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1 UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS (PARIS II) Année universitaire 2017-2018 TRAVAUX DIRIGES - 2ème année de Licence en Droit DROIT CIVIL Cours de Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS ___________________________________ Distribution : du 9 au 13 avril 2018. DIX-HUITIÈME SÉANCE LA RESPONSABILITÉ MÉDICALE ------------------------- I-. Idées générales - La responsabilité médicale nous est déjà familière. On a eu loccasion de lévoquer à diverses reprises, lors de létude de la responsabilité contractuelle au premier semestre (séance 10), à travers létude de la perte de chance, de laffaire Perruche (séance 12) ou encore récemment lors de la séance sur la causalité (séance 16). Où lon voit, à travers ces illustrations, quelle contribue à lévolution des notions et concepts du droit de la responsabilité, comme le montrent les solutions déjà évoquées concernant la causalité et le dommage (on ira sy référer pour nourrir la présente séance). A lévidence, elle occupe une place de plus en plus importante dans lensemble du droit de la responsabilité, les progrès de la médecine saccompagnant non pas tant de plus daccidents médicaux mais dattentes plus fortes et plus marquées de la part des patients. Alors que le contentieux des accidents de la circulation sest tari, à la suite de la loi du 5 juillet 1985 et dune jurisprudence désireuse déviter une casuistique qui encouragerait à plaider, celui lié à la santé et à la médecine na fait que croître. Depuis quelques années, le mouvement est double : dun côté, se manifeste une spécialisation de la responsabilité médicale et, de lautre, une diversification des causes de son déclenchement et des régimes qui vont dès lors sappliquer. Le premier mouvement conduit la responsabilité médicale à sortir du droit commun pour relever de règles spéciales : loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (et modifiée pour certains aspects, par la loi du 30

DIX-HUITIÈME SÉANCE LA RESPONSABILITÉ MÉDICALEtravauxdiriges.com/data/uploads/droitdesobligations2017/fiche-182... · 2 décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale),

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UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS (PARIS II)

Année universitaire 2017-2018

TRAVAUX DIRIGES - 2ème année de Licence en Droit

DROIT CIVIL

Cours de Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS

___________________________________

Distribution : du 9 au 13 avril 2018.

DIX-HUITIÈME SÉANCE

LA RESPONSABILITÉ MÉDICALE

-------------------------

I-. Idées générales - La responsabilité médicale nous est déjà familière. On a eu

l’occasion de l’évoquer à diverses reprises, lors de l’étude de la responsabilité

contractuelle au premier semestre (séance 10), à travers l’étude de la perte de chance,

de l’affaire Perruche (séance 12) ou encore récemment lors de la séance sur la

causalité (séance 16). Où l’on voit, à travers ces illustrations, qu’elle contribue à

l’évolution des notions et concepts du droit de la responsabilité, comme le montrent

les solutions déjà évoquées concernant la causalité et le dommage (on ira s’y référer

pour nourrir la présente séance).

A l’évidence, elle occupe une place de plus en plus importante dans l’ensemble du

droit de la responsabilité, les progrès de la médecine s’accompagnant non pas tant de

plus d’accidents médicaux mais d’attentes plus fortes et plus marquées de la part des

patients. Alors que le contentieux des accidents de la circulation s’est tari, à la suite de

la loi du 5 juillet 1985 et d’une jurisprudence désireuse d’éviter une casuistique qui

encouragerait à plaider, celui lié à la santé et à la médecine n’a fait que croître.

Depuis quelques années, le mouvement est double : d’un côté, se manifeste une

spécialisation de la responsabilité médicale et, de l’autre, une diversification des

causes de son déclenchement et des régimes qui vont dès lors s’appliquer.

Le premier mouvement conduit la responsabilité médicale à sortir du droit commun

pour relever de règles spéciales : loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et

à la qualité du système de santé (et modifiée pour certains aspects, par la loi du 30

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décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale), loi du 19 mai 1998

relative aux produits défectueux, pour les vaccins notamment…

Le second mouvement conduit à une expansion des obligations et des hypothèses

dans lesquelles la responsabilité médicale est engagée. A l’obligation de soins,

s’ajoute l’obligation d’information, et surtout aussi, des régimes spécifiques en

fonction des causes d’accidents : il en va ainsi par exemple en matière d’infections

nosocomiales.

II-. Premier thème : la nature de la responsabilité médicale.

L’existence d’un contrat entre le médecin et son patient a été affirmée le 20 mai 1936

dans le célèbre arrêt Mercier. Le contrat médical s’analyse comme un contrat

synallagmatique faisant naître à la charge des parties des obligations réciproques.

Document 1 : Civ. 20 mai 1936, arrêt Mercier, Grands arrêts de la jurisprudence

civile, T. II, n° 162-163.

Avec l’introduction de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits du

malade et à la qualité du système de santé, la question s’est alors posé de savoir si la

responsabilité médicale reposait toujours sur un fondement contractuel.

Bien qu’aucune précision n’ait été donnée par le législateur, plusieurs arguments

plaident en faveur d’un abandon de la qualification contractuelle.

En premier lieu, le nouveau régime instauré par la loi du 4 mars 2002 transcende la

distinction traditionnelle entre responsabilité contractuelle et délictuelle en prévoyant

notamment la réparation des dommages causés à toutes les victimes, qu’elles soient

parties ou tiers au contrat médical. En deuxième lieu, en unifiant les règles applicables

aux cliniques privées et aux établissements publics, la loi du 4 mars 2002 dépasse la

distinction entre responsabilité civile et administrative.

D’où il ressort que la loi du 4 mars 2002 a instauré un nouveau régime de

responsabilité autonome qui transcende la summa divisio traditionnelle, à l’instar de la

loi du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation ou de la loi du 19 mai

1988 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.

La Cour de cassation semble avoir été séduite par cette analyse en visant directement

l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique lorsqu’est en jeu l’obligation de soins

du médecin.

Lorsque la Cour a eu à se prononcer sur le manquement du médecin à son obligation

d’information, elle l’a cette fois-ci fait au visa de l’article 1240 du Code civil, du droit

au respect de la dignité de la personne humaine consacré à l’article 16 du Code civil

et du droit au respect de l’intégrité corporelle prévu à l’article 16-3 du Code civil.

Document 2 : Cass. civ. 1ère, 3 juin 2010, n° 09-13591, AJDA 2010. 2169, note C.

Lantero ; D. 2010.1484, obs. I. Gallmeister, 1522, note P. Sargos, 1801, point de vue

D. Bert, 2092, chron. C. Creton, 2011. 35, obs. O. Gout, et 2565, obs. A. Laude ;

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RDSS 2010. 989, note F. Arhab-Girardin ; RTD civ. 2010.571, obs. P. Jourdain ; JCP

2010. 788, note S. Porchy-Simon ; RDC 2011.335, note M. Bacache, 345, note F.

Leduc, et 357, note P. Pierre ; RCA 2010.22, obs. S. Hocquet-Berg.

Document 3 : Cass. civ. 1ère, 12 juin 2012, n° 11-18327, D. 2012.1610, obs. I.

