur une période de 12 mois, inaptitude de la victime à exercer son activitéprofessionnelle ou troubles particulièrement graves65 Il en résultera un taux de rejet plus faible que le taux de rejet actuel (19 % au 1er semestre 2006), largementmotivé par la question du seuil du préjudice.66 Au 30 juin 2006, plus de 90 contentieux étaient engagés, décidés ou envisagés au titre des actions récursoires.

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IGAS L’assurance en responsabilité civile médicale février 2007

Si le transfert se limite aux sinistres de gynécologie - obstétrique, cet élargissement descompétences de l’ONIAM semble absorbable à structure inchangée. En revanche, en casd’extension à toutes les spécialités à risque et a fortiori à tous les médecins, la question de lanécessité d’une réorganisation de l’ONIAM - et des CRCI- se poserait.

Par ailleurs, le fait que, pour la gynécologie - obstétrique, le dispositif CRCI / ONIAM puisseintervenir sur tous les sinistres liés à une faute, risque de renforcer la pression déjàactuellement exercée par des associations de victimes, visant à faire sauter les seuils actuels.Aussi, certains interlocuteurs de la mission à l'ONIAM et dans les CRCI craignent-ils que laproposition du groupe de travail inter-URML n'aboutisse, à partir d'un problème somme toutelimité, à déstabiliser un dispositif qui en est à ses débuts.

3.7 L’extension aux autres spécialités médicales et aux établissements

L’analyse conduite ci-dessus concerne l’assurance en responsabilité civile professionnelle desgynécologues - obstétriciens. Or, si la proposition du groupe de travail inter-URML devaitêtre mise en œuvre pour cette spécialité, il se posera inéluctablement la question de sonextension, d’une part, aux autres spécialités à risque (chirurgiens et anesthésistes –réanimateurs), d’autre part, à l’ensemble des praticiens exerçant en libéral et, enfin, auxétablissements de santé, soumis, eux aussi, à l’obligation d’assurance.

En ce qui concerne l’extension aux autres praticiens, deux contraintes juridiquesjouent en sens inverse : d’un côté, la jurisprudence du juge constitutionnel exigequ’en matière de responsabilité civile, les ruptures d’égalité au sein du corpsmédical soient justifiées par une différence appréciable de situation ; de l’autre côté,au regard des exigences posées par la CJCE, il faut établir que l’entrave à la libreprestation de services est justifiée par des raisons d’intérêt général, qu’elle estnécessaire au plan économique et qu’elle est proportionnée aux objectifs poursuivis;

Or, la situation des gynécologues – obstétriciens est de fait spécifique, en raison descaractéristiques du risque (risque long, forte volatilité, base de mutualisation réduite)et du niveau et de l’évolution de leurs primes ; si les situations des autres spécialitésà risque s’en approchent fortement, en particulier celle des chirurgiens, il n’en estpas de même pour les autres spécialistes et les médecins généralistes ; l’extension dudispositif, si elle peut se justifier pour des raisons politiques, semble donc devoirêtre limitée, au regard des contraintes juridiques ;

Quant aux établissements, ils sont concernés par l’éventuelle mise en œuvre de laproposition du groupe de travail inter-URML, puisque les spécialités à risqueexercent sur les plateaux techniques et avec du personnel que les établissementsmettent à leur disposition ; mais, dans la mesure où le principe de la réparationintégrale de la victime est maintenu dans le nouveau système, il n’existe pas derisque a priori de déport de la faute du praticien vers la faute de l’établissement.

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IGAS L’assurance en responsabilité civile médicale février 2007

Conclusion

Après les mesures récentes de juillet et décembre 2006 visant à une prise en charge d’une partimportante (55 à 66%) des primes d’assurance des spécialités à risque, la situation del’assurance en responsabilité civile médicale n’appelle pas d’initiatives nouvelles.

En effet, les nombreuses dispositions déjà prises pour socialiser le coût des primesd’assurance (augmentations des tarifs, aide à la souscription d’assurance, écrêtement de faiten raison de l’existence d’un plafond de garantie) ont compensé, voire sur-compensé, lescharges supplémentaires liées à l’augmentation des primes.

Tout au plus peut-on regretter que la prise en charge par la collectivité de cette augmentationse soit faite de manière dispersée et peu cohérente et n’ait pas emprunté la voie d’unajustement, via le coût de la pratique, des tarifs. Cette approche, même si elle présente desdifficultés techniques, aurait dû être privilégiée : elle est la seule cohérente avec la mise enœuvre progressive de la classification commune des actes médicaux et avec le rôle attribué àl’assurance maladie dans la négociation des tarifs des médecins.

L’annonce par la MACSF de la résiliation de l’ensemble des contrats de gynécologues –obstétriciens à la fin 2006 et de l’augmentation importante des primes en 2007 fait peser lerisque d’une nouvelle crise. Le montant de primes annoncé correspond d’ailleurs au niveaud’équilibre, tel qu’il est évalué par la FFSA pour les gynécologues- obstétriciens (27000euros), alors que les primes se situent aux environs de 14 000 euros actuellement.

Toutefois, il apparaît que les données fournies à l’appui de cette augmentation des primes nesont pas pleinement convaincantes. De plus, deux des principaux assureurs, représentant prèsde 45% du marché, considèrent que le niveau actuel des primes est correct et n’appelle pasd'augmentation dans l'immédiat, à contexte inchangé.

Dans le contexte actuel, il serait donc peu raisonnable d’envisager de nouvelles mesuresvisant à accroître le financement par la solidarité nationale (écrêtement, augmentation de laprise en charge…), alors même qu’il est possible que le marché se stabilise sans cela. Unsoutien supplémentaire des pouvoirs publics au marché risque de constituer une simpleaubaine pour les assureurs déjà à l’équilibre. Aussi semble-t-il nécessaire à la mission, enl’état actuel, de laisser jouer la concurrence voire de l’encourager.

Dans l’hypothèse d’un retrait de la MACSF, le marché se réorganiserait principalement autourd’un oligopole composé de deux / trois intervenants. La crainte d’un oligopole à venir ne doitpas pour autant conduire les pouvoirs publics à caler leur attitude à partir du niveau de primejugé souhaitable par l’un des acteurs dominant sur le marché actuel, le plus alarmiste.

C’est dans ce contexte que la mission a examiné la proposition du groupe de travail inter-URML. Les remarques précédentes sur la situation de la responsabilité civile médicale neplaident pas pour entreprendre une réforme aussi profonde que celle proposée par le groupede travail inter-URML. Toutefois, indépendamment du contexte, la démarche proposéeprésente des avantages :

- garantir contre la répétition de périodes de crise sur ce marché. Ces crises sont liées auxdifficultés propres à l’assurance des spécialités à risques et au caractère nécessairement

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IGAS L’assurance en responsabilité civile médicale février 2007

limité de la concurrence sur un marché aussi étroit. Avec aussi peu d’intervenants, leretrait de l’un d’entre eux ou l’augmentation significative de ses tarifs se traduit par defortes perturbations et surtout crée une insécurité chez les gynécologues -obstétriciensdont on peut penser qu’ils ont mieux à faire que de devoir s’interroger régulièrement sur lamanière dont ils seront assurés ;

- favoriser un traitement plus apaisé et moins judiciarisé des accidents médicaux, propice àune politique de prévention des risques et à un traitement adéquat d’éventuels risquesaggravés ;

- permettre globalement des économies par réduction des frais de gestion des entreprisesd’assurance (20 à 30% des primes actuelles) et du traitement judiciaire des contentieux.

Ainsi, même si le contexte actuel ne justifie pas que l’on mette en œuvre la proposition dugroupe de travail inter-URML, pas plus d’ailleurs que les autres mesures envisagées, celle-cimérite d’être examinée de manière approfondie.

La constitutionnalité et la compatibilité avec le droit communautaire de cette propositionposent question mais il n’est pas avéré que sa mise en œuvre soit de ce fait impossible.

Plus fondamentalement, la proposition se heurte, aujourd’hui, au sentiment qu’elle vise àexonérer les médecins de leur faute ; elle ne satisferait pas le désir de certaines victimessoucieuses, au-delà de la réparation financière, de stigmatiser les médecins responsables. Pourd’autres, elle risque au contraire, à travers la faute inexcusable de conduire à unestigmatisation accrue des médecins. Il s’agit en effet d’une approche de compromis qui, sansaller jusqu’à un système « no blame », essaie d’aménager les conditions de prise en chargedes fautes pour les rendre à la fois respectueuses des victimes et propices à un traitementpertinent des accident médicaux. Il est clair toutefois que ce sentiment est loin d’être partagé,alors même qu’en ce domaine, il est important que les solutions et les procédures retenuessatisfassent un « sentiment de justice ». Il est donc important que le débat puisse sepoursuivre, au-delà de la question du niveau des primes, entre les pouvoirs publics, le corpsmédical et les associations de malades sur la meilleure manière de considérer les accidentsmédicaux, la question de la faute et de la sanction et, bien sûr, la prévention des risques.

Pierre-Louis BRAS Christine D’AUTUME

Bernadette ROUSSILLE Valerie SAINTOYANT

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ANNEXES

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Liste des annexes

Annexe n°1 : Lettre de mission

Annexe n°2 : Liste des personnes rencontrées

Annexe n°3 : Présentation schématique du rapport de l’OCDE

Annexe n°4 : Les trous de garantie

Annexe n°5 : L’interprétation de la loi About

Annexe n°6 : L’évolution des primes

Annexe n°7 : La sinistralité

Annexe n°8 : Les parts de marché

Annexe n°9 : L’évolution des revenus

Annexe n°10 : Les modalités actuelles de socialisation

Annexe n°11 : L’exemple de la Suède

Annexe n°12 : La prévention des accidents médicaux

Annexe n°13 : Textes et jurisprudence

Annexe n°14 : L’ONIAM

Annexe n°15 : Liste des sigles

Page 49: L'assurance en responsabilité civile médicale

Annexe n°1 : Lettre de mission

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Annexe n°2 : Liste des personnes rencontrées

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Ministère de la santé et des solidarités

Erik RANCE, conseiller technique au cabinet du Ministre

Direction de la sécurité sociale (DSS)Stephane SEILLER, chef de serviceEtienne CHAMPION, chef du bureau 1BChristiane DRAICCHIO, chargée des affaires juridiquesEdith LAUNAY, rédactrice au bureau 3CVirgine DOUBLET, rédactrice au bureau 2C

Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM)Dominique MARTIN, directeur

CRCI Ile-de-FranceFrançoise AVRAM, présidente

Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP)Jean-Marc MORIN, directeur des affaires juridiques

Autorité de contrôle des assurances et mutuelle (ACAM)François WEISS, commissaire- contrôleur

Bureau central de tarification (BCT)Professeur Laurent LEVENEUR, présidentFrançoise DAUPHIN, directrice

Représentants des médecins

SYNGOFGuy-Marie COUSIN, présidentJean MARTY, secrétaire général et président de la section spécialistes URML- MPBéatrice LE NIR, conseiller juridiqueRémi PELLET, avocat

CSMFDr Michel CHASSANG, présidentDr Jean-François REY, président U.MES.PE

Assureurs

Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA)Claude DELPOUX, directeur des assurances de biens et responsabilitéStéphane PENET, directeur des marchés à la direction des assurances de biens et responsabilitéFrédéric GUDIN de PAVILLON, sous-directeur (direction des études et statistiques)Claudine QUILLEVERE, responsable département des risques

Page 54: L'assurance en responsabilité civile médicale

MACSFMichel DUPUYDAUBY, directeur général

SHAMJean-Yves NOUY, directeur général

AGFJean-Yves JULIEN, directeur des assurances de biens et responsabilitéRoger LEGEANT, directeur des marchés, en charge des entreprisesMarthe DURRENBERGER, directeur techniqueMichel LUZI, actuaire

AXAPatrick FOSSEY, directeur technique, responsabilité civile risques spéciauxPaul-Henri RASTOUL, directeur technique sinistres corporels et responsabilité

MMA / MICJean DUBOIS, directeur de MICJean-Pierre MILANESI, conseiller du président JC SeysFrançois BRANCHET, président de SAS BranchetElisabeth HUBERT, conseillère médicale de MMA-MIC et SAS Branchet

MarshPhilippe AUZIMOUR, managing director, département entreprises & services publics

Représentants des victimes

Alain-Michel CERETTI, président du LIEN (Lutte, information, études sur les infectionsnosocomiales)Gilles GAEBEL, délégué auprès de l’AVIAM (Association d’aide aux victimes d’accidentsmédicaux)

Page 55: L'assurance en responsabilité civile médicale

Annexe n°3 : Présentation schématique du rapport de l’OCDE

Page 56: L'assurance en responsabilité civile médicale

8

OCDE : Prévenir, assurer et couvrir les incidents médicaux (2006)Typologie des solutions au problème de l’assurance en responsabilité civile médicale et de leur mise en œuvre en France

Options ou solutionsenvisageables

Exemples de paysétrangers

Comment la situation se présente en France1.1. La prévention des

risques1.1.1 Prévention et

gestion desrisques

Nombreux pays :Royaume – UniUSA (Patient safetyand quality improvmentact 2005)Nouvelle –Zélande(programme sécuritédes patients 2005)

Déjà existant :Voir annexe n°12

1.2. Améliorer laprévisibilité desindemnisations

1.2.1 Réforme de laprocédure judiciaire

Mécanismes d'arbitrageou de médiationen Australie et dans denombreux Etats desUSA, par ex. CalifornieMédiateur aux Pays-BasLimitation de la miseen jeu de responsabilitésolidaireLimitation desdommages -intérêtsnon économiques :USA, CanadaSuède

Déjà existant :- la création des CRCI (alternative au contentieux)- la mise au point par l’ONIAM d’un barème indicatif

d’indemnisation

Pistes de réforme :- rendre le passage en CRCI obligatoire avant le contentieux- référentiel / barème indicatif d’indemnisation pour les juges- réforme de l’expertise médicale

1. Améliorerl’assurabilité durisque

1.2.2. Modifier lesoutils assurantiels

Passage à la baseréclamation :USA, AustraliePersistance de la basefait générateur auCanada (régime demonopole mutualiste)

Déjà existant :- l’obligation de la base réclamation pour plus de visibilité- subséquentes inférieures aux délais de prescription- possibilité d’introduire des plafonds de garantie

Pistes de réforme :introduction de franchises, abaissement des plafonds, limitations desdurées ou de l’étendue des garanties…

Page 57: L'assurance en responsabilité civile médicale

9

2. Soutenir l’offred’assurance

2.1. Favoriser ledéveloppement demutuelles, de sociétés àbut non lucratif

Canada : associationcanadienne mutualisteACPMAustralie : structurespécialiséeUMP/AMIL

Déjà existant :- MACSF/ Sou médical, SHAM…

2.2. Aide au paiementdes primes

Plusieurs Etats desUSACanadaAustralie

Déjà existant :- augmentations tarifaires dans les négociations conventionnelles- déduction fiscale des chargesprise en charge à 55 ou 66% par l’assurance maladie (décretaccréditation) ; indexation des plafonds sur l’évolution des primes

3.1. Rendre l’assuranceobligatoire Canada, Rép. tchèque,

Finlande, Islande,Pologne, Slovaquie,Espagne, Suède

Déjà existant :- loi du 4 mars 2002 instaure l’obligation de s’assurer et d’assurer- création du BCT

3. Partenariatspublics / privés

3.2. Création de poolsde mutualisation Coopération entre

sociétés d'assurance etde réassurance

Pools d'assurance auxUSA(Joint underwritingassociations)

Déjà existant :- créations du GTAM, puis du GTREM

Pistes de réforme :- Réinstaurer le GTAM et le pérenniser ?- Au lieu de cette mutualisation entre compagnies d’assurance, on

pourrait imposer la mutualisation entre professionnels de santé (ouentre assurés RC ou entre assurés multi-risques…) ?

