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PROGRAMME 09h45 : Intervention liminaire de Myriam EL KHOMRI Maire Adjointe chargée de la prévention et de la sécurité - Ville de Paris 09h55 : Intervention de Christian MOUHANNA Directeur Général adjoint du CESDIP - Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales-CNRS-Ministère de la Justice - Université de Versailles-Saint Quentin 10h15 : Première table ronde « réarticuler Social et Sécurité » Cadrage de la table ronde, mise en débat des conclusions de la recherche intervention liminaire et animation d'André MOISAN - Maître de conférences en Sociologie - CNAM - LISE – CNRS 10h55 : Expression et retour d'expérience des élus des Villes Qui ont accueilli la recherche, expression des techniciens, expression des partenaires des services de Médiation 11h10 : Débat avec la salle sur la thématique 11h25 : Seconde table ronde : "Contre la société défiance : faire confiance à chacun pour créer des solutions innovantes" Intervention liminaire et animation d'André MOISAN Maître de conférences en Sociologie- CNAM - LISE - CNRS pour cadrage de la table ronde et mise en débat des conclusions de la recherche 11h40 : Expression et retours d'expériences des élus des villes, techniciens et partenaires 12h10 : Débat avec la salle sur la thématique Page 1 sur 74

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P R O G R A M M E

09h45 : Intervention liminaire de Myriam EL KHOMRIMaire Adjointe chargée de la prévention et de la sécurité - Ville de Paris 09h55 : Intervention de Christian MOUHANNADirecteur Général adjoint du CESDIP - Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales-CNRS-Ministère de la Justice - Université de Versailles-Saint Quentin

10h15 : Première table ronde « réarticuler Social et Sécurité »Cadrage de la table ronde, mise en débat des conclusions de la rechercheintervention liminaire et animation d'André MOISAN - Maître de conférences en Sociologie - CNAM - LISE – CNRS

10h55 : Expression et retour d'expérience des élus des VillesQui ont accueilli la recherche, expression des techniciens, expression des partenaires des services de Médiation

11h10 : Débat avec la salle sur la thématique 11h25 : Seconde table ronde : "Contre la société défiance : faire confiance à chacun pour créer des solutions innovantes"Intervention liminaire et animation d'André MOISAN Maître de conférences en Sociologie- CNAM - LISE - CNRS pour cadrage de la table ronde et mise en débat des conclusions de la recherche

11h40 : Expression et retours d'expériences des élus des villes, techniciens et partenaires

12h10 : Débat avec la salle sur la thématique

12h25 : Conclusion du Ministre de la Ville François LAMY (Ministre délégué auprès de la ministre de l'Egalité des territoires et du logement, en charge de la Ville (sous réserve de confirmation) 12h40 : Intervention du Président du Réseau des Villes Correspondants de Nuit Jean-Yves GERARDEt annonce de l'atelier sur les conclusions qui sera organisé l'après-midi sur place A partir de 15h : "Dessiner les contours d'une nouvelle forme de service public aux quartiers en 2013/ 2014"Animé par André MOISAN Maître de conférences en Sociologie- CNAM - LISE - CNRS et les membres du conseil d'Administration du réseau des villes correspondants de nuits et de la médiation sociale 17h00 : Clôture du séminaire

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A c c u e i l e t o r g a n i s a ti o n d e l a J o u r n é e

Jean-Yves GERARD :

Nous sommes loin d’avoir rempli les bancs correspondant à tous ceux qui étaient inscrits. Nous sommes confrontés à un mouvement social SNCF qui va empêcher un certain nombre de personnes de se joindre à nous, d’une part et d’autre part, aux mauvaises conditions de circulation pour ceux qui viennent du Nord de la région parisienne, qui vont être là, mais manifestement avec du retard. Donc, nous sommes ensemble, nous tous, plus ceux qui vont se joindre à nous, jusqu’à 13 heures et cet après-midi, nous allons prolonger pendant 1 heure, 1 heure et demie, pour parler des conclusions de nos travaux, conclusions de la recherche, qui auront été analysées et dans une perspective de programme d’activités, d’objectifs et de projets pour 2013 – 2014. Je n’en dirai pas plus, je passe la parole à Myriam, en tant qu’autorité d’accueil, et puis après, à Christian. Merci.

Myriam EL KHOMRI :

Merci beaucoup, Jean-Yves. Bonjour à toutes et à tous.

Merci d’être ici, aujourd’hui, parmi nous. Je suis heureuse, en effet, de vous accueillir à l’Hôtel de Ville de Paris pour cette journée de séminaire sur la Médiation Sociale et le Partenariat organisée par le Réseau des Villes Correspondants de Nuit. Je crois que ce n’est pas le premier séminaire. C’est le second.

Ce dispositif de médiateurs est, pour nous, particulièrement important puisque, vous le savez, à nos yeux, il a à la fois prouvé son utilité en direction des habitants et puis aussi son efficacité en direction des partenaires institutionnels.

Dès le début de son premier mandat, Monsieur Bertrand DELANOË avait souhaité, puisque la Ville de Paris ne dispose pas de compétences de police, que nous ayons une action particulière, notamment sur tous les problèmes rencontrés sur l’espace public, en termes de gestion, en termes de régulation et puis également, à l’heure où la visibilité des services publics n’est pas véritablement acquise dans certains quartiers ; l’idée était, notamment dans les quartiers populaires, d’avoir une présence de fonctionnaires municipaux sur cet espace public afin d’améliorer les choses. Il s’agissait véritablement d’un service public de proximité (je sais qu’il y a des différences, on en parlait en aparté avec Jean-Yves Gérard).

Nous avons fait le choix à l’époque, en 2004, au moment de la première installation de l’équipe sur le quartier de Belleville, d’une gestion directe, donc de la création de postes de fonctionnaires municipaux, dont beaucoup - près de 50 % au début - ont été issus d’anciens emplois jeunes qui étaient des agents locaux de médiation sociale.

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Nous avons donc travaillé à de nombreuses formations et nous avons donc, aujourd’hui, un service qui compte à peu près 130 fonctionnaires correspondants de nuit, avec 11 équipes sur 9 arrondissements.

Nous en souhaiterions plus parce que nous avons plusieurs quartiers populaires et Quartiers Politique de la Ville. Beaucoup de maires d’arrondissements demandent ce service-là, entre 16h00 et minuit, pour le fonctionnement au niveau de la Ville de Paris, mais vous savez que nous avons aussi connu quelques contraintes, notamment du fait que la création de postes, aujourd’hui, n’est pas vraiment d’actualité - même si l’an dernier, nous avons créé l’équipe à Stalingrad avec des problématiques, et je pense que cela est aussi important, liées au manque d’homogénéisation des problématiques par territoires. Nous voyons bien la différence entre des quartiers comme Stalingrad, où il y a une forte présence de toxicomanes et où la mission n’est absolument pas la même que sur des quartiers comme la rue Oberkampf dans le 11e arrondissement, qui sont des quartiers festifs et où il s’agit plus de régulation entre établissements nocturnes et voisins.

Nous avons créé ces postes parce qu’il nous semblait que, sur la voie publique, il était important de restaurer un peu le lien de confiance avec les habitants. Nous assumons le fait que nous les ayons mis, en priorité, dans les quartiers populaires. Cette permanence, le fait que ce soit toujours les mêmes personnes qui passent tous les jours au même endroit, n’est pas une pratique que les autres services sociaux peuvent se permettre de mettre en place. Je pense, par exemple, au Samu Social qui tourne sur tout Paris ou par grandes zones. Cette question de fidélité, d’identification au niveau local, et cette permanence de présence sont, pour nous, un atout extrêmement important.

C’est aussi, à nos yeux, un atout pour les services techniques et sociaux de l’ensemble des municipalités puisqu’ils font remonter les informations qui nous permettent une meilleure réactivité sur le terrain.

Nous avons, par exemple, testé sur l’équipe de correspondants de nuit du 13e arrondissement, des téléphones qui permettent, dès que l’on a des encombrants, de les prendre en photo, c’est géolocalisé et cela va directement au service de la Propreté.

Je pense qu’en nous modernisant, en allant vers ces nouvelles technologies, nous allons pouvoir permettre réellement cette meilleure réactivité et je le dis d’autant plus que, quand vous avez du verre cassé aux abords d’une école, il ne faut pas attendre le lendemain, au moment du passage du Service de la Propreté, mais il faut agir immédiatement. Donc je crois que cette réactivité, aujourd’hui, pour nous les services municipaux, a été une vraie question, un véritable enjeu et c’est aussi un vrai défi que nous n’avons pas encore totalement réglé, mais je crois que les correspondants de nuit y participent de façon importante.

Donc, cela contribue, à nos yeux, véritablement, à faire reculer aussi le sentiment d’insécurité dans ces quartiers. C’est une présence rassurante. Je ne dis pas que c’est dissuasif et que les phénomènes de délinquance ont disparu. Ce ne sont pas des services de Police, ce ne sont pas des services de Secours, je crois que c’est important de le rappeler et de le dire, au moment où l’on présente l’équipe aux habitants, parce qu’il est vrai que ces derniers ont le sentiment que l’on a remplacé la Police de Proximité par les Correspondants de Nuit qui seraient une sorte de placebo, quelque part, pour essayer de faire avaler la pilule.

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Je crois qu’il est extrêmement important de rappeler, quand on met en place une équipe, quelle est sa mission, quelles peuvent être les attentes et préciser qu’elle ne va pas concourir, par exemple, à démanteler des trafics de stupéfiants qui peuvent se développer dans certains halls d’immeubles.

C’est un élément, à nos yeux, extrêmement important. Concernant la Médiation Sociale, il y a un enjeu immédiat pour nous qui est de conforter l’action d’un certain nombre de médiateurs en leur assurant – nous en parlions également en aparté avec Jean-Yves - à la fois une reconnaissance professionnelle : ce n’est pas parce qu’ils ne font pas plein de choses qu’ils ne font rien - et je crois qu’il est important de dire précisément ce qu’ils font - et puis en leur assurant un déroulement de carrière.

En ayant fait de ces correspondants de nuit des fonctionnaires municipaux, nous nous sommes beaucoup « cassé les dents » sur cette question-là, parce que nous avons des correspondants de nuit qui sont très efficaces, très utiles, qui travaillent depuis 2004 mais, en 2013, la seule proposition que nous pouvons leur faire est de rester correspondants de nuit. Cela a été compliqué, parce que nous avons fait encadrer des équipes de correspondants de jour - je vous parle un peu de notre tambouille interne, mais je pense que cela est important car, pour ceux qui ont fait le choix de la régie directe, c’est un enjeu auquel nous aurions dû penser en 2004 au moment de la mise en place.

J’ai été nommée il y a deux ans et je peux vous dire qu’il s’agit d’un enjeu crucial. Aujourd’hui, il existe un mal être quelque part dans ces équipes parce qu’ils ont le sentiment que l’on a beaucoup fait de communication au moment de leur mise en place, qu’il y a une vraie reconnaissance médiatique bien sûr, une reconnaissance aussi de la part des habitants, mais pas sur le plan professionnel. Nous devons donc leur assurer une reconnaissance professionnelle et un déroulement de carrière.

Donc, cette année, nous allons créer un concours d’ASP-Médiation Sociale. Il s’agira d’anciens correspondants de nuit qui encadreront les nouveaux correspondants de nuit.

La question est assez complexe car, à une époque, il a été demandé à des inspecteurs de sécurité de venir les encadrer et qu’aujourd’hui ces inspecteurs s’entendent dire : « Merci, vous avez fait un bon travail mais, aujourd’hui, il vous faut retourner dans votre corps. »

Donc, il y a un enjeu d’équité, bien évidemment un enjeu de déroulement de carrière et puis un autre enjeu qui est le suivant : quand on a été pendant 6 ans correspondant de nuit, le soir de 16 h00 à minuit, et que l’on a des enfants, on estime que l’on pourrait avoir des horaires plus normaux et donc on va vers d’autres corps. Beaucoup demandent leur mutation dans d’autres corps, à juste titre - et je pense notamment aux femmes parce qu’il est vrai qu’il s’agit d’un corps au sein duquel il y a une proportion plus importante d’hommes, même s’il y a malgré tout une part importante de femmes par rapport à d’autres corps que l’on connaît à la Ville, comme les inspecteurs de sécurité, par exemple.

Il y a donc un véritable enjeu de ce point de vue-là et nous réussissons à avancer sur ce sujet.

Il a été très compliqué de créer un concours dans une période de crise mais, d’un autre côté, nous sommes obligés de le faire pour permettre aussi aux bons éléments de rester.

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Après presque 9 ans de maraudes sur le terrain, il y a une vraie connaissance, une vraie compétence et nous n’avons pas du tout envie de perdre cette connaissance et cette compétence. Donc ce concours se déroulera durant l’année 2013 ce qui représente, pour nous, un enjeu important.

Je crois, également, que garder ces compétences, c’est aussi un gage de confiance vis-à-vis des habitants parce que l’on voit bien que dans les quartiers populaires, beaucoup aimeraient devenir correspondants de nuit.

Nous avons aussi accueilli des jeunes en travail d’intérêt général au sein des équipes de correspondants de nuit, pas là où ils habitaient, bien évidemment, mais nous voyons bien qu’il y a un intérêt pour cette mission. Et puis, il y a aussi, à mon sens, une relation avec les commerçants, une connaissance du tissu associatif – Il est beaucoup question des partenariats, aujourd’hui. Je ne crois pas que le partenariat soit, dans d’autres services municipaux, à ce point au centre de toutes les actions. Les correspondants de nuit sont, pour nous, des facilitateurs de lien de ce point de vue-là.

Nous avons aussi une étude du CESDIP, en 2011, à la Ville, sur les équipes de correspondants de nuit faite par Jacques de MAILLARD et dont Fabien JOBARD avait fait la restitution ici-même.

Ce qui nous a semblé important dans le cadre de cette restitution, c’est que ce partenariat est, certes, important au moment de la formation, mais il est extrêmement important tout au long de la vie des équipes, et il est vrai qu’à un moment, nous n’avions pas, en central, vraiment revitalisé ce partenariat, c’est-à-dire que l’on avait des correspondants de nuit qui avaient un peu des spécialités, spécialités , bien sûr, dues au terrain, mais également, par exemple, l’aspect Jeunesse avait été vu au début et donc n’avait pas été suffisamment étayé, parce que le club de prévention était peut-être en retrait à ce moment-là.

La question du partenariat est donc un travail de tous les jours et, l’on voit bien, pour l’avoir quelque peu « reboosté » sur certains territoires, l’apport que cela peut constituer.

Aujourd’hui, je crois qu’il y a aussi un élément important qui est que la médiation sociale est un secteur en plein développement.

Il me semble qu’elle doit l’être beaucoup plus chez les bailleurs - en tout cas, il s’agit de ma vision, aujourd’hui, à l’échelle de Paris. Sur le domaine du transport, nous voyons qu’elle est bien mise en œuvre. Mais il y a aussi d’autres domaines, je pense à l’Education, je pense aussi bien évidemment à l’Economie Sociale, où ce travail de médiation sociale est extrêmement important, ou dans le domaine de la gestion des équipements culturels où nous avons créé beaucoup de postes de médiateurs à l’entrée d’équipements culturels : il me semble que pour créer du lien dans le quartier, c’est aussi un élément important.

Je ne serai pas plus longue. Je crois que ce séminaire, aujourd’hui, doit nous permettre vraiment de nous faire avancer ensemble, élus, services, chercheurs, professionnels, associations de la Sécurité et de la Prévention, parce que je crois que c’est vraiment sur nos territoires que se définiront des stratégies locales de Prévention et de Sécurité.

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Et puis je crois beaucoup à cette idée d’inscrire des agents sur le territoire, qui entretiennent ces liens. Restaurer un lien de confiance n’a pas de prix, finalement.

On le voit bien, d’ailleurs, lorsqu’arrive un « coup de chauffe » - je crois que l’on peut tous connaître, sur notre territoire, des « coups de chauffe » : des sortes, parfois, de règlements de compte entre bandes, des grosses bagarres aux abords de collèges ou, même, des manifestations de jeunes à encadrer. Ce lien de confiance tissé sur de nombreuses années est très utile, ce jour-là. Ce n’est pas comme mettre des inspecteurs ou des agents « lambda » autour des personnes. C’est construire de la paix sur les territoires et, de ce point de vue-là, pour moi, c’est un élément important même si nous n’avons pas tous les mêmes méthodes de travail, je crois que l’on peut vraiment apprendre les uns et les autres.

Et puis, enfin, il me semble que ce travail avec les acteurs de terrain doit nous permettre, vraiment, de répondre aux attentes des populations dans les quartiers populaires où l’on voit bien que restaurer ce lien de confiance est un enjeu important, et que, même s’il y a des changements urbains, si on améliore le cadre de vie, on voit bien qu’il y a ce sentiment d’abandon qui reste extrêmement présent, parce que la question du quotidien, des incivilités, de l’espace public dégradé, sont des enjeux extrêmement importants. On a beau faire de beaux immeubles, livrer des commerces, mettre un tramway, etc…, si l’on n’améliore pas non plus, d’un point de vue humain, le vivre ensemble, nous n’y arriverons pas.

Nous pensons que ces correspondants de nuit sont un peu ce trait d’union.

Nous devons faire beaucoup mieux – enfin, je le dis pour la Ville de Paris et Matthieu CLOUZEAU, le nouveau Directeur depuis 3-4 mois de la Prévention et la Protection de la Ville, le sait - à la fois, en leur assurant une reconnaissance mais, également, en améliorant leur visibilité et leurs compétences, en affirmant leurs compétences vis-à-vis d’autres services ou d’autres partenaires et, de ce point vue-là, il s’agit d’un enjeu extrêmement important.

Avant d’écouter Monsieur MOUHANNA du CESDIP sur l’étude qui a été réalisée sur les 5 villes, je voudrais ici en profiter pour remercier de façon très importante Jean-Yves GERARD, du Réseau des Villes Correspondants de Nuit, à la fois pour tout le travail qu’il accomplit mais aussi pour son investissement, ses relances et sa disponibilité. Jean-Yves, un grand merci à toi et tu nous retrouveras toujours à tes côtés.

Christian MOUHANNA :

Bonjour à tous et merci à Jean-Yves et aux organisateurs pour cette invitation.

