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i l’on considère comme le sociologue Edgar Morin que « pour la première fois naît une communauté de destin pour l’humanité partout confrontée aux mêmes périls vitaux » alors il est sans doute impérieux pour la société de solidariser et « d’éduquer pour l’ère planétaire » (voir interview page 92-98). Comment parler et agir pour un développement social, économique, environnemental durable sans repenser un type de développement fondé essentiellement sur la croissance économique, laissant une partie toujours plus importante de la population en marge de la société ? Comment le faire sans éduquer ? Il est plus impérieux que jamais de former des consciences autonomes, des citoyens acteurs en regard des enjeux futurs. DES CITOYENS ÉCLAIRÉS ET RESPONSABLES « Si l’école a bel et bien pour mission de donner à tous les moyens de s’insérer dans la société, d’accéder à l’autonomie et de s’y accomplir, elle doit non seulement former des citoyens éclairés et responsables, mais aussi s’inquiéter sérieusement des transformations du monde économique qui les attend » nous dit Eric Maurin économiste (voir interview pages 6-7). Oui mais com- ment ? S L’école et la société LES DIFFICULTÉS SOCIALES, LES SÉGRÉGATIONS DE TOUS ORDRES ACCENTUENT DANS L’ÉCOLE LES DIFFICULTÉS DE CERTAINS ÉLÈVES. L’ÉCOLE NE PEUT PAS TOUT MAIS LA NÉCESSITÉ DE SAISIR ET AFFRONTER LA COMPLEXITÉ DE NOTRE SOCIÉTÉ INTERROGE LES CONTENUS DE L’ENSEIGNEMENT. 76

L’école et la société - SNUipp

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i l’on considère comme lesociologue Edgar Morin que« pour la première fois naît une

communauté de destin pour l’humanitépartout confrontée aux mêmes périlsvitaux » alors il est sans doute impérieuxpour la société de solidariser et« d’éduquer pour l’ère planétaire » (voirinterview page 92-98).Comment parler et agir pour undéveloppement social, économique,environnemental durable sans repenserun type de développement fondéessentiellement sur la croissanceéconomique, laissant une partie toujoursplus importante de la population enmarge de la société? Comment le fairesans éduquer? Il est plus impérieux quejamais de former des consciencesautonomes, des citoyens acteurs enregard des enjeux futurs.

DES CITOYENS ÉCLAIRÉS ET RESPONSABLES

« Si l’école a bel et bien pour mission dedonner à tous les moyens de s’insérerdans la société, d’accéder à l’autonomieet de s’y accomplir, elle doit nonseulement former des citoyens éclairés etresponsables, mais aussi s’inquiétersérieusement des transformations dumonde économique qui les attend » nousdit Eric Maurin économiste (voirinterview pages 6-7). Oui mais com-ment?

S

L ’ école etla société

LES DIFFICULTÉSSOCIALES, LES

SÉGRÉGATIONS DETOUS ORDRES

ACCENTUENT DANSL’ÉCOLE LES

DIFFICULTÉS DECERTAINS ÉLÈVES.

L’ÉCOLE NE PEUT PASTOUT MAIS LA

NÉCESSITÉ DE SAISIRET AFFRONTER LA

COMPLEXITÉ DENOTRE SOCIÉTÉINTERROGE LES

CONTENUS DEL’ENSEIGNEMENT.

76

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Edgar Morin insiste pour sa part depuislongtemps sur la nécessité de repenserles savoirs de l’école qui doivent s’inscriredans le mouvement des savoirs de notresociété. Il propose sept savoirs nouveauxen rapport avec le type de connaissancedont notre société a besoin. « Uneconnaissance capable de saisir lesdifférents aspects d’une même réalité,capable de voir tout ce qui lie, que cesoit associatif ou antagoniste. » Uneconnaissance qui rende apte à saisir etaffronter la complexité de notre société.Une connaissance non cloisonnée.Cette question des contenusd’enseignement est maintenant largementinterrogée et de manière nouvelle. BernardLahire, professeur de sociologie à l’écolenormale supérieure demande « pourquoi,puisqu’on enseigne l’histoire dès l’écoleprimaire, c’est-à-dire le sens du temps etde la transformation des sociétés, ne pasy enseigner la sociologie etl’anthropologie, comment on vit ailleurset comment on vit différemment au seinde sa société selon son sexe, son âge, sonmilieu social ? »

INÉGALITÉ SOCIALE, INÉGALITÉ SCOLAIRE

Mais un tel enjeu peut-il ne concernerque ceux qui réussissent déjà à l’école?On sait combien des réformes de sociétésont incontournables quand les inégalitéssociales déterminent les parcours scolaireset l’échec scolaire des élèves issus descatégories sociales les plus défavorisées.Différentes formes de ségrégationaccentuent les difficultés de certainsélèves. Ségrégation urbaine, ségrégationentre filles et garçons (Michèle Babillot p86 — 87), ségrégation sociale surtout.Ainsi Chantal Zaouche – Gaudron (p.)souligne dans une étude sur la précaritéque « la désinsertion » après la classe detroisième est beaucoup plus importante

chez les enfants de familles défavorisés ».D’après le rapport n° 4 du CERC en 2004,« 25 % des enfants sont en retard ensixième dans la population non pauvre,45 % pour les pauvres et 12 % pour lesplus favorisés ».C’est dire que si l’école fait beaucoup, ellene peut pas tout.

DES ENJEUX POUR LE CITOYEN, POUR LA

SOCIÉTÉ

L’école a pour mission de permettre àchacun de s’insérer dans la société, des’y accomplir. A une époque où lesexigences de qualification nécessitent unemobilité et une capacité d’évolutiondans l’emploi, « il nous faut penser un

Taux de chômage des jeunes actifs de 15-24 ans, en fonction de leur niveau de diplôme (1971-2005)

Lecture : Depuis le milieu des années 70, les jeunes actifs ont été durement confrontés au chô-mage, en particulier les moins diplômés (ces « jeunes actifs » sont âgés de 15 à 24 ans en débutd’année ; ceux de 2005 sont nés de 1980 à 1989).

Source : calculs DEPP à partir des enquêtes Emploi de l’INSEE (moyenne des deux premiers trimestres àpartir de 2003)

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« Ce n’est pas seulementl’individu qui a intérêt

à un haut niveau de formation, mais la société toute entière. »

système éducatif capable de porter unelarge proportion de chaque classe d’âge àun niveau très élevé d’employabilité. » Enexprimant ce point de vue Eric Maurinaffirme que « l’objectif de justice socialedes politiques de démocratisation sedouble d’un objectif d’efficacitééconomique. ». Il ne peut plus s’agir d’undéveloppement envisagé uniquement sousl’angle d’une compétition économiqueaccélérée, mais à l’inverse d’une logiqueéconomique compatible avec ledéveloppement humain et moral et ledéveloppement d’une société socialementet culturellement égalitaire.Pour Edgar Morin « aujourd’hui, lanouvelle mission (de l’école) est nonseulement d’enseigner à affronterindividuellement les problèmes de la vie,mais aussi à comprendre les problèmes dela nation jusqu’à ceux de la planète. »Ce n’est pas seulement l’individu qui aintérêt à un haut niveau de formation,mais la société toute entière. Ainsil’économiste Eric Maurin pourraitconclure qu’au « regard de l’histoire et auregard des tensions actuelles du marché dutravail, il semble aujourd’hui nécessaire defranchir un nouveau cap scolaire, celuid’une réelle démocratisation del’enseignement. »

Réduire les inégalités

Toutes les études montrent l’importance deposséder une solide formation initiale et

d’obtenir un diplôme pour s’insérer dans lavie sociale et professionnelle. Les inégalités à

l’école existent et sont d’autant plus injustesqu’elles touchent principalement lescatégories de la population les plus

défavorisées. 15 % des élèves sont encoreaujourd’hui en difficulté à l’issue de l’écoleprimaire. Dès l’entrée à l’école, la catégorie

socioprofessionnelle des parents etl’environnement culturel familial sont des

facteurs qui discriminent le plus la réussitedes enfants. Les inégalités sociales et

scolaires se sont aggravées et concentrées surcertains territoires. Pour le SNUipp, la mixité

sociale est un des moyens de combattre lerenforcement des ghettos urbains et d’enrayerle déterminisme social. Réduire les inégalités

scolaires sur tous les territoires est un projetqui doit s’inscrire dans une politique globale

d’accès aux droits fondamentaux (santé,logement, travail, culture…)

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Le regard des enfants sur les métiers de leurs parents

Un DVD contenant 4 épisodes et un dossierpédagogique est disponible pour le travail enclasse. Exemple même d’approchesinterdisciplinaires, le film permet dans ledomaine des arts visuels d’aborder ladistinction fiction/documentaire et l’ensembledes questions tournant autour du cinéma. Lesjeux de rôle, le jeu des cartes des métiers,l’expression théâtrale constituent demagnifiques supports d’expression orale ouécrite. L’exploration des métiers, le tournagedu film sont prétexte à visiter les programmesd’histoire et de géographie.En juin 2007, Sophie Thomas a présenté « Ondirait que… » dans son CE2 de Lagny en

