12
kpmg.ca Le Canada toujours à la croisée des chemins

Le Canada toujours à la croisée des chemins · 2020. 6. 9. · Le Canada toujours à la croisée des chemins 2 La situation en chiffres Services en milieu rural Par rapport à d’autres

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le Canada toujours à la croisée des chemins · 2020. 6. 9. · Le Canada toujours à la croisée des chemins 2 La situation en chiffres Services en milieu rural Par rapport à d’autres

kpmg.ca

Le Canada toujours à la croisée des chemins

Page 2: Le Canada toujours à la croisée des chemins · 2020. 6. 9. · Le Canada toujours à la croisée des chemins 2 La situation en chiffres Services en milieu rural Par rapport à d’autres

Le Canada toujours à la croisée des chemins

1 Le Canada toujours à la croisée des chemins

% de la population

suivie par un médecin

de famille

Le Canada est, à juste titre, fier de son système de santé. Conçu à l’origine pour offrir une assurance hospitalisation aux habitants

d’une seule province, il est devenu, cinquante ans plus tard, un régime d’assurance maladie universelle couvrant 36 millions

de personnes. Le système a ses lacunes et les Canadiens en sont conscients. Il leur suffit toutefois de se comparer à leurs voisins

du Sud pour se rendre compte que les soins de santé leur coûtent deux fois moins cher alors qu’ils vivent plus longtemps

et en meilleure santé. Tommy Douglas, qui a pavé la voie au régime d’assurance maladie canadien, fait figure du héros national

au pays.

faut avouer que bien qu’il soit relativement nouveau, le régime canadien demeure très traditionnel. Parce que le Canada a tardé

à adopter des innovations comme le regroupement des soins, l’optimisation de la valeur et la multidisciplinarité des équipes,

le personnel peine aujourd’hui à répondre à la demande croissante de soins d’une population vieillissante. Les listes d’attente sont

longues. L’accueil de patients dans les couloirs constitue un grave problème, une personne sur six n’a pas accès à un médecin

de famillei et les cas d’épuisement professionnel se multiplient.

Dans un récent articleii, la revue The Lancet reprochait

au Canada sa lenteur à entreprendre une réforme pour

améliorer la formation, ainsi que la productivité

et l’efficacité de son régime.

Le système canadien n’est pas

à proprement parler en crise, il fait plutôt

du surplace. Dans l’ouvrage In Search

of the Perfect Health System publié

en 2015, l’auteur comparait les régimes

de santé dans diverses régions du monde,

consacrant un chapitre au Canada qui,

selon lui, se trouvait « à la croisée des

chemins ». De toute évidence, peu

de progrès ont été réalisés depuis.

Le régime d’assurance maladie universelle favorise

la cohésion sociale et la solidarité, et si la fierté des Canadiens est justifiée, elle ne doit

pas être complaisante. Dans un récent sondage du Commonwealth, le Canada

se classe en queue de peloton en matière d’équité, de résultats et d’accèsiii. À moins

qu’il n’entreprenne une réforme radicale, son modèle de soins de santé universels

pourrait bientôt atteindre ses limites.

© 2019 KPMG s.r.l./S.E.N.C.R.L., société canadienne à responsabilité limitée et cabinet membre du réseau KPMG de cabinets indépendants affiliés à KPMG International Cooperative

(« KPMG International »), entité suisse. Tous droits réservés.

Page 3: Le Canada toujours à la croisée des chemins · 2020. 6. 9. · Le Canada toujours à la croisée des chemins 2 La situation en chiffres Services en milieu rural Par rapport à d’autres

2Le Canada toujours à la croisée des chemins

La situation en chiffres

Services en milieu rural

Par rapport à d’autres pays de l’OCDE, le Canada affiche une

faible densité de médecins. Avec un coefficient de seulement

2,7 médecins et 9,9 infirmières pour 1 000 habitants,

le Canada se classe respectivement au 26e et au 16e rang sur

un total de 36 paysiv.

Cela n’a pas toujours été le cas. Dans les années 1970,

la proportion de médecins par rapport à la population était

l’une des plus élevées au monde. À tel point qu’en 1992,

le rapport Barer-Stoddart sur les ressources humaines

concluait que le Canada comptait trop de médecins.