Je ne suis pas le spécialiste de l’évaluation de la médiation, je laisserai la parole, tout à l’heure à Monsieur MOISAN qui fera cette évaluation.

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Je suis plutôt là, me semble-t-il, en tant qu’observateur, depuis un certain nombre d’années, des politiques de sécurité et de régulation, ce qu’en anglais, on appelle le « policing », mais qui ne revêt pas seulement les activités exercées par la Police mais plutôt toute cette activité, plus générale, plus large, de régulation et, plus généralement, en tant qu’observateur de l’ensemble de la chaîne pénale qui va de l’intervention policière jusqu’à la Justice.

Ce que je vais dresser est peut-être un bilan assez général, je n’ai pas le temps d’entrer dans des détails ou dans des explicitations de situations locales, ce qui sera fait par la suite.

D’ailleurs, cela ramène au problème qui est de penser souvent « général », alors qu’il faudrait agir plus « local ». Mon but est d’essayer de dresser un portrait général du fonctionnement de ces politiques de sécurité, surtout de pointer du doigt un certain nombre de problèmes qui demandent, justement, de nouveaux modes de fonctionnement et notamment le fait que, par rapport à toutes ces questions de régulation, il y a eu une évolution, tout de même, depuis une dizaine d’années : on a vu surgir une opposition que l’on pensait avoir surmontée, dans les années 90, qui est l’opposition entre prévention et répression. C’est-à-dire qu’on a assisté à une spécialisation des acteurs et c’est très net dans le cas de la Police Nationale, qui a été, en général (il y a des exceptions, bien entendu), plutôt orientée, à travers un certain nombre de textes de lois, d’orientations politiques, et aussi d’évolution professionnelles des acteurs policiers …, une Police Nationale, donc, plus orientée vers une activité plus strictement répressive.

Ces professionnels sont dans une situation de rupture assez forte. Ne serait-ce qu’à travers le terme de gardien de la paix, qui est un très beau mot pour désigner ce travail policier, l’on voit bien que la dimension répressive du travail policier est une partie du travail , mais qu’à côté, historiquement, il existe une dimension de régulation sociale qui est une dimension médiation, ce que l’on voit à travers les gardiens de la paix et ce que l’on voyait aussi, à l’époque, à travers ceux que l’on appelait les inspecteurs de police, qui avaient une connaissance territoriale, une connaissance des réseaux locaux de leur environnement, qui était assez forte.

Pour différentes raisons, depuis une dizaine d’années, il y a eu une érosion très forte de cette deuxième dimension de l’activité policière, de cette dimension de régulation, si bien que l’on voit, actuellement, lorsque l’on réalise des interviews avec des policiers que, lorsqu’on leur parle de leur rôle social, de leurs fonctions non strictement répressives, ils ont du mal à accepter cela ; l’idée du policier - assistante sociale les révulse, et j’insiste là-dessus car dans d’autres Polices, dans d’autres pays, ce n’est pas du tout le cas et il est tout à fait intéressant de voir cela. C’est un premier point.

Il est important de voir, et l’on pourrait regarder la Police parisienne mais, dans d’autres villes aussi, qu’il y avait une régulation « sortie des écoles », il y avait « l’intervention pour différends familiaux ou entre voisins » (il faut savoir que même dans les quartiers les plus difficiles, 70 à 80 % des appels de Police Secours concernent des différends familiaux ou entre voisins), ce qui implique une action qui peut être répressive dans certains cas, bien entendu, mais qui ne peut pas être que répressive, au risque de faire naître une insatisfaction chez les gens qui ont appelé.

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Il est intéressant de voir également que, dans beaucoup d’endroits, les gens appellent la Police « On a besoin de Police ! », celle-ci intervient et quand, après, il leur est demandé ce qu’ils ont pensé de l’intervention, ils sont déçus car c’est allé trop loin, trop fort et qu’ils ne voulaient pas que la réponse policière soit une réponse judiciarisée.

Cela m’amène à une parenthèse, qui est que cette judiciarisation extrême de beaucoup de problèmes - j’étais hier avec des Parquetiers qui travaillaient sur les mineurs qui me parlaient d’une augmentation de la judiciarisation de bagarres dans les cours d’écoles - va créer des cas judiciaires pour de plus en plus d’affaires et ainsi, engorger, submerger complètement l’appareil judiciaire qui n’est plus capable de faire le tri entre les affaires qui mériteraient un investissement important et celles qui mériteraient un autre type de régulation.

Donc, un système qui arrive un peu à ses limites avec une institution policière qui traite de plus en plus d’affaires mais qui n’arrive pas à maîtriser réellement toutes ces affaires qu’elle enregistre et qu’elle transmet à la Justice, et une institution judiciaire qui a du mal à organiser de la régulation sociale parce qu’elle n’est pas faite pour ça. Elle est faite pour réguler de gros problèmes et elle est de plus en plus encombrée par de petits problèmes qui, non seulement, ne vont pas être très bien traités, mais qui plus est vont l’empêcher de se focaliser sur les problèmes qui demanderaient un suivi judiciaire plus intense.

Il me semble qu’il faut être conscient de cette nécessité de déjudiciariser une partie de la gestion des problèmes si nous ne voulons pas aller vers un étouffement, une implosion de la machine et cela se sent tout de même très nettement.

Si l’on retourne du côté des policiers, il y a également cette idée que la confiance dans l’institution policière a beaucoup décru ces dernières années. Nous voyons bien qu’il y a, actuellement, au niveau du Ministère de l’Intérieur, une grosse réflexion sur les relations Police-Population.

On sent bien que, là aussi, nous sommes arrivés au bout d’un modèle et que cela pose un problème. La vraie question est : aura-t-on les moyens, la Police aura-t-elle les moyens, l’envie de faire ce qu’elle faisait auparavant, de la régulation sociale, de la sortie d’écoles, de la gestion de problèmes ? Ce qui est clair, c’est que, même si elle le fait, si elle le refait un peu plus qu’elle ne l’a fait ces dernières années, elle ne pourra pas le faire toute seule. Donc, évidemment, cela pose la question du partenariat, une question du partenariat qui a, souvent, depuis là aussi un certain nombre d’années, été annoncée comme la réponse à tous les problèmes.

On va faire du partenariat pour solutionner tous les problèmes. Cela a été fait, il y a un certain nombre d’années, avec les conseils de prévention de la délinquance, puis les CLS puis les CLSPD, etc...

Nous avons beaucoup de structures qui sont là pour organiser le partenariat.

En tant qu’observateur de ce partenariat, on va dire que, certes, cela peut être une solution mais que, pour chacun des acteurs, fonctionner en partenariat, c’est un problème.

C’est un problème ? Pourquoi ? Parce que l’on peut avoir deux types de partenariats.

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Le premier type - bien entendu, je vais caricaturer quelque peu pour rester dans les limites du temps raisonnable – il s’agit des partenariats qui, finalement, ont débouché sur la définition des rôles de chacun, le partage des rôles et puis, des frontières ont été construites. On a réaffirmé que la Police était là pour faire de la répression, les services sociaux, pour faire de la prévention ou de la gestion des problèmes sociaux, les services municipaux, ceci, cela …..

Et surtout, ce qui serait, pour moi, la seconde forme et la vraie forme de partenariat, qui est l’acceptation de ce que le partenaire puisse regarder, pour l’un, comment l’autre fonctionne, et vice et versa.

Autrement dit, la vraie difficulté est de passer d’un partenariat formel avec un partage des rôles où l’on créé des frontières, ce qui est tout de même l’antinomique du partenariat si l’on regarde bien, à un partenariat où chaque service accepte que l’autre puisse avoir un regard critique sur son propre fonctionnement.

Concrètement, au sein de services policiers : « On a des femmes battues la nuit, qu’est-ce qu’on en fait ? » « Je n’ai personne que je peux appeler pour héberger cette femme. »

Dans certains endroits, nous sommes allés plus loin. Une réponse à ce genre de problématique a pu être mise en place.

Et c’est là où l’insistance mise sur la répression dans le travail policier a, en quelque sorte, piégé les policiers eux-mêmes à travers ce que j’appelle « l’injonction sécuritaire », c’est-à-dire que l’on a vu beaucoup d’institutions, beaucoup d’organisations, finalement, trouver dans l’étiquette « sécurité » une façon de se débarrasser – je suis un peu abrupt – d’un certain nombre de problèmes.

Je reviens à ce que je disais sur la gestion des cours d’écoles : on voit bien comment, au départ, il y a une tradition dans les établissements scolaires de ne pas trop appeler la Police, de ne pas trop y recourir, et puis l’on voit apparaître un petit partenariat dans les cas les plus graves et puis, au bout d’un moment, l’Education Nationale ayant ses propres problèmes de personnels, d’encadrement, de surveillants, etc..., de plus en plus de problèmes, qui vont être de moins en moins graves, vont être transmis à la Police avec l’idée que le policier doit intervenir strictement dans la répression.

On ne veut surtout pas d’un policier qui intervienne pour dire : « Attention, peut-être que ça ne mériterait pas un traitement policier ou un traitement judiciaire.» Non. On veut un policier qui intervienne avec la casquette purement répressive, on l’enferme là-dedans, si bien que les policiers, eux-mêmes, se sont retrouvés prisonniers de cette logique qui va participer à l’inflation que je décrivais tout à l’heure entre Police et Justice qui est de faire des cas judiciaires de tout.

On va tout faire passer dans la machine judiciaire, mettre en place des politiques de style « tolérance 0 », etc... Et l’on voit bien comment on ne maîtrise plus rien.

Et, liée à cela, c’est une crise de l’autorité. A travers la répression, on croit affirmer une autorité suivant le vieil axiome qui est que « la sagesse commence par la peur du gendarme », énoncé par un Ministre de l’Intérieur, il y a quelques années.

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Mais, concrètement, cela ne marche pas et, à force de tout traiter sur le même mode répressif, le policier, aux yeux des habitants, aux yeux des personnes qui sont concernées par son intervention, devient une caricature de lui-même.

Les policiers qui, auparavant, savaient très bien jouer sur l’échelle « prévention-répression-je ferme les yeux de temps en temps – j’essaie de régler des problèmes, mais si ça ne va pas je peux faire de la répression », aujourd’hui glissent vers une intervention purement « on va faire un dossier judiciaire, on va transmettre à la Justice », et ils se décrédibilisent complètement, ils ne deviennent plus des acteurs, ils deviennent uniquement des vecteurs avec un caractère passif.

On voit bien comment, par rapport à la crise de l’autorité ressentie par les policiers, les habitants des secteurs qui sont le plus concernés par les problèmes de sécurité ou de régulation posent la question de l’utilité sociale des policiers, ce que les anglo-saxons appellent la « comptability » - je suis désolé, j’utilise plusieurs termes anglo-saxons, mais nous n’avons pas de mots aussi adéquats pour parler de cela.

La question pour ces gens-là, c’est : « A quoi sert la Police, à quoi vous servez ? » et évidemment, là-dessus, il y a des réflexions actuellement. La Police, toute seule, ne peut pas s’en sortir, elle a besoin de ce partenariat, mais elle a besoin d’un partenariat critique, c’est-à-dire où tout le monde peut dire : « Excusez-moi, les Services Publics, les éclairages ne fonctionnent pas, les poubelles ne sont pas ramassées... ».

Nous connaissons la « théorie de la vitre brisée », cette idée que si un quartier apparaît à l’abandon, cela génère :

1°) le sentiment d’insécurité,

2°) une incitation à se comporter de manière non régulée, non régulière dans l’espace public. Et nous savons que si l’on commence déjà par perdre l’espace public, par perdre cette idée que les institutions tiennent, ou en tout cas sont présentes dans l’espace public, on sait que l’on perd toute faculté de régulation ultérieure.

Donc, il me semble que c’est important.

Je ne vais peut-être pas être très long, mais ce qui me paraît également important, pour conclure, et surtout, face à la complexité des problèmes auxquels nous avons à faire face et la complexité des politiques publiques, avec des problèmes – évoqués à l’instant – de gestion à l’intérieur de chacune de ces institutions, il n’est pas simple de gérer ces services, il n’est pas simple de gérer les carrières professionnelles des gens, il n’est pas simple de gérer leurs rapports à l’extérieur. Il est bien connu que lorsqu’on envoie de jeunes policiers venant de villes tranquilles de la province française affronter des banlieues – je dis « affronter » parce que c’est dans cette logique-là qu’ils fonctionnent car ils reçoivent un choc – et l’on voit bien comme ce désarroi participe à la perte de confiance et à la perte de crédibilité puisque crédibilité et confiance vont évidemment de pair.

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La question que l’on doit poser pour rétablir la confiance, et j’utiliserai presque des termes marchands, est la suivante : qu’est-ce que le citoyen ou l’habitant d’un quartier a à recevoir de ces institutions en échange de quoi, il leur donnera de la crédibilité de la confiance et il reconnaîtra leur autorité ?

Donc, par rapport à cette complexité, il est essentiel d’avoir une spécialisation territoriale, d’avoir des agents qui sont territorialisés dans la Police Nationale - on parlait à une époque de Police de proximité, d’ilotage, etc... - Cette spécialisation territoriale n’a plus cours dans la Police. Je ne sais pas si l’on y reviendra ou pas. C’est une question intéressante, importante, à laquelle nous n’avons pas de réponse, actuellement, très claire.

La vraie question est que, face à cela, qui va être l’interlocuteur, qui va être le spécialiste du local, le spécialiste du territorial ? Nous avons besoin de cela et un certain nombre d’institutions ne sont pas capables de jouer ce rôle.

Cela m’amène donc à une conclusion qui est cette nécessité d’être dans une démarche qui soit loin d’idéologies de type soit « tout préventif » soit « tout répressif » dont on sait très bien qu’elles ne marchent pas, et d’aller dans une logique de résolution de problèmes, c’est-à-dire répertorier quels sont les problèmes, et en fonction de l’identification des problèmes, savoir s’il faut être répressif, préventif, ne pas le décider a priori mais le décider a posteriori, en fonction du problème qui se pose et voir des solutions mixtes où il faut peut-être 25 % de répressif et 70 % de préventif ou de social.

La force des institutions c’est de savoir jouer sur les deux tableaux et de ne pas être ni d’un côté complètement, ni de l’autre. Quelles que soient les politiques publiques émanant du centre, on a besoin de politiques publiques qui soient locales, qui soient peut-être même moins que des politiques mais plutôt des recherches de solutions à des problèmes particuliers. Les problèmes sont trop complexes pour être résolus depuis un ministère centralisé et donc il y a besoin de cette invention du local. Il me semble, à travers les exemples que l’on a vus tout à l’heure, que cela correspond à peu près à des réponses au bilan, certes, un petit peu noir que j’ai pu faire assez rapidement.

Je vous remercie.

Jean-Yves GERARD :

Tu as bien posé le cadre de la problématique et nous allons voir, ce matin, qu’au-delà de tout cela, comme tu l’as dit, il s’agit de la transformation du paradigme d’organisation de l’action publique et, par voie de conséquence, les changements qui peuvent affecter les services qui portent l’action publique et comment, sur un territoire, avec des réponses locales, l’on peut composer en fonction d’un climat, d’une ambiance, mais aussi en fonction des questions posées, des réponses les plus pertinentes.

On voit, on entend les professionnels eux-mêmes, sur le terrain, se poser des questions, dialoguer avec les médiateurs et puis, ensemble, convenir de modalités de traitement des problématiques posées.

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Sur cette première table ronde, il s’agit là de regarder la situation de La Rochelle et d’Ollioules que tu as, André, commencé à brosser dans les documents qui vous ont été distribués et j’ai appelé Bernard HECKEL pour contribuer à la table ronde ainsi que Patrick COTTIN de façon à ce que, ensemble, vous puissiez réunir vos interventions et vos réflexions autour de cette première problématique.Je pense que ce n’est pas le public nombreux qui va impressionner vos interventions de ce matin.

Donc, ce matin, pour cette première table ronde, c’est Ollioules et La Rochelle : Louis pour La Rochelle et Michel pour Ollioules.

Première table ronde : « Réarticuler Social et Sécurité »

André MOISAN :

Merci Jean-Yves, merci Christian MOUHANNA d’avoir campé d’une certaine façon les décors en creux, de la médiation.

Ce que nous vous proposons, avec les deux tables rondes qui vont suivre, c’est de restituer cette étude qui a été conduite dans cinq villes : Evere de la Communauté de Bruxelles en Belgique, Limoges, La Rochelle, Orléans et Ollioules.

Pour vous situer l’enquête, celle-ci était centrée sur la question du partenariat qui a été évoquée tout à l’heure de façon très concrète, mais avec une méthode très rigoureuse et exigeante qui était de partir de cas.

Nous sommes ici vraiment dans le complément de ce qui a été évoqué auparavant, dans la mesure où l’on part du micro, du terrain et du spécifique et le but est de reconstituer, à partir de deux cas précis qui sont : un conflit de voisinage et ce qu’on a qualifié de « jeunes désaffiliés », comment à travers l’action se construisaient les relations entre les différents acteurs, très concrètement, dans la logique d’action, beaucoup plus que le partenariat officialisé. C’est cela que nous avons regardé très concrètement et de façon rigoureuse.

C’est, d’une certaine façon, cela, que nous voulons partager avec vous : partir de situations concrètes et locales et, à partir de là, d’essayer de construire un certain nombre de conclusions.

Les conclusions sont déjà quelque peu campées, quelque peu dressées, dans le texte de brèves synthèses de l’étude, qui d’une certaine façon, se résument en deux grands points consubstantiels à l’activité de la médiation sociale - et donc cela devient vraiment un complément de l’intervention de tout à l’heure – être une activité pour solliciter un partenariat, et désigner une logique d’action d’un certain nombre de partenaires à partir de cas dont la médiation sociale est saisie.

C’est une première grande caractéristique qui ressort de cette étude.

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La deuxième caractéristique, en écho à ce qui a été dit tout à l’heure, est la reconstruction de la confiance avec des modalités particulières qui vont être exposées.

C’est cela qui fait le contenu des deux tables rondes qui vont suivre, parce que l’idée est justement de resituer l’étude à travers la participation des acteurs proprement dits de la médiation sociale.