PROJECTION DU FILM: « ON DIRAIT QUE… »EN PRÉSENCE DE LA RÉALISATRICE FRANÇOISE MARIE

Seine-et-Marne. La projection a été suivie, lasemaine suivante, par une rencontre avec laréalisatrice, un temps fort pour les enfants. Ilslui ont demandé pourquoi elle s’intéressait auxenfants, comment elle les avait choisis,pourquoi elle avait eu envie de faire ce film.Ils ont découvert la notion d’improvisation,demandé comment étaient faits les décors etsi les accessoires étaient vrais.Certains ont eu ensuite envie de parler dumétier de leurs parents ; d’autres ont invité lesleurs à aller voir le film, comme s’ils voulaientleur dire : « Voyez ce que savent lesenfants… »

QUEL REGARD ONTLES ENFANTS SUR LES

MÉTIERS DE LEURSPARENTS ?

on dirait que… » A la manièred’une autre formule canonique,le « il était une fois… » des

contes, ces trois mots nous plongent deplain-pied dans l’imaginaire de l’enfance.C’est bien le sens de la démarchedocumentaire de Françoise Marie, quinon contente d’observer ou d’interrogerles enfants qu’elle filme, leur proposed’être les acteurs à part entière del’élaboration du film. Comme son court-métrage « Petites histoires de reins dutout » (1999) qui proposait à des enfantsmalades de rejouer des scènes de leur viequotidienne à l’hôpital, « On diraitque… » est construit autour du procédédu jeu de rôle: des enfants (de 8 à 13 ans)sont invités à proposer de petites saynètessur le métier de leurs parents, à partir dece qu’ils perçoivent au quotidien et cequ’ils en imaginent. Le film alterneentretiens avec les enfants et exercicesd’improvisation. Il est constitué de septchapitres consacrés à un grouped’enfants et à un métier différents :agriculteurs, médecins, gendarmes,épiciers, instituteurs, restaurateurs,artistes de cirque.

«

DOCUMENTAIRE

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81

Comment avez-vous eu l’idée de tournerce film?J’ai eu l’occasion de tourner il y a plusieursannées un film « Petites histoires de reins dutout » qui racontait la vie d’enfants atteintsde maladie rénale. Face à la vitalité et à lamaturité de ces enfants (qui éprouvaient lebesoin de faire connaître leur vie aux autresenfants qui à l’école, « ne lescroyaient pas »), j’ai cher-ché un dispositif de réa-lisation qui ne stig-matise pas les enfantscomme des enfantsmalades. Est venuel’idée du jeu de rôle quim’a permis également dedépasser le champs des questions que j’au-rais pu leur poser avec toutes les réponsesinduites par le désir inconscient de plaire àl’adulte, vers ce qu’ils souhaitaient sponta-nément évoquer au fil de leurs improvisa-tions. « On dirait que » est né du désir depoursuivre cette exploration de la perceptiondes enfants du monde adulte.

Pourquoi vous être orientée vers lesmétiers?Il était important que les enfants vivent aucontact de ces métiers. Par ailleurs j’ai choisides métiers génériques que nous connaissonstous afin de pouvoir mieux apprécier leregard des enfants, à la fois fins connaisseurset candides observateurs.

Quelles étaient les conditions du tour-nage?Le dispositif qui était censé être très légers’est orienté vers une technique plus impor-tante que ce qui était prévu, et nous avonsdonc dû tourner chaque séance de jeu de rôleen une seule journée par métier. Il étaitimportant de réunir toutes les conditionspour que les enfants se sentent bienaccueillis, d’où le choix de soigner les

décors, les accessoires et les costumes pourqu’ils aient envie de s’en emparer.

Qu’apporte un tournage avec des enfants?Ils ont une jubilation incroyable: on sent quecela leur plaît énormément d’avoir la parole,de jouer à l’adulte. J’intervenais parfoisdans les improvisations pour leur rappeler

les thèmes qu’ils avaient évoquésen entretien afin que nous

restions dans la repré-sentation des métiers.Mais lorsqu’on estderrière la caméra, on

fait tout autant partiedu jeu, car cette expres-

sion ne peut se manifester quedans le cadre d’une présence bienveillante

et reconnaissante. C’est une expérienceémouvante.

Ce qu’ils ont montré vous a-t-il surprise?Surprise n’est peut-être pas le bon mot.Impressionnée par certains côtés, par pré-cisément ce que je cherchais, la part demimétisme de l’adulte dans la constructionde l’enfant. Par ailleurs, il faut se garderd’une analyse trop rapide: dans certains cas,les enfants n’ont pas rejoué des situationsdont ils ont été témoins mais plutôt déve-loppé des scènes à partir de ce qu’ils res-sentaient de certains moments vécus.

Quelle image vous reste-t-il ?Une image de l’enfance comme quelquechose de beau, d’éphémère et fragile, avecle sentiment renforcé que les enfants seconstruisent autant par le contenu deconnaissances que nous souhaitons leur faireacquérir que par identification au modèleque nous leur proposons en tant qu’adulte.

Propos recueillis parDaniel Labaquère

« Les enfants ont une jubilation incroyable »

«

Les enfants se construisent

autant par le contenu de connaissances

que nous souhaitons leur faire acquérir que

par identification au modèle que nous leur

proposons en tant qu’adulte

»Françoise Marie

RÉALISATRICE DE FILMS

2007 : ON DIRAIT QUE…2002 : MARTIN PARR, PHOTOGRAPHE

1999 : PETITES HISTOIRES DE REINS DU TOUT

1999 : L’ART DU COMBAT

1997 – 1998 : PORTRAITS DE CAMPAGNE

1996 : L’EMPREINTE PREMINGER

1995 : PARIS DESSOUS

1994 : JUST LIKE YOU

1990 : LES DISPUTES

1987 : LES LUMIÈRES DE PARIS

1981 : NOUS NOUS SOMMES SÉPARÉS SANS

VIOLENCE

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Un premier rapport du Cercconfirmé

« AUTRECONFIRMATION,

LA TAILLE DELA FAMILLE INFLUE

SUR LE TAUXDE PAUVRETÉ. »

Le rapport sur les enfants pauvres duCerc (Conseil de l’emploi, des revenus etde la cohésion sociale), successeur dudéfunt Centre d’études des revenus etdes coûts, a semé un émoi profond lorsde sa publication en 2004. Pour la pre-mière fois, le nombre d’enfants de moinsde 18 ans touchés par la pauvreté moné-taire a été estimé à un million, voiredeux millions avec un taux de pauvretéà 60 % du revenu médian.Ce nombre a été confirmé en août 2007,

lorsque l’enquête de l’Insee sur les reve-nus fiscaux de 2004 a établi à 1,6 millionle nombre d’enfants pauvres en France,soit 14,5 % de cette population. Autreconfirmation, la taille de la famille influesur le taux de pauvreté. Les famillesayant trois enfants et plus sont surrepré-sentées au sein de la population pauvre,ainsi que les familles monoparentales.Un dossier du Cerc de 2005 proposed’affiner la définition de la pauvreté desenfants, calculée actuellement d’après

les revenus des parents. Il souligne quel’hypothèse d’équirépartition des res-sources au sein de la famille, sur laquellese base ce calcul, est mise en question pardes travaux théoriques et empiriquesdans les pays anglo-saxons. Ces travauxmontrent l’existence de ménagesaltruistes où les enfants souffriraientmoins de la pauvreté que leurs parents.De même, il existe des familles ayantun comportement inverse.

QUAND LA PRÉCARITÉ TOUCHE LE SUJET.

UN ATELIER ANIMÉ PAR CHANTAL ZAOUCHE-GAUDRON.

e débat sur la précarité éco-nomique des enfants a faitémerger de nombreux ques-

tionnements. Comment a-t-elle évolué aufil des ans depuis le rapport du Cerc?L’évolution s’avère stable au vu deschiffres disponibles. Cependant, elle està mettre en parallèle avec l’accroisse-ment de la richesse globale et son inégaleredistribution.Interrogée sur la honte d’être pauvre,Chantal Zaouche-Gaudron explique queson étude a montré que cette honte estsurtout présente chez les pères qui ont unrôle de pourvoyeur du foyer, tandisqu’elle est beaucoup moins présentechez les mères.Au sein des écoles, les représentationsprégnantes de la population en difficultééconomique sont un modèle à question-ner, notamment par les enseignants. Enquoi l’image véhiculée par les parentsreflète-t-elle la réelle vie familiale ?Sur les moyens à apporter pour soutenirles compétences familiales et parentales,Chantal Zaouche-Gaudron rappelle lesnombreuses actions des associationsdéveloppant des actions dans ce sens.

L

PRÉCARITÉ

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Page 7: L’école et la société - SNUipp

83

PROFESSEURE DE PSYCHOLOGIE DU

DÉVELOPPEMENT À L’ UNIVERSITÉ TOULOUSE II.

ELLE A PUBLIÉ « LES CONDITIONS DE VIE

DÉFAVORISÉES INFLUENT-ELLES SUR LE

DÉVELOPPEMENT DES JEUNES ENFANTS ? »(ERES 2005).

Quelle est la situation de la pauvreté enFrance?Les données du CERC (Conseil de l’emploides revenus et de la cohésion sociale) de2004 estimaient qu’un million d’enfants demoins de 18 ans vivaient, en 1999, en des-sous du seuil de pauvreté monétaire fixé à50 % du revenu médian, soit 560 euros parmois (645 euros en 2006). Si la part de cerevenu médian était portée à 60 %, commepréconisée par l’Union européenne, cenombre d’enfants atteindrait le chiffre effa-rant de deux millions.

