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Quelle administration publique pour un Tchad émergent d’ici à l’an 2030 ? Suivre l’analyse du Statisticien et économiste Djoret Biaka Tedang. En répondant à l’appel à contribution de Tchad Eco, il aborde ici, la question de l’efficacité des finances publiques tchadiennes et les pistes de réformes possibles. Féru des finances publiques, ce dernier a cu- mulé quinze ans d’expériences, dont plus de 10 ans en qualité de consultant dans le domaine de renforcement des capacités (macroéco- nomie, finances publiques, statistiques) pour le compte de plusieurs or- ganisations nationales et internationales. Faits Le secteur public tchadien et la nécessité de sa réforme Edito Plus d’efficacité de l’adminis- tration publique pour juguler le choc pétrolier TCHAD ECO Des idées innovantes pour le développement L e B i m e s t r i e l d u C R O S E T Prix: 400 FCFA Le rôle de l’Etat dans l’économie: Qu’en dit la théorie économique? Page10 Page 2 Pages 4-6 Page 11 Pages 4-6 Appels à contribution Tchad Eco s’ouvre à des personnes ressources désireuses de proposer des articles pour le prochain numéro dont le thème central est «Système financier et soutenabilité de l’économie tchadienne». Prière manifester vos intentions avant le 20 mars 2015. «La bureaucratie réalise la mort de toute action.» Albert Einstein Citation du mois Endiguer la Corruption au Tchad Lire l’analyse de REMADJI Madjadina, Statisticien et économiste Opinions «4 566 agents fictifs à la fonction publique» Les chiffres sont du Ministre des Finances et du Budget du Tchad M. BEDOUMRA KORDJE. N° 4 du 1 er Mars au 30 Avril 2015: L’administration publique tchadienne

Le Bimestriel du CROSET «4566agentsfictifsàla ...°4.pdfTchad Eco n°4 est consacré exclusivement à l’étude de l’efficacité de l’adminis - tration publique tchadienne en

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  • Quelle administration publique pour un Tchad émergentd’ici à l’an 2030 ?Suivre l’analyse du Statisticien et économiste Djoret Biaka Tedang.En répondant à l’appel à contribution de Tchad Eco, il aborde ici, laquestion de l’efficacité des finances publiques tchadiennes et les pistesde réformes possibles. Féru des finances publiques, ce dernier a cu-mulé quinze ans d’expériences, dont plus de 10 ans en qualité deconsultant dans le domaine de renforcement des capacités (macroéco-nomie, finances publiques, statistiques) pour le compte de plusieurs or-ganisations nationales et internationales.

    FaitsLe secteur public tchadien etla nécessité de sa réforme

    EditoPlus d’efficacité de l’adminis-tration publique pour jugulerle choc pétrolier

    TCHAD ECO n° 4 du 1 er Mars au 30 Avril 2015

    TCHAD ECODes idées innovantes pour le développement

    L e B i m e s t r i e l d u C R O S E T

    Prix: 400 FCFA

    Le rôle de l’Etat dans l’économie: Qu’en dit la théorie économique?

    Page10

    Page 2Pages 4-6 Page 11

    Pages 4-6

    Appels à contributionTchad Eco s’ouvre à des personnes ressources désireuses de proposerdes articles pour le prochain numéro dont le thème central est «Systèmefinancier et soutenabilité de l’économie tchadienne». Prière manifester vosintentions avant le 20 mars 2015.

    «La bureaucratie réalise la mort detoute action.» Albert Einstein

    Citation du mois

    Endiguer la Corruption au TchadLire l’analyse de REMADJI Madjadina, Statisticien et économiste

    Opinions

    «4 566 agents fictifs à lafonction publique»

    Les chiffres sont du Ministre des Finances et du Budget duTchad M. BEDOUMRA KORDJE.

    N° 4 du 1 er Mars au 30 Avril 2015: L’administration publique tchadienne

  • Au Tchad comme partout dans lemonde, l’importance de l’adminis-tration publique dans le dévelop-pement socioéconomique n’estpoint à démontrer. Pourvoyeuse d’emploi,l’administration publique assure de revenusaux agents publics. Aussi, en délivrant desservices publics, permet-elle de réduire lescoûts de transaction susceptibles de péna-liser les activités économiques. Lorsqu’elleest efficace, elle crée des conditions favo-rables au développement durable. Nonobs-tant son importance avérée dans leprocessus de développement, mise en évi-dence dans les trois générations de Straté-gie Nationale deRéduction de la

    Pauvreté et celle de la Bonne Gouvernance, l’adminis-tration publique tchadienne semble être caractériséepar son étroitesse et son inefficacité. En effet, l’emploipublic représente 3% des actifs occupés et fait vivre enmoyenne 660 168 personnes au Tchad. Son inefficacitéa été mise en lumière par de nombreuses missions dontla plus récente est le contrôle des effectifs publics. Cetteinefficacité peut à terme compromettre le développe-ment du Tchad en gaspillant des ressources rares.

    Par ailleurs, le budget de l’Etat est un puissant instru-ment de mise en œuvre des politiques publiques. Ilpeut, de ce fait, être mobilisé pour atteindre le niveaude l’émergence économique tant prônée par les autori-tés. L’étude prospective nationale conduite actuellementpar le ministère du Plan s’attèle à définir les principalesorientations budgétaires pour les 15 prochaines années afin de traduire dansles faits la «Vision 2030» du Chef de l’Etat. Cependant, étant le principal instru-ment d’exécution des politiques publiques, le budget de l’Etat devrait être en-touré et accompagné de mécanismes relatifs à la bonne gouvernance pour luipermettre d’atteindre ses objectifs de manière efficace et efficiente. De même,le niveau élevé de la pauvreté (45%) et ce malgré les ressources pétrolières en-grangées par le pays ces dernières années est à imputer, en grande partie, àl’inadéquation des dépenses publiques avec les stratégies de développementéconomique.

    En outre, la conjoncture économique internationale associée à la baisse vertigi-neuse des prix internationaux du pétrole, depuis courant second semestre 2014,annonce des moments difficiles pour les pays dont le budget dépend en grandepartie des ressources pétrolières. En 2013, les recettes pétrolières ont repré-senté plus de 70% des recettes budgétaires et le secteur pétrolier fournit 90%du total des exportations. Cette mauvaise conjoncture qui a déjà entrainé le gelde tous les projets d’investissements en 2015, s’il venait à perdurer, biaiseraitsans nul doute le financement des politiques de développement du Tchad dumoment où la masse salariale absorbe déjà près de 80% des ressources horspétrole. Les tensions aux frontières du pays, en restreignant le commerce duTchad avec ses voisins, ne pourront qu’aggraver la situation. Dans ce contexte,il est judicieux de se demander que peuvent faire les autorités publiques? Ré-duire les dépenses publiques? Sacrifier certains projets au détriment d’autresjugés prioritaires? Nécessité d’une gestion saine ou d’un ajustement budgétaire?

    Tant de questions utiles devant une telle situation quiprend le pays au dépourvu.

    Bien que la mise en exploitation des champs pétro-liers «Grand Baobab» et «mangara» pourrait permet-tre à l’Etat d’atténuer les effets de ce choc, il n’endemeure pas moins que d’autres stratégies soientnécessaires. Le Tchad doit tirer deux leçons de lacrise qu’elle traverse. Premièrement, la situation ac-tuelle nécessiterait une forte efficacité de l’adminis-tration publique pour permettre de juguler lesconséquences de la baisse des prix internationauxdu pétrole. Cette efficacité dans la gestion des res-sources publiques permettrait de dégager des res-sources supplémentaires pour le financement de sondéveloppement. Pour ce faire, la réforme des fi-nances publiques et l’application stricto sensu de laloi n°017/PR/2001 Portant statut général de la fonc-

    tion publique sont plus qu’indispensables. Deuxièmement, les autorités sont in-terpellées à diversifier l’économie pour réduire sa dépendance aux ressourcespétrolières et développer la capacité de l’administration publique en termes deprévision des perspectives économiques. Tchad Eco n°4 est consacré exclusivement à l’étude de l’efficacité de l’adminis-tration publique tchadienne en lien avec la situation actuelle de baisse des prixinternationaux du pétrole. Il se propose d’analyser les goulets d’étranglementqui minent cette dernière et proposer quelques pistes de solutions en vue derenverser la tendance.

    2 TCHAD ECO n° 4 du 1 er Mars au 30 Avril 2015

    EDITORIAL

    Plus d’efficacité de l’administration publique pour juguler le choc pétrolier

    Pour suivre des projets importants, l'Entreprise met souvent en place des procédures lourdes...

    «...Le budget de l’Etat est unpuissant instrument de miseen œuvre des politiques pu-

    bliques. Il peut, de ce fait, êtremobilisé pour atteindre le ni-veau de l’émergence écono-mique tant prônée par les

    autorités»

    Par Jareth BEAIN

    Le boulanger muselle la bureaucratie,le projet avance

    - Loi de Finance Initiale 2015: un déficit prévisionnel de 177 226 115 000 FCFA et optimisme mesuré du gouvernement sur les prix du pétrole- BOKO HARAM: quels coûts économiques pour le Tchad?

    Actualités économiques

  • Rien n’aura autant suscité de débats dansla littérature économique que le rôle del’Etat dans l’économie. Des classiquesaux keynésiens en passant par les néoclas-siques et les adeptes de l’école des Choix Pu-blics ou «Public Choice», nous retiendrons despoints de vue divergents. Les uns, adhérant à laforce régulatrice du marché, soutiennent soitl’absence de l’Etat soit un Etat minimum alorsque les autres l’érigent en un instrument de ges-tion des crises sinon de promotion de croissanceéconomique. Pour les pays en développement,ce débat s’est invité lors de la crise des dettessouveraines des années 1980 ayant conduit auxProgrammes d’Ajustements Structurels (PAS).Les PAS ont consisté à un Etat minimum à tra-vers la privatisation des entreprises publiques etla réduction de la taille des administrations pu-bliques. Aussi, l’actualité mondiale associée à lacrise de la dette grecque et partant l’Union Eu-ropéenne prolonge-t-elle ce débat?Deux biais sont associés à l’intervention de l’Etatdans l’économie. D’une part, cette interventionest susceptible de biaiser les calculs des agentséconomiques. D’autre part, son mode de fonc-tionnement, connu sous le vocable de bureau-cratie, est suspecté de nuire à l’efficacité del’économie.