Ce que je vais peut-être proposer, dans un premier temps, c’est que les personnes qui sont là, autour de moi, se présentent rapidement et puis je les solliciterai sur des points précis et nous essaierons d’organiser dans un temps court un débat avec la salle, avec le fait du contrôle du temps, donc, Jean-Yves, je te confie cette mission : nous avons, en gros 7 minutes chacun. Mais, enfin, là il s’agit d’une présentation rapide : qui êtes-vous ? Qui représentez-vous ?

Bernard HECKEL :

Bonjour, Je suis Chargé de Mission au Comité National de Liaison des Associations de Prévention Spécialisée, donc le CNLAPS pour faire plus court, et le CNLAPS, d’emblée, à partir du moment où votre Réseau a sollicité un certain nombre de partenaires, nous sommes un partenaire national, a répondu « oui ». C’est important et je dirai pourquoi c’est important tout à l’heure.

Louis LE BLEVEC :

Bonjour, je suis Directeur de l’Agence Locale de Prévention et de Médiation Sociale sur l’agglomération de La Rochelle. Je vous en dirai plus tout à l’heure.

Michel MAACK :

Bonjour, je viens de Toulon. Ligue Varoise de Prévention. Je suis Chef de Service, chargé des équipes de prévention spécialisée sur l’agglomération toulonnaise et dans un même temps Chef de Service des Correspondants de Nuit et l’articulation se fera tout à fait naturellement pour parler de partenariat et de synergie, au moins en interne.

Patrick COTTIN :

Bonjour, je dirige une maison des adolescents en Loire Atlantique et je suis Secrétaire Général de l’Association Nationale des Maisons des Adolescents. Nous nous sommes rencontrés avec Jean-Yves GERARD parce que nous sommes rennais, tous les deux et il a convenu que je pouvais apporter, peut-être une contribution sur la question notamment de la coordination dans le partenariat.

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André MOISAN :

Merci. Je vous propose de démarrer d’emblée par un cas, un cas parmi d’autres, mais un cas qui illustre la façon dont la médiation sociale se saisit, est autosaisie, d’un problème et comment, du coup, se tisse un partenariat.

Je vais très rapidement le décrire et je vais passer la parole à Louis pour lui poser un certain nombre de questions.

Voilà la situation que je campe. Il s’agit d’un jeune, Christian, qui est en fugue. Il est placé dans des familles d’accueil, mais il revient sans arrêt dans le quartier où vit sa mère biologique et, en revenant dans le quartier, d’une part, il interroge les habitants et d’autre part, il perturbe la vie du pâté d’immeubles.

Lorsque l’on reconstitue un peu les choses, il y a d’abord, évidemment, les résidents du quartier qui sont en ambivalence, ce qui est souvent le cas, c’est-à-dire que, d’une part, ils sont quelque peu désarçonnés par ce jeune qui traine dans le quartier et qui a l’air d’être abandonné et donc ils s’interrogent – la grande question qui rejoint un peu la question de tout à l’heure - : « Mais, que font les institutions ? » et d’autre part, il créé des perturbations, donc il y a quand même une agressivité qui se développe par rapport à lui.

Et donc, lorsque l’on regarde l’activité de la médiation, c’est d’abord, évidemment, d’écouter cette interpellation des résidents et puis se mettre en relation avec les assistants sociaux de la Direction Territoriale d’Action Sociale qui a une présence dans le quartier et ensuite relayer cette question : « Mais que font les institutions ? ».

En fait, c’est un jeune qui est suivi, qui est placé en famille d’accueil. Donc il y a bien un dossier qui existe, mais il y a le temps du traitement du dossier qui n’est pas forcément le temps des situations vécues sur le terrain.

Les médiateurs relayent cette information auprès des habitants, mais c’est un peu plus compliqué car il y a, effectivement, aussi la Brigade des Mineurs qui est chargée de la Protection de l’Enfance et de la Jeunesse avec pour mission de récupérer ce jeune pour le replacer dans sa famille d’accueil et donc, là, d’une certaine façon, la médiation a une position particulière.

En même temps, elle facilite l’intervention de la Brigade des Mineurs dans sa mission tout en n’étant pas un instrument à sa dévotion.

Il y a également tous les acteurs de proximité parce que ce jeune, Christian, se déplace, fréquente le Centre Social, la Médiathèque, est en contact avec les référents du Programme de Réussite Educative et donc, d’une certaine façon, la médiation assure une sorte de lien, de point de contact, une sorte de plateforme, si vous voulez, de relation d’informations entre tous ces acteurs autour du jeune et de la famille.

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Et puis, un autre élément qui est extrêmement important, c’est le fait que la médiation ait en contact permanent avec Christian, mais aussi avec sa mère biologique qui est un peu perdue par rapport à ce qui lui arrive. La médiation est un lieu où la mère peut s’exprimer et peut « décompresser », comme le dit si bien une médiatrice qui a été interrogée.

Voilà, en gros, le cas tel qu’il se décrit, mais les autres cas que l’on a étudiés sont vraiment similaires à celui-ci.

Je voudrais à présent poser la question à Louis qui dirige l’équipe de médiateurs : sur place, concrètement, quels sont les commentaires que l’on pourrait faire et comment se construit le partenariat ? Est-ce si rose que cela ? Est-ce si facile ? Collabore-t-on si facilement avec les assistants sociaux et la Brigade des Mineurs ?

Louis LE BLEVEC :

Cela n’a pas toujours été facile. C’est peut-être plus simple maintenant, bien que dans chaque situation, le partenariat est réinterrogé. Ce qui fait, en tous les cas, la solidité d’un partenariat, puisque la question qui m’était posée était : comment se construit le partenariat ? Ce partenariat se construit au fur et à mesure, en construisant un capital de confiance qui part, premièrement, d’un socle de légitimité qui s’appuie sur le fait que la médiation soit dans le Plan Départemental de Prévention de la Délinquance, mais aussi partenaires par l’intermédiaire d’une Convention Adultes Relais entre la collectivité locale qui est la Communauté d’Agglomération de La Rochelle et des bailleurs.

C’est déjà le socle de compétence minimum qui permet d’établir un partenariat solide. Mais ce n’est pas suffisant parce que, pour que ce partenariat fonctionne, il faut que la médiation soit intégrée dans les réseaux existants.

Les réseaux existants c’est à la fois les réseaux des acteurs sociaux, donc les services sociaux, mais c’est aussi le réseau couvert par le Programme de Réussite Educative et c’est également des échanges réguliers avec les partenaires, de la gestion urbaine de proximité.

Donc cela suppose, au quotidien et depuis maintenant treize ans, une présence dans les quartiers, des échanges réguliers avec les acteurs, le rappel des missions des uns et des autres, surtout lorsqu’il y a des changements d’acteurs, cela me paraît être important.

Une fois que ce cadre est posé, je crois que l’on peut parler de la mise en place d’un partenariat, sans oublier que ce partenariat ne peut fonctionner que si le dispositif de médiation est crédible, à savoir que le dispositif doit être très exigeant en termes de recrutement, qu’il doit être exigeant, également, dans les formations qu’il propose aux médiateurs et aux correspondants de nuit et qu’il doit également savoir s’adapter.

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Il est vrai qu’avec tous ces ingrédients, on commence à avoir l’esquisse d’un partenariat qui fonctionne puisque dans le cas de Christian, ce sont à la fois les bailleurs qui ont été sollicités, la Brigade des Mineurs également, et aussi les services sociaux, le Programme de Réussite Educative et la population qui a été interpelée mais qui, dans une situation où Christian se présentait comme victime, prenait parti pour Christian et avait tendance à rejeter la faute sur les institutions.

D’où l’importance d’un partenariat pour éclairer l’ensemble des acteurs et être l’intermédiaire, faire la navette entre les différents acteurs, la population, la mère de Christian et Christian lui-même.

André MOISAN :

Merci Louis.

Il faut dire que, c’est vrai ce que tu dis, c’est un apprentissage long, parce que je crois que vous bénéficiez d’une expérience de dix ans et donc, effectivement, il a fallu cet apprentissage pour que chacun puisse bien comprendre l’action des uns et des autres.

Pour continuer cette exploration, il y a un élément qui apparaît justement dans le partenariat, quand on dit que le partenariat c’est vraiment le cœur de métier de l’activité de la médiation - même s’ils s’appellent correspondants de nuit - et en particulier, ce qui apparaît à travers l’étude, c’est justement le fait qu’à travers ce partenariat, se réarticule de façon différente cette question de la sécurité, de la tranquillité publique et la question plus large du travail social et autres.

Ce qui apparaît c’est que la médiation des correspondants de nuit est souvent saisie sur des questions qui apparaissent comme des questions de tranquillité publique et lorsqu’ils s’en sont saisis, ils sollicitent le réseau de partenaires qui, suivant la situation, vont être des partenaires de santé mentale, des partenaires éducatifs, du travail répressif, des partenaires de travail social, des partenaires de prévention spécialisée.

Cela nous amène au cas d’Ollioules, Banlieue de Toulon et donc avec une médiation sous forme de correspondants de nuit mise en œuvre par la Ligue Varoise de Prévention qui a une mission de médiation, en même temps que de prévention, et en même temps que d’espace santé - jeunes et qui a une caractéristique forte qui est le fait qu’elle est, pour l’essentiel, financée par le Conseil Général dans son action sociale et qui, à la fois, d’un point de vue opérationnel est très fortement impliquée avec la Mairie d’Ollioules, dans la Banlieue de Toulon, avec, en particulier, toutes les semaines, et même je crois tous les mardis matins, une réunion opérationnelle avec tous les partenaires de la tranquillité publique.

Ce qui veut dire que, d’une part, vous êtes vraiment à l’articulation entre des missions financées d’action sociale et d’autre part, d’un point de vue opérationnel, vous êtes impliqués très concrètement dans cette mission, justement, de tranquillité publique.

Comment cela se passe-t-il ?

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Michel MAACK :

Juste avant de répondre à cela précisément sur Ollioules, pour situer, quand même, tout à l’heure j’ai parlé d’un seul et même chef de service, d’un projet associatif pour des services différents, en prévention spécialisée et médiation sociale.

La Ligue Varoise de Prévention, c’est onze équipes de prévention spécialisée sur les communes de Toulon, La Garde, Ollioules et toute l’agglomération et un service de médiation sociale qui s’est créé en 1999, il y a treize ans. Cela n’a déjà pas été simple et évident que de créer un nouveau métier au sein même de la Ligue Varoise de Prévention. Les équipes éducatives en prévention spécialisée n’ont pas perçu cela d’un bon œil au tout démarrage du service.

Un métier différent.

On m’a dit : - « Ce n’est pas de l’éducation, qu’ils vont faire ! » -« Non, non, notre métier, c’est la médiation ! ».

Cela a été rapide, c’est-à-dire qu’en deux, trois ans, on a réussi à articuler - puisqu’on intervient sur exactement le même territoire géographique, en tout cas sur Ollioules et l’ouest de Toulon - les deux équipes de nuit et de jour en prévention spécialisée, des horaires différents, mais avec les mêmes principes, la même direction, le même chef de service et qui était déjà gage de confiance qui devait se faire au sein même de l’entreprise.

Nous nous sommes également attachés, comme l’a dit Louis, à tout ce qui était de l’embauche du personnel. Nous avons eu des personnes qui étaient emplois-jeunes mais cela ne représentait que 20 %, le reste étant des personnes qui étaient déjà éducateurs spécialisés, et ne serait-ce que pour répondre à la première personne qui était intervenue, en termes de professionnalisation et d’imaginer un futur au bout de six ans, sept ans, huit ans, toutes les personnes qui intègrent la Ligue Varoise de Prévention l’intègrent avec un diplôme d’éducateur spécialisé ou moniteur-éducateur et ont la perspective de pouvoir, un jour, passer d’un service de nuit à une équipe de prévention spécialisée ou inversement, ce qui est beaucoup plus rare.

C’est-à-dire que, dans la projection de l’employé, donc de l’éducateur, il peut être éducateur spécialisé, intervenir sur une fonction de médiateur et, pour autant, au bout de trois, quatre, cinq ans, intégrer une équipe de prévention spécialisée. Cela a largement facilité, non seulement un ailleurs ou un devenir pour chacune des personnes qui rentrent dans l’entreprise, mais aussi une articulation naturelle.

Maintenant, revenons sur la réunion du mardi matin. Là, on voit bien qu’entre la médiation, la prévention spécialisée et l’espace santé-jeunes, il y a un seul et même chef de service, une seule et même personne.

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Normalement elle a lieu ce matin, donc c’est un éducateur spécialisé qui m’a remplacé à cette cellule de veille qui a lieu tous les mardis matins, c’est-à-dire cinquante et une semaines dans l’année et qui réunit les deux Polices Municipale et Nationale, les pompiers, le collège une fois de temps en temps - c’est-à-dire, en gros, une fois par mois – la Protection Judiciaire de la Jeunesse, la Prévention Spécialisée, mais beaucoup plus la Médiation, enfin la Ligue de Protection Varoise, sous l’autorité de Monsieur l’élu à la Sécurité et à la Tranquillité Publique.

Il a fallu quand même trois, quatre, cinq ans, parce que, non, cela n’a pas été évident du tout - et même encore aujourd’hui ce n’est pas toujours évident - mais nous nous connaissons maintenant assez bien depuis dix ans - parce qu’Ollioules, c’est dix ans de pratique - pour nous être apprivoisés et surtout avoir respecté les métiers de chacun et la médiation sociale comme la prévention spécialisée, « Ni Zéro ! Ni Zorro ! », on ne pouvait pas attendre d’eux qu’ils résolvent tous les problèmes et il ne fallait pas non plus les condamner en disant « Ils ne servent à rien, ils ne peuvent rien faire ! »

Donc il y avait quelque chose où les logiques étaient particulières.

La logique de la prévention spécialisée tutelle Conseil Général, Protection de l’Enfance.

Il y a dix ans, les lois de 2007 n’étaient pas sorties et donc le Conseil Général défendait bec et ongles les principes de la prévention spécialisée et de non-rencontre, justement, de certains, entre guillemets, « partenariats ou protocoles ».

La deuxième logique, c’est la prévention de la délinquance et celle-ci est partagée par les élus des communes qui nous disent : « Non, non, très bien, protection de l’enfance, moi, ça me va ! » Mais ce qui me préoccupe, moi, c’est la tranquillité publique.

C’est : Faites en sorte que les concitoyens arrivent à mieux vivre ensemble et à nous, Ligue Varoise de Prévention, c’est-à-dire, moi-même, d’essayer de conjuguer continuellement le « répondre aux attentes de la Ville et de l’élu » et le « répondre aux exigences du Conseil Général qui est à la tutelle ».

J’en rajoute une couche : c’est que le département du Var, depuis maintenant une bonne douzaine d’années, exige dans le cadre de la prévention spécialisée, compétence obligatoire du département, la participation financière des villes. Qui dit « participation financière », qui plus est lorsque c’est 50 % - ce qui est énorme -, dit « tutelle » et « qui paye décide » donc il est normal que la ville puisse dire : « Moi, je respecte votre métier mais j’attends, ça, ça et ça ! ».

Les lois de 2007 ont posé les deux lois le même jour : Protection de l’Enfance, Prévention Délinquance, avec le maire comme pivot de toute l’action prévention-délinquance.

Là, Monsieur l’élu qui organise et qui anime les réunions du mardi matin, observatoire, souhaiterait bien entendu parler du petit Adrien, du petit Paul et du petit Mokhtar. Il apprécierait, parce qu’en fait, Ollioules est une petite ville de 13.000 habitants, avec une âme de village.

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Donc, tout le monde se connaît, les élus sont au quotidien dans la rue et rencontrent leurs concitoyens continuellement et nous, de leur dire : « Non, non, on ne va pas parler d’Adrien, on ne va pas parler de Paul, on ne va pas parler de Mokhtar, ce n’est pas cela, on va parler d’une ambiance et surtout, on va alerter sur des lieux, des endroits et sur des problématiques et l’on va voir, en même temps, qui va se charger de cela. » En priorité, les correspondants de nuit, éventuellement, parce qu’on ne va pas envoyer la cavalerie, ni les pompiers ce qui exacerberait encore dans les cités des passages à l’acte.

On nous alerte : « Là ce serait bien d’y aller parce qu’avant d’envoyer les Polices, voyez ce que vous pouvez faire pour temporiser. » Ensuite, il y a les Polices. Donc c’est vraiment quelque chose qui est gradué et, dans le partenariat, on est bien malheureusement dans le « chacun sa part » et « chacun sur une tâche bien précise ». Les médiateurs ne sont pas des « flics » et ils refusent de l’être. De plus, ils n’ont pas ces prérogatives. Les médiateurs sont dans la création et l’entretien du lien social, dans de la veille sociale. Ils sont bien encore les derniers, avec la prévention spécialisée, en tout cas à Ollioules et sur Toulon, à effectuer ce que l’on appelle des VAD (visites à domicile).

Les visites à domicile ont lieu quasiment tous les soirs, dans les familles pour les parents, chez des personnes âgées qui se sentent un peu « flippées » : « A huit heures du soir, la nuit tombe, je ne suis pas bien », et en même temps que pour certaines personnes atteintes de pathologies relativement lourdes, et sur lesquelles il y a un besoin d’écoute attentive, d’un relai au niveau de l’espace santé – jeunes, voire de professionnels de santé qui sont dans l’hospitalier ou autres.

Ces réunions du mardi matin, cela a été régulièrement :

« Le petit Adrien, que devient-il ? » « Ecoutez, cela ne vous regarde pas, nous, ce que l’on peut vous dire c’est que vous nous avez alertés sur le cas du petit Adrien et nous nous en occupons ! Nous allons voir ce qu’il en est ! »

C’est la notion d’information. C’est la crainte de l’information pour de l’information. Mais qu’en fait-on de l’information ? L’information, s’il y a un plan d’action derrière qui va viser à soutenir le public et l’usager : oui ! Informer pour marquer sur un P.V. : non ! Informer uniquement pour savoir ce qu’il en est : non ! La curiosité, il n’y en a pas !

Il y a souvent eu des « clashs » avec les élus, mais ils ont réussi aussi à comprendre, nous avons réussi à nous apprivoiser et à apercevoir l’intérêt parce que cela a été pertinent et les situations comme celles-là, comme celle de la jeune fille qui va suivre, ou conflits de voisinage, ont toujours trouvé un aboutissement.