Quelles en sont les conséquences sur la viefamiliale?La précarité et la pauvreté touchent l’en-semble des membres de la famille à diffé-rents niveaux, les parents en termes conju-gaux et parentaux et bien sûr l’enfant et sondéveloppement. Les conséquences et lesdéterminants de la précarité sont pluriels etse situent dans plusieurs domaines interdé-pendants : la famille, le logement, la santé,l’école, l’accès aux loisirs, aux vacances…Il existe très peu de recherches sur cedomaine en France, mais les études améri-caines, anglaises, canadiennes et austra-liennes font état de résultats préoccupants.Premier impact, la conjugalité. Les parents,affectés par des conditions socio-écono-miques défavorisées, sont dans une tensionet un stress permanents dans la mesure oùleur préoccupation majeure est de trouver unemploi et de subvenir décemment auxbesoins de leur famille. En prise avec cetterecherche quotidienne, les conflits entre lesparents peuvent être plus importants quedans un foyer plus favorisé.Second impact, la parentalité. D’après plu-sieurs travaux anglo-saxons, dans leurs pra-tiques parentales et leur style éducatif, les

parents seraient plus punitifs et contrôlants,attitudes sans doute à relier aux épreuvespersonnelles qu’ils endurent au quotidien.Les études ont également mon-tré un engagement parentalmoins important, moinsde sensibilité dans l’in-teraction avec l’enfant…que dans la populationgénérale (rappelons que cesrésultats sont issus de la litté-rature anglo-saxonne). Ces parents,en recherche d’emploi, et ne pouvant pas, laplupart du temps, faire garder leur enfant,développent donc un stress cumulatif quipourrait expliquer, au moins en partie, desmodes de relation moins satisfaisants quedans la population plus favorisée.

Quels liens entretient cette situation deprécarité économique avec le développe-ment du jeune enfant?Les enfants affectés par cette situation deprécarité économique apparaissent moinssécurisés et développent davantage de pro-blèmes de comportements (intériorisés telsl’isolement ou la dépression ou extérioriséstelle l’agressivité). Des retentissements surle développement cognitif sont égalementrelevés, par exemple sur les habilités ver-bales, les compétences en écriture ou encalcul. Le développement de l’enfant estdonc touché tout autant au plan affectifqu’au niveau cognitif ; la pauvreté persis-tante serait un facteur aggravant par rap-port à une pauvreté transitoire.

Quels en sont les impacts sur la scolarité?Lorsqu’un enfant éprouve des difficultésen lecture et en écriture au cours des pre-mières années de sa vie, cela peut, en effet,compromettre sa scolarité future. La « désin-

« Cela peut compromettre la scolaritéfuture de l’enfant »

La pauvreté touche l’ensembledes membres de la famille

ChantalZaouche-Gaudron

sertion » après la classe de troisième estbeaucoup plus importante chez les enfantsde familles défavorisées. Ainsi, les dispari-tés, qui débutent dès le CP, s’aggravent aucollège: d’après le rapport n° 4 du CERC en

2004, 25 % des enfants sont en retard ensixième dans la population

« non pauvre », 45 % pourles pauvres et 12 % pourles plus favorisés. Cesdisparités s’exprimentde façon éloquente par

la sortie précoce du sys-tème scolaire : 20 % arrêtent

leurs études, et les écarts entre lespopulations reflètent les différences d’orien-tation.

Comment tenter d’atténuer ces impactsen classe?Il n’y a pas de réponse univoque et on nepeut pas avoir une vision unilatérale en sefocalisant uniquement sur l’impact de lapauvreté en classe. Plusieurs propositions,interdépendantes les unes des autres, sontessentielles au regard des conclusions rela-tées dans les recherches. Autrement dit, ilfaut augmenter les revenus du foyer, accom-pagner et soutenir les parents dans leurparentalité ainsi que dans leur recherched’emploi, proposer des modes d’accueiladéquats pour les jeunes enfants, renforcerles liens entre les différentes actions et inter-ventions menées par les institutions (Pro-tection maternelle et infantile, médecinescolaire, institutions scolaires…)… Cetensemble forme un tout et tous les domainesd’existence sont forcément interdépendants.Ainsi agir sur cet ensemble est absolumentnécessaire pour atténuer l’impact de la pré-carité et de la pauvreté pour les enfants sco-larisés.

Propos recueillis parArnaud Malaisé

«Le développement de

l’enfant affecté par cettesituation de précarité économique

est touché tout autant au planaffectif qu’au niveau cognitif

»

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Page 8: L’école et la société - SNUipp

Qu’est-ce qui fait courir et manifester lesjeunes enseignants du premier degré? Laquestion s’est posée lors de l’atelier deBertrand Geay. Pour lui, le primat donnéà la réalisation de soi tend dans certains casà prendre le pas sur l’engagement au seinde mouvements militants. Et de citer cechiffre : seuls 3 % des enseignants inter-rogés considèrent les syndicats comme lelieu indispensable d’une expression col-lective. En revanche, l’émergence d’uneconception utilitariste est manifeste. 61 %considèrent que le syndicat est utile pourfavoriser mutations et carrières. Dans lasalle, des voix s’élèvent pour commenterle propos. « Les jeunes ne sont pas moinssensibilisés à l’action syndicale qu’aupa-ravant. C’est peut-être la définition de l’en-gagement qui a évolué. Certains pratiquesmilitantes « totales » sont aujourd’huiobsolètes. La jeune génération arbitre entreles valeurs qui la portent professionnelle-ment et une volonté de se réaliser person-

nellement », développe une participante.Pour un autre, il faut effectivement arrêterde reproduire des modèles hérités du passé.Et un enseignant d’évoquer l’époque oùformé à l’école normale, on adhéraitensuite très logiquement à un syndicatalors unique… Un autre de rappeler quel’engagement résulte souvent d’une ren-contre, de la confrontation avec un événe-ment politique, la présence de nombreuxsans papier sur sa circonscription en cequi le concerne. Dans les couloirs de l’Uni-versité d’automne, un peu plus de 5 % desconférenciers avaient moins de 30 ans.Gwenaël militant au SNUipp des Hauts-de-Seine vient d’une famille de syndicaliste.Tombé dedans quand il était petit, il n’apourtant pas eu de parcours militant avantd’être enseignant. Aujourd’hui, il considèreque c’est une nécessité d’être syndiqué.Virginie, quant à elle, est « entrée en syn-dicalisme » en Moselle par le biais dumouvement. Entrée dans le conseil syndi-

cal de son département, elle essaie de nepas se « faire manger » par cette activitémilitante et continue à pratiquer la danse 3fois par semaine. Chacun d’eux met enavant l’importance des échanges, de lacommunication… comme à l’universitéd’automne.

84

Générations syndicalisme :mutations

DANS LES COULOIRS DE

L’UNIVERSITÉ

D’AUTOMNE, UN PEU PLUS

DE 5 % DES

CONFÉRENCIERS AVAIENT

MOINS DE 30 ANS

LES TRANSFORMATIONS DES MODES D’ENGAGEMENT

DANS LE PREMIER DEGRÉ.

UN ATELIER ANIMÉ PAR BERTRAND GEAY n 2012, après le départ à laretraite des « baby boomers »,43 % des enseignants auront été

remplacés. Une révolution pour la profes-sion? Les études menées sur cette nouvellegénération tendent à montrer des évolutionsnotables dans l’approche du métier. Chan-geront-ils l’école ? Agnès van Zanten etPatrick Rayou auteur d’un livre sur le sujet*parlent d’un passage « de la morale àl’éthique » autrement dit, les jeunes ensei-gnants jugeraient moins selon de grandsprincipes qu’à partir du rôle qu’ils jouentdans un environnement donné. Un pragma-tisme que l’on retrouve dans leur approchedu syndicalisme et de l’action sociale engénéral. Bertrand Geay observe que le syn-dicalisme n’est pas la terre désertée quecertains avaient décrite dans les années 90.Pour autant l’engagement n’est pas aussimarqué ni aussi durable que celui de leursaînés entre distance circonstanciée et désillu-sion politique. De nouvelles relations s’ins-taurent entre les personnels et leurs repré-sentants. Le syndicalisme recouvreaujourd’hui une dimension d’information, deservices utiles et une autre plus revendica-tive, plus sujette à fluctuations. Qu’est ceque le syndicalisme doit prendre en charge,comment? Une réflexion à mener avec etpar cette nouvelle génération à L’Universitéd’automne du SNUipp et ailleurs…*Enquête sur les nouveaux enseignants.Changeront-ils l’école? Paris, Bayard, 2004

E

ENGAGEMENT

SOCIAL DES

ENSEIGNANTS

#Pages 76 a 98 6/11/07 21:44 Page 84

Page 9: L’école et la société - SNUipp

85

PROFESSEUR DE SOCIOLOGIE DE

L’ ÉDUCATION À L’ UNIVERSITÉ DE

PICARDIE

BIBLIOGRAPHIE :LE SYNDICALISME ENSEIGNANT, LA

DÉCOUVERTE, 2005PROFESS ION: INSTITUTEURS.MÉMOIRE POLITIQUE ET ACTION

SYNDICALE, LE SEUIL, 1999

Vous avez analysé le changement des enga-gements des nouvelles générations d’ensei-gnants. De quelle génération parlez-vous?La jeune génération dont je parle est cellequi a connu les IUFM. Elle connaît aujour-d’hui les transformations de l’école, lesréformes teintées de libéralisme. Avec lesdéparts massifs à la retraite, c’est cette géné-ration qui va se trouver « aux commandes »

Qu’est-ce qui a changé dans les modesd’engagements des jeunesenseignants par rapport àleurs aînés?La profession ensei-gnante était connue pourson engagement massif ausein de syndicats, d’associa-tions pour défendre un statut, unevision de l’école. Les plus jeunes ont unrapport plus pragmatique, plus circonstan-cié et même plus distancié par rapport auxorganisations elles-mêmes.Leur rapport à l’avenir entretient une formede désarroi politique. Pour eux, « L’avenirn’est pas meilleur qu’hier », eux qui n’ontpas forcément fait mieux que leurs parents.Par ailleurs, la place donnée aux enseignantsdans la société contribue à cet état d’incer-titude qui pèse dans leur capacité à l’ac-tion. Si leur état d’esprit n’est pas désespéré,les jeunes enseignants restent dans l’ex-pectative.

