10
Acta Medica Scandinavica. Vol. LXXXVII, fasc. I-11,1935. Le BCG administrt par des injections intraveineuses par I. HOLMGREN r” Gi)STA LJUNGBERG.l Depuis un peu plus de 2 annkes I. Holmgren a fait en col- laboration avec ses assistants, notamment avec le Dr. Gosta Ljung- berg, des observations sur l’administration du BCG par voie intra- veineuse. Puisque, pour autant que nous le sachions, le BCG n’a pas 6te employe de cette maniere ailleurs, nous pensons que ces observations pourront offrir peut-&re quelque intkret. Nous avons cru avoir le droit d’administrer le BCG par voie intraveineuse, parce que l’experience a montrk avec une suffisante certitude que le BCG est completement avirulent pour l’homme et en raison du fait que I. Holmgren possede lui-m&meune experience assez &endue des irijections intraveineuses de tuberculine sur l’homme. Ces observations ont etB faites il y a longtemps dkjja au cours d’ktudes entreprises sur la question des effets thkra- peutiques eventuels de la tuberculine sur le cancer. Les figures 1 et 2 representent la courbe de temperature pen- dant la pkriode ler dCc.-30 dec. 1915 dans un cas de cancer de l’estomac soigne dam la clinique et traitk au moyen d’injections intraveineuses de tuberculine. La courbe de temperature est typique de la facon dont les carcinomateux rkagissent a la tuber- culine administree par les voies veineuses. On voit que la tolerance a la tuberculine est etonnamment grande et s’accroit tres vite apes quelques injections. D’apr&s.uneconference faite A Copenhague en juin 1935 au Congrhs scandinave de medecine interne. Ce travail est parvenu A la rkdaction le 3 octobre 1935.

Le BCG administré par des injections intraveineuses

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le BCG administré par des injections intraveineuses

Acta Medica Scandinavica. Vol. LXXXVII, fasc. I-11,1935.

Le BCG administrt par des injections intraveineuses

par

I. HOLMGREN r” Gi)STA LJUNGBERG.l

Depuis un peu plus de 2 annkes I. Holmgren a fait en col- laboration avec ses assistants, notamment avec le Dr. Gosta Ljung- berg, des observations sur l’administration du BCG par voie intra- veineuse. Puisque, pour autant que nous le sachions, le BCG n’a pas 6te employe de cette maniere ailleurs, nous pensons que ces observations pourront offrir peut-&re quelque intkret.

Nous avons cru avoir le droit d’administrer le BCG par voie intraveineuse, parce que l’experience a montrk avec une suffisante certitude que le BCG est completement avirulent pour l’homme e t en raison du fait que I. Holmgren possede lui-m&me une experience assez &endue des irijections intraveineuses de tuberculine sur l’homme. Ces observations ont etB faites il y a longtemps dkjja au cours d’ktudes entreprises sur la question des effets thkra- peutiques eventuels de la tuberculine sur le cancer.

Les figures 1 e t 2 representent la courbe de temperature pen- dant la pkriode l e r dCc.-30 dec. 1915 dans un cas de cancer de l’estomac soigne dam la clinique e t traitk au moyen d’injections intraveineuses de tuberculine. La courbe de temperature est typique de la facon dont les carcinomateux rkagissent a la tuber- culine administree par les voies veineuses. On voit que la tolerance a la tuberculine est etonnamment grande et s’accroit tres vite a p e s quelques injections.

D’apr&s.une conference faite A Copenhague en juin 1935 au Congrhs scandinave de medecine interne.

Ce travail est parvenu A la rkdaction le 3 octobre 1935.

Page 2: Le BCG administré par des injections intraveineuses

180 I . H O L M C R E N et COSTA LJUNCBERC.

Fig. 1.

Fig. 2.

Le malade rBagit chaque injection par une Blkvation de tem- pkrature brusque et de courte durbe. Les symptbmes subjectifs sont des frissons plus ou moins forts e t une sensation gBnBrale de, malaise de courte durke, comme pendant n'importe quelle infection, par exemple la grippe. Dans le cas ici considkrk, il a k tk fait un

Page 3: Le BCG administré par des injections intraveineuses

LE BCG A D M I N I S T R ~ PAR DES INJECTIONS INTRAVEINEUSES. 181

grand nombre d’injections intraveineuses et comme on le voit par les figures 1-2 h doses importantes, allant jusqu’h 50 mg A la fois de vieille tuberculine de Koch (alt-tuberkulin). Ces injections n’entrabaient aucun inconvenient hors de la dite rhction inimB- diate. Elles exercaient au contraire une influence favorable sur l’htat gbneral et surtout sur les douleurs. C’est 1P une observation faite par I. Holmgren dans un grand nombre de cas de cancer, trait4 depuis 1913 par la tuberculine. Ce n’est pas ici le lieu de parler plus en dBtail de ces Btudes.

