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1
Le capital humain dans une économie mondiale fondée sur la connaissance
RAPPORT FINAL
Angel de la Fuente*
Instituto de Análisis Económico (CSIC)
et
Antonio Ciccone
Universitat Pompeu Fabra
Mai 2002
____________________ (*) Nous remercions V. Campanelli, L. de Almeida, S. Wright, L. Ferreira ainsi que l'ensemble desparticipants à un séminaire organisé à la DG Emploi et affaires sociales pour leurs précieuses observationset suggestions. Nous voudrions également remercier Ana Belmonte, Dörte Domeland-Narváez, JuanAntonio Duro, Marta Felis, Uwe Sunde et Paolo Vanin pour leur aide compétente tout au long de lapréparation de ce rapport.
2
TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ ......................................................................................................................... 41. Introduction......................................................................................................................................... 9
2. Capital humain et productivité dans l'économie de la connaissance ................................................. 10
3. Constat empirique concernant le capital humain et la productivité ................................................... 12
a. Capital humain et résultats du marché du travail: constat micro-économique ............................. 15
i. Aspects méthodologiques de l'estimation de l'incidence de la scolarité formellesur les salaires .............................................................................................................................. 15
ii. Passage en revue des estimations obtenues selon différentes méthodologies .......................... 16
iii. Tendances à travers le temps du rendement de la scolarité selon Mincer............................... 17
iv. Différences entre les pays d'Europe ........................................................................................ 18
v. Différentiels femmes-hommes ................................................................................................. 18
vi. Incidence de l'éducation sur le chômage et la participation à la main-d'œuvre....................... 19
vii. Le taux de rendement de l'éducation...................................................................................... 21
viii. Formation sur le terrain, capital humain et productivité au niveau de l'entreprise................ 22
ix. L'évolution technologique et l'incidence du capital humain sur les salaires............................ 23
x. Évolution technologique et emploi .......................................................................................... 24
xi. Rendements non marchands de la scolarité............................................................................. 25
b. Capital humain et croissance: constat macro-économique ............................................................ 25
i. Le capital humain dans la théorie de la croissance ................................................................... 26
ii. Formulations empiriques ......................................................................................................... 27
iii. Aspects économétriques ......................................................................................................... 29
iv. Bref passage en revue du constat empirique ........................................................................... 33
v. Externalités au niveau de la ville et de la région...................................................................... 34
4. Capital social et croissance ............................................................................................................... 35
5. Quelques conclusions provisoires ..................................................................................................... 37
a. Un éventail plausible d'estimations des paramètres ....................................................................... 37
b. Conséquences sur la croissance et les disparités entre les pays de l'OCDE................................... 41
c. Taux de rendement de la scolarité et implications politiques ........................................................ 45
6. Conclusions....................................................................................................................................... 53
Références ......................................................................................................................................... 55
3
Appendix 60
1. Human capital, productivity and earnings
a. Estimating the individual return to schooling: methodological issues
b. Review of the estimates
c. The return to schooling over time and across countries
d. The role of schooling for male-female wage differentials
e. Technological change
2. Cross-country data on human capital
a. Data on schooling
- Estimates of reliability ratios for different data sets
b. Direct measures of skills and achievement
3. Results of macroeconomic studies on human capital and growth
a. Ad-hoc growth equations
b. Results from structural convergence equations
- Panel data specifications
c. Production function estimates and related specifications
- Rate effects and interaction with technological diffusion
d. Data quality and measurement error
e. Educational quality and test scores
- Can quality be purchased?
f. A plausible range of parameter estimates
4. Some human capital indicators for the EU and for candidate countries
5. Social capital: a survey of the theoretical and empirical literature
a. What is social capital?
b. Empirical evidence on social capital and aggregate performance
c. Social capital accumulation
d. Policy 150
References
Tables A1.1 and A1.3
4
RÉSUMÉ
Le présent rapport examine les raisons qui poussent à placer l'investissement dans le capital humain au
premier plan des politiques destinées à promouvoir la croissance économique et la cohésion sociale,
comme c'est le cas dans la stratégie présentée lors du sommet de Lisbonne et visant à faire de l'UE
l'économie basée sur la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde. Après avoir
passé en revue la littérature universitaire pertinente, nous parvenons aux grandes conclusions suivantes.
Premièrement, l'investissement dans le capital humain contribue de façon significative à la croissance de
la productivité. Deuxièmement, il est manifeste que le capital humain joue un rôle essentiel en faveur de
l'évolution et de la diffusion technologiques. Troisièmement, l'investissement dans le capital humain
apparaît comme attractif par rapport à d'autres avoirs, tant en perspective individuelle qu'agrégée.
Quatrièmement, les politiques qui augmentent la quantité et la qualité du stock de capital humain sont
compatibles avec l'accroissement de la cohésion sociale. Au total, nos résultats suggèrent que
l'investissement dans les ressources humaines est à la fois un facteur essentiel de croissance, en particulier
dans le contexte actuel d'évolution technologique rapide, et un instrument-clé d'amélioration de la
cohésion sociale, et va donc dans le sens de la stratégie politique présentée à Lisbonne.
Un bref passage en revue de la littérature universitaire
Il se dégage de la littérature universitaire un large consensus autour de l'idée que le capital humain est
un déterminant important de la productivité et d'autres résultats économiques, tant au niveau individuel
qu'au niveau agrégé, et que son rôle est particulièrement essentiel dans l'économie d'aujourd'hui fondée
sur la connaissance. Au plan micro-économique, il est tout à fait évident que le niveau d'études constitue
un des principaux déterminants des revenus individuels et de la situation au regard du marché du travail.
De récents travaux suggèrent qu'une année de scolarité supplémentaire augmente le salaire individuel
d'environ 6,5% à travers l'Europe, et jusqu'à 9% dans les États membres possédant les marchés du travail
les moins réglementés, dans lesquels l'échelle des salaires est supposée refléter plus étroitement la
productivité. Il existe également une relation forte entre les salaires individuels et la formation sur le
terrain, certaines estimations indiquant qu'un an de formation peut aller jusqu'à augmenter la rémunération
de 5%. Ces constats sont confirmés par les travaux empiriques qui examinent le lien entre capital humain
et productivité dans l'entreprise, et qui démontrent que les travailleurs à capital humain élevé augmentent
la productivité et sont une source directe d'innovation et de compétitivité à long terme. La littérature
constate également que le rapport entre capital humain et salaires individuels devient plus étroit dans les
périodes d'évolution technologique rapide.
Au niveau macro-économique, il est manifeste que la contribution du capital humain à la croissance de
la productivité agrégée est importante, même si une incertitude de taille subsiste quant à son ampleur
exacte du fait des différents problèmes économétriques qui viennent compliquer l'interprétation des
résultats empiriques. Selon les estimations que nous considérons comme les plus plausibles dans la
5
littérature, toutes choses égales par ailleurs, l'ajout d'une année supplémentaire au niveau d'études moyen
augmente le niveau de productivité agrégée d'environ 5% de façon immédiate et de 5% supplémentaires à
long terme. Ce second effet reflète la contribution du capital humain au progrès technologique, c'est-à-dire
au développement et à l'adoption de nouvelles technologies ainsi qu'à l'amélioration permanente des
processus de production existants. De récentes études suggèrent également que la qualité de l'éducation
peut être tout aussi importante pour la productivité que sa quantité, même si des travaux complémentaires
sont nécessaires avant que nous ne disposions d'estimations fiables de l'ampleur des effets induits.
Des modèles théoriques relatifs au capital humain et à la croissance indiquent que certains des
avantages d'une main-d'œuvre mieux éduquée vont généralement "s'échapper" et générer des bénéfices
macro-économiques que ne pourront s'approprier, sous la forme de revenus plus élevés, ceux qui auront
consenti l'investissement correspondant. Ces pertes sont souvent nommées externalités, et elles expliquent
largement les subventions à l'éducation et autres politiques visant à accroître l'investissement dans le
capital humain au-delà de sa "valeur de marché". La littérature que nous avons passée en revue indique
clairement que de telles externalités existent et qu'elles peuvent être assez importantes. Un des éléments-
clés en ce sens est que les estimations macro-économétriques des bénéfices individuels de l'éducation ont
tendance à livrer des résultats beaucoup plus élevés que leurs équivalents micro-économétriques (lorsque
ces derniers sont corrigés de façon à rendre les deux variables directement comparables). Les estimations
macro-économiques rendant compte de l'ensemble des gains de production induits et les estimations
micro-économiques uniquement de ceux de ces gains que l'individu consentant l'investissement peut
directement s'approprier, la différence entre ces deux chiffres peut être interprétée comme une mesure de
l'ampleur des externalités issues du capital humain. Selon nous, les sources les plus plausibles de ces
externalités sont la relation entre le capital humain et le taux d'évolution technologique, qui a déjà été
mentionné, et l'effet indirect de l'éducation sur la productivité et l'emploi lié à la qualité des
établissements, qui peut être considéré comme une composante du capital social.
La littérature existante connaît deux limites importantes: i) elle n'offre d'estimations quantitatives
précises que pour certains des bénéfices retirés du capital humain et ii) elle repose presque exclusivement
sur des mesures quantitatives de la scolarité formelle. Les estimations existantes concernant les
rendements de l'éducation ne tiennent généralement pas compte de ses bénéfices directs en terme de
consommation, de ses rendements pécuniaires et non pécuniaires dans les loisirs et la production
domestique (bien que certains signes indiquent que ceux-ci peuvent être quantitativement importants), ou
de la contribution de la politique éducative à la cohésion sociale. En conséquence, les estimations du taux
de rendement de l'éducation que nous examinerons plus loin devraient probablement être considérées
comme fournissant une limite basse des bénéfices sociaux qui naîtraient d'un investissement accru dans le
capital humain. Si les bénéfices sociaux de l'éducation sont susceptibles de dépasser les estimations
économétriques, cela s'explique également par le fait que les travaux empiriques reposent presque
exclusivement sur des données relatives aux années de scolarité formelle. Cette variable est utilisée en
pratique à défaut de meilleures mesures du stock de capital humain, c'est-à-dire des compétences et
connaissances d'individus utiles à la production de biens, de services et de connaissances nouvelles. Il est
6
largement reconnu cependant que le niveau de scolarité sera au mieux une variable de substitution
imparfaite pour exprimer le véritable stock de capital humain, et que cela génère un problème d'erreur de
mesure qui aura pour conséquence que les résultats statistiques minimiseront l'importance du rapport entre
capital humain et salaires ou productivité.
Capital humain, croissance et disparités dans les pays industriels
Quelle est l'importance du capital humain comme source de croissance et de différences de
productivité entre les pays? En travaillant avec la série la plus plausible d'estimations des paramètres
macro-économiques pertinents, nous estimons que, dans le cas d'un pays "typique" de l'OCDE, le capital
humain représente 22% de la croissance de la productivité observée sur la période 1960-90, et 45% du
différentiel de productivité en prenant la moyenne de l'échantillon de 1990. Environ deux tiers de chacun
de ces chiffres reflètent l'impact direct ou immédiat de la scolarité sur le niveau de productivité, et le tiers
restant rend compte de sa contribution au progrès technologique.
Taux de rendement de l'éducation et implications politiques
En utilisant la même série d'estimations que dans l'exercice précédent, nous avons calculé les taux de
rendement privé et social de l'investissement dans l'éducation dans un pays typique de l'UE et les avons
comparés l'un à l'autre, ainsi qu'aux taux de rendement d'autres avoirs. L'objectif de ces comparaisons était
de tirer des conclusions quant au caractère optimal de modèles d'investissement observés pouvant
présenter un intérêt en termes de formulation d'une politique. Cet exercice est quelque peu complexe car il
nécessite une série de corrections pour rendre les différents taux de rendement pleinement comparables.
Ses résultats doivent cependant être interprétés avec précaution, car il subsiste une grande incertitude
quant aux valeurs exactes des paramètres, aux taux de rendement correspondants d'autres avoirs, ainsi qu'à
l'ampleur des bénéfices de l'éducation qui ne sont pas pris en compte par les estimations empiriques
existantes.