Voyez-vous une relation entre cette nou-velle forme d’engagement et l’originesociale des jeunes enseignants ?Depuis la création des IUFM, il n’y a pas eude changement important de l’origine sociale

des enseignants. A l’époque, le niveaulicence requis a rapproché les profils desprofesseurs des écoles et ceux des collègeset lycée.Dans le 1er degré, cette évolution a stabiliséle phénomène de choix par défaut, favorisantun rapport plus désenchanté au métier. Lesenquêtes auxquelles j’ai participé ces der-nières années montrent que les jeunes géné-rations ont un réel attachement à la profes-

sion et que l’objectif du concours a étéfixé au cours des études supé-

rieures. Ils ne parlent pasnécessairement en termesde « vocation » mais jus-tifient leur choix par des

valeurs positives tradi-tionnelles des enseignants.

Le regard que les nouveaux enseignantsportent sur l’école a-t-il lui aussi changé?L’étude de Patrick Rayou et Agnès VanZanten a bien montré qu’ils partageaientl’idée que pour eux l’école doit s’adapterdavantage à la diversité des élèves. Leurvision de l’école est nuancée. Ils mettent àla fois en cause les inégalités sociales, le rôledes familles et les « talents » individuels. Si30 ans avant, la question avait été posée àleurs aînés, il n’est pas sûr que la réponse eûtété plus sociologique. Toutefois, ils met-tent plus facilement en doute la capacité del’institution à agir partout d’une même voix.Ils ont une vision plus pragmatique desinégalités des conditions d’exercice.

Comment faire venir plus massivement cettegénération vers le syndicalisme?Le mouvement du printemps 2003 a fait la

« C’est la définition de l’engagementqui a changé »

«Le mouvement du

printemps 2003 a fait lapreuve de la disponibilité de cesjeunes générations pour l’action

collective»

Bertrand Geay

Un réel attachement à laprofession

preuve de la disponibilité de ces jeunesgénérations pour l’action collective. Cemoment reste présent dans leur mémoire. Cemouvement est venu contredire les visionsles plus sombres, qui théorisaient que latransformation de la profession s’était dou-blée d’une conversion aux thèses néolibé-rales. D’un côté, 2003 a suscité de l’amer-tume et des conflits internes, mais, d’unautre côté, ce mouvement a contribué àredonner une identité collective à la pro-fession. A mon sens, ce qui se passe autourde RESF est du même ordre. Quant à la viesyndicale proprement dite, il existe unrenouvellement des forces militantes, maisqui reste relativement limité. Pour répondreaux nouvelles attentes, le SNUipp a inventédes nouvelles formes de réflexions profes-sionnelles comme l’Université d’automnemais au risque d’apporter plus de questionsque de réponses et d’apparaître comme unclub de réflexion parmi d’autres. De même,dans les actions plus dures, la FSU a sus’ajuster aux demandes de plus d’initiativeslaissées aux assemblées générales, aux grou-pements locaux… au risque de ne plus mon-trer son utilité dans la durée. Cet ajuste-ment, dans l’ensemble plutôt réussi, ouvredonc de nouvelles contradictions pour lesyndicalisme.

Propos recueillis par Lydie Buguet

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EGALITÉ

FILLES ET GARÇONS

Agir… en formation

Agir… en classe

Anthony Rossignol est PE1 àSaint-Lo dans la Manche. Ilvient de suivre un module de15 heures (3 jours) animé parMichelle Babillot et ClairePontais, formatrice en EPS.Titre du module : « Les fillespapotent, les garçons gigo-tent… ». Pour Anthony, letitre, explicite, montre bienl’intérêt qu’on a à aborderces questions en formationsi l’on veut être attentif aux

inégalités.Avec des documents, destextes, des statistiques, maisaussi à travers les disciplines(maths et EPS), cette forma-tion voulait questionner lamixité à l’école et fairedécouvrir en quoi les stéréo-types sexistes existant dans lasociété se retrouvent aussidans l’école. Verdict :« hyperintéressant… »

e monde et les mentalitésauraient changé, et il ne reste-rait de combats pour l’égalité

homme/femme que pour quelques féministesde service. Malheureusement, les donnéessont têtues: que ce soit dans l’espace familial,au travail ou dans l’ensemble de la société, lesinégalités persistent. L’école n’échappe pas àce phénomène et pour une part elle contribueà le renforcer. Par l’aspect institutionnel d’unepart, avec une proportion plus élevée que lamoyenne, de directeurs, d’enseignants-hommes en CM2 , de supérieurs hiérarchiques(IEN, IA, recteurs…), par des carrièresinégales, des salaires inégaux, des retraitesinégales. Par l’aspect social ensuite où lesenfants construisent avec leurs pairs leur iden-tité sexuée, avec la permission de l’école d’yintégrer la plupart des stéréotypes, et la pos-sibilité de les mettre en œuvre, comme dansles orientations scolaires par exemple ; et parles modèles qu’offrent les adultes, de « l’heuredes mamans » au temps partiel des ensei-gnantes… Par l’aspect purement profession-nel ensuite : depuis de nombreuses annéesdes études ont montré que les enseignantsn’ont pas les mêmes attentes et ne s’adressentpas de la même manière aux filles qu’auxgarçons. On sait aujourd’hui que les manuelsscolaires, les dictionnaires, les livres de litté-rature de jeunesse peuvent véhiculer des sté-réotypes sexistes, que la cour de récréationdevrait constituer un lieu d’intervention desadultes pour prévenir les discriminationssexistes, et que même les disciplines ont uneimage sexuée…. Comme le dit MichelleBabillot, « c’est une vigilance de tous les ins-tants » qu’il faut mettre en œuvre!

EGALITE FILLES/GARÇONS: ET SI ON PASSAIT A L’ACTION?UN ATELIER ANIME PAR MICHELE BABILLOT.

« Le premier axe de notretravail a été les cataloguesde jouets de Noël. Au-delàde la visibilité physique(bleu/rose, pages sépa-rées…), nous nous sommesvite rendus compte que cer-taines filles s’interdisaientdéjà, à 4-5 ans de choisir desjouets de garçons alorsqu’elles en avaient envie, etbien sûr, idem pour les gar-çons avec les jouets de filles.C’est une approche très por-teuse mais en même tempscomplexe car elle interfèreavec ce que pensent lesfamilles. C’est l’ensembledes mentalités de la société

qu’il s’agit de faire évoluer,et par exemple on voit bienqu’il est un peu plus facilepour les filles de choisir « unjouet de l’autre genre » quepour les garçons : un garçonqui joue à la poupée, c’estencore compliqué… Et puisbien sûr tous ces stéréotypessont véhiculés par la télé etles enfants les intègrent trèstôt, même quand les parentsessaient de promouvoir uneéducation moins sexiste.Sans parler des produits deconsommation : un enfantdésirant un jouet-poney peutavoir du mal à trouver autrechose qu’une peluche rose

sentant la fraise….Le deuxième axe a été lesdéguisements de carnaval,qui ont permis de mettre àjour les stéréotypes liés auxmétiers (policier = garçon,infirmière = fille), déjà com-plètement installés enmoyenne section. Dansl’école, une classe de cycle 3a aussi travaillé sur lesmétiers, alors qu’une classede cycle 2 a disséqué la placedes filles et des garçons dansles albums de jeunesse. Cesapproches sont très impor-tantes pour faire évoluer lesmentalités. »

DELPHINE SANS-REFUS EST

ENSEIGNANTE À L’ÉCOLE MATERNELLE

JEAN MACÉ À GRANVILLE DANS LA

MANCHE. ELLE A PARTICIPÉ AVEC

DEUX AUTRES CLASSES DE L’ÉCOLE

PRIMAIRE À L’EXPÉRIMENTATION.

L

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Vous avez travaillé il y a 2 ans sur lesinégalités filles/garçons. En quoi a consistécette expérimentation?Nous avons soumis à la rectrice, qui l’aaccepté, un projet sur les 3 départements del’académie de Caen. Il s’agissait de déclinerla convention de 2000 sur l’égalité deschances des filles et des garçons de lamaternelle au CM2 (1). Nous avons choisiune école dans chacun des trois départementset une classe de chaque cycle, en excluant lespetites sections. Nous avions conçu un testde départ destiné à chaque élève et ce mêmetest a été proposé à la fin del’expérimentation étalée sur 6 mois.