Bash sur ces expbriences faites avec la tuberculine, nous avons aussi choisi des canckreux pour nos etudes concernant le BCG. Nous avons fait des injections intraveineuses de BCG dans 28 cas de cancer, dont la plupart Btaient des cancers de l’estomac.

Nous en avons fait, en outre, dans 5 cas de maladies d’autres cat@ories, de telle sorte que 33 malades en tout ont requ des injec- tions intraveineuses de BCG. Le nombre total de ces injections s’6l&ve en juin 1935 185.

La plupart des malades ont requ une ou plusieurs injections, mais h un certain nombre d’entre eux, il en a B t B fait de nombreuses, A intervalles plus ou moins longs. Le plus grand nombre d’injec- tions intraveineuses pratiqukes sur un patient est de 37, ce qui fait une quantitC de 6 mg de BCG (de bacilIes) administree dans l’espace d’un peu plus d’une annee. La preparation eniploybe par nous est produite par le Dr Anders Wassh h Gothembourg. Elle contient 0.5 mg de bacilles (BCG) par cm*. De cette culture, nous avons inject6 dans les veines des doses variant entre 0.025 mg et 0.4 mg. Le plus grand volume a donc 6tk de 0.8 cmSd’8mulsion de bacilles. Les injections ont B t B faites P 10 heures du matin ou A peu p r b h cette heure et dans une veine du coude.

Les injections n’ont pas Btk suivies une seule fois d’infiltrations ou de troubles locaux d’une espke quelconque.

La reaction immBdiate h l’injection a 6th la meme qu’aprb les injections de tuberculine, c’est A dire qu’il s’est produit une 618- vation de temperature ainsi que des frissons et des sensations gknbrales de malaise que les malades eux-mhes trouvaient ana- logues aux symptbmes de la grippe. Ces phenomenes Btaient plus ou moins marquBs suivant la quantite injectke. On constatait d’aiIleurs A cet Bgard de grandes variations iiidividtielles et l’on pouvait observer que, pour des raisons qui nous Bchappent, l’inten-

Page 4: Le BCG administré par des injections intraveineuses

182 1. EIOLMCREN C t GOSTA L J U N G B E R G .

site de la reaction varie chez un meme individu indkpendamment de la grandeur des doses.

Les figures 3-7 donnent des exemples de. reactions apres lcs injections intraveineuses de BCG.

Fig. 3.

La fig. 3 montre deux reactions chez la m6me malade. La ligne - apres 0.05 mg le 31 octobre 1933 et la ligne - - - - ~ -

apres 0.10 mg le 6 juillet 1934. La temperature fut prise toutes les deux heures. Dam l'intervalle, la malade avait repu 25 injections intraveineuses.

Fig. 4.

Dans la fig. 4 la ligne- reprksente la temperature apres une injection intraveineuse, le 4/1 1935, de 0.40 mg BCG, la courbe

Page 5: Le BCG administré par des injections intraveineuses

1,I; BCG A D M I N I S T R E P A R DES I N J E C T I O N S I N T R A V E I N E U S E S . 183

- - _ _ - _ la temperature, le 7/3 1935, a p r b une injection de la in&me quantite. Temperature prise toutes les deux heures. Avant le 4/1, le nialade w a i t requ 9 iiijections intraveineuses e t entre le 4/1 et le 7/3 deux injections de la m&me dose.

Fig. 5. 19/11 1934, iiijection intraveineuse de 0.10 mg de BCG (courbe - ). 7/3 1935, injection de 0.40 mg (courbe ------). Temperature toutes les deux heures. Entre le 19/11 e t le T/3, le malade avait recu 10 injections.

r ry h " 1 " l P I k H O t , S resar" ld ( " I ' * . /&rp. 1 *."l".,, I,,

Fig. 6.

Fig. ti. 31/5 1933, injection de 0.01 ing (courbe- ). 2218 1933 injection de la mbme dose (cowbe-------). Entre ces deux dates, 14 injections.