3.3. La prise en chargedes indemnisationsélevées par un fond degarantie

Australie parl'UMP/AMILFinlandeUSA (Patientcompensation fund)

Déjà existant :- plafonds de garantie

Piste de réforme :la proposition d’écrêtement

Page 58: L'assurance en responsabilité civile médicale

10

4.1. Partiel Pour accidentsneurologiques à lanaissance :Virginie, Floride

Déjà existant :- création de l’aléa thérapeutique et financement par l’ONIAM- signalement à l'HAS de tous les évènements porteurs de risque et à

l'INVS de tous les évènements indésirablesPistes de réforme :- restriction de l’assurance privée à la faute inexcusable ou

intentionnelleindemnisation par la solidarité nationale des handicaps des enfants(exemple de la Virginie)

4.2. TotalDans certaines limites

Par un fond public :Suède,Nouvelle -Zélande

Sur ressources privées :Danemark et Finlande

Pistes de réforme :- prise en charge par l’ONIAM de tous les accidents médicaux- analyse des accidents, de leurs causes, des responsabilités en jeu

par un autre organisme (HAS) et politique de gestion des risquesindépendante des indemnisations

4.3. Développementdes systèmesd’indemnisationalternatifs

4.3.1 Système de l'offreprécoce Incitation à proposer

une offre rapidementEx : dans les 180 j danscertains Etats des USA

Déjà existant:Incitation au règlement amiable par les CRCI et l'ONIAM (délais de 6mois et 4 mois)

4.3.1. Dispositifs decompensation duhandicap

Déjà existant :- la loi du 11 février 2005, en particulier création de la prestation de

compensation du handicap

4. Systèmed’indemnisation« sans faute » (no-blame)Découplage d’undispositif de gestiondes risques

4.3.2. Incitation à lasouscriptiond’assurances privées« accidents de la vie »

Piste de réforme :Généralisation des contrats d’assurance visant à protéger les membresd'une famille contre les accidents de la vie, y compris les accidentsmédicaux.

Page 59: L'assurance en responsabilité civile médicale

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Annexe n°4 : Les trous de garantie

Page 60: L'assurance en responsabilité civile médicale

12

Le terme de « trous de garantie » désigne des situations de défaut de couverture d’un sinistrepar l’assurance. Dans ce cas, l’assuré, c’est-à-dire le professionnel de santé peut devoirassumer financièrement lui-même la charge de l’indemnisation.

1) Les trous de garantie engendrés par la loi About

Il a été communément avancé que le passage de contrats en faits dommageables à des contratsen base réclamation allait entraîner des trous de garantie.

La loi du 30 décembre 2003 prévoit à son article 4 (codifié dans l’article L251-2 du code desassurances) plusieurs dispositions destinées à éviter la survenance de trous de garantie :

- une garantie subséquente de cinq ans minimum, c’est-à-dire la couverture des dommagesissus de réclamations qui interviennent après résiliation du contrat mais qui trouvent leurorigine dans la période de garantie : « Le contrat d'assurance garantit également lessinistres dont la première réclamation est formulée pendant un délai fixé par le contrat, àpartir de la date d'expiration ou de résiliation de tout ou partie des garanties, si cessinistres sont imputables aux activités garanties à cette date, et s'ils résultent d'un faitgénérateur survenu pendant la période de validité du contrat. Ce délai ne peut êtreinférieur à cinq ans. »

- une garantie subséquente de dix ans minimum, en cas de décès ou de cessation d’activité :« Le dernier contrat conclu, avant sa cessation d'activité professionnelle ou son décès,par un professionnel de santé mentionné à la quatrième partie du code de la santépublique exerçant à titre libéral, garantit également les sinistres pour lesquels lapremière réclamation est formulée pendant un délai fixé par le contrat, à partir de la datede résiliation ou d'expiration de tout ou partie des garanties, dès lors que le faitgénérateur est survenu pendant la période de validité du contrat ou antérieurement à cettepériode dans le cadre des activités de l'assuré garanties au moment de la premièreréclamation. Ce délai ne peut être inférieur à dix ans. Cette garantie ne couvre pas lessinistres dont la première réclamation est postérieure à une éventuelle reprise d'activité. »

- le maintien du plafond de garantie pendant les subséquentes : « Le contrat ne peut prévoirpour cette garantie un plafond inférieur à celui de l'année précédant la fin du contrat. »

Il est à noter que le contrat base réclamation ne reprend que le passé inconnu : « Le contrat negarantit pas les sinistres dont le fait générateur était connu de l'assuré à la date de lasouscription. »

Ces dispositions laissent néanmoins subsister des trous de garantie dans des configurationsparticulières :1) Fait générateur du dommage survenu et connu pendant la période de validité du contrat

mais première réclamation après la période de garantie subséquente de cinq ans ;2) Fait générateur du dommage survenu pendant la période de validité du contrat (connu ou

inconnu) mais première réclamation dix ans après la cessation d’activité ou le décès, c’est-à-dire après la période de garantie subséquente de dix ans (ce qui est possible car le délaide prescription, dix ans à partir de la consolidation du dommage, est supérieur aux dix ansde la subséquente).

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Il est difficile de déterminer la probabilité que de tels trous de garantie se produisent. Lapremière hypothèse ne pourra se réaliser qu’à partir de 2007-2008 quand les subséquentes despremiers contrats base réclamation se seront écoulées. Il semble tout à fait possible que, dansle domaine de l’obstétrique en particulier, une réclamation n’intervienne que plusieurs annéesaprès le fait dommageable : les déficiences d’un enfant, liées à un fait dommageable, peuventpar exemple être mises en évidence au moment de son entrée à l’école, soit six ans plus tard.

En outre, l’assuré peut éventuellement pâtir de l’incertitude sur l’interprétation qui sera faitede la notion de passé (in)connu. D’un côté, le professionnel de santé n’est pas incité à déclarerles incidents, de crainte d’une augmentation des primes d’assurance en conséquence. D’unautre côté, comment pourra-t-il arguer qu’il n’en avait pas connaissance et donc plaider pourle « passé inconnu » ? Quels sont les critères de gravité d’un incident déterminant l’obligationde sa déclaration ?

Les assureurs, interrogés par la mission à ce sujet, ont affirmé s’être engagés, au moment duvote de la loi du 30 décembre 2002, à ne pas laisser survenir des trous de garantie pour lesmédecins et à régler les éventuels conflits entre eux, sur la base des conventions de gestion1.En principe, c’est l’assureur au moment de la réclamation qui prend en charge le sinistre (ilpeut alors éventuellement se retourner contre l’assureur précédent, mais ce serait très raredans les faits) ; autrement dit, l’interprétation de la notion de « passé connu » est trèsrestrictive :- soit le sinistre est connu et déclaré à l’assureur ; celui-ci ouvre alors généralement

directement un dossier et constitue des provisions avant même que la réclamation soitfaite (donc peu importe si elle n’est faite qu’après les 5 ans de la subséquente).

- soit le sinistre est inconnu et donc repris par le nouvel assureur en base réclamation.

2) Les plafonds de garantie

La loi du 4 mars 2002 prévoit la possibilité de plafonds de garantie : « Les contratsd’assurance souscrits en application du premier alinéa peuvent prévoir des plafonds degarantie » (L.251-1). Le montant de ces plafonds a été fixé par décret (R.251-1) à, auminimum, 3 millions d’euros par sinistre et 10 millions d’euros par année d’assurance.

D’après les informations fournies à la mission, les pratiques varient entre assureurs : tous lescontrats attribués par le BCT sont plafonnés à 3 millions d’euros (donc, par exemple, presquetous les contrats détenus par les AGF), ainsi que les contrats de MIC et de Hannover. AXAn’a pas souhaité l’appliquer. Quant à la MACSF, elle proposera à partir de 2007 un tarifdifférencié selon le plafond de garantie (3 ou 6 millions d’euros).

1 A la suite de la loi relative à la sécurité financière, l’assemblée générale de la FFSA a adopté en décembre2003, une convention de gestion de sinistres visant à :

• fixer un référentiel commun pour l’appréciation du passé connu ;• éviter les litiges entre assureurs successifs ;• désigner l’assureur qui doit assumer la gestion du sinistre lorsque chacun des assureurs successifs

décline ou réserve sa garantie.

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3) La prise en charge des défauts de couverture par l’ONIAM

Ces trous de garantie juridiques signifient concrètement qu’un professionnel de santé peut êtreen situation d’absence ou d’insuffisance de couverture assurantielle pour certains sinistres.

Dans ce cas, la loi prévoit la substitution de l’ONIAM (article L1141-15 du code de santépublique), garantissant ainsi l’indemnisation de la victime.

« En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable desdommages n'est pas assuré ou la couverture d'assurance prévue à l'article L. 1142-2 est épuisée, l'office instituéà l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur.

Dans ce cas, les dispositions de l'article L. 1142-14, relatives notamment à l'offre d'indemnisation et aupaiement des indemnités, s'appliquent à l'office, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat.

L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. La transaction estportée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur.

Sauf dans le cas où le délai de validité de la couverture d'assurance garantie par les dispositions du cinquièmealinéa de l'article L. 251-2 du code des assurances est expiré, l'office est subrogé, à concurrence des sommesversées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, sonassureur. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise.

En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable desdommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureurou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue.

Lorsque l'office transige avec la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article, cette transactionest opposable à l'assureur ou, le cas échéant, au responsable des dommages sauf le droit pour ceux-ci decontester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. Quelle que soit ladécision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime lui reste acquis. »

- Plus précisément, l’ONIAM se substitue à l’assureur ou au praticien dans trois cas defigure :

silence ou refus explicite de la part de l’assureur de faire une offre ; absence d’assurance du praticien ; épuisement de la couverture d’assurance (fins des subséquentes et indemnisations

supérieures au plafonds de garantie).

- A la suite de cette substitution, l’ONIAM exerce une action récursoire contre l’assureur oule praticien, sauf lorsque l’épuisement de la couverture d’assurance est due à la fin de lasubséquente de dix ans liée au décès ou la cessation d’activité (cette dernière disposition aété introduite par amendement du gouvernement à la loi du 30 décembre 2002).

- Pour les deux premiers cas de figure, le juge peut décider d’une pénalité de 15% del’indemnisation, en supplément à l’indemnisation.

L’ONIAM n’a pas encore été confronté à cette hypothèse. Il est peu probable qu’il exerce sonaction récursoire à l’encontre des professionnels de santé, dont la couverture d’assuranceserait épuisée.

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Néanmoins, cette existence de trous de garantie, d’une part, représente une incertitudejuridique pour les professionnels de santé, même lorsqu’ils ont respecté leur obligationd’assurance. D’autre part, elle fait porter à la solidarité nationale des charges, peu visibles,dont on peut estimer qu’elles devraient être couvertes par les compagnies d’assurance (ce sonten fait des formes d’écrêtement).

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Annexe n°5 : L’interprétation de la loi About

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Cette annexe a pour objet de présenter la controverse entre assureurs sur l’interprétation àdonner au dernier alinéa de l’article 4 et à l’article 5 de la loi n°2002-1577 du 30 décembre2002, dite loi About

1) Les dispositions de la loi About.

Les dispositions de la loi About, sujets de la controverse, sont les suivantes :

- Septième alinéa de l’article 4 : « Lorsqu’un même sinistre est susceptible de mettre en jeula garantie apportée par plusieurs contrats successifs, il est couvert en priorité par lecontrat en vigueur au moment de la première réclamation, sans qu’il soit fait applicationdes dispositions des quatrième et cinquième alinéas de l’article L.121-4 » (l’article 4 estcodifié dans le code des assurances, L.251-1, et dans le code de la santé publique, L.1142-2).

- Article 5 : « L'article L. 251-2 du code des assurances s'applique aux contrats conclus ourenouvelés à compter de la date de publication de la présente loi.Sans préjudice de l'application des clauses contractuelles stipulant une période degarantie plus longue, tout contrat d'assurance de responsabilité civile garantissant lesrisques mentionnés à l'article L.1142-2 du code de la santé publique, concluantérieurement à cette date, garantit les sinistres dont la première réclamation estformulée postérieurement à cette date et moins de cinq ans après l'expiration ou larésiliation de tout ou partie des garanties, si ces sinistres sont imputables aux activitésgaranties à la date d'expiration ou de résiliation et s'ils résultent d'un fait dommageablesurvenu pendant la période de validité du contrat. »

L’enjeu est de déterminer les règles qui s’appliquent aux sinistres dont le fait générateur (FG)est survenu avant la loi About, donc en principe pendant la période de validité d’un contratfait générateur, lorsque la réclamation (RC) intervient après la loi About : quelle est la part del’indemnisation qui doit être couverte au titre de l’ancien contrat fait générateur (contrat 1) etau titre du nouveau contrat base réclamation (contrat 2) ?