    BUREAUCRATIE

    Le mot bureaucratie, néologisme forgé par Vin-cent de Gournay au XVIIè siècle, a été théorisépar le sociologue allemand Marx Weber (Weber,1921). D’après ce dernier, la bureaucratie est unmode d’organisation du travail reposant sur uncritère dominant qui est l’existence d’une struc-ture très hiérarchisée à la discipline militaire. Uneorganisation personnaliste centralisée autourd’un chef et dont le budget est qualifié de moyen.Un budget objet ou de moyen consiste à octroyerdes lignes budgétaires aux services, indépen-damment de leur performance. Ainsi, le critèrede réussite est le taux d’exécution du budget. Etle critère de promotion des agents est basé surl’ancienneté.

    TROIS AUTEURS, TROIS THEORIES

    Niskanen (1968, 1971) est le premier à modéli-ser les conséquences d’une organisation de typepyramidale. Le modèle fait apparaitre une sur-production des biens publics et à l’inefficacité X.Trois acteurs aux différentes stratégies intervien-nent dans le modèle. Le bureaucrate, le politicienet l’électeur. Avant de comprendre comment lastratégie du bureaucrate va s’imposer aux deuxautres acteurs, évoquons la stratégie de chaqueagent. Le bureaucrate cherche à obtenir le bud-get le plus élevé pour son bureau. L’objectif dupoliticien est de maximiser les votes en sa faveurafin de se faire réélire. Enfin, la stratégie de

    l’électeur consiste à voter pour le politicien quiimplémente des politiques ayant des bénéficesplus élevés que ses coûts, ces coûts représen-tent les impôts qu’il doit payer. Le Public Choicepostule l’omnipuissance du bureaucrate sur lepoliticien. Cette omnipuissance résulte de l’asy-métrie d’information car seul le bureaucrate four-nit les informations au politicien sur ses coûts defonctionnement. Le bureaucrate utilise donc saprééminence sur l'information pour poursuivredes motivations personnelles à côte des objectifsd'intérêt général qui lui sont assignés (Tullock,1978). En outre, deux phénomènes vont interagirpour que la stratégie du bureau-crate s’impose à l’électeur:manque de coalition de la popu-lation et illusion fiscale qui vou-drait que les citoyens ne soientpas conscients du coût réel de lafiscalité.

    Autour de l’hypothèse d’un bu-reaucrate cherchant à maximiserla taille du budget, le modèle deNiskanen va connaitre plusieursextensions. Migué et Belanger(1974) d’une part et Breton etWintrobe (1975) d’autre part fontvaloir que la fonction d’utilité dubureaucrate est la maximisationdu pouvoir discrétionnaire. Ils in-troduisent de ce fait la quantitéde biens publics produits dans lafonction d’utilité, symbole depouvoir du bureaucrate. Le modèle conclut à unesurproduction de biens publics, mais de taille in-férieure à celle prédite par le modèle de Niska-nen. D’autres extensions vont modifier lafonction d’utilité du bureaucrate en introduisantles réactions du politicien et de l’électeur.

    De cette inefficacité du système bureaucratiqueva apparaitre la nécessité de réformer l’admi-nistration publique. Guillemot et Jeannot (2013)font valoir que le discours et les actions de ré-forme des administrations publiques se sontconstruits autour de la mise en avant conjointed’un problème, la bureaucratie, et d’un espacede solutions, le secteur privé. Il est donc ques-tion d’introduire les pratiques inspirées du sec-teur privé dans la gestion publique.L’hypothèse sous-jacente est que le secteurprivé est plus efficace que le secteur public.L’espace de solutions quant à lui contient: (i) laréduction de la taille de l’administration pu-blique, (ii) l’introduction d’une grande concur-rence, (iii) l’implémentation d’un systèmeincitatif inspiré du privé. La réduction de la taillede l’administration publique améliore l’efficacitéglobale en détournant des ressources pu-bliques gaspillées vers le privé. Par ailleurs, ledeuxième argument s’appuie sur le théorème

    d’impossibilité d’Arrow. En effet, suivant cethéorème, il y a un grand risque de voir, au mé-pris de la démocratie, les choix publics corres-pondre aux préférences des dirigeants qu’àune expression de la volonté populaire. Enfin,l’introduction d’un système de gestion incitatifvient de l’idée que la bureaucratie n'est passoumise à la concurrence et elle a donc moinsd'incitations à minimiser ses coûts de produc-tion. Pour ce faire, on fait appel à un systèmede fonctionnement de type fonctionnaliste basésur une gestion par les résultats. Ce mode d’or-ganisation se différencie du système personna-

    liste en fonctionnant avec un budgetprogramme. Dans un budget programme, le fi-nancement d’une ligne budgétaire est condi-tionné par l’atteinte des indicateurs de résultatsdéfinis au préalable.

    SECTEUR PUBLIC ET PRIVE

    Bien que cet espace de solutions ait trouvé dessoutiens théoriques et empiriques solides, il n’endemeure pas moins qu’il se voit reprocher uncertain nombre de limites. L’exiguïté du secteurprivé dans les pays en développement en géné-ral fait de l’administration publique une sourceimportante d’emploi pour les diplômés. Dans cecontexte, l’efficacité de l’administration publiquepeut être obtenue par une réallocation sectorielleoptimale des ressources humaines en faveurdes secteurs prioritaires des Etats. En outre, unegestion par les résultats se heurte au choix et àla définition des indicateurs de résultats. C’est lecas par exemple des programmes environne-mentaux ou institutionnels. Enfin, la privatisationdes services publics doit tenir compte du secteurd’activité au risque de détériorer les conditionsde vie des plus pauvres.

    3TCHAD ECO n° 4 du 1 er Mars au 30 Avril 2015

    COMPRENDRE

    Le rôle de l’Etat dans l’économie: Qu’en dit la théorie économique?

    Le bureaucrate utilise doncsa prééminence sur l'infor-mation pour poursuivre desmotivations personnelles à

    côte des objectifs d'intérêt gé-néral qui lui sont assignés

    (Tullock, 1978)

    Pour aller plus loinBlais A., (1982). Le Public Choice et la croissance de l'Etat. Revue canadienne de science politique, Vol. 15, No. 4, pp. 783-807Guillemot D. et Jeannot G. (2013). Modernisation et bureaucratie, l’administration d’Etat à l’aune du privé. Revue française de sociologie. Vol.54, pages 83 à 110

    Aristide MABALI

  • 4 TCHAD ECO n° 4 du 1 er Mars au 30 Avril 2015

    LES FAITS

    Le secteur public tchadien et la nécessité de sa réforme

    Des effectifs croissant majoritairement dans l’armée et les secteurs prioritaires

    Détection de 4 566 agentsfictifs représentant uneéconomie de 17 milliardsde FCFA par an, ce quicorrespondrait à 740 forages d’eauou 740 écoles de trois salles declasse ou encore 50 000 branche-ments électriques. Voilà une des

    conclusions de l’opération decontrôle des agents de l’Etat pré-senté par le ministre des Financeset du Budget M. BEDOUMRAKORJE lors de sa conférence depresse du 15 janvier dernier.

    Durant ces deux dernières années,

    les contrôles des effectifs, la luttecontre la corruption avec la fameuseopération anti-corruption «Cobra»ont fait la une de l’actualité des mé-dias nationaux. Ces opérations ontun objectif unique: il s’agit d’écono-miser les deniers publics tout en mo-dernisant la gestion du personnel de

    l’Etat. C’est donc à juste titre quenous mettons en exergue aussi bienles caractéristiques de cette admi-nistration, en termes de diagnostic,que son évolution dans le but d’in-terroger la pertinence des réformesentreprises et leurs effets réels surson efficacité.

    La fonction publique tcha-dienne a été estimée à 81518 personnes en octobre2014. Rapporté à la popula-tion, elle représente 0,67%, ce quiest inférieur à la moyenne des paysde l’Afrique subsaharienne quitourne autour de 1,5% mais aussicelui des pays à faible revenu quiest de 2,6%. Pour ce qui de l’armée,il tournerait autour de 43 518, ce quirapporté à la population totale repré-senterait 0,39%, un taux supérieur àla moyenne des pays de l’ASS maisjustifié par l’étendue du territoire na-tional et les menaces sécuritairesauxquelles fait face le pays du faitdes tensions aux frontières. Notonsque les effectifs cumulés de la sécu-rité au sens large (défense natio-nale, sécurité et administrationterritoriale) représente près de 50%des effectifs totaux.

    L’évolution des effectifs militaires enpourcentage de la population totaleest constante dans le temps. Parcontre, les effectifs civils ont connuune rupture en 2012 où leur propor-tion par rapport à la population totalea presque doublé par rapport à l’an-née 2004. Cet état de fait est sansnul doute à imputer aux recrute-ments massifs dans les secteursprioritaires de l’Etat et ce conformé-ment aux différentes stratégies dedéveloppement du Tchad. A partir de2012, la croissance des effectifs to-taux dans l’administration publiqueest donc tirée vers le haut par les ef-fectifs civils.La somme des effectifs civils et mili-taires rapportée à la population to-tale donne une proportion de 1,1%.Sur la période 2001-2014, les effec-tifs civils se sont accrus de 153%passant de 32 167 en 2001 pour

    s’établir à 81 158 en 2014. Mis àpart la défense nationale qui repré-sente 35% des effectifs, on re-marque que les effectifs sont plusimportants dans les secteurs so-ciaux tels que l’éducation nationale,

    secondaire et professionnelle(24%), suivi de la sécurité publiqueet de l’administration territoriale avec13%. Les effectifs de la santé et del’action sociale représentent 7%.