Le gouvernement canadien a réagi en prenant une série

de mesures, réduisant de 10 % les inscriptions en faculté

de médecine, imposant des restrictions d’exercice aux

titulaires de diplômes étrangers et adoptant des politiques

pour plafonner la rémunération des médecins, provoquant

une fuite de cerveaux vers les États-Unis. En 2000, le nombre

annuel net de nouveaux médecins amorçant une carrière

au Canada était tombé de 1 040 à 313v. C’est ce qu’on

appelle passer de l’abondance à la famine.

L’équilibre s’est quelque peu rétabli depuis. Pour contrer

la chute du coefficient de médecins, le gouvernement a révisé

sa tactique. Ainsi, de 2003 à 2013, le nombre d’emplois

disponibles a bondi de 48 %vi. Il est de notoriété publique que

les diplômés internationaux ont fortement contribué à combler

l’écart. En 2015, plus du quartvii des médecins exerçant

au Canada avaient obtenu leur diplôme dans un autre pays.

Les titulaires de diplômes étrangers ont joué un rôle

particulièrement important pour assurer la prestation de soins

dans les régions rurales et éloignées. Bien que celles-ci

accueillent près du cinquième de la population du pays,

seulement 10 % des médecinsviii y travaillent -- ce faible

pourcentage étant aggravé par une répartition inégale.

Le Canada est le deuxième plus vaste pays au monde et 95

% de son territoire se trouve en zone rurale où les médecins

de famille composent entre 72 et 84 % des effectifs

médicauxix. En plus des soins primaires, ceux-ci sont souvent

appelés à prodiguer des soins d’urgence, des soins

secondaires, voire parfois des soins tertiaires – grâce aux

outils leur permettant de travailler en jumelage avec des

spécialistes des grands centres.

Certes, la tâche est exigeante et à la pénurie de médecins

s’ajoute le taux de roulement élevé. En 2007, la durée des

mandats des médecins en région s’établissait à 9,5 ans contre

12,6 ans dans les zones urbainesx. Les régions rurales ont

pu compter sur le soutien de nombreux diplômés

internationaux en vertu de permis de travail restrictifs assortis

d’une « obligation de service ». Toutefois, même si les

diplômés étrangers sont plus nombreux à s’installer en région,

ils sont moins enclins que leurs homologues canadiens

à y rester.

Pour permettre aux habitants des régions d’accéder aux soins

de santé, diverses initiatives ont été mises en place – réseaux

régionaux, télémédecine, augmentation des actes confiés

à des non-médecins, etc. – dont certaines sont

particulièrement dignes de mention.

© 2019 KPMG s.r.l./S.E.N.C.R.L., société canadienne à responsabilité limitée et cabinet membre du réseau KPMG de cabinets indépendants affiliés à KPMG International Cooperative

(« KPMG International »), entité suisse. Tous droits réservés.

Page 4: Le Canada toujours à la croisée des chemins · 2020. 6. 9. · Le Canada toujours à la croisée des chemins 2 La situation en chiffres Services en milieu rural Par rapport à d’autres

3 Le Canada toujours à la croisée des chemins

En Nouvelle-Écosse et en Saskatchewan, les médecins

utilisent une liaison vidéo standard combinée à une

technologie d’analyse diagnostique et à des outils robotisés

contrôlés à distance pour examiner les patients des régions

difficiles d’accès, poser des diagnostics et assurer le suivi.

Avec le soutien des travailleurs médicaux sur place, ils

peuvent ainsi utiliser des instruments d’auscultation –

stéthoscopes, appareils à ultrasons, électrocardiographes

et autres – connectés pour voir, toucher et entendre le patient

à distance, contribuant ainsi à pallier la pénurie

de main-d’œuvre dans ces collectivitésxi.

Au Nunavut, autre vaste territoire composé de petites

collectivités disséminées et parfois très isolées,

la télémédecine constitue une option vitale pour les enfants

et les jeunes aux prises avec des problèmes de santé

mentale. Le partenariat établi entre Nunavut Telehealth

et l’Hospital for Sick Children de Toronto permet aux patients

et aux intervenants en santé mentale du Nunavut

de communiquer avec des spécialistes à Toronto. Ces

derniers ont ainsi la possibilité de poser un diagnostic

et de proposer un traitement, mais également de partager leur

expertise et leurs compétences avec les fournisseurs en soins

de santé locaux, améliorant ainsi la prestation de services

en région éloignéexii.

L’École de médecine du Nord de l’Ontario illustre bien les

mesures prises en amont pour aplanir les disparités

en matière de répartition des effectifs. Première école

de médecine à ouvrir ses portes au Canada depuis 50 ans,

elle a été créée pour favoriser le recrutement et la rétention

de diplômés en médecine familiale dans les régions rurales.