FG RC

LOI ABOUT

Contrat 1 (en FG) Contrat 2 (en BR)

Or, la signification de la loi n’apparaît pas évidente puisque plusieurs interprétationsdivergentes s’opposent :- l’une fondée sur la priorité du contrat en fait générateur (qu’on appellera pour simplifier

« l’interprétation fait générateur ») ;- l’autre fondée sur la priorité du contrat en base réclamation (« l’interprétation base

réclamation ») ;- enfin, l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM), pour sa part, livre

une troisième interprétation, fondée sur l’application des règles classiques de cumuld’assurance (« interprétation cumul classique »).

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2) Les interprétations divergentes de la loi About

a) Selon l’interprétation base réclamation2 :

- le septième alinéa de l’article 4 prévoit une règle de cumul d’assurance en matière deresponsabilité civile médicale, dérogatoire au droit commun : « C’est en conséquence lecontrat en cours au moment de la première réclamation qui couvre le sinistre. Lescontrats antérieurs n’ont vocation à jouer, dans la mesure où les stipulationscontractuelles permettent leur garantie, qu’en cas d’absence ou d’insuffisance degarantie du contrat d’assurance en cours de validité au moment de la réclamation ».

- l’article 5 n’aurait que pour objet de valider les clauses bases réclamation des contratsconclus antérieurement à la date de publication de la loi (ils sont réputés contenir – saufdisposition contractuelle plus favorable - une garantie subséquente de cinq ans),contrairement à la jurisprudence de la cour de cassation. « En pratique, la portée del’article 5 alinéa 2 sera relativisée par la dérogation aux règles du cumul d’assurance,précisées à l’article 4. »

Autrement dit, en dépit de la formulation du premier alinéa de l’article 5, ce sont toujours lescontrats base réclamation en vigueur qui sont appelés en priorité, même si le sinistre étaitcouvert par un contrat fait générateur antérieur à la loi About. Est invoquée la volonté dulégislateur de donner un effet immédiat à la loi. La validation des bases réclamation descontrats antérieurs par l’article 5 n’a d’effet qu’en cas d’absence ou d’insuffisance de garantiependant la période de garantie subséquente (pour pallier les éventuels « trous de garantie »).

b) Selon l’interprétation fait générateur, l’article 5 organise une période de transition :

- pendant les cinq ans suivant la publication de la loi, la garantie est due, en priorité, au titredu contrat fait générateur, si le fait générateur est survenu avant la loi About et laréclamation après la loi ;

- la règle de cumul d’assurance de l’article 4 s’applique lorsque les deux contrats ont étésignés – en base réclamation – après la publication de la loi About ; en particulier, pour unfait générateur survenu pendant la période de garantie du premier contrat baseréclamation, même si la réclamation intervient pendant la période de garantie subséquente(5 ans), c’est le nouveau contrat base réclamation (à condition qu’il existe) qui couvre lesinistre.

c) Selon l’interprétation cumul classique :

- pour les contrats postérieurs à la loi About, l’article 4 exclut explicitement l’applicationdes règles classiques de cumul d’assurance, codifiées à l’article L.121-4 du code desassurances3 ;

2 Les citations sont extraites de la circulaire n°04/2003 de la FFSA relative à la loi n°2002-1577 du 30 décembre2002 relative à la responsabilité civile médicale.3 L.121-4 : « Quand elles [les assurances] sont contractées sans fraude, chacune d'elles produit ses effets dansles limites des garanties du contrat et dans le respect des dispositions de l'article L. 121-1, quelle que soit ladate à laquelle l'assurance aura été souscrite. Dans ces limites, le bénéficiaire du contrat peut obtenirl'indemnisation de ses dommages en s'adressant à l'assureur de son choix.

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- en revanche, ces règles s’appliquent aux contrats antérieurs à la loi About lorsque leurgarantie peut être invoquée (garantie sans limitation dans le temps pour les contrats faitgénérateur ou garantie subséquente de 5 ans minimum pour les contrats base réclamationvalidés par l’article 54) ; autrement dit, dans le cas d’un sinistre dont le fait générateur estantérieur à la loi About et la réclamation postérieure, la charge du sinistre est partagée àmoitié entre le contrat 1 et le contrat 2, conformément aux règles classiques du cumuld’assurance.

3) L’analyse des débats parlementaires.

La lecture littérale du texte conduit plutôt à retenir la seconde ou la troisième interprétation.C'est d'ailleurs ce que le professeur J. Bigot admet dans une analyse conduite pour la FFSA5

même s'il écarte cette interprétation littérale pour des motifs de "politique législative"6. Ilimporte donc de se référer aux travaux parlementaires.

La proposition de loi, dite About, a été présentée au Parlement dans un contexte de crise. A lasuite de la loi du 4 mars 2002 instaurant une obligation d’assurance, notamment, deuxassureurs américains, ACE et Saint-Paul, se sont retirés du marché français sur lequel ilsétaient très présents en responsabilité civile médicale. La proposition de loi reprend le relevéde conclusions d’une table ronde, organisée le 7 octobre 2002, par le ministre de la santé, dela famille et des personnes handicapées. Selon les mots du ministre : « les dispositionsprévues par les articles 4 et 5 de la présente proposition de loi ont été négociées avec lesassureurs dans leur ensemble ».

L’analyse des débats parlementaires fait ressortir que, dans l’esprit des parlementaires, lescontrats fait générateur antérieurs ont une « durée de garantie subséquente » cinq ans aprèsleur résiliation. Certes, on peut arguer qu’ils ne se prononcent pas explicitement sur le fait desavoir si ces contrats interviennent en priorité par rapport aux nouveaux contrats baseréclamation, à moitié, ou sont simplement appelés en complément, en cas de couvertureinsuffisante. Il n’est cependant pas non plus établi que le législateur entendait priver d’effetles contrats fait générateur antérieurs.

Dans les rapports entre assureurs, la contribution de chacun d'eux est déterminée en appliquant au montant dudommage le rapport existant entre l'indemnité qu'il aurait versée s'il avait été seul et le montant cumulé desindemnités qui auraient été à la charge de chaque assureur s'il avait été seul. »4 La durée de cinq ans ne constitue donc qu’un minimum et ne devrait s’appliquer qu’à un nombre limité decontrats, à savoir les contrats qui, en dépit de la jurisprudence de la cour de cassation, étaient écrits en baseréclamation et prévoyait des durées de garantie subséquente inférieures à cinq ans. Pour les autres contrats, cesont les dispositions contractuelles plus favorables qui s’appliquent.5 Consultation juridique délivrée par Jean BIGOT, professeur émérite à l’Université de Paris I Panthéon -Sorbonne, directeur honoraire de l’Institut des assurances de Paris, à la demande de la Fédération française dessociété d’assurance (septembre 2003).6 Extrait : « Selon une première interprétation, littérale, l’ensemble de l’article L.251-2 obéirait à la même règled’application dans le temps. Seraient seuls concernés les contrats conclu ou renouvelés après le 31/12/02. Ausoutien de cette thèse, on pourrait faire valoir les termes formels de la loi qui ne distingue pas, à la lettre, selonles dates respectives de souscription des contrats en cause. De surcroît, cette interprétation serait conforme auxprincipes régissant l’application dans le temps de la loi nouvelles aux situations contractuelles en cours. Al’encontre de cette analyse, on pourrait observer, au plan de la politique législative, qu’elle réduiraitconsidérablement la portée de la règle du non cumul voulue par le législateur. »

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- Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat par le sénateur JLLorrain : l’article 5, intitulé « dispositions transitoires »7, « prévoit que les dispositions dela présente loi s’imposeront à tous les contrats de responsabilité médicale souscrits ourenouvelés postérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme. Les garanties descontrats conclus antérieurement seront, pour le traitement des réclamations postérieuresà cette réforme, régies par les dispositions contractuelles d’application des garantiesdans le temps, dès lors qu’elles ne sont pas moins protectrices que le niveau de protectioninstitué par la nouvelle loi. Les contrats en cours à cette date devront par conséquent, entout état de cause, garantir les réclamations formulées postérieurement à cette même dateet jusqu’à cinq ans après la fin du contrat, dès lors que le fait générateur sera survenupendant le contrat ».

- Rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales par ledéputé JP Door : « A titre rétroactif, tout contrat d’assurance en responsabilité civilemédicale est donc réputé garantir tous les sinistres dont la première réclamationinterviendra dans les cinq ans suivant l’entrée en vigueur de la loi, dès lors que l’activitémédicale à l’origine du dommage était couverte et que le fait générateur est survenupendant la période de validité du contrat ».

- Compte rendu des débats à l’Assemblée nationale du mercredi 18 décembre 2002 : ClaudeEvin, dans son intervention, s’offusque du cadeau fait aux assureurs et de la brièveté de lapériode de transition (cinq ans) : « Les professionnels et les établissements de santé ontacquitté des primes relativement élevées au titre d’une garantie trentenaire de l’assureur.La proposition de loi réduit à seulement cinq ans après la résiliation ou l’expiration ducontrat d’assurance l’engagement dans le temps de celui-ci. De la sorte, les compagniesd’assurance qui se sont retirées du marché bénéficient d’un allègement important auregard de leurs obligations contractuelles mais conservent les cotisations versées pourcouvrir leur engagement initial de trente ans ». Le rapporteur et le ministre répondent ense référant à la règle de cumul des contrats de l’article 4 mais sans préciser à quelscontrats (y compris les contrats fait générateur antérieurs à la loi About ?) cette règle doits’appliquer.

4) Les implications de cette divergence d’interprétation

Ces divergences d’apparence très technique ont en fait des implications stratégiques etfinancières importantes.

L’interprétation base réclamation :

- autorise les compagnies d’assurance à réintégrer les provisions statistiques qu’ellesavaient constituées pour les faits générateurs survenus pendant la période de validité ducontrat mais qui étaient encore « inconnus » et n’avaient pas donné lieu à uneréclamation ; cette réintégration des provisions n’a cependant pas été utilisée pour baisserles primes après 2003 mais pour reconstituer leurs résultats (effet de rattrapage desprimes)8 ;

7 Au cours de la présentation du rapport à la commission des affaires sociales, il est précisé que « l’article 5définit les modalités d’entrée en vigueur des dispositions issues de l’article 4. »8 A partir de 1999, les résultats techniques étaient devenus très négatifs, sous l’effet de l’inadéquation et de lasous-évaluation du niveau des primes, au regard de l’accroissement des charges, de l’effondrement des revenus

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- exonère les compagnies qui se sont retirées du marché en 2002, en particulier ACE etSaint-Paul, de tout engagement sur les faits générateurs qu’ils couvraient avant la loiAbout ;

- permet de justifier en partie le niveau élevé des primes pratiqué depuis 2003, puisque lesassureurs constituent des provisions pour les sinistres dont la première réclamationintervient pendant la durée de validité du contrat, même si le fait générateur est antérieur àla loi About ;

- fait porter la suspicion sur les propositions tarifaires de la compagnie MIC, accusée defaire du dumping en sous-tarifant les risques (en particulier, en refusant de garantir lessinistres à réclamation post-About et à fait générateur pré-About).

Cette interprétation base réclamation est présentée, appliquée et défendue au contentieux parla Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA)9 et ses adhérents.

L’interprétation fait générateur, quant à elle, est invoquée par la société Medical InsuranceCompany (MIC), créée par le courtier Branchet. MIC a affirmé à la mission qu’elle constituaittoutefois des provisions, dans l’hypothèse où les décisions des juges lui seraient défavorables.Ce ne serait donc pas cette interprétation qui expliquerait son niveau de prime nettement plusbas en 2003, comme le suggèrent le rapport IGAS / IGF de janvier 200410 et le conseil de laconcurrence dans sa décision du 9 novembre 200611 (qui reprend d’ailleurs à son comptel’interprétation fait générateur12). Par ailleurs, les nouveaux entrants tels que MIC-Branchet etHannover-Marsh n’ont pas profité de la réintégration des provisions, mais ils n’ont pas àcouvrir l’aggravation d’anciens sinistres (qui n’aurait pas été prévue dans les provisionsstatistiques).

Plusieurs conflits entre assureurs ont été portés devant les tribunaux. Pour l’instant la questionde l’interprétation de la loi About n’est pas tranchée. Les juridictions saisies se prononcent demanière divergente :- en faveur de l’interprétation fait générateur : assignation TGI Paris du 12 août 2005 ;

ordonnance de référé du TGI de Metz du 14 mars 2006 ; ordonnance de référé du TGI deReims du 5 avril 2006 ; tribunal d’instance de Bordeaux, 11 mai 2006 ; TGI de Bayonne,24 avril 2006 ; tribunal d’instance d’Avranches, 21 juin 2006 ; TGI de Bordeaux, 13septembre 2006 ;

- en faveur de l’interprétation base réclamation : ordonnance de référé du TGI de Nice, 11mars 2005 ; TGI de Paris, 24 avril 2006 ; TGI de Pau, 5 juillet 2006.

des placements financiers et de l’augmentation des conditions des réassureurs (décision du conseil de laconcurrence du 9 novembre 2006).9 Voir en particulier la circulaire n°04/2003 du 13 janvier 2003 de la FFSA10 Extrait du rapport IGAS / IGF de janvier 2004 : « Pratiquant des tarifs très inférieurs à ceux du marchéfrançais (…), la société MIC justifie le niveau des primes par son interprétation de la loi du 30 décembre 2002 »11 Extrait de la décision du conseil de la concurrence du 9 novembre 2006 : « La MIC propose des tarifsmoindres que ses concurrents et explique sa politique tarifaire de la façon suivante : une politique actived’information et de prévention, un portefeuille vierge de tout historique et l’interprétation qui suit de la loiAbout ».12 Extrait de la décision du conseil de la concurrence du 9 novembre 2006 : « L’article 5 de la loi About prévoiten substance que les sinistres découlant de faits survenus avant le 1er janvier 2003 restent couverts par lecontrat d’assurance en base fait générateur en vigueur au moment de leur survenance dès lors que laréclamation intervient moins de cinq ans après le fin de validité dudit contrat. La MIC a donc un portefeuille derisque allégé dans la logique base réclamation pendant quelques années ».