    D’après la dernière Enquête sur laConsommation et le Secteur Infor-mel au Tchad (ECOSIT 3), en 2011,13,5% des emplois en milieu urbainsont publics contre 1,4% en milieurural. Cela signifie que la majeurepartie des travailleurs du public ré-

    sident dans les centres urbains. Parcontre, sur l’ensemble des emplois,ceux qui sont publics représentaient3,2% du total des emplois. Par rap-port à la parité homme/femmes,seul 19,4% des employés du sec-teur public sont des femmes.

    Source: Ministère des finances et du Budget

    Source : Ministère des Finances et du Budget

    Evolution de la répartition des effectifs civil et militaire

    Répartition des effectifs civils et militaires

    Source : Ministère des Finances et du Budget

    La masse salariale repré-sentait 25,6% des recettesbudgétaires et près de 4%du PIB en 2013. Elle ab-sorbe une part substantielle des re-cettes non pétrolières (86%),traduisant une grande vulnérabilitédes finances publiques à unebaisse des prix ou de la productionpétrolière mais aussi de la néces-sité d’une mobilisation plus impor-tante des recettes hors pétrole.L’analyse de l’évolution sur la pé-riode 2007-2013 montre que la

    masse salariale est passée de110,8 milliards à 278 milliards deFCFA soit une hausse de 151%.Rapportée aux recettes hors pé-trole, elle est passée de 59% à86%. Elle représente dorénavant laplus grande composante des dé-penses courantes avec 32% pourl’année 2013. Cette hausse de lamasse salariale résulte non seule-ment de la hausse des effectifsmais aussi des augmentations desalaire consenties ces dernières an-nées sur la pression des syndicats.

    Une masse salariale qui pèse lourde-ment sur les recettes budgétaires

    Page suivante

  • Durant le deuxième se-mestre de l’année 2012,le pays a connu la pluslongue grève de son his-toire. Cette crise sociale qui a duréprès de 6 mois de juillet à décem-bre 2012 a porté sur les revendica-tions salariales des fonctionnairesdu secteur public. La première rai-son invoquée est la faiblesse du ni-veau des salaires dans le contexted’une hausse généralisée des prix.Depuis le boom pétrolier en 2003,on a assisté à une augmentationsans précédent du niveau des prixet plus particulièrement celui desdenrées alimentaires et des biensnon échangeables comme le loyer.

    UNE FAIBLE EFFICACITé DEL’ADMINISTRATION ET DESPRESTATIONS MéDIOCRES

    Malgré l’augmentation des effectifs,la qualité de prestations offertes parles services publics est faible. En2003, un audit portant sur l’organi-sation institutionnelle et les poli-tiques de gestion du personnel deneuf ministères stratégiques a misen exergue plusieurs incohérences.Il a relevé des conflits institutionnelsentre les ministères engendrés parl’absence de responsabilités claire-ment établies (par exemple entre leMinistère des finances et celui duplan quant à leur rôle en matièred’investissement public). L’adhé-sion aux stratégies sectorielles etaux mesures prévues dans la stra-tégie de réduction de la pauvretéest faible et il y’a une absence depolitiques et d’instruments de ges-tion des ressources humaines etenfin une absence d’un système degestion axée sur les résultats.La fonction publique tchadienne estaussi caractérisée par l’absence deprocédures de recrutement parconcours, le processus d’em-bauche n’apparie pas les compé-

    tences aux qualifications requisespour les postes à pourvoir; les pro-motions se fondent sur l’anciennetéet non sur les résultats, et c’est ledegré d’instruction, plutôt que laresponsabilité professionnelle, quidétermine le montant du salaire.Les salaires et le recrutement sont

    toujours déterminés au cas par cas,et certains fonctionnaires sont em-bauchés sur une base contrac-tuelle. Cette situation est fortdommageable pour l’Etat car cescaractéristiques de l’administrationtchadienne ont pour corolaire l’ab-sentéisme et le non-respect des ho-raires de travail, la corruption pourla fourniture des services publics.

    Plusieurs classements internatio-naux qui mesurent les perfor-mances des institutions et despolitiques publiques corroborent ceconstat. Ainsi, en 2014, le Tchad oc-cupe la 43ème place sur 52 de l’in-dice Mo Ibrahim, correspondant àun score de 38,9 sur 100. Malgré lefait que cela corresponde à une

    amélioration de 3,7 points, le rangoccupé par le Tchad traduit la faibleperformance de l’administration pu-blique.

    En outre, les indicateurs de gouver-nance tel que l’indice CPIA (Coun-try Policy and InstitutionalAssessment) de la Banque Mon-diale montre que le Tchad enregis-tre des performances en dessousde la moyenne des pays de l’ASS.Pour l’année 2013 par exemple, lescore du Tchad était de 2,6 contreune moyenne de 3,4 pour l’ASS.Cet indice montre aussi que le ma-nagement des institutions du sec-teur public est plus faible,contribuant à l’inefficience des poli-tiques publiques. Pour les ques-tions de transparence, deredevabilité et de corruption dans lesecteur public, le score du Tchadest également faible (2 contre 2,7en ASS).

    Comparaison du score CPIA duTchad et de l’Afrique Source : Banque mondiale

    DES SéRIES DE RéFORMES

    DEPUIS LE MILIEU DES AN-NéES 90

    Bien qu’elles soient inscrites auprogramme de réformes structu-relles depuis le milieu des années90, les réformes de la fonction pu-blique et de l’armée n’ont guèreprogressé.

    La réforme de la fonction publiqueadoptée par le gouvernement en1998 visait plusieurs objectifs dontles plus emblématiques sont l’effi-cacité de l’administration et l’amé-lioration de la qualité des services,dans le but de résorber la pauvreté. Il s’agissait aussi de renforcer lagestion de la fonction publique parla mise en œuvre d’un système in-tégré de paie et de gestion du per-sonnel et par la simplification de lagrille salariale et de la grille des car-rières. Celle-ci avait égalementpour objectif de veiller à ce que lamasse salariale demeure compati-ble avec une organisation viable età ce que les employés reçoiventleurs salaires en temps voulu. Ilétait également question de réfor-mer la structure, les salaires et lesystème de gestion du personnelde l’armée de manière à renforcerla sécurité et l’efficacité.

    La réforme prescrivait un audit desministères, l’adoption d’un nouveaustatut de la fonction publique et lamise au point d’un système infor-matique de paie et de gestion dupersonnel. Après avoir adopté lastratégie, en 1998, les autorités ontmis en œuvre plusieurs mesures. En 1999, elles ont créé une institu-tion Chargée d’Exécuter la Réformede l’Administration Publique (CES-RAP). En 2000, elles ont mené àterme un recensement des fonc-tionnaires.

    5TCHAD ECO n° 4 du 1 er Mars au 30 Avril 2015

    LES FAITS

    Source : Ministère des Finances et du Budget

    Evolution de la masse salariale en milliards de FCFA et en %des recettes hors pétrole

    Source : Banque mondiale

    Comparaison du score CPIA du Tchad et de l’Afrique

    L’absence de concours derecrutement dans la fonc-tion publique qui est unesingularité tchadienne estsouvent évoquée comme

    une des causes de la baissedes niveaux

    Page suivante

  • En 2001, elles ont adoptépour la fonction publiqueun nouveau statut qui ap-plique des critères fondéssur le mérite aux dispositifs de re-crutement, de promotion et de paie;elles ont également simplifié et in-formatisé le système de suivi de lamasse salariale. L’adoption d’un nouveau cadre degestion publique en 2014 (LOLF), la

    gestion informatisée du personnelde l’Etat avec le logiciel SIGASPEsont des dernières réformes encours qui ont pour objectifs d’amé-liorer l’efficacité de l’administrationet des politiques publiques, maisaussi une meilleure gestion desressources humaines. En effet, l’in-formatisation et l’harmonisation dessystèmes de paie et de gestion dupersonnel participent de la volontédes autorités de consolider la ges-tion de la trésorerie permettant à

    terme une maitrise réelle de lamasse salariale.L’épineuse question de l’arméeet l’efficacité de l’administrationpublique tchadienne Bien que certaines réformes com-mencent à porter fruits, il serait in-téressant de s’attaquer à l’une desraisons expliquant la faible perfor-mance de la qualité du secteur pu-blic qui est la baisse de niveau.L’absence de concours de recrute-ment dans la fonction publique quiest une singularité tchadienne estsouvent évoquée comme l’une descauses. Cette particularité a été jus-tifié par un rééquilibre régional etles années d’instabilité qu’aconnues le pays. Cependant, lafourniture de services publics debonne qualité passe aussi par desagents bien formés et de bon ni-veau. Cela est particulièrement es-sentiel dans les secteurs éducatif etsanitaire. Des auteurs situent le début des ca-rences de l’administration à l’effon-drement de l’Etat tchadien à partirde 1979. En effet, à partir de cetteannée-là, les pratiques tels que lereversement des combattants etdes cadres des rebellions dans l’ad-ministration publique et l’armée àl’issue des accords de paix ontcontribué pour beaucoup à l’inci-visme et à l’improductivité de l’ad-ministration (Voir le métier desarmes au Tchad: le gouvernementde l’entre-guerre; Marielle DEBOS).