Dans une mesure de 92 %, les étudiants en médecine

de cette université ont grandi dans le nord de l’Ontario, les

autres provenant d’autres régions rurales ou éloignées

du pays. Une politique qui porte ses fruits puisque plus de 70

% des résidents choisissent de s’établir dans une collectivité

rurale après leurs études. Malgré les coûts élevés d’une telle

politique, l’investissement dans la collectivité locale a donné

à la région un élan économique estimé entre 122 et 134

millions de dollars (2016/2017) xiii.

Cette orientation est encouragée par le Collège des médecins

de famille du Canada (CMFC). Dans son mémoire

prébudgétaire (2019) au Comité permanent des finances

de la Chambre des communes, le CMFC souligne que 28 %

de la population active du Canada vit dans des régions rurales

où, dans de nombreux cas, le soutien en matière de soins

de santé est insuffisant ou inadéquatxiv. Les politiques

s’inspirent souvent de modèles urbains qui ne répondent pas

aux besoins des populations locales – et en particulier, à ceux

des communautés autochtones, ce qui aggrave les inégalités

existantes en matière de santé.

Le document du CMFC propose de donner aux régions

la capacité d’innover et fait à cette fin deux

recommandations : premièrement, que le financement des

services de santé en région soit proportionnel au nombre

d’habitants (soit 18 % du budget pour 18 % de la population)

et, deuxièmement, que le développement de solutions locales

soit confié à un réseau pancanadien de générateurs

d’innovation en santé rurale.

Une deuxième mention spéciale en enseignement

de la médecine revient au Cursus Triple C axé sur les

compétences du CMFC qui vise à arrimer les compétences

des ressources en soins de santé aux besoins des

populations locales. Les programmes de résidence offerts

dans le cadre de cette initiative définissent les compétences

requises pour l’exercice de la médecine familiale en région.

Tout en étant soumis aux mêmes exigences de base fixées

par le Collège, les diplômés sont mieux préparés pour

répondre aux besoins de la population locale et relever les

défis qui s’y rattachent.

© 2019 KPMG s.r.l./S.E.N.C.R.L., société canadienne à responsabilité limitée et cabinet membre du réseau KPMG de cabinets indépendants affiliés à KPMG International Cooperative

(« KPMG International »), entité suisse. Tous droits réservés.

Page 5: Le Canada toujours à la croisée des chemins · 2020. 6. 9. · Le Canada toujours à la croisée des chemins 2 La situation en chiffres Services en milieu rural Par rapport à d’autres

4Le Canada toujours à la croisée des chemins

Soins primairesLa pénurie de médecins de famille ne sévit pas qu’en région.

Selon l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS),

aujourd’hui, un Canadien sur six ne serait pas régulièrement

suivi par un médecin de famille.

Le problème est en partie historique, la médecine familiale

ayant longtemps été une option peu populaire. Dans les

années 1990, l’image du médecin de famille surmené,

sous-payé et peu apprécié a fait fléchir la proportion

d’étudiants optant pour la médecine familiale comme premier

choix de spécialité. En 2003, cette proportion atteignait

le niveau plancher de 25 % (fig. 1)xv.

© 2019 KPMG s.r.l./S.E.N.C.R.L., société canadienne à responsabilité limitée et cabinet membre du réseau KPMG de cabinets indépendants affiliés à KPMG International Cooperative

(« KPMG International »), entité suisse. Tous droits réservés.

En 2004, un certain nombre d’initiatives

lancées simultanément par les

gouvernements et des établissements

d’enseignement – programmes de mentorat

pour les stagiaires, modernisation des

programmes d’études, incitatifs financiers,

etc. – ont eu une influence favorable. Entre

2001 et 2013, le nombre de programmes

de résidence au Canada a triplé et les

inscriptions ont plu que décuplé (fig. 2).

Source: Revue de la médecine familiale dans les régions

rurales et éloignées du Canada : éducation, pratique

et politiquesHommes

Révision despolitiques

45 %

Sommet (femmes)

40 %

35 % 35%

25%

36%

Femmes Premier choix

SOMMET

20 %

Plancher (hommes)

15 %

Plancher (femmes)

30 %Sommet (hommes)

PLANCHER 25 %

Source : Revue de la médecine familiale dans les régions rurales et éloignées du Canada : éducation,

pratique et politiques

* À l’exclusion des 38 programmes du volet DHCEU et des 33 programmes des Forces armées.

