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LE BRÉSIL AU SORTIR DES ANNÉES LULA Dominique Vidal Editions Choiseul | Problèmes d'Amérique latine 2010/4 - N° 78 pages 5 à 12 ISSN 0765-1333 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-problemes-d-amerique-latine-2010-4-page-5.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vidal Dominique, « Le Brésil au sortir des années Lula », Problèmes d'Amérique latine, 2010/4 N° 78, p. 5-12. DOI : 10.3917/pal.078.0005 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Editions Choiseul. © Editions Choiseul. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 1 - Sorbonne - - 194.214.27.178 - 14/05/2013 23h25. © Editions Choiseul Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 1 - Sorbonne - - 194.214.27.178 - 14/05/2013 23h25. © Editions Choiseul

Le Brésil au sortir des années Lula

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LE BRÉSIL AU SORTIR DES ANNÉES LULA Dominique Vidal Editions Choiseul | Problèmes d'Amérique latine 2010/4 - N° 78pages 5 à 12

ISSN 0765-1333

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-problemes-d-amerique-latine-2010-4-page-5.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Vidal Dominique, « Le Brésil au sortir des années Lula »,

Problèmes d'Amérique latine, 2010/4 N° 78, p. 5-12. DOI : 10.3917/pal.078.0005

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Dossier

le brésil Au sortir

Des Années lulA

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Le BréSiL au Sortir DeS annéeS LuLa

Dominique Vidal *

Les 3 et 30 octobre 2010, les électeurs brésiliens sont appelés aux urnes pour désigner un nouveau président, les membres de la Chambre des députés, les deux tiers des sénateurs, les gouverneurs des 26 États fédérés et du District fédéral, ainsi que les parlementaires des assemblées législatives de ces unités politiques régionales. Bien que ces élections comportent de nombreux enjeux, l’attention se focalise sur la succession de Luís Inácio « Lula » da Silva. Après huit ans à la tête du pays (2003-2010), ce dernier doit quitter le pouvoir le 1er janvier 2011, la Constitution lui interdisant de briguer trois mandats successifs. Pour la première fois depuis 1989, cette figure emblématique de la politique brésilienne ne sera pas candidate à la magistrature suprême. Et, sauf un improbable changement de tendance dans les mois qui viennent, Lula transmettra l’écharpe présidentielle avec une popularité très élevée (près de 80 % d’approbation selon les sondages), notamment auprès des milieux modestes. C’est dire l’importance du moment qui se profile.

Neuf candidats, pour la majorité inconnus de l’électorat, sont en lice pour la présidence de la République. Les quatre d’entre eux dont la campagne fait véritablement l’attention des médias ont pour point commun, fait remarquable, d’avoir tous combattu le long régime militaire (1964-1985) sous lequel Lula a commencé son ascension dans l’action syndicale. La candidate du Parti des travailleurs (PT), Dilma Rousseff, depuis 2005 ministre-cheffe de la Maison civile (fonction associant les principales attributions d’un Premier ministre et d’un secrétaire général de la présidence), a été emprisonnée plusieurs années au début des années 1970 pour son appartenance à une organisation de lutte armée. José Serra, membre du Parti de la social-

* Dominique Vidal est professeur de sociologie à l’université Paris Diderot (Paris VII) et chercheur à l’uRMIS.

Problèmes d’Amérique latine, N° 78, Automne 2010

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démocratie brésilienne (PSDB), ancien maire de la ville de São Paulo et ancien gouverneur de l’État du même nom, ministre sous les deux présidences de Fernando Henrique Cardoso, a pris les chemins de l’exil pendant quatorze ans, en raison des risques qu’il encourait en tant que dirigeant du mouvement étudiant. Ministre de l’Environnement de Lula entre 2003 et 2008, Marina Silva, candidate du Parti vert (PV), s’est engagée en politique du temps de la dictature, en rejoignant, en Amazonie, les rangs du PT, formation dont elle s’est aujourd’hui distanciée après avoir démissionné du gouvernement. Enfin, Plínio de Arruda Sampaio, militant d’organisations de la gauche catholique et fondateur du PT passé au Parti socialisme et liberté (PSOL), est également un opposant de la première heure au régime militaire durant lequel il a vécu exilé plus de dix ans.