Gallmeister, 1794, note A. Laude, et 2013. 40, obs. O. Gout ; RDSS 2012. 757, obs. F.

Arhab-Girardin ; Gaz. Pal. 18-19 juill. 2012, p. 11, note M. Bacache.

Ces arrêts marquent ainsi une résurgence de la responsabilité délictuelle en matière

médicale, laquelle avait précédé l’arrêt Mercier.

III.- Deuxième thème : la diversification des régimes en matière de responsabilité

médicale.

A/ L’obligation de soins

Elle relève désormais de l’article L. 1142-1 alinéa 1er du CSP issu de la loi du 4 mars

2002. Le texte requiert une faute. La responsabilité civile ne saurait conduire à réparer

les accidents médicaux sans faute – l’aléa thérapeutique. Dans ce dernier cas, il

faudra, sous certaines conditions, faire appel à la solidarité nationale (v infra D).

On s’efforcera de bien délimiter le domaine de cette responsabilité.

Document 4 : Article L. 1142-1, I du Code de la santé publique.

Document 5 : Cass. civ. 1ère, 3 novembre 2016, n° 15-25.348 ; D. 2017.337, obs.

Bernard-Roujou de Boubée ; JCP G, 2016.12305, obs. P. Sargos ; RTD civ. 2017.503,

obs. P. Jourdain ; CCC, 2017.29, obs. L. Leveneur ; JCP G, 2017, p. 458, obs. M.

Bacache ; Resp. civ. et assur., 2017.19, obs. Bloch.

B/ L’obligation d’information

Au-delà de la question liée à la nature de la responsabilité médicale, la responsabilité

du fait d’un défaut d’information renvoie à plusieurs questions : quelle est l’étendue

de l’information requise – on se demandera si la solution a changé depuis la loi du 4

mars 2002, par rapport à celle qui était consacrée par la jurisprudence antérieure ; quel

est le préjudice lié au défaut d’information : s’agit-il d’un dommage moral causé par

la violation d’un droit subjectif à l’information ? La seule atteinte au droit à

l’information ouvrirait alors droit à réparation.

Document 6 : Article L. 1111-2 du Code de la santé publique.

Document 7 : Cass. civ. 1ère, 23 janvier 2014, n° 12-22123, D. 2014.584, avis L.

Bernard de la Gatinais, 590 note M. Bacache.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation considère que le manquement du médecin à son

obligation d’information cause à son patient un préjudice d’impréparation.

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Parfois, elle répare le défaut d’information du médecin sur le terrain de la perte de

chance, en distinguant ce préjudice de celui consistant dans le défaut de préparation :

Document 8 : Cass. civ. 1ère, 25 janvier 2017, n° 15-27.898 ; D. 2017.555, obs.

Ferrié ; RDSS 2017.716, obs. Cristol ; RTD civ. 2017.403, obs. P. Jourdain.

C/ L’obligation du médecin de se renseigner

Dans la suite de ce qui précède, mais sans nécessairement en faire une simple

manifestation de l’obligation d’information du patient, la Cour de cassation vient de

consacrer l’obligation pour le médecin de se renseigner avec précision sur l’état de

santé du patient. C’est ici une obligation contractuelle et de résultat. Elle est liée tant

aux soins qu’à l’information que le médecin doit délivrer. On va finir par s’y perdre…

Document 9 : Cass. civ. 1ère, 5 mars 2015, n° 14-13.292 ; JCP G, 2015.555, note M.

Bacache.

D/ La responsabilité du fait des vaccins

Celle-ci trouve sa source dans la responsabilité du fait des produits défectueux. Mais

en ce domaine, les questions sont nombreuses, spécialement concernant le lien de

causalité et le défaut du produit.

On sait que certaines personnes s’étant faites vacciner contre le virus de l’hépatite B

ont développé une sclérose en plaques. En l’état actuel des connaissances médicales,

il est absolument impossible de déterminer si la vaccination est scientifiquement la

cause de l’apparition de la maladie. Cela devrait en principe conduire à rejeter les

actions des victimes.

Toutefois, depuis un arrêt de la première Chambre civile du 22 mai 2008, la Cour de

cassation a allégé la charge de la preuve en admettant que le lien de causalité soit

établi par des présomptions graves, précises et concordantes. Les juges ne doivent

donc pas s’arrêter à l’absence de preuve scientifique. Concrètement, le faisceau

d’indices pris en considération est le suivant : délai entre l’injection et l’apparition des

premiers symptômes, état de santé général de la victime, prédispositions génétiques…

Cette jurisprudence est aujourd’hui très critiquée.

Certains militent pour l’absence de responsabilité des laboratoires. D’autres prônent la

reconnaissance d’une véritable présomption de droit, c’est-à-dire une présomption

irréfragable, au bénéfice de la victime.

On remarquera que le cap a été franchi pour d’autres maladies. Ainsi, en matière de

contamination par transfusion sanguine (Sida ou Hépatite C), le législateur a

posé une véritable présomption de causalité de droit en faveur des victimes (L. du

31 décembre 1991 et loi du 4 mars 2002).

Mais dans ces hypothèses, c’est le législateur qui est venu poser une telle présomption

pour faire relever l’indemnisation des victimes de la solidarité nationale.

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S’agissant du défaut du vaccin, la jurisprudence distingue le défaut extrinsèque

(problème d’information lié à la notice du vaccin) du défaut intrinsèque (question de

défaut du produit lui-même, qui dépend du caractère anormalement dangereux du

vaccin. Cette appréciation du caractère anormal s’apprécie alors au terme d’une

balance des bénéfices escomptés et des risques inhérents à l’utilisation d’un

médicament).

La Cour de cassation a récemment étendu à la preuve du défaut la jurisprudence

qu’elle avait développée en matière de preuve du lien de causalité entre la vaccination

contre l’hépatite B et la survenance de sclérose en plaques. Pour établir le défaut du

produit, le juge peut se contenter des présomptions qui lui sont apportées par la

victime dans l’espèce en cause :

Document 10 : Cass., civ. 1ère, 10 juillet 2013, n°12-21314, D. 2013. 2311, 2306 avis

C. Mellotée, 2312, note P. Brun, et 2315 note J.-S. Borghetti ; RDSS 2013. 938, obs.

J. Peigné ; JCP 2013. 1012, obs. B. Parance.

Ce contentieux a récemment amené la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 12

novembre 2015, n° 14-18.118) à interroger la Cour de justice de l’Union

européenneà propos des modes de preuve en matière de produits défectueux (art. 4

de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985).

Trois questions préjudicielles lui ont été posées :

- D’abord, le juge du fond, dans l’exercice de son pouvoir souverain

d’appréciation, peut-il estimer que les éléments de fait invoqués par le

demandeur constituent des présomptions graves, précises et concordantes, de

nature à prouver le défaut d’un vaccin et l’existence d’un lien de causalité de

celui-ci avec la maladie, en dépit de l’incertitude scientifique actuelle ?