Page 6: Le BCG administré par des injections intraveineuses

184 I. HOLMGREN et GO8TA L J U N G B E R C .

Fig. 7. 5/6 1934, injection intraveineuse de 0.20 mg de BCG (courbe - ). 12/7 1934, injection de la mbme quantite (courbe -------), Observer que la reaction est plus forte le 12/7. Du 5/6 au 12/7 ont et6 donnees 2 injections. Avant le 5/6 le malade avait requ 17 injections intraveineuses.

Fig. 7.

Les injections intraveineuses de BCG n’ont aucun effet nocif sur 1’8tat general, except6 la reaction immediate, qui ne dure que 24 heures ou mbme moins. Dans aucun cas nous n’avons observe quoi que ce soit qui pfit donner de supposer que les injections auraient 6tk le point de dkpart d’une maladie tuberculeuse. Les injections ont sur le malade un certain effet anti-douloureux et stimulant, exactement le mbme que les injections de tuberculine sur les canchreux. Un certain nombre de malades ont eux-mbmes dCsir6 voir continuer les injections, parce qu’ils bprouvaient apres la reaction immediate une sensation d’amelioration de l’Btat gkn6ral.

I1 est remarquable que les injections intraveineuses de BCG, m&me donnkes en grand nombre pendant un temps assez long, ne creent pas une immunite telle que les reactions diminuent beaucoup d’intensitk ou cessent de se produire. C’est ce que montrent les figures 3 li 7. On voit en les Btudiant qu’il s’ktablit dans certains cas un certain degrt! d’adaptation. On peut observer ainsi qu’aprb quelques injections et par comparaison avec la reaction du debut (fig. 3), le malade reagit li une dose plus Blkvke avec une f i tme moins Blevee, mais on voit aussi des exemples de cas oh les reactions sont accentubes meme a p r b une serie d’injections poursuivies

Page 7: Le BCG administré par des injections intraveineuses

L E BCC A D M I N I S T R ~ PAR DES INJECTIONS INTRAVPINEUSES. 185

pendant un temps assez long (fig. 7). Ce fait contraste beaucoup kvidamment avec la reaction des cancereux aux injections de tuber- culine oh l'on constate tres vite une adaptation considkrable a p r h les injections intraveineuses comme on peut aussi le voir par les figures 1 et 2. L'adaptation n'est jamais pourtant si compl8te ap rh ces dernikres que les injections soient supportkes absolument sans rhction. C'est au contraire ce qui est le cas apres les injec- tions sous-cutankes de tuberculine, dont les figures 8 et 9 donnent un exemple magnifique.

Fig. 8.

Le cas qu'illustrent ces figures ktait celui d'un malade ayant un cancer maxillaire iiiopkrable et qui avait k t e trait6 sans succb par le radium. Pendant pr&s de deux ans, I. Holnigren lui a inject6 de la tuberculine sous la peau comme essai de traitement. La figure 8 niontre une photographie de son tableau de temperature pendant un skjour dans la clinique en 1915. Les injections sous-cutankes de tuberculine ont commence aussitat apr& l'entrke du malade en fevrier 1915 A doses presque quotidiennes de 10 mg de tuberculine. On voit que des le commencement il a tr& peu reagi it la tuber- culine. Tr& vite, il en est arrive a tolerer des quantites presque illimitees. Aussi pouvait-on au mois de d6cembre de la m h e annke lui faire des injections rkpktkes sous la peau A la dose enorme de

Page 8: Le BCG administré par des injections intraveineuses

186 I. H O L M G R E N et G ~ S T A L J U N G B E R G .

2,000 mg d’,alt-tuberkulin, et a des intervalles de 2 a 3 jours sans qu’il rkagit par de la fievre (fig. 9). I1 n’en kprouvait non plus aucun effet nocif sur l’ktat gknkral. La tuberculine exercait au contraire une action antidouloureuse et stimulante tres accentuke. Ce cas est absolument caractkristique dans tous ces details pour les rkac- tions des canckreux A la tuberculine. Comparke a la rapiditk et h la plenitude avec lesquelles s’effectue cette adaptation des can- ckreux A la tuberculine leur adaptation passnblernent dkfectueuse au BCG est assez intkressante.

Fig. 9.