    Cette situation est à l’origine decomportement de prévarication carles éléments reversés dans l’admi-nistration choisissent les servicesles plus juteux (Douanes, Impôts,etc.) et l’administration territorialepour lesquelles ils n’ont aucunecompétence et sont pour la plupartpromus à la place des cadres ayantle profil de l’emploi et un parcoursrégulier. Reformer l’administration revien-drait aussi à stopper cette logiquecar si elle participe au maintien et àla cohésion de l’équilibre politiquepour le moment, le résultat à longterme comme nous l’avons souli-gné plus haut est une administra-tion publique improductive etinefficace. La réforme de l’adminis-tration est un chantier difficile car ilse heurte à des systèmes de rentebien ancrée. Cependant, la re-cherche de l’intérêt national doit pri-mer à la place de quelques intérêtségoïstes. Une administration pu-blique efficace permettrait non seu-lement de délivrer des prestationsde qualité mais participerait aussi àrelancer l’appareil productif grâce àune bonne coordination des poli-tiques économiques. C’est grâce àces réformes qu’on parviendrait no-tamment à construire un Tchadémergent.

    Guy Dabi GAB-LEYBA

    6 TCHAD ECO n° 4 du 1 er Mars au 30 Avril 2015

    LES FAITS

    Conclusions du rapport du FMI (2007)

    Bien qu’elles soient inscrites au programme de réformes structurelles duTchad depuis le milieu des années 90, les réformes de la fonction pu-blique et de l’armée n’ont guère progressé, ce qui tient en grande partieà la faible adhésion des autorités, à la mauvaise coordination entre lesinstitutions chargées de les conduire, à l’ordonnancement inappropriédes mesures connexes et au manque de financement.La gestion du personnel n’appuie pas comme il convient le fonctionne-ment de l’administration et la qualité des services publics du fait que lespratiques de recrutement, les critères de promotion et la structure sala-riale ne sont pas liés aux compétences ou aux résultats, et que la fonc-tion publique et l’armée ne disposent pas des outils de base nécessairesà la gestion des ressources humaines. La masse salariale absorbe unepart substantielle des recettes non pétrolières et des dépenses cou-rantes. Cette absorption des ressources non pétrolières, conjuguée ausystème de gestion financière fragile et complexe du pays, a contribuéà l’apparition d’arriérés salariaux en 2005.Pour améliorer la qualité des institutions et de la gouvernance et garantirla viabilité budgétaire, les autorités doivent d’urgence accélérer l’appli-cation du statut de la fonction publique et de ses mesures stratégiquesde gestion des ressources humaines, en particulier dans les domainesde l’éducation, de la santé, et d’autres secteurs prioritaires. Par ailleurs,l’informatisation et l’harmonisation des systèmes de paie et de gestiondu personnel et l’exécution de la réforme de l’armée permettraient auxautorités de consolider leurs pratiques de gestion de la trésorerie.

    CLIN D’OEIL

    à L’éCOLE

    La bureaucratie est une forme d’or-ganisation du travail. Elle désigneun pouvoir sans direction qui se ca-ractérise par des règles strictes, ladivision du travail (des responsabi-lités) et une forte hiérarchie. Elles’associe à toute forme d’organisa-tion bien qu’on l’associe surtoutaux pouvoirs publics. Deuxgrandes approches de la bureau-cratie sont identifiées:L’approche wébérienne ou sociolo-gique définit la bureaucratiecomme une organisation hiérar-chique à la discipline quasi-mili-

    taire, obéissant à des règlementsintérieurs stricts qui en garantis-sent le fonctionnement. Le compor-tement optimal du «fonctionnaire»consiste à respecter le mieux quepossible ces règlements et les or-dres reçus.Les tenants de l’approche écono-mique ou managériale mettent l’ac-cent sur le pouvoir discrétionnaire,analogue à celui du manager desgrandes entreprises vis-à-vis deses actionnaires. A l’intérieur de labureaucratie, le fonctionnement estle même que celui de l’approchesociologique. Au sommet de l’orga-

    nisation, des marges de jeux appa-raissent entre le bureaucrate et lepouvoir politique.Une organisation bureaucratiqueest assimilée à une dérive du faitde son inefficacité, résultant duthéorème d’impossibilité d’Arrow.D’après ce théorème, un ensemblede logiques individuelles ne peutpas conduire à une rationalité col-lective. Dès lors, le risque estgrand de voir, au mépris de l’intérêtcollectif, les choix publics corres-pondre davantage aux préférencesdes dirigeants qu’à une expressionde la volonté populaire. La classe

    dirigeante peut alors se servir desdépenses publiques pour assurerla réalisation de ses propres inté-rêts car elle cherchera à maximiserle budget de son administration. Eneffet, les fonctionnaires disposantd'une information privilégiée et dé-sireux d'accroître leur pouvoir, onttendance à surestimer les mon-tants de leurs besoins sans soucide leur efficacité, de sorte que lepoids des dépenses budgétairesne fait que croître de période enpériode, sans que cela ne soit jus-tifié par l’intérêt public.

    CésAR BAIRA DERING

    B.A-BA de l’économieQu’est ce que la bureaucratie?

  • Il existe deux courants antago-nistes sur la légitimité des inter-ventions étatiques dansl’économie. Le courant libéral,adhérant à la vertu régulatrice dumarché, considère l’Etat comme unLéviathan qu’il faut enchainer depeur que ses interventions soientsources d’imperfection. Les néo-classiques suggèrent que les inter-ventions de l’Etat soient motivéespar le seul souci de corriger les dé-faillances de marché et de créer lesconditions de concurrence pure etparfaite. Alors que le courant in-terventionniste ou keynésienérige l’Etat en un instrument degestion des crises et de promo-tion de croissance économique.De ce fait, il plaide en faveurd’une intervention accrue del’Etat via des politiques de de-mande, de redistribution ou en-core de revenus.

    Nous investiguons les conditionsnécessaires pour lesquelles l’ad-ministration publique tchadienne(APT) peut être un outil de luttecontre la pauvreté. D’une part,pourvoyeuse d’emplois, elle per-met à ses agents de disposerd’un revenu et par conséquent d’as-surer le bien-être des ménagesauxquels ils appartiennent. D’autrepart, en délivrant des services,l’APT réduit les coûts de transactionqui pénalisent les activités écono-miques (Coase, 1937; Williamson,1994). Nonobstant son importancedans la stratégie de développe-ment, elle semble souffrir d’un prin-cipal mal, lui aussi résultat de laconjugaison de plusieurs facteurs,nommé inefficacité. Cette ineffica-cité peut à terme compromettrel’objectif de développement qui luiest assigné en gaspillant des res-sources rares. La littérature écono-mique met en évidence la taille et lacomposition de l’administration pu-blique, le manque de concurrence,l’absence d’un système incitatif et lafaible qualité institutionnelle pourexpliquer cette inefficacité.

    POIDS DE L’EMPLOI PUBLICDANS L’éCONOMIE TCHA-

    DIENNE

    L’emploi public au Tchad représente1,09% de la population totale en2015. D’après le RGPH2, la taillemoyenne d’un ménage au Tchadest de 5,3 individus. De ce fait, lapopulation tchadienne dépendantede l’emploi public peut être estimée

    en moyenne à 660 168 âmes, soitenviron 5,32% de la population to-tale. La masse salariale quant à ellereprésente 4,73% du PIB en 2013.En proportion des recettes non pé-trolières, elle représente 86%. Cetteforte dépendance des salaires auxressources hors pétrole n’est passans conséquences. D’une part, lesalaire ne peut pas être une varia-ble d’ajustement en situation deconjoncture économique difficile.L’idée est qu’une baisse de salairesnominaux engendre des coûts poli-

    tiques et sociaux. D’autre part, deschocs négatifs sur les prix interna-tionaux du pétrole, en réduisantl’espace budgétaire, laissent peude marge de manouvre au gouver-nement pour le financement de sespolitiques de développement. L’ac-tualité associée à la baisse vertigi-neuse des prix du pétrole corroborenotre thèse à juste titre. En effet,cette conjoncture défavorable acontraint le gouvernement à geler laplupart des projets d’investisse-ments et à annuler l’organisation dusommet de l’Union Africaine qui de-vrait se tenir à N’Djamena en juin2015.

    FAIBLE OFFRE DE L’EMPLOI PUBLIC

    L’exigüité de l’APT en termes d’em-plois n’est point à démontrer. SelonECOSIT3, sur l’ensemble des actifsoccupés, le secteur public ne repré-sente que 3% contre 4,6% pour lesecteur privé. Le reste étant consti-tué du secteur informel agricole(72,4%) et du secteur informel nonagricole (20%). Cette faible taillen’est pas liée à l’insuffisance de l’of-fre. Compte tenu de l’étroitesse dusecteur privé, le secteur publicreste la seule opportunité pour lesjeunes diplômés. Ce qui est corro-boré par le fait que le taux de chô-

    mage au sens du Bureau Interna-tional du Travail chez les détenteursd’un diplôme du supérieur (10,4%)représente à peu près le double dela moyenne nationale (5,7%). Cequi constitue une perte colossale àl’économie en considérant que leniveau de diplôme est corrélé avecla productivité.

    QU’EST-CE QUI ExPLIQUE LARUéE VERS L’EMPLOI PUBLIC?

    En dehors des avantages écono-miques (stabilité de re-venu, retraite, …)qu’offre le fait d’êtrefonctionnaire, il existedes raisons plus com-plexes et profondesliées à l’attraction dusecteur public. Au-delàde ces avantages,presque évidents, AlfSchwarz (1974), dansun article intitulé«Mythe et réalité desbureaucraties afri-caines», explique cetteattraction par l’héritagecolonial. En effet, l'Afri-cain qui se dit «évolué»

    se donne les apparences du rond-de-cuir (employé de bureau). L’ap-partenance au corps public devientde ce fait signe de modernité.

    En outre, le faible développementfinancier, résultat des facteurs poli-tiques, institutionnels, culturels etsociologiques, constitue une pistesérieuse d’explication de la ruéevers l’emploi public. En effet, le rôlepremier du secteur financier est definancer l’économie via les créditsaccordés au secteur privé. Pour-

    tant, ce dernier prend peu de risqueet même lorsqu’il le fait c’est à tra-vers le financement des projets por-tés par des entreprises existantesou gagés sur des collatéraux so-lides, à tel point que les projets in-novants et ceux portés par desjeunes ne présentant pas de sé-rieux collatéraux ont peu de chancede trouver de financement. Il vasans dire que cette configuration nedonne une autre possibilité quecelle d’un emploi public à tout prix.Cette forte demande de l’emploi pu-blic explique en partie les compor-tements déviants observés lors desintégrations qui peuvent être mon-nayées ou basées sur des considé-rations politiques ou régionalistesou encore ethniques. L’idée est quela rareté crée des possibilités derentes accaparées par les bureau-crates.