En tenant compte de cela, nos résultats nous semblent converger vers deux grandes conclusions, qui
doivent être comprises comme s'appliquant au pays moyen de l'UE.
Premièrement, une augmentation modérée de l'investissement dans le capital humain est
probablement une bonne idée. Les rendements économiques directs de l'investissement dans la scolarité
dont rendent compte les études macro-économétriques sont à peu près comparables à ceux de
l'investissement dans le capital physique. Si l'on tient compte de façon raisonnable des rendements non
marchands de l'éducation et de ses avantages en termes de cohésion sociale, le capital humain devient une
option d'investissement assez attractive d'un point de vue social.
Deuxièmement, une augmentation à tous les niveaux des subventions générales à l'éducation formelle
au-delà de la scolarité obligatoire n'est probablement pas nécessaire. Cette conclusion peut sembler
quelque peu surprenante alors que nous mettons l'accent sur l'importance des externalités du capital
humain, mais il faut garder à l'esprit que l'éducation dans l'UE est déjà fortement subventionnée et que les
législations relatives à la scolarité obligatoire vont également dans le sens d'une compensation de ces
externalités et de la tendance au sous-investissement dans l'éducation qui en résulte. Un autre facteur
7
contribue à réduire l'écart entre les rendements privé et social de l'éducation, à savoir le fait que les
particuliers et les entreprises, contrairement aux États, ont un accès illimité, à des prix donnés, à des
intrants complémentaires dont l'utilisation va accroître le rendement de l'investissement dans le capital
humain. Ces facteurs concourent à expliquer notre conclusion selon laquelle, en dépit de l'existence
d'externalités importantes, le taux de rendement privé correspondant à des décisions individuelles relatives
à la scolarité est pratiquement équivalent au taux de rendement social de l'éducation et à celui d'avoirs
concurrents accessibles aux ménages.
Par conséquent, les incitations financières à l'investissement dans l'éducation sont probablement
adéquates. Si l'on considère comme souhaitable la poursuite de l'augmentation des effectifs au-delà de
l'enseignement obligatoire, il pourrait être plus important d'éliminer les obstacles implicites entravant
l'accès aux programmes de perfectionnement (tels que les contraintes de trésorerie et des niveaux de
compétences de bases inférieurs pour les individus issus de milieux défavorisés) par des politiques
spécifiquement axées sur ces problèmes, plutôt que de diminuer encore des frais de scolarité déjà faibles
qui impliquent une importante subvention bénéficiant à des groupes relativement privilégiés. En effet, la
combinaison de frais de scolarité plus élevés et d'un programme de prêts bien conçu ou d'une
augmentation des bourses allouées sous conditions de ressources peut être un moyen efficace de fournir
des ressources supplémentaires permettant d'augmenter la qualité de l'éducation post-secondaire tout en
réduisant dans le même temps la régressivité de son financement. Des fonds publics supplémentaires
pourraient cependant s'avérer nécessaires à des niveaux moins élevés de l'enseignement, ainsi que pour le
développement de la formation pour adultes.
Notre analyse donne certaines lignes directrices permettant d'identifier les usages les plus productifs
des ressources supplémentaires allouées à l'éducation et les changements à apporter aux pratiques
actuelles et susceptibles d'améliorer leur rendement. Les principales sources de "rendement excédentaire"
de l'investissement dans le capital humain, que ne peut s'approprier le particulier, étant probablement cette
complémentarité de facteurs avec la technologie et sa contribution à la cohésion sociale, on peut affirmer
que la priorité devrait être donnée aux objectifs suivants. Premièrement, chercher à donner des
compétences en matière de technologies à un large segment de la population et assurer l'apport adéquat en
personnel technique et scientifique nécessaire à la fois pour le développement et pour l'adoption de
nouvelles technologies. Deuxièmement, soutenir la formation tout au long de la vie afin de contrer la
dépréciation accélérée des compétences en période d'évolution technologique rapide. Troisièmement,
améliorer les conditions d'accumulation de capital humain relatif à la recherche. Une grande part de ce
capital humain est générée sous forme de sous-produit de la recherche elle-même, et les politiques axées
sur le capital humain devraient par conséquent renforcer le lien existant entre l'enseignement supérieur et
la recherche tant privée que publique. Quatrièmement, se concentrer sur l'amélioration des possibilités
éducatives et des compétences des personnes issues de milieux défavorisés. Cela pourrait impliquer de
mettre l'accent sur l'enseignement précoce afin de prévenir la formation progressive de handicaps liés à un
environnement familial défavorable. De récentes études internationales montrent en outre que les résultats
des élèves situés au bas de l'échelle sociale peuvent être considérablement améliorés sans que le niveau
8
général soit abaissé. Cinquièmement, les résultats dont nous disposons sur le lien étroit entre qualité du
capital humain et productivité laissent à penser qu'une importante contribution à la croissance peut venir
de politiques visant à élever le niveau atteint par les élèves. Selon la littérature existante, les progrès dans
ce domaine peuvent venir au moins autant de l'amélioration des programmes et des méthodes
d'enseignement que d'une augmentation des dépenses, bien que celle-ci puisse également s'avérer
nécessaire.
Conclusion
Dans l'ensemble, le constat que nous avons examiné cadre avec l'idée que les mesures visant à
accroître la quantité et la qualité du stock de capital humain devraient représenter une part importante de
tout train de mesures politique destiné à promouvoir la croissance. C'est certainement le cas de la stratégie
de Lisbonne, qui fait écho à bon nombre des recommandations formulées dans la littérature. La mise en
œuvre des politiques relatives au capital humain présentées lors de sommets européens successifs apparaît
comme particulièrement importante pour les régions de l'UE qui sont à la traîne en termes de productivité
et de revenu par habitant. Il importe toutefois de reconnaître qu'une action, pour réussir, requiert une
image claire de la quantité et de la qualité des stocks régionaux de capital humain, de façon à comprendre
les besoins locaux et à identifier les politiques susceptibles d'être les plus efficaces. Il serait notamment
important d'étendre au plan régional des études récentes qui tentaient d'évaluer les niveaux de
compétences des cohortes les plus jeunes et de la main-d'œuvre dans son ensemble, et de soutenir la
poursuite de la recherche sur les déterminants de la performance des systèmes éducatifs. Ces études
peuvent constituer un apport utile pour la formulation d'une politique de ressources humaines
systématique qui devrait constituer un aspect essentiel de l'effort actuel de l'UE en faveur de
l'augmentation de la cohésion régionale.
9
1. Introduction
Il y a deux ans, l'Union européenne s'est fixé l'objectif ambitieux de devenir en dix ans l'économie
fondée sur la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde. Pour atteindre ce but, les
conclusions de la présidence du conseil de Lisbonne présentent dans ses grandes lignes une stratégie
permettant de tirer profit des possibilités de croissance et d'emploi offertes par les nouvelles technologies
sans sacrifier la cohésion sociale. Cette stratégie comporte toute une série de mesures destinées à
promouvoir le développement, l'adoption et l'utilisation de nouvelles technologies en passant par un
investissement accru et plus rentable dans les connaissances, les compétences et les infrastructures, le
développement d'un cadre juridique approprié pour l'innovation et pour les transactions électroniques, une
dérégulation accrue et la promotion de la concurrence dans les secteurs concernés, et la réforme des
marchés financiers en vue d'assurer un apport adéquat de capital-risque. Le document souligne également
la nécessité d'améliorer les politiques de l'emploi et de moderniser les systèmes de protection sociale de
façon à promouvoir la cohésion sociale et l'égalité hommes-femmes tout en réduisant les aspects dissuasifs
et en assurant la durabilité des niveaux des prestations.
L'investissement dans les ressources humaines joue un rôle-clé dans la stratégie de Lisbonne, dans la
mesure où il apparaît à la fois comme un facteur essentiel de croissance et comme un levier central pour la
politique de cohésion sociale. Le capital humain est considéré comme un élément crucial dans le
développement de nouvelles technologies et comme un facteur nécessaire pour leur adoption et leur
utilisation efficace, mais également comme une condition préalable de la capacité d'insertion
professionnelle et un instrument de lutte contre l'exclusion sociale et la discrimination hommes-femmes.
En conséquence, le document de Lisbonne appelle à une augmentation substantielle de l'investissement
par habitant dans les ressources humaines et présente une longue liste d'objectifs et de propositions
politiques axés sur quatre domaines: la promotion de la culture numérique, le relèvement du niveau
d'instruction au-delà de la scolarité obligatoire, le développement d'un système de formation tout au long
de la vie adapté aux besoins du marché du travail, et la mise en place d'une offre adéquate en personnel
technique et spécialisé dans la recherche et le développement.
Le présent rapport examine les raisons qui poussent à placer l'investissement dans le capital humain au
premier plan des politiques destinées à promouvoir la croissance économique et la cohésion sociale,
comme c'est le cas dans la stratégie de Lisbonne. Après avoir passé en revue la littérature pertinente, nous
parvenons aux grandes conclusions suivantes. Premièrement, l'investissement dans le capital humain
contribue de façon significative à la croissance de la productivité. Deuxièmement, il est manifeste que le
capital humain joue un rôle essentiel en faveur de l'évolution et de la diffusion technologiques.
Troisièmement, l'investissement dans le capital humain apparaît comme attractif par rapport à d'autres
avoirs, tant en perspective individuelle qu'agrégée. Quatrièmement, les politiques qui augmentent la
quantité et la qualité du stock de capital humain sont compatibles avec l'amélioration de la cohésion
sociale. Au total, nos résultats vont dans le sens de la stratégie exposée lors du sommet de Lisbonne et des
10
prémisses qui la sous-tendent. Ils sont également en accord avec le rôle important attribué au capital
humain par une récente étude de l'OCDE (2001a) qui formule des recommandations politiques similaires.
Le rapport est organisé comme suit. La partie 2 définit le capital humain et examine les raisons pour
lesquelles il peut être envisagé comme un déterminant-clé des revenus individuels et de la productivité
agrégée, notamment dans l'économie d'aujourd'hui fondée sur la connaissance. La partie 3 étudie le
constat correspondant formulé dans la littérature universitaire. Les études micro-économiques sur le sujet
démontrent de façon très claire une forte corrélation entre capital humain et résultats sur le marché du
travail (y compris salaires et probabilités d'emploi) qui fait de l'éducation un instrument-clé de la
préservation de la cohésion sociale. Au plan macro-économique, la littérature suggère que, même si une
incertitude de taille subsiste quant à l'ampleur exacte des effets du capital humain sur la croissance, ceux-
ci sont en tout état de cause assez importants et justifient un niveau élevé d'investissement dans l'éducation
et la formation. La partie 4 examine brièvement la littérature récente traitant du capital social. Dans la
section 5, nous analysons l'importance du capital humain comme source de croissance et de disparités
dans les revenus dans un échantillon de pays développés, et fournissons des estimations des taux de
rendement privé et social de la scolarité utilisés pour tirer les premières conclusions politiques. La partie 6
clôt le corps du rapport avec des remarques générales sur les implications de nos conclusions pour la
formulation de politiques communautaires. La série d'annexes passe en revue de façon plus détaillée la
littérature pertinente ainsi qu'un ensemble d'indicateurs relatifs au capital humain pour l'UE et les pays
candidats.
2. Capital humain et productivité dans l'économie de la connaissance
Le capital humain est un concept large, qui revêt de multiples facettes, et recouvre différents types
d'investissement dans les ressources humaines. La santé et l'alimentation constituent certainement un
aspect important de cet investissement, notamment dans les pays en développement, dans lesquels les
insuffisances dans ces domaines sont susceptibles de limiter gravement la capacité de la population à
s'engager dans des activités productives. Toutefois, aux fins du présent rapport, l'aspect-clé du capital
humain a trait aux connaissances et compétences possédées par les individus et accumulées au cours de la
scolarité, de la formation et des expériences et qui sont utiles pour la production de biens, de services et
de connaissances nouvelles.
