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50 LU, VU, ENTENDU de l’usage de l’un sur les autres serait elle aussi une construction culturelle. Mais David Le Breton ne propose ainsi pas seulement une « sociologie » des sens, mais également une anthropologie des sens, anthropologie culturelle (comparatiste), mais aussi dans une accep- tion plus fondamentale : comme structuration de l’espace et des rela- tions que nous effectuons par les usages spécifiques et différenciés dont nos sens sont constitutifs. L’humain est ainsi pensable de ma- nière diverse, car plus simplement fondé sur un mode unique de rap- port aux sens, à la perception, et par là même à son environnement, mais dans sa capacité même à construire ses propres perceptions, via des langages communs et des processus de transmission. D’une grande richesse bibliographique, très accessible et illustré d’exemples particulièrement passionnants, cet ouvrage est en quel- que sorte une somme intelligente et problématisée des multiples façons dont le corps nous permet de construire un monde, monde humain et habitable, parce que monde de significations partagées. Son intérêt général pour les soignants et médecins est évident, car re- mettant en perspective le corps et les sens, au sein d’un ensemble de significations culturelles ; il rend une complexité et une richesse que l’on tend parfois à oublier de par la focalisation sur la pratique médi- cale, perdant alors de vue la singularité de chaque patient, tout comme les profondes différences culturelles qui peuvent transformer le rapport à notre propre corps, mais aussi la pensée même de la ma- ladie, de même que la façon de resituer le soin dans un ensemble de perceptions, qui sont elles aussi souvent en bonne partie socialement et culturellement déterminées. Florence Quinche L’autonomia del paziente. Paradigma bioetico e politico della modernità occidentale L’Arco di Giano, Rivista trimestriale di Medical Humanities, n° 48, 2006, Rome, Istituto per l’Analisi dello Stato Sociale, 160 p. ISSN 1721-0178. Ce numéro consacré au thème de l’autonomie vise à dresser aussi bien un panorama historique que contemporain de cette notion. En effet, comment se situer parmi les multiples sens possibles de l’auto- nomie ? Quand ce concept est-il apparu en éthique médicale, quels sont les liens avec la philosophie morale ? Les différents articles de ce numéro spécial permettent de s’orienter aussi bien dans les réflexions philosophiques continentales que dans le débat bioéthique nord américain des années 50. Ces perspectives historiques contribuent à clarifier les sources des diverses positions contemporaines, et à une meilleure compréhension des multiples compréhensions possibles de l’autonomie. Florence Quinche La chair à l’image S. Bernas, J. Dakhlia. Paris : L’Harmattan, 2006, coll. Champs visuels, 274 p. Ouvrage collectif issu de journées d’études interdisciplinaires (arts plastiques, sciences de l’information et de la communication, études cinématographiques, histoire, littérature, philosophie) tenues en 2005 à l’Université de Nancy 2. Une première partie « Corruption de chair », traite aussi bien des re- présentations de la maladie (peste) que des images de la chair violentée, analysée sous l’angle mythologique puis religieux, qui ont imprégné des siècles d’iconographie en Occident (de Prométhée aux représenta- tions de martyrs et de saints). Quels sens peuvent avoir ces représenta- tions d’une chair blessée, resituées dans leurs contextes respectifs ? Ouvrage qui donne à repenser la chair de manières multiples, en par- tant essentiellement de l’imaginaire et des représentations. Ces di- verses approches touchant aussi bien à l’univers du religieux, de l’art, que des médias, nous renvoient à la richesse des réflexions contem- poraines sur le corps et sa matérialité (portant sur l’art, la porno- graphie, l’érotisme, le photojournalisme, le cinéma, la littérature). Surreprésenté dans les médias, ausculté, exhibé, transformé, le corps en est-il pour autant désacralisé, perd-il de son mystère ? La ré- flexion sur les modes de représentation du corps renvoie en perma- nence, de façon indirecte, à des questions d’éthique : que peut-on montrer ? Quel est le statut des représentations imaginaires ? Qu’en est-il des processus d’objectivation du corps ? L’artiste peut-il utili- ser son corps comme un objet, en faire une œuvre d’art ? Les images de corps violentés, torturés (aussi bien en art contempo- rain qu’en photojournalisme) nous interpellent, oscillant entre té- moignage, dénonciation et voyeurisme. Même si tous les textes du volume n’ont pas le même degré de clarté et d’accessibilité, pour la plupart ils incitent à la réflexion, de manière parfois provocante, et mettent l’accent sur des questions difficiles, des processus parfois dérangeants, qui sont parfois inhérents à certaines dérives de nos sociétés contemporaines. Florence Quinche Dictionnaire des sciences humaines J.-F. Dortier. Auxerre, Éditions sciences humaines, 2004, 874 p. Un dictionnaire encyclopédique pouvant servir d’introduction sti- mulante aux sciences humaines. Outil extrêmement clair et pédago- gique, il comporte, outre des entrées conceptuelles, noms propres, noms d’écoles de pensée, thématiques, des chapitres synthétiques sur l’histoire, la philosophie, les sciences de l’éducation, les sciences co- gnitives, la sociologie, la psychologie, la linguistique, l’économie et l’anthropologie. Florence Quinche

L’autonomia del paziente. Paradigma bioetico e politico della modernità occidentale