Cela ne signifie bien sûr pas que les grandes forces traditionnelles d’orientation conservatrice aient cessé de peser sur la politique brésilienne. Le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMBD) et le Parti démocrates (Partido Democratas, DEM), formation fondée en 2007 sur le socle du Parti du front libéral (PFL), contrôlent toujours de nombreuses positions de pouvoir à l’échelon régional et municipal. Surtout, dans un système politique où le président n’est jamais assuré d’une majorité stable au parlement, ces deux partis, forts de leurs élus à la Chambre des députés et au Sénat, obtiennent toujours quantité de ressources du gouvernement en contrepartie de leur soutien dans ces assemblées. Car, s’il est un domaine où le Brésil change peu, c’est bien celui des pratiques de marchandage, fréquemment dites dans le vocabulaire de la conciliation et de la négociation, qui permettent aux acteurs parlementaires d’obtenir des gains en échange de leur collaboration, tacite ou explicite, aux desseins de l’exécutif.

Il est pourtant désormais communément admis que le Brésil a connu de profondes transformations depuis la fin du régime militaire et, en particulier, lors de ces huit années de Lula à la présidence. Transformations telles d’ailleurs qu’il serait illusoire d’en établir la liste de façon précise, ne serait-ce que parce qu’on ne peut rarement en identifier avec certitude le moment qui les a vues naître. On rencontre là du reste une des grandes questions qui traversent les interprétations de ces années Lula. Pour certains, son arrivée au pouvoir n’a fait que pérenniser des dynamiques déjà à l’œuvre, largement redevables aux réformes entreprises par Fernando Henrique Cardoso depuis le Plan Real en 1994. Pour d’autres à l’inverse, ses présidences ont marqué une inflexion majeure dans l’histoire sociopolitique du pays. une vision plus équilibrée, à défaut d’être nécessairement consensuelle, consisterait sans doute à montrer que, au cours des vingt-cinq dernières années, le Brésil démocratique s’est largement construit dans les rapports de force et d’influence impulsés par les acteurs regroupés dans les coalitions ayant soutenu ces deux présidents. L’heure n’est cependant pas encore au consensus en la matière et, aussi pondérée soit-elle, chaque analyse du pays à quelques mois du départ de Lula finit quasiment tôt ou tard par insister sur la continuité ou la discontinuité de son action avec celle de son prédécesseur.

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Quelles que soient les divergences d’appréciation sur le bilan de Lula, force est néanmoins de constater que, en l’espace de quelques années seulement, les grilles de lecture qui commandaient l’analyse du Brésil ont changé. Les discours alarmistes et victimaires sur ce que l’on appelait encore il y a peu les ravages du néolibéralisme ont considérablement diminué en intensité et reçoivent d’ailleurs un écho de plus en plus faible. Sans certes que ces tendances soient exemptes de critiques politiques, l’on souligne au contraire de plus en plus le retour de l’État dans l’investissement et la régulation économique, ainsi que le rôle important que joue désormais la diplomatie brésilienne dans la politique internationale. Source de satisfaction et promesse d’amélioration des conditions de vie, la croyance retrouvée dans le potentiel important du pays verse toutefois rarement dans l’ufanismo, cette attitude, au cœur des conceptions véhiculées par les gouvernements militaires, qui exaltait le destin extraordinaire que produirait l’exploitation des richesses nationales. Dire que le Brésil a enfin trouvé sa voie serait bien sûr excessif, mais il est dorénavant possible de soutenir qu’il possède un rythme propre et des fondements solides qui lui permettent de déterminer son modèle politique et social sans, comme jusque dans un passé récent, se trouver à la merci des turbulences de l’économie internationale.

Les six articles réunis dans ce dossier reviennent tous sur des aspects majeurs du Brésil à la fin des deux mandats de Lula, en faisant le point, d’une part, sur des questions essentielles et en essayant, d’autre part, d’identifier les éléments de continuité de plus ou moins longue durée et les changements effectivement intervenus sous sa présidence.