Pour étoffer cette définition très large, il peut être utile de distinguer les trois composantes suivantes
du capital humain:
• les compétences générales relatives à l'alphabétisation et aux notions de calcul de base et, plus
largement, à la capacité de traiter l'information et de l'utiliser pour la résolution de problèmes et
l'apprentissage. L'alphabétisation de base peut être définie comme l'aptitude à extraire l'information de
textes écrits et d'autres supports et à encoder l'information sur un support similaire de façon
compréhensible et organisée. Les notions de calcul de base recouvrent la maîtrise des rudiments des
mathématiques et les compétences requises pour formuler des problèmes de telle façon qu'ils puissent être
résolus par l'application des techniques appropriées. Ces compétences peuvent être envisagées comme des
11
aspects partiels d'une capacité plus générale de traitement de l'information et de raisonnement abstrait qui
suppose une aptitude à extraire l'information de diverses sources et à la combiner aux connaissances
appropriées pour tirer des conclusions pertinentes et générer des hypothèses ou des généralisations utiles
susceptibles de faire apparaître la solution à des problèmes pratiques.
• les compétences spécifiques sont celles qui sont liées au fonctionnement de technologies ou de
processus de production particuliers. On peut citer à titre d'exemple l'aptitude à travailler à l'aide de
programmes informatiques de différents degrés de complexité, à faire fonctionner, à entretenir ou à
réparer une pièce spécifique d'une machine, ainsi que les techniques requises pour planter et moissonner.
• les connaissances techniques et scientifiques, enfin, renvoient à la maîtrise de masses organisées de
connaissances et de techniques analytiques spécifiques qui peuvent être importantes pour la production ou
le progrès technologique, comme la physique, l'architecture ou les principes ou la conception logique de
circuits.
Le consensus se fait de plus en plus fort autour de l'idée que le capital humain est un déterminant
important de la productivité, tant au niveau individuel qu'au niveau agrégé, et que son rôle est
particulièrement essentiel dans l'économie d'aujourd'hui fondée sur la connaissance. Les travailleurs dotés
d'aptitudes supérieures à la résolution des problèmes et à la communication devraient mieux réussir que
les moins qualifiés dans toutes les tâches nécessitant davantage que l'exercice routinier d'un travail
physique, et apprendront également plus vite. Par conséquent, on peut s'attendre à ce que les travailleurs
qualifiés soient plus productifs que les non qualifiés quel que soit le processus de production considéré, et
à ce qu'ils soient capables de faire fonctionner des technologies plus sophistiquées qui exigent davantage
de leurs capacités. Si la compétence s'accompagne d'une plus grande aptitude à apprendre et à produire de
nouvelles connaissances, en outre, une main-d'œuvre plus éduquée sera également capable d'amener une
croissance plus rapide de la productivité, à la fois par des améliorations progressives apportées aux
processus de production existants et par l'adoption et le développement de technologies plus avancées.
Le constat empirique dont nous disposons suggère que l'importance du capital humain en tant
qu'intrant a crû au fur et à mesure que les processus de production se sont de plus en plus caractérisés par
une forte intensité de connaissances. Aujourd'hui, relativement peu de professions n'impliquent que des
tâches physiques mécaniques, et une part importante et croissante d'emplois soit se réduisent au traitement
de l'information, soit nécessitent l'application de connaissances et de compétences spécialisées à la
production de biens et services de plus en plus sophistiqués.1 Ceci vaut également pour la production des
connaissances appliquées qui sous-tendent le progrès technique, qui est progressivement devenue plus
dépendante d'activités de recherche et développement explicites, plus étroitement liée à la science
formelle et, par conséquent, de plus en plus consommatrice de compétences.
1Une récente étude de l'OCDE (1999) constate que plus de la moitié de la production cumulée de ses pays membresest produite dans des industries à forte intensité de connaissances. Ceux-ci incluent non seulement les secteursmanufacturiers des technologies de pointe comme les TIC, mais aussi des utilisateurs intensifs de nouvellestechnologies et de travail qualifié, comme la finance, les assurances et les services de communication.
12
L'amélioration et la diffusion rapide des technologies de l'information et des communications (TIC)
ces dernières années est un événement important qui a largement contribué au développement de
l'économie de la connaissance et à l'accélération des tendances séculaires qui sous-tendent le rôle croissant
du capital humain.2 Les implications des TIC sont d'une grande portée car il s'agit de technologies
polyvalentes dotées d'applications potentielles dans de nombreux secteurs, qui ont par ailleurs
considérablement augmenté la capacité humaine à conserver des informations, à y accéder et à les traiter
rapidement et à faible coût. Par conséquent, les progrès dans les TIC sont susceptibles de se répandre
progressivement aux secteurs utilisateurs, entraînant une évolution technologique et organisationnelle
rapide dans l'ensemble de l'économie, et sont à même de contribuer à l'accélération du progrès technique
et à sa diffusion en fournissant aux chercheurs de nouveaux outils puissants et un accès quasiment
instantané à l'information à l'échelle internationale. Les TIC sont également à même d'accroître la
concurrence sur de nombreux marchés en donnant aux entreprises la possibilité de rechercher des clients
et des fournisseurs dans le monde entier, et poursuivra l'érosion des rentes et avantages de situation en
réduisant considérablement les coûts de transport des produits de la connaissance et de l'information. Pour
utiliser un terme actuellement à la mode, les TIC peuvent contribuer de façon significative au processus
de mondialisation (ou à une concurrence mondiale accrue) en rendant effectivement le monde plus petit
de plusieurs manières. Ceci augmentera les pressions concurrentielles sur les économies nationales, et fera
qu'il deviendra de plus en plus essentiel pour elles d'avoir accès à une offre adéquate de main-d'œuvre
qualifiée afin de ne pas être distancées dans la course à la technologie et d'accéder aux bénéfices
potentiels des nouvelles technologies.
3. Constat empirique concernant le capital humain et la productivité
L'hypothèse selon laquelle le capital humain est un déterminant-clé de la productivité a bénéficié d'une
attention considérable dans la littérature universitaire. Les économistes du travail se sont longtemps
intéressés à l'incidence de l'éducation et des compétences sur les salaires individuels et d'autres résultats
sur le marché du travail. En s'appuyant sur ces travaux, les macro-économistes ont utilisé les techniques de
décomposition de la croissance pour analyser la contribution de l'éducation à la croissance économique
agrégée depuis les années 1960. Les recherches dans ce second domaine ont reçu ces dernières années une
nouvelle impulsion avec le développement d'une nouvelle génération de modèles théoriques qui attribuent
à l'accumulation de connaissances et de compétences un rôle central dans le processus de développement
économique, ainsi qu'avec la construction de grands ensembles de données internationales qui peuvent
être utilisés pour l'analyse empirique des déterminants de la croissance économique. Dans cette partie,
nous passerons en revue la littérature pertinente concernant ces deux domaines de recherche, afin de
déterminer dans quelle mesure le constat empirique dont nous disposons soutient l'hypothèse exposée
2 Voir OCDE (2001a) pour une analyse plus détaillée de certaines des implications de la "nouvelle économie."
13
dans la section précédente sur les relations micro et macro-économiques entre capital humain et
productivité.3
Avant d'entrer dans les détails de chacune des activités, il importe de mettre en évidence certaines des
similarités, différences et interconnexions qui existent entre elles. Dans les deux branches de la littérature,
l'exercice empirique typique comporte l'utilisation de techniques statistiques (généralement l'analyse de
régression) pour tenter de déterminer la façon dont une augmentation du niveau d'études affectera les
revenus individuels ou la productivité moyenne au niveau agrégé. Par conséquent, le nombre d'années
d'études est la mesure du stock de capital humain la plus couramment utilisée à la fois pour les analyses
micro et macro-économiques. Parfois ce choix reflète un intérêt direct pour l'impact des études en tant que
tel, mais cette variable est souvent utilisée faute de meilleures mesures du capital humain. Il est largement
reconnu que le nombre d'années d'études sera au mieux une valeur de substitution imparfaite pour
exprimer le véritable stock de capital humain, et que ceci génère un problème d'erreur de mesure qui fera
que les résultats statistiques minimiseront la force du rapport entre capital humain et salaires ou
productivité. On espère toutefois que (puisque bon nombre des compétences importantes sont acquises via
l'éducation formelle) la corrélation entre années d'études et capital humain sera suffisamment forte pour
que les analyses utilisant la première comme valeur de substitution pour ce dernier produisent des
informations utiles.4
Dans la littérature micro-économique comme dans la littérature macro-économique, le cadre théorique
qui sous-tend l'analyse empirique présuppose une relation technique stable entre les intrants et la
production, qui peut être décrite par une fonction de production. Dans le cas de la littérature micro-
économique, on suppose en outre communément que les salaires observés reflètent les productivités
marginales. Dans les deux cas, l'objectif de l'analyse est d'obtenir des estimations d'un coefficient
technique mesurant la contribution de l'éducation à la productivité. Ce paramètre s'avère être un
déterminant important du rendement de l'investissement dans l'éducation et est souvent directement
interprété en tant que tel (même si certaines corrections spécifiques au modèle sont généralement
nécessaires pour obtenir le taux de rendement exact).5
Les comparaisons des estimations micro et macro-économétriques des rendements de l'éducation sont
potentiellement d'un grand intérêt, car les divergences qui existent entre elles peuvent nous signaler
l'existence d'externalités qui creusent un fossé entre les rendements privé et public de l'éducation et
peuvent demander une action politique corrective. Par exemple, si la productivité de chaque travailleur
augmente avec le niveau moyen d'éducation agrégé ainsi qu'avec son propre niveau d'études, le premier de
ces effets constituera une externalité et générera une tendance au sous-investissement dans l'éducation
dans la mesure où les individus négligeront de prendre en compte les bénéfices sociaux indirects qui
3 Il existe dans la littérature plusieurs études d'excellente qualité qui couvrent une grande partie des questions quenous aborderons. Voir notamment Griliches (1997), Card (1999) et Temple (2001).4 Certaines études récentes qui tentent de mesurer directement les compétences montrent que cette supposition estlargement vérifiée, mais aussi que d'autres éléments que l'éducation formelle contribuent au développement et aumaintien des compétences. Voir OCDE et Statistics Canada (2000) et partie 2 de l'annexe à ce rapport.5 Voir partie 5c ci-dessous.
14
peuvent naître de leurs choix en matière d'éducation. Dans ce contexte, les estimations micro-
économétriques concernant les équations relatives aux salaires réalisées à l'aide de données transversales
pour un pays donné ne saisiront que les effets de l'éducation liés au niveau d'études personnel (puisque
l'effet agrégé indirect ne varie pas selon les individus dans un pays donné), alors que les estimations
macro-économétriques réalisées à l'aide de données internationales devraient également rendre compte de
l'externalité. Par conséquent, le résultat selon lequel le rendement de l'éducation est plus élevé au niveau
agrégé qu'au niveau individuel peut être interprété comme la preuve de l'existence d'externalités positives
à même de justifier des subventions publiques destinées à amener l'investissement dans l'éducation à son
niveau optimal sur le plan social. À l'inverse, le résultat opposé peut être interprété comme contribuant à
signaler ou à repérer des théories dans lesquelles l'éducation n'accroît pas nécessairement la productivité
elle-même mais peut malgré tout augmenter les salaires dans la mesure où elle sert à signaler une aptitude
(c'est-à-dire qu'elle permet aux employeurs d'identifier les individus à forte capacité) ou à ouvrir l'accès à
des emplois privilégiés.