Et, là, effectivement, on s’aperçoit que cela fonctionne et qu’il ne faut pas tout casser : c’est-à-dire soit, moi-même, en me braquant, soit l’élu, en imposant. Qu’il y ait une demande, je l’entends, nous allons répondre à ces attentes, nous allons répondre, surtout, à un besoin.

Il faut savoir que le terme de « secret professionnel » sur lequel on revient constamment, n’est plus employé aujourd’hui avec les élus, on ne l’emploie plus. C’est un mot qui est condamné. On part du principe que le secret est inscrit. Il n’y aura pas, autour d’une situation individuelle, si l’individu n’est pas au courant, s’il n’est pas présent, de partage de sa vie, de son temps, de ce qu’il en est.

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Et ce que nous allons essayer de faire avec les individus, c’est, notamment dans la médiation sociale, de conduire l’usager à aller dire : « Ecoute, tu as un souci, un problème, est-ce que tu acceptes que l’on en parle ou pas ? » S’il dit : « Oui, mais, moi, il me faut une solution ! », à ce moment-là, il nous autorise à lever le secret et, de là, nous pouvons échanger la partie qui est nécessaire. La partie qui est nécessaire uniquement et toujours dans le but de servir l’usager.

A partir du moment où l’on risque de faire naitre une nuisance pour cet individu, là, tout est bloqué. Tout est bloqué même si l’on part du principe que : « Mais, non, nous sommes tous soumis au secret ! » C’est faux. Les travailleurs sociaux, eux-mêmes, n’ont pas toujours autant de facilité que cela. L’éducateur de prévention spécialisée, avec l’assistante sociale de l’UTS ou l’assistante sociale du collège - même corporation - n’ont pas toujours la facilité de pouvoir échanger par exemple.

Je ne vous parle même pas de la Police, qui a aussi un secret particulier et du médical. Quel éducateur ou quelle assistante sociale va téléphoner au médecin en disant : « Voilà, moi aussi, je suis soumis au secret ! ». Le médecin va dire : « Ecoutez, c’est très bien et peut-être que nous n’avons pas le même ». Et il y a aussi les hommes de loi et les avocats. Deux médecins vont échanger facilement. Deux travailleurs sociaux, relativement facilement ….

A chaque fois, il faut bien comprendre, et il faut que tout le monde comprenne, ce n’est pas nous qui nous protégeons derrière le secret, ce ne sont pas ceux qui y sont soumis. Nous sommes soumis au secret et ce secret-là, il ne sera de toute façon jamais trahi, surtout pas en réunion plénière ou en commission ou autre. C’est impensable, y compris, le PRE (Programme de Réussite Educative) et, à la limite, de gré à gré, avec dix années d’expérience, comme l’a dit Louis, dix années où l’on apprend à connaître l’autre, où l’on a vu qu’on ne s’est pas trompé, et où, là, on peut, mais de gré à gré et à part, entre deux professionnels, échanger une petite partie qui permette à l’autre d’avancer.

André MOISAN :

Il y aura peut-être des questions dans la salle, mais je pense qu’à travers l’expérience que tu décris, tu montres les conditions de partenariat en particulier : les conditions opérationnelles et éthiques du partenariat.

Maintenant, je voudrais passer la parole à Bernard HECKEL parce qu’évidemment, il y a l’expérience de la Ligue Varoise de Prévention qui, en même temps, d’une certaine façon, construit en interne un partenariat entre la prévention, l’action santé – jeunesse et la médiation proprement dite, mais à La Rochelle, on sait que les acteurs de prévention, en général, sont des partenaires de proximité.

Ils ont un certain nombre de caractéristiques communes, d’après ce que l’on constate sur le terrain : ils vont vers les habitants, il y a ce principe de libre adhésion, par exemple de libre adhésion de la personne qui était accompagnée, soit par la médiation sociale, soit par la prévention et puis il y a un certain nombre de choses qui les distinguent, évidemment. C’est le fait, en particulier, si j’ai bien compris, que la prévention soit plutôt orientée vers la jeunesse, plutôt orientée vers une mission éducative.

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Comment, vous, du point de vue du CLNAPS, vous veillez à la médiation sociale et le partenariat avec la médiation sociale ?

Bernard HECKEL :

C’est un sujet pour un colloque !

Dans le temps qui nous est imparti, qui n’est pas très long, il est possible de dire deux, trois choses là-dessus parce que je crois que les fonctions et les rôles, en quelque sorte l’utilité sociale des métiers de la médiation sociale, ont beaucoup gagné en visibilité ces dernières années, et aussi en reconnaissance. Je me place vraiment de ma petite plateforme à moi, prévention spécialisée au plan national.

La question de l’articulation de ces métiers, de ces fonctions de la médiation sociale au sens large, et pas simplement correspondants de nuit, avec le champ du travail social, a été, et je crois est toujours, en débat et il est intéressant et important que ce débat soit toujours en construction.

Sur le terrain de ce que j’observe dans de nombreux sites, des quartiers - mais pas que des quartiers parce qu’il y a aussi parfois des interventions en milieu « rurbain », de ces acteurs-là - des synergies se sont développées, nous venons de le voir. Les autres exemples, que l’on ne va pas forcément citer aujourd’hui, mais dans le cadre de la recherche-action, l’ont vraiment pointé : il y a vraiment une reconnaissance de la place de chacun qui a largement évolué et la recherche-action qui a été conduite en est, quelque part, un miroir. Je pense que c’est cela qui fait avancer les choses, et l’on ne peut, de ce point de vue-là, qu’encourager à ce qu’il y ait des suites à ce travail. On ne parle pas, comme je vais le faire, au sens généraliste mais concrètement, et c’est à partir de ce concret que l’on peut développer des axes.

J’aimerais, dans le temps dont je dispose, pour rebondir sur ces exemples, mais aussi sur tout le travail qui aboutit aujourd’hui à la fin d’une étape, puisqu’il y a des documents qui en témoignent, dire quatre choses qui me semblent importantes, soit qu’on ait le temps encore d’en débattre ou de le mettre dans l’escarcelle des discussions et des débats futurs par rapport à notre partenariat national :

1. Premièrement, je pense que dans les avancées, dans la visibilité, dans la reconnaissance de part et d’autre, dans la famille du travail social évidemment, je n’ai pas le temps de faire le tour de l’ensemble du travail, donc dans la famille travail social, je choisis la prévention spécialisée, d’abord, que je connais bien.

Il y aujourd’hui vraiment une capacité de définir ce qui est en commun et ce qui diffère entre la médiation sociale et la prévention spécialisée. C’est-à-dire que nous sommes en capacité de dire ce qui permet de référer les deux champs d’intervention à des concepts qui donnent sens et consistance aux actions mises en œuvre et pas simplement la libre adhésion ou la question du secret professionnel, mais vraiment la différenciation conceptuelle, intellectuelle et pratique dans la médiation sociale par rapport au travail social que fait la prévention spécialisée. Là, je suis en mesure de le dire, à partir de ce qui est commun, par exemple.

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Ce qui est en commun c’est : « aller vers » et « faire avec », ce qui est en commun c’est : une présence et une veille sociale territoriale ; ce qui est en commun c’est : une intervention de part et d’autre fondée sur une relation de confiance ; ce qui est en commun c’est : la libre adhésion de l’usager ; ce qui est en commun c’est : le travail en réseau et la mobilisation du partenariat ; ce qui est en commun, c’est : la contribution à la restauration du lien social, etc...

Mais dans ce qui les différencie, si je prends des définitions qui sont un peu les miennes aujourd’hui, la médiation sociale c’est un peu la gestion de tensions ou de conflits en temps réel ou différé par un processus de création et de réparation du lien social. Cela a été dit à plusieurs reprises. La prévention spécialisée se situe dans le champ de l’éducation, c’est-à-dire d’une approche anthropologique où tout enfant, tout jeune se construit, se développe dans le rapport à l’autre, au sein d’un environnement donné, c’est-à-dire dans sa communauté de vie. Un éducateur prend en compte, et la dimension individuelle, la dimension du groupe d’appartenance, de ses pairs, et la dimension du milieu dans lequel il vit.

Ce sont des choses qui, aujourd’hui, me paraissent pleines de sens et à partir desquelles il est possible de tisser des partenariats.

Je ne vais pas développer. On peut, sur chacun des pans et des particularités des métiers, distinguer ce qui, non pas les oppose mais les complémentarise. C’est, je crois, un point important.

2. La deuxième idée est qu’il est important de continuer et peut-être de développer la question de la contextualisation du partenariat entre le travail social, la prévention spécialisée en fait partie, et la médiation sociale par rapport aux enjeux sociétaux.

Je crois que l’on ne peut pas se contenter d’aborder la question des relations entre la prévention spécialisée, le travail social en général, et la médiation sociale en la réduisant à un partenariat entre deux segments d’intervention en direction des jeunes, entre deux champs professionnels.

Le développement de la médiation sociale, les évolutions des pratiques de prévention spécialisée font partie de ce que j’appelle « la recomposition des interventions en direction des jeunes », mais aussi témoignent de la reformulation des problématiques de la jeunesse, aujourd’hui. Il est vrai que nous sommes dans un contexte de raréfaction des moyens financiers, Madame EL KHOMRI l’a rappelé, mais aussi d’augmentation des besoins sociaux, de précarisation d’un nombre croissant de personnes, de jeunes en particulier. Nous estimons que dans les quartiers, sur les sites où nous intervenons, aujourd’hui, 15 à 20 % des jeunes sont très loin des dispositifs quels qu’ils soient – dispositifs d’insertion par exemple – et que c’est justement le métier de la prévention spécialisée, des éducateurs et peut-être aussi de la médiation d’aller vers eux et d’essayer de leur proposer un chemin possible vers l’insertion.

Donc, réfléchir, non pas simplement à la question du partenariat entre les deux , mais le contextualiser dans des enjeux sociétaux me paraît être une piste importante à l’avenir.

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3. La troisième idée est de se demander si l’on n’a pas à réfléchir sur des enjeux communs.

Le travail social, en France, a une particularité qui est d’être extrêmement centré sur le suivi individualisé, l’accompagnement individualisé. 90 % de l’ensemble des travailleurs sociaux travaillent sur la dimension du suivi individualisé.

Quid, aujourd’hui, de la prise en compte de l’action collective ? Quid de la prise en compte du pouvoir d’agir des jeunes, des adultes, des parents, des familles ? Peut-être que la finalité à laquelle il faut réfléchir serait la suivante : « Médiation sociale, travail social, prévention spécialisée, comment peut-on mobiliser aujourd’hui davantage les parents, les familles, les jeunes, dans leur pouvoir d’agir ? »

C’est un enjeu commun du travail collectif à conduire, c’est une piste en tout cas. A mon avis, c’est, pour le CLNAPS en tout cas, un enjeu fort puisque ce sera le thème des assises que nous allons organiser à Lyon au mois de novembre.

4. Enfin, quatrième élément, c’est peut-être de dire qu’à travers tout ce travail, il faut davantage oser la coopération.

Oser davantage la coopération, c’est dire que les problématiques, aujourd’hui, de la jeunesse et des quartiers, des cités, sont tellement fortes qu’il faut encore davantage travailler ensemble. On ne sera jamais trop nombreux auprès des plus vulnérables.

Il faut aller vers plus de transversalité, de proximité, de réactivité et pour que cela ne reste pas des incantations, il faut oser davantage la coopération et je fais une proposition pour le travail futur entre nos deux réseaux. Développer davantage la coopération passe, pour moi, par le développement de la formation, de la formation initiale des travailleurs sociaux et des médiateurs, par le développement de la formation continue. L’un des axes de développement de la partie que j’anime au CNLAPS, la formation : « Les interventions techniques », est de construire ensemble des formations communes entre la médiation sociale et la prévention spécialisée.

André MOISAN :

Merci Bernard. Donc voilà des pistes de travail concrètes.

Je voudrais simplement dire que, ce qui m’est apparu, en tout cas à travers les travaux d’enquête, c’est que sur la question, justement, de caractériser, comme tu nous invites à le faire, l’identification du travail social et en particulier de la prévention spécialisée, c’est que, d’une certaine façon, les médiateurs étaient des généralistes du lien et de la confiance. Ce sont des généralistes, ce qui ne veut pas dire qu’être généraliste ne demande pas des compétences. Le partenariat vit donc dans ce constat-là parce qu’un généraliste a besoin, justement, de renvoyer sur des travailleurs sociaux qui ont des compétences spécifiques dans leur domaine.

Merci pour ces pistes de travail.

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Monsieur COTTIN. Vous, vous avez en particulier travaillé, je crois, sur : « Comment construit-on une coopération ? Comment construit-on des partenariats ? » Peut-être après avoir présenté la Maison des Adolescents, pourrez-vous nous faire part de vos travaux et puis après, nous passerons la parole à la salle ?

Patrick COTTIN :

Intervenant le dernier, je vais sans doute un peu répéter des choses qui ont déjà été dites.

Je vais d’abord dire que je m’appuie sur un article qui a été écrit conjointement avec une amie qui s’appelle Danielle DUJARDIN qui est psychologue en santé publique, article qui s’appelle « Prendre soin du partenariat, les déterminants du travail en réseau au sein d’une Maison des Ados ».

Si vous voulez vous y référer, il a été publié dans une revue qui s’appelle Vie Sociale en 2010.

Réarticuler tranquillité publique et travail social.

Ré –articuler, signifie que cela a déjà été articulé ? Je ne sais pas ? En tout cas les Maisons d’Ados ont été construites pour, je ne vais pas dire réarticuler, mais articuler le travail social. Là, il y a une analogie. On n’est pas tout à fait sur le même champ, mais il y a une analogie qui est intéressante sans doute à regarder.

Je ne dirais pas réarticuler, je dirais vraiment articuler, pour les Maisons des Ados, pour la médiation je ne sais pas … Quoiqu’il en soit, il y a à mon avis, dans la construction de ce partenariat, trois points essentiels que je vais décliner :

1. L’intention partagée, c’est-à-dire, ce qui préfigure le partenariat.

2. La coordination et le coordinateur. La coordination n’est pas quelque chose de « hors sol », elle est évidemment figurée par une personne.

3. Et puis, un troisième point qui peut paraître anecdotique, mais je pense que dans le schéma que vous avez là, on voit bien que ça ne l’est pas, ce sont les réunions. Vous avez mis au centre du petit schéma les réunions hebdomadaires et je pense qu’effectivement elles sont essentielles et donc nous nous y arrêterons.

Concernant les Maisons des Ados, en deux mots très rapides, pour ceux qui n’auraient pas suivi la création de ce dispositif : nous sommes en 2002 quand Claire BRISSET, à l’époque, défenseure des enfants, fait un rapport sur l’adolescence et constate d’ailleurs, comme Bernard vient de le signaler, qu’environ 15 % des jeunes sont en situation de mal-être.

Il est très difficile de savoir, sur les quartiers, combien de jeunes sont vraiment désaffiliés. En gros, on peut s’accorder sur le fait qu’il y a à peu près 15 % des jeunes qui, à un moment ou un autre de leur vie, ne vont pas très fort.

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Et elle dit surtout, au-delà de ce constat, que beaucoup de dispositifs sont créés pour eux mais qu’ils sont souvent méconnus par les jeunes et les parents, peu lisibles et mal articulés entre eux.

Elle préconise donc que soit créée sur chaque département, une Maison des Adolescents qui aura pour mission, d’une part de recevoir des jeunes en souci, en mal-être - on le dit comme on veut - mais surtout de faire en sorte de faciliter ce que l’on appelle dans notre jargon « les parcours de soins ».

Entendons-nous bien sur le fait que le soin ne s’entend pas au sens médical du terme mais au sens de l’OMS, c’est-à-dire le bien-être psychique, physique et social, donc on voit bien qu’il a une dimension plus globale que l’entrée dans le soin : entrée à l’hôpital, pour le dire vite.

Des lieux d’accueil, une coordination, une articulation des parcours de soins et puis une troisième dimension qui était d’ailleurs, comme l’a dit également Bernard dans la proposition de faire des formations communes, justement de s’inscrire dans de l’interconnaissance et de l’inter-formation, c’est-à-dire de préconiser de se mettre autour d’une même table pour réfléchir ensemble à ce que sont les jeunes d’aujourd’hui, les problématiques contemporaines de l’adolescence pour ce qui nous concerne.

En 2004, Monsieur Jacques CHIRAC, à l’époque Président de la République, en fait une autre priorité nationale lors de la Conférence de la Famille, ce qui déclenche derrière un cahier des charges, une Maison des Ados et une circulaire de mise en œuvre avec un programme, un plan 2005-2010, pour la création d’une Maison des Ados par département.

Aujourd’hui, il y a à peu près 85 départements qui ont une Maison des Ados pour une centaine de Maisons des Ados parce que, comme nous, il y a des départements importants qui ont plusieurs Maisons des Ados en fonction des territoires, puisque l’une des caractéristiques de nos dispositifs est de proposer, à la fois, un accompagnement global avec une notion extrêmement importante qui est l’intégration des professionnels au sein d’un même dispositif, c’est-à-dire que des personnels de différentes institutions et de différentes disciplines travaillent au sein du même dispositif, dans le même espace.

Il y a une autre dimension importante, mais j’y reviendrai dans la question de l’intention de départ, c’est, au fond, ce que je vais appeler « l’intégration des acteurs politiques », c’est-à-dire se mettre aussi dans un même dispositif pour créer ensemble quelque chose. Donc la question de l’accompagnement global et de l’intégration des professionnels, la notion de continuum, c’est-à-dire de pouvoir proposer un accompagnement qui va de la prévention aux soins, et puis une troisième dimension qui est importante pour les Maisons des Ados, c’est le maillage territorial dans une dimension de droit commun, c’est-à-dire pas quelque chose de spécialisé, mais de droit commun. Donc un accès facile, libre et gratuit.

J’en viens, du coup, aux trois points essentiels qui me semblent importants pour caractériser la notion de partenariat.

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1. L’intention de départ.

Pourquoi l’intention de départ est essentielle ? Parce qu’au fond, il n’y a pas de partenariat qui se construise sans qu’il y ait, au point de départ, un objet à la fois complexe et mettant chaque institution concernée par l’objet en question en difficulté, en impuissance, en impasse.