Dominique Vidal s’interroge sur les nouveaux regards portés sur le Brésil, en son sein et au-delà de ses frontières. Plutôt que de chercher à déterminer l’apport de Lula secteur par secteur, il préfère s’intéresser à ce que reflètent les transformations qui ont suscité de nouveaux jugements sur le pays. Il montre que beaucoup de ces évolutions trouvent leur socle dans la Constitution fédérale de 1988 dont l’instabilité économique avait empêché de percevoir toutes les conséquences. Il revient ensuite sur les permanences d’un fonctionnement politique, toujours dominé par des jeux d’alliances coûteux, quand bien même le renforcement de l’institution présidentielle et le renforcement de la discipline partisane traduisent des modifications notables. Il insiste encore sur la reprise d’une action publique ambitieuse permise par la restauration des capacités d’intervention des pouvoirs publics, soit une inversion de tendance qui voit de nouveau l’État jouer un rôle moteur dans le développement du pays. Il souligne enfin la persistance de la vieille question des inégalités sociales, les problèmes toujours sans solutions posés par l’essor d’une criminalité violente et les perspectives sombres du financement des retraites dues aux tendances démographiques. Il note toutefois en conclusion que l’importance de ces questions n’empêche pas de considérer que le Brésil a connu une expérience de la démocratie largement réussie, en dépit des difficultés qui n’ont cessé de la jalonner.

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Dans son article, Jean Daudelin analyse l’ensemble des facteurs qui ont permis au Brésil de devenir un acteur majeur des relations internationales. Il rappelle que le thème de la puissance brésilienne n’a rien de nouveau et constituait déjà un élément central du discours des militaires lorsqu’ils étaient au pouvoir. Ce n’est néanmoins qu’après l’élection de Fernando Henrique Cardoso que le pays a cessé de jouer un rôle de second ordre. Il a été servi pour cela par un corps diplomatique de grande qualité, la position géostratégique et les ressources du Brésil, ainsi que par la stabilisation récente de son économie. Son poids croissant dans la politique internationale s’est accru à partir du second mandat de Lula en 2006. Il s’est notamment révélé par son action souvent décisive lors de sommets internationaux et comme membre de nombreux clubs, ses diplomates se montrant capables de dialoguer tout aussi bien avec les diplomaties des puissances traditionnelles qu’avec celles des pays émergents et des acteurs de moindre importance. Il n’en demeure pas moins que les grands principes de l’action extérieure du Brésil n’apparaissent pas toujours clairement et que, souvent, la priorité donnée à la satisfaction de ses intérêts tranche avec le discours généreux de son président. Il en résulte que le sens de l’affirmation de la puissance brésilienne ne peut encore être clairement compris.

On se souvient que la question de la politique économique avait marqué la campagne électorale qui devait conduire Lula au pouvoir. Le désir d’une partie du PT de revenir sur les réformes entreprises par Fernando Henrique Cardoso pour assainir l’économie brésilienne suscitait alors des craintes qui avaient accru l’instabilité du Brésil, et seul l’engagement de tous les candidats majeurs à ne pas les remettre en cause avait permis d’éviter un aggravement de la crise. Peut-on dire pour autant, comme le font certains commentateurs et la majorité de ses adversaires, que le président sortant s’est contenté de suivre la même politique économique ? Dans son bilan économique des années Lula, Pierre Salama met en évidence le fait que, si des éléments de continuité existent assurément entre les deux périodes, l’orientation générale de la politique économique de Lula procède dès l’origine d’une inspiration plus interventionniste qui s’accentuera peu à peu, au fur et à mesure de l’amélioration de la situation de l’économie. Le Brésil présente toutefois toujours des éléments de vulnérabilité aux mouvements de la finance internationale et ses actuels dirigeants ne semblent toujours pas avoir procédé à un choix tranché entre une politique monétariste et une politique keynésienne, alors même que les changements du contexte international appelle une plus grande audace.