De telles comparaisons doivent être effectuées avec les plus grandes précautions car, même en
l'absence d'externalités, les estimations micro et macro-économiques des rendements de l'éducation
peuvent différer pour de nombreuses raisons. Une première raison, sur laquelle nous reviendrons plus
loin, est qu'il existe des problèmes statistiques (biais dus à l'omission de variables importantes, erreurs de
mesure des années de scolarité et relation de cause à effet inversée entre revenus et demande en matière
d'éducation) susceptibles d'affecter les deux séries d'estimations à différents degrés. Deuxièmement, il
convient de garder à l'esprit que les estimations micro et macro-économiques mesurent des choses
différentes. Même si les deux séries de coefficients reflètent effectivement la productivité marginale de
l'éducation, les estimations micro-économétriques nous indiqueront ce qu'il advient des revenus d'un
individu au fur et à mesure qu'augmente la durée de sa scolarité, en gardant constants les prix des facteurs
et le niveau moyen d'éducation à l'échelle de l'économie, alors que les estimations macro-économétriques
rendront compte des effets de l'évolution du niveau moyen d'éducation agrégé sur la productivité du
travail pour un stock agrégé de capital physique constant. Par conséquent, les coefficients des études
micro et macro-économiques ne sont pas directement comparables et doivent être corrigés (d'une manière
qui dépendra des spécifications économétriques choisies) avant que des conclusions valables puissent être
tirées quant à leurs valeurs respectives.6 Troisièmement, il se peut que les échelles des salaires ne reflètent
pas exactement les productivités marginales du fait des distorsions introduites par certaines institutions du
marché du travail. Dans des sociétés fortement hostiles à l'inégalité, par exemple, les conventions
collectives peuvent conduire à des échelles de rémunération relativement plates ("compression des
salaires") qui sont susceptibles de faire tomber l'estimation du rendement privé de l'éducation en dessous
de sa contribution à la productivité. Il faut tenir compte de cette possibilité lorsqu'on compare les
6 L'ajustement est essentiellement nécessaire pour maintenir le capital physique à un niveau constant dans lesestimations microéconomiques. Selon des hypothèses raisonnables, la correction requise implique de réduire lesestimations microéconométriques d'environ un tiers. Voir de la Fuente (2002a).
15
estimations micro-économétriques du rendement brut de l'éducation entre différents pays ou à leurs
équivalents macro-économétriques.
a. Capital humain et résultats du marché du travail: constat micro-économique
Les économistes du travail établissent souvent une distinction entre le capital humain accumulé au
cours de trois phases distinctes de la vie: le capital humain de départ, principalement acquis à la maison,
le capital humain acquis par l'éducation formelle, et le capital humain accumulé par la formation sur le
terrain. La plupart des travaux des chercheurs empiriques se sont concentrés sur les conséquences sur le
marché du travail du capital humain acquis par l'éducation formelle, essentiellement parce que c'est là la
composante du capital humain la plus facile à mesurer. Dans cette partie, nous passerons brièvement en
revue et résumerons les principales conclusions concernant les effets de l'éducation formelle sur le marché
du travail. Nous aborderons également les conséquences économiques de la formation sur le terrain, tant
pour l'individu qui bénéficie de la formation que pour l'entreprise qui la dispense.
Les trois conclusions principales qui ressortent du vaste corpus de travaux empiriques sur les
conséquences de l'éducation formelle sur le marché du travail sont les suivantes: des niveaux élevés
d'éducation sont associés à des salaires plus élevés, à des risques plus faibles de chômage, et à des taux de
participation à la main-d'œuvre plus élevés. La plupart des travaux portent sur la relation entre l'éducation
et les salaires. Cela s'explique par le fait que l'augmentation des salaires qui en résulte est la conséquence
économique la plus importante de niveaux supérieurs d'éducation formelle. De plus, comme nous l'avons
mentionné plus haut, les salaires sont souvent considérés comme reflétant la productivité marginale du
travail, ce qui suppose que la relation entre éducation formelle et salaires peut être utilisée pour analyser
les effets de l'éducation formelle sur la productivité.
i. Aspects méthodologiques de l'estimation de l'incidence de la scolarité formelle sur les salaires
Les travaux empiriques relatifs à l'incidence de la scolarité formelle sur les salaires estiment le
pourcentage d'augmentation des salaires lié à un supplément d'éducation. La principale difficulté
rencontrée pour estimer cette incidence de façon correcte est que les individus ayant un niveau d'éducation
élevé et ceux ayant un niveau faible sont différents à de nombreux égards, et pas seulement du point de
vue de la durée de leur scolarité. On peut citer comme exemple de caractéristiques le milieu familial et
l'aptitude. Pour autant que ces autres différences soient observables par les chercheurs, elles peuvent être
prises en compte directement dans l'analyse statistique. Des méthodes standardisées, à savoir l'estimation
par les moindres carrés, peuvent alors être utilisées pour cerner le pourcentage d'augmentation des salaires
lié à un supplément d'éducation formelle, en gardant constantes les autres caractéristiques observables
comme le milieu familial. Mais certaines caractéristiques des individus sont difficiles à observer. Par
exemple, on dispose souvent de peu d'informations sur l'aptitude des individus. Il en résulte des
difficultés, dans la mesure où, dans certains contextes, il semble probable que l'aptitude soit en
corrélation positive à la fois avec l'éducation et les salaires. Exclure l'aptitude des analyses et utiliser
l'estimation par les moindres carrés aura donc tendance à attribuer à l'éducation une partie de
l'augmentation de salaire liée à l'aptitude. Par conséquent, l'incidence de la scolarité sur les salaires serait
16
exagérée. Un autre problème rencontré dans l'estimation du pourcentage d'augmentation des salaires lié à
un supplément d'éducation formelle est que la scolarité individuelle est souvent consignée avec des
erreurs. Comme nous l'avons déjà mentionné, l'erreur de mesure à elle seule fait que les résultats par les
moindres carrés minimisent l'incidence de la scolarité formelle sur les salaires.
Les chercheurs empiriques ont emprunté deux voies différentes pour essayer de résoudre les difficultés
soulevées par les déterminants non observables des salaires et de la scolarité et les erreurs de mesure de la
scolarité individuelle. La première consiste à estimer l'incidence de la scolarité sur les salaires en utilisant
des données relatives à des jumeaux (identiques). L'idée de base est que des jumeaux présentent
davantage de similarités à de nombreux égards que deux individus choisis de façon aléatoire, et que
l'omission de déterminants des salaires et de la scolarité poserait ainsi moins de problèmes pour estimer
l'incidence de la scolarité formelle sur les salaires en utilisant les techniques par les moindres carrés. La
deuxième s'appuie sur une technique statistique non standardisée appelée estimation par variable
instrumentale (VI). L'approche fondée sur la VI nécessite une variable supplémentaire, appelée
instrument, qui affecte les années de scolarité mais n'est pas en corrélation avec les déterminants des
salaires omis ou avec l'erreur de mesure de la scolarité individuelle. En utilisant cet instrument, le
chercheur obtient tout d'abord une estimation de l'effet de l'instrument sur la scolarité puis sur les salaires.
L'estimation par la variable instrumentale de l'effet de la scolarité formelle sur le salaire est obtenue en
divisant ce dernier par la première. Les instruments utilisés en pratique incluent les changements
institutionnels influant sur l'âge de la fin de la scolarité ou les modifications des frais de scolarité.
Encadré 1: Régressions salariales et "rendement" de la scolarité selon Mincer______________________________________________________________________
Selon Mincer (1974), l'équation utilisée pour estimer l'effet de la scolarité individuelle sur le salaireindividuel était
(1) lnWi � � ��Si � �ei � �ei2��X i �ui
W étant le salaire (horaire), S la scolarité, e l'expérience, X un ensemble d'autres caractéristiquesindividuelles, et u la variation des log-salaires dont ne rendent pas compte les variables du second membrede l'équation. Le paramètre ��mesure le pourcentage d'augmentation des salaires associé à une annéesupplémentaire de scolarité et est supposé indépendant du niveau de scolarité (bien que cette spécificationsemble assez restrictive a priori, il a été démontré qu'elle cadrait bien avec les données dans de nombreuxpays développés (par ex. Heckman, Lochner, et Todd (2001)). Mincer montre que dans certainesconditions, qui impliquent qu'il n'y ait pas de coûts directs de l'éducation, ��peut être interprété comme levéritable rendement privé de la scolarité. C'est la raison pour laquelle il est souvent fait référence auxestimations de ��comme représentant le "rendement de la scolarité". Cependant, en général, ��ne sera paségal au véritable rendement de la scolarité pour différentes raisons, notamment le fait qu'il existe un coûtdirect de l'éducation (voir encadré 5 ci-dessous). C'est pourquoi nous nous référerons à � comme étant lerendement de la scolarité selon Mincer (il est parfois également fait référence à � comme étant la primede salaire liée à la scolarité ou le rendement brut de la scolarité).______________________________________________________________________
ii. Passage en revue des estimations obtenues selon différentes méthodologies
Dans de nombreux cas, les seules estimations du rendement de la scolarité selon Mincer dont nous
disposons sont obtenues à l'aide de techniques statistiques standardisées. Il est donc important de
comprendre si les estimations du rendement de la scolarité selon Mincer obtenues au moyen de techniques
17
des moindres carrés sont systématiquement différentes de celles s'appuyant sur des jumeaux ou sur une
approche utilisant la VI. La littérature de plus en plus abondante sur ce sujet suggère que, globalement, les
estimations obtenues en utilisant des jumeaux ou une approche à VI sont légèrement supérieures à celles
qui recourent à des techniques des moindres carrés. La question de savoir si ces différences sont
significatives est analysée par Ashenfelter, Harmon et Oosterbeek (1999). Examinant les résultats de
diverses études menées aux États-Unis ainsi que dans sept autres pays entre 1974 et 1995, ils constatent
que les estimations par VI et celles fondées sur les études sur les jumeaux dépassent les estimations par les
moindres carrés de 3,1 et 1,6%. Cette différence se réduit cependant une fois vérifié le fait que les études
ne produisant pas de résultats intéressants - différence non significative entre les estimations par VI et par
les moindres carrés par exemple - ont moins de chances d'être publiées. Les différences corrigées sont
respectivement de 1,8 et 0,9%.
iii. Tendances à travers le temps du rendement de la scolarité selon Mincer
Il est solidement documenté que le rendement de la scolarité selon Mincer a diminué aux États-Unis au
cours des années 1970 pour augmenter pendant les années 1980, générant un schéma temporel en forme
de U pour les différentiels salariaux liés à l'éducation. Il existe un consensus autour de l'idée que ces
changements peuvent être interprétés comme le résultat de retournements de l'offre et de la demande en
capital humain. L'idée de base est que l'augmentation de l'offre en travailleurs à capital humain élevé a
dominé la croissance de la demande au cours des années 1970, réduisant le rendement de la scolarité selon
Mincer. Au cours des années 1980 en revanche, l'augmentation de la demande en travailleurs à capital
humain élevé a été supérieure à la croissance de l'offre, augmentant la prime de salaire liée à la scolarité
(voir Katz et Murphy (1992)). La croissance de la demande en capital humain est communément attribuée
à l'évolution technologique.
Le rendement de la scolarité selon Mincer a suivi dans l'ensemble de l'Europe un schéma temporel en
U similaire à celui des États-Unis. Dans les années 1960, le rendement de la scolarité selon Mincer était
supérieur à celui des années 1970. Dans les années 1980, le rendement de la scolarité selon Mincer a
continué à diminuer, mais il a commencé à remonter au cours des années 1990. Denny, Harmon et Lydon
(2001) confirment ce schéma en passant en revue un grand nombre d'études sur le rendement de la
scolarité selon Mincer dans différents pays d'Europe et sur plusieurs périodes. En comparant les États-
Unis à l'Europe, ils montrent que le rendement de la scolarité selon Mincer en Europe dépassait celui
constaté aux États-Unis au début des années 1960. Au cours des années 1960 et 1970, les estimations du
rendement de la scolarité selon Mincer en Europe et aux États-Unis sont tombées à un taux similaire. Mais
les estimations relatives aux États-Unis ont atteint leur minimum à la fin des années 1970, alors que les
estimations européennes ont continué de décliner jusqu'au milieu des années 1980. L'augmentation
postérieure des estimations du rendement de la scolarité selon Mincer a été beaucoup plus prononcée aux
États-Unis. En 1997, le rendement de la scolarité selon Mincer aux États-Unis était de 3% supérieur à
celui constaté en Europe. Il importe cependant de garder à l'esprit que, si le schéma d'évolution général en
Europe était similaire à celui des États-Unis, les comportements variaient énormément entre les pays
d'Europe.