Il faut bien appréhender qu’il s’agit d’un objet qui, en soi, est difficile, qui nous met, chacun des partenaires en question, dans une situation de mise en danger, c’est-à-dire d’impasse professionnelle, le plus souvent. C’est pour cela que l’on créé du partenariat et non pas pour les situations dans lesquelles chacun de nous sait faire et accomplit sa mission, etc... Donc, le point de départ est forcément un objet compliqué, voire complexe et oblige, du coup, à être encore plus attentif à la question de cette intention partagée.

Sur quoi partage-t-on ? On partage pour que, cet objet qui embarrasse, ce soit un autre qui s’en occupe ? On se met autour de la table, mais en fait on cherche à instrumentaliser l’autre ? Ou bien se met-on autour de la table pour dire : « On a chacun une part à jouer. De la place que l’on occupe chacun, comment peut-on faire en sorte d’être gagnant-gagnant ? » C’est-à-dire : « On se met au service les uns des autres ». Ça, c’est l’intention louable. Celle que l’on peut énoncer facilement. Après, il faut y regarder de plus près. On a dit que ce n’était pas si simple. En conséquence, cette nécessité de mettre sur la table ses impuissances de départ implique de considérer l’autre, le partenaire, à égalité de position.

C’est un point de départ important. Philippe DUMOULIN, qui a écrit un livre qui s’appelle « Travailler en réseau », dit une phrase que j’aime bien : « Il faut consentir à renoncer au pouvoir pour gagner en puissance ». Effectivement, il faut mettre sur la table ses impuissances, ses impasses, je ne dirai pas ses incompétences, il ne s’agit pas d’incompétences, mais il s’agit de considérer un objet complexe qui nous met en difficulté dans l’exercice de nos missions.

Puis, il faut se mettre d’accord sur la légitimité de celui qui va coordonner les choses, parce que ce n’est pas simple. Je pense que la fonction que vous occupez montre bien qu’il y a là une nécessité de bien penser cette coordination et la légitimité du coordinateur, pour pouvoir construire un espace de travail qui soit solidaire et coopératif. Donc, on prend soin du partenariat quand on arrive à mettre sur la table, ensemble, la question des cultures et identités professionnelles de chacun pour en créer une nouvelle.

D’abord, fut-ce intéressant de la mettre sur la table pour pouvoir mieux la connaître et la partager, mais surtout pour dire qu’il faut que l’on en créé une autre qui soit transversale – il y en a qui parlait aussi de la transversalité – pour pouvoir être dans l’invention d’une autre culture professionnelle qui a trouvé aussi un autre langage.

A la Maison des Ados, par exemple, on a mis à travailler ensemble des personnels du CHU, donc de la pédiatrie, de la psychiatrie, de la pédopsychiatrie, des addictologues, des infirmiers de l’Education Nationale, des travailleurs sociaux issus de l’Aide Sociale, etc... Il a fallu se mettre d’accord sur la façon de nommer les choses. Certains parlaient de patients, d’autres parlaient d’adolescents, d’autres encore parlaient de jeunes.

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Même chose pour nommer la façon dont on rencontre les jeunes. Est-ce que ce sont des consultations, est-ce que ce sont des entretiens, des rencontres ? Tout cela brasse les cultures professionnelles et avec l’enjeu d’en créer une que l’on va partager, sans instrumentaliser, avec en même temps quelque chose qui traverse souvent la notion de réseau et de partenariat, c’est une espèce d’illusion égalitaire.

C’est-à-dire que l’on n’est, en même temps, pas égaux dans le partenariat. Nous ne sommes pas dans le monde des « Bisounours ». Chacun a sa place. Nous savons bien que les médecins auront toujours une place particulière, cela a été rappelé aussi dans la question du secret. Il faut également considérer cela : nous ne sommes pas tous à la même place.

Et puis, pour la légitimité du coordinateur, il faut se mettre tous d’accord sur l’intention : accepter de construire un espace de travail solidaire, de dépasser les cultures professionnelles, de garantir l’équilibre des participations de chacun sans instrumentaliser et puis, le coordinateur doit avoir des qualités pas évidentes à réunir - C’est un peu « le mouton à cinq pattes ».

Des qualités professionnelles : il faut connaître la culture de l’autre. Il faut pouvoir traduire la culture des uns et des autres pour pouvoir la faire partager. Ce n’est pas forcément très simple. Il faut accepter qu’au fond, le coordinateur n’a pas de savoirs propres. Il n’a que des savoirs empruntés. Empruntés aux uns et aux autres, et éventuellement inventés.

Et puis, il faut aussi des qualités personnelles : comme je le disais, « il faut renoncer au pouvoir pour gagner en puissance », mais renoncer au pouvoir, cela veut dire qu’il faut effectivement accepter de se mettre un peu en retrait – ce qui a été dit d’ailleurs dans la première intervention – : « Moi je n’ai pas vraiment de pouvoir, sauf celui que l’on veut bien m’accorder ».

Et puis, une qualité de bienveillance extrêmement forte, à l’égard de tous, et aussi une grande ténacité. Une phrase dans notre article l’illustre bien : « Etre résistant à toutes les résistances », parce qu’il y en a beaucoup.

Je souhaitais, enfin, évoquer l’importance de la réunion. On l’a appelée la « réunion clinique » à la Maison des Ados, mais elle peut être appelée autrement. Pourquoi l’importance de cette réunion ? C’est parce que c’est à cet endroit que l’on va penser et élaborer de façon partagée sur des situations complexes qui nous mettent, les uns et les autres, en grande difficulté. On va penser global et l’on va tenter d’intégrer dans ses propres chefs de pensées celui de l’autre pour, là encore, construire quelque chose d’un peu nouveau, une pensée un peu nouvelle. Puis, c’est aussi dans cet espace-là que l’on organise l’équité des places, que l’on déhiérarchise les savoirs, ce qui est vraiment important pour en reconstruire un nouveau, comme je le disais, un savoir qui sera commun à tous et qui sera, a priori, efficace.

Et puis, en conclusion, la dernière chose que je dirai, qui est plutôt une position éthique, c’est qu’il n’y a pas de partenariat sans respect et souci de l’équité et il faut que ce soit absolu.

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Il faut donc comprendre la position des autres, les positionnements différents, considérer les autres champs conceptuels et champs professionnels, c’est-à-dire les considérer au sens de « leur donner de la considération », avoir une estime de soi, pour soi mais pour tous les professionnels qui sont autour de la table, là, impérative et puis avoir une certaine humilité dans le croisement des savoirs. On ne règlera jamais tout, il y aura toujours un certain nombre de jeunes aux situations qui nous échapperont et c’est tant mieux. C’est aussi cela qui fait la vie des cités, évidemment, même si cela embarrasse parfois la tranquillité publique, et parce que nous sommes dans un pays démocratique. Ceux qui ont pu voyager dans des pays un peu dictatoriaux ont pu constater que tout y est lisse, propre, etc... Mais où est la liberté ?

Jean-Yves GERARD :

Merci. En regardant l’heure, je me rends compte que je ne remplis pas mon rôle. Mais bon, l’intérêt des interventions montre que nous aurons beaucoup à partager avec ceux qui ne sont pas là aujourd’hui et qui avaient porté intérêt aux sujets que l’on aborde.

Je passe la parole, si vous voulez poser des questions, si vous souhaitez intervenir ? S’il y a un point qui vous est apparu …. Pas de questions ?

Dans ces conditions, je passe à la seconde table ronde.

Par rapport au programme initial, il y a quelques changements, en ce qui concerne l’élu d’Evere et l’élu de Limoges qui ne peuvent être présents. Nous avons eu l’information hier soir.

Donc, je propose à Florent de monter à la tribune ainsi que le représentant de Limoges, Eric MARTIN, qui est infirmier dans l’équipe de Psychiatrie mobile crée par le CHSP Esquirol de la Ville de Limoges.

Je vous invite à monter vers la table ronde. Je passe la parole à André.

Deuxième table ronde : « Contre la société défiance : faire confiance à chacun pour créer des solutions innovantes »

André MOISAN :

Merci Jean-Yves. Donc, nous allons passer à une deuxième table ronde autour du second mot-clé, si je puis dire, un mot que vous avez beaucoup entendu aussi, parce que le mot partenariat et le mot confiance sont au cœur de notre manifestation, avec l’idée que ce qui est ressorti de cette enquête, c’est que le partenariat, le relai, le renvoi, la mobilisation des acteurs compétents est au cœur de l’activité de la médiation, mais que cela ne veut pas dire pour autant que la médiation n’a pas une activité propre et l’activité propre, elle était déjà entendue ce matin par la présentation de la Ville de Paris, qui était cette idée de confiance, c’est-à-dire le fait que la médiation sociale participe à retisser les liens.

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Je ne vais pas faire de développement sur la question de la méfiance dans la société, qui est quand même une question très actuelle par les temps qui courent, et cette question de la confiance, en fait, peut se décliner de différentes façons, et c’est ce que nous allons essayer de faire autour de cette table ronde.

La confiance se fait d’abord, évidemment, par les liens que la médiation sociale permet à des habitants, de façon individuelle, de tisser, mais elle se joue aussi entre partenaires, la création du réseau de confiance et puis, également, elle se joue de façon collective.

C’est un peu de cette manière que cette table ronde est organisée. Je ferai référence, en particulier en l’absence d’Evere, d’un cas qui illustre bien, à mon avis, cette idée de confiance et que j’ai qualifiée de « sas de confiance ». On verra, par la suite, comment, à travers l’expérience de Limoges, les partenaires arrivent à créer ce que l’un des partenaires de Limoges a appelé « réseau contenant ». Vous nous expliquerez un petit peu comment ce « réseau contenant » permet, en particulier disons, de faciliter l’intervention vis-à-vis d’un jeune et puis, un dernier interlocuteur : la Ville d’Orléans, Monsieur MONTILLOT, à travers un exemple très précis de la façon dont des habitants se saisissent des problèmes de leur quartier par, d’une certaine façon, une confiance renouvelée avec les institutions locales.

Voici donc la trame de cette table ronde et nous verrons aussi l’expérience du Programme de Réussite Educative à travers l’expérience de La Rochelle.

Ce que je me propose de faire, dans un premier temps, c’est de restituer un cas que j’ai pu analyser à Evere, ville de la communauté de Bruxelles de 35.000 habitants.

Très rapidement, pour vous décrire le dispositif de la Ville d’Evere : il y a un échevin qui est le maire adjoint à la commune d’Evere, en responsabilité de tout ce qui est prévention et en même temps, il y a l’association de médiation, l’association « Egregoros » (qui est une ASBL dans le langage de Bruxelles) et puis, il y a les gardiens de la paix.

Pour vous resituer ce cas très précis, qui est un des cas analysés à travers cette idée de conflits de voisinage : il s’agit d’une personne, que l’on conviendra d’appeler Madame VANSBUCK ce qui n’est évidemment pas son nom réel, qui est une personne complètement recluse dans une cage d’immeuble, parce qu’elle a connu une grande rupture dans sa vie, qui est dans une situation de déchéance sociale, et qui donc se réfugie dans une cage d’escaliers. Evidemment, elle pollue très fortement les résidents.

Les résidents sont un peu partagés : ils lui viennent en aide pour sa nourriture, ses soins et autres, mais en même temps ils sont quand même très perturbés. Ils sont toujours tentés, et d’ailleurs le font, de solliciter la Police pour qu’elle évacue la cage d’escaliers.

Il y a la Police de proximité, évidemment, qui est sollicitée par les habitants, il y a le bailleur puisqu’elle est dans une cage d’escaliers d’un logement social, qui essaie de résoudre la situation et n’y arrive pas trop.

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La médiation, dans un premier temps, intervient vis-à-vis des résidents, d’une certaine façon, en les soulageant de la schizophrénie dans laquelle ils sont pris, c’est-à-dire entre une logique répressive : « Qu’elle foute le camp ! » et en même temps, « on va quand même prêter aide à cette personne qui apparaît en forte difficulté » en disant « Vous ne prêtez pas aide, ce n’est pas de votre ressort, par contre, nous, nous allons prendre en charge cette question de la réintégration de cette personne. »

Ce qui transparaît à travers ce cas, c’est le fait que là où, d’une certaine façon, la Police de proximité, mais aussi l’assistance sociale du bailleur échouaient, la médiation a réussi, mais au bout d’un certain temps, à tisser un lien avec cette personne qui ne voulait pas sortir de sa cage d’escaliers parce qu’elle ne voulait pas se « faire voir ». Elle avait un sentiment très intériorisé de déchéance sociale.

La médiation a réussi à tisser ce lien de confiance de manière très progressive, je parle même en faisant référence au Petit Prince, d’« apprivoisement », et si elle l’a accepté c’est essentiellement parce qu’il n’y avait pas d’enjeu particulier, c’est-à-dire qu’elle ne se retrouvait pas dans un rapport de type « Je m’occupe de vous et en échange je vous demande de … » qui est, d’une certaine façon, un rapport de type implicite. Le rapport était, ici, complètement ouvert.

A titre d’illustration, il y a eu un cas semblable sur lequel l’association « Egregoros » de médiation est intervenue où la personne voulait rester SDF et est restée SDF. Donc, il n’y a pas de contrat implicite dans l’échange que le médiateur sollicite avec la personne.

Donc, cette confiance qui est une confiance retrouvée en elle-même, et qui a été un long processus, lui a permis, d’une certaine façon, de retrouver aussi la confiance envers les institutions, par exemple avec le Centre d’Action Sociale, avec la Police de proximité qui a été associée, mais dans un rôle particulier, avec le bailleur et je ne détaillerai pas trop mais, disons que le premier travail essentiel a été de rétablir ce lien de confiance. Ce « sas de confiance » se caractérise par le fait que ce soit un espace libre – un peu comme ce que l’on a évoqué tout à l’heure avec la prévention spécialisée, fondée sur la libre adhésion –, un espace complètement ouvert, qui ne contient pas d’enjeu particulier et aussi, protégé : protégé dans le sens où ce qui s’échange reste dans le cercle strictement circonscrit à la relation avec la médiation et n’a pas pour vocation d’aller ailleurs.

Par exemple, à Evere, ils accueillent des personnes qui peuvent venir, sans but précis, se confier, parler. Autre exemple que j’ai évoqué tout à l’heure à La Rochelle : le cas du jeune Christian et de sa mère qui venaient décompresser dans les échanges avec la médiation.

Voilà comment peut se définir ce « sas de confiance » étant précisé que s’agissant d’un sas il n’a donc pas pour objet de rester fermé. Un sas, c’est pour passer ailleurs et donc, justement, pour reprendre contact, d’une certaine façon, avec les institutions et avec un mode particulier qui est le relai de confiance.

C’est-à-dire – je ne vais pas trop développer – que la personne fait confiance à quelqu’un de l’institution à partir du moment où le médiateur fait confiance. « Je fais confiance à l’interlocuteur institutionnel auquel le médiateur fait confiance », d’où l’importance de l’accompagnement physique personnel des individus quand ils démarchent les institutions.

Voilà en résumé ce que j’ai pu observer, en particulier, à Evere.

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Dans les schémas partenariaux il y a des acteurs, nous l’avons vu tout à l’heure, de la prévention spécialisée mais nous avons aussi mentionné le PRE (Programme de Réussite Educative), les référents qui interviennent à ce titre dans différentes villes : je voudrais justement mentionner la personne de La Rochelle auprès de laquelle j’ai enquêté. Malheureusement, elle n’est pas là et est vraiment désolée mais une incompatibilité de calendrier l’avait empêché - depuis longtemps - et donc j’ai sollicité l’intervention de Louis, qui connaît bien la question puisqu’il la pratique quotidiennement pour ainsi dire, « comment médiateurs et PRE participent à créer ce lien de confiance ? ».

Louis LE BLEVEC :

Les deux responsables du PRE et de la médiation sociale partagent les mêmes préoccupations en termes de valorisation des compétences professionnelles et nous avons justement, sur l’information, et notamment sur l’information continue, identifié des problématiques qui nous étaient propres puisque, aussi bien les acteurs de la réussite éducative, les référents de la réussite éducative que les médiateurs sociaux ont en commun un public vers lequel ils vont. Nous ne sommes pas dans une logique de guichet.

Il est vrai que, dans un premier temps, nous avons mis en place des formations communes, que l’on a élargies à d’autres acteurs de la Politique de la Ville, simplement sur le thème des missions et des compétences de la Politique de la Ville où chaque acteur, aussi bien éducateurs sportifs, référents PRE, agents de développement jeunesse, médiateurs mais aussi correspondants de nuit, se sont retrouvés et ont finalement partagé une culture commune.

Il est vrai que lorsqu’on travaille en partenariat, il faut pouvoir, à un moment donné, nommer un objet de la même manière pour pouvoir s’entendre par la suite.

Je dirai que ces formations qui ont été répétées sur deux, trois années, en partant des besoins des acteurs de proximité et non pas de nos propres envies ou des désirs de nos élus, ont permis de créer une relation de confiance qui permet plus d’efficacité sur le terrain.

Dans le cas de Christian, ce jeune fugueur qui passe entre les mailles du filet, qui arrive à déstabiliser les services sociaux, la Brigade des mineurs, à susciter la colère de la population qui se retourne contre les institutions, il a fallu beaucoup de confiance et beaucoup de travail entre acteurs de proximité pour, déjà, arriver à faire apparaître la réalité de la situation d’une part, et puis faire en sorte que les rumeurs dans le quartier ne prennent pas plus d’ampleur, d’autre part.

Christian a donc été reçu dans le « sas de confiance » que constituait le local des agents de médiation, où il a pu évoquer les situations difficiles qu’il rencontrait avec sa famille biologique et sa famille d’accueil. La réfèrente PRE a toujours été présente lors de ces rencontres puisqu’effectivement nous avons le même public et que par conséquent, cette réfèrente suivait Christian dans le cadre du dispositif PRE. Nous étions confrontés à la situation de Christian, de sa mère et des services sociaux dans le cadre de la sollicitation faite par les habitants.

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C’est donc tout un travail de proximité dans le cadre d’échanges libres, informels qui a permis de restaurer le lien de confiance avec Christian et avec la population, un travail, une articulation en complémentarité avec les différents acteurs.