† Suite à la deuxième itération, la proportion de postes comblés a atteint 97 % en 2013.

Contingents attribués Hausse de 303 %!

Hausse de 300 %!

Hausse de 1 159 %!

Nombre de programmes

Nombre de demandes d’admission

Proportion de postes comblés

2001 2013

1,424469

87*29

49,0085,093

79% 92%†

Page 6: Le Canada toujours à la croisée des chemins · 2020. 6. 9. · Le Canada toujours à la croisée des chemins 2 La situation en chiffres Services en milieu rural Par rapport à d’autres

5 Le Canada toujours à la croisée des chemins

Aujourd’hui, environ 38 %xvi des diplômés choisissent

de se spécialiser en médecine familiale et les médecins

de famille constituent 51 %xvii de tous les médecins exerçant

au Canada. Ce n’est donc plus la pénurie – mais plutôt

la productivité – qui pose maintenant problème.

Les causes de l’écart de productivité sont multiples

et le modèle de prestation centré sur le médecin et assorti

d’un mécanisme de remboursement qui favorise le volume

plutôt que la valeur en fait certainement partie.

Si la médecine familiale est centrée sur le médecin, c’est que

ce dernier est au cœur du système de prestation de soins.

Certains professionnels œuvrant dans des domaines

connexes, comme les infirmières et les physiothérapeutes,

sont souvent sous-utilisés parce que leurs services ne sont

pas directement facturables.

Il serait utile ici de rappeler l’historique de la relation entre

la profession médicale et le système d’assurance à payeur

unique. Lorsque ce système a été introduit en Saskatchewan

en 1962, il s’est heurté à l’opposition du milieu médical. Les

médecins ont même fait la grève pendant 23 jours, arguant

que le fait de travailler directement pour le gouvernement

brimerait leur autonomie professionnelle et leur liberté

de décision. Les parties en sont finalement arrivées à une

entente selon laquelle les médecins s’engageaient à participer

au programme à condition de conserver leur statut

d’entrepreneur indépendant et d’être rémunérés à l’acte

(et non comme employés et salariés comme d’autres

professionnels de la santé). L’« accord de Saskatoon »,

comme on l’a appelé par la suite, a servi de modèle aux

autres régimes instaurés au Canada. Pendant des décennies,

ce cadre de prestation de soins primaires a régi les activités

des professionnels de la santé, principalement celles des

médecins travaillant seuls ou en petits groupes.

Cela dit, même les cabinets prêts à engager davantage

de membres de professions apparentées ont des obstacles

à surmonter, notamment sur le plan législatif, la liste

de ce qu’un professionnel peut ou ne peut pas faire différant

sensiblement d’une province à l’autre. En Ontario, par

exemple, les infirmières praticiennes sont autorisées

à prescrire des médicaments, à demander des tests

et à signer les congés des patients, ce qui en fait

de précieuses ressources pour la prestation de soins

primaires dans les

régions rurales et éloignées du nord de la province. Dans

d’autres provinces, cependant, le champ d’exercice des

infirmières praticiennes est plus limité. Comme le souligne

la Dre Shamian, ancienne présidente de l’Association des

infirmières et infirmiers du Canada, « les infirmières

praticiennes sont plus nombreuses à sortir des universités,

mais elles ne trouvent pas d’emploi, car les provinces n’ont

pas changé leurs pratiques et leurs lois. Il y a trop d’infirmières

sans emploi au Canada, ce qui est un non-sens quand on sait

que près de 5 millions de Canadiens n’ont pas de médecin

de famille »xviii.

La rémunération à l’acte a eu comme effet de centrer

le modèle sur le médecin et, du même coup, de stimuler

la demande. Cela tient en premier lieu au fait que ce modèle

privilégie le volume plutôt que la valeur, mais également

à l’absence d’incitatifs favorisant la prévention et la promotion

de la santé. Une fois la réforme du système de rémunération

accomplie, Tommy Douglas aurait eu, paraît-il, l’intention

de réformer les services de santé en mettant l’accent sur

la santé publique et les facteurs sociaux déterminants –

un but qu’il n’aura pas réussi à atteindre de son vivant.

© 2019 KPMG s.r.l./S.E.N.C.R.L., société canadienne à responsabilité limitée et cabinet membre du réseau KPMG de cabinets indépendants affiliés à KPMG International Cooperative

(« KPMG International »), entité suisse. Tous droits réservés.