18
iv. Différences entre les pays d'Europe
Le rendement de la scolarité selon Mincer varie considérablement entre les pays d'Europe. Par
exemple, Harmon, Walker et Westergaard-Nielsen (2001) constatent que le rendement de la scolarité
selon Mincer est le plus faible dans les pays scandinaves (autour de 4% en Norvège, Suède et Danemark;
la Finlande faisant figure d'exception) et le plus élevé en Irlande et au Royaume-Uni (environ 12%). En
passant en revue un grand nombre d'études, ils parviennent à un rendement moyen de la scolarité selon
Mincer d'environ 6,5% en Europe. Un constat similaire est dressé par Denny, Harmon et Lydon (2001),
qui estiment le rendement de la scolarité selon Mincer en utilisant des données homogénéisées portant sur
différents pays d'Europe. Ils constatent d'importantes différences, la Norvège étant au plus bas et l'Irlande
et le Royaume-Uni au plus haut niveau. Mais une incertitude de taille persiste quant à la façon dont les
pays d'Europe se classent par rapport à la prime de salaire liée à la scolarité (Banque européenne
d'investissement, 2001)).
v. Différentiels femmes-hommes
Dans la plupart des pays industrialisés, le différentiel salarial hommes-femmes a diminué au cours des
dernières décennies. Ceci s'explique en partie par le fait que les différences de nombre d'années d'études
entre travailleurs à plein temps hommes et femmes ont largement disparu (voir Blau et Kahn (1997),
Harkness (1996)). Ce n'est pas seulement la durée de la scolarité des femmes, mais également leur
participation à la main-d'œuvre et, partant, l'expérience accumulée par les femmes sur le marché du travail
qui a augmenté. Cette évolution de l'expérience semble avoir été encore plus importante pour la réduction
du différentiel salarial hommes-femmes que l'augmentation des années d'études. Aujourd'hui, ce n'est pas
par la durée de la scolarité, mais plutôt par les différences existant entre les disciplines que les hommes et
les femmes étudient ainsi que par les différences d'aptitudes et de résultats selon les disciplines, que la
scolarité semble affecter les différentiels salariaux hommes-femmes. Par exemple, de récents résultats du
Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA; OCDE (2001)) indiquent que, si les
hommes ont tendance à être moins performants en lecture, les femmes semblent avoir une faiblesse en
mathématiques.
Un nombre inférieur d'heures de travail et d'années de présence sur le marché du travail conduit, selon
la théorie standard relative au capital humain, à un investissement moindre dans le capital humain en
général. En outre, les femmes ont traditionnellement un taux de rotation plus élevé que les hommes. La
cessation de travail prévue peut dissuader d'un investissement dans le capital humain spécifique à
l'employeur. Le constat empirique vient renforcer l'idée que les femmes ont moins de probabilités de
bénéficier d'une formation (voir Lynch (1992)). En outre, les hommes bénéficient d'une durée de
formation plus importante et ont plus de probabilités d'occuper des emplois nécessitant des périodes de
formation plus longues (voir Altonji et Spletzer (1991), Barron, Black, et Lowenstein (1993)).
Les recherches se sont multipliées sur l'incidence du travail à temps partiel et du travail temporaire sur
les salaires des femmes. Les femmes sont fortement surreprésentées dans les emplois à temps partiel et les
emplois temporaires, pour lesquels le salaire horaire est généralement inférieur à celui des emplois à plein
19
temps ou permanents. Alors que les différences de scolarité entre travailleurs hommes et femmes à temps
plein ont complètement disparu pour les cohortes les plus jeunes, les femmes travaillant à temps partiel
continuent d'être moins qualifiées que les hommes ou les femmes travaillant à temps plein. Par
conséquent, le niveau de rémunération des femmes travaillant à temps partiel a peu évolué au cours des
dernières dizaines d'années (voir Harkness (1996)).
Il est tout à fait manifeste que le rendement de la scolarité selon Mincer est plus élevé pour les femmes
que pour les hommes dans les pays d'Europe. Par exemple, Harmon, Walker et Westergaard-Nielsen
(2001) constatent que l'incidence de la scolarité sur les salaires des femmes est supérieure à l'incidence sur
les salaires des hommes, de 5% en Irlande et de 2% ou plus en Italie, Allemagne (de l'ouest), Grèce, et au
Royaume-Uni. Denny, Harmon et Lydon (2001) affirment que le différentiel est plus grand dans les pays
dans lesquels la participation des femmes à la main-d'œuvre est plus faible.
vi. Incidence de l'éducation sur le chômage et la participation à la main-d'œuvre
L'éducation formelle affecte les revenus de toute une vie, notamment par le biais de la probabilité de
chômage. Par exemple, selon une étude de la Banque européenne d'investissement (Heinrich et
Hildebrand, 2001), les hommes titulaires d'un diplôme universitaire ont des taux de chômage moins élevés
que les travailleurs moins éduqués dans l'ensemble des pays européens à l'exception du Danemark. De
plus, les différences sont parfois très importantes. En Irlande par exemple, le taux de chômage parmi les
hommes possédant un niveau d'instruction de base est cinq fois plus élevé que le taux de chômage des
hommes diplômés d'université. En Finlande, les travailleurs hommes possédant un niveau d'instruction de
base ont deux fois plus de probabilités d'être au chômage que ceux qui ont achevé le deuxième cycle de
l'enseignement secondaire. Le schéma est plus complexe chez les femmes. Toutefois, dans la majorité des
pays d'Europe, le taux de chômage des femmes diminue avec leur niveau d'études.
L'éducation a également des répercussions sur la participation à la main-d'œuvre. Par exemple, selon
l'étude de la BEI, les femmes belges possédant un niveau d'études universitaires ont 42% de plus de
chances de participer à la main-d'œuvre que celles qui possèdent une éducation de base; de même, les
femmes néerlandaises ayant achevé leur second cycle d'éducation secondaire ont 22% de chances en plus
de participer à la main-d'œuvre que celles qui possèdent une éducation de base. La seule exception à cette
règle semble être le Royaume-Uni, où les femmes possédant une éducation de niveau secondaire ont
moins de probabilités de participer à la main-d'œuvre que celles qui possèdent une éducation de base.
De récentes données d'Eurostat confirment également l'existence d'une forte relation entre le niveau
d'études et l'emploi et les taux de participation. Comme l'illustrent les graphiques 1 et 2, les taux de
chômage décroissent et les taux de participation augmentent lorsqu'on passe de faibles niveaux
d'éducation à des niveaux élevés, et ce dans pratiquement tous les pays de l'UE (la Grèce et le Portugal
étant en partie des exceptions en ce qui concerne le taux de chômage, qui dans ces pays est le plus élevé
20
Graphique 1: Chômage par niveau d'éducation atteint
0
2
4
6
8
10
12
14
ES GR FI DE FR IT total BE SE UK AT DK PT NL LU
bas moyen haut
Graphique 2: Participation à la main-d'œuvre par niveau d'éducation atteint
50
60
70
80
90
100
PT SE UK DK FI FR NL ES total BE AT IT DE LU GR
bas moyen haut
- Source: Eurostat, Enquête sur les forces de travail, printemps 2000.- Les données se réfèrent à la population âgée de 25 à 64 ans. Le niveau bas inclut l'enseignement primaire et lepremier cycle du secondaire ainsi que la formation professionnelle élémentaire (niveaux 1 et 2 de la CITE); moyen seréfère à l'enseignement secondaire de deuxième cycle et aux programmes supérieurs de formation professionnelle(CITE 3 et 4); et haut à la formation post-secondaire (niveau 5 ou plus de la CITE). Il n'existe pas de données pourl'Irlande.- Légende: PT = Portugal; SE = Suède; UK = Royaume-Uni; DK = Danemark; FI = Finlande; FR = France; NL =Pays-Bas; ES = Espagne; total = ensemble de l'échantillon; BE = Belgique; AT = Autriche; IT = Italie; DE =Allemagne; LU = Luxembourg et GR = Grèce.
pour les niveaux d'études moyens). Pour l'ensemble de l'échantillon, passer d'un niveau d'études faible à
un niveau intermédiaire réduit le taux de chômage de 3,95 points et augmente la participation à la main-
d'œuvre de 18,8 points. Lorsqu'on considère la différence entre les catégories aux niveaux les plus élevés
et les plus faibles, ces chiffres atteignent respectivement 6,33 et 27,2 points.
21
vii. Le taux de rendement de l'éducation
Jusqu'à présent, nous avons abordé uniquement le rendement de la scolarité selon Mincer. Nous
passons à présent au véritable rendement de la scolarité, c'est-à-dire au rendement des ressources investies
dans l'éducation.7 La littérature distingue deux taux de rendement, le taux de rendement privé et le taux de
rendement social. Le taux de rendement établit un rapport entre les ressources investies par ceux qui
reçoivent l'éducation (le coût de l'opportunité ainsi que les coûts directs) et les bénéfices privés de
l'éducation. Le rendement social inclut le coût public de l'éducation dans ces calculs. Notons que, si le
rendement social rend compte de l'ensemble des ressources (privées et publiques) investies dans
l'éducation, il rapporte uniquement ces ressources aux bénéfices privés de l'éducation (c'est-à-dire qu'il ne
rend pas compte d'éventuelles externalités). Idéalement, le taux de rendement social de l'éducation devrait
établir un rapport entre l'ensemble des ressources investies dans l'éducation et l'ensemble des bénéfices de
l'éducation.
Selon une récente étude de l'OCDE (OCDE (2001b)), le rendement privé d'un niveau d'études
supérieures pour les hommes en Europe atteint en moyenne plus de 12%. Le pays possédant le taux de
rendement le plus élevé est le Royaume-Uni (17,3%), suivi par le Danemark (13,9%) et la France
(12,2%). L'Italie (6,5%) se situe au bas du classement. Le taux moyen de rendement de l'enseignement
secondaire de deuxième cycle pour les hommes se situe également autour de 12%, le Royaume-Uni
(15,1%) et la France (14,8%) tenant le haut du classement et la Suède (6,4%) et les Pays-Bas (7,9%) se
situant tout en bas. Le taux de rendement moyen pour les femmes est similaire lorsqu'il s'agit de
l'enseignement supérieur, mais le classement diffère. Le pays possédant le rendement privé le plus élevé
de l'enseignement supérieur pour les femmes est le Royaume-Uni (15,2%), suivi par les Pays-Bas (12,3%)
et la France (11,7%). Le rendement privé moyen de l'enseignement secondaire de deuxième cycle pour les
femmes en Europe se situe autour de 11%, la France (19,2%) et le Danemark (10,5%) tenant le haut du
classement et l'Allemagne (6,9%) arrivant dernière (les données relatives au Royaume-Uni n'étaient pas
disponibles dans ce cas).
Les taux de rendement sociaux sont généralement quelque peu inférieurs aux taux de rendement
privés. Par exemple, le taux de rendement social d'un niveau d'études supérieures pour les hommes est en
moyenne de 2% inférieur au rendement privé (le Danemark et la Suède sont atypiques puisque le taux de
rendement social y est supérieur de 4% ou plus). Pour les femmes, l'écart entre le rendement social et le
rendement privé est similaire (mais les Pays-Bas rejoignent alors les pays atypiques puisque le rendement
privé y excède le rendement social de 6%). La comparaison des taux de rendement sociaux et privés de
l'enseignement secondaire de deuxième cycle produit un schéma très similaire.
Il conviendrait de garder à l'esprit que ces taux de rendement sont très probablement des minima, et ce
pour deux raisons. La première est que ces rendements sont fondés sur des estimations par les moindres
carrés du rendement de la scolarité selon Mincer. Nous avons déjà vu que des estimations de l'incidence
de l'éducation sur les salaires utilisant des techniques plus sophistiquées donnaient des résultats supérieurs
7 Voir partie 5.c ci-dessous pour un examen plus détaillé du calcul du véritable taux de rendement de la scolarité.
22
de 1 à 2% en moyenne. Deuxièmement, les taux de rendement sociaux n'incluent pas les bénéfices sociaux
qui viennent s'ajouter aux bénéfices privés de l'éducation (voir Arias et McMahon (1999)). Nous
affirmerons plus loin que, bien qu'il existe une très grande incertitude concernant ces bénéfices, ils sont
potentiellement importants.
viii. Formation sur le terrain, capital humain et productivité au niveau de l'entreprise
La littérature relative à la formation sur le terrain s'est penchée sur trois questions essentielles.