Comment avez-vous déterminé lesactivités?Nous avons sélectionné 3 axes principaux :les jouets, les métiers, les « qualificatifs » (enrapport avec les stéréotypes du masculin etdu féminin). Les classes devaient mettre enplace 4 activités, certaines étant des outilsexistants: « Les p’tits égaux » avecCharlotte la pompière, Lemétier d’Alisson, Ken etBarbie, Le papa de Loïs ; laK7 « Le métier que j’aime » enutilisant plus particulièrement ledanseur et la tailleuse de pierre, laconductrice de train et le puériculteur ; la K7« Elle & il à l’école de la mixité » et desfiches créées pour ce projet comme Le duodes métiers, l’analyse d’une publicité,l’analyse d’albums, les coins jeux à lamaternelle, etc. . Les enseignants/es devaientparticiper à un bilan intermédiaire et un bilanfinal.Si les 2 premiers axes n’ont pas posé deproblème, le 3ème, que nous n’avions pasproposé pour les cycles 1 et 2, s’est révélétrop difficile et nous l’avons remplacé par lespratiques sociales (loisirs, disciplinesscolaires…).

Quelles sont vos conclusions?Nous nous sommes vraiment rendus comptequ’il s’agissait là d’un travail à long terme,ne serait-ce que parce que l’on agit sur lapersonnalité des élèves. Nos résultats sontmodestes. Ils confirment que plus les enfants

sont âgés, plus les stéréotypes sont installésmais qu’en proposant ces activités aux élèvesune évolution se fait sentir vers davantage demixité dans le choix de métiers, dansl’utilisation des jouets, …. C’est bien pourcette raison que nous avions intitulé notreprojet « Lutter contre les stéréotypes sexuésdès le plus jeune âge » et que nous avions lavolonté de commencer ce travail dès l’écolematernelle. L’effet est fort chez lesenseignants : ils découvrent des constantes,des évolutions, et s’aperçoivent de lareproduction involontaire des inégalités.Toutes et tous ont été enthousiasmés par lesactivités proposées. Les parents d’élèves ontdans l’ensemble bien reçu ce projet et samise en place.

Vous travaillez aussi avec des adultes enformation…Les PE1 et les PLC1 de l’IUFM, (mais aussitous les enseignants de la circonscription enanimation pédagogique), n’ont pas

spontanément conscience del’importance de cette question,par exemple de la distinctiondifférences/inégalités. Même

s’il s’agit d’une « priorité »dans les plans de formation, elle

passe quand même après toutes les autrespriorités de l’Education Nationale(apprentissage lecture, apprentissage deslangues, Nous sommes confrontés à tous lestypes de réactions, de la personne trèssensibilisée à celle qui rejette franchementcette problématique. Dans la société,quelques avancées peuvent laisser croireque le problème est résolu et qu’il ne resteque quelques batailles pour les féministes deservice. Et à l’école travailler sur cettequestion amène très vite à remettre en causeses façons de fonctionner, sans parler de ladéstabilisation possible de la vie personnelleet des rapports de couple par exemple : iln’est pas facile d’avoir un discours« politiquement correct » à l’école et de nepas l’appliquer à la maison… Et le fait qu’onsoit homme ou femme n’y change rien !

Quelles sont les entrées possibles d’untravail à l’école?

Toutes les entrées sont bonnes. Elles peuventévidemment être disciplinaires (littératurejeunesse, histoire, mathématiques, sciences,mais il est plus important de penser à uneattitude et à un état d’esprit permanents dansla classe. La vigilance doit s’appliquer àtout instant et doit aussi concerner lacohérence entre les idées et les actes. Jeprivilégierais les axes suivants : ce qui sepasse dans les cours de récréation, lesstéréotypes dans la littérature de jeunesseet les manuels scolaires, les jouets, lesinterventions différenciées de l’enseignant/e(distribution de la parole, encouragement…),les idées reçues. Mais pour tout cela, il y a ungrand besoin de formation!

Propos recueillis parDaniel Labaquère

(1)Convention réactualisée. BO n°5 du01/02/07

«

Plus les enfants sont

âgés, plus les stéréotypes sont

installés.

»

Michèle Babillot

CONSEILLÈRE PÉDAGOGIQUE À GRANVILLE (50)JUSQU’ EN JUIN 2007.EXISTE-T-IL DES INÉGALITÉS ENTRE FILLES ET GAR-ÇONS À L’ ÉCOLE ? VOIES LIVRES, S76, DÉC 1998UNE PRISE DE CONSCIENCE ENCORE BIEN FAIBLE.LES CAHIERS PÉDAGOGIQUES, N°372, MARS

1999, P 20/21FILLE, FEMME, ENSEIGNANTE : SUR LES CHEMINS DE

L’ ÉGALITÉ. PERSPECTIVES DOCUMENTAIRES EN ÉDU-CATION, N°49, INRP, 2000, P 23 À 27HOUADEC V., BABILLOT M. 50 ACTIVITÉS

POUR L’ ÉGALITÉ FILLES/GARÇONS À L’ ÉCOLE.CRDP MIDI-PYRÉNÉES, À PARAÎTRE JANV 2008

DES LIVRES POUR LA CLASSE,ET POUR TOUS LES CYCLES :UNE PETITE BREBIS PAS COMME LES AUTRES,STHONER ANU, KALÉIDOSCOPE, 2005CAPITAINE BARBEROUSSE ET SA BANDE D’ AF-FREUX, FUNKE CORNÉLIA, BAYARD, 2004MONSIEUR R. MADEMOISELLE B., CHAIX CAROLE,FRIMOUSSE, 2002LE ROYAUME DES REINES, ROGER MARIE-SABINE,THIERRY MAGNIER, 2004

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Quelle a été votre démarche pour la créa-tion de la première maison de l’associa-tion Turbulences?Un enfant handicapé a les mêmes besoinsque tout le monde, il doit apprendre. Nousavons créé l’association Turbulences. En1989, Michel Creton, parrain de l’associa-tion, a pu convaincre François Mitterandd’agir pour nous. Nous lui avons demandéune maison. J’ai convaincu le maire deSaint-Dié des Vosges dont je suis originairede la construire au centre de la cité et j’aiécrit le programme du bâtiment idéal.

Décrivez-nous cette maison idéale…La Maison du XXIe siècle, établissement-pilote des personnes lourdement handicapées(polyhandicapés et autistes) de manière àfaciliter leur insertion dans notre société, aouvert ses portes en 1995 et accueille 41handicapés. Le Projet éducatifindividualisé (PEI) contientplusieurs objectifs àatteindre (meilleure motri-cité, développement d´unecommunication verbale et/ou nonverbale, dont l´essentiel repose sur une plusgrande autonomie du résidant. Pour y par-venir et mettre en place des exercices adap-tés, une évaluation individuelle réalisée pardifférents spécialistes (médecins, éduca-teurs, psychologues…) détermine avec pré-cision un niveau de développement. L´archi-tecture-même de la Maison du XXIe siècleest partie intégrante du projet éducatif. Orcette maison ne fonctionne pas comme ellele devrait pour des raisons de pédagogie.Elle a été conçue pour accueillir des handi-capés mentaux et non physiques. Aujour-d’hui, les handicapés physiques sont tropnombreux.

Comment expliquez-vous l’échec du pro-jet pédagogique?La pédagogie spécifique aux handicapésmentaux s’exerce très bien à travers desPEI. Cette notion de PEI a du mal à s’im-poser. Elle est sans doute à rebours ou àcôté des tendances actuelles qui optent pourdes prises en charge psychologiques, psy-chiatriques. Nous opposons à ce système

de questionnements une réponse pragma-tique : le PEI. Ces exercices sont tangibles,ils manifestent chez l’enfant une réelle évo-lution. Or les écoles d’éducateurs ne sont pasformées à tout ça, elles forment toutes àune approche psychologique. On n’a pasde matériel humain adapté.

Quels enseignements tirez-vous de cetteexpérience? Avez-vous d’autres projets?A partir de cet échec, nous avons mis à jourle projet idéal ou comment une maison édu-cative pour handicapés doit être installéeau centre d’un quartier défavorisé et enrichircelui-ci. Il faut qu’elle soit un moteur urbain.Nous nous sommes posé la question sui-vante : comment faire rentrer une ville dansune maison d’éducation et pourquoi ? Lesautistes dans la ville dérangent. Dans les

lieux publics, au cinéma par exemple,ils gênent par leurs bruits. La

maison idéale doit être richeen équipements pouraccueillir les habitants dans

un quartier où rien n’existe.Dans ce genre de maison, on trouve

habituellement de la balnéothérapie indivi-duelle. Dans la maison de l’éducation telleLa Maison du XXIe siècle, il y a une vraiepiscine. Notre projet c’est que le jeune duquartier qui n’a aucun centre à sa disposi-tion, que la personne âgée accompagnée deson kiné, vienne dans la maison. Cette mai-son doit amener une conscience civique,les désœuvrés vont trouver une occupation.Une classe est équipée, elle doit pouvoiraccueillir tous les élèves du quartier. Cadoit faire bouger les personnels.