- Ensuite, un système de présomptions pourrait-il être établi, en application

duquel, lorsqu’existent des indices de causalité, le lien de causalité devrait

systématiquement être établi ?

- Enfin, à défaut d’admettre un mode de preuve par présomptions, faut-il ne

retenir un lien de causalité que lorsque celui-ci procède d’une certitude

scientifique ?

Particulièrement attendu, un arrêt de la CJUE répond à ces questions (21 juin 2017,

C-21/15 : http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&num=C-621/15). La Cour

de cassation a d’ailleurs pris en compte les précisions ainsi apportées :

Document 11 : Cass. civ., 1ère, 18 octobre 2017, n° 15-20.791 ; D. 2018.490, obs. J.-

S. Borghetti ; D. 2018.35, obs. Ph. Brun.

D/ Solidarité nationale et loi du 4 mars 2002

L’un des objectifs essentiels de la loi du 4 mars 2002 a été d’apporter une réponse aux

attentes des victimes d’accidents médicaux non fautifs. La solidarité nationale n’a

qu’une vocation subsidiaire et ne peut, en aucun cas, se substituer à la responsabilité

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civile ou administrative. Aussi, dès lors qu’une faute ou un défaut du produit sont

établis, le jeu de la solidarité nationale est exclu.

Document 12 : article L. 1142-1 II du Code de la santé publique.

L’indemnisation des préjudices au titre de la solidarité nationale est effectuée par un

établissement public créé à cet effet : l’ONIAM (Office national d’indemnisation des

accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales). Suite à

l’ampleur de l’affaire Mediator, la loi de finances rectificative n°2011-900 du 29

juillet 2011 a élargi la compétence de l’ONIAM pour faciliter la réparation des

préjudices liés à la prescription de benfluorex.

IV-. Exercice.

Dissertation : L’évolution de la responsabilité médicale depuis l’arrêt Mercier.

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Document 1 : Civ. 20 mai 1936

Document 2 : Cass. civ. 1ère, 3 juin 2010.

Sur le moyen unique, pris en ses deux

premières branches :

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt

attaqué de l’avoir débouté de ses

demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que le médecin, tenu de suivre son

patient aussitôt qu’il l’a opéré, doit être

diligent et prudent dans l’exécution de

cette obligation, dont il ne peut se

décharger; qu’ainsi, viole ladite obligation

le médecin qui se désintéresse du sort de

son patient au point de ne le recevoir en

consultation qu’un mois après l’avoir

opéré, sauf à ce qu’il eut été convenu avec

ce dernier que, durant ce délai de latence,

il serait substitué par un autre médecin

dans l’exécution de son obligation de suivi

post-opératoire ; qu’en l’espèce, après

avoir relevé que M. Y... n’a reçu en

consultation M. X... que le 25 mai 2001,

soit plus d’un mois après avoir pratiqué

sur lui une adénomectomie prostatique, et

en jugeant néanmoins que ce médecin

n’avait pas failli à son obligation de suivi

post-opératoire au prétexte qu’un autre

urologue avait "vu" son patient, sans

constater qu’il avait été convenu avec M.

X... que son obligation de suivre ce dernier

serait exécutée par cet autre urologue, la

cour d’appel a violé l’article 1147 du code

civil ;

2°/ que seul le fait du créancier constituant

une force majeure exonère totalement le

débiteur défaillant ; qu’en l’espèce, en

écartant la faute de M. Y... consistant à

avoir violé son obligation de suivi post-

opératoire au motif que M. X... n’avait pas

pris rendez-vous avec lui à l’issue de la

seconde consultation en date du 16 juillet

2001, soit trois mois après l’intervention

chirurgicale, sans caractériser le

comportement imprévisible et irrésistible

de M. X... qui aurait interdit son suivi par

M. Y... aussitôt après l’opération, la cour

d’appel a violé les articles 1147 et 1148 du

code civil ;

Mais attendu qu’ayant relevé que M. X...

n’avait pas été laissé sans surveillance

postopératoire, que le suivi avait été

conforme aux données acquises de la

science, que le praticien avait reçu le

patient à deux reprises et prévu de le

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revoir une troisième fois, ce qui n’avait

pas été possible en raison de la négligence

de M. X..., la cour d’appel a pu en déduire

l’absence de manquement fautif dans le

suivi postopératoire ; que les griefs ne sont

pas fondés ;

Mais sur la troisième branche du moyen :

Vu les articles 16, 16-3, alinéa 2, et 1382

du code civil ;

Attendu qu’il résulte des deux premiers de

ces textes que toute personne a le droit

d’être informée, préalablement aux

investigations, traitements ou actions de

prévention proposés, des risques inhérents

à ceux-ci, et que son consentement doit

être recueilli par le praticien, hors le cas où

son état rend nécessaire une intervention

thérapeutique à laquelle elle n’est pas à

même de consentir ; que le non-respect du

devoir d’information qui en découle, cause

à celui auquel l’information était

légalement due, un préjudice, qu’en vertu

du dernier des textes susvisés, le juge ne

peut laisser sans réparation ;

Attendu que pour écarter toute

responsabilité de M. Y... envers M. X...,

l’arrêt, après avoir constaté le

manquement du premier à son devoir

d’information, retient qu’il n’existait pas

d’alternative à l’adénomectomie pratiquée

eu égard au danger d’infection que faisait

courir la sonde vésicale, qu’il est peu

probable que M. X..., dûment averti des

risques de troubles érectiles qu’il encourait

du fait de l’intervention, aurait renoncé à

celle-ci et aurait continué à porter une

sonde qui lui faisait courir des risques

d’infection

graves ;

En quoi la cour d’appel a violé, par refus

d’application, les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET

ANNULE.

Document 3 : Cass. civ. 1ère, 12 juin 2012.

Vu les principes du respect de la dignité de

la personne humaine et d’intégrité du

corps humain, ensemble l’article 1382 du

code civil ;

Attendu que le non-respect par un médecin

du devoir d’information dont il est tenu

envers son patient, cause à celui auquel

cette information était légalement due un

préjudice qu’en vertu du texte susvisé le

juge ne peut laisser sans réparation ;

Attendu que pour rejeter les demandes en

dommages-intérêts de M. Y... à l’encontre

de M. Z..., médecin rhumatologue, qui lui

avait administré en 1988 une injection

intra-discale d’Hexatrione pour soulager

des douleurs lombaires, à laquelle il

imputait une calcification ayant rendu

nécessaire une intervention chirurgicale, la

cour d’appel a jugé qu’il n’était pas

démontré en l’espèce que, mieux informé,

M. Y... aurait refusé la technique proposée

et préféré la chirurgie, le traitement

médical classique ayant échoué et cette

technique étant alors sans risque connu et

réputée apporter fréquemment un

soulagement réel ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait

constaté que M. Z... n’établissait pas avoir

informé M. Y... que le traitement prescrit,

quoique pratiqué couramment et sans

risque connu, n’était pas conforme aux

indications prévues par l’autorisation de

mise sur le marché, la cour d’appel n’a pas

tiré de ses constatations, desquelles il

résultait que M. Y..., ainsi privé de la

faculté de donner un consentement éclairé,

avait nécessairement subi un préjudice, les

conséquences légales qui en découlaient ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET

ANNULE.