André MOISAN :

Merci Louis. Pour compléter le tableau, si je puis dire, dans la foulée de ce que vient de dire Louis : l’expérience de Limoges.

Vous allez nous en parler, mais je crois qu’autour de l’étude qui a été faite, il y a le cas d’un jeune ayant de gros problèmes psychologiques ; dans ce cas, il y a eu mobilisation de tout un réseau d’acteurs et qui, en particulier, avait ce qualificatif de « réseau contenant ».

Je passe la parole aux deux personnes présentes de Limoges qui vont se présenter et puis essayer d’illustrer comment se construit la confiance dans ce contexte-là.

Eric MARTIN :

Je suis infirmier à l’hôpital du CH Esquirol. Je travaille, avec ma collègue ici présente, dans un service qui s’appelle « PASS Mobile - Santé Mentale et Précarité ». Depuis 2003, il y avait une « obligation » de mettre en place des équipes mobiles de psychiatrie dans tous les départements auprès des gens en situation de précarité. Nous avons un service, à Limoges, qui existe depuis 2005, qui intervient sur la Ville de Limoges et qui est aussi un des seuls à intervenir en milieu rural.

Aujourd’hui nous sommes donc trois infirmiers à temps plein ainsi qu’un médecin, un psychiatre, un temps de médecin généraliste et un temps de psychothérapeute et nous allons donc vers les personnes, que ce soit dans l’associatif ou dans le milieu du social, qui ont cette demande : « Voilà, je suis en face de quelqu’un qui présente certainement des troubles que je n’arrive pas forcément à définir et je ne sais pas trop comment l’orienter. Que faire avec lui ? »

Déjà, depuis 2009, nous avions été contactés par les médiateurs de quartiers. Nous nous étions rencontrés et ils avaient, effectivement, certains cas qui posaient souci dans les quartiers de Limoges et puis, ce cas du Val de L’Aurence qui nous avait été amené par le médiateur du quartier et au sujet duquel nous avons rencontré les correspondants de soirée.

Devant ces problèmes, nous travaillons tous, au départ, avec nos représentations de la psychiatrie. Nous avons voulu, dans un premier temps, travailler surtout là-dessus. Nous, soignants, avons une formation et nous avons aussi une représentation de notre métier, de ce qu’est la maladie mentale, et les personnes avec qui l’on travaille en réseau et en partenariat ont quelques fois une autre représentation de l’hôpital. Il faut voir aussi que dans chaque ville l’hôpital psychiatrique a une certaine représentation.

Nous avons donc travaillé, notamment avec l’équipe des correspondants de soirée, sur une information – formation, sur le thème : « Qu’est-ce que vous entendez, vous, par santé mentale ? ».

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Et puis nous avons essayé de travailler sur quelque chose de commun. C’est un échange que l’on a eu au départ.

Avec cet échange, puis cette information, nous avons travaillé aussi sur des cas concrets comme l’histoire de Monsieur T. où l’on était en face de quelqu’un dont on a su après qu’il était en rupture de soins, un psychotique qui était revenu chez lui, ne prenant plus son traitement et qui était en pleine rechute avec cette idée, souvent : « Je ne suis pas malade ! Je vais bien ! », et tous les troubles que pouvait causer le fait d’aller au contact de cette personne ou que celle-ci aille au contact de son entourage, de son voisinage. C’était quelqu’un qui posait souci.

Le fait de pouvoir en parler à travers cette formation nous a permis de déceler plus facilement, avec ma collègue, le diagnostic infirmier que l’on pouvait faire et par conséquent d’en parler avec les médecins avec qui l’on travaille pour essayer de mettre en place une réponse, par le biais de la confiance.

La confiance était toujours présente avec les médiateurs qui n’ont jamais cessé de le rencontrer. Quelques fois, la maladie mentale faisant peur, on arrête un petit peu la prise en charge « ça, c’est pour la psychiatrie ! ». Comme ils ont continué ces entretiens qu’ils avaient régulièrement, cette personne après a été amenée à pouvoir nous rencontrer.

C’est ma collègue, Sabine ici présente, qui pourrait le mieux en parler puisqu’elle a pu le rencontrer, l’amener jusque dans nos services qui ne se trouvent pas dans l’hôpital psychiatrique mais au centre-ville de Limoges, donc dans un lieu un petit peu plus neutre que l’hôpital psychiatrique, la porte de l’hôpital psychiatrique étant toujours difficile à pousser.

Nous avons pu rencontrer cette personne avec le médecin, nous avons pu l’amener aux soins et aujourd’hui elle est prise en charge, est toujours hospitalisée et nous sommes déjà dans ce que l’on appelle « l’alliance thérapeutique », même s’il est hospitalisé dans un pavillon fermé. Cette expérience-là, nous l’avons dans tous les autres quartiers et auprès de différents partenaires, que ce soit les médiateurs de quartier, les correspondants de soirée, mais nous intervenons aussi auprès de travailleurs sociaux, auprès d’associations et de bénévoles d’associations et il nous semble important, au départ, de pouvoir travailler sur une ligne commune. C’est pour cela que nous essayons de mener cette information sur les représentations de la psychiatrie mais également auprès des populations. La population en situation de précarité a une certaine représentation de la psychiatrie, et culturellement, aussi, nous essayons de travailler là-dessus, on essaie de se former notamment en ethnopsychiatrie puisqu’aujourd’hui, dans les quartiers, différentes cultures sont présentes et que l’on n’a pas toujours la même conception de la santé mentale, suivant notre culture.

C’est pour cela, aussi, que nous nous sommes battus pour avoir, auprès de l’ARS, un budget et je crois que, du moins en Limousin, nous sommes les seuls à avoir un budget d’interprétariat, qui nous aide. Ce qui pose problème effectivement dans la santé, en général, c’est de prendre en charge des gens, de donner du soin, sans se comprendre.

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Cela paraît inimaginable, mais je pense qu’aujourd’hui dans beaucoup d’hôpitaux, et pas seulement, chez le médecin généraliste, chez les infirmiers à domicile, etc..., la communication est quand même difficile. Nous avons la chance, pour notre part, d’avoir gratté pendant quatre ans un projet et que l’ARS nous ait donné ce financement par rapport aux interprètes.

Sarah TROUVÉ :

Bonjour. Je m’appelle Sarah TROUVÉ. Je suis médiatrice de quartier de jour à Limoges. Ce qu’il faut savoir, c’est que nous avons trois quartiers ZUS où opèrent trois médiateurs de quartier de jour depuis maintenant dix ans et, depuis un peu plus d’un an, nous avons un dispositif de correspondants de soirée qui opèrent sur l’un de ces quartiers.

La situation dont nous avons parlé ne dépend pas de mon quartier même si j’ai travaillé dessus aussi, sachant que la PASS Mobile est un partenaire privilégié lorsque l’on se trouve confronté à des problématiques avec des personnes que nous pouvons avoir dans nos suivis et dans nos rencontres, mais je vois que sur le petit fascicule que vous avez présenté vous parlez du partenariat d’une manière un peu plus générale et je peux vous en parler plus dans ce cadre-là, notamment en ce qui concerne les réunions mensuelles.

En effet, à Limoges, nous avons instauré – chacun fait à sa spécificité, en fonction des villes – dans les trois quartiers, des rencontres mensuelles formalisées entre la Police, les bailleurs et donc la médiation afin de pouvoir voir comment faire avancer les différentes problématiques que nous rencontrons tous, de toute façon, parce que les habitants sont les mêmes et actionnent les différents dispositifs.

C’est un dispositif qui est en place depuis maintenant plusieurs années et, pareillement, - c’est un peu plus spécifique à l’un des quartiers - tend à se généraliser, ce que vous avez appelé « GLTD - Réunions trimestrielles ». En effet, au préalable c’était parti d’un GLTD, mais le GLTD a été mis en sommeil et éteint depuis. Donc ce n’est plus dans ce cadre-là, mais les réunions perdurent avec l’aval de toutes les institutions où l’on retrouve les acteurs que vous citez, c’est-à-dire : la PJJ, le SPIP, bien évidemment la Ville de Limoges, assistants sociaux du département, de l’Education Nationale, la Mission Locale et donc, dans ce cadre, nous nous rencontrons très régulièrement pour évoquer, non pas nominativement, mais d’une manière globale, les problématiques qui peuvent surgir sur le territoire.

C’est ainsi que différents projets ont pu être travaillés et voir le jour, notamment par rapport à la garde des enfants en situation d’urgence pour les personnes, des jeunes mamans, c’est souvent le cas en insertion. C’est quelque chose que nous avons constaté, réfléchi, porté et qui ensuite a été transmis aux services du département et de la Ville pour pouvoir mettre quelque chose d’opérationnel en place.

C’est donc un partenariat qui, au départ, est parti de constats de terrain et qui s’est structuré, formalisé et qui, maintenant, fonctionne d’une manière opérationnelle.

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André MOISAN :

Merci à vous. Il est vrai que l’on pourrait continuer à approfondir parce que c’est une illustration de ce qui a été dit précédemment sur le partenariat, en particulier sur la représentation que l’on peut avoir et la remise en cause de son propre point de vue professionnel.

Je vais maintenant passer la parole à Monsieur MONTILLOT qui est adjoint au Maire d’Orléans, sur deux objets : il se trouve que je me suis déplacé à Orléans, ce n’est pas moi qui menait l’enquête mais j’ai voulu la comprendre pour faire cette synthèse, comprendre ce que mettait en place la Ville d’Orléans et deux choses m’ont surpris. D’abord, je ne comprenais pas bien cette façon de relier en même temps prévention et réussite, donc vous allez nous en parler. On va en particulier présenter le schéma - je précise d’ailleurs que c’est ce schéma-là qui est le bon et non pas celui que vous avez dans votre dossier parce qu’il y a eu un certain nombre de reprises depuis et que l’impression a été faite de la mauvaise copie – et aussi un point que je voudrais explorer sur cette question de la confiance c’est, en particulier, ce dont on m’a témoigné sur un quartier d’Orléans, le quartier de l’Argonne où, d’une certaine façon, c’est un processus collectif.

C’est un peu la question que soulevait Bernard HECKEL tout à l’heure de la dimension collective et non plus strictement individuelle. Je l’ai vue à l’œuvre à travers le fait que des habitants se sont organisés pour prendre en charge des problèmes spécifiques dans le quartier mais qui, d’une certaine façon, l’ont fait parce que probablement, ils se sont sentis autorisés à le faire et ils se sont sentis autorisés à le faire parce que, justement, ce lien de confiance s’est construit avec, en particulier, les institutions locales communales. Et donc, je voudrais que vous nous parliez de ce cas.

Florent MONTILLOT :

Merci André MOISAN. Je vais effectivement parler à la fois de l’alliage entre la prévention et la réussite et puis après je reviendrai, à partir de ce témoignage et de cet éclairage, sur le mariage entre la prévention et la confiance.

D’abord, juste un petit mot : Orléans, 120.000 habitants, l’agglomération : 300.000. Je suis à la fois Maire-Adjoint en charge des questions de tranquillité publique donc de sécurité, mais également de prévention, d’insertion, d’intégration, Politique de la Ville et de réussite, notamment la réussite éducative et puis également membre du Conseil National des Villes, ce qui me permet d’avoir une vision assez panoramique donc, à la fois au niveau du terrain, y compris, en tant que Vice-président de l’agglomération, sur l’ensemble de l’agglomération et puis également sur les croisements et les informations sur le plan national.

La prévention et la réussite : pourquoi, finalement, avons-nous réussi cet alliage entre les deux choses ? Je dirai que les éléments sont historiques. Cela fait maintenant douze, treize ans que nous avons notre dispositif de prévention, médiation et réussite. Au départ, c’est la prévention.

J’ai été élu une bonne vingtaine d’années en banlieue parisienne, puis élu à Orléans en 2001.

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Quand je retourne dans ma ville d’enfance en fin 2000, je découvre à Orléans des choses que je n’avais jamais vues à Nanterre pendant vingt années, alors que Nanterre n’était pas réputée pour être une ville très simple et elle l’est encore moins aujourd’hui, d’ailleurs. Mais les choses sont dix fois pires dans cette ville qui pourtant apparaît comme « ville paisible, axe ligérien, douceur de vivre, etc... ». Orléans, c’est 80 % des ZUS du département, c’est une ville-centre, c’est une capitale régionale, c’est une ville-banlieue, puisqu’un quart de son territoire a été construit dans les années 60 à dix kilomètres du centre-ville, mais est évidemment rattaché à la Ville sur le plan administratif, politique, etc...

Donc, nous démarrons sur la prévention tout court, je dirai prévention presque dissuasion, mais je laisse la notion de dissuasion puisque je pense que c’est plutôt le rôle de la Police ou des Polices, la vidéo, etc... La dissuasion c’est empêcher - Avec Say SIRISOUK qui est ici présent, qui a travaillé à mes côtés pour créer ce service de prévention. Au départ, on a abordé en premier lieu l’occupation, c’est-à-dire être présents dans les halls, être présents dans la rue, éviter les incendies de véhicules, les incendies de maisons, les incendies de bâtiments publics (un à deux bâtiments publics qui partent en fumée chaque année).

Et puis, trois, quatre années plus tard, lorsqu’on commence à bien renforcer cet élément, on passe sur un service de prévention médiation, avec le rôle qui a été évoqué dans la première partie sur la médiation intrafamiliale, la médiation de voisinage : des voisins qui ne supportent pas pour des milliers de raisons qui peuvent être culturelles, qui peuvent être sociales, qui peuvent être tout simplement reliées à des problèmes de bruit, etc... Et au-delà du travail des polices, c’est faire en sorte que l’on puisse régler cela à l’amiable, sans être obligé d’arriver avec casques lourds (nous y sommes arrivés en 2001 sur des problèmes d’émeutes urbaines). Là, au moins, nous pouvons gérer directement avec nos médiateurs.

Tout cela, c’est jusqu’à peu près en 2005 et puis en 2006-2007, on arrive au troisième étage de la fusée. Cela devient le service de prévention - médiation – réussite (le SPMR) et l’on intègre le volet réussite dans le travail, dans le fonctionnement du SPMR ; pour plusieurs raisons : d’abord parce qu’au bout d’un moment, quand on arrive à une paix sociale, du lien social, une pacification sur les quartiers, on a une volonté, une ambition, c’est de passer de la réactivité - réagir à chaque fois qu’il se passe quelque chose ou d’essayer de l’empêcher - à la proactivité : une démarche qui est liée à la prévention et qui, en quelque sorte, essaie d’éviter que des jeunes, ou des familles, ou des parents, ne tombent dans une difficulté d’ordre social ou d’ordre délictuel, c’est d’être dans une autre démarche, dans une autre ambition qui est de les porter vers la réussite. Pas simplement vers la prévention : « éviter que ». Ce n’est plus « éviter que », c’est « aider à », les aider à réussir qu’il s’agisse des enfants, des adolescents, des parents, des familles, et globalement, je dirai, du quartier. Faire en sorte que le quartier, là aussi, soit dans une logique de réussite.

Donc, on arrive à ce passage. Et c’est le même service, avec le même ordinateur, le même responsable, le même chef de pôle qui met en place ce dispositif. L’objectif est vraiment d’arriver à la réussite à la fois sociale, personnelle, scolaire et professionnelle, aussi bien pour les jeunes que pour les moins jeunes. Je dis bien « l’ensemble » parce qu’il ne faut pas diviser ou séparer entre les moins de 12 ans, les plus de 12 ans, les teenagers, puis après les adultes, c’est un tout. Tout le monde vit ensemble, y compris d’ailleurs les grands-parents voire, encore, les arrière-grands-parents.

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C’est donc effectivement quelque chose qui est très intéressant à double titre. Premièrement, l’image-même que l’on a des agents de prévention – médiation parce que l’on va passer de ce qui avait été vécu en 2001, c’est-à-dire l’agent de prévention qualifié de « balance », « empêcheur de tourner en rond » qui, par sa seule présence, empêche ou gêne les trafics et les agressions sur les personnes. Et puis, évidemment, les dégradations sur les biens publics et privés ; donc on passe de ce statut en quelque sorte, de ce regard un peu méfiant, à un autre regard qui est celui effectivement de l’agent de prévention – médiation – réussite qui va aider, qui va accompagner, qui va solliciter, qui va susciter, qui va orienter. C’est effectivement un autre regard puisque, par conséquent, ceux qui sont les plus gênés, les trafiquants et autres, vont se retrouver totalement isolés parce que les autres qui ne sont pas dans cette logique de trafics ou de dégradation vont être accompagnés, y compris leurs parents, leurs grands-parents, leurs petits frères ou leurs grands frères, grandes sœurs.

Pour eux, cela donne une toute autre vision, une toute autre image et un autre regard sur le travail de la médiation parce que finalement, ces agents de prévention-médiation-réussite qui ont leur uniforme, les blousons verts porteurs d’espoirs, d’espérance, peuvent les porter, les accompagner, les aider.

Tout cela se décline comment ?

D’abord, bien sûr, avec des moyens. On complètera, on enverra d’ailleurs à Jean-Yves et on vous enverra le document définitif, mais effectivement, on a d’abord, sur ces trois quartiers, au total une trentaine d’agents de prévention-médiation-réussite, agents, fonctionnaires, contractuels. C’est une vingtaine d’agents contractuels et une dizaine de fonctionnaires qui encadrent, car ça n’apparaît pas mais, en plus des médiateurs, il y a évidemment des chefs d’équipe, des chefs de service et responsables de secteur, sans compter l’équipe de Say SIRISOUK, au niveau central, au niveau de la mairie.

Et puis, à leurs côtés, on recrute à partir de 2006 une soixantaine de parents-relais, vacataires : ils sont rémunérés à la vacation. Les autres sont payés en permanence. Donc, ils sont à la vacation, ils aident notamment le week-end, le dimanche, parce que le dimanche, souvent, il y a encore moins de services publics que la nuit. Ils sont présents pendant les petites vacances scolaires et ils sont présents, le cas échéant, en cas de besoin de renforts, lorsque l’on se trouve dans une situation un petit peu particulière. Cela peut être, par exemple, la nuit de la Saint-Sylvestre où il y aura non seulement une trentaine de médiateurs, mais également la soixantaine de parents-relais, cela peut être la fin du Ramadan, pas du tout pour des raisons religieuses, mais simplement parce que c’est une période où, structurellement, les parents sont beaucoup moins présents au domicile, beaucoup plus, ce qui est logique d’ailleurs, sur le plan cultuel, et du coup les jeunes sont plus livrés à eux-mêmes. Voilà quelques exemples mais il y en a d’autres comme un rodéo qui tourne mal, une intervention de la Police un peu musclée qui fait qu’il peut y avoir un début de tension, etc....