Premièrement, la formation sur le terrain augmente-t-elle la productivité et la rentabilité au niveau de
l'entreprise? La formation sur le terrain augmente-t-elle les salaires? Et qui bénéficie d'une formation sur
le terrain?
Il est tout à fait manifeste que la formation sur le terrain accroît la productivité à l'échelle de
l'entreprise (voir Bartel (1991), Lynch et Black (1995)). En outre, la formation sur le terrain est aussi une
source d'innovation et donc de compétitivité à long terme des entreprises (voir Blundell, Dearden, Meghir,
et Sianesi (1999)). S'agissant de la rentabilité de l'entreprise, le constat est mitigé, certaines études
affirmant que la rentabilité augmente et d'autres qu'elle est inchangée.8 Cela n'a rien de surprenant dans la
mesure où le rapport théorique entre croissance de la productivité au niveau de l'entreprise et rentabilité
est complexe.
On constate invariablement que les travailleurs bénéficiant d'une formation sur le terrain perçoivent
des rémunérations plus élevées (voir Blundell, Dearden, et Meghir). Par exemple, les individus suivant
une formation professionnelle sur le terrain au Royaume-Uni gagnent en moyenne 5% de plus que ceux
qui n'ont pas suivi une telle formation.
Concernant la question de savoir qui bénéficie d'une formation sur le terrain, on constate que, en
moyenne, la formation est dispensée aux travailleurs possédant des aptitudes et une éducation supérieures.
Par conséquent, les trois composantes du capital humain (capital humain de départ, éducation formelle et
formation sur le terrain) tendent à être complémentaires sur l'ensemble du cycle de vie des travailleurs
(voir Lynch et Black (1995)). Cependant, la formation sur le terrain de travailleurs à faibles qualifications
a des effets importants sur leur productivité (voir Blundell, Dearden, Meghir, et Sianesi (1999)). Il est
également manifeste que la formation est particulièrement fructueuse dans un environnement
technologique en évolution rapide (voir Bartel et Sicherman (1993)).
Les travaux empiriques réalisés au niveau de l'entreprise indiquent aussi un rapport évident entre
capital humain et productivité au niveau de l'entreprise (voir Lynch et Black (1995), Blundell, Dearden,
Meghir, et Sianesi (1999)). En outre, les travailleurs à capital humain élevé sont une source directe
d'innovation et donc de compétitivité à long terme. Ceci n'est évidemment pas vraiment surprenant dans la
mesure où les entreprises n'emploient de travailleurs à capital humain élevé, qui sont plus chers, que si
leur productivité compense le surcoût.
8 Par exemple, Bassi, Harrison, Ludwig et McMurrer (2001) montrent que les entreprises investissant dans laformation versent des dividendes supérieurs à la moyenne à leurs actionnaires. Mais ils soulignent également que, sicette corrélation peut correspondre à un effet de causalité, il se peut également qu'elle reflète le fait que la formationconstitue un indicateur avancé d'autres facteurs se traduisant par une rentabilité élevée.
23
ix. L'évolution technologique et l'incidence du capital humain sur les salaires
L'explication la plus importante qui soit suggérée concernant le rapport positif entre salaires et
scolarité est que l'éducation permet aux individus d'adopter, de mettre en œuvre ou de travailler avec des
technologies plus perfectionnées. Nous résumons d'abord brièvement les principales théories, puis nous
examinons le constat empirique concernant la relation entre, d'une part, la technologie et la demande en
capital humain et, d'autre part, les salaires et l'emploi. Nous nous limitons à l'analyse d'études utilisant des
mesures directes de la technologie.
Ces dernières décennies ont vu se produire des mutations technologiques essentielles telles que la
propagation rapide des ordinateurs, l'expansion des techniques de production assistées par ordinateur et
des robots, ainsi que l'arrivée de nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Comment ces changements agissent-ils sur la demande relative en travailleurs à capital humain élevé?
Deux hypothèses tentent en fait d'expliquer la relation entre la demande relative en travailleurs à capital
humain élevé et l'évolution technologique. La première met en rapport le taux d'évolution technologique
et la demande en travailleurs à capital humain élevé. Si les travailleurs possédant un niveau d'études élevé
sont comparativement avantagés lorsqu'il s'agit de s'adapter aux nouvelles technologies et de les mettre en
œuvre, alors la propagation de ces nouvelles technologies est susceptible d'augmenter la demande en
travailleurs à capital humain élevé par rapport à celle en travailleurs à faible capital humain. Si
l'accroissement de la demande en travailleurs à capital humain élevé devance l'augmentation de l'offre, le
rendement de la scolarité selon Mincer augmente. La seconde hypothèse prétend que les nouvelles
technologies introduites au cours des dernières décennies sont "biaisées vers les qualifications", c'est-à-
dire qu'elles remplacent les tâches les plus consommatrices de main-d'œuvre et sont complémentaires de
travailleurs à capital humain élevé. Par conséquent, le passage aux nouvelles technologies produit une
augmentation de la demande en capital humain, la production et les prix relatifs restant constants.
On constate de façon très claire que les industries plus informatisées ou à forte intensité de R&D ont
accru leur demande en travailleurs de formation universitaire à un rythme plus rapide dans les années
1980. Par exemple, Machin et Van Reenen (1998), utilisant l'intensité de R&D au niveau industriel
comme mesure de la technologie, démontrent l'existence d'une évolution technologique biaisée vers les
qualifications au Danemark, en France, en Allemagne, au Japon, en Suède et au Royaume-Uni. Berman,
Bound et Griliches (1994) ainsi que Autor, Katz et Krueger (1996) démontrent une forte corrélation
positive entre le niveau d'investissement dans l'informatique et la demande en capital humain au niveau
industriel. En utilisant des données transversales relatives à des usines américaines, Doms, Dunne et
Troske (1997) parviennent également à la conclusion que les technologies avancées sont accompagnées
d'une plus forte demande en capital humain. L'examen des mêmes usines à différents moments révèle
cependant que les usines qui adoptent de nouvelles technologies présentent une proportion plus
importante de travailleurs à capital humain élevé avant même l'adoption des nouvelles technologies. Le
capital humain est donc une condition préalable nécessaire à la mise en œuvre de nouvelles technologies.
Aguirrebriria et Alonso-Borrego (1997), Dueguet et Greenan (1997), ainsi que Haskel et Heden (1997)
24
parviennent à des conclusions similaires en exploitant des données relatives à des usines espagnoles,
françaises et britanniques.
S'il est démontré que l'évolution technologique influe sur la demande relative en travailleurs à capital
humain élevé, seules un petit nombre d'études examinent les mécanismes exacts. Certains auteurs
avancent que des changements organisationnels pourraient jouer un rôle clé (voir Dunne, Haltiwanger et
Troske (1996), Machin et van Reenen (1998)). Dans la plupart des pays industrialisés, on a constaté une
tendance à moins de hiérarchie et à des formes organisationnelles plus flexibles, les travailleurs
bénéficiant d'une plus grande autonomie et effectuant un éventail plus large de tâches. Caroli et Van
Reenen (1999) utilisent un échantillon d'usines britanniques et françaises pour chercher à savoir si les
changements organisationnels tels que la décentralisation du pouvoir, la déstratification des fonctions
d'encadrement et la polyvalence croissante affectent la demande en capital humain. Ils constatent que ces
changements ont tendance à réduire la demande en travailleurs à faible capital humain et conduisent à une
plus forte croissance de la productivité (notamment dans les établissements présentant des niveaux
moyens de capital humain supérieurs).
L'accroissement du rendement de la scolarité selon Mincer et l'augmentation des inégalités salariales
aux États-Unis au cours des années 1980, conjugués à l'idée répandue selon laquelle l'évolution
technologique pourrait être le moteur de ces phénomènes, ont donné lieu à un grand nombre d'études sur
le rapport entre salaires et évolution technologique. L'idée consensuelle qui ressort de ces études est que
l'accroissement de la prime de salaire liée à la scolarité et l'augmentation des inégalités salariales sont mus
par l'évolution technologique. Par exemple, Mincer (1993) montre que les revenus relatifs des diplômés
d'université aux États-Unis ont augmenté avec l'intensité cumulée de R&D entre 1963 et 1987. Krueger
(1993) affirme que la structure des salaires a été modifiée par l'introduction généralisée des ordinateurs.
Et Allen (1998) constate que c'est dans les industries à fort capital de R&D et de technologie de pointe
que la prime de salaire liée à la scolarité a le plus augmenté entre 1979 et 1989.
Au niveau de l'entreprise et de l'industrie, il semble ne pas y avoir de solide corrélation positive entre
l'évolution technologique et les salaires des travailleurs à capital humain élevé (voir DiNardo et Pischke
(1997), Entorf et Kramarz (1997)). Mais ceci n'a rien de vraiment suprenant dans la mesure où une
croissance de la productivité biaisée en faveur des qualifications au niveau d'une seule entreprise ou d'une
seule industrie se traduira par une demande accrue en capital humain et non par des salaires dans un
environnement concurrentiel.
x. Évolution technologique et emploi
Pour comprendre l'effet théorique de l'évolution technologique sur l'emploi, supposons qu'une
entreprise décide de mettre en œuvre un processus de production assisté par ordinateur. La mise en œuvre
de ce nouveau processus permet à l'entreprise d'obtenir le même volume de production pour un niveau
d'emploi plus faible, ce qui génère un effet négatif sur l'emploi. Ceci se traduit par une réduction des coûts
et par une diminution des prix. La diminution des prix peut se traduire par un élargissement de la demande
et donc de la production, ce qui génère un effet positif sur l'emploi. Le fait que le niveau d'emploi soit
supérieur avant ou après l'adoption de la nouvelle technologie dépend de différents facteurs. L'effet positif
25
sur l'emploi a tendance à augmenter avec la concurrence dans le secteur qui connaît l'évolution
technologique, l'ampleur des économies d'échelle, et l'élasticité de la demande. Ces considérations font
que la relation entre l'évolution technologique et l'emploi aux niveaux de l'entreprise et de l'industrie est a
priori peu claire. Les études empiriques portant sur la relation entre l'emploi et la technologie sont
relativement rares. Analysant les industries manufacturières dans l'OCDE, Blechinger, Kleinknecht, Licht
et Pfeiffer (1998) montrent que les industries à forte intensité de R&D ont connu une expansion plus
rapide. Toutefois, les études menées au niveau de l'entreprise offrent une grande variété de résultats
portant sur différents pays. Il apparaît que l'innovation en matière de produits a un effet positif sur la
croissance de l'emploi en Allemagne mais un effet négatif en France (voir Entorf et Pohlmeier (1990),
Greenan et Guellac (2000)). Le constat concernant les innovations en matière de procédés est également
mitigé (voir Blanchflower et Burgess (1998), Blechinger et al. (1998)).
xi. Rendements non marchands de la scolarité
Nous avons jusqu'ici examiné uniquement le rendement de l'éducation en terme d'amélioration des
résultats sur le marché du travail. Il existe une volumineuse littérature identifiant les rendements
supplémentaires non marchands pour les individus et les familles (voir McMahon (1998)). La principale
composante de ces rendements supplémentaires est généralement considérée comme étant l'effet positif de
l'éducation sur la santé personnelle et sur celle des familles qui ont à leur tête des individus mieux
éduqués. Par exemple, les hommes plus instruits ont un risque plus faible de mourir d'une maladie
cardiaque, et les enfants des femmes plus instruites présentent des taux de mortalité plus faibles (voir
Feldman et al. (1989)). Certaines études affirment que les bénéfices pour la santé peuvent ajouter jusqu'à
40% au rendement de la scolarité sur le marché du travail (voir Wolfe et Zuvekas (1997)). Une autre
composante non marchande importante du rendement de la scolarité est l'efficacité de la production
domestique, y compris la gestion des finances domestiques et l'éducation des enfants. Par exemple, les
ménages qui ont à leur tête des individus plus instruits obtiennent de meilleurs rendements de leurs avoirs
financiers, et les enfants de parents plus instruits fréquentent plus longtemps l'école et y obtiennent de
meilleurs résultats (voir Solomon (1975), Angrist et Levy (1996)). En outre, les individus plus instruits
sont des apprenants plus efficaces au cours de leur vie (voir Mincer (1993)). Ces rendements non
marchands signifient que les rendements privés et sociaux du capital humain sur le marché du travail
devraient être considérés comme des valeurs basses lorsqu'il s'agit de prendre des décisions
d'investissements.
b. Capital humain et croissance: constat macro-économique
Cette partie étudie le constat macro-économique relatif aux effets de l'éducation sur la croissance.