Page 7: Le Canada toujours à la croisée des chemins · 2020. 6. 9. · Le Canada toujours à la croisée des chemins 2 La situation en chiffres Services en milieu rural Par rapport à d’autres

6Le Canada toujours à la croisée des chemins

Source: Canada’s Health Care Systems and Health Workforce by the Numbers

Réforme des soins primairesLe rapport Romanow de 2002xix, référence incontournable

en la matière, rappelait la nécessité d’une réforme,

préconisant la création d’un modèle de soins accessibles

en tout temps, assurés par des équipes multidisciplinaires

et centrés sur la promotion de la santé. En 2004, les

gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux se sont tous

engagés à faire en sorte que 50 % des Canadiens aient accès

à des équipes multidisciplinaires de première ligne avant

2011. Le rapport Romanow suggérait également que les

provinces soient autorisées à développer leur propre

approche dans le respect de certains principes directeurs

de juridiction fédérale.

En 2018, le North American Observatory on Health Systems

and Policies a publié un rapportxx évaluant les résultats des

différents territoires à cet égard. Les progrès ont été mesurés

en fonction de six critères fondés sur des données probantes

qui allaient de la prestation de services multidisciplinaires

à l’accès aux soins, en passant par l’utilisation des TI, les

modèles de rémunération et la responsabilité des médecins.

L’étude a démontré que même si les nouveaux modèles

de rémunération (mixtes, par capitation, salariaux, etc.) étaient

en progression, l’ancien modèle de rémunération à l’acte

prédominait toujours et que la plupart des provinces étaient

loin d’atteindre la cible de 50 % en matière d’accès à des

équipes multidisciplinaires.

© 2019 KPMG s.r.l./S.E.N.C.R.L., société canadienne à responsabilité limitée et cabinet membre du réseau KPMG de cabinets indépendants affiliés à KPMG International Cooperative

(« KPMG International »), entité suisse. Tous droits réservés.

Page 8: Le Canada toujours à la croisée des chemins · 2020. 6. 9. · Le Canada toujours à la croisée des chemins 2 La situation en chiffres Services en milieu rural Par rapport à d’autres

7 Le Canada toujours à la croisée des chemins

Cela n’a pas empêché l’innovation et les pratiques

exemplaires de se manifester un peu partout au pays.

En Ontario, la proportion de médecins de famille rémunérés

à l’acte est passée de 94 % en 2002 à moins du quart

en 2015, et, le plus souvent, les médecins y avaient recours

pour des services spécialisés comme les soins palliatifs

ou la psychothérapie. D’autres avancées s’annoncent

prometteuses. Des évaluations indépendantes effectuées par

des équipes de médecine de famille multidisciplinaires

de l’Ontario ont révélé que les services préventifs et le taux

de dépistage des cancers du col de l’utérus, du sein

et colorectaux se sont améliorés, et que le niveau des soins

du diabète était supérieur à celui des soins primaires

standard, et cela, dans une province où la densité

de médecins de famille est inférieure à la moyenne.

Dans la même veine, l’adoption de nouveaux modèles

de rémunération dans les régions rurales des Territoires

du Nord-Ouest et du Nunavut a permis aux infirmières des

centres de santé communautaire de prodiguer la majeure

partie des soins primaires tout en bénéficiant du soutien, des

consultations à distance et des visites occasionnelles des

médecins. Au Manitoba, des « Quick Care Clinics », dont

le personnel est entièrement composé d’infirmières

et d’infirmières praticiennes, traitent les problèmes de santé

mineurs comme les éruptions, les entorses, l’administration

de vaccins et le contrôle des naissancesxxi.

De telles innovations foisonnent au sein du système de santé

canadien, mais elles transcendent rarement les frontières

provinciales. Si, contrairement à ce qu’on pourrait croire, notre

réseau à payeur unique ne facilite pas la diffusion

de l’innovation, c’est en raison du manque de collaboration

entre les instances fédérales, provinciales et territoriales.

Faisant référence à ce phénomène connu de tous, un ancien

ministre de la Santé avait même qualifié le Canada de « pays

champion des projets pilotes ».