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Document 4 : Article L. 1142-1, I du Code de la santé publique

I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé,

les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout

établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de

prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables

d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.

Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages

résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère.

Document 5 : Cass. civ. 1ère, 3 novembre 2016.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-

Provence, 16 octobre 2014),que Mme X...

a été opérée, le 6 octobre 2004, par M.

Y..., chirurgien, à la Clinique Saint-Michel

pour une hystérectomie totale par

laparotomie et, le 10 octobre 2005, par M.

Z..., chirurgien digestif, à la Clinique du

Coudon, pour une récidive de hernie

hiatale par laparotomie ; que, le 4

décembre 2007, lors d’une nouvelle

laparotomie, une compresse chirurgicale a

été retrouvée dans l’abdomen de Mme

X... ; qu’après avoir sollicité une expertise

en référé, la patiente a assigné en

responsabilité et indemnisation M. Z..., M.

Y... et la Clinique Saint-Michel, et mis en

cause la caisse primaire d’assurance

maladie du Var qui a demandé le

remboursement de ses débours ;

Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt

de rejeter ses demandes, alors, selon le

moyen, que lorsque la preuve d’une

négligence fautive consistant en l’oubli

d’un matériel chirurgical dans le corps

d’un patient est rapportée, il appartient à

chaque professionnel et établissement de

santé mis en cause de prouver qu’il n’est

pas à l’origine de la faute; qu’en déboutant

la patiente de sa demande d’indemnisation

au motif qu’elle n’établissait pas l’acte

chirurgical au cours duquel la compresse

avait été oubliée dans son abdomen, la

cour d’appel a violé l’article 1315,

ensemble l’article L. 1142-1 du code de la

santé publique ;

Mais attendu qu’en vertu de l’article

L. 1142-1, I, alinéa 1er , du code de la

santé publique, hors le cas où leur

responsabilité est encourue en raison d’un

défaut d’un produit de santé, les

professionnels de santé ainsi que tout

établissement, service ou organisme dans

lesquels sont réalisés des actes individuels

de prévention, de diagnostic ou de soins,

ne sont responsables des conséquences

dommageables d’actes de prévention, de

diagnostic ou de soins qu’en cas de faute ;

que la preuve d’une faute incombe au

demandeur ; que s’agissant d’une

responsabilité personnelle, elle implique

que soit identifié le professionnel de santé

ou l’établissement de santé auquel elle est

imputable ou qui répond de ses

conséquences ;

Et attendu qu’après avoir retenu

l’existence d’une négligence fautive liée à

l’oubli d’une compresse sur le site

opératoire d’une des interventions, l’arrêt

relève, en se fondant sur le rapport

d’expertise, qu’aucune donnée ne permet

de rattacher la présence de la compresse à

l’intervention du 6 octobre 2004 ou à celle

du 10 octobre 2005, pratiquées par des

chirurgiens différents dans des cliniques

distinctes et qui ont l’une et l’autre

nécessité l’usage de compresses, et

qu’aucun comportement fautif de tel ou tel

médecin exerçant à titre libéral ou

auxiliaire n’est démontré ; que la cour

d’appel n’a pu qu’en déduire que leur

responsabilité ne pouvait être engagée ;

que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le

pourvoi.

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Document 6 : Article L. 1111-2 du Code de la santé publique.

Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les

différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur

urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles

qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en

cas de refus. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de

prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf

en cas d’impossibilité de la retrouver.

Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans

le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité

d’informer peuvent l’en dispenser.

Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel.

La volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit

être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission.

Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont exercés,

selon les cas, par les titulaires de l’autorité parentale ou par le tuteur. Ceux-ci reçoivent

l’information prévue par le présent article, sous réserve des dispositions de l’article L. 1111-5. Les

intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de

décision les concernant, d’une manière adaptée soit à leur degré de maturité s’agissant des

mineurs, soit à leurs facultés de discernement s’agissant des majeurs sous tutelle.

Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l’information sont établies par la

Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé.

En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve

que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette

preuve peut être apportée par tout moyen.

L’établissement de santé recueille auprès du patient hospitalisé les coordonnées des professionnels

de santé auprès desquels il souhaite que soient recueillies les informations nécessaires à sa prise en

charge durant son séjour et que soient transmises celles utiles à la continuité des soins après sa

sortie.

Document 7 : Cass. civ. 1ère, 23 janvier 2014.

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Orléans, 10

avril 2012), que M. Y..., médecin

généraliste, a administré ou prescrit à

Mme X..., entre 1996 et 1999, plusieurs

injections vaccinales, dont cinq du vaccin

GenHevac B contre l’hépatite B, produit

par la société Sanofi-Pasteur MSD ; que,

Mme X... ayant présenté un état de fatigue

persistant et une instabilité des membres

inférieurs provoquant des chutes, des

examens ont mis en évidence des

anomalies neurologiques, puis l’existence

d’une sclérose latérale amyotrophique

(SLA) ; qu’attribuant sa pathologie aux

vaccinations, Mme X... a recherché la

responsabilité de la société Sanofi-Pasteur

MSD et de M. Y..., puis, s’étant désistée

de l’instance d’appel à l’égard de la

société, a maintenu ses demandes envers le

médecin;

Sur le premier moyen, pris en ses deux

branches :

Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt

de rejeter ses demandes à l’encontre de M.

Y..., alors, selon le moyen :

11

1°/ que toute personne a le droit d’être

informée, préalablement aux

investigations, traitements ou actions de

prévention proposés, des risques inhérents

à ceux-ci ; que son consentement doit être

recueilli par le praticien, hors le cas où son

état rend nécessaire une intervention

thérapeutique à laquelle elle n’est pas à

même de consentir et que le non-respect

du devoir d’information qui en découle

cause à celui auquel l’information était

légalement due un préjudice que le juge ne

peut laisser sans réparation ; que la preuve

du respect de cette obligation incombe au

praticien ; qu’en jugeant qu’en l’absence

de risque avéré d’apparition d’une SLA

après injection du vaccin GenHevac B,

aucun manquement de M. Y... à son devoir

de conseil et d’information ne pouvait lui

être imputé, la cour d’appel a statué par

des motifs inopérants, impropres à

caractériser le respect par M. Y... de son

obligation d’informer Mme X... de

l’intérêt et des risques liés à la vaccination

qu’il lui avait prescrite ; qu’elle a ainsi

privé sa décision de toute base légale au

regard des articles 16, 16-3 et 1382 du

code civil ;

2°/ que l’indemnisation du préjudice

résultant du non-respect par un médecin

du devoir d’information dont il est tenu

envers son patient peut résulter d’une

défaillance contractuelle ; qu’en jugeant

qu’en l’absence de risque avéré

d’apparition d’une SLA après injection du

vaccin GenHevac B, aucun manquement

de M. Y... à son devoir de conseil et

d’information ne pouvait lui être imputé,

la cour d’appel a statué par des motifs

inopérants, impropres à caractériser le

respect par M. Y... de son obligation

d’informer Mme X... de l’intérêt et des

risques liés à la vaccination qu’il lui avait

prescrite dans le cadre du contrat qui les

liait ; qu’elle a ainsi privé sa décision de

toute base légale au regard de l’article

1147 du code civil ;