    DE LA RéMUNéRATION DESAGENTS PUBLICS

    Les statistiques des services de lasolde mettent en exergue trois (03)faits saillants: (i) une rémunérationau-dessus du revenu nationalmoyen, (ii) une forte dispersion sa-lariale par ministère/institution et (iii)une inadéquation entre la réparti-tion sectorielle des agents publicset les politiques de développementdu Tchad.

    En moyenne un agent de l’Etat estpayé en raison de 260 946 FCFApar mois. En prenant en compte lataille moyenne d’un ménage tcha-dien, le revenu moyen par tête dansun ménage dirigé par un agent del’Etat est de 1 641 FCFA par per-sonne et par jour, légèrement au-dessus du seuil de 1$ fixé par laBanque mondiale.

    7TCHAD ECO n° 4 du 1 er Mars au 30 Avril 2015

    GROS PLAN

    Les Akowés, nom donné au Dahomey au rond-de-cuir, ce sont les ma-niaques du travail du bureau, du col-cravate, du stylo agrafé à la po-chette du veston, bien apparent. Ce sont les frénétiques du secteurtertiaire. Les champions des horaires élastiques, arrivée à onze heures,départ midi moins le quart; les somnolents de la machine à écrire. Cesont eux qui veulent vivre par la tête et autant que possible à la tête,sans se préoccuper des conditions à remplir pour y parvenir. L'Akowé,c'est le garçon qui, titulaire d'un vrai Certificat d’Aptitude Professionnellede mécanicien ou de menuisier, méprisera son métier pour devenir plan-ton, grouillot, n'importe quoi à condition que cela se passe dans un bu-reau. C'est le jeune homme qui, une fois titulaire du certificat d’études,va essayer les uns après les autres tous les concours: infirmier, conduc-teur de train, commis, expéditionnaire (...) pourvu que ce soit un métier-moralement au moins - en complet veston. C'est le garçon dont le parentest paysan et qui, pour rien au monde, ne sera paysan et ne vivra enbrousse.M. Croce-Spinelli

    CLIN D’OEIL

    Analyse des enjeux économiques de l’administration publique tchadienne

    cette conjoncture défavorablea contraint le gouvernement àgeler la plupart des projets

    d’investissements et à annulerl’organisation du sommet del’Union Africaine qui devraitse tenir à N’Djamena en juin

    2015.

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  • Si nous nous référons auseuil de pauvreté moné-taire de 652 FCFA de dé-penses journalières parpersonne de l’ECOSIT3, il s’avère,qu’en moyenne, tous les membresde ménages dirigés par un agentde l’Etat ne sont pas pauvres.

    La théorie économique semble êtreunanime sur la nécessité de rému-nérer les travailleurs au-dessus dusalaire de marché. D’une part, lathéorie du salaire d’efficience consi-dère que la productivité d’un agentdépend en partie de son niveau desalaire. D’autre part, le modèle«échange/don» d’Akerlof (1982 et1984) considère que les employéspayés au-dessus du salaire de mar-ché auraient l’impression d’êtrebien traités et en contrepartie ilsamélioreraient leur productivité.Le niveau de rémunération desagents publics est à prendre avecune grande précaution. Pour quecelle-ci se traduise en pouvoird’achat, il faut considérer le niveaud’inflation. Le taux d’inflation, quis’établit à 7,5% en 2012 et 3,5% en2013, est supérieur à la normecommunautaire de 3%. Aussi etsurtout, cette moyenne mensuellecache des fortes hétérogénéitésentre les catégories, positions etministères. D’après le FMI (2007),les disparités salariales ne sem-blent pas liées aux qualifications ouaux descriptifs de postes, mais plu-tôt à des avantages non salariauxspéciaux accordés à certaines ca-tégories de personnel.

    En ce qui concerne la ventilation dela masse salariale par ministère/ins-titution, nous constatons une dispa-rité criarde. L’Assemblée Nationale(AN), suivie du ministère des Af-faires Etrangères (MAE) et du HautConseil de la Communication(HCC) viennent en tête de pelotonavec un traitement mensuel moyenpar employé respectivement de 1220 961 FCFA, 1 039 750 FCFA et670 514 FCFA. Si nous enlevonsl’AN et le MAE, compte tenu de leurspécificité, les ministères où les trai-tements salariaux sont élevés sontl’éducation nationale (529 288FCFA), la Cour Suprême (524 333FCFA) et la Médiature (468 194FCFA). A l’opposé, les ministèresde l’Intérieur (98 794 FCFA), de

    l’environnement (113 693 FCFA) etde la Défense (129 959 FCFA) tien-nent la queue de peloton. Entermes de dispersion, l’écart moyenentre les traitements moyens men-suels s’élève à 229 440 FCFA alorsque l’étendue, différence entre lemaximum et le minimum, s’établit à1 122 168 FCFA. Cette forte disper-sion n’est pas sans conséquencessur l’incitation des agents de l’Etat.En effet, Akerlof et Yellen (1990)font valoir que de telles disparitéspourraient inciter les fonctionnairesà diminuer leurs efforts pour com-penser l’écart entre leur salaire réelet leur «salaire équitable», montantdéterminé par des considérationsd’équité et d’échanges sociaux.Aussi, cette configuration peut-elleêtre source de tensions sociales.De nombreuses études ont établiun lien empirique entre inégalitésde revenus et investissements (Ale-sina et Perotti, 1990; Perotti, 1996).L’idée est que, dans une sociétéhautement inégalitaire en termesde revenu, les riches auraient plustendance à épargner qu’à investir(Kaldor, 1956).

    TAILLE ET COMPOSITION DEL’ADMINISTRATION PUBLIQUE

    TCHADIENNE

    La composition de l’emploi publicne cadre pas avec la stratégie gou-vernementale de lutte contre lapauvreté. L’effectif de l’APT est pré-dominé par l’armée. Cette prédomi-nance de l’armée est expliquée parla taille du pays et les différentsconflits armés que le pays aconnus. Le contexte actuel marquépar la persistance et l’émergencedes conflits armés auxquels leTchad est impliqué (Mali, Came-roun, Nigéria …) ne peut qu’aug-menter la demande en soldats. Lebudget de l’Etat de 2015 l’étaye àjuste titre car sur 10 419 recruesprévues, 8000 sont des soldats, soit76,78%.

    DE L’INEFFICACITé DE L’ADMI-NISTRATION PUBLIQUE TCHA-

    DIENNE

    D’après le théorème d’impossibilitéd’Arrow, il y a un grand risque devoir les choix publics correspondreaux préférences des dirigeants qu’àune expression de la volonté popu-

    laire. Ce théorème permet de com-prendre pourquoi l’APT est caracté-risée par une inefficacité criarde, semanifestant par une surproductiondes biens publics, des dépensespubliques colossales, des compor-tements déviants (corruption, traficd’influence, …).La surproduction des biens publicsest la principale conclusion du mo-dèle de bureaucratie de Niskanen(1968, 1971). Sans vouloir rentrerdans les détails du modèle, il est àrelever que ce modèle fait apparai-tre trois intervenants, le bureau-crate, le politicien et l’électeur. Lalogique du bureau va s’imposer auxdeux autres intervenants en raisonde l’asymétrie d’information entre lebureaucrate et le politicien car lepremier est le seul à connaitre sescoûts de production. Bien que plusieurs amendementsaient été apportés au modèle deNiskanen, notamment par Migue-Belanger (1974) et Miller (1977), cedernier semble bien s’appliquer aucontexte tchadien. En effet, la taillede l’administration publique tcha-dienne et sa composition plaidenten faveur de cette thèse. En outre,l’analyse de Niskanen trouve sonsens dans un système déconcentréoù le pouvoir discrétionnaire est im-portant. Ce qui est le cas du Tchaddont l’administration est caractéri-sée par une forte concentration despouvoirs par la hiérarchie. Enfin,d’après Meisterl (l'Afrique peut-ellepartir, Seuil, Paris, 1966, p. 299),une partie du gonflement des ser-vices publics provient directementdes obligations de l'entraide tradi-tionnelle. Ce qui justifie à juste titrele coût élevé de production des ad-ministrations publiques sans pourautant augmenter sa production.

    Les coûts économiques descomportements déviants des

    agents publics

    Certains comportements peu ortho-doxes sont érigés en normes domi-nantes au détriment des texteslégaux. Ces comportements s’ob-servent lors (i) du processus de re-crutement (intégration), (ii) ladélivrance des services publics et(iii) l’absentéisme et les doublesemplois ou encore les emplois fic-tifs.

    L’article 41 de la n°017/PR/2001Portant statut général de la fonctionpublique stipule que les recrute-ments s'opèrent par voie deconcours. L’application de cet arti-cle est restée sans suite nonobstantson importance en termes d’effica-cité économique et d’équité. L’inté-gration sur études de dossier créedes possibilités de corruption et cecompte tenu de la forte demandede l’emploi public. Dans cecontexte, on peut questionner laqualité des agents recrutés. Il estprobable que des personnes à forteproductivité soient délaissées pourne pas avoir le pouvoir de «payer»son intégration, entrainant unmanque à gagner pour l’Etat. Cettesituation biaise l’équité dans le pro-cessus de recrutement. La non ap-plication de cet article semble êtreà dessein du moment où elle créeun pouvoir de monopole que per-dront leurs responsables en cas deréformes.