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- aucune ne fait référence à l’interprétation cumul classique.

*

Il n'appartient pas à la mission de se prononcer sur le fond de ce débat soumis aux tribunaux.Elle constate toutefois que l'examen des travaux parlementaires semble conforter la lecturelittérale : le législateur n'a pas souhaité exonérer totalement les assureurs de leursengagements pris dans le cadre des contrats faits générateurs souscrits antérieurement à la loiAbout. Il est vrai d'ailleurs qu'un tel "cadeau" aux assureurs antérieurs aurait été critiquable auplan des principes : il privait en effet les médecins d'une garantie dont ils avaient acquitté leprix (et cela, même si ce prix avait été sous-estimé par les assureurs) et les contraignaient àpayer à nouveau pour cette couverture, dans le cadre des primes en base réclamation13 14. Onpeut d'ailleurs remarquer que la loi n°2003-706 du 1er août 2003 sur la sécurité financière, ence qui concerne la succession des contrats en responsabilité civile générale, n’exonère pas desengagements pris dans les contrats faits générateurs antérieurs à la loi.

Au-delà, il est fortement dommageable pour la clarté et la transparence du marché qu'ilfonctionne à partir de textes qui prêtent à de telles divergences d'interprétation. Il est, de plus,difficilement compréhensible, compte tenu des enjeux attachés à cette question, que lesautorités compétentes n'aient pris aucune initiative pour clarifier la situation.

13 De fait les médecins ont payé deux fois pour la couverture des dommages dont le fait générateur était antérieurà la loi About et dont la réclamation est intervenue postérieurement à la loi.14 Pour ce qui est de l'interprétation de la loi en terme de "politique législative", il est difficile de soutenir que lelégislateur entendait priver les médecins d'une garantie dont ils avaient acquitté le prix et cela même si lesassureurs en avaient sous estimé le coût et donc, de les faire payer deux fois pour le même service. On peut, pourle moins, supposer que si telle était la volonté du législateur, elle méritait d'être explicitée clairement. Enl'absence d'une telle explicitation, il paraît raisonnable de retenir l'intention contraire.

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Annexe n°6 : L’évolution des primes

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1) Le niveau des primes des gynécologues-obstétriciens et son évolution.

a) Pour 2003, la précédente enquête IGAS-IGF avait fourni une estimation du niveau desprimes pour les gynécologues-obstétriciens. Estimées à partir des tarifs MACSF/ LeSou, Médicale de France et GTAM, elles s'étageaient, en 2003, entre 10 100 € et 15400 €. Les tarifs de la Medical Insurance Company (MIC) étaient largement inférieurs: 8250 €.

b) Pour 2004 et 2005, l'enquête RCM médicale, conduite par l'ACAM, pour les sociétésopérant en France et ayant un chiffre d’affaire en RCM supérieur à un million d’euros,aboutit à un montant de prime moyen de respectivement 12 500 et 13 000 €. Le niveaupour 2005 se situe au milieu de la fourchette 2003, ce qui laisse supposer une relativestabilité des primes de 2003 à 2005.

c) Pour 2006, une enquête du SYNGOF sur environ 200 contrats fait ressortir des primesmoyennes par assureur s'étageant de 12 100 € à 16 100 €. Les assureurs intervenant àpartir de l'étranger en libre prestation de services (Marsh-Hannover, Branchet-MIC)présentent les niveaux moyens de prime les plus faibles (12 100 € et 13 300 €). Lesécarts types importants par assureur suggèrent une forte dispersion des primes autourde leur niveau moyen, dispersion plus réduite pour les assureurs étrangers.

La MACSF se situe dans l'enquête à 15000 €, niveau de prime confirmé par lamutuelle.

Le BCT a, quant à lui, tarifé 17 contrats avec des primes comprises entre 12 500 € et19 620 € pour les gynécologues-obstétriciens sans chirurgie (8 contrats) et entre 16660 € et 20 000 € pour les gynécologues-obstétriciens avec chirurgie (9 contrats). Cestarifs se situent dans la fourchette des tarifs de marché.

La tendance serait donc, dès 2006, à une augmentation des primes : évolution vers lehaut de la fourchette, renchérissement des primes les plus basses. Toutefois cetteaugmentation reste limitée : environ 1000 euros. Le niveau moyen des primes semblese situer autour de 14 000 euros.

Au total, après la crise de la RCM des années 2002/2003, le mouvement de hausse desprimes s'est poursuivi mais à un rythme plus modéré. L'augmentation peut être estiméeà 2000 euros de 2003 à 2006 pour atteindre, en moyenne, 14 000 euros en 2006.

2) Les perspectives pour 2007

Une nouvelle tension sur le niveau des primes est apparue à la suite de l'annonce par laMACSF de sa volonté de se retirer du marché des gynécologues-obstétriciens sauf à obtenirune augmentation substantielle des primes. Elle a ainsi annoncé :

- soit un tarif de 22.000 € pour les obstétriciens et de 30.000 € pour les chirurgiensgynécologiques, pour une garantie limitée à 3 millions d’euros par sinistre ;

- soit un tarif de 30.000 € pour les obstétriciens et de 38.000 € pour les chirurgiensgynécologiques, pour une garantie limitée à 6 millions d’euros par sinistre.

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Les précédents contrats de la MACSF comportaient un plafond de 6 millions d'euros, elleaugmenterait donc ces primes de plus de 15 000 euros. Ces niveaux de primes semblentcorrespondre à une volonté de se retirer de ce segment du marché sauf mesures nouvelles.

Les attitudes des assureurs rencontrés par la mission sur l'évolution nécessaire des primes sontdivergentes.

Les AGF considèrent que l'attitude de la MACSF est cohérente avec les fondamentaux dumarché. Cette entreprise s'est retirée du marché et ne conserve plus que des contrats anciensmutualisés à travers la procédure BCT.

Les assureurs étrangers (Marsh-Hannover, Branchet-MIC) considèrent pour leur part que leniveau actuel des primes est proche d'un niveau d'équilibre autour de 15 000 euros.

3) La "logique" des tarifs et les perspectives en matière de prime

a) Les arguments de la MACSF

Pour justifier le relèvement des primes en 2007, la MACSF invoque, notamment, les arrêts dela cour de Cassation du 26 janvier 2006 qui, suite à un arrêt de la CEDH, écartent l'applicationde la disposition dite "anti-Perruche" pour les instances en cours. Or, cette évolutionjurisprudentielle ne peut, à elle seule, expliquer et justifier une hausse des primes. En effet, sielle peut renchérir le coût de certains sinistres passés, elle est, par construction, sans effet surle coût des sinistres futurs. C’est seulement si le marché n’est pas concurrentiel qu’unemutualisation dans le temps des coûts est possible (un assureur qui veut faire payer le prix dupassé sur les contrats futurs devrait être théoriquement confronté à des assureurs qui tarifientselon le risque actuel au moins des nouveaux entrants qui n'ont pas à supporter de passé).Mais le marché est-il concurrentiel ?

Tout au plus, il est possible de considérer que cette évolution de jurisprudence est un indicesupplémentaire de la difficulté à maîtriser les prévisions quant au coût des sinistres.Confirmant la difficulté à apprécier le coût des risques, elle justifierait d'intégrer dans lesprimes une "marge de prudence" liée à l'incertitude sur l'évolution de l'attitude des tribunaux.

b) La logique des tarifs

Le niveau des primes obéit à la logique suivante : le produit de la fréquence moyenne dessinistres par le coût moyen des sinistres (intégrant le coût de gestion des sinistres) permetd'établir la prime pure. La prime acquittée par les médecins se déduit de la prime pure parapplication de chargements au titre de la gestion et des taxes, chargements qui représententenviron 30 % de la prime totale.

Les diverses données recueillies par la mission (ACAM, FFSA assureurs) semblent convergerautour d'une fréquence d'environ 20 %, soit un sinistre déclaré en moyenne tous les cinq ans.

Les données sur le coût moyen des sinistres sont plus difficiles à interpréter.

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Le coût définitif d'un sinistre ne peut réellement être connu que lorsque le dossier est clos soitpour certains dossiers de nombreuses années après le sinistre. Le coût moyen des sinistrespour les années récentes est donc évalué à partir des provisions constituées par les assureurs.Tous nos interlocuteurs ont souligné les difficultés de cet exercice de provisionnement du faitdes incertitudes multiples qui s'attachent à chaque dossier. L'appréciation se fait au cas parcas, il n'existe aucun référentiel (ni dans les sociétés, ni au sein de l'ACAM) dont l'examenaurait pu permettre à la mission de tenter de porter une appréciation sur le niveau desprovisions.

Une étude de la FFSA (cf. document annexé 1) réalisée à partir d'un échantillon de 30 à 40%des gynécologues- obstétriciens fait apparaître sur les dix dernières années (1995-2005) uncoût moyen des sinistres de 100 000 euros. Il en ressort que la prime pure devrait s'établir àenviron 20 000 euros et que la prime chargée devrait s'établir à 27 000 euros. Cette étude nefait pas ressortir une croissance récente du coût des sinistres, les années pour lesquelles lessinistres présentent les coûts les plus élevés sont 1996, 1997, 1999 et 2000. Il faut noter, à cetégard, qu'évaluer le coût des sinistres sur les dix dernières passées majore le coût des sinistresà venir puisque sont ainsi inclus dans le calcul, des sinistres pour lesquels ne s'applique pas ledispositif dit "anti-Perruche" en vigueur actuellement.

Toutefois ces données semblent a priori difficilement compatibles avec celles qui ressortentde l'enquête ACAM sur la RCM en 2005 et en 2004 (cf. document annexé 2)15. Pour lessinistres déclarés en 2005, elle aboutit à un coût moyen de 28 000 €, très inférieur au coût dessinistres qui ressort de l'enquête FFSA pour la mêmes année à 90 000 €. Si l'on peutcomprendre que les sinistres soit, en fin de première année "sous provisionnés" en raison d’unmanque d’informations, et que le coût de 28 000 euros ne reflète pas le coût réel, on nes'explique pas pour autant l'écart très important avec les données FFSA.

Par ailleurs, les données fournies par l'ACAM pour les sinistres clos au cours des années 2004et 2005 font apparaître un coût moyen de, respectivement, 42 000 et 45 000 €. Ce niveau estconfirmé par des données issues de la FFSA pour 2004. Les assureurs rencontrés n'ont passouhaité nous transmettre la valeur des sinistres clos par année. Les sinistres clos peuvent êtredes sinistres anciens mais ils intègrent toutefois, puisqu'ils ont été réglés récemment,l'influence des évolutions de la jurisprudence sur le montant des réparations16.

L'appréciation du coût des sinistres varie du simple au double selon que l’on se réfère au coûtdes sinistres clos ou aux provisions constituées par certains assureurs.

Au total même s'il est impossible, à la mission, au vue de ces divergences de porter uneappréciation sur le coût moyen des sinistres et donc sur le niveau de la prime d'équilibre, il estpossible qu'une tarification fondée sur un coût moyen de 50 000 euros par sinistres soitpertinente. Sur cette base, on aboutirait à une prime moyenne de 14 300 euros soit un niveauéquivalent à celui des primes actuelles.

La mission ne peut déterminer le niveau adéquat des primes mais deux assureurs représentantenviron 45 % du marché, en cohérence avec l'analyse précédente, estiment que le niveau deprime actuel est correct.

15 L'ACAM affirme elle-même ne pas pouvoir garantir la qualité et la fiabilité des statistiques demandées.L'étude porte, pour les gynécologues obstétriciens, sur environ 800 contrats.16 Ce n'est que s'il y avait un allongement des procédures pour les accidents les plus graves et pendant la périodede cet allongement que les sinistres clos ne seraient pas représentatifs de la totalité des sinistres.

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Au total, il semble qu'une augmentation des primes n'est pas inéluctable. L'analyse desdonnées et plus encore l'appréciation de deux intervenants sur le marché laissent penserqu'une stabilisation est possible. Cette stabilisation exige toutefois que les médecinsconcernés fassent jouer la concurrence et changent massivement d'assureur. Il est vrai,qu'à terme, on peut s'inquiéter de la dynamique d'un marché étroit avec deux à troisintervenants.

Conclusion

Au total, et malgré toutes les incertitudes, si l'attitude de la MACSF, confortée par lesrésultats de l'étude de la FFSA, fait courir le risque d'une nouvelle augmentation des primes,un jeu actif de la concurrence pourrait y faire obstacle. Cela suppose toutefois des transfertsmassifs vers les assureurs les moins chers et dessine pour demain, sauf nouveaux entrants, unmarché oligopolistique avec deux à trois offreurs17.

Le caractère étroit du marché, la limitation du nombre des intervenants, l'ampleur desincertitudes fait craindre de nouvelles turbulences. Ce questionnement sur la capacité dumarché à réguler la prise en charge de ce risque sans sur ou sous réaction à l'incertitude peutconstituer un argument en faveur d'une prise en charge directe du coût des indemnisations parun établissement public.