Mais attendu qu’indépendamment des cas

dans lesquels le défaut d’information sur

les risques inhérents à un acte

d’investigation, de traitement ou de

prévention a fait perdre au patient une

chance d’éviter le dommage résultant de la

réalisation de l’un de ces risques, en

refusant qu’il soit pratiqué, le non-respect,

par un professionnel de santé, de son

devoir d’information cause à celui auquel

l’information était due, lorsque ce risque

se réalise, un préjudice résultant d’un

défaut de préparation aux conséquences

d’un tel risque, que le juge ne peut laisser

sans réparation ; qu’ayant constaté, alors

que Mme X... exposait, sans être

contredite par M. Y..., n’avoir reçu aucune

information sur l’intérêt de la vaccination

ou sur ses risques, que les experts, comme

la quasi-unanimité des scientifiques,

écartaient tout lien de causalité entre le

vaccin contre l’hépatite B et l’apparition

de la SLA, qui n’est pas une maladie auto-

immune mais une dégénérescence des

motoneurones, et que ni la notice du

GenHevac B ni le dictionnaire médical

Vidal ne mettaient en garde contre une

éventualité d’apparition d’une SLA après

une vaccination par GenHevac B, la cour

d’appel en a exactement déduit que la

demande de Mme X... ne pouvait être

accueillie ; que le moyen, inopérant en sa

seconde branche, n’est pas fondé en sa

première ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt

de rejeter ses demandes à l’encontre de M.

Y... ;

Attendu qu’ayant constaté que M. Y...

avait prescrit la cinquième injection

vaccinale le 10 septembre 1999 et que

Mme X... avait présenté des signes de

fatigue importants et les premières

manifestations de sa maladie vers le mois

d’octobre 1999, de sorte que la

prescription était antérieure à l’apparition

de l’état général déficient de Mme X..., la

cour d’appel a, par ces seuls motifs,

légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt

de rejeter ses demandes à l’encontre de M.

Y... ;

Attendu qu’après avoir retenu que la seule

12

faute commise par M. Y... était d’avoir

prescrit, sinon pratiqué, la cinquième

injection de GenHevac B dont les experts

judiciaires avaient estimé qu’elle n’était

pas nécessaire, la cour d’appel a relevé

que cette injection n’avait causé qu’un très

faible surdosage, non susceptible, selon les

experts, d’avoir un effet délétère et, de

surcroît, qu’il n’existait aucun lien

scientifiquement démontré entre une

injection de GenHevac B et l’apparition

d’une SLA et que Mme X... n’invoquait,

pour faire le lien entre la vaccination et sa

maladie, que des considérations générales,

tirées d’un rapport médical dont les

conclusions n’étaient pas convaincantes,

ainsi que des éléments personnels qui

n’étaient pas probants ; qu’elle a pu en

déduire l’absence de responsabilité de M.

Y..., y compris au titre de la perte de

chance, peu important que la cause de la

SLA demeure inconnue ; que le moyen

n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le

pourvoi.

Document 8 : Cass. civ. 1ère, 25 janvier 2017.

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 30

septembre 2015), qu’à la suite du

diagnostic d’une sténose carotidienne

droite, et après avoir consulté M. X...,

chirurgien vasculaire, Mme Y..., épouse

Z..., a été admise, le 11 mai 2003, à la

polyclinique de l’Europe en vue d’un bilan

vasculaire complémentaire ; qu’après la

réalisation, le lendemain, par M. A...,

radiologue, d’une artériographie, Mme Z...

a présenté une hémiplégie des membres

inférieur et supérieur gauches ; qu’elle a

assigné en responsabilité et indemnisation

les praticiens et l’Office national

d’indemnisation des accidents médicaux,

des affections iatrogènes et des infections

nosocomiales (l’ONIAM), en invoquant,

d’une part, un défaut d’information

préalable sur le risque d’hémiplégie lié à la

pratique d’une artériographie, d’autre part,

la survenue d’un accident médical non

fautif relevant d’une indemnisation au titre

de la solidarité nationale ; qu’elle a mis en

cause la caisse primaire d’assurance

maladie du Morbihan (la caisse), qui a

sollicité le remboursement de ses débours ;

que les praticiens ont été condamnés, pour

défaut d’information, à payer certaines

indemnités à Mme Z... et à la caisse, en

réparation, en premier lieu, de la perte de

chance d’éviter le dommage, en second

lieu, d’un préjudice moral

d’impréparation ; que la part du dommage

corporel non réparée par les praticiens a

été mise à la charge de l’ONIAM ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal

et sur les premier et deuxième moyens du

pourvoi incident, ci-après annexés :

Attendu que ces moyens ne sont

manifestement pas de nature à entraîner la

cassation ;

Sur le second moyen du pourvoi principal

et le troisième moyen du pourvoi incident,

rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu que M. A... et M. X... font grief à

l’arrêt de les condamner solidairement à

payer à Mme Z..., outre une somme en

réparation de la perte de chance subie, une

indemnité au titre de son préjudice moral

d’impréparation, alors, selon le moyen :

1°/ que le créancier d’une obligation

contractuelle ne peut se prévaloir à

l’encontre du débiteur de cette obligation,

quand bien même il y aurait intérêt, des

règles régissant la responsabilité

délictuelle ; qu’en condamnant M. A... et

M. X..., sur le fondement des principes

régissant la responsabilité délictuelle, à

indemniser le préjudice de Mme Z...

résultant du défaut de préparation à la

réalisation du risque d’accident vasculaire

cérébral résultant de l’artériographie, bien

qu’elle les ait déjà condamnés, sur le

fondement de la responsabilité

contractuelle, à l’indemniser de son

préjudice consistant en une perte de

chance d’éviter le dommage, la cour

d’appel a violé les articles 1147 et 1382 du

code civil, et le principe de non-cumul des

13

responsabilités délictuelle et

contractuelle ;

2°/ que, l’indemnité réparant la perte de

chance d’éviter le dommage, provoquée

par un manquement du médecin à son

obligation d’information, englobe le

préjudice d’impréparation à la réalisation

du dommage ; qu’en condamnant M. A...

et M. X... à indemniser le préjudice de

Mme Z... résultant du défaut de

préparation à la réalisation du risque

d’accident vasculaire cérébral résultant de

l’artériographie, bien qu’elle les ait déjà

condamné à l’indemniser de son préjudice

consistant en la perte de chance d’éviter la

réalisation de ce risque, la cour d’appel,

qui a réparé deux fois le même dommage,

a violé les articles 1147 et 1382 du code

civil ;

Mais attendu qu’indépendamment des cas

dans lesquels le défaut d’information sur

les risques inhérents à un acte individuel

de prévention, de diagnostic ou de soins a

fait perdre au patient une chance d’éviter

le dommage résultant de la réalisation de

l’un de ces risques, en refusant qu’il soit

pratiqué, le non-respect, par un

professionnel de santé, de son devoir

d’information cause à celui auquel

l’information était due, lorsque ce risque

se réalise, un préjudice moral résultant

d’un défaut de préparation aux

conséquences d’un tel risque, qui, dès lors

qu’il est invoqué, doit être réparé ; qu’il en

résulte que la cour d’appel a retenu, à bon

droit et sans méconnaître le principe de

réparation intégrale, que ces préjudices

distincts étaient caractérisés et pouvaient

être, l’un et l’autre, indemnisés ; que le

moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE les

pourvois.