    8 TCHAD ECO n° 4 du 1 er Mars au 30 Avril 2015

    GROS PLAN

    Source : Banque mondiale Comparaison du score CPIA du Tchad et de l’Afrique Page suivante

  • La délivrance des services publicsest marquée par des retards. Desretards qui, loin d’être liés à la taillede l’administration publique, sontdus à des raisons plus complexesparmi lesquelles se trouvent l’ab-sentéisme, la corruption et la frus-tration de certains fonctionnaires.Les données d’ECOSIT3 montrentque le taux de sous-emploi visible,rapport entre les actifs occupésexécutant moins de 39 heures parsemaine sur le total des actifs occu-pés, est plus élevé dans le secteurpublic (39,1%) que dans tout autresecteur institutionnel. Le retarddans la fourniture des services pu-blics peut être à dessein en vue desoutirer de l’argent aux citoyens.Cette situation, qui concerne tousles domaines de l’économie, péna-lise les activités économiques. Uneétude relative à l’évaluation descoûts économiques de ces compor-tements pourrait éveiller lesconsciences.

    L’épineuse question des emploisfictifs et de double emploi ne peutêtre perdue de vue. L’actualité dece début d’année, marquée par lapublication du rapport de contrôledes agents de l’Etat, nous offre uneparfaite illustration. La faible capa-cité technique de l’APT à gérer sesressources humaines et la faiblessedes institutions constituent des ex-plications plausibles de ces gaspil-lages de ressources. Toutefois, à lalumière des récents progrès dans lecontrôle des agents, nous espéronsque la question d’emploi fictif et dedouble emploi ne sera qu’un loin-tain souvenir.

    POLITIQUES éCONOMIQUES

    Nous nous inspirons des différentesthéories de bureaucratie (Niska-nen), de Public Choice (Howard P.Tuckman; 1985) et de la corruption(Encadré 3) pour proposer, à la lu-mière du diagnostic, des réformesà entreprendre aux fins de jugulerles maux qui minent l’administrationpublique et lui rendre sa lettre denoblesse.

    Leçon 1: De l’application de la loin°017/PR/2001 Portant statut géné-ral de la fonction publique. L’appli-cation de cette loi sera une aubainepour l’Etat, (i) en améliorant l’effica-cité de l’administration publique, (ii)en luttant contre les comportementspeu orthodoxes et (iii) en déga-geant des ressources supplémen-taires pour le financement dedéveloppement. Bien que l’applica-

    tion de cette loi se heurte à l’adhé-sion d’un certain nombre des auto-rités qui profitent du statuquo, sesbénéfices justifient son implémen-tation. De ce fait, il est important demobiliser les ressources néces-saires aux fins de mettre en placeun système incitatif rendant le sta-tuquo moins attrayant.

    Leçon 2: La répartition sectorielleet spatiale des agents de l’Etat n’estpas compatible avec la stratégie deréduction de la pauvreté au Tchad.La prédominance de l’armée dansl’effectif public risque de délaisserles secteurs prioritaires. Un effortdoit être fait pour trouver l’équilibreentre la logique sécuritaire et cellede développement. Il est judicieuxde procéder à un redéploiement in-tersectoriel des effectifs. Pour cefaire, le lissage des avantages spé-ciaux accordés à certains agentspublics est une piste de solution. Enoutre, la mise en place d’incitationsfinancières, l’accélération des pro-motions des agents publics rurauxet la dotation des zones rurales eninfrastructures de base (eau, école,hôpital, …) permettront de redé-ployer les effectifs dans les zonesrurales. Il conviendrait donc deconduire une analyse approfondiedes besoins en personnel et le re-déploiement intersectoriel et spa-tial.

    Leçon 3: De la rémunération desagents publics. La masse salarialea été multipliée par près de 4 (3,95)sur la période allant de 2003 à2013. En proportion des ressourceshors pétrole de l’Etat, elle avoisineles 80%. Cette croissance est le ré-sultat de nouveaux recrutements etde la hausse de traitement desagents publics. Bien que la théoriedu salaire d’efficience ait suggéréune corrélation entre niveau de sa-laire et productivité, la revalorisationdes salaires au Tchad obéit à unelogique de lutte contre la cherté devie. Or, la lutte contre la cherté devie peut se faire à travers une poli-tique d’offre et de concurrence carla hausse de salaire peut créer uneffet boomerang, entrainant plusd’inflation. En termes, cette situa-tion peut remettre en cause la sou-tenabilité des finances publiques.

    Leçon 4: Du partenariat public-privé. La théorie du Public Choicesuggère l’introduction d’un systèmeincitatif inspiré du secteur privédans gestion de l’administration pu-blique. L’idée est que le secteurprivé est plus efficace que le sec-

    teur public. Compte tenu des coûtsengendrés par cette réforme d’unepart et de la faiblesse des institu-tions, il est judicieux d’approfondirplutôt la réflexion sur un partenariatpublic-privé. C’est ce type de parte-nariat qui a régi l’Etat et la sociétéde délivrance des passeportsjusqu’à récemment. Le partenariatque nous proposons doit se fairesecteur par secteur car la logiqueprivée ne saurait s’appliqué danstous les secteurs de l’économie.Aussi, les contrats de gestion, d’af-

    fermage ou de concession doiventêtre soumis à la concurrence pouréviter toute collusion.Leçon 5: Le gouvernement tcha-dien pourrait promouvoir le déve-loppement du secteur financier auxfins d’accroitre la taille du secteurprivé. Cela pourrait réduire la de-mande d’emploi public et parconséquent affaiblir les possibilitésde rentes induites par la raretéd’emploi.

    Aristide MABALI

    9TCHAD ECO n° 4 du 1 er Mars au 30 Avril 2015

    GROS PLAN

    Quelle stratégie de lutte contre la cor-ruption?Le discours du Président de la république du Tchad, à l’occasion de lacélébration du 24ème anniversaire de la prise de pouvoir du Mouve-ment Patriotique du Salut (MPS) a coïncidé avec la publication du rap-port de l’ONG Transparancy International (2014) sur la perception dela corruption qui place le Tchad au 154ème rang sur 174 pays. Ce jour,le PR s’exprimait en ces termes «En dépit des mesures prises pourassainir l’administration publique, je constate que les mauvaises pra-tiques notamment la corruption, les détournements des biens publics,les malversations financières et économiques persistent. Tous cesmaux, toutes ces déviances doivent être combattus avec plus de ri-gueur et de détermination afin de répondre pleinement aux exigencesdu progrès économique et social de notre pays, …» Le Chef de l’Etatfait donc le difficile constat de l’inefficacité des mesures entreprises ily a des années pour juguler la corruption. Sa persistance suggèredonc un changement de paradigme. Pour ce faire, l’économie politiqueaméliore notre connaissance sur la conduite à tenir.Les résultats des travaux de Klitgraad et Johson sur les Etats-Unisdans les années 70 et 80 fournissent des stratégies de lutte contre lacorruption selon que le pays a un niveau de corruption faible ou géné-ralisée. Klitgraad (60-80) constate que la différence de corruption ré-sulte de: (i) la probabilité de sanction contre les acteurs fonctionnairesimpliqués dans la corruption; (ii) écart de salaires entre les travailleurs(privé comme public); (iii) le niveau de chômage et le (iv) niveau desdépenses publiques. A la lumière de ce constat, l’auteur propose deséléments de réponse pour juguler la corruption, à savoir: (i) fixer etrespecter les critères de sélection des agents publics, (ii) mettre enplace un mécanisme d’incitations; (iii) inverser la charge de la preuve,c’est-à-dire donner la latitude à chaque accusé d’apporter la preuvede son innocence; (iv) restructurer la relation principal/agent dans lebut de réduire le pouvoir discrétionnaire d’un seul agent et (v) agir surles mentalités et habitudes générales vis-à-vis de la corruption auxfins d’accroître le coût moral de la corruption.Dans le cas d’une corruption généralisée, c’est-à-dire lorsque qu’elledevient un équilibre, Johnson propose la mise en place des contre-pouvoirs (Société civile). Ce corpus théorique donne des éléments surlesquels les autorités du Tchad peuvent agir pour combattre efficace-ment ce phénomène qui gangrène notre société. Il fait apparaitre aussique la seule politique basée sur les sanctions affligées aux agents auxcomportements peu orthodoxes n’est pas suffisante. Enfin, la crédibi-lité du discours public susceptible d’être impulsée par le comportementexemplaire au sommet de l’Etat est un atout majeur dans ce combat.

    CLIN D’OEIL

  • Djoret BIAKA TEDANG, statisticien etéconomiste, aborde la question de l’ef-ficacité de l’administration publiquetchadienne et les réformes possibles.Ce féru des finances publiques cumule15 ans d’expériences en qualité deconsultant international.

    En quinze années l’économietchadienne peut-elle assurer satransformation structurelle? Telleest la question qui fait débat tantl’émergence est aujourd’hui galvaudéedans des discours à tout va, perdant dece fait au fil du temps sa capacité mobili-satrice auprès des différents acteurs sen-sés le faire passer d’un état de vision à laréalité.

    L’histoire économique et des peuplesmontre cependant qu’avec un leadershipéclairé, assurer une transformation defonds d’une économie sur une période dequinze à vingt années est possible àcondition qu’on se pose les vraies ques-tions et que l’on mette en œuvre sans étatd’âme les reformes issues d’un diagnosticsans complaisance. Une économie qui setransforme, qui produit les biens dont abesoin la population, en créant de l’emploide qualité, se réalise dans un environne-ment de paix et de stabilité et est portéepar une administration performante auservice du secteur privé et de la popula-tion.

    Au Tchad plus qu’ailleurs, la probléma-tique de l’administration et de la sécuritéet de la stabilité intérieure sont, de notreavis, les débats essentiels à traiter dansle cadre de l’étude prospective Tchad2030. Il nous faudra en effet reconnaitreque la croissance inclusive qui conduit àl’émergence doit être portée par le sec-teur privé et la classe moyenne, le Gou-vernement devant essentiellementassurer un environnement favorable.