Quelles solutions pour l’avenir?Cette prise de conscience est le résultatd’une vraie mixité. Il n’y a pas d’autresmoyens. Dans les banlieues, c’est catastro-phique. Il n’y a aucun espoir. A une situa-tion révolutionnaire, il faut des solutionsrévolutionnaires. L’école n’est pas laréponse absolue. Pour les mauvais élèves,elle ne résout rien. Elle ne fonctionne pas, ilfaut la repenser. Bien sûr je dérange. Cen’est pas à un père de famille, ce n’est pasà un architecte de faire ça. Notre projet est

trop expérimental pour intéresser. J’ai unregard d’urbaniste. Mais le ministère de laVille et celui de la Santé ne fonctionnent pasensemble. Aucun autre projet de maison nedébouche. A travers l’AFTAM et l’Asso-ciation Bleu Marine, un petit centre de200 m2 va être créé à Paris. Cette fois, c’estl’association qui va s’occuper du projetpédagogique.

Propos recueillis parVéronique Giraud

«Comment faire rentrer

une ville dans une maisond’éducation.

»

Nicolas Normier

L’EXCLUSION, UNE CHANCE POUR LA VILLE.

UN ATELIER ANIMÉ PAR NICOLAS NORMIER

ARCHITECTURE

NICOLAS NORMIER EST

ARCHITECTE URBANISTE,PÈRE D’ UN ENFANT

HANDICAPÉ ATTEINT DU

SYNDROME

D’ ANGELMAN. IL A CRÉÉ

L’ ASSOCIATION

TURBULENCES DONT LE

COMÉDIEN MICHEL

CRETON EST LE PARRAIN.IL A CONÇU LE

PROGRAMME DE LA

MAISON IDÉALE POUR

HANDICAPÉS.

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Que disent les textes ? Toutes les réponses dans Kisaitou, le Mémento administratif des instituteurs

et professeurs des écoles.La version 2007 est complétée par un CD-rom.

Edité par le SNUipp,disponible dans les sections départementales.

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IL DEVAIT OUVRIR L’ UNIVERSITÉ D’ AUTOMNE

DU SNUIPP AVEC SON COLLEGUE ET HOMONYME

ERIC MAURIN. IL N’ A PU VENIR POUR DES

RAISONS PERSONNELLES MAIS A TENU A NOUS

ACCORDER UNE INTERVIEW. EDGARD MORIN

TOUJOURS VIVIFIANT A L’ ÉPOQUE DE

« L’ ÉDUCATION POUR L’ ÈRE PLANÉTAIRE ».

Edgar Morin

Vous dites depuis longtemps la néces-sité impérieuse d’une réforme du sys-tème éducatif afin « d’éduquer pour l’èreplanétaire ». De quoi s’agit-il ?« L’ère planétaire est un processus his-torique qui commence au XVIe siècle etqui, par la conquête, la force et l’exploi-tation, met en communication les diffé-rentes parties de la planète. Il s’intensifieà partir de la fin des années 90 et crée uneinterdépendance entre toutes les parties dela planète. Dès lors, et ce pour la premièrefois, naît une communauté de destin pourl’humanité qui se trouve partout confron-tée aux mêmes périls vitaux : la diffu-sion des armes de destruction massive, ladégradation de la biosphère avec desconséquences graves pour les humains,une économie mondiale incontrôlée quicrée des zones de prospérité mais aussides zones très importantes de misère, desnouveaux conflits à l’échelle de la pla-nète. L’enjeu essentiel de cette crise pla-nétaire est évidemment le devenir et peut-être le salut de l’humanité.

Si la société produit l’école et inverse-ment, peut-on réformer l’école sans réfor-mer la société et peut-on réformer lasociété sans changer l’école ?Dans cette question, il est évident qu’il ya un paradoxe logique parce que pourréformer les mentalités il faut réformerl’institution qui forme les mentalités,mais pour réformer l’institution il faudraitqu’il y ait déjà des mentalités réformées.Logiquement aucune réforme n’est pos-sible, mais la vie réussit parfois à échap-per à la logique et il se crée un processusde transformation lequel commence tou-jours d’une façon déviante, marginale et

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minoritaire et puis ce processus peut dansdes conditions favorables se développer,pour devenir une véritable force socialeet politique.Prenons l’exemple de la réforme de l’uni-versité médiévale laquelle a subsisté jus-qu’à la fin du XVIIIe siècle. Cette uni-versité a condamné Descartes, la science,tout ce qui constitue pour nous les valeursimportantes des temps modernes. Laréforme a commencé dans un pays péri-phérique, la Prusse, grâce à un philo-sophe et voyageur qui s’appelait Humboltet au soutien d’un despote éclairé, le roide Prusse. Humbolt pensait qu’il fallaitfaire un nouveau type d’université encréant des départements pour y intro-duire les sciences. Le développement dessciences qui se poursuivait partout a favo-risé l’éclosion à Berlin de cette nouvelle

université qui a essaimé en Europe pourdevenir depuis le modèle mondial.Aujourd’hui l’exemple peut aussi venird’un pays périphérique, mais il faudrades conditions favorables. Le savoir quel’on enseigne, désintègre, par son cloi-sonnement, tous les problèmes fonda-mentaux vitaux de l’individu, de la nationet de la planète. Donc là où il y a prise deconscience de cette carence, l’idée deréforme progressera en dépit des résis-tances des esprits formés aux modes depensée disciplinaires.

Si enseigner c’est conduire vers laconnaissance, on s’interroge de plus enplus sur ce que veut dire connaîtreaujourd’hui ?C’est une question très juste parce quel’on dit qu’on est entré dans une société

de la connaissance et on voit bien qu’ils’agit d’une société des connaissancestoujours cloisonnées. La connaissance,c’est la capacité d’intégrer, d’articuleret de donner sens à un certain nombred’informations, de données et de thèmes.Connaître aujourd’hui, c’est avoir ce quej’appelle une connaissance pertinente.

Qu’entendez-vous par « connaissancepertinente » ?Une connaissance pertinente est capablede mettre en contexte les données dontelle dispose parce que si vous considérezisolément ces données, vous restezmyope. Quand vous traduisez une langueétrangère, les mots qui peuvent avoir plu-sieurs sens ne peuvent s’éclairer que sivous connaissez le sens général du dis-

«« LLee ssaavvooiirr ddiissttiinngguuee lleess pprroobbllèèmmeessffoonnddaammeennttaauuxx »»..

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«« LLaa vviiee rrééuussssiitt ppaarrffooiiss àà éécchhaappppeerr àà llaa llooggiiqquuee »»

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Bibliographie1994, La Complexité humaine, Textes choisis, ChampsFlammarion, coll. l’Essentiel

1999, L’Intelligence de la complexité, (avec Jean-LouisLe Moigne), Éd. l’Harmattan

1999, Relier les connaissances, Le Seuil

1999, La Tête bien faite, Le Seuil

2000, Les Sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur,Le Seuil

2002, Pour une politique de civilisation, Paris, Arléa,79 p.

2002, Dialogue sur la connaissance. Entretiens avec deslycéens (entretiens conçus et animés par Alfredo Pena-Vega et Bernard Paillard), La Tour d’Aigues, L’Aube, 70 p.

2003, Éduquer pour l’ère planétaire, la pensée complexecomme méthode d’apprentissage dans l’erreur et l’in-certitude humaine (avec Raul Motta, Émilio-Roger Ciu-rana), Balland, 158 p.

2003, Université, quel avenir? (avec Alfredo Pena-Vega),120p., Éditions Charles Léopold Mayer, ISBN 2-84377-074-2

2003, Les Enfants du ciel : entre vide, lumière, matière(avec Michel Cassé), Odile Jacob, 142 p.

2004, Pour Entrer dans le xxie siècle, réédition de Poursortir du xxe siècle publié en 1981, Le Seuil, 400 p.

2007, L'an I de l'ère écologique (avec la collaboration deNicolas Hulot), Tallandier, 127 p. ISBN 2847344411

cours de la phrase. Une connaissance estpertinente parce qu’elle est capable derelier à un contexte mais avant tout parcequ’elle relie au système dont elle faitpartie. C’est une connaissance capablede saisir les différents aspects d’unemême réalité, ce que j’appelle la com-plexité, capable de voir tout ce qui lie quece soit associatif ou antagoniste.

Il n’y aurait de certitude que celle del’incertitude de la connaissance ?Il est vrai que selon moi la connaissancecomplexe ne peut pas éliminer l’incerti-tude. Lorsque vous avez beaucoup d’élé-ments en interaction, on peut difficile-ment prédire ce qui peut arriver. Lamétéorologie peut faire quelques prédic-tions locales à court terme, mais l’en-semble du processus dépend de petitsécarts aléatoires. Nous comprenons quel’avenir du monde est tout à fait incertain.Pour autant, nous ne sommes nullementcondamnés à l’incertitude totale.Connaître c’est naviguer sur un océand’incertitude à travers des archipels decertitudes. Nous savons plus ou moins cequi se passe en Irak, que ce n’est pas unegrande victoire de la démocratie. Il y adonc des données certaines, qu’il fautbien sûr vérifier, à partir desquelles nousfaisons des hypothèses, en sachant que lecours des événements ne peut pas êtrecelui qui semble être la probabilité, maisoù vont surgir des événements, d’où l’im-probable va survenir. Personne n’avaitprédit le 11 septembre.L’un des thèmes que j’ai donné dans« les sept savoirs » pour l’éducation estd’enseigner à affronter les incertitudes.