Document 9 : Cass. civ. 1ère, 5 mars 2015.

Vu l’article 1147 du code civil ;

Attendu que l’obligation, pour le médecin,

de donner au patient des soins attentifs,

consciencieux et conformes aux données

acquises de la science comporte le devoir

de se renseigner avec précision sur son état

de santé, afin d’évaluer les risques

encourus et de lui permettre de donner un

consentement éclairé ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme

X..., souffrant depuis l’enfance de

céphalées, a subi, en 1988, un examen

révélant une malformation artério-

veineuse, traitée au sein de la Fondation

ophtalmologique Adolphe de Rothschild

(la fondation), puis par radiothérapie ; qu’à

la suite de nouveaux bilans confirmant la

présence d’un angiome résiduel et d’une

hémianopsie partielle, l’exérèse d’une

partie du lobe occipital droit permettant

l’ablation totale de cette malformation a

été pratiquée le 23 septembre 1998 par M.

Y..., chirurgien salarié de la fondation ;

que, dans les suites immédiates de

l’intervention, une dégradation de l’acuité

visuelle de la patiente est survenue,

accompagnée d’une double hémianopsie

latérale complète ; que Mme X... a assigné

la fondation en réparation de ses

préjudices ;

Attendu que pour rejeter la demande de

Mme X... en indemnisation de ses

préjudices corporels, l’arrêt retient que

l’indication opératoire était justifiée et

qu’aucune faute ne peut être reprochée à

M. Y... dans le geste chirurgical, compte

tenu de la localisation anatomique de la

malformation dans le lobe occipital du

cerveau, siège de la vision, ni dans la

technique mise en œuvre qui était la seule

possible ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait

constaté qu’avant l’intervention, le

chirurgien croyait, à tort, que Mme X...

était déjà atteinte d’une hémianopsie

complète, la cour d’appel a violé le texte

susvisé ;

14

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu

de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE […].

Document 10 : Cass., civ. 1ère, 10 juillet 2013.

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme

X... a reçu, entre 1986 et 1993, plusieurs

injections de vaccins, Hevac B et

Genhevac B, contre l’hépatite B,

renouvelées du fait qu’elle ne développait

pas d’anti-corps, qu’à partir de la fin de

l’année 1992, elle s’est plainte d’épisodes

de paresthésie des mains puis, en 1995,

d’un état de fatigue et de troubles sensitifs,

qu’elle a dû cesser de travailler en juillet

1998, que le diagnostic de sclérose en

plaques a été posé en décembre 1998 ; que

Mme X... a recherché la responsabilité de

la société Sanofi Pasteur, fabricant des

produits ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident,

pris en ses trois branches :

Attendu que la société Sanofi Pasteur fait

grief à l’arrêt de dire que le lien entre le

déclenchement de la sclérose en plaques et

la vaccination de Mme X... était établi,

alors, selon le moyen :

1°/ que la responsabilité d’un fabricant du

fait d’un produit défectueux est

subordonnée à la preuve préalable du lien

de causalité entre le dommage et le

produit ; que l’incertitude scientifique sur

un tel lien au stade de l’état actuel des

connaissances scientifiques et techniques

fait obstacle à la preuve du lien de

causalité par présomptions au cas

particulier ; qu’en l’espèce, la société

Sanofi Pasteur MSD faisait valoir que

l’existence d’un lien entre le vaccin contre

l’hépatite B et l’apparition d’une sclérose

en plaques avait été écarté par la

communauté scientifique et qu’aucun

élément de nature scientifique ne

permettait d’envisager l’existence d’un tel

lien ; qu’en considérant que l’absence de

lien scientifiquement établi entre la

vaccination et le déclenchement d’une

sclérose en plaques ne constituait pas un

obstacle dirimant aux prétentions des

demandeurs à l’indemnisation et ne leur

interdisait pas de tenter d’établir, par des

présomptions graves, précises et

concordantes, cas par cas, l’imputabilité de

la maladie à la vaccination, tout en ayant

retenu qu’il existait une impossibilité de

prouver scientifiquement le lien de

causalité, la cour d’appel a violé l’article

1382 du code civil ;

2°/ que l’imputabilité de l’apparition d’une

sclérose en plaques à l’administration du

vaccin contre l’hépatite B ne peut être

admise qu’à la condition d’être apparue

dans un délai bref à compter de cette

administration ; qu’en l’espèce, la cour

d’appel a relevé que Mme X... avait

présenté les premiers symptômes d’une

sclérose en plaques « fin 1992 », après

avoir constaté qu’elle avait reçu une

première série d’injections du vaccin en

1986 ; qu’il en résultait qu’un délai de

plusieurs années s’était écoulé entre la

première administration du vaccin et

l’apparition chez Mme X... d’une sclérose

en plaques, ce qui devait conduire à

exclure tout lien entre le vaccin et cette

pathologie ; qu’en décidant le contraire, la

cour d’appel a violé l’article 1382 du code

civil ;

3°/ que l’imputabilité de l’apparition d’une

sclérose en plaques à l’administration du

vaccin contre l’hépatite B ne peut être

admise qu’à la condition d’être apparue

dans un délai bref à compter de cette

administration ; qu’en l’espèce, la cour

d’appel a relevé que Mme X... avait

présenté les premiers symptômes d’une

sclérose en plaques « fin 1992 », après

avoir relevé que la dernière vaccination

datait de février 1992, soit un délai

d’environ dix mois ; qu’à supposer que le

délai à prendre en considération ait débuté

à la date de la dernière injection de vaccin,

sa durée devait conduire à exclure toute

proximité temporelle entre le vaccin et

l’apparition de la sclérose en plaques ;

15

qu’en décidant le contraire, la cour d’appel

a violé l’article 1382 du code civil ;

Mais attendu que la cour d’appel, après

avoir exactement énoncé que

l’impossibilité de prouver scientifiquement

tant le lien de causalité que l’absence de

lien entre la sclérose en plaques et la

vaccination contre l’hépatite B, laisse

place à une appréciation au cas par cas, par

présomptions, de ce lien de causalité, a

estimé qu’au regard de l’état antérieur de

Mme X..., de son histoire familiale, de son

origine ethnique, du temps écoulé entre les

injections et le déclenchement de la

maladie, et du nombre anormalement

important des injections pratiquées, il

existait des présomptions graves, précises

et concordantes permettant d’établir le lien

entre les vaccinations litigieuses et le

déclenchement de la sclérose en plaques

dont elle était atteinte ; que le moyen n’est

fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi

principal, pris en ses deuxième et

troisième branches :