    En ce qui concerne l’administration, ilconvient de rappeler que sa réforme a étécelle qui a cristallisé le moins d’attentionde la part des Autorités. Du moins, ces re-formes n’ont produit que très peu de ré-sultats en dehors des récentes actionsengagées pour faire correspondre le fi-chier de la solde avec le fichier de la fonc-tion publique. Alors que dans denombreux pays, des programmes de mo-dernisation de l’administration sont encours et produisent des effets bénéfiquesimportants qui pourraient justifier les per-formances de ces pays dans les classe-ments internationaux.Une analyse approfondie de l’administra-tion tchadienne (au sens large, y comprisl’administration judiciaire) mettrait enexergue une très faible performance, dé-coulant d’une insuffisance d’organisation,de structuration et de politique de motiva-tion. Elle subit aussi les effets d’une insuf-fisance d’investissements sur plusieursdécennies alors que la matière qu’elle estsensée administrer a pris du volume etest connectée à un monde devenu villageplanétaire. Enfin, l’administration tcha-

    dienne se caractérise par l’absence de vi-sion. Tantôt ballotée par les institutionsqui lui imposent souvent les actions àmettre en œuvre, tantôt pris dans les jeuxpoliticiens, elle change de cap sans savoiroù elle veut aller. Qu’il me soit permis dene pas m’appesantir ici sur des probléma-tiques habituelles (corruption, clienté-lisme, nomination au mérite, etc.) non pasparce qu’elles ne sont pas importantes,mais bien parce que soit ce sont desmaux dont les solutions sont évidentes etfaciles à mettre en œuvre par un leader-ship responsable, soit parce qu’elles trou-vent des solutions dans la mise en œuvred’une vision plus profonde des change-ments à opérer.La transformation de l’administration tcha-dienne doit prendre pieds sur trois élé-ments de contexte majeur :l’adoption par le Tchad, voilà un an, d’unenouvelle loi organique relative aux loisdes finances (LOLF), la loi organiquen°004/PR/2014 relative aux lois de fi-

    nances. Plus qu’un texte encadrant lagestion des finances publiques, la nou-velle LOLF prône un renouveau de lagestion publique, basée sur la perfor-mance et la redévabilité des acteurs;

    l’incontournable défi de la modernisation,de la simplification et de la standardisa-tion des procédures, grâce notammentaux NTIC.

    la fonction publique classique, celle de lacarrière, a fait la preuve de ses limites. Ilconvient certainement de passer à unschéma plus en phase avec les réalitésactuelles et les contraintes liées à unegestion des ressources humaines axéessur les résultats.En outre, il nous parait indispensable detenir de manière franche un certain nom-bre de débats autour des problématiquessuivantes:le rapprochement de l’administration avecles administrés, avec comme corollaire lanécessité de prendre des orientationsfermes pour l’opérationnalisation effectivedes collectivités territoriales décentrali-sées et pour l’amélioration de la qualitédes prestations de services publics ;l’architecture du Gouvernement pour don-ner plus de consistance, de cohérence et

    d’efficacité ;la structuration type d’un département mi-nistériel en reconnaissant qu’il y a unefonction de pilotage, une fonction deconception de politique, des fonctions demise en œuvre et une fonction de suivi etd’évaluation internes;la mise en place et la simplification desprocédures, dans une optique d’efficacitéet de qualité.A court terme, l’accent devra être mis surla simplification des procédures, l’utilisa-tion efficiente des ressources disponibleset la restauration des fonctions et despostes de travail :il convient de redonner du sens à un cer-tain nombre d’actes (visite technique, ca-sier judiciaire, etc.) et de tachesadministratifs (planification sectorielle,rapport d’activités, réunion interne,contrôle interne, etc.) ;les contrôles des effectifs et de la soldedoivent être poursuivis dans le sens duredéploiement des personnels oisifs; de

    la mise en place d’un système assu-rant efficacement la présence effec-tive et quotidienne des agents à leurposte par un contrôle via des termi-naux électroniques; et la gestion d’unagent, de son recrutement jusqu’à saretraite;une refonte du Secrétariat Généraldu Gouvernement vers ses missionspremières, celles d’assurer la coordi-nation administrative au sein duGouvernement et, conséquemment,un rattachement adéquat des attribu-tions relatives à la gestion des mar-chés et du patrimoine publics versles ministères.A moyen terme (cela ne veut pas direqu’il faut attendre pour engager lesactions), l’objectif devra être de fairede l'utilisation des NTICs une réalité

    quotidienne au sein des administrationsinterconnectées (entre les administrationscentrales, les administrations déconcen-trées et entre les niveaux central et dé-concentré) et connectée avec sesusagers. L’objectif devra être égalementde faire régner les principes de la redeva-bilité dans la gestion des ressources hu-maines et financières, ce qui estindissociable de la déconcentration de lafonction d’ordonnateur de la dépense pu-blique et l’élaboration et la mise en œuvredes mesures de sanctions/récompense. Ilest dommage de constater que le code detransparence et de bonne gouvernancedans la gestion des finances publiquesadopté par la CEMAC en 2011, directivemère des cinq autres directives adoptéesen 2011, tarde à être transposée dans lestextes nationaux alors même que le poli-tique affiche l’amélioration de la gouver-nance et l’adhésion au mécanismed’évaluation par les pairs dans sonagenda des priorités.

    Il convient, à plus long terme d’assurer lasuprématie du peuple sur les orientationstechniques et politiques en faisant ensorte que l’administration serve effective-ment à mettre en œuvre les politiques pu-bliques qui sont élaborées à partir d’une

    consultation citoyenne et qui transcen-dent les régimes et les positions poli-tiques partisanes. Dans ce cadre, assurerune participation de plus en plus grandede la population et des institutions indé-pendantes à l’élaboration, au suivi et àl’évaluation des politiques publiquesdevra être une voie à suivre. Autrementdit, l’administration doit apprendre à tra-vailler avec la population et la société ci-vile.Comme on peut le voir, l’étude prospec-tive Tchad 2030 n’est pas sans défi quantaux priorités à dégager et aux actions àmener. Elle doit offrir l’occasion de réali-ser cette introspection devant aboutir àl’identification des tendances lourdes, desactions prioritaires et urgentes et la ma-nière de conduire les reformes de ma-nière plus efficace et plus vigoureuse.

    Pour garantir que ce document de visionsoit lui-même un instrument au service dupeuple et de l’administration et non pasd’un parti politique, il lui faut requérir lacontribution et l’adhésion de tous, et enparticulier de l’élite intellectuelle, desjeunes, de la diaspora. Il lui faudra deprime abord reconnaitre la nécessitéd’instaurer la gestion axée sur les résul-tats qui suppose le renforcement de la co-hérence de la chaine PPPBSE(prospective, planification à long terme,programmation à moyen terme, budgéti-sation, suivi et évaluation). Chaine qui,malheureusement n’est pas en place etqui suppose une refonte de la fonction deplanification et de programmation et lamodernisation des instruments de budgé-tisation. Le suivi et l’évaluation doiventégalement être repensés pour donnerplace à un suivi et une évaluation externepar la société civile mais aussi par les ins-titutions de la République que sont l’As-semblée Nationale et la Cour desComptes. A coté d’un système de suivi etd’évaluation interne au Gouvernementqu’il conviendrait de restructurer. A cetitre, le Ministère du Plan qui porte cetteétude prospective a du pain sur laplanche pour assurer lui-même une mu-tation profonde en vue de porter la miseen œuvre de la vision. Est-on prêt à toutcela ? Wait and see.

    10 TCHAD ECO n° 4 du 1 er Mars au 30 Avril 2015

    OPINION

    QUELLE ADMINIsTRATION POUR UN TCHAD EMERGENT D’ICI A L’AN 2030 ?

    A moyen terme (cela ne veut pasdire qu’il faut attendre pour en-gager les actions), l’objectif

    devra être de faire de l'utilisa-tion des NTICs une réalité quo-

    tidienne au sein desadministrations interconnectées(entre les administrations cen-trales, les administrations dé-concentrées et entre les niveaux

    central et déconcentré) etconnectée avec ses usagers

  • En 2013, à l’occasion de lacélébration de la fête deTabaski, le chef de l’Etatdéclarait face aux religieux«ils sont tous des menteurs, chacuntient à s’enrichir sur le dos de l’Etat,beaucoup convoitent les postes ju-teux, il faut qu’on change de com-portement, surtout les cadres».Dans sa récente déclaration, find’année 2014, il disait «…s’il vousplait arrêtez de voler l’Etat …», lacorruption a atteint des proportionsinacceptables dans le pays et le chefde l’Etat appelle les Tchadiens d’ar-rêter cette pratique. Ce cri d’alarmedu Chef de l’Etat met en évidencel’incapacité du gouvernement à lut-ter efficacement contre la corruption.C’est important de rappeler que de-puis plusieurs années, le Tchad atoujours été classé parmi les paysles plus corrompus au monde. La corruption se pratique ses di-verses formes. Les privilégiés pren-nent directement au trésor public,mais les autres tchadiens paient

    pour bénéficier d’un service qui de-vrait être gratuit. La forme la pluscourante est le «pot de vin» que lesagents donnent aux fonctionnairesde l’Etat pour bénéficier d’un ser-vice. Ce service peut être la réduc-tion du montant des impôts à payerpour les entreprises, la facilitationdes formalités administratives, l’ac-cès aux services sociaux de base,etc. Dans ces différents cas, le fonc-tionnaire profite du pouvoir que luiconfère son poste afin de faire payerplus ou moins les agents pour accé-der au service de l’Etat ou réduire leniveau réel du montant à payer.Dans le premier cas, cela engendreun coût supplémentaire pour leconsommateur et crée de frustrationet un manque à gagner pour l’Etat.La corruption a gagné toutes lescouches sociales et elle est devenueune pratique banale et légale pourles auteurs au risque d’être érigéeen norme dominante.Les plus hautes autorités ontconscience de l’emprise du phéno-