Immédiatement, je dirai, en un quart d’heure, une demi-heure, nous allons être en capacité de mobiliser ces parents-relais sur le terrain, tout cela avec des protocoles passés avec l’URSSAF, avec les administrations fiscales, etc....

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Donc, nos agents de médiation deviennent de véritables missi dominici, ils ont une vocation qui est, effectivement, d’informer, d’orienter, d’accompagner et d’aider. Les médiateurs, avec les familles, avec les parents - j’en donnerai un à André MOISAN, d’ailleurs - ont réalisé un vade-mecum, un guide pratique qui n’est pas du tout destiné à la population, il n’est pas en vente libre ou en diffusion libre dans les mairies de proximité ou autres. Le Guide de la Réussite c’est le guide pratique, vade-macum qui guide l’action. L’intégralité des parents-relais et des agents de médiation sont formés, informés, rencontrés, réunis en permanence et ils ont eux-mêmes participé à la rédaction de ce guide pratique, thématique par thématique : le lien enfants-parents, les problématiques sociales, les problématiques de réussite scolaire, d’échec, les problématiques d’emploi, etc... Nous sommes partis des questionnements sur le terrain : les jeunes qui sont, à minuit, dans un hall « oui, mais alors, on galère parce que de toute façon, on a rien, on n’a pas de boulot, machin, etc... », par rapport à tous ces questionnements, en face, quelle est la solution ? Je dis bien, la solution, éventuellement, le ou les dispositifs. Les médiateurs et les parents-relais en sont imprégnés, ils ne se baladent pas avec, ils le connaissent par cœur et à chaque fois qu’ils se retrouvent avec un questionnement, ils ont des éléments de réponse. Ils vont accompagner, prendre des rendez-vous.

Maintenant, autre dispositif : trois Maisons de la Réussite. Trois quartiers prioritaires, c’est trois Maisons de la Réussite. Cela n’a rien à voir avec les mairies de proximité, il y a bien sûr trois mairies de proximité dans les trois quartiers en question et dans les autres quartiers aussi. Nous avons donc créé trois Maisons de la Réussite qui sont, à la fois, le lieu - ressource de la médiation et des parents-relais, l’endroit où ils se changent, où sont les sanitaires…etc., mais également un lieu d’accueil permanent, du lundi après-midi jusqu’au samedi en soirée, à l’exception du dimanche. Donc, n’importe qui, aussi bien des parents, des adolescents, des jeunes, des enfants, rentrent sans aucune difficulté.

Sur le dernier exercice 2012, Raphaël LE MEHAUTE est venu avec des membres du Conseil National des Villes (CNV), il y a une quinzaine de jours, et il a pu rentrer dans cette Maison de la Réussite, sur un quartier qui fait moins d’une dizaine de milliers d’habitants, il y a eu sept-mille rendez-vous l’année dernière en 2012. C’est quasiment un rendez-vous par personne. Ce n’est pas tout à fait le cas car certains sont venus dix fois et d’autres qui ne sont pas venus du tout, mais c’est pour donner la dimension de l’importance de cela.

Donc, là, c’est l’accueil, c’est l’orientation, c’est l’accompagnement, c’est la prise de rendez-vous. C’est aussi le fait que chacun des partenaires vont avoir des temps de permanence et que par conséquent, on orientera sur ces rendez-vous dans les Maisons de la Réussite directement au moment de ces permanences. Je vais revenir ensuite à la confiance : confiance avec les parents mais aussi qui passe par la confiance avec les partenaires - que ce soit la prévention spécialisée et la Caisse d’Allocations Familiales, les assistantes sociales du Conseil Général, la PJJ ou d’autres dispositifs de l’Education Nationale.

Je crois que j’ai à peu près dit l’essentiel sur la partie Réussite. Tout cela passe et est orienté vers tous les dispositifs qui peuvent exister, cela peut être le Programme de Réussite Educative qui est extrêmement dense sur Orléans, aussi bien que les clubs « Coup de Pouce Clé » pour les tout-petits en CP, que le tutorat, que la médiation familiale, que la thérapie familiale, que l’alphabétisation.

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On parlait tout à l’heure d’interprétariat sur Limoges. Le problème de la langue est un problème incontournable. Nous devons impérativement l’aborder. Tout le travail sur l’alphabétisation, pour nous, c’est à peu près 500 parents chaque année qui bénéficient du diplôme A1 avec un suivi en alphabétisation de huit heures par semaine. Comment voulez-vous que l’on puisse reprocher à des parents de ne pas venir voir les professeurs, les principaux, les directeurs d’école parce qu’il y a un problème avec leur enfant quand eux-mêmes ne sont pas capables de prononcer un mot de français et de même sur tout le reste, l’administration, le médical, …etc. C’est un sujet majeur sur lequel, de mon point de vue, nous sommes, en France, encore très en retard.

A présent, cette confiance, comment peut-on l’améliorer, puisque je parlais d’alliage prévention – réussite et maintenant de mariage entre la prévention et la confiance ?

Elle se joue d’abord, effectivement, avec les parents parce que tout est orienté, tout est dirigé, tout est conçu, tout est pensé vers les parents, vers la parentalité, en faveur de la parentalité. Parce que, de toute façon, un jeune, un enfant, un adolescent, ne réussira jamais ou ne pourra pas réussir de la même façon qu’un autre s’il n’y a pas derrière lui la conscience parentale de l’importance de l’enjeu de la parentalité, pour construire à la fois ce petit bonhomme ou ce grand adolescent, pour le construire, pour lui construire un futur, pour lui construire sa réussite.

C’est quelque chose d’essentiel. Tout est donc basé sur ce rapport entre le service de prévention-médiation-réussite et les parents.

D’abord, premièrement, vous imaginez la confiance ? Les parents connaissent le lieu ressource, ils le connaissent par cœur, ainsi que son numéro de téléphone. Ils savent qu’à chaque fois qu’ils rencontrent une difficulté ils peuvent immédiatement prendre l’enfant par la main ou y aller eux-mêmes, tous seuls, ou y venir accompagnés de leur enfant ou de leur adolescent. Ils savent que, là, ils vont commencer d’abord à poser leurs souffrances, leurs difficultés, etc..., tout cela évidemment dans le cadre intime et qu’ensuite, à partir de cela, on va construire sur mesure.

Je ne sais plus qui, lors de la précédente table ronde, évoquait cette notion d’individualisation, de sur-mesure. Effectivement, tout est construit sur mesure. Tout est strictement individualisé.

Le PRE, chaque année, suit de façon totalement et strictement individualisée, 600 familles. Il y a eu sur les trois, quatre dernières années, 2400 plans d’accompagnement parental. Tout cela, je le dis bien, « sur mesure ». Il n’y a pas une famille qui ressemble à une autre. Il n’y a pas un enfant, y compris dans une fratrie, qui ressemble à un autre, donc, c’est construit, élaboré avec, parfois, une action, parfois deux actions, parfois cela va plus rarement jusqu’à neuf, dix actions et plus il y a d’actions plus cela nécessite ensuite le travail inter-partenarial et la confiance entre les différents partenaires.

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Ce lien avec les parents, le travail avec les associations familiales y compris communautaires, je pense à « Femmes d’Ici, Femmes d’Ailleurs », au-delà des parents-relais, tout le tissu associatif qui vient se greffer dessus, travaillent le lien social, je pense à « Eté Punch » ou « Orléans Dynamique » où pendant toutes les vacances, sans exception, pendant l’intégralité de la durée des vacances, on met en place des dispositifs en faveur des familles, des parents, mais les parents et les enfants deviennent, eux, acteurs de ces dispositifs ludiques ou de sorties, de loisirs, etc..., ils en sont co-constructeurs. Ils en sont co-acteurs, ils participent.

Cela va être, par exemple, des enfants qui vont servir leurs propres parents à un repas partagé, chaque soir. Vous comprenez que la vision n’est plus la même : ce sont les enfants, ce sont les adolescents qui servent leurs parents ou leurs grands-parents. Cela change le regard et le lien dans le quartier entre la jeunesse et les adultes, le fait que les jeunes sont toujours perçus comme ceux qui créent le désordre et les adultes comme ceux qui ramènent l’ordre. Cela modifie évidemment le regard.

Et puis, il y a aussi tout le travail de confiance, cette fois-ci, avec les partenaires, parce que cela ne peut pas se construire seul. Ce ne peut pas être le travail de la Ville seule, ni celui du service de prévention-médiation-réussite seul, tout cela passe par cette notion de confiance entre les partenaires. Cette confiance entre les partenaires est un élément, un instrument majeur de la confiance entre le dispositif de prévention et les parents eux-mêmes parce que, quand ils voient que tous les partenaires travaillent main dans la main, en totale cohésion dans leurs actions et en totale cohérence de leurs acteurs, je dirai que cela donne une confiance, déjà, pour les adultes qui se disent « Au moins, on a pas deux, trois, quatre, cinq discours et langages différents, voire divergents » et puis cela créé un climat de confiance dans l’action qui est portée par les parents vis-à-vis de leurs propres enfants, puisqu’ils trouvent un discours qui est, non pas un discours uniloque, mais cohérent. C’est un élément important.

Cela passe par plusieurs choses, comme il a d’ailleurs été évoqué : par l’implication compétente de techniciens de la Ville pour Orléans -et je le salue puisqu’il est dans la salle, vous l’avez rencontré ; Raphaël LE MEHAUTÉ l’a rencontré ; Jean-Yves Gérard le rencontre- il vient me remplacer quand je ne peux pas être toujours présent aux réunions du RESEAU : Say SIRISOUK.

Le premier point, c’est d’abord effectivement la confiance des partenaires vis-à-vis du coordinateur. L’une des deux lois du 5 mars 2007 est parfaite dans le sens où elle créé cette notion de coordination mais, après, pour qu’elle devienne plus que parfaite, encore faut-il choisir le bon coordinateur ou la bonne coordinatrice. Donc, là, un éducateur spécialisé qui était là bien avant mon arrivée, qui m’a aidé à construire le service de prévention, qui est parti ensuite pendant quatre à cinq années au Conseil Général du Loiret pour porter l’ensemble du volet prévention du département. C’est à la fois la prévention spécialisée mais également le lien avec les UTS (Unités Territoriales Sociales), donc les assistantes sociales sur l’ensemble du territoire, qui est revenu en 2006 -2007 pour m’aider à passer à ce troisième étage : Prévention-Réussite.

Il connaît finalement tous les acteurs du Conseil Général, de la PJJ, de la Prévention Spécialisée, et lui-même a une formation d’éducateur spécialisé, le Service de Prévention Médiation, bien sûr, les deux Polices Nationale et Municipale, donc tout cela permet bien naturellement, déjà, de créer le premier lien de confiance qui est au niveau de la coordination.

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Ensuite, c’est le travail en réseau. Cet interpartenariat se fait à la fois par le réseau et par la coordination. Sur le tableau, il y a, sur votre droite, les équipes pluridisciplinaires de suivi, donc les EPS qui travaillent plutôt sur le champ du PRE, de la réussite au niveau des parents (je rappelle que la réussite, ce n’est pas uniquement les enfants, ce sont les familles, les parents aussi). Puis, on rajoutera également le PRE au-dessus, le SEV (Service de Veille Educative) avec les cinq cellules de veille que je préside moi-même, etc…

Et puis, il y a dans le champ de la prévention - ici, on aime bien les acronymes - l’Instance de Concertation Partenariale, pour l’une, chaque semaine, pour l’autre, chaque mois, donc une liste qui est à peu près exhaustive des partenaires qui, sous la coordination de Say SIRISOUK, vont se réunir ensemble, travailler y compris bien sûr et totalement sur du nominatif.

Sur ce point - je le dis par rapport au débat de la table ronde précédente - la confiance ne se décrète pas, mais elle se construit et il est évident que l’information partagée et le secret sont aujourd’hui des cadres légaux dans lesquels cela fait des années que nous travaillons et sans aucune difficulté. Grâce à cette confiance.

Les acteurs de la PJJ, de la Prévention Spécialisée, du Service de Prévention Médiation, des services sociaux de l’Education Nationale, des services sociaux du Conseil Général travaillent totalement ensemble, en toute confiance, d’abord parce que l’information partagée n’est pas du voyeurisme : de l’information pour l’information, cela n’a aucun intérêt. C’est de l’information pour répondre à la question : « Qu’est-ce qu’on fait ? »

Si l’on ne parle pas de cas concrets, on n’est pas sur la situation du quartier : c’est autre chose, ce sont les réunions de veille de quartiers, ça n’a rien à voir. Si l’on ne travaille pas sur les situations individuelles, si l’on ne sait pas quelle est la problématique, si l’on ne sait pas quel est l’acteur qui va être porteur de la solution ou qui va être le chef de file de la solution, ça ne sert pas à grand-chose. Ensuite, il y a un suivi hebdomadaire ou mensuel qui permet, avec le coordinateur, avec les référents de parcours, les équipes pluridisciplinaires de suivi, avec les éducateurs de l’instance de Concertation Partenariale, de pouvoir échanger en totale confiance.

Je dirai que cela va bien au-delà, et ce sera ma conclusion : en fait, cela valorise aussi la mission de chacun des acteurs sociaux-éducatifs. Cela redonne aussi un sens à leur mission. Je vais prendre l’exemple de la Prévention Spécialisée. On sait qu’aujourd’hui la Prévention Spécialisée est en crise. On sait qu’il y a de plus en plus de Conseils Généraux qui freinent les concours qu’ils lui accordent (on a vu celui de la Seine-Maritime qui a décidé de diviser par deux) y compris au prétexte d’immenses difficultés financières qui sont réelles. Mais aussi parce qu’au bout d’un moment, on finit par se dire : « A quoi servent-ils ? » parce que rester sur les fondamentaux des années 60 quand on est au troisième millénaire, au 21ème siècle, si l’on n’est pas capable de s’adapter un peu, de s’ajuster, cela pose un vrai problème.

Si l’on n’est pas capable de porter un regard sur soi-même et de se dire : « Comment fait-on pour évoluer par rapport à une situation qui n’existait pas il y a cinquante ans mais qui existe aujourd’hui ? » et bien cela ne peut pas fonctionner.

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Je dirai que, par un énorme travail qui a été réalisé entre les différents acteurs, on a aujourd’hui, effectivement, une délégation de compétences qui est passée entre le département et la ville, tout cela porté par Say. Alors qu’il y avait un « turn over » phénoménal chaque année, aujourd’hui, ce sont des équipes totalement stabilisées. Elles sont totalement passionnées par leurs actions et c’est totalement complémentaire. Chacun fait son travail et ne fait pas le travail de l’autre.

Je prends un exemple : les acteurs de prévention-médiation-réussite sont dans la rue, au sens physique du terme, dans les halls, etc... Ce sont eux qui repèrent les dysfonctionnements. Il y a la Maison de la Réussite qui repère également et qui accueille les souffrances ou les difficultés, y compris de jeunes adolescents. Naturellement, ce ne sont pas les acteurs de la médiation qui sont sur le terrain qui vont eux-mêmes régler ou gérer. Donc, qu’il s’agisse d’une orientation vers un atelier technique, un chantier éducatif, qu’il s’agisse d’un suivi individuel par un éducateur, on va le passer vers le service de prévention spécialisée, donc vers l’association Oppelia avec laquelle nous travaillons sur ce champ avec les douze éducateurs qui, par conséquent, trouvent un sens total à leur mission.

Voilà un exemple de ce que je voulais redire. Je pense en avoir évoqué l’essentiel mais, bien naturellement, je reste à votre disposition. Merci beaucoup pour votre écoute.

Jean-Yves GERARD :

Manifestement, il y a des interventions qui justifieraient des débats assez longs et des échanges assez riches parce qu’elles montrent que l’intervention publique, le travail social, tout cela connaît des évolutions très profondes sur nos territoires et que, dans le cadre de ces évolutions-là, il faut prendre en compte le fait que ces territoires rassemblent des compétences, comme tu l’as dit Florent, de toutes natures et que ces compétences-là doivent se mettre en système, ensemble, autour des situations traitées.

Les choses avancent de cette manière-là ; on voit comment est traitée la maîtrise d’ouvrage des services de médiation, la maîtrise d’ouvrage n’est pas enfermée au sein de telle ou telle ville, elle est délocalisée sur les territoires et elle rassemble un certain nombre d’acteurs de l’éducatif, de la santé et des différentes interventions de l’Etat, etc…

Ce qui est assez significatif, c’est qu’à Orléans, vous travaillez de manière assez parallèle à la Ville de Romans – je ne sais pas si Romans avait annoncé qu’elle participerait aujourd’hui aux débats – mais vous avez, sur la réussite, l’approche de suivi et des familles, des jeunes, la réflexion sur des pôles de tranquillité publique rassemblant l’ensemble des professionnels concernés par la thématique. On voit, là, des choses qui sont des innovations particulièrement profondes et dans les discussions que nous avons avec vous, Monsieur le Préfet, on avait en tête ces exemples-là, qui montrent que des champs d’innovations se font jour, qui rassemblent des interventions des élus et puis aussi la présence de l’Etat dans ces différentes modalités de présence et d’action sur ces territoires urbains.

Je vous passe la parole.

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Raphaël LE MEHAUTÉ :

Merci Monsieur le Président. Bonjour à tous, à ceux que je n’ai pas salués à l’arrivée.

Je suis en position un peu délicate. Je suis le Secrétaire Général du Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance. Comme vous le savez, la presse spécialisée l’a dit, nous travaillons à la préparation de la Stratégie Nationale de Prévention de la Délinquance et un certain nombre d’entre vous, j’allais dire plusieurs d’entre vous, ont participé, soit à des groupes de travail, soit nous avons eu des rencontres assez prolongées, notamment avec vous, Monsieur le Président, pour travailler et préparer cette stratégie nationale et intégrer, dans celle-ci, effectivement, la capitalisation d’expériences, comme celles que vous venez d’indiquer ou comme celles que nous avons pu aller voir à Orléans, aux Mureaux, au Havre, à Strasbourg et ailleurs.