Les organisations pancanadiennes de la santé (il en existe

neuf) sont des organismes fédéraux indépendants ayant

comme mission d’assurer l’uniformité de l’expérience

en matière de soins de santé à l’échelle du pays. Elles

établissent des normes, diffusent les meilleures pratiques

et accomplissent certaines tâches au niveau national, ce qui

évite aux 13 provinces et territoires d’avoir à les exécuter

individuellement. Un examen externe réalisé en 2018

a toutefois conclu que les résultats n’étaient pas entièrement

à la hauteur des aspirationsxxii. Plutôt que de s’en tenir à une

liste de recommandations, le rapport évoquait quatre avenues

possibles pour l’avenir de ces organisations, chacune étant

guidée par un principe directeur différent : efficacité,

innovation, mobilisation ou équité. Une façon très intéressante

d’aborder les choses. Reste à savoir ce qu’en fera le ministre

fédéral de la Santé.

© 2019 KPMG s.r.l./S.E.N.C.R.L., société canadienne à responsabilité limitée et cabinet membre du réseau KPMG de cabinets indépendants affiliés à KPMG International Cooperative

(« KPMG International »), entité suisse. Tous droits réservés.

Page 9: Le Canada toujours à la croisée des chemins · 2020. 6. 9. · Le Canada toujours à la croisée des chemins 2 La situation en chiffres Services en milieu rural Par rapport à d’autres

8Le Canada toujours à la croisée des chemins

Soins secondairesLes soins secondaires ne sont pas à l’abri de ces problèmes

de productivité – comme en témoignent la longueur des listes

d’attente et le nombre de civières dans les couloirs des

hôpitaux. Environ 30 % des patients traités en clinique externe

ou pour des soins non urgents attendraient plus de deux mois

pour rencontrer un spécialiste, ce délai dépassant quatre

mois xxiii pour 18 % des patients en attente d’une chirurgie

non urgente.

Or, les faits démontrent que la pénurie de spécialistes n’est

pas la cause du problème. Selon une récente étude

du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada,

le nombre de spécialistes sous-employés ou sans emploi

serait en hausse au Canada – environ 16 % des spécialistes

nouvellement agréés et 21 % des surspécialistes affirment

n’avoir pas trouvé de travail après l’obtention de leur

diplômexxiv. Le rapport ne permet pas de déterminer

si la situation est due à la saturation du marché

ou à l’insuffisance des ressources affectées à l’embauche

de spécialistes, ou à une combinaison des deux facteurs.

Ce qui est sûr par contre, c’est que la formation d’un plus

grand nombre de spécialistes n’est pas la clé du problème.

Peut-être faudrait-il plutôt s’employer à améliorer

l’organisation du temps des spécialistes. Le cas de l’Alberta

Bone and Joint Institute de Calgary est instructif à cet égard.

L’organisation a réussi à ramener de 145 à 21 jours le délai

d’attente pour une consultation en chirurgie de la hanche

ou du genou en normalisant les pratiques professionnelles,

en travaillant en multidisciplinarité et en améliorant

l’acheminement des patients dans le réseau hospitalierxxv.

De tels exemples d’excellence opérationnelle demeurent

cependant rares au Canada. La remise en question des

pratiques professionnelles exige une mobilisation importante

de la part des médecins qui y perdent forcément une part

d’autonomie et les gouvernements ont parfois dû « acheter »

leur adhésion à de telles initiatives. Ainsi, jusqu’en 2012,

l’Ontario a consacré 1 milliard $ par année à la réforme des

soins primairesxxvi – somme qui a servi en grande partie

à bonifier la rémunération des médecins.

Les médecins sont nombreux à croire que l’excellence

opérationnelle et les nouveaux modèles de prestation des

soins visent essentiellement à accroître leur charge de travail,

alors qu’en fait, c’est exactement le contraire. Gigi Osler,

présidente de l’Association médicale canadienne (AMC), est

persuadée pour sa part que même s’il est plus difficile et plus

coûteux de s’attaquer aux facteurs de stress en milieu

de travail, cette méthode est beaucoup plus efficace que les

formations sur la « résilience » pour prévenir l’épuisement

professionnel. Le nouveau plan stratégique de l’AMC place

le patient au centre de la mission de l’organisme et les

associations médicales d’au moins deux provinces se sont

engagées à appuyer les gouvernements dans leurs efforts

de réforme du système de santé, deux initiatives qui laissent

entrevoir un vent de changement dans le secteur.

© 2019 KPMG s.r.l./S.E.N.C.R.L., société canadienne à responsabilité limitée et cabinet membre du réseau KPMG de cabinets indépendants affiliés à KPMG International Cooperative

(« KPMG International »), entité suisse. Tous droits réservés.