Au cours d’une skrie d’injections intraveineuses de BCG, une certaine allergie h la tuberculine s’btablit chez les canckreux. Le fait est remarquable parce quc, sauf de tres rares exceptions, les cancbreux sont insensibles a la tuberculine. C’est ainsi qu’ils ne rkagissent pas du tout ou ne prkseiitent que des rkactions insigni- fiantes A une injection intrncutanke de 0.1 mg d’))alt-tuberkulinn e t que leur temperature s’kleve en gkukral de quelques dixiemes de degrks seulement apres des injections sous-cutankes de doses de tuberculine aussi fortes que 5 h 10 mg. Les canckreux sont donc presque tous selon la terminologie courante, nkgatifs a la tuber- culine. Nous avons acquis a la clinique une grande experience de ce phknomhne, I. Holmgren ayant examink depuis 1913, quant leur sensibilitk a la tuberculine, la plupart des 1100 cas de cancer, qui y sont soignks. I1 est tres remarquable que les canckreux, qui sont anergiques a la tuberculine, manifestcnt apres injection de BCG de l’allergie a la tuberculine. Cette allergie n’est pas, en gknkral, tres accentuee. Dans certains cas toutefois, on observe un changement

Page 9: Le BCG administré par des injections intraveineuses

LE BCG ADMINISTRE PAR DES INJECTIONS I N T R A V E I N E U S E S . 187

considkrable dans la reaction du malade A la tuberculine, comme on peut le voir par la figure 10.

Avant Ie commencement des injections dc BCG, ce malade ne reagissait presque pas A 5 et A 10 mg de tuberculine en injections sous-cutanees mais a p r b 20 injections intraveineuses de BCG. il rkagit au bout de six mois par une fikvre de 40" a la mbme dose de tuberculine en injection sous-cutanbe (fig. 10). C'est 18 un fait interessant parce qu'il montre que ce n'est pas 1'Ctat cachectique qui est la cause dr la non.reaction des canckreux a la tuberculine.

Fig, 10.

C'est cc qu'on peut observer directement, parce que des canck- reux, dolit 1'Ctat general reste trks bon et qui ne se sentent pas encore malades, mais qui ont une nutrition e t une force rnusculaire encore iiormales sont Bgalement nkgatifs Zi la tuberculine. Le ph6nomhe est si constant que I. Holmgren, depuis bien d'annkes, emploie cette reaction pour appuyer ou &carter le diagnostic cancer dans des cas ou le diagnostic diffkrentiel est incertain. I1 doit donc y avoir quelque autre raison pour que l'allergie a la tuberculine ne s'etablisse pas chez les canckreux comnie chez les autres hornmes, bien qu'ils soient exposes de la m&me manikre Zi l'infection par des bacilles virulents de tuberculose, ou pour qu'ils perdent leur allergie la tuberculine dam la periode qui prbcede I'apparition de la tumeur cancereuse et 1'Ctahlissement du diagnostic. Faute d'avoir fait des.observations cet Cgard nous ne sommes pas en mesure de don- iier quelques informations sur le comportement des canckreux en ce qui concerne la tuberculine avant I'apparition du cancer.

Page 10: Le BCG administré par des injections intraveineuses

188 1. H O L M G R E N e t GOSTA L J U N G B E R C .

Nous avons fait aussi quelques irijections intraveineuses de BCG dans des cas d’autres maladies, telles que l’ulchre de l’estomac, l’anemie pernicieuse e t l’asthme bronchial. Les malades ont tous reagi de la meme manihre que celle decrite ci-dessus e t a part la rkaction primitive les injections n’ont pas prBsentC d’inconvCnients.

Rbsumb.

Dcpuis deux ans, les auteurs ont pratique des injections intrn- veincuses de BCG dans des cas de cancer inopkrables e t dans quel- qucs cas d’autres maladies. 33 malades ont r e p 185 injections. La dose la plus forte donnee dans une seule injection a C t B 0.4 nig dc bacilles.

Les injections provoquent des sympt6mes d’infection aigue avec de la fievre. Ces symptbmes disparaissent au bout de 24 heures.

M&me apres des injections nombreuses, poursuivies pendant un temps assez long, allant jusqu’a une annBe, les malades ont reagi A chaquc injection de la m&me manikre e t avec une force presque identique qu’au commencement.

Les injections ne provoquent pas de rkactions locales. Abstrac- tion faite de la reaction genbrale immkdiate, on ne constate pas que les injections nuisent Sr 1’Ctat du malade. Elles ont au contraire un effet sedatif e t le malade Bprouve souvent pendant les jours suivants une certaine amklioration de son &at gbnhral.

Dans aucun cas nous n’avons eu des raisons de penser que les injections auraient provoque une infection tuberculeuse ou contribuk a son Bvolution.

Les cancBreux sont presque tous anergiques a la tuberculine. I1 est A remarquer que le BCG provoque chez ces malades un etat d’allergie A la tuberculine, dont le degre est dans certains cas tres BlevC.