Cette stratégie nationale essaiera d’abord de porter sa propre définition et de se positionner comme une politique publique à part entière qui intervient lorsque les autres acteurs publics en charge de compétences propres ont épuisé leurs compétences, sont allées jusqu’au bout. C’est-à-dire qu’il faut savoir de quoi l’on parle et à un moment donné, si l’on se met sur le terrain de la prévention, tout est prévention, la prévention primaire, Monsieur MONTILLOT vient de le dire, à l’école etc… Donc dès le départ, on est déjà dans la prévention. Dans la prévention secondaire, on est un peu au-delà, on est chez les jeunes et la tertiaire encore mieux, on est en rapport avec des publics, des jeunes malheureusement, la plupart du temps, envers lesquels les institutions classiques seules ne peuvent plus fonctionner.

On est conduit dans ces cas-là à rechercher ensemble des solutions et nous sommes contraints au partenariat ; pour reprendre la formule de Monsieur HECKEL, il faut « oser davantage de coopération » : ici, ce n’est pas oser davantage. Il faut mettre en place la coopération parce qu’un partenariat sans coopération ça n’est pas un partenariat.

Donc la stratégie nationale, notre projet, si je puis dire, est quand même relativement bien avancé. Mais je ne peux pas en dire plus parce qu’il est entre les mains des différents ministères qui sont membres du Comité Interministériel. Ce projet devrait faire l’objet d’une validation dans le courant du deuxième trimestre qui vient juste de commencer, pour un développement, une explication tout au long du deuxième semestre et pour une pleine application au début d’année 2014, sachant que l’année 2013 est un peu structurée sur le plan de la prévention de la délinquance par la circulaire du 30 octobre 2012 qui fixe les grandes orientations de la prévention de la délinquance pour 2013 et les modalités d’emploi du FIPD.

Cette stratégie s’inscrit en complémentarité des décisions ou des travaux qui sont conduits par le Gouvernement, notamment, je vais commencer par une qui est très importante : la création des Zones de Sécurité Prioritaires par la circulaire du 30 juillet 2012, puis la deuxième vague qui est intervenue en septembre. Elle s’inscrit également dans le droit fil du Comité Interministériel aux Droits des Femmes et à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes qui s’est réuni le 30 novembre avec la lutte contre les violences faites aux femmes et par ricochet, la lutte contre les violences intrafamiliales, mais enfin, souvent ce sont les femmes qui sont le cœur du sujet.

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Puis les mesures annoncées le 4 décembre par le Ministre de l’Education Nationale pour lutter contre le décrochage scolaire, c’est-à-dire que son objectif de raccrocher 20.000 jeunes en situation de décrochage, c’est-à-dire qui sont sortis du système scolaire sans solution et qui ne sont nulle part. Les derniers à les avoir connus, c’est l’Education Nationale et donc le ministère de l’Education Nationale a mis en place un plan de raccrochage de ces jeunes, plan qui n’a pas dû vous échapper.

Cet exemple est très intéressant parce que la prévention de la délinquance va s’intéresser précisément à ceux qui n’auront pas pu être raccrochés et qu’il faudra quand même essayer de remettre - quelqu’un a parlé de circuit vertueux - dans un circuit de retour, de les remettre « en situation de ».

Alors, bien évidemment, ces travaux s’inscrivent également en pleine complémentarité avec la Conférence de Consensus sur la prévention de la récidive qui s’est tenue les 14 et 15 février 2013 sous l’égide de la Ministre de la Justice – Garde des Sceaux. Naturellement, les collègues du Ministère de la Ville sont là et l’accès du Comité Interministériel des Villes s’est tenu le 19 février 2013. Bien évidemment, toutes ces questions de prévention de la délinquance, même si elles ne sont pas que là, sont sans doute plus concentrées sur les territoires dits « prioritaires », priorités de la politique de la ville, que sur le reste du territoire même si, encore une fois, la stratégie a vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire. Enfin, le Comité Interministériel de la Jeunesse vient de se réunir le 21 février dernier.

Je ne vais pas dévoiler le contenu de ce projet de stratégie nationale, le moment viendra. Simplement ce que l’on peut dire, c’est qu’il y a quand même trois priorités qui ressortent et qui sont : 1. La prévention de la délinquance chez les jeunes les plus exposés et la lutte contre la récidive, notamment chez les jeunes également. Vous voyez qu’il y a le lien direct avec la Conférence de Consensus, le lien aussi avec ce que j’ai évoqué sur les jeunes qui ne sont nulle part, qui ont décroché. Je ne vais pas parler des décrocheurs parce que c’est l’Education Nationale qui s’en occupe. La prévention de la délinquance, en partenariat, s’intéressera à ceux qui ne sont nulle part, qui n’ont pas pu, précisément, être raccrochés.

2. Une deuxième priorité : la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences intrafamiliales, l’aide aux victimes et puis la priorité de construire la tranquillité publique pour les habitants dans les ZSP, mais également dans les secteurs de politique de la ville puis, bien au-delà, où cela est nécessaire.

Là je vais faire un clin d’œil à ce que vous faites, Monsieur le Président, et à ce colloque, c’est-à-dire la mise en place la tranquillité publique. C’était le débat de ce matin, et notamment la première table ronde « Réarticuler la tranquillité publique et le travail social ». Ce qui est ressorti des travaux que nous avons conduits avec les différents groupes de travail qui ont été animés tout au long des mois derniers, c’est que la réponse au besoin de tranquillité publique passe par des dispositifs, sans doute de vidéo surveillance, peut-être, sûrement, aussi par des dispositifs de médiation. C’est là que l’on trouve tout l’intérêt de la médiation, notamment autour des écoles, dans les lignes de transport, à proximité ou dans les halls d’immeubles. Nous avons travaillé très largement avec l’USH et un certain nombre d’acteurs de terrain du logement social sur les bailleurs sociaux et la prévention de la délinquance.

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Nous avons bien vu qu’il y avait un sujet de complémentarité très développé de nécessité de mettre en place, la plupart du temps, et dans un certain nombre de cas, des dispositifs de médiation qui portent le nom de médiation, d’ailleurs, ou de correspondants de nuit.

Et puis, la deuxième table ronde « Construire la confiance » : c’est oser le partage d’informations, si je puis dire. Je dirai : oser le partage d’informations utiles, comme vous l’avez dit, au strict traitement des situations individuelles parce que dans la stratégie, aussi, nous espérons bien faire en sorte que tous les acteurs qui sont sur le terrain, que ce soit les médiateurs, les travailleurs sociaux, les Conseils Généraux ou que ce soit la prévention spécialisée liée à la protection de l’enfance qui est également sur le terrain, que tous ces acteurs-là voient leur travail facilité ; il ne s’agit pas de faire leur travail à leur place, mais faciliter leur travail pour s’assurer que les jeunes qui ont été repérés en difficulté, ceux que j’ai évoqués au début de mon propos, soient repérés. Je crois que le repérage est d’évidence fait par ceux qui sont sur le terrain, pour que l’on puisse ensuite leur proposer un chemin : quelqu’un a évoqué la notion de chemin pour rejoindre, retrouver un cercle vertueux.

On a bien conscience que c’est vous qui êtes sur le terrain, qu’il est compliqué de convaincre ces jeunes de rejoindre ces circuits-là, soit une Mission Locale, soit un dispositif tout à fait spécifique comme on a pu le voir aux Mureaux ou à Strasbourg ou encore à Orléans. Ce qui est important également, c’est que l’on puisse assurer un suivi individualisé, non pas par un, deux, trois, quatre, cinq personnes, mais par une seule personne. Ce que nous essaierons de promouvoir, c’est que le suivi individualisé soit assuré par un référent : on désigne un référent qui peut être soit l’éducateur spécialisé soit le médiateur, soit le travailleur social, et que cette personne puisse, sans être celle qui suit le dossier, relancer le jeune si je puis dire.

Souvent, d’ailleurs, je pense que c’est celle qui l’a convaincu de se remettre dans le circuit qui est la mieux placée pour ensuite rester à son contact. Cela suppose un travail en partenariat avec des collectivités locales, un travail de terrain, un travail à une échelle qui doit être réfléchie en fonction de la taille des agglomérations, des villes, dans une ville moyenne, petite ville, 10 000 habitants. Je pense que la ville se suffit à elle-même, le périmètre sera suffisant. Dans une ville comme Paris, Marseille ou Strasbourg, on voit bien que ce sera différent, il faut imaginer d’avoir, à l’instar de ce qui a été mis en place dans le cadre des Zones de Sécurité Prioritaires, des commissions. La commission de coordination du partenariat opérationnel dans les ZSP est mettre autour de la table les acteurs du terrain sur les ZSP, comme cela se fait dans le 18e arrondissement à Paris, de manière très naturelle, traiter de tous les sujets qui vont ou qui ne vont pas, et puis aussi avec les partenaires qui vont bien, repérer les situations individuelles et faire en sorte que chacun puisse essayer de trouver sa place.

Je voudrais également dire que la Stratégie Nationale de Prévention de la Délinquance évoquera le rôle important de la médiation, des correspondants de nuit etc… C’est une nouveauté, c’est-à-dire que dans le plan précédent de Prévention de la Délinquance et d’Aide aux Victimes 2010-2012, la médiation n’apparaissait pas. Elle sera un des moyens, un des outils dans la stratégie, elle apparaitra comme l’un des outils, de fait. Je veux dire que c’est une évidence : la médiation à vocation de tranquillité publique, c’est une évidence, a sa place, comme vous l’avez démontré. D’autres l’ont démontré et les exemples que nous avons eus ce matin le démontrent : que ce soit des médiateurs fonctionnaires ou que ce soit des médiateurs prestataires de services mis en place après un appel à projet ou après une procédure de marché public.

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Voilà, donc, encore quelques semaines de patience et comptez sur nous pour être les porte-paroles motivés de cette nouvelle stratégie qui, encore une fois, essaiera de cibler des publics pour aller vraiment à l’essentiel. Je ne vais pas dire que l’argent est rare, mais les fonds publics sont ce qu’ils sont et l’objectif c’est de faire encore mieux à moyens constants. On va le dire cela. Je pense que cela est possible.

Ce matin, personne n’a parlé vraiment de moyens, enfin si certains ont dit, notamment Madame EL KHOMRI a dit : « Voilà, si l’on pouvait développer… ». Bien évidemment, mais d’ores et déjà si l’on peut faire partout, je veux dire, redistribuer partout sur le territoire une bonne pratique dans le cadre d’un cadrage national quand même indispensable pour que, sur le terrain, les gens ne perdent pas de temps à réfléchir à comment s’organiser, les aider à s’organiser. C’est le rôle de l’Etat : donner les impulsions, et puis montrer quelles sont les priorités, donner le petit coup de main financier. Je ne l’ai pas dit, mais le Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance pour 2013 a permis d’assurer dans tous les départements de France, quels qu’ils soient, le même niveau de financement de la prévention de la délinquance qu’en 2012. En plus, les départements dans lesquels sont implantés les 64 Zones de Sécurité Prioritaires ont bénéficié d’un bonus qui permet actuellement aux partenaires locaux de mettre en place des actions de médiation peut-être, en tout cas, de prévention de la délinquance, un peu plus renforcées.

L’Etat a aussi un levier et il entend utiliser ce levier comme moteur dans la mise en place de ses priorités donc qui seront rendues publiques par le Gouvernement dans les semaines qui viennent.

Merci

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Conclusions de Monsieur Jean-Yves GERARD

Mes propos prendront la forme première d’un hommage aux 5 Villes qui ont accueilli la recherche action, et qui ont été présentées par André MOISAN qui en a animé le cours ; et en a dégagé les perspectives qui vous ont été proposées. Nous vous remercions Monsieur le Préfet d’avoir bien voulu marquer toutes les convergences qui rendront fructueuses les relations avec les orientations inscrites à la stratégie de l’Etat en matière de Prévention.

Cette recherche clôt la première étape de la démarche du Réseau orientée vers l’étude des objets de la Médiation (colloques sur les halls et l’Espace Urbain) et son organisation sur les territoires. Chacune des 5 Villes démontre que la Médiation Sociale est aux cotés des élus et des professionnels, qui sont ses partenaires et avec qui ils s’attachent à investir des formes de régulation permettant de construire un Monde commun dominant conflits, tensions et violences.

La Médiation Sociale est à la hauteur de son rôle quand, s’appuyant sur sa position stratégique de généraliste, elle propose à ses partenaires la matrice d’actions nouvelles, parfaitement mises en exergue par la recherche de modes d’intervention inédits qui sont autant de pistes pour moderniser le service public dans les territoires. Leur énumération commence à être connue ; mais on sait qu’ils nourriront l’action, si du côté de la Médiation Sociale des efforts sont faits pour clarifier les concepts utilisés.

I - Le contexte social de l’intervention des Médiateurs Sociaux

On l’a dit prégnance constante de la souffrance morale, de ses manifestations les plus difficiles, voire les plus violentes. Ici, il me semble qu’il convient de se défier de tout verdict tranché relativement à la limite de la compétence des Médiateurs. Les recherches invitent à un constat simple : les Médiateurs rencontrent le même public que la Police Nationale et les services d’urgence, ils sont confrontés aux mêmes problématiques sur les mêmes territoires qu’ils arpentent ensemble. Dans ces conditions la priorité devrait aller, selon nous, à l’efficience de la chaine de gestion de la Tranquillité Publique, et que les solutions choisies associent les points forts de l’Etat, ceux offerts par les professionnels des services éducatifs et de Santé et ceux enfin de la Médiation. Ces interrogations sont tournées vers la Maîtrise d’Ouvrage.

II – La Maitrise d’Ouvrage d’un Service de Médiation

La recherche a mis à jour ce point de convergence : la Maîtrise d’Ouvrage est d’abord l’œuvre des élus, acte politique déduit du contrat proposé aux citoyens, et qui n’est pas sans lien avec le développement du Capital Social des habitants d’un territoire lié aux valeurs de respect, de coopération, d’honnêteté, ingrédients de la confiance à la source des initiatives de bonnes conduites qui rendent possible la bonne gouvernance.

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Sur le contenu de la Maîtrise d’Ouvrage, il faudra se pencher sur de multiples questions : la doctrine d’emploi des services de Médiation Sociale, une meilleure définition des conditions de Délégation de Maîtrise d’Ouvrage, les modes d’intégration aux politiques locales de Tranquillité Publique, sans laisser imaginer qu’existe un modèle applicable tel quel à chaque territoire.

Constatons que la recherche a montré que la Maîtrise d’Ouvrage ne reste pas enfermée au sein de l’Hôtel de Ville ; que souvent ont été définies des modalités innovantes de localisation au niveau de chaque territoire, dotées d’outils « ad hoc ».

Nous sommes face à une autre forme de service public privilégiant un fonctionnement transversal, pluridisciplinaire, rendu possible par des modalités non formalisées sous le patronage de principes déontologiques et de la commande des élus et des représentants de l’Etat. Le secret est au cœur de l’organisation non pas par défiance, mais parce que pour l’habitant, il s’agit de l’intime, de la relation à lui-même, relation à partir de laquelle il se compose comme sujet dans l’action. Nous avions aussi évoqué les zones grises.

A- Organisation des services de Médiation

Les Maîtrises d’Ouvrage font effort d’évaluation, et avancent en matière de qualité ou d’efficience. Mais il n’en demeure pas moins que le paysage de la Médiation Sociale dédiée à la Tranquillité Publique doit encore gagner, en lisibilité, professionnalisme et efficience.

Mais on sait que sur ce champ tout progrès significatif sera donné si chaque Maître d’Ouvrage reçoit la capacité de stabiliser le tour de table financier de ses moyens de Médiation.

B - Les rapports des Médiateurs avec les habitants

La mission du Médiateur Social est de permettre que fonctionnent entre les habitants les ajustements, qui respectent l’histoire, les besoins, les demandes ou la vie de chacun. Faire vivre sur les territoires la culture de compromis qui fasse que chacun pourra vérifier que sa plainte sera bien traitée, respectée et considérée comme importante.

C - Les Médiateurs et les institutions

Les Médiateurs détiennent les outils permettant aux institutions de rester en prise avec les habitants.

D - Les actes des Médiateurs

Ce qui est dans l’esprit des Médiateurs, c’est la volonté d’aider les habitants à être les acteurs de leurs parcours de soins, ou ceux du parcours de leurs plaintes. Ce qui est en cause, c’est le surplomb du professionnel quand il impose la domination de son savoir technique, surtout quand elle se veut sans partage, et de redonner alors à l’habitant le moyen de sa vérité pour que s’apaise sa révolte, parce que l’échange aura été rééquilibré.

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III - Le Partenariat

Deux affirmations liminaires :

Les professionnels investis sur les situations récurrentes peuvent être en échec si en arrière fond pèse la souffrance morale évoquée ;

Pour qu’il y ait partenariat, il faut des partenaires assurés d’un avenir sans fragilité particulière et notamment financière.

Deux objectifs stratégiques :

1) faire barrage à la violence ;

2) investir sur la réussite de l’enfant.

Conditions de la réussite :

1) Faire confiance aux professionnels ;

2) Réserver une place importante au compagnonnage professionnel, qui est le partage des compétences (ex : lire avec le Psychologue les situations difficiles).

Invention d’outils filet contenant :

1) Chaque strate hiérarchique est impliquée et monte en compétence ;

2) Nouvelle forme d’accompagnement intelligence de la gestion du risque ;

3) Constituer un tableau clinique réaliste ;

4) Rigueur dans la gestion du 24h/24 et de chaque étape du dossier.

S’esquisse alors une autre approche de la gestion de la Tranquillité Publique et des outils de sa mise en œuvre, à l’articulation du social et de la sécurité, ceux évoqués dans la recherche et ceux qui ne le sont pas ; évaluation quantitative et celle de l’utilité sociale. Nous relayons la demande des Villes qui ne peuvent être là et qui souhaitent accéder à ces outils (Le Teil en Ardèche) : elles nous adressent la demande d’ouvrir ce nouveau chapitre de notre action.

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