Page 10: Le Canada toujours à la croisée des chemins · 2020. 6. 9. · Le Canada toujours à la croisée des chemins 2 La situation en chiffres Services en milieu rural Par rapport à d’autres

9 Le Canada toujours à la croisée des chemins

Source: Canada’s Health Care Systems and Health Workforce by the Numbers

Comment l’argent est-ildépensé?

© 2019 KPMG s.r.l./S.E.N.C.R.L., société canadienne à responsabilité limitée et cabinet membre du réseau KPMG de cabinets indépendants affiliés à KPMG International Cooperative

(« KPMG International »), entité suisse. Tous droits réservés.

Page 11: Le Canada toujours à la croisée des chemins · 2020. 6. 9. · Le Canada toujours à la croisée des chemins 2 La situation en chiffres Services en milieu rural Par rapport à d’autres

10Le Canada toujours à la croisée des chemins

Soins intégrés

Auteurs

Personnes-ressources

Il ne reste qu’à espérer que les promesses se concrétisent. La prochaine étape, soit l’intégration des soins primaires et secondaires

et des services communautaires, bousculera encore davantage les modèles de travail. Encore une fois, l’Ontario est à l’avant-garde

dans ce domaine. Le projet pilote mené au North York General Hospital a démontré que l’intégration des soins pouvait réduire non

seulement la fréquence des réadmissions de patients, mais aussi la durée globale de leur séjour à l’hôpital. L’Ontario prévoit

maintenant fusionner 20 fournisseurs de soins de santé totalisant plus de 10 000 personnes sous la bannière unique de Santé

Ontario. Bien sûr, la fusion d’organisations et l’intégration des soins de santé sont deux choses bien différentes. Les travaux

effectués sur la question de l’intégration ont permis de dégager les neuf conditions essentielles à une bonne gestion

de la santé publique.

Cet ambitieux projet repoussera encore les limites des modalités et conditions établies dans l’accord de Saskatoon. Cependant,

à défaut de prendre des mesures vigoureuses pour améliorer la productivité, le Canada n’aura jamais assez de médecins pour faire

fonctionner son système de santé – ce qui pourrait faire vaciller sa noble ambition d’offrir une protection universelle équitable,

universelle et gratuite au point d’utilisation.

Dre Charlotte Refsum, omnipraticienne et responsable des soins de santé à l’échelle mondiale, KPMG International et

Dr Mark Britnell, président mondial et associé principal, Infrastructure, administrations publiques et soins de santé,

KPMG International

Deanna Heroux

Associée, Ressources

humaines et changement

organisationnel

416-777-8378

[email protected]

Gordon Burrill

Associé, leader national,

Santé et sciences de la vie

416-777-3061

[email protected]

© 2019 KPMG s.r.l./S.E.N.C.R.L., société canadienne à responsabilité limitée et cabinet membre du réseau KPMG de cabinets indépendants affiliés à KPMG International Cooperative

(« KPMG International »), entité suisse. Tous droits réservés.

Page 12: Le Canada toujours à la croisée des chemins · 2020. 6. 9. · Le Canada toujours à la croisée des chemins 2 La situation en chiffres Services en milieu rural Par rapport à d’autres

© 2019 KPMG s.r.l./S.E.N.C.R.L., société canadienne à responsabilité limitée et cabinet membre du réseau KPMG de cabinets indépendants affiliés à KPMG International Cooperative

(« KPMG International »), entité suisse. Tous droits réservés. 24271

KPMG et le logo de KPMG sont des marques déposées ou des marques de commerce de KPMG International.

Référencesi Diverty, B., Canada’s Health Care Systems and Health Workforce by the Numbers, Institut canadien d’information sur la santé, 2e Sommet national sur l’emploi des

médecins, 5 novembre 2015.

ii Martin, D., Miller, A., Quesnel-Vallée, A., Caron, N., Vissandjée, B., Marchildon, G. “Canada’s universal health-care system: achieving its potential”, dans The Lancet, 2018,

(18) 30181-8.

iii THE COMMONWEALTH FUND. Health Care Systen Performance Rankings, [En ligne], [https://www.commonwealthfund.org/chart/2017/health-care-system-

performance-rankings].

iv OCDE DONNÉES. Médecins, [En ligne], [https://data.oecd.org/healthres/doctors.htm].

v Malko, A., Huckfeldt, V. “Physician Shortage in Canada: A Review of Contributing Factors”, Global Journal of Health Science; 2017, Vol. 9, no 9.

vi Ibid.

vii Les médecins au Canada, 2015 : Rapport sommaire. Institut canadien d’information sur la santé, Ottawa (Ontario), [En ligne], [cité le 9 mai 2017].