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LU, VU, ENTENDU

de l’usage de l’un sur les autres serait elle aussi une constructionculturelle. Mais David Le Breton ne propose ainsi pas seulement une« sociologie » des sens, mais également une anthropologie des sens,anthropologie culturelle (comparatiste), mais aussi dans une accep-tion plus fondamentale : comme structuration de l’espace et des rela-tions que nous effectuons par les usages spécifiques et différenciésdont nos sens sont constitutifs. L’humain est ainsi pensable de ma-nière diverse, car plus simplement fondé sur un mode unique de rap-port aux sens, à la perception, et par là même à son environnement,mais dans sa capacité même à construire ses propres perceptions,

via

des langages communs et des processus de transmission.D’une grande richesse bibliographique, très accessible et illustréd’exemples particulièrement passionnants, cet ouvrage est en quel-que sorte une somme intelligente et problématisée des multiplesfaçons dont le corps nous permet de construire un monde, mondehumain et habitable, parce que monde de significations partagées.Son intérêt général pour les soignants et médecins est évident, car re-mettant en perspective le corps et les sens, au sein d’un ensemble designifications culturelles ; il rend une complexité et une richesse quel’on tend parfois à oublier de par la focalisation sur la pratique médi-cale, perdant alors de vue la singularité de chaque patient, toutcomme les profondes différences culturelles qui peuvent transformerle rapport à notre propre corps, mais aussi la pensée même de la ma-ladie, de même que la façon de resituer le soin dans un ensemble deperceptions, qui sont elles aussi souvent en bonne partie socialementet culturellement déterminées.

Florence Quinche

L’autonomia del paziente. Paradigma bioetico e politico della modernità occidentale

L’Arco di Giano, Rivista trimestriale di Medical Humanities, n

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48, 2006,Rome, Istituto per l’Analisi dello Stato Sociale, 160 p. ISSN 1721-0178.

Ce numéro consacré au thème de l’autonomie vise à dresser aussibien un panorama historique que contemporain de cette notion. Eneffet, comment se situer parmi les multiples sens possibles de l’auto-nomie ? Quand ce concept est-il apparu en éthique médicale, quelssont les liens avec la philosophie morale ? Les différents articles de cenuméro spécial permettent de s’orienter aussi bien dans les réflexionsphilosophiques continentales que dans le débat bioéthique nordaméricain des années 50. Ces perspectives historiques contribuent àclarifier les sources des diverses positions contemporaines, et à unemeilleure compréhension des multiples compréhensions possiblesde l’autonomie.

Florence Quinche

La chair à l’image

S. Bernas, J. Dakhlia. Paris : L’Harmattan, 2006, coll. Champs visuels,274 p.

Ouvrage collectif issu de journées d’études interdisciplinaires (artsplastiques, sciences de l’information et de la communication, étudescinématographiques, histoire, littérature, philosophie) tenues en2005 à l’Université de Nancy 2.Une première partie « Corruption de chair », traite aussi bien des re-présentations de la maladie (peste) que des images de la chair violentée,analysée sous l’angle mythologique puis religieux, qui ont imprégnédes siècles d’iconographie en Occident (de Prométhée aux représenta-tions de martyrs et de saints). Quels sens peuvent avoir ces représenta-tions d’une chair blessée, resituées dans leurs contextes respectifs ?Ouvrage qui donne à repenser la chair de manières multiples, en par-tant essentiellement de l’imaginaire et des représentations. Ces di-verses approches touchant aussi bien à l’univers du religieux, de l’art,que des médias, nous renvoient à la richesse des réflexions contem-poraines sur le corps et sa matérialité (portant sur l’art, la porno-graphie, l’érotisme, le photojournalisme, le cinéma, la littérature).Surreprésenté dans les médias, ausculté, exhibé, transformé, le corpsen est-il pour autant désacralisé, perd-il de son mystère ? La ré-flexion sur les modes de représentation du corps renvoie en perma-nence, de façon indirecte, à des questions d’éthique : que peut-onmontrer ? Quel est le statut des représentations imaginaires ? Qu’enest-il des processus d’objectivation du corps ? L’artiste peut-il utili-ser son corps comme un objet, en faire une œuvre d’art ?Les images de corps violentés, torturés (aussi bien en art contempo-rain qu’en photojournalisme) nous interpellent, oscillant entre té-moignage, dénonciation et voyeurisme.Même si tous les textes du volume n’ont pas le même degré de clartéet d’accessibilité, pour la plupart ils incitent à la réflexion, de manièreparfois provocante, et mettent l’accent sur des questions difficiles,des processus parfois dérangeants, qui sont parfois inhérents à certainesdérives de nos sociétés contemporaines.

Florence Quinche

Dictionnaire des sciences humaines

J.-F. Dortier. Auxerre, Éditions sciences humaines, 2004, 874 p.

Un dictionnaire encyclopédique pouvant servir d’introduction sti-mulante aux sciences humaines. Outil extrêmement clair et pédago-gique, il comporte, outre des entrées conceptuelles, noms propres,noms d’écoles de pensée, thématiques, des chapitres synthétiques surl’histoire, la philosophie, les sciences de l’éducation, les sciences co-gnitives, la sociologie, la psychologie, la linguistique, l’économie etl’anthropologie.

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