17 Pour certains assureurs, une stabilisation de la législation pourrait favoriser l'entrée de nouveaux intervenants.

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Annexe n°7 : La sinistralité

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1) Fréquence et coût moyen des sinistres en gynécologie - obstétrique

Données FFSA (échantillon de 30 à 40% des gynécologues-obstétriciens libéraux)Exercice Nombre de sinistres Charge totale

(K€)Coût moyen

(K€)Fréquence des

sinistres1995 63 4900 77,8 15,2%1996 60 6782 113,0 15,3%1997 70 7305 104,4 19,0%1998 76 6850 90,1 20,4%1999 108 19259 178,3 17,7%2000 123 18535 150,7 19,3%2001 123 7487 60,9 18,8%2002 117 7494 64,1 19,0%2003 129 2183 16,9 18,9%2004 202 19310 95,6 20,7%2005 171 15449 90,3 19,1%Total 1242 115554 93,0 18,7%

Prime pure = fréquence * coût moyen = 17442 €18

Prime chargée = prime pure /0,7 ( chargement de 30%) = 24917 €

Données ACAM (2005)Nombre de

sinistresdéclarés

Charge totale(K€)

Coût moyendes déclarés

Nombre desinistres clos

Charge totale Coût moyendes clos

Fréquencedes sinistres

167 4 200 28,2 159 7 200 45,1 22%

Données ORM (1)Exercice Nombre de

sinistresdéclarés

Chargetotale(K€)

Coût moyendes déclarés

Nombre desinistres

clos > 15000€

Chargetotale(K€)

Coût moyendes clos

(K€)

Fréquencedes sinistres

2006(janv-nov

10 3 807, 5(2)

380,7

(1) : sinistres définitivement réglés, pour lesquels le montant de l’indemnisation est égal ou supérieur à 15 000 €.(2) : dont un sinistre à 3 250,5 K€

18 Pour les données FFSA, les calculs de prime pure et prime chargée ont été réalisés par la mission.

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2) Distribution des sinistres par tranches de coût

Données FFSA (échantillon de 30 à 40% des gynécologues-obstétriciens libéraux)Exercice Nombre de sinistres > 1M€ Nombre de sinistres > 3M€

1995 2 01996 2 11997 2 11998 1 11999 3 12000 3 22001 1 02002 3 02003 0 02004 3 32005 4 3Total 24 12

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CONCLUSIONS :

La fréquence des sinistres déclarés est stable, en moyenne légèrement inférieure à 20%.

Le coût moyen des sinistres est très variable :- d’un exercice à l’autre ;- d’une source à l’autre ;- entre les sinistres déclarés (provisionnés) et les sinistres clos.

La prime d’équilibre variable selon l’hypothèse de coût moyen. Le manque de donnéessur les sinistres clos permet difficilement de mieux évaluer la prime d’équilibre.

Les sinistres graves (supérieurs à 1 M€) sont rares - en moyenne de l’ordre de deuxsinistres par an -, a fortiori ceux de 5 à 6 M€. Les sinistres inférieurs à 15 000 € semblentconstituer une part importante de la sinistralité annuelle, mais une faible fraction descharges annuelles d’indemnisation.

Au total, les coûts d’indemnisation des sinistres en gynécologie- obstétrique apparaissent trèsconcentrés sur un petit nombre de sinistres lourds.

Le caractère parcellaire de ces données et les difficultés d’interprétation qui en résultentsoulignent à nouveau l’acuité d’une plus grande transparence sur la sinistralité médicale et lescoûts d’indemnisation associés. Dans cette perspective, il conviendrait que l’ORM améliorel’exhaustivité de son recueil d’information (sinistralité des compagnies étrangères, sinistresinférieurs à 15 000 €) et ses possibilités d’exploitation (coûts des sinistres clos et déclarés parspécialité, comparaison établissements/ praticiens libéraux notamment).

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Annexe n°8 : Les parts de marché

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1) Le marché global RCM

La taille du marché de la responsabilité civile médicale est difficile à définir précisément,dans la mesure où cette activité ne fait pas l’objet d’une individualisation comptable au seinde la branche responsabilité civile.

L’Autorité de contrôle des assurances et mutuelles (ACAM) a réalisé deux enquêtessuccessives en 2004 et en 2005 auprès des assureurs soumis à son contrôle et dont le chiffred’affaires en responsabilité civile médicale est d’au moins un million d’euros. L’ACAMprécise que les données fournies sont à la fois incomplètes et incohérentes d’une année àl’autre (car tributaires des déclarations et modes de comptabilisation des assureurs).

D’après l’enquête 2005, le chiffre d’affaires de l’assurance de responsabilité civilemédicale, hors assureurs étrangers et hors professions paramédicales, est évalué à 320millions d’euros, soit moins de 1% du chiffre d’affaire de l’ensemble des assurances de bienset de responsabilité. Selon la FFSA, la totalité du chiffre d’affaires de responsabilité civilemédicale serait proche de 360 millions d’euros. Ce chiffre d’affaires est réparti de la façonsuivante : deux- tiers pour les établissements (plus de 200 millions d’euros), un tiers pour lespraticiens (environ 100 millions d’euros).

Enquête ACAM 2005Primes émises en 2005(en millions d’euros)

Part de la RCM totale

Ensemble des praticiens 88,9 27,4%- Chirurgiens 16,2 5,0%- Gynécologues obstétriciens 10,0 3,1%- Anesthésistes 9,5 2,9%- Autres praticiens libéraux 49,7 15,3%- Praticiens du secteur public 3,5 1,1%Ensemble des établissements 205,3 63,3%GTAM – GTREM 9,6 3,0%

Ensemble RC médicale 324,3 100%

La SHAM, pour sa part, a indiqué à la mission que la taille du marché RCM serait de l’ordrede 400 millions d’euros,. D’après la SHAM, la répartition du marché entre ces deux grandssecteurs est de 220 millions d’euros pour les établissements (55%) et 180 millions d’eurospour les praticiens (45%).

2) Le marché RCM des spécialités à risque.

Les données de l’ACAM et de la FFSA sont difficilement utilisables pour évaluer la taille dumarché des spécialités à risque car, sur ce segment de marché, plusieurs entreprises étrangèresinterviennent dans le cadre de la libre prestation de services (LPS). Pour les gynécologues-obstétriciens, notamment, environ 45% des praticiens sont assurés auprès descompagnies MIC et Hannover (voir infra).

On peut faire une extrapolation des données fournies par la FFSA, même si elle ne prend pasen compte les écarts entre les tarifs moyens des assureurs français et des assureurs étrangers :

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Effectifs totaux Dont assurés par unassureur étranger

Marché RCMassureurs français

(millions €)

Totalité du marchéRCM

(millions €)Gynécologues et G.Obstétriciens

3078 1000 20 30

Chirurgiens 4759 1400 25 35Anesthésistes 3560 1000 15 21TOTAL 11397 3400 60 86

Par ailleurs, la mission a procédé à des estimations de taille du marché à partir des effectifslibéraux de chaque spécialité concernée (pour les gynécologues – obstétriciens, ceux qui fonteffectivement des actes d’obstétrique) et d’une prime moyenne. Les résultats obtenus neconstituent donc que des ordres de grandeur.

Estimation des effectifslibéraux

Estimation primemoyenne

(€)

Estimation du marchéRCM

(millions €)Gynécologues –obstétriciens*

1500 14000 21

Chirurgiens 5100 11000 56Anesthésistes 3400 6500 23TOTAL 10000 - 100* La différence de la taille du marché RCM pour les gynécologues obstétriciens peut s’expliquer par les effectifsdifférents (prise en compte ou non des gynécologues ne pratiquant pas d’acte d’obstétrique).

3) La répartition du marché RCM des gynécologues obstétriciens.

D’après l’enquête conduite par le SYNGOF en 2006 auprès de ses affiliés pratiquant desaccouchements, le marché RCM des gynécologues obstétriciens se partage de la manièresuivante entre les différents assureurs :

Effectifs Prime moyenne Estimation de la partde marché

MACSF /Sou médical 66 14 742 35%Hannover / Marsh 44 12 077 19%MIC / Branchet 31 13 332 15%AGF 27 16 136 15%AXA 20 14 889 11%Medicale de France 10 13 960 5%SHAM 1 10 990 0%Swiss Life 1 17 926 1%Total 200 - 100%

D’après cette enquête, la prime moyenne des gynécologues- obstétriciens est de l’ordre de14000 euros en 2006.

Les résultats de cette enquête ne correspondent pas tout à fait aux données transmises par lesassureurs à la mission, ce qui peut notamment s’expliquer par des biais de sélection dansl’échantillon et par des périmètres variables (intégration ou non des gynécologues nepratiquant pas d’actes d’obstétrique). Ainsi, les assureurs généralistes auraient, d’après leursdéclarations, des parts de marché de l’ordre de 10%. Quant à MIC, elle détient dans son

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portefeuille, en décembre 2006, près de 400 gynécologues – obstétriciens, soit 25% dumarché (estimé à 1500 gynécologues- obstétriciens).

Les parts de marché devraient être distribuées de manière différente en 2007, compte tenu enparticulier du désengagement de la MACSF, engendré par l’augmentation considérable de cestarifs, et de l’arrivée sur le marché de la SHAM. Le développement de la SHAM risquetoutefois d’être limité, les syndicats de médecins contestant sa stratégie consistant à lierl’assurance du médecin avec celle de l’établissement dans lequel il exerce. Compte tenu destarifs pratiqués, on peut escompter un déport des gynécologues – obstétriciens vers MIC etHannover.

Le Bureau central de tarification pourrait marginalement jouer un rôle provisoire de« redistributeur » du marché en 2007, en orientant les assurés refusés vers les sociétésd’assurance ayant formulé ces refus. La MACSF juge ne pas pouvoir être dans cette situationcar elle ne formulera pas des refus et n’escompte pas que ses tarifs soient jugés « excessifs »,et donc assimilés à des refus, par le BCT.

Répartition du marché des gynécologues - obstétriciens

MACSF

MIC

Hannover

AXA

AGF

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Annexe n°9 : L’évolution des revenus

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L’objet de cette annexe est de tenter d’analyser l’impact de la hausse des primes sur le revenudes spécialités à risque.

Le taux de croissance annuel moyen du pouvoir d'achat des médecins libéraux (soitl’évolution du revenu libéral en euros constants après toutes les charges et avant impôt) estfourni par la DREES19.

Pour les trois spécialités les plus concernées par les hausses des charges d'assurance, lesrésultats sont retracés dans le tableau suivant.

Tableau 1 : Taux de croissance annuel moyen (TCAM) des revenusTCAM 2000/2004 TCAM 1997/2000 TCAM 1993/1997

Anesthésistes 4,5% 1,4% -0,3%Chirurgiens 3,1% 0,3% -0,6%

Gynécologues 2,9% 0,8% -0,1%Source: DREES

Il ressort de ces données que la croissance des primes d'assurance n’a pas entraîné unediminution globale du pouvoir d’achat des spécialités concernées. Au contraire, la période decroissance des primes d'assurance (début des années 2000) est concomitante à unaccroissement soutenu du revenu.

On peut donc penser que la croissance des charges d'assurance a été compensée, et au-delà,par d'autres phénomènes (hausse des tarifs, changement dans la structure des actes pratiqués,progression des dépassements…).

On constate, en effet, que le taux de charge n’a pas significativement augmenté sur la période.Le tableau suivant donne la part des charges dans les honoraires.

Tableau 2 : Part des charges dans les honoraires nets

2000 2001 2002 2003 2004Anesthésistes 36,7% 36,0% 35,1% 35,1% 35,0%Chirurgiens 46,2% 46,6% 46,4% 46,6% 46,3%

Gynécologues 51,0% 51,7% 51,0% 50,6% 51,4%Source DREES

Les primes d'assurance sont prises en compte dans les charges au sein de la rubrique travaux,fournitures et services extérieurs (TFSE). Le taux de charge au titre des TFSE s’élève en2004 à 4,1% pour les anesthésistes, 5,6% pour les chirurgiens, 6,3 % pour les gynécologues -obstétriciens.

L'évolution du revenu des spécialités concernées est parallèle à celle de l'ensemble desmédecins du moins dans la période récente. On obtient en effet pour les autre médecins lesrésultats suivants.

19 N. Legendre, « Les revenus libéraux des médecins en 2003 et 2004 », DREES, Etudes et Résultats, n°412,actualisé pour ce qui concerne les charges 2004 à partir de données transmises par la DREES.

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Tableau 3 : Evolution du revenu des médecinsTCAM 2000/2004 TCAM 1997/2000 TCAM 1993/1997

Ensembles des spécialitésétudiées par la DREES 3,3% 2,1% 0,5%

Ensembles des médecins 2,7% 1,9% -0,3%Source : DREES. TCAM: taux de croissance annuel moyen

Enfin, il convient de souligner que ces augmentations de pouvoir d'achat sont supérieures àcelles qu'ont connu l'ensemble des salariés. Si on utilise pour approcher ces dernièresl'évolution du salaire net annuel moyen pour les postes à temps complet dans le secteur privéet semi-public, on obtient un TCAM de 1 % pour la période 1997/2000 et de 0,4% pour lapériode 2000/200420.

Les revenus moyens libéraux nets des spécialités concernées et de l'ensemble des spécialités,en euros courant, sont retracés dans le tableau suivant.

Tableau 4 : Revenus annuels moyens libéraux nets2000 2001 2002 2003 2004

Anesthésistes 116645 122207 135045 143430 150625Chirurgiens 94540 97804 107279 110513 116227Gynécologues 64987 65970 71925 76767 77447Spécialités étudiées parla DREES

83776 87090 93846 98764 103030

Source : DREES

Ces données montrent que les revenus des spécialités concernées par la hausse des primes, ontaugmenté pendant la période de hausse des primes. Il n'y a pas de paupérisation relative vis-à-vis des autre médecins. Il y a enrichissement relatif de ces spécialités et de l'ensemble desmédecins par rapport aux salariés.

Toutefois ces données sont limitées par rapport à notre souci d'évaluer l'impact de la haussedes primes sur le revenu des spécialités à risque :

- elles concernent la période de forte hausse des primes mais ne renseignent pas surl'évolution 2005/2006 où la hausse s'est poursuivi même si c'est à un rythme plus modéré.

- elles ne distinguent pas les médecins selon le secteur d’exercice conventionnel (secteur 1ou 2) alors même que les médecins secteur 1 n’ont pas la possibilité de répercuter leshausses de primes par une augmentation des dépassements.

- elles agglomèrent dans la catégorie gynécologues -obstétriciens, l'ensemble desspécialistes inscrits dans cette spécialité alors qu'ils ne pratiquent pas tous des actesd'obstétrique.