    mène. Les différentes mesures en-treprises pour l’endiguer demeurentinefficaces, suggérant un change-ment de paradigme dans la stratégiede lutte contre la corruption. Parmicelles-ci, il y a la réforme de l’arméeen 2012 qui a vu une diminution si-gnificative de l’effectif des forces dedéfense et de sécurité. La récenteréforme des effectifs des fonction-naires civils a estimé à 17 milliardsle coût de la corruption. L’opérationCOBRA et les actions du ministèrede la moralisation semblent moinsinquiéter les auteurs de ce phéno-mène. La lutte contre la corruptiondevrait se poursuivre, si cette situa-tion n’arrange personne sinon lesauteurs comme le souligne les dis-cours publics. Il est peut-être tempsde passer des discours aux actesconcrets en mesure de renverser latendance.Bien qu’aucune étude sérieuse nesoit menée à nos jours pour mesurerses coûts économiques au Tchad, iln’en demeure pas moins que la cor-

    ruption entraine des gaspillages desressources qui auraient pu être mo-bilisées pour le financement du dé-veloppement. C’est aussi à ce titreque l’émergence tant prônée par lesautorités pourrait se traduire en réa-lité. La corruption est ancrée dans lepays et la lutte passe d’abord parl’arrêt de l’impunité et de la tolérancedans le pays. Ensuite, il faut organi-ser des larges campagnes de sensi-bilisations pour informer lespopulations de ses conséquences etde l’intérêt qu’ils auront à s’unir àelles (autorités) pour lutter contre lacorruption. Enfin l’enseignement surla corruption et ses conséquencesdevrait être inscrit dans les pro-grammes scolaires de la maternelleaux étudiants.En bref, si les autorités n’arrêtentpas la culture de l’impunité et de to-lérance à l’égard des corrompus, lacorruption a encore des beaux joursdevant elle.

    REMADJI Madjadina

    La loi 001/PR/2015 Portant bud-get de l’Etat 2015 entérine la loide finance adoptée par l’assem-blée nationale en sa séance du30 décembre 2014. Il ressort de cette loide finance initiale quelques points sail-lant qui méritent d’être relevés. Du côtédes ressources, la conjoncture écono-mique internationale associée à labaisse des prix du pétrole a contraint legouvernement à revoir à la baisse lesrecettes pétrolières. Alors qu’elles

    étaient de 748,66 milliards en 2013(exécution du budget 2013), elles s’éta-blissent à 345,72 milliards en 2015, soitune baisse de 53,82%. S’il est reconnuaux gouvernements un extrême opti-miste lors de l’élaboration des budgets,celui du Tchad semble pragmatiquequant à l’évaluation des recettes pétro-lières et ce en raison de la chute verti-gineuse des cours du Brent. Cettesituation a amené le gouvernement àchercher les niches fiscales relevant

    des ressources fiscales directes et indi-rectes. C’est ainsi qu’il a été institué (i)un impôt Général Libératoire spécialdes exportateurs de bétail et (ii) un pré-lèvement de 10 FCFA par paquet detabac et par bouteille d’alcool au profitdu Fonds National d’Appui à la Jeu-nesse (FONAJ). Les contribuables pol-lueurs du secteur informel, sous lerégime de l’Impôts Général Libératoire(IGL), sont assujettis à la Taxe de Pro-tection de l’Environnement. Le taux detaxe sur la vente de bétail a doublé pourchaque animal. Cependant, nousconstatons une baisse de la fiscalitéfoncière et du taux d’impôt qui passe de40% à 35%.Au titre des dépenses, il estconstaté, conformément aux engage-ments des autorités relatifs au gel desprojets d’investissements, une baissede 40,11% des dépenses d’investisse-ments par rapport à 2014. Les dé-penses courantes quant à elles ontmoins baissé par rapport à l’année pas-sée, car elles passent de 822,3 milliardsà 719,98 milliards, soit une baisse de

    14,21%. L’article 29, supprimant tousles chèques trésor non régularisés de2008 à 2013 des créances de l’Etat, asuscité plus de polémiques. Au titre derecrutement à la fonction publique, il estprévu 10419 agents au total dont 8 000soldats, soit 76,78%. Le ministère del’Education et celui de la santé publiquesuivent, respectivement avec 14,40% et5,47% de nouvelles recrues. Enfin, la LFI 2015 fait apparaitre un dé-ficit prévisionnel de 177 226 115 000FCFA dont le financement sera assurépar l’appui budgétaire des partenairesd’un montant de 99,226 milliards deFCFA, le décaissement attendu de lafacilité élargie de crédit d’un montant de38 milliards de FCFA, à l’émission desbons du Trésor à souscription libre d’unmontant de 40 milliards de FCFA et ex-plorer d’autres types d’emprunts com-patibles avec le statut financier actueldu Tchad.

    Aristide MABALI

    11TCHAD ECO n° 4 du 1 er Mars au 30 Avril 2015

    ACTUALITé

    LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION DOIT sE POURsUIVRE !

    Les grands traits de la Loi de Finance Initiale 2015

    Source: Ministère des Finances et du Budget

    Prochaine parution: 1er Mai 2015Thème central:Système financier et soutenabilité de l’économie tchadienneRétrouvez-nous sur notre page facebook «Economie du Tchad» et suivez-nous également sur Twitter.Pour recevoir gratuitement ce numéro, envoyez-nous un émail à l’adresse ci-dessous: [email protected]

  • Bien malin est celui qui pa-rierait avec certitude surles difficultés écono-miques du Tchad en2015. Comme si la mauvaiseconjoncture économique liée à labaisse vertigineuse des prix du pé-trole ne suffisait, le Tchad fait face àune autre source de tensions sécu-ritaires à ses frontières dont le nomest Boko Haram. La nébuleusesecte boko Haram, qui sévit auxfrontières Ouest (Niger et Nigéria) etsud (Cameroun) du Tchad et récem-ment à l’intérieur du pays, présentesans nul doute de répercussions surl’économie nationale. En effet, lesattaques répétées de cette secte aoccasionné une entrée massive surle territoire tchadien des réfugiés Ni-gérians dont leur nombre est estiméà environ 12 000 personnes à Baga-Sola, ville située à l’ouest du Tchad.Ceux qui n’ont pas de courte mé-

    moire se rappelleront des difficultésque le Tchad a connues lors de lagestion des réfugiés soudanais duDarfour ou plus récemment des cen-trafricains à la frontière sud du pays.La prise en charge des réfugiés en-gendre des coûts économiques co-lossaux dont le Tchad est le seul,pour l’instant, à supporter. En plusde mettre la pression sur les prix desdenrées alimentaires en raison de lanon anticipation de la capacité pro-ductive des localités accueillant lesréfugiés, cette crise contraint le gou-vernement à fournir de quoi subvenirà leurs besoins.

    En outre, la restriction des échangescommerciaux entre le Tchad et sesvoisins engendre sans nul doute uncoût sans précédent pour l’écono-mie nationale. Pays enclavé, le com-merce du Tchad avec l’extérieurpasse par les routes camerounaises

    et nigérianes. D’un côté le Came-roun et le Nigéria alimentent leTchad en divers biens finaux et inter-médiaires. La hausse constatée desprix de ces produits est la consé-quence directe de cette menace auxfrontières du Tchad avec ses voi-sins. D’un autre côté, grand exportateurde bétail sur pied vers ces deuxpays, le Tchad se voit couper des re-cettes liées à ce commerce et par ri-cochet les recettes fiscalessubséquentes. L’incident survenu auniveau de la frontière Tchad-Nigériaoù Boko Haram a arraché de forceaux exportateurs tchadiens de mil-liers de têtes des bovins et ovins està juste titre illustratif. Selon les com-mentateurs, l’asphyxie de l’écono-mie tchadienne créée par cette crisesécuritaire aurait en grande partiepesé sur la décision d’interventionde l’armée tchadienne dans ce

    conflit.

    Un autre coût économique visibleest sans doute l’intervention militairedu Tchad. En effet, le Tchad ne sau-rait rester indifférent face à cette si-tuation. C’est pourquoi, il passe àl’offensive après l’adoption par l’As-semblée Nationale d’une Résolutionautorisant l’envoi de troupe, consti-tuée d’environ 2500 hommes, poursoutenir les soldats camerounais etNigérians qui font face aux isla-mistes. Cela nécessiterait la prise encharge financière, alimentaire et sa-nitaire des soldats ainsi qu’un fort ar-senal militaire. Toutefois, il fautreconnaitre que cette interventionmilitaire du Tchad a sa raison d’êtrecar n’est-il pas dit dans un adageafricain que «si la case de son voisinbrûle, vaut mieux mouiller lasienne»?

    Jareth BEAIN

    12 TCHAD ECO n° 4 du 1 er Mars au 30 Avril 2015

    BOKO HARAM : quels coûts économiques pour le Tchad

    Equipe de rédaction

    Directeur de Publication: Jareth BEAIN

    Rédacteur en Chef: Aristide MABALI

    Rédacteur en Chef Adjoint: Guy Dabi GAB-LEYBA

    Chargé de diffusion: Rony DJEKOMBE

    Ce numéro a vu la contribution finan-cière du Service de Coopération etd’Action Culturelle (SCAC) de l’Am-bassade de France au Tchad, toute-fois les avis émis sont ceux desauteurs.

    Ont participé à la préparation dece numéro:

    Armand-Rodolphe Djaleu

    Romain Nwafo

    Abdel hakh HAMID, Beguy DJIM-HOUNOM et Christelle REMADJI

    Nous contacterCercle de Réflexion et d’Orientationsur la Soutenabilité de l’EconomieTchadienne (CROSET). Siège: Quartier Gassi B.P.: 2141 N’djamena (Tchad).Email: [email protected] web: www.croset-td.org Tél.: (+235) 66 31 99 68 / 62 30 3666/ 63 27 00 01

    Impression: Tirage: 1000 exemplaires