Vous définissez les sept savoirs essen-tiels du système éducatif à commencerpar « une culture qui permette d’orga-niser la connaissance » ?Puisqu'une connaissance pertinente estune connaissance qui n’est pas cloisonnéeet se réfère à d’autres types de connais-sances, il est nécessaire d’avoir une cul-ture, ce qu’on appelait auparavant la cul-ture classique fondée sur les lettres, laphilosophie, une source de compréhen-sion de l’humain, de l’histoire. Aujour-d’hui cette culture doit pouvoir réunir la

culture scientifique de la spécialisationclose qui rejette les grandes questionsphilosophiques et la culture philoso-phique, littéraire qui ignore la culturescientifique mais qui doit pourtant s’ennourrir. Comment essayer de penser notredestin si nous ne savons pas que noussommes humains par notre culture maisaussi parce que nous faisons partie, parmille aspects, du monde biologique etaussi physique.

Parmi ces savoirs essentiels il y a « laconnaissance de la connaissance » pouréviter les illusions et les erreurs inévi-tables car toute connaissance est une tra-duction et une reconstruction. Il y a « laconnaissance pertinente » déjà évoquée.« L’ère planétaire » qu’il faut enseigner,avec tous les risques d’avoir des déficitslacunaires. « La condition et l’identitéhumaine » me semble une chose tout àfait capitale et pourtant complètement

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raison pure n’existe pas. Même le mathé-maticien est passionné de mathématiques,il faut toujours du sentiment. S’il n’y aque de l’affectivité sans contrôle de la rai-son, on va vers la folie. Il faut donc ensei-gner à garder raison dans la passion etgarder passion dans la raison.Il y a aussi l’homo mythologicus enmême temps que l’homo faber. Le mythefait partie de l’identité humaine.L’homme a quitté le mythe religieux pourde nouveaux mythes, celui du progrès, dusocialisme… Tous les mythes ne sontpas des illusions. Ensuite il n’y a pas quel’homo economicus mu par l’intérêtmatériel. Il y a aussi la passion du jeu, lapassion du jouir, l’héroïsme. Il faut doncenseigner une vision plus complexe del’identité humaine comme il faut ensei-gner aussi ce que j’appelle l’identité triu-nique de l’humain. On ne peut pas défi-nir l’humain uniquement commeindividu, ou comme partie de la société,ou comme partie de l’espèce. Il est toutcela. Il faut comprendre que ces troisaspects sont liés et du même coup nouscommençons un peu mieux à apprendreà vivre.

« Apprendre à vivre », l’école peut-elleapprendre cela ?L’école peut aider à apprendre à vivre.J’étais un peu trop direct quand j’ai citél’Emile de Rousseau qui veut apprendreà vivre à son élève. En effet, je crois quel’apprentissage extérieur c’est-à-dire l’hé-térodidactisme doit favoriser l’autodi-dactisme, c’est-à-dire la propension per-sonnelle autonome à vouloir apprendre,se développer. Dans ce cas n’oublions

ignorée. Enseigner à « affronter les incer-titudes » et « la compréhensionhumaine ».

« Enseigner la compréhensionhumaine » ?Ce qui me frappe actuellement c’est latrès grande difficulté de se comprendre deculture à culture. Fermeture d’esprit etdogmatisme opèrent surtout à partir desdogmes religieux, chaque religion pré-tendant avoir la vraie révélation. Uneautre incompréhension prend de l’im-portance dans notre société pourtant laï-cisée, au sein des familles, entre couples,dans le travail. Elle découle de l’indivi-dualisme au sens où la conscience indi-viduelle joue un rôle important. Elle vientde notre tendance égocentrique, quiconduit à l’autojustification permanente,à reporter toujours le tort ou l’erreur surl’autre, et à se mentir à soi-même. Lacompréhension d’autrui nécessite uneffort d’auto-examen, ce que j’appelle« la culture psychique ». Se connaîtresoi-même devrait s’enseigner dès lespetites classes. Lors d’une dispute en fai-sant comprendre à ceux qui se querel-lent leur tendance à ne privilégier queles insultes de l’autre et à oublier cellesqu’on dit soi-même, et de comprendreque c’est une sorte de cercle vicieux quiaccroît la dispute. La plupart des rela-tions humaines sont perverties par l’in-capacité à comprendre autrui. La com-

préhension d’autrui est une questionmajeure, le contraire du manichéisme etdu fanatisme.

Est-ce que comprendre la différence, ladiversité est une posture suffisante del’enseignant ?Notre façon de penser sépare l’unité et ladiversité. Par exemple pour savoir cequ’est un être humain, les uns ne voientque l’unité qui est évidente. Elle est ana-tomique, physiologique et cérébrale. Etpuis il y a toujours la culture, la musique,le langage ou plutôt des langues diffé-rentes avec une structure commune. Maison ne connaît la culture qu’à travers lescultures diverses, autrement dit il fautfaire comprendre que l’unité produit de ladiversité mais que la diversité n’abolit pasl’unité. Si vous ne voyez que de la diver-sité sans l’unité, vous faites des catégo-ries hétérogènes qui deviennent inca-pables de se comprendre. Il fautcomprendre qu’il y a à la fois diversitédans l’unité et unité dans la diversité.Cette façon de penser très importantedevrait être enseignée à l’école.

Cela nécessite t-il de repenser ce qu’estl’identité humaine ?Effectivement. Nous vivons sur uneconception simpliste de l’identitéhumaine. On a défini l’homme commeHomo sapiens, l’homme de raison, Homofaber, l’homme qui fabrique des outils etplus tard est venu l’homo économicus,mu par son intérêt personnel. Or l’hommeest à la fois sapiens et demens. Les deuxpôles de la raison et de la folie sont ennous. Entre les deux il y a l’affectivité. La

Filmographie

1961 : Chronique d'un été, co-réalisé avec Jean Rouch

1966 : Un certain regard. Le cinéma vérité, d'Edgar Morin, réalisation AlexisKlémentieff et Jacques Prayer (ORTF)

(2004) Regard sur Edgar, entretiens thématiques accordés à Samuel Thomas,en DVD aux Éditions Montparnasse (267 mn)

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pas que tout le savoir qu’on enseigne aaussi pour mission d’aider les personnesà affronter par eux-mêmes les problèmesfondamentaux de la vie : pouvoir affron-ter des incertitudes, connaître des pro-blèmes de compréhension…

Vous voulez aussi « apprendre à assumerl’incertitude ». Un atout pour luttercontre les intégrismes renaissants ?C’est la reconnaissance des grandes incer-titudes fondamentales qui effectivementnous aide à lutter contre les intégrismes.J’ajoute qu’apprendre à assumer les incer-titudes c’est apprendre à assumer unepart d’angoisse propre à la vie humaine.Nous sommes angoissés par notre destin,parce qu’il y a la mort, pas seulement lanôtre mais aussi celle de ceux que l’onaime. Il y a donc une part d’angoissequ’il faut savoir assumer et que le grand

rôle des religions y compris des religionslaïcisées comme l’a été le communismeou comme l’est le nationalisme est d’at-ténuer l’angoisse par une grande espé-rance. Quand nous aimons, quand noussommes dans une espérance collectivenous surmontons l’angoisse. Au contrairecelle-ci se referme sur nous dès que nousnous voyons comme un « moi, je » ferméet absolu.Qu’est ce qu’un indi-vidu ? Il y a en nousun double logicielantagoniste. Un logi-ciel égocentrique,vital, pour nous nour-rir, nous défendre,mais qui, s’il seconcentre exclusive-ment sur nous-même; tend vers l’égoïsme.Il y a un autre logicielqui intègre le« je »dans le « nous » et qui se manifestedès la petite enfance avec ce besoin dusourire, ce besoin d’être cajolé, bercé,qui se développe avec l’amour pour lamère, le père, les frères les amis, la patrie.Dans notre civilisation le logiciel égo-centrique est hyperdéveloppé, le logicielaltruiste est sous-développé. Un des rôlesde l’éducation est de développer le logi-ciel de la solidarité.

« Apprendre la citoyenneté », peut-onformer à une conscience planétaire touten formant à la conscience d’une identiténationale ?Ce que j’ai appelé la terre patrie n’estpas quelque chose qui devrait nier lesdifférentes patries. Le mot patrie pré-

«« LL’’hhoommmmee eesstt àà llaa ffooiiss ssaappiieennss eett ddeemmeennss.. LLeess ddeeuuxxppôôlleess ddee llaa rraaiissoonn eett ddee llaa ffoolliiee ssoonntt eenn nnoouuss.. »»

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cède le terme moderne de nation. Mapetite patrie, c’est le village, la régionoù je suis né. C’est ce sens que lui don-nent les anciens. C’est un mot qui est à lafois paternel et maternel. L’expressionmère patrie au sens de la patrie renvoie àl’amour pour la mère et comporte le res-pect de l’autorité juste du père. Le sens dumot patrie s’est étendu à la nation. C’estla Révolution française qui lui a donné

cette dimensionvraiment nationale.Bien que nous nesoyons pas consan-guins, le fait quenous appartenionsà la mère patrienous fraternise.« Allons enfants dela patrie », noussommes des enfantsde la patrie et nous

sommes fraternisés. Nous avons plusieurssources de fraternité qui sont concen-triques. D’abord celle de la solidaritéfamiliale, parfois aussi celle de notrerégion qui peut-être très forte, l’identiténationale qui s’est trouvée acquise à tra-vers les épreuves historiques de notrepays, qui demeure encore très forte, etl’identité européenne peu développée,qui sans être vécue comme une véritablepatrie commence à donner un sentimentde communauté de destin.On comprend mieux alors ce que j’en-tends par Terre-patrie. Nous sommes nésde cette Terre, issus d’une évolution bio-logique, la terre est notre jardin à cultiveret l’humanité doit effectivement devenirhumanité en reconnaissant la terre commesa patrie, c’est-à-dire en devenant une

«« UUnnee ccoonnnnaaiissssaanncceeppeerrttiinneennttee eessttccaappaabbllee ddee mmeettttrree eennccoonntteexxttee lleess ddoonnnnééeessddoonntt eellllee ddiissppoossee »»

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communauté, ce qui serait la conquête laplus importante de l’ère planétaire.