- ce sont des moyennes qui ne peuvent rendre compte des disparités au sein des spécialitéset notamment du fait que les primes sont dans certains cas différenciées finement (par

20 A partir de J. Pouget et A. Skalitz, « Les salaires dans les entreprises en 2004 », INSEE Première, n°1067,février 2006. Précisons que la référence au salaire annuel moyen net pour un poste à temps complet majore leshausse de pouvoir d'achat dont ont bénéficié réellement les salariés notamment car elle ne tient pas compte despériodes de chômage.

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exemple distinction au sein des gynécologues- obstétriciens entre ceux qui pratiquentl’amniocentèse et ceux qui ne la pratiquent pas).

Pour approfondir l'analyse, la mission a demandé, à la mi-décembre 2006, à la CNAMTS delui fournir l'évolution des honoraires21 des spécialités concernées sur la période 2000/2006 endistinguant les médecins secteur 1 et secteur 2, en isolant les effets volumes/tarifs etdépassements et en distinguant au sein des gynécologues -obstétriciens ceux qui pratiquenteffectivement des actes d’obstétrique. La CNAMTS n'a pas été en mesure de fournir cesdonnées dans le délai de la mission. Dès lors que ces données seront disponibles, il serapossible d'approfondir l’analyse. On peut toutefois noter que l’absence de ces données révèleque les décisions sur la prise en charge publique des primes ont été prises sans bilan préalableprécis sur l’évolution des revenus des médecins.

La CNAMTS a toutefois transmis à la mission l’évolution du tarif des actes d'accouchementsur la période. En 2003, par rapport à 2000, en euros courants, le tarif des accouchementsuniques avait augmenté en euros courants de 40% sauf ceux avec petite ou grande extractionchez une primipare qui ont augmenté de 20%, le tarif des accouchements multiples avaitaugmenté de 70%, le tarif des accouchement par césarienne a augmenté de 50% (30% pourceux au cours du travail par laparotomie). Ces tarifs sont stables depuis lors, sauf lesaccouchements avec petite ou grande extraction, qui ont augmenté entre 4 et 17%. Cesévolutions importantes de tarifs dans la période de hausse des primes ont contribué àcompenser l'impact de la hausse.

En tout état de cause, la question de l’évolution des revenus se pose en des termesfondamentalement différents depuis qu’une prise en charge des primes d’assurance à hauteurde 66% pour les médecins secteur 1 et de 55% pour les médecins secteur 2 a été décidée fin2006. Par exemple, un gynécologue secteur 1 qui acquitte une prime moyenne de 15 000euros ne supportera qu’une charge résiduelle de 5 000 euros, soit une charge sensiblementéquivalente à celle qu'il devait supporter avant la première crise sur le marché de l'assuranceen 2002-2003. Aussi n’y a-t-il pas de doute que les hausses de prime d'assurance sontdorénavant compensées ; on peut se poser la question, au vu des données dont nousdisposons, de savoir si elles n'ont pas été sur-compensées (prise en compte des hausses deprime dans les tarifs avant les décisions de prise en charge des primes).

21 Les honoraires ne sont pas les revenus mais l'analyse de leur évolution aurait pu éclairer les données sur lesrevenus et permettre d'analyser notamment à partir d'un éventuel effet tarif si les hausses de primes ont été prisesen compte dans les négociations conventionnelles.

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Annexe n°10 : Les modalités actuelles de socialisation

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L’Etat et l’assurance maladie interviennent déjà, au titre de la solidarité nationale, de manièresignificative et croissante dans la prise en charge des coûts liés à l’indemnisation desaccidents médicaux, y compris ceux pour faute.

1) La socialisation par l’augmentation des tarifs

La charge représentée par les primes d’assurance a été invoquée, au cours des négociationsconventionnelles depuis 2000, comme justification des augmentations de tarifs des spécialitésconcernées ; autrement dit, une partie des tarifs a vocation à couvrir les charges d’assurance.

2) La socialisation par des mécanismes plus directs

i) La prise en charge par la solidarité nationale des insuffisances de couvertured’assurance. L’ONIAM est appelé par la loi du 4 mars 2002 à intervenir en cas dedépassement du plafond de garantie (ce qui équivaut à un dispositif d’écrêtement)ou de trous de garantie. Toutefois, l’ONIAM peut alors exercer une actionrécursoire contre le praticien concerné, sauf en cas de décès ou de cessationd’activité22.

ii) L’aide à la souscription d’assurance : des contrats de bonne pratique (CBP) ont étésignés prévoyant la prise en charge d’une partie des primes d’assurance ; ces CPBont été remplacés à partir de 2006 par les dispositions du décret du 21 juillet 2006relatif à l’accréditation23. Le décret modificatif du 7 décembre 2006 prévoitdésormais, pour les gynécologues – obstétriciens et les chirurgiens, la couverture,à partir du premier euro et dans la limite d’un plafond (18000 euros en 2006 pourles gynécologues- obstétriciens), des primes d’assurance à hauteur de deux-tierspour les praticiens en secteur 1 et 55% pour les praticiens de secteur 2. Le coûttotal de l’aide accordée a été estimé par la Direction de la sécurité sociale entre 40et 45 millions d’euros.

iii) La déduction fiscale des primes d’assurance restant à la charge des praticiens.Compte tenu des revenus des praticiens, le taux marginal d’imposition est del’ordre de 40%, soit le taux maximum.

Le premier mécanisme est difficile à quantifier (quelle est la baisse du niveau des primesengendrée, d’une part, par le plafond de garantie et, d’autre part, par la limitation dans letemps des durées de garantie subséquente ?).

En revanche, on peut évaluer la part de la prime (P) prise en charge par la solidariténationale :

22 Pour mémoire, on peut ajouter aux mécanismes de socialisation les créances de la sécurité sociale sur lesassureurs au titre d’accidents médicaux, dès lors qu’elles ne sont pas recouvrées.23 Le décret n°2006-909 du 21 juillet 2006 prévoyait qu’au-delà d’un seuil de 4000 euros et dans la limite deplafonds fixés par spécialité, l’assurance maladie prend en charge 50% de la prime des praticiens en secteur 1 et35% de la prime des praticiens en secteur 2

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- entre 0,55P et 0,66P pour l’aide à la souscription ;- entre 0,18P (0,45*0,40) et 0,13P (0,33*0,40) l’effet de la déduction fiscale.- donc, au total, pour ces deux mécanismes : entre 0,73P et 0,8P

Autrement dit, la conjugaison de l’aide à la souscription d’assurance et de la déduction fiscaleaboutit, pour les gynécologues - obstétriciens et les chirurgiens, à une prise en charge par lasolidarité nationale de leurs primes d’assurance comprise entre 75 et 80%.

Les taxes perçues sur les contrats sont de l’ordre de 9%.

L’estimation du coût de la socialisation actuelle dépend ensuite des estimations de la taille dumarché de la responsabilité civile professionnelle des gynécologues – obstétriciens.

si on prend une prime moyenne de 14000 pour 1500 gynécologues – obstétriciens, onobtient un marché de 21 millions d’euros et donc un coût de prise en charge par lasolidarité nationale de l’ordre de 16 millions d’euros.

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Annexe n°11 : L’exemple de la Suède

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Le système suédois d’indemnisation des accidents médicaux24 s'inscrit schématiquement dansun contexte de protection sociale de type « beveridgien », qui couvre la maladie, l'invalidité etle handicap d'une manière très complète. Le système sanitaire est hospitalo-centré. Il concerneune population de 9 millions d'habitants.

1) Description du système

Il coexiste plusieurs dispositifs :

a) Une compagnie d’assurance mutuelle des comtés

Dans le cadre de leurs compétences générales de gestion du système de soins, les comtéssouscrivent une assurance auprès d’une compagnie mutuelle, la LÖF (LandstingensÖmsesidiga Försäkringsbolag), qui a le statut d’une compagnie d’assurance. C’est une loi de1997 (Patient Injury Act) qui a rendu obligatoire et généralisé à l’ensemble du territoire despratiques déjà en vigueur depuis 1975 dans certains comtés. La LÖF couvre les hôpitauxpublics, les cliniques privées sous contrat avec le comté et les médecins qui leur sontrattachés25. Les primes d’assurance des comtés sont calculées per capita et au final financéespar les contribuables locaux.

La LÖF est chargée de l’indemnisation des accidents médicaux évitables (voir infra). Lespropositions d’indemnisation de la LÖF peuvent faire l’objet d’un appel devant le PatientInjury Committee. Cette instance de sept membres est composée à parité d’élus choisis par legouvernement et de médecins, et est présidée par un magistrat.

b) Une commission disciplinaire indépendante

Complètement indépendamment de la démarche d’indemnisation, il existe une commission(Hälso-och ajurkvärdens ansvasnämnd, HSAN) chargée de statuer sur les cas de fautemédicale, et le cas échéant de prononcer des sanctions disciplinaires à l’encontre desprofessionnels de santé. La commission reçoit chaque année 3000 lettres de patientsdemandant une sanction contre le personnel médical ; environ 300 professionnels sontsanctionnés tous les ans (mises en demeure, avertissements, interdictions d'exercer dans unevingtaine de cas).

c) Un comité de patients indépendant

De manière indépendante par rapport aux structures précédentes, le comité des patients,présent dans chaque comté, a un rôle de conseil et d’assistance gratuite auprès des patients etde leurs familles en cas de problèmes dans leurs contacts avec le système de soins. Un desrôles du comité des patients est d’orienter les patients vers les autorités compétentes, soit la

24 Sources :- Rapport de l’OCDE, Prévenir, assurer et couvrir les incidents médicaux (2006)- Actes des Journées de l’ONIAM du 8 avril 2005- IGAS, Mission d’étude sur la responsabilité civile médicale, Rapport sur la Suède, janvier 2004.- Présentation du système suédois par le directeur de la LÖF, www.patientforsakring.se25 La LÖF couvre 95% du « marché » de l’assurance. D’autres compagnies d’assurance couvrent les praticiens etles infirmières libéraux non couverts par le système public, sur une base fait générateur.

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LÖF, au titre de l’indemnisation d’un dommage, soit la HSAN en cas de faute d’unprofessionnel de santé.

d) Le recours au juge.

La Suède se caractérise par une très faible propension à contester devant le juge lesconséquences d’actes médicaux fautifs, en particulier grâce à l’existence des instancesdécrites supra. Les décisions prononcées en matière d’indemnisation du dommage ou de fautesont susceptibles d’appel devant le juge.

2) L’indemnisation des accidents médicaux

Un patient estimant avoir été victime d’un accident médical doit solliciter l’indemnisation despréjudices subis auprès de la LÖF, dans les trois ans suivant la connaissance de l’accident. Ilest important de noter que seuls les accidents évitables sont indemnisés. Un accident estconsidéré comme évitable s’il avait été évité par un « médecin expérimenté ». Il n'existe pasde norme écrite du « médecin expérimenté » (specialist standard). Ce sont les médecinsconseil appartenant à l'Association des médecins- conseil des compagnies d'assurances qui lesévaluent au cas par cas.

Le préjudice ne doit pas seulement être évitable, il doit être aussi causé par les servicesmédicaux et être un préjudice additionnel par rapport aux effets attendus de la maladie initiale(notion comparable à la référence à « l’état antérieur » en France). Si la probabilité decausalité entre les soins et le dommage est supérieure à 50 %, l'indemnisation doit être versée.Le champ de l'indemnisation est le suivant : préjudices liés au traitement, préjudices liés aumatériel, préjudices liés au diagnostic, préjudices accidentels, erreurs de médication.

C’est dans le sens où la faute n’a pas besoin d’être prouvée que le système suédois estcommunément décrit comme un système «no-blame » (sans blâme). En revanche, lesaccidents sans faute, c’est-à-dire les aléas thérapeutiques, ne sont pas indemnisées, à ladifférence du système français.

Données d’activité et données sur le coût du système :

- 25 000 réclamations déposées, 9000 demandes d'indemnisation déposées, 4000 acceptées.- L'indemnisation moyenne est inférieure à 2000 euros.- Le montant de l’indemnisation est encadré par la loi : maximum de 8 200 000 SEK

(900000 euros) par sinistre ; en outre, est appliquée une franchise de 2000 SEK (220euros).

- Le coût de traitement d'une plainte s'élève à environ 900 euros dans le cadre de laprocédure administrative. L'examen d'une plainte déposée à la commission d'appel semonte à 1000€. Le traitement d'une plainte déposée devant les tribunaux coûte 2000euros.

- Le délai de traitement des plaintes est beaucoup plus rapide qu'en procédure judiciaire :50% des plaintes sont traitées en six mois et 80 % en un an.

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3) La prévention des accidents

L'indemnisation est totalement déconnectée de la faute et même du praticien concerné : elle sefonde sur une base objective à savoir ce qu'un spécialiste expérimenté aurait pu faire dans lecas concerné.

« Dans ce cadre, le médecin peut aider le patient à constituer sa plainte sans courir le risquede se voir sanctionner. De plus, l'information détenue par les assurances est utilisée à butstrictement pédagogique et non punitif. Si vous confondez la prévention et la sanction vous nepourrez pas obtenir des données fiables. Les médecins ne vous communiqueront jamais lenombre exact des accidents afin de préserver leur réputation et d'éviter les sanctions. Dansnotre système d'indemnisation, les sanctions disciplinaires étant séparées, nous pouvonsutiliser nos données pour mener des actions de prévention. Les médecins et les patientspartagent le même objectif : faire en sorte qu'un accident qui s'est déjà produit ne sereproduise plus. Enfin, des études effectuées au Royaume-Uni aux Etats-Unis montrent queles accidents sont généralement dus à de mauvaises habitudes ou à l'organisation. Seuls 20%des accidents seraient liés à une erreur du médecin.26 »

26 Kaj Essinger, président de la LÖF, journées de l'ONIAM

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Annexe n°12 : La prévention des accidents médicaux

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La prévention des risques et leur réduction représentent un enjeu majeur dans la doubleperspective de l'amélioration de la sécurité/ qualité des soins et dans celle de l'assurabilité desactes médicaux. Que peut-on en attendre en matière de réduction de la sinistralité ?