Après un bref examen du rôle du capital humain dans de récentes théories de la croissance, nous
examinons les spécifications les plus communément utilisées dans les travaux empiriques dans ce
domaine, certaines questions économétriques qui se posent lors de leur estimation, ainsi que les
26
principales conclusions de la littérature. Un passage en revue plus détaillé de la littérature figure dans la
partie 3 de l'annexe au présent rapport.9
i. Le capital humain dans la théorie de la croissance
L'une des principales caractéristiques des "nouvelles" théories de la croissance développées ces
dernières années a été l'élargissement du concept de capital utilisé. Alors que les modèles traditionnels
néoclassiques se concentraient presque exclusivement sur l'accumulation de capital physique (équipement
et structures), les contributions plus récentes ont attribué une importance croissante à l'accumulation de
capital humain et de connaissances productives ainsi qu'à l'interaction entre ces deux facteurs.10
Les modèles théoriques relatifs au capital humain et à la croissance sont élaborés autour de l'hypothèse
examinée dans la partie 2, selon laquelle les connaissances et les compétences que possèdent les individus
accroissent directement la productivité et augmentent l'aptitude d'une économie à développer et à adopter
de nouvelles technologies. Afin d'explorer ses implications et d'ouvrir la voie à son expérimentation
empirique, cette hypothèse de départ est généralement formalisée de deux manières (qui ne sont pas
exclusives l'une de l'autre). La plus simple consiste à introduire le stock de capital humain (représenté par
H tout au long de ce rapport) comme intrant supplémentaire dans une fonction de production standard par
ailleurs et liant la production agrégée aux stocks d'intrants de production (généralement l'emploi et le
capital physique) et à un indice d'efficacité technique ou de productivité totale des facteurs (PTF). La
deuxième possibilité consiste à inclure H dans le modèle comme un déterminant du taux de progrès
technologique (c'est-à-dire du taux de croissance de la PTF). Ceci suppose de spécifier une fonction de
progrès technique qui pourrait inclure comme arguments supplémentaires des variables liées à
l'investissement dans la R&D et l'écart entre chaque pays et la frontière technologique mondiale. Nous
nommerons le premier de ces rapports entre capital humain et productivité effets de niveau (parce que le
stock de capital humain a une incidence directe sur le niveau de production) et le second effets de taux
(parce que H affecte le taux de croissance de la production via la PTF). Comme nous le soulignerons plus
bas, la distinction entre ces deux types d'effets, si elle est claire d'un point de vue conceptuel, est souvent
moins nette dans la pratique que ce qui peut ressortir de la discussion précédente, notamment dans les
modèles qui permettent la diffusion de la technologie dans différents pays.
Certains modèles théoriques récents suggèrent également que l'accumulation de capital humain peut
donner lieu à d'importantes externalités, dans la mesure où une partie des avantages que présente une
main-d'œuvre plus éduquée va généralement ""s'échapper" et générer des bénéfices que ne pourront
s'approprier, sous la forme de revenus plus élevés, ceux qui auront consenti l'investissement
correspondant, creusant par là-même un fossé entre les taux de rendement privés et sociaux concernés.
Lucas (1988), par exemple, suggère que le stock moyen de capital humain au niveau de l'économie tout
entière accroît la productivité au niveau de l'entreprise pour un stock constant de capital humain propre à
9 Cette partie, ainsi que certains passages de la partie 5, se fondent sur les travaux de de la Fuente (2002a).10 Voir en particulier Lucas (1988), Romer (1989), Azariadis et Drazen (1990), Mankiw, Romer et Weil (1992) etJones (1996). Certaines études récentes, dans cette littérature, s'appuient sur des travaux antérieurs, notamment deUzawa (1965), Nelson et Phelps (1969) et Welch (1970).
27
l'entreprise. On suppose aussi communément que les effets de taux du capital humain via la fonction de
progrès technique comportent une part importante d'externalités dans la mesure où il est difficile de
s'approprier à titre privé la pleine valeur économique de nouvelles idées. Azariadis et Drazen (1990), et,
implicitement, Lucas (1988) également, soulignent que les cohortes les plus jeunes sont susceptibles de
bénéficier des connaissances et compétences accumulées par leurs aînés, ce qui génère des externalités
inter-générations potentiellement importantes qui opèrent tant à la maison qu'à l'école. La littérature
suggère également que le capital humain peut générer des externalités "civiques" plus diffuses, dans la
mesure où une augmentation du niveau d'études de la population peut aider à réduire les taux de
criminalité ou contribuer au développement d'institutions plus efficaces.
ii. Formulations empiriques
Les études empiriques des effets sur la productivité du capital humain (ou, plus largement, des
déterminants de la croissance économique) ont suivi une des deux approches suivantes. La première
suppose la spécification et l'estimation d'une équation ad hoc mettant en relation la croissance de la
production totale ou par habitant et un ensemble de variables jugées pertinentes sur la base de
considérations théoriques informelles. La seconde approche s'appuie sur l'estimation d'une relation
structurelle entre le niveau de production ou son taux de croissance et les variables explicatives
correspondantes, dérivée d'un modèle théorique explicite élaboré autour d'une fonction de production
agrégée et, éventuellement, d'une seconde fonction qui décrit les déterminants du progrès technique.
Ce cadre de base de l'analyse "structurelle" des déterminants de la croissance peut donner naissance à
un grand nombre de spécifications empiriques. Comme il est expliqué de façon plus détaillée dans
l'encadré 2, la fonction de production peut être estimée directement à l'aide des variables appropriées
exprimées en niveaux ou en taux de croissance lorsque des données fiables sont disponibles pour les
stocks de tous les intrants de production correspondants. Ses paramètres peuvent également être retrouvés
à partir d'autres spécifications (équations de convergence et de stabilité) qui sont conçues pour
l'estimation lorsque seules des données sur les flux d'investissement (plutôt que sur les stocks de facteurs)
sont disponibles. Ces spécifications peuvent être dérivées de fonctions de production en remplaçant les
stocks de facteurs ou leurs taux de croissance par des approximations adaptées construites à l'aide des taux
d'investissement observés.
Encadré 2: Quelques spécifications de la croissance couramment utilisées____________________________________________________________
De nombreuses études des déterminants de la croissance présupposent une fonction de productionagrégée de Cobb-Douglas de la forme
(1) Yit = Ait Kit�kHit
�hLit�l
Yit représentant la production agrégée d'un pays i au moment t, Lit le niveau d'emploi, Kit le stock decapital physique, Hit le stock moyen de capital humain par travailleur, et Ait un indice d'efficacitétechnique ou de productivité totale des facteurs (TFP) qui résume l'état d'avancement de la technologie et,éventuellement, les facteurs omis tels que la situation géographique, le climat, les institutions et lesdotations en ressources naturelles. Les coefficients �i (où i = k, h, l) mesurent l'élasticité de la productionpar rapport aux stocks des différents facteurs. Une augmentation de 1% du stock de capital humain par
28
travailleur, par exemple, augmenterait la production de �h%, les stocks des autres facteurs et le niveaud'efficacité technique restant constants.
Pour effectuer les estimations, il est généralement pratique de travailler avec (1) en logarithmes ou entaux de croissance. Si l'on utilise les minuscules pour représenter les logarithmes, et la combinaison deminuscules et du symbole "�" pour les taux de croissance, on obtient les deux spécifications suivantes:
(2) yit = ait + �kkit + �hhit + �llit + �it(3) �yit = �ait + �k �kit + �h �hit + �l �lit + ��it
�it et ��it étant des perturbations stochastiques.Une difficulté surgit à ce stade, à savoir que les deux équations (2) et (3) contiennent des termes qui ne
sont pas directement observables (en particulier le niveau de productivité totale des facteurs (PTF), ait, ouson taux de croissance, �ait). Pour poursuivre l'estimation, il est nécessaire de poser de nouvelleshypothèses concernant le comportement de ces termes. Des hypothèses différentes vont générer desspécifications économétriques différentes. L'option la plus simple est de supposer que le taux de progrèstechnique est constant dans le temps et à travers les pays, c'est-à-dire que �ait = g pour tous les i et t. Dansce cas, g peut être estimé comme la constante de régression de l'équation (3) et ait est remplacé dansl'équation (2) par aio + gt , aio et g donnant respectivement naissance à des constantes spécifiques parpays et à une tendance commune.
Une autre possibilité, qui constitue une approche plus sophistiquée, consiste à spécifier �ait dansl'équation (3) comme une fonction d'autres variables. Une spécification relativement générale de cettefonction de progrès technique (qui englobe celles utilisées dans les études passées en revue dans l'annexeau présent rapport et permet d'obtenir des effets de taux du capital humain) serait obtenue de la façonsuivante
(4) �ait = �io + �bbit + �hHit +�bhHitbit + �rRDitH étant le stock moyen de capital humain, RD une mesure des dépenses de R&D et bit une variablereprésentative de l'écart technologique entre le pays i et le niveau de la meilleure pratique mondiale.
Lorsqu'il n'existe pas de données disponibles sur les stocks de facteurs ou leurs taux de croissance (oulorsqu'elles ne sont pas considérées comme fiables), les taux d'investissement observés peuvent êtreutilisés pour élaborer des approximations des variables qui entrent dans la formulation des équations (2) et(3). Ces approximations sont couramment obtenues en recourant à un modèle de Solow généralisé selon laméthode suggérée par Mankiw, Romer et Weil (1992). Dans ce type de modèle, les valeurs d'équilibre àlong terme des rapports de facteurs sont de simples fonctions des taux d'investissement, et lecomportement de ces rapports en dehors de cet équilibre peut être approché sous la forme d'une fonctiondes taux d'investissement et du revenu initial par travailleur. Si nous sommes disposés à supposer que laplupart des pays sont raisonnablement près de leur équilibre à long terme, l'équation (2) peut êtreremplacée par une équation rapportant le rendement par travailleur aux taux d'investissements dans lecapital physique et humain. Autrement, l'équation comportera également le rendement initial partravailleur au titre de variable indépendante complémentaire, de façon à capter la dynamique transitoire aucours de l'ajustement à l'équilibre à long terme. Deux spécifications assez standard des équations destabilité et de convergence obtenues (qui ne tiennent pas compte des effets de taux) seraient
(5) qit = aio + gt + Error!ln Error!+ Error!ln Error!et____________________________________________________________
Encadré 2 (suite)______________________________________________________________________
(6) �qit = g + � Error!+ �(aio + gt) - �qitsk et sh représentant l'investissement dans le capital physique et humain, mesuré sous forme de fraction dePIB, n le taux de croissance de l'emploi ou de la main-d'œuvre et � le taux d'amortissement (qui estsupposé le même pour les deux types de capital). Le paramètre � mesure la vitesse de convergence versl'équilibre à long terme et peut être démontré comme étant une fonction du degré des rendements d'échellepour les deux types de capital considérés conjointement ainsi que de la longueur de la période sur laquellenous puisons nos observations.
Jusqu'à présent, nous avons implicitement supposé que le stock de capital humain par travailleur, H,était directement observable. En pratique, cependant, c'est souvent le nombre moyen d'années de scolarité,
29
YS, qui est observé, et l'estimation du modèle empirique nécessite de formuler une hypothèse quant à laforme de la fonction reliant ces deux variables, H = g(YS). En utilisant cette fonction en (1), nousobtenons une fonction de production réduite reliant Y à YS. Afin d'éviter toute confusion, nous nousréfèrerons à l'élasticité de cette fonction de production réduite concernant les années de scolarité par lanotation �YS (notez que ce paramètre sera généralement différent de �h). De même, lorsque YS remplaceH dans la fonction de progrès technique (4), nous utiliserons la notation �YS pour le paramètre des effetsde taux qui mesure la contribution d'une année supplémentaire de scolarité au taux de croissance de laPTF.