Comment ces savoirs pourraient-ils êtredéveloppés à l’école primaire ?Tous ses savoirs peuvent être développésdès l’école primaire. Par exemple lesincompréhensions, les incertitudes ren-contrées dans la vie, l’identité humaine,l’ère planétaire… On peut commencer àarticuler les connaissances. Le maîtredans le primaire est plus apte à le faireque dans le secondaire où il est hyper-spécialisé. Le vrai problème est de conti-nuer dans le secondaire et à l’université.

«« DDèèss llee pprriimmaaiirree,, aarrttiiccuulleerr lleess ccoonnnnaaiissssaanncceess,,lleess iinnccoommpprrééhheennssiioonnss,, lleess iinncceerrttiittuuddeess rreennccoonnttrrééssddaannss llaa vviiee…….. »»

Il faudrait profondément réformer pouramener les professeurs spécialisés à col-laborer pour des problèmes qui ont unfond commun.

Il s’agit de savoirs transversaux ?Oui, polydisciplinaires, transdiscipli-naires, tout à fait transversaux mais voussavez nous avons fort heureusement dessciences qui se sont développées en unis-sant des savoirs venus de différentes dis-ciplines. Prenez l’écologie commescience, et bien l’écologiste, pour com-prendre ce que sont les écosystèmes for-més à partir des interactions entre lesmondes végétal, animal, microbien, géo-logique et géographique fait appel auxsciences physiques, géographiques, à labotanique, la zoologie…

Cela interroge quand même la capacitédu système comme celle de ses ensei-gnants à promouvoir ce qui s’apparenteà une révolution culturelle ?C’est évident. Il y a les institutions et lesmentalités, les unes et les autres résistentparce que dans les mentalités le seulsavoir pertinent se fait dans les disci-plines. Si dans l’histoire ces dernièresont apporté beaucoup, les grandes décou-vertes se sont toutes faites en marge desdisciplines. Darwin était un voyageur etun amateur éclairé qui à partir de sesobservations a élaboré cette théorie quireste toujours fondamentale. Si l’on prendla notion d’information qui est née de lavie sociale, elle s’est transformée en unenotion quasi physique avec la théorie del’information de Shannon et de Wiener etpuis elle a intégré la cybernétique pouraider à programmer les machines.Einstein était un ingénieur, pas un phy-sicien reconnu. Ce sont toujours des cher-cheurs, des inventeurs marginaux quifécondent les sciences.Un certain nombre d’enseignants pensedésormais qu’il faut surmonter l’émiet-tage de la connaissance. C’est toujours à

partir d’une minorité agissante, dévianteau départ que l’on peut commencer àfaire des expériences.

La formation des enseignants apparaîtcomme un enjeu, mais est-il possible enl’état de former de tels professionnels ?La grande difficulté c’est la formationdes formateurs. Il faut une formationd’un type absolument nouveau. C’est cequi commence à se faire au Mexique.Dans une université qui porte mon nom,il y a justement des enseignants de dif-férents pays d’Amérique latine, bien for-més à la complexité qui forment de futursformateurs.

Vous parlez de mission de « salutpublic », s’agit-il pour l’école de la répu-blique de recruter les nouveaux mis-sionnaires de l’ère planétaire ?Je ne sais pas si ce sont des mission-naires de l’ère planétaire mais je croisque c’est une mission. Il faut repenser auxinstituteurs au début de la république.Dans les villages, ils se voyaient les por-teurs des Lumières de la raison face auxcurés. Ils enseignaient la laïcité, la ratio-nalité, la république. Avec le temps cettemission s’est dégradée parce qu’aujour-d’hui on se rend compte que la raisonpeut avoir des perversions comme cellede la raison instrumentale qui sert parexemple à fabriquer des armes de mort.La raison instrumentale peut prendre lepas sur la vraie rationalité humaine. Lanotion de porteur de lumières s’en esttrouvée obscurcie. Avec la généralisa-tion de l’enseignement secondaire lemaître du primaire n’a plus eu un rôle siimportant… La mission enseignante s’estdégradée. Une profession sans mission, cen’est pas possible quand il s’agit desenseignements.Aujourd’hui, la nouvelle mission est nonseulement d’enseigner à affronter indi-viduellement les problèmes de la vie,mais aussi à comprendre les problèmes de

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sa nation jusqu’à ceux de la planète. Celanécessite une conscience des périls etdes problèmes de l’humanité, uneconscience planétaire et universaliste.On va effectivement vers une régénéra-tion très importante du rôle de la connais-sance et enseigner une connaissance quej’appelle complexe redonne du courage,de l’ardeur à vivre, du sens à sa mission.

Cela ne nécessite-il pas de repenser aussile fonctionnement même de l’école ?L’école est confrontée à plusieurs pro-blèmes, l’état d’esprit de la jeunesse quin’est plus le même par rapport à l’obéis-sance, les phénomènes de délinquancerelativement nouveaux, la nécessité d’in-tégrer des populations hétérogènes, unnouvel analphabétisme, l’inégalité socialequi se multiplie à travers des écoles dequalité différente selon les quartiers et lesrégions, les problèmes matériels, les pro-blèmes de locaux, de recrutement. Maisla conscience de ces problèmes nous faitoublier du même coup le problème cen-tral : faire une révolution dans la connais-sance.Il faut la faire sans mésestimer et sansmépriser les nécessités matérielles. Ilfaut un effort historique, commencer pardes expériences pilotes, dans le primaire,dans le secondaire, dans le supérieur. Ilfaut qu’un mouvement puisse se déve-lopper et pour cela il faut une masse cri-

tique dans la population enseignante. Jene l’ai jamais trouvée en France, mais fortheureusement dans d’autres pays, alors jecontinue à prêcher. Je le fais avec le plusgrand plaisir par cette interview parceque dans ce cas-là je prêche non pas dansle désert mais enfin dans une oasis.

Et de redéfinir l’école comme un inves-tissement d’avenir avec les moyens finan-ciers nécessaires ?Bien entendu des moyens financiers neserait-ce que pour ces expériences pilotes,mais il faut l’investissement intellectuelet ce n’est pas seulement d’une révolutionde la connaissance dont il s’agit maisd’une révolution de la pensée. Pour réfor-mer la pensée, il faut réformer l’éduca-tion.Je suis tout à fait conscient que ça nesuffit pas. Pour que les choses changentil faudrait qu’il y ait conjointement quatretypes de réformes : une réforme de l’édu-cation telle que nous venons de l’évo-quer, une réforme de société qui diminueles inégalités, c’est une nécessité de plusen plus accrue, et qui débureaucratise lasociété, qui provoque des décloisonne-ments, qui réhumanise les villes, qui fasserevivre les campagnes. C’est une réformede civilisation parce que notre civilisationnous conduit à une impasse. Nous vivonsuniquement sous le règne du quantitatifet si malheureusement une partie de lapopulation de plus en plus importanteest exclue de la consommation, le reste vit

dominé par l’intoxication consumériste.Il faut repenser le développement : celui-ci fondé essentiellement sur la croissanceéconomique et technique nous a conduitsà la crise de civilisation actuelle. Et c’estnotre civilisation occidentale qui aujour-d'hui mondialisée produit les processus desa propre perte, c’est-à-dire les dévelop-pements incontrôlés de la science, de latechnique, de l’économie qui ont créé etvont aggraver la crise planétaire de l’hu-manité.Ensuite, une réforme de vie, c’est-à-direcomprendre que le mieux vivre n’est pasdans l’accumulation des biens matériels,mais dans une certaine relation avecautrui et avec soi-même. La fuite desvilles par exemple comme le retour versles campagnes traduisent cette aspirationqualitative.Enfin une réforme éthique. Il suffitd’écouter la radio, E.A.D.S, MEDEF etc,pour se rendre compte que le degré decorruption par l’argent est devenu fabu-leux.Toutes ces réformes devraient s’entraiderles unes les autres. Si à un moment donnéla prise de conscience qu’il faut chan-ger radicalement de voie se fait pour unepartie assez large de la population, nouspourrons prendre le nouveau chemin.

Propos recueillis par Gilles Sarrotte

«« PPoollyyddiisscciipplliinnaarriittééss,, ttrraannssddiisscciipplliinnaarriittééss,,ttrraannssvveerrssaauuxx,, iill ffaauutt uunniirr lleess ssaavvooiirrss vveennuuss ddeess

ddiifffféérreenntteess ddiisscciipplliinneess..»»

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