1) Définitions et données de base

Statistiquement, les sinistres médicaux se recensent au sein de la catégorie des « événementsindésirables » qui se définissent comme « les événements défavorables pour le patientconsécutifs aux stratégies et actes de diagnostic, de traitement, de prévention ou deréhabilitation ». Ceux qui se produisent dans les spécialités à risque et particulièrement lagynécologie/ obstétrique font partie des évènements indésirables graves (EIG) survenantprincipalement lors des hospitalisations c'est-à-dire « ceux susceptibles d'entraîner uneprolongation de l'hospitalisation d'au moins un jour, d'être à l'origine d'un handicap ou d'uneincapacité ou d'être associés à une menace vitale ou à un décès ».

Au sein de ce groupe sont considérés comme évitables ceux qui ne seraient pas survenus « siles soins avaient été conformes à la prise en charge considérée comme satisfaisante aumoment de la survenue de cet événement ». Cette caractérisation suppose, sur chaque cas, uneanalyse approfondie des causes27. Un rapport de l'Académie de médecine28 insiste sur laprédominance et le caractère évitable des « causes systémiques », c'est-à-dire celles liées à des« dysfonctionnements de la chaîne de soin ». Les causes humaines individuelles (erreurs,retards, défauts d'aptitude, défauts de communication) sont également considérées commeréductibles, même s'il est clair que le risque zéro n'existe pas.

Une enquête nationale menée par la DREES en 2004 les recense pour la première fois enFrance : le nombre d'EIG survenus pendant l'hospitalisation se situe dans une fourchette de350 000 à 460 000 dont entre 120 000 et 190 000 peuvent être considérés comme évitables.Quelles que soient les sources et les pays29 (mais sans doute avec des acceptions nonuniformes), l'évitabilité est estimée dans une fourchette de 28 à 51% des EIG.

2) Quelques exemples d'actions de réduction des risques

L’évitabilité n’est pas une notion théorique. A l'étranger, comme en France, des progrèsimportants ont été réalisés dans le sens de la sécurité et de la qualité des soins, objectif devenucentral dans les politiques sanitaires. Ainsi, on peut citer, de manière exemplaire, les effortsréalisés dans le domaine de la périnatalité (une démarche pilote d’analyse systématique des

27 Les causes profondes (dites latentes, par opposition aux causes immédiates) renvoient à six catégories defacteurs : ceux liés aux taches à accomplir, les facteurs individuels, les facteurs concernant l'environnement, lesfacteurs liés à l' équipe, les facteurs concernant l'organisation, les facteurs liés au contexte institutionnel..28 Rapport présenté par G David et C Sureau en avril 2006.29 On reproduit ici le tableau présenté au colloque du 23 mars 2005 organisé par la Prévention médicale :

USAEt Harvard

USAEt Utah

AustralieQAHCS

NouvelleZélande

Angleterre Danemark

Taille de l’échantillon 30121 14700 14179 1326 1014 1097Taux d'incidence en % 3,7 2,9 16,6 7,7 11,7 9Evitabilité - négligence % 28 30 51 40 48 40

Résultats des deux premières études (Harvard, Utah/Colorado) : 55% d'évitabilité et de 80% en néonatal.

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accidents en Seine-Saint-Denis avait permis une baisse de la mortalité périnatale de près de50% entre 1986 et 1993) et de la mortalité maternelle (mise en place d'un comité national desexperts sur la mortalité maternelle en 1995) et les résultats obtenus dans le domaine del'anesthésie- réanimation.

Entre les deux enquêtes de mortalité liées à l'anesthésie30 de 1996/1999 et de 1982 menées parl’INSERM est apparu « un abaissement de la mortalité, réduite d’un facteur 10, alors mêmeque la population concernée était plus âgée et comportait une proportion plus forte d’étatsgraves ;d’autre part, une forte diminution des accidents respiratoires constatés dans lapremière enquête31 ».

Ces avancées sont le fruit de la politique publique conduite en matière d'organisation dessoins et de normes de fonctionnement. La profession s'est mobilisée, notamment à travers unesociété savante, la SFAR (société française d'anesthésie réanimation), un syndicatprofessionnel (syndicat national des anesthésistes réanimateurs de France ) et une associationl'ARRES (Anesthésie, réanimation, risques et solutions), créée pour gérer les risques qui, avecses médecins conseils, a procédé à l’analyse systématique des sinistres de ses adhérents, misen place des conférences d’experts et organisé des formations. Cette gestion des risques,soutenue par un cabinet d'assurances, s'est poursuivie et développée dans le cadre d'un contratde groupe qui a permis de contenir les primes des anesthésistes à un niveau raisonnable32.

On notera, à cet égard que les compagnies d'assurance ont mis en place ou soutiennent desassociations qui ont pour objet, outre la défense des médecins, l’analyse des risques et laconduite d'actions d'information des praticiens sur le risque médical. Ainsi ASSPRO, pour lecourtier Branchet33, ou La Prévention Médicale, créée par la Confédération des SyndicatsMédicaux Français (CSMF), la Confédération Nationale des Syndicats Dentaires, le SouMédical et la MACSF, plus spécialement orientée sur le risque opératoire (les moyens sontconstitués de deux médecins et représentent un budget de 1,5% des primes de la MACSF /Sou médical).

D’autres associations de gestion de risques sont en cours de constitution, sous l'égide desprofessionnels et des sociétés savantes : Gynerisq, Orthorisq, Surgirisq. Elles s'inscriventdésormais dans le cadre de la politique d'accréditation, comme organismes en coursd'agrément (voir infra).

Faisant l'articulation avec les autorités sanitaires et à l'initiative de médecins libéraux desspécialités d' anesthésie- réanimation, de gynécologie -obstétrique et de chirurgie, les travauxdu groupe Résirisq, réalisés sous l'égide de l’ANAES entre septembre 2003 et fin 2004 ont 30 LIENHART A., AUROY Y., PEQUIGNOT F., BENHAMOU D., WARSZAWSKI J., BOVET M.,JOUGLAT E., « Premiers résultats de l’enquête SFAR-INSERM sur la mortalité imputable à l’anesthésie enFrance : réduction par 10 du taux de ces décès en 20 ans. » Bull.Acad. Natle Méd., 204, 188,1429-1441. Enquête1996/199931 ité dans le rapport IGAS/IGF de 200432 Voir rapport 2004 de l'IGAS et de l'IGF. Aux Etats-Unis, l'American society of anaesthesiologists a, selon lerapport de l'OCDE sus mentionné, permis d'obtenir le même type de résultat et de modérer les primesd'assurance dans ce secteur.33 MIC exige que tout assuré gynécologue obstétricien suive une journée de sensibilisation au risque d'accident.Sont ainsi traités les thèmes de l'hémorragie maternelle, la souffrance fœtale, les tracés cardiaques, la dystocie del'épaule. Lors de leur rencontre avec la mission, les responsables de la société MIC et du groupe MMA ont misen avant le travail réalisé par les médecins experts d’ASSPRO comme le premier facteur d'explication du niveaudes primes proposé par ce groupe d'assurance.

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montré la pertinence d’un dispositif national de réduction des risques reposant sur l'adhésiondes médecins à une méthodologie de recensement permanent des accidents, à l'examen descauses par des experts, à la diffusion de mesures préventives et à la mesure systématique desprogrès. Ce système, maintenant piloté par la HAS, rejoint le dispositif d'accréditation.

3) La politique publique actuelle

Depuis notamment les accidents liés à la transfusion sanguine, le système de santé tout entiera été réorganisé dans le sens de la prévention, de la vigilance (pharmaco/ bio/ materio/ hémo /infectio vigilance) et de la qualité des soins.

Pour ce qui est des dispositifs directement en lien avec la responsabilité civile médicale, ilsont été rationalisés et unifiés en une politique publique cohérente depuis les lois de 2002 et2004. Celle-ci repose sur trois piliers et implique tous les acteurs de santé, que ce soit à titreindividuel ou collectif :

La connaissance des risques avec une collecte des informations :

- par l’InVS sur les évènements indésirables graves (ceux liés aux produits de santérelèvent de l'AFSSAPS). Cette institution procède à une expérimentation qui seterminera en 2007 pour mettre au point les critères de la notion d'EIG et les circuitsde transmission et d'analyse34.

- par la HAS sur les évènements porteurs de risques35. Ils sont définis comme« dysfonctionnements (non-conformité, anomalie, défaut) ; incidents ; événementssentinelles ; précurseurs ; presque accidents ; accidents. »

- par l’Observatoire des risques médicaux36, rattaché à l’ONIAM, chargé derecueillir « les données relatives aux accidents médicaux, affections iatrogènes etinfections nosocomiales et à leur indemnisation ». Ces données sont notammentcommuniquées par les assureurs des professionnels et organismes de santé, l’AP-HP, les CRCI, l’ONIAM et l’ACAM.

- on rappelle par ailleurs que l’article L.1413-14 du CSP, introduit en 2002 etmodifié en 2004, prévoit que : "tout professionnel ou établissement de santé ayantconstaté une infection nosocomiale ou tout autre événement indésirable grave lié àdes soins réalisés lors d'investigations, de traitements ou d'actions de préventiondoit en faire la déclaration à l'autorité administrative compétente ".

L’analyse de ces données (suivant le principe de base du risk management : "toute erreurest un trésor") et le retour d'expérience (la HAS a créé un système d’information ditbase de retour). Comme l'a souligné le séminaire du 17 octobre 2005 au ministère de la

34 Article L.1413-14 du CSP, article 117 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, arrêtédu 25 avril 2006 relatif aux modalités de l’expérimentation de déclaration des événements indésirables gravesliés à des soins réalisés lors d’investigations, de traitements ou d’actions de prévention autres que des infectionsnosocomiales35 Article L.1414-3 du CSP36 Créé par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie. Article L 1142-29 du CSP.

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santé sur la "déclaration des évènements indésirables graves", l’analyse concernant cescentaines de milliers d'événements doit être faite d'abord au niveau local.

L’élaboration de recommandations et leur mise en œuvre.

A cet égard, sur la base des très nombreuses initiatives prises aux Etats-Unis et dans plusieurspays européens en matière de sécurité des patients, des données de grande ampleur publiéespar LL.Leape et DW.Berwick dans le Journal of American Medical Association (JAMA) en2005 (293: 2384-2390) « montrent une très nette diminution des événements indésirablessuite à la diffusion des règles de bonnes pratiques».37

Aujourd'hui, en France, le dispositif s'appuie, pour l'essentiel, sur la mécanique del'accréditation, pour l'heure encore seulement facultative. Le décret n° 2006-909 du 21 juillet2006 modifié par le décret n° 2006-1559 du 7 décembre 200638 prévoit la possibilité pour "les médecins ou équipes médicales exerçant en établissement de santé ayant une activitéd’obstétrique, d’échographie obstétricale, de réanimation, de soins intensifs " ou exerçantcertaines spécialités à risque39, de solliciter une accréditation, ce qui leur permet d'obtenir uneparticipation de l’assurance maladie à leurs assurances de responsabilité civile, fixée à 66%pour les médecins de secteur 1 et à 55% pour les médecins de secteur 2. Début février 2007,17 000 médecins libéraux avaient déjà envoyé à la HAS leur intention d'engagement.

Pour l’heure, la HAS a publié une décision40 fixant les conditions d'agrément des organismesqui aident la HAS à mettre en œuvre cette procédure : instruire et évaluer les demandesd'accréditation, recueillir et analyser les déclarations d'événements porteurs de risques,élaborer des recommandations de gestion des risques, réaliser les visites sur place etc…

Par ailleurs, la HAS organise la mise en commun des données issues de la gestion des risquespar spécialité. Sa Commission Risques Inter-spécialités a pour mission de :

- définir et mettre en œuvre la stratégie de gestion des risques communs à plusieursspécialités ;

- valider les enseignements et les recommandations inter-spécialités proposés ;- proposer un programme d’amélioration de la sécurité des pratiques applicable à

toutes les spécialités.

Ainsi il est possible d’affirmer que la réduction des risques est devenue un objectif clairementaffiché et porté par des institutions publiques (DGS, INVS, HAS) et professionnelles (lessociétés savantes, les organismes de formation continue, et à des degrés divers les assurances)sur la base d'une politique publique unificatrice. On peut en attendre, comme cela a été vérifiéà l’étranger, des résultats positifs sur la sinistralité à court mais surtout à moyen terme. 37 Séminaire sus-cité en 200538 Il fait suite aux contrats de bonne pratique qui comportaient le versement par la CNAM d'une indemnitéforfaitaire pour financer une partie de la prime d'assurance . Il est plus complet et orienté sur la qualité.39 21 sont énumérées40 Décision n°2006.09.026/p du collège de la HAS relative aux modalités de mise en œuvre de l'accréditation desmédecins

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Annexe n°13 : Textes et jurisprudence

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1) Les principales dispositions législatives et réglementaires récentes relatives à laresponsabilité civile médicale.

(a) Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité dusystème de santé

- La disposition dite anti-Perruche, selon laquelle : « Nul ne peut se prévaloir d'un préjudicedu seul fait de sa naissance » (article 1) ;

- L’obligation de s’assurer pour les professionnels de santé, sous peine de sanctionsdisciplinaires et pénales (article 98 ; L.1142-2 et L.1142-25 du code de la santé publique) ;

- L’instauration d’une obligation d’information des victimes par le professionnel oul’établissement de santé (article 98 ; L.1142-4 du CSP) ;

- La création de la notion d’aléa thérapeutique, prise en charge par la solidarité nationale(article 98 ; L.1142-1 du CSP) ;

- La création d’une présomption de faute des établissements de santé pour les infectionsnosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère (L.1142-1 du CSP) ;

- La mise en place d’un procédure à l’amiable en cas d’accidents médicaux, d’affectionsiatrogènes ou d’infections nosocomiales : création des commissions régionales deconciliation et d’indemnisation (CRCI) (article 98 ; L.1142-5 à L.1142-8 du CSP) et del’office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) (L.1142-22 du CSP) ;

- L’obligation d’assurer, mise en œuvre par la création d’un nouveau bureau central detarification (BCT) (article 100 ; L.251-1 et L.251-2 du code des assurances).