Vu l’article 1386-4 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de

Mme X..., l’arrêt, après avoir exactement

retenu que la seule implication du produit

dans la maladie ne suffit pas à établir son

défaut ni le lien de causalité entre ce

défaut et la sclérose en plaques, relève

qu’un produit ne peut être retiré du marché

du seul fait qu’il ne répond pas à l’attente

particulière d’une personne, que le

bénéfice attendu du vaccin contre

l’hépatite B, par le public utilisateur, est

avant tout une protection efficace contre

ce virus, ce qui est le cas, ce pourquoi le

vaccin contre l’hépatite B, qui a

probablement sauvé des milliers de vie

pour lesquelles le risque "hépatite B" était

infiniment plus grand que le risque "

sclérose en plaques", n’a pas été retiré du

marché et a reçu jusqu’à aujourd’hui les

autorisations requises, que si le ministère

de la santé a mis un terme aux campagnes

de vaccination systématiques, cette réserve

ne peut contribuer à établir le caractère

défectueux du produit ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, par

une considération générale sur le rapport

bénéfice/risques de la vaccination, après

avoir admis qu’il existait en l’espèce des

présomptions graves, précises et

concordantes tant au regard de la situation

personnelle de Mme X... que des

circonstances particulières résultant

notamment du nombre des injections

pratiquées, de l’imputabilité de la sclérose

en plaques à ces injections, sans examiner

si ces mêmes faits ne constituaient pas des

présomptions graves précises et

concordantes du caractère défectueux des

doses qui lui avaient été administrées, la

cour d’appel n’a pas donné de base légale

à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu

de statuer sur les autres griefs du pourvoi

principal: REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE […].

Document 11 : Cass. civ. 1ère, 18 octobre 2017.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 17

avril 2015), rendu sur renvoi après

cassation (1er Civ., 10 juillet 2013,

pourvoi n° 12-21. 314), que Mme X...a

reçu, en 1986, trois injections de vaccins

contre l’hépatite B, Hevac B et Genhevac

B, puis, jusqu’en 1993, dix nouvelles

injections en raison du fait qu’elle ne

développait pas d’anticorps ; qu’à la fin de

l’année 1992, elle se serait plainte

d’épisodes de paresthésie des mains, puis,

en 1995, d’un état de fatigue et de troubles

sensitifs ; qu’elle a dû cesser de travailler

en juillet 1998 ; que le diagnostic de

sclérose en plaques a été établi en

décembre 1998 ; que Mme X...a agi en

responsabilité contre la société Sanofi

Pasteur MSD, devenue Sanofi Pasteur

Europe (la société Sanofi), fabricant des

produits ;

16

Attendu que Mme X...fait grief à l’arrêt de

rejeter l’ensemble de ses demandes, alors,

selon le moyen :

1°/ que des présomptions graves, précises

et concordantes de l’imputabilité de la

sclérose en plaques aux injections d’un

vaccin font présumer le caractère

défectueux des doses administrées à la

victime ; qu’il ressort des propres

constatations de l’arrêt l’existence de

présomptions graves, précises et

concordantes tant au regard de la situation

personnelle de Mme X...que des

circonstances particulières résultant,

notamment, du nombre des injections

pratiquées, de l’imputabilité de la sclérose

en plaques à ces injections ; qu’il en

résulte que le défaut du vaccin était

présumé, à charge pour le producteur de

celui-ci de rapporter la preuve contraire ;

qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour

d’appel a donc violé l’article 1386-4 du

code civil ;

2°/ que, s’il existe des présomptions

graves, précises et concordantes de

l’imputabilité de la sclérose en plaques

aux injections d’un vaccin, il revient au

juge de rechercher si les mêmes faits ne

constituent pas des présomptions graves,

précises et concordantes du caractère

défectueux des doses administrées à la

victime ; que, pour écarter le défaut du

vaccin, la cour d’appel a considéré qu’était

en cause l’utilisation du produit, voire sa

posologie et non un éventuel défaut ;

qu’elle relevait, encore, que rien dans la

littérature médicale contemporaine des

vaccinations ne justifiait une mise en

garde quant à la posologie recommandée,

soit six injections, et que c’est uniquement

à la suite de la réunion internationale du

21 septembre 1998 que la stratégie

vaccinale a été modifiée ; qu’elle relevait,

enfin, que le risque de sclérose en plaques

n’était apparu dans le Vidal et sur les

notices des vaccins qu’en 1994, qu’avant

cette date, les effets indésirables du

produit étaient encore inconnus et qu’il

n’existait alors aucune étude sérieuse sur

une éventuelle corrélation entre les

affections démyélinisantes et la

vaccination contre l’hépatite B ; qu’en

statuant ainsi, sans rechercher si,

indépendamment de la connaissance du

risque lié à une sur-vaccination, la seule

circonstance que le nombre d’injections ait

provoqué une apparition très rapide des

premiers symptômes de la sclérose en

plaques chez une personne en parfaite

santé, sans antécédents familiaux et

appartenant de surcroît à une population

présentant une rareté accrue de la maladie,

ne suffisait pas à faire présumer le

caractère défectueux des doses

administrées, la cour d’appel a privé sa

décision de base légale au regard des

articles 1386-4 et 1386-9 du code civil ;

3°/ qu’un produit est défectueux lorsqu’il

n’offre pas la sécurité à laquelle on peut

légitimement s’attendre et que, dans

l’appréciation de la sécurité à laquelle on

peut légitimement s’attendre, il doit être

tenu compte de toutes les circonstances et,

notamment, de la présentation du produit,

de l’usage qui peut en être

raisonnablement attendu et du moment de

sa mise en circulation ; que, pour écarter le

défaut du vaccin, la cour d’appel a

considéré qu’était en cause l’utilisation du

produit, voire sa posologie et non un

éventuel défaut ; qu’elle a encore relevé

que rien dans la littérature médicale

contemporaine des vaccinations ne

justifiait une mise en garde quant à la

posologie recommandée, soit six

injections, et que c’est uniquement à la

suite de la réunion internationale du 21

septembre 1998 que la stratégie vaccinale

a été modifiée et, enfin, que le risque de

sclérose en plaques n’est apparu dans le

Vidal et sur les notices des vaccins qu’en

1994, qu’avant cette date, les effets

indésirables du produit étaient encore

inconnus et qu’il n’existait alors aucune

étude sérieuse sur une éventuelle

corrélation entre les affections

démyélinisantes et la vaccination contre

l’hépatite B ; qu’en se fondant ainsi sur

des circonstances générales, tirées du

consensus médical à la date des injections,

sans avoir égard à toutes les circonstances

propres à établir que les doses injectées à

la victime étaient défectueuses, la cour

d’appel a privé sa décision de base légale

au regard de l’article 1386-4 du code

civil ;