L’épreuve du pouvoir marque généralement le parti qui a remporté les élections, a fortiori quand il s’agit d’une formation de gauche qui s’est essentiellement construite par opposition aux pratiques de ceux qui détenaient les commandes de l’État. Il n’est donc guère surprenant que l’accession de Lula à la présidence de la République ait affecté le Parti des travailleurs. L’étude de Marie-Hélène Sa Vilas Boas sur le PT sous les gouvernements Lula relève toutefois que ce dernier n’aurait jamais été élu si son parti n’avait pas déjà entamé, dès les années 1990, un processus de « normalisation »,

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en modifiant substantiellement son programme d’action et ses stratégies d’alliances qui le différenciaient dans le champ politique. Malgré cela, le PT ne sera pas sorti inchangé de ses années. Ses militants ont ainsi été souvent passablement désorientés par les choix politiques et économiques du gouvernement, et les affaires de corruption qui l’ont fortement secoué ont mis à mal l’idéal d’une moralisation de la vie politique sur lequel reposait une large part de son identité. Le PT n’a pourtant pas connu l’éclatement que d’aucuns lui promettaient en cas d’élection de Lula. Certains fondateurs ont bien quitté le parti, quelques personnalités et courants minoritaires s’en sont également allés, mais la formation s’est adaptée au fil des années. Les relations avec les principales forces sociales (la Centrale unique des travailleurs, l’union nationale des étudiants et le Mouvement des travailleurs sans terres, notamment) qui le soutenaient ont, d’une part, été redéfinies sans être jamais rompues. Le parti compte aujourd’hui, d’autre part, des sympathisants au profil plus diversifié, comme en témoignent les données fournies par la géographie électorale.

Paul Cary consacre un article à l’importance prise par la consommation et à ses représentations dans un Brésil en plein essor économique où le pouvoir d’achat a considérablement augmenté, notamment dans les couches défavorisées. Il déconstruit tout d’abord certaines catégories qui, sous l’impulsion du marketing, ont fait florès dans les médias. Il montre ainsi que la « classe C », construction statistique établie à partir du revenu des ménages, a alimenté les discours sur la formation d’une « nouvelle classe moyenne », principalement définie par sa capacité à consommer. La force prise par cette représentation, qui repose sur des imprécisions statistiques et conceptuelles, a tout du paradoxe. Pour en obtenir les suffrages, le gouvernement Lula identifie en effet les membres de ce groupe aux secteurs populaires, alors que, par leurs formes de consommation justement, les premiers font tout pour se distinguer des seconds. Il existe au demeurant une offre de consommation qui épouse étroitement la diversité de ces niveaux socio-économiques, comme en attestent les stratégies des banques et des opérateurs de téléphonie mobile à destination des plus faiblement lotis. La force de ces différences n’a toutefois pas empêché la propagation d’un imaginaire consumériste qui renforce le sentiment d’appartenance à un monde commun des Brésiliens qui étaient jusqu’il y a peu écartés de cette société de consommation. La pluralité des modes de fréquentation des centres commerciaux qui ont essaimé dans les grandes villes du pays exprime à la fois l’ampleur des inégalités socio-économiques et le désir du plus grand nombre de les subsumer par la consommation.

Dans le dernier article du dossier, Sérgio Costa revient sur les politiques d’action affirmative destinées aux indigènes et aux descendants d’Africains. Les mesures qu’elles contiennent entendent rendre concrètes les principes d’égalité et de respect de la diversité culturelle contenus dans la Constitution de 1988. Elles mettent en même temps à mal le discours dominant sur le métissage de la nation brésilienne qui, sous peine de défaire l’idée de mélange qui le sous-tend, interdit l’octroi de droits différents en fonction

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de la revendication d’une origine indigène ou africaine. Pour comprendre l’ampleur des controverses, l’auteur retourne dans un premier temps sur la place dévolue aux indigènes et aux descendants d’esclaves africains dans les conceptions de l’identité nationale. Il insiste en outre sur l’ancienneté de l’action publique en direction de ces populations, en repérant le tournant majeur qu’a représenté, après le retour du pays à la démocratie, la promulgation de droits constitutionnels les concernant. Il met en relief les déterminants des différences dans les politiques publiques dont elles sont destinataires, en prenant soin de préciser la dimension de genre qu’elles ont pu comporter. Par ailleurs, bien que l’action affirmative ait débuté sous la présidence de Fernando Henrique Cardoso, elle a pris un cours nouveau après l’arrivée de Lula. Ce dernier a systématisé une action destinée à promouvoir l’égalité des chances, la lutte contre le racisme et la diversité culturelle. Il a alors continuellement rencontré l’opposition aussi bien de ceux qui défendent l’idéal du métissage que des représentants des acteurs économiques s’estimant lésés par les restrictions mises à l’exploitation de l’Amazonie au nom de la protection des indigènes.

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