(b) Loi n°2002-1577 du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale

- La prise en charge par la solidarité nationale des infections nosocomiales dès lors qu’ellescorrespondent à un taux d’incapacité permanente supérieur à 25% ; possibilité d’actionrécursoire contre l’établissement en cas de faute établie ; obligation de transparence avecla transmission par l’ONIAM au Parlement et à la commission nationale des accidentsmédicaux d’un rapport semestriel sur les infections nosocomiales (article 1) ;

- Possibilité d’une dérogation à l’obligation de s’assurer pour les établissements disposantde ressources financières suffisantes pour s’auto-assurer (cas de l’AP-HP) (article 1 ;L.1142-2 du CSP) ;

- Passage des contrats en responsabilité civile médicale à la base réclamation (claimsmade) ; introduction de délais de garantie subséquente (cinq ans ; dix ans en cas de décèsou de cessation d’activité) ; règle dérogatoire pour le cumul d’assurance (article 4 ; L.251-2 du code des assurances).

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(c) La loi n°2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie

- La création d’un observatoire des risques médicaux chargé de recueillir et d’analyser lesdonnées relatives aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes et aux infectionsnosocomiales (article 15 ; L.1142-29 du CSP) ;

- La mise en place d’un dispositif d’aide à la souscription d’assurance pour les spécialistesdes établissements de santé, engagés dans une procédure d’accréditation (article 16 ;L.4135-1 du CSP) ;

Le décret n°2006-909 du 21 juillet 2006 fixe le montant et les conditions d’octroi de l’aide àla souscription d’assurance :

« Cette aide annuelle est calculée à partir d'un seuil minimum d'appel de cotisation de 4 000 EUR dansla limite d'un seuil maximum fixé selon les spécialités :a) à 18 000 EUR pour la gynécologie-obstétrique et l'obstétrique ;b) à 7 000 EUR pour l'anesthésie-réanimation et la réanimation médicale ;c) à 15 000 EUR pour les autres spécialités mentionnées à l'article D. 4135-2 du code de la santépublique.Le montant de cette aide est calculé dans les conditions suivantes :- 50 % de cette part pour les médecins non autorisés à pratiquer des honoraires différents et pour les

médecins autorisés à pratiquer des honoraires différents ayant adhéré à l'option de coordination ;- 35 % de cette part pour les médecins autorisés à pratiquer des honoraires différents n'ayant pas

adhéré à l'option de coordination. »

Le décret 2006-1559 du 7 décembre 2006 modifie les dispositions du décret du 21 juillet 2006 :- Le montant minimum de prime d’assurance requis pour prétendre à une aide de

l’assurance maladie est ramené à zéro pour ces spécialités ;- Le taux servant au calcul de l’aide est porté à deux-tiers pour les médecins de secteur 1 et

à 55% pour le secteur 2.

(d) Loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour2007

- Article 66 :

« Les ministres chargés de l'économie, de la santé et de la sécurité sociale, les syndicatsreprésentatifs des médecins soumis à l'obligation d'assurance mentionnée à l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, les fédérations d'organismes assureurs offrant à ces médecinsdes couvertures en responsabilité civile et l'Union nationale des caisses d'assurance maladieconcluent un accord-cadre pour maîtriser les charges pesant sur les professionnels de santéconcernés relatives à la souscription d'une assurance.

Le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, avant le 30 avril 2007, dans lesconditions prévues à l'article 38 de la Constitution, afin de limiter les conséquences de lamise en jeu de la responsabilité civile médicale et de maîtriser les charges en résultant pourles médecins concernés, toutes mesures pour définir les conditions dans lesquelles lesindemnisations les plus lourdes ayant pour origine des faits fautifs d'un médecin pourrontêtre prises en charge par des contributions ou des financements adaptés à cet effet.

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Un projet de loi portant ratification de l'ordonnance prévue à l'alinéa précédent est déposédevant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication. »

- Article 67 :

« Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement transmet auParlement un rapport sur la responsabilité civile médicale. Ce rapport présente un état deslieux des contentieux juridiques impliquant des professionnels de santé dans le cadre de leurexercice, le montant des sommes engagées en réparation et le coût pour les financespubliques de la prise en charge par l'assurance maladie des primes d'assurance desprofessionnels de santé à ce titre. »

(e) Loi n° 2007-127 du 30 janvier relative à l'organisation de certaines professions desanté.

- L’obligation de transmission d’informations sur les primes. L’article 22 institue uneobligation pour les entreprises d’assurance couvrant en France les risques deresponsabilité civile médicale de transmettre à l’Autorité de contrôle des assurances et desmutuelles (ACAM) des données de nature comptable, prudentielle ou statistique sur cesrisques. L'ACAM procède à l'analyse de ces données, les transmet sous forme agrégée eten fait rapport aux ministres chargés de l'économie et de la sécurité sociale. Une copie durapport est adressée à l'observatoire des risques médicaux.

- L’obligation d’un préavis de trois mois minimum avant la résiliation d’un contrat enresponsabilité civile médicale (article L.251-3 du code des assurances)

2) Quelques éléments de jurisprudence relative à la responsabilité civile médicale

(a) La jurisprudence de la Cour de cassation sur les clauses base réclamation.

Dans sept arrêts du 19 décembre 1990, la Cour de cassation a jugé que la clause baseréclamation aboutissait « à priver l’assuré du bénéfice de l’assurance en raison d’un fait qui nelui est pas imputable et à créer un avantage illicite, comme dépourvu de cause, au profit duseul assureur, qui aurait alors reçu les primes sans contrepartie ». La cour de cassation a doncconsidéré comme non écrites les clauses subordonnant la garantie à la présentation de laréclamation pendant la période de validité du contrat. Autrement dit, elle a requalifié lescontrats conclus en base réclamation en contrats fait générateur.

(b) L’affaire Perruche

- Arrêt de la cour de cassation du 17 novembre 2000, dit « arrêt Perruche » : la cour decassation juge que « dès lors que les fautes commises par le médecin et le laboratoiredans l'exécution des contrats formés avec Mme P... avaient empêché celle-ci d'exercer sonchoix d'interrompre sa grossesse afin d'éviter la naissance d'un enfant atteint d'unhandicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicapet causé par les fautes retenues. »

- Article 1 de la loi du 4 mars 2002 :

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« I. - Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparationde son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'aaggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer.Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé estengagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant lagrossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander uneindemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les chargesparticulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. Lacompensation de ce dernier relève de la solidarité nationale.Les dispositions du présent I sont applicables aux instances en cours, à l'exception decelles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation. »

- Arrêts de la CEDH du 6 octobre 2005 (affaires Draon c. France, requête n°11810/03, etMaurice C. France, requête n°1513/03) : la CEDH a condamné la France en considérantque l’article 1 de la loi du 4 mars 2002 avait violé, dans la mesure où il concerne lesinstances en cours, l’article 1er du protocole n°1 à la Convention ; le législateur françaisaurait privé les plaignants « d’une valeur patrimoniale préexistante et faisant partie deleurs biens, à savoir une créance en réparation établie dont ils pouvaient légitimementvoir déterminer le montant conformément à la jurisprudence fixée par les plus hautesjuridictions nationales »

- Arrêts de la cour de cassation du 24 janvier 2006 : Par trois arrêts, la cour de cassation, àlaquelle était soumise la même question juridique, a jugé que « l’article 1er de la loi du 4mars 2002 méconnaissait l’article 1er du protocole n°1 à la Convention, dès lors que lemécanisme de compensation forfaitaire du handicap, instauré par cette loi, était sansrapport raisonnable avec la créance de réparation intégrale à laquelle aurait puprétendre l’enfant avant l’entrée en vigueur de la loi ». Ces arrêts se sont appliqués à desinstances en cours au 7 mars 2002 (date d’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002).

- Arrêt de la cour d’appel de Reims du 30 octobre 2006 : la victime est titulaire d’unecréance en réparation à la date de réalisation du dommage et non pas à la dated’introduction de l’instance ; la jurisprudence Perruche peut donc être invoquée pourtoutes les naissances intervenues avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, mêmeen l’absence d’instance en cours à cette date.

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Annexe n°14 : L’ONIAM

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1) Présentation

L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et desinfections nosocomiales (ONIAM), établissement public administratif placé sous tutelle duministère chargé de la santé, a été créé par un décret du 29 avril 2002, en application del’article L. 1142-22 du code de la santé publique pour :

Organiser le dispositif de règlement amiable des litiges liés à des dommages imputables à"une action de prévention, de diagnostic ou de soins " (y compris ceux causés par desactes fautifs couverts par les compagnies d’assurance et en cas de carence de celles-ci), audessus de seuils de gravité prévu par décret (24% de taux d'incapacité permanente, duréed’incapacité temporaire de travail au moins égale à 6 mois consécutifs ou 6 mois nonconsécutifs sur une période de 12 mois, inaptitude de la victime à exercer son activitéprofessionnelle ou troubles particulièrement graves). Le règlement amiable est placé sousla responsabilité de 23 commissions régionales de conciliation et d'indemnisation desaccidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI).Elles sont présidées par un magistrat de l’ordre administratif ou de l’ordre judiciaire etsont composées de 20 membres représentant les usagers, les professionnels de santé, lesétablissements de santé, les assureurs et l'ONIAM, ainsi que de personnalités qualifiées.Le délai légal pour émettre un avis est de 6 mois.

Indemniser les victimes. Dans le cas où l’indemnisation revient à l'assurance, l’ONIAM sesubstitue à l’assureur en cas de silence, de refus explicite de faire une offre ou encore, encas de défaut d'assurance ou d'épuisement de la couverture d'assurance. Le délai pour uneoffre d'indemnisation de l’ONIAM à partir de l’avis de la CRCI est de 4 mois.

Par ailleurs, l'observatoire des risques médicaux (ORM), chargé de collecter les donnéesrelatives aux accidents médicaux et à leur indemnisation, lui est rattaché.

2) Indicateurs d'activité CRCI / ONIAM

2004 2005 2006

Réclamations déposées devant les CRCI

Nb total de dossiers de réclamation déposésdevant les CRCI

3469 2723 2944

Nb total de dossiers rejetés - en pourcentage de dossiers déposés

114833%

175764%

184262%

Nb total d’avis émis - en pourcentage des dossiers déposés

47713%

90333%

106336%

Délai moyen pour l’émission d’un avis 5,3 mois 7,5 mois 9, 2 moisOffres d’indemnisation de l’ONIAM

Nb total d’offres d’indemnisation del’ONIAM

264 389 650

Délai moyen pour l’émission d’une offred’indemnisation

3,5 3,7 3,6

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Dépenses de fonctionnement

Dépenses de l’ONIAM (budget réalisé) (indemnisations, frais d'avocat et expertisesfonctionnement )

9 185 948 29 280 072 50 327 675

Nombre de salariés à l’ONIAM / CRCI(mois ETPT budgétés, utilisés à 99,8%)

610 636 648

Commentaires :

- à partir de 2005, on peut considérer que l'ONIAM a atteint sa vitesse de croisière ;

- le taux de rejet des CRCI est lié à l'irrecevabilité des dossiers pour des raisons de dates(accidents survenus avant le 5 septembre 2001), de seuils de gravité, de nondémonstration du lien de causalité avec l'accident (état antérieur …) ;

- le différentiel entre les dossiers déposés et les avis émis est constitué par les dossiersrejetés et les dossiers en cours d'instruction (y compris l’expertise) ;

- le pourcentage des dossiers de substitution aux assureurs est de 15% ; l'essentiel desdossiers relève de l'aléa et des infections nosocomiales ;

- le coût d'un dossier s'établit à 1 760 euros environ. Il se décompose en coût pour lesCRCI : 1 142 euros par dossier traité et coût pour l’ONIAM : 620 euros.

Il est difficile d’établir une comparaison avec le coût d'un dossier / assureur. Si les assureursont bien l’activité « ONIAM », l’amont est souvent en partie réalisé par les CRCI ou par lesjuridictions (mais les assureurs supportent les frais d’expertise et d’avocat). Les dossiersamiables réglés par les assureurs sont généralement des dossiers de faible importance nenécessitant pas de traitement administratif lourd (il y a rarement des préjudices économiquesqui sont les plus lourds à traiter).

3) L'indemnisation des victimes : la place de l'ONIAM

En ce qui concerne la place de l'ONIAM par rapport aux autres institutions versant desindemnités aux victimes d'accidents médicaux, un traitement des données financières del'ORM sur les 11 premiers mois de l'année 2006 en donne une approche.

Versements de l’AP-HP41, des assureurs et de l’ONIAM, aux victimes, aux ayant -droits,aux organismes de sécurité sociale et aux autres créanciers (sinistres > 15 000 €).

APHP Assureurs ONIAM TotalVictimes NR 10 912 712 10 267 298 NSProches NR 959 036 872 315 NS

Sécurité sociale NR 3 335 683 6 260 820 NSAutres NR 194 871 255 574 NS

GLOBAL 2 128 092 15 402 302 17 656 007 35 186 4016,05% 43,77% 50,18% 100%

41 C'est le seul établissement autorisé à s'auto assurer.

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Commentaires :

- L’ONIAM apparaît comme le premier organisme indemnisateur des victimes d'accidentsmédicaux

- Les créances des organismes de sécurité sociale représentent des montants importants :9,6 M€ sur les 33 M€ versés par l’ONIAM et les assureurs, soit 29% en moyenne (21%pour les assureurs, 35% pour l'ONIAM ). Dans la mesure où il est financé par l’assurancemaladie, l’ONIAM déduit les créances des organismes sociaux avant de faire l’offre à lavictime.

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Annexe n°15 : La liste des sigles

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ACAMAGFAP-HPARRESASSPROBCTCCAMCEDHCJCECNAMTSCRCICSMFDGSDREESDSSFFSAGAVGTAMGTREMHASHHSIGASINVSMACSFMICMMAOCDEONIAMORMRCMSHAMSNARFSYNGOFTCAMTFSEUNCAMURML

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