[https://secure.cihi.ca/free_products/Rapport_Sommaire_2015_FR.pdf].

viii Jiang S (2016) Physician Shortage Problem in Canada from 1980 to 2015. J Gen Pract (Los Angel) 4: e112. doi: 10.4172/2329-9126.1000e112.

ix Bosco C, Oandasan I. Revue de la médecine familiale dans les régions rurales et éloignées du Canada : éducation, pratique et politiques. Collège des médecins de famille

du Canada, Mississauga (Ontario), 2016.

x Répartition et migration interne des médecins au Canada. Institut canadien d’information sur la santé, 2007, [En ligne],

[https://secure.cihi.ca/free_products/2007_phys_FR_web.pdf]

xi Allen, B. “5 ways robots are delivering health care in Saskatchewan”. CBC Saskatchewan, [En ligne], [https://www.cbc.ca/news/canada/saskatchewan/5-ways-robots-are-

delivering-health-care-in-saskatchewan-1.2966190].

xii Milec, R. Connected North brings telepsychiatry to Nunavut. SickKids, [En ligne], [http://www.sickkids.ca/AboutSickKids/Newsroom/Past-News/2014/connected-north-

telepsychiatry-nunavut.html].

xiii Bosco C, Oandasan I. Revue de la médecine familiale dans les régions rurales et éloignées du Canada : éducation, pratique et politiques. Collège des médecins de famille

du Canada, Mississauga (Ontario), 2016.

xiv Mémoire prébudgétaire (2019) au Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Investing in rural healthcare: An economic stimulus for Canada. Collège

des médecins de famille du Canada, 2018.

xv Bosco C, Oandasan I. Revue de la médecine familiale dans les régions rurales et éloignées du Canada : éducation, pratique et politiques. Collège des médecins de famille

du Canada, Mississauga (Ontario), 2016.

xvi Milne, V., Konkin, J. et Tepper, J. “Family medicine attracts record number of graduates”. Healthy Debate. 19 juin 2014, [En ligne],

[https://healthydebate.ca/2014/06/topic/family-medicine-attracts-record-number-new-graduates].

xvii Jackson, L. and Reuters. “Number of doctors in Canada rises sharply, even in rural areas: report”. The National Post. 15 novembre 2012, [En ligne],

[https://nationalpost.com/health/number-of-doctors-in-canada-rises-sharply-even-in-rural-areas].

xviii Picard, A. “Nurse practitioners in Canada more than double in five years”. The Globe and Mail. 26 janvier 2012; mis à jour le 9 mai 2018, [En ligne],

[https://www.theglobeandmail.com/life/health-and-fitness/nurse-practitioners-in-canada-more-than-double-in-five-years/article1359892/].

xix Romanow, R. Building on Values: the Future of Healthcare in Canada. Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada, 2002.

xx Peckham A, Ho J, Marchildon GP. (2018). Policy innovations in primary care across Canada. Toronto: North American Observatory on Health Systems and Policies.

Rapid Review (no 1)

xxi Optimisation des champs d’exercice : De nouveaux modèles de soins pour un nouveau système de soins de santé. Académie canadienne des sciences de la santé, 2015,

[En ligne], [http://cahs-acss.ca/wp-content/uploads/2015/07/Optimisation-des-champs-dexercice_RAPPORT-French.pdf]

xxii Forest, P. et Martin, D. Fit for Purpose: Findings and Recommendations of the External Review of the Pan-Canadian Health Organizations, 2018.

xxiii 2016 Commonwealth Fund International Health Policy Survey [http://www.commonwealthfund.org/interactives-and-data/surveys/international-health-policy-

surveys/2016/2016-international- survey].

xxiv Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Quelle est la réalité sous-jacente au chômage des spécialistes au Canada? Trop de médecins ou pas assez? 2013,

[En ligne], [http://www.royalcollege.ca/rcsite/documents/health-policy/employment-report-2013-f.pdf].

xxv Alberta Bone & Joint Institute. Alberta hip and knee replacement pilot project, juin 2007. [https://albertaboneandjoint.com/wpcontent/uploads/2013/12/Hip-Knee-

Scientific-Report.pdf].

xxvi Marchildon, G, Hutchison, B. Primary care in Ontario, Canada: New proposals after 15 years of reform. Politique sur la santé, 2016.