17

4°/ qu’un produit est défectueux lorsqu’il

n’offre pas la sécurité à laquelle on peut

légitimement s’attendre et que, dans

l’appréciation de la sécurité à laquelle on

peut légitimement s’attendre, il doit être

tenu compte de toutes les circonstances et,

notamment, de la présentation du produit,

de l’usage qui peut en être

raisonnablement attendu et du moment de

sa mise en circulation ; que, dans ses

écritures d’appel, Mme X...avait fait valoir

que le laboratoire devait nécessairement

avoir analysé les effets de son produit et

avait invoqué les motifs du jugement

suivant lesquels « le laboratoire ne produit

aucun étude qu’il aurait faite

préalablement à la commercialisation de

son vaccin, et son ignorance supposée des

effets indésirables ne peut résulter que de

l’absence de recherche faite en ce domaine

» ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans

rechercher si, nonobstant l’évolution du

consensus médical postérieurement aux

injections litigieuses, le producteur du

vaccin avait pu légitimement ignorer le

risque d’apparition d’une sclérose en

plaques découlant d’une sur-vaccination,

la cour d’appel a privé sa décision de base

légale au regard de l’article 1386-4 du

code civil ;

5°/ que, dans ses écritures d’appel, Mme

X...avait fait valoir qu’à supposer que le

producteur ait réellement pris toutes les

précautions nécessaires, il lui appartenait

de fournir toutes les informations

nécessaires sur la posologie du produit, ce

qu’il n’a pas fait ; qu’en statuant comme

elle l’a fait, sans rechercher si, nonobstant

l’évolution du consensus médical

postérieurement aux injections litigieuses,

il n’appartenait pas au producteur du

vaccin d’en définir les conditions

d’utilisation, la posologie et de vérifier

l’innocuité de la multiplication des

injections, la cour d’appel a de nouveau

privé sa décision de base légale au regard

de l’article 1386-4 du code civil ;

6°/ que, dans ses écritures d’appel, Mme

X...avait soutenu que le vaccin ne

présentait pas la sécurité à laquelle elle

pouvait légitimement s’attendre, dès lors

que, pour produire son effet attendu contre

l’hépatite B, les injections avaient dû être

multipliées sur sa personne, sans que son

producteur n’ait mentionné le risque

découlant d’une telle multiplication, à

l’origine, suivant les propres constatations

de l’arrêt, de l’apparition de la sclérose en

plaques dont elle a été atteinte ; qu’en

s’abstenant de répondre à ces chefs de

conclusions, de nature à établir le défaut

des vaccins, la cour d’appel a violé

l’article 455 du code de procédure civile ;

7°/ que les juges ne peuvent procéder par

voie d’affirmation d’ordre général sans

indiquer l’origine de leurs constatations de

fait ; qu’en ayant énoncé, pour écarter la

responsabilité du producteur, que dûment

informée du risque de développer une

sclérose en plaques du fait de la

vaccination, Mme X...n’y aurait pas

renoncé, la cour d’appel a statué par un

motif d’ordre général et a ainsi violé

l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’aux termes de l’article

1386-9, devenu 1245-8 du code civil,

transposant l’article 4 de la directive 85/

374/ CEE du Conseil, du 25 juillet 1985,

relative au rapprochement des dispositions

législatives, réglementaires et

administratives des Etats membres en

matière de responsabilité du fait des

produits défectueux, le demandeur doit

prouver le dommage, le défaut et le lien de

causalité entre le défaut et le dommage ;

que, dès lors, il lui incombe d’établir,

outre que le dommage est imputable au

produit incriminé, que celui-ci est

défectueux ; que cette preuve peut être

rapportée par des présomptions pourvu

qu’elles soient graves, précises et

concordantes ; qu’il appartient aux juges

du fond ayant, au vu des éléments de

preuve apportés par la victime d’un

dommage, estimé qu’il existait de telles

présomptions que le dommage soit

imputable au produit de santé administré à

celle-ci, d’apprécier si ces mêmes

éléments de preuve permettent de

considérer le produit comme défectueux ;

Qu’examinant si, tant la situation

personnelle de Mme X...que les

circonstances particulières résultant

notamment du nombre des injections

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pratiquées établissent l’existence de

présomptions graves, précises et

concordantes du caractère défectueux des

vaccins commercialisés par la société

Sanofi et des doses injectées, l’arrêt

retient, d’abord, qu’il résulte des

différentes expertises exprimant un doute

sur l’utilité de si nombreuses injections,

que cet élément, relatif à l’utilisation du

produit, voire à sa posologie, ne constitue

pas une présomption permettant d’établir

le caractère défectueux des vaccins

administrés ;

Qu’il considère, ensuite, que le délai

écoulé entre la dernière vaccination et

l’apparition des symptômes ne constitue

pas non plus une présomption suffisante

en raison de la difficulté à dater

précisément les premiers troubles de Mme

X..., de la multiplicité des injections

pratiquées et des éléments de nature

scientifique remettant en cause la durée du

délai jusqu’à présent admise pour

caractériser l’existence d’un défaut ;

Qu’il constate, en outre, que les doutes

sérieux exprimés par certains experts sur

l’existence d’un lien entre le vaccin et la

maladie ne peuvent constituer une

présomption, dès lors que le défaut d’un

vaccin ne peut se déduire de l’absence de

certitude scientifique de l’innocuité du

produit ;

Que l’arrêt relève, de plus, que le fait que

Mme X...ait été en bonne santé avant la

vaccination, comme 92 à 95 % des

malades atteints de scléroses en plaques, et

qu’elle soit issue d’une population

faiblement affectée par la maladie sont

insuffisants, à eux seuls, à établir le défaut

du produit ;

Qu’il ajoute, enfin, qu’en ce qui concerne

la présentation du produit, le risque de

contracter la sclérose en plaques, qui

n’était pas mentionné lorsque les vaccins

ont été administrés à Mme X..., entre 1986

et 1993, n’est apparu dans le dictionnaire

médical Vidal et les notices des vaccins

qu’en 1994, année au cours de laquelle a

été menée une enquête nationale de

pharmacovigilance, de sorte qu’il ne peut

être reproché à la société Sanofi un défaut

d’information à cet égard ;

Qu’en déduisant de ces constatations et

appréciations souveraines qu’il n’est pas

établi que les vaccins administrés à Mme

X...étaient affectés d’un défaut, la cour

d’appel, qui ne s’est pas exclusivement

fondée sur des circonstances générales

tirées du consensus médical existant à la

date des injections, qui a procédé à la

recherche visée par la deuxième branche et

n’était pas tenue de faire les recherches

visées par les quatrième, cinquième et

sixième branches, que ses constatations

rendaient inopérantes, a légalement justifié

sa décision, abstraction faite des motifs

surabondants critiqués par la septième

branche ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le

pourvoi.

Document 12 : article L. 1142-1 II du Code de la santé publique.

II. - Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme

mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une

affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du

patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils

sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont

eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de

l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret,

apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie

privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte

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permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités

professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d’atteinte

permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d’un barème

spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.