Une hypothèse relativement courante dans la littérature concernant la nature de g() consiste à tenir queH = YS. Dans ce cas, toutes les équations présentées ci-dessus restent valables, H étant remplacé par YS et�h par �YS. Une seconde possibilité consiste à supposer que
(7) H = exp (�YS).Cette spécification est souvent nommée spécification de Mincer parce qu'elle correspond à la formefonctionnelle couramment utilisée dans les équations salariales micro-économétriques lancées par Mincer(1974). (voir encadré 1 ci-dessus). Dans ce cas, l'exponentiel en (7) annule le logarithme dans la fonctionde Cobb-Douglas et les équations ci-dessus doivent être modifiées en conséquence. En particulier, les logsde H doivent être remplacés par des niveaux de YS et les taux de croissance de H par des variationsmoyennes de YS. Notons que si nous insérons (7) dans la fonction de Cobb-Douglas présentée en (2), lecoefficient de YS dans l'équation obtenue, �= �h�, mesurera le pourcentage d'augmentation de laproduction qui découle d'une augmentation de un an du niveau moyen de scolarité. Nous nous réfèrerons à�comme le rendement agrégé ou macro-économique de la scolarité selon Mincer. Comme il apparaîtraclairement plus loin, cette variable doit être distinguée du "véritable" taux de rendement de la scolarité,qui sera défini et calculé dans la partie 5.c.______________________________________________________________________
Dans ce qui suit, nous nous intéresserons particulièrement aux valeurs de trois paramètres techniques
qui peuvent être obtenus à partir de spécifications structurelles. Les deux premiers constituent d'autres
types de mesures de l'intensité des effets de niveau: l'élasticité de la production agrégée par rapport au
niveau moyen d'études atteint (�YS) et ce que nous appellerons le rendement macro-économique ou agrégé
de la scolarité selon Mincer (). Le premier de ces paramètres mesure le pourcentage d'augmentation de la
production qui résulterait d'une augmentation de 1% de la scolarité moyenne, et le second le pourcentage
d'augmentation de la production qui découlerait d'une augmentation d'un an du niveau d'études moyen.
Nous pouvons passer de �YS à en divisant le premier coefficient par le niveau moyen en années et vice
versa. Le troisième paramètre qui nous intéresse (�YS) mesure l'intensité des effets de taux, c'est-à-dire la
contribution d'une année de scolarité supplémentaire au taux de croissance de la productivité totale des
facteurs.
iii. Aspects économétriques
Comme nous l'avons déjà indiqué, l'erreur de mesure pose toujours problème dans la littérature que
nous passons en revue, dans la mesure où la variable représentant les années de scolarité qui est utilisée
dans la plupart des applications empiriques est certainement une mesure quelque peu imparfaite du capital
humain. Mais même en faisant abstraction de cela, la médiocre qualité des données peut constituer un
problème important puisque la plupart des séries de données existantes relatives au niveau d'études atteint
dans les différents pays semblent comporter une quantité considérable de bruits résultants de diverses
30
incohérences dans les données initiales utilisées pour construire ces séries.11 On peut généralement
s'attendre à ce que de tels bruits introduisent un biais vers le bas dans les estimations des coefficients de
capital humain (c'est-à-dire une tendance à sous-estimer leur valeur) puisqu'ils génèrent une fausse
variabilité dans la mesure du stock de capital humain, qui ne correspondra pas à des modifications de la
productivité.
Krueger et Lindhal (2001) examinent certaines techniques qui peuvent être utilisées pour construire
des mesures approximatives de la qualité de différentes séries de données sur la scolarité et pour corriger
l'erreur de mesure. Le contenu informatif d'un indicateur du capital humain (H) "bruyant" peut être mesuré
par son rapport de fiabilité, défini comme le rapport signal / signal auquel s'ajoute le bruit affectant la
mesure des données. Des estimations de ce rapport peuvent être obtenues lorsque plusieurs mesures de la
scolarité sont disponibles, et les résultats peuvent être utilisés pour estimer l'ampleur des biais générés par
les erreurs de mesure. Il s'avère en particulier que la valeur attendue du coefficient obtenue par des
méthodes standard (moindres carrés ordinaires) lorsque H est mesuré avec une erreur sera le produit de la
vraie valeur du paramètre et d'un coefficient d'"atténuation" qui augmente avec le rapport de fiabilité des
séries H utilisées dans l'estimation.12
En utilisant ces techniques, nous estimons (voir partie 2.a de l'annexe) que le rapport de fiabilité moyen
des séries de données internationales disponibles se situe, pour un échantillon de pays industrialisés, entre
10% et 60% selon la façon dont les données sont mesurées (c'est-à-dire en niveaux, logarithmes ou taux de
croissance). Cela suppose que les coefficients estimés dans la plupart des études empiriques, qui ne
corrigent pas ce problème, sont susceptibles d'être affectés de très importants biais vers le bas et sous-
estimeront le véritable impact de la scolarité sur la croissance. Le biais aura tendance à être plus limité
pour les estimations obtenues en recourant aux données en niveaux ou en logs, mais il peut être
extrêmement important dans les spécifications qui utilisent des taux de croissance de la scolarité calculés
sur des périodes relativement courtes.13
Un deuxième problème standard que nous rencontrons lorsque nous essayons d'estimer l'impact de
l'éducation sur la productivité est que la relation de causalité inversée entre le revenu et la scolarité peut
générer un biais vers le haut dans l'estimation du coefficient de capital humain dans la fonction de
production. La nature du problème est examinée de façon plus détaillée dans l'encadré 3, mais celui-ci est
essentiellement lié au fait que les effets de rétroaction des revenus sur la demande en matière d'éducation
peuvent faire qu'il est difficile de déterminer dans quelle mesure la corrélation observée entre revenus et
11 Voir partie 2 de l'annexe pour l'examen des séries de données les plus couramment utilisées dans les analysesempiriques de la croissance.12 Lorsque H est la seule variable indépendante, ce coefficient est le rapport de fiabilité lui-même. Sinon, l'erreur estplus grande et augmente avec le R2 d'une régression de H sur le reste des variables explicatives de l'équation deproductivité.13 Le rapport de fiabilité moyen n'est que de 0,278 pour les données des taux de croissance quinquennaux, et 0,098pour les différences de niveau prises à la même fréquence.
31
Encadré 3: causalité inversée______________________________________________________________________
D'un point de vue technique, l'origine du biais dû à la causalité inversée réside dans le fait que leseffets de rétroaction des revenus sur l'éducation peuvent générer une corrélation entre la scolarité et laperturbation de la fonction de production, violant ainsi les conditions nécessaires à la cohérence desestimateurs des moindres carrés. Pour illustrer la nature du problème, supposons que nous essayonsd'estimer une fonction de production per capita en logs
(1) qit = ai + gt + �k(kit - lit) + �hhit + �itq étant le log de production par travailleur et le reste de la notation étant semblable à ce qui figure dansl'encadré 2, et que la demande en matière d'éducation soit une fonction croissante de q obtenue par
(2) hit = Xit� + qit + �itX étant un vecteur d'autres variables pertinentes et �it et �it des variables de perturbation. Dans cetteconfiguration, un choc positif affectant les revenus dans la première équation (une valeur positive de �it)fera augmenter (qit et donc) hit via la seconde équation. En conséquence, la variable indépendante hit serapositivement influencée par la perturbation de la fonction de production, et son coefficient sera biaisé versle haut.
En pratique, les choses ne se passent pas nécessairement aussi mal que l'examen ci-dessus pourrait lesuggérer dans la mesure où la scolarité moyenne est une variable de stock qui évolue lentement dans letemps; le niveau de revenus ne devrait l'affecter qu'avec un décalage lié aux modifications des taux descolarisation. Nous devrions donc probablement remplacer l'équation (2) par un système ressemblant ausuivant
(3) eit = Xit� + qit + �Etgit+k + �it(4) hit = g(eit-�, ... , eit-�, Z)
où eit représente le taux de scolarisation et la fonction non spécifiée g() décrit la détermination de hitcomme une fonction des effectifs passés. Notons que nous faisons du taux de scolarisation une fonction dutaux futur attendu du progrès technique (Etgit+k) puisque, comme le montrent Bils et Klenow (2000), lesaugmentations de cette variable accroissent le rendement de la scolarité et donc la demande en la matière.Notons que, avec cette spécification, le problème disparaît. Ainsi, un choc positif affectant les revenus en(1) augmentera le taux de scolarisation via (3), mais cela n'aura pas de répercussions sur h avant un certaintemps, ce qui signifie que hit peut ne pas être en corrélation avec la perturbation contemporaine del'équation (1).
Toutefois, écarter le problème de la sorte serait aller trop vite en besogne, car il peut très bien se poserdans bon nombre de spécifications utilisées dands la littérature, même lorsque des mesures directes desstocks d'éducation sont utilisées dans l'estimation à la place des taux de scolarisation. Par exemple,l'omission d'effets fixes dans la fonction de production en niveaux est susceptible de poser problème, ycompris dans le modèle décrit par les équations (3) et (4). Dans ce cas, le terme d'erreur composé en (1)serait de la forme (ai + �it) et sa composante invariante dans le temps (l'effet fixe) affecterait en effet hitpuisqu'elle aurait influencé la scolarisation sur toutes les périodes précédentes. Par conséquent, hit seratrès probablement en corrélation avec (ai + �it), ce qui biaisera de nouveau son coefficient.
La causalité inversée peut également constituer un problème lorsque la fonction de production estestimée en différences (comme c'est souvent le cas, en partie pour supprimer le biais dû aux effetsdirects). Nous avons à présent
(5) �qit = gi + �k�(kit - lit) + �h�hit + ��itoù nous tenons compte de la possibilité que le taux de progrès technique, g, puisse varier selon les pays.Si l'équation (5) est bien spécifiée, son terme de perturbation ��it ne devrait contenir que de véritableschocs aléatoires affectant le taux de croissance, qui ne peuvent être anticipés par des agents et qui nedevraient donc pas avoir de répercussion sur �hit via (3) et (4). Mais si tel n'est pas le cas et si le termed'erreur contient des composantes systématiques du taux de croissance qui peuvent être anticipées par desagents (par ex. effet fixe propre à un pays affectant les taux de progrès technique), nous pouvons tout àfait constater que �hit est de nouveau en corrélation avec la perturbation (élargie), en particulier si lapériode sur laquelle nous calculons les taux de croissance est suffisamment longue pour que lesmodifications de la scolarisation affectent le stock de scolarisation de la main-d'œuvre.______________________________________________________________________
32
scolarité reflète le fait que les pays riches sont plus demandeurs d'éducation à des fins de consommation, de
même qu'ils peuvent faire qu'il est difficile de déterminer la contribution de l'éducation à la productivité
que nous cherchons à mesurer.
Dans la mesure où le biais vers le haut lié à la causalité inversée va compenser le biais vers le bas lié à
l'erreur de mesure et peut même le dépasser, il existe toujours une incertitude quant au biais net qui
subsiste dans toute estimation des coefficients correspondants du capital humain. Si nous ne connaissons
aucun moyen simple d'estimer l'ampleur du biais lié à la causalité inversée, la discussion de l'encadré 3
suggère qu'il pourrait ne pas être très important, en particulier dans les modèles qui contrôlent les
différences de PTF entre les pays et/ou les déterminants du taux de progrès technologique, et qui ont
recours à des variables mesurées en niveaux ou en taux de croissance calculés sur des périodes
relativement courtes. La principale raison de cet optimisme prudent est que la scolarité moyenne est une
variable de stock qui évolue lentement dans le temps et qui ne devrait être affectée par le niveau de
revenus qu'avec un décalage considérable suite aux modifications des taux de scolarisation (qui devraient
effectivement être sensibles aux niveaux des revenus). Par conséquent, si la causalité inversée est
susceptible de constituer un sérieux problème lorsque nous considérons les taux de croissance moyens sur
de longues périodes, les modifications des revenus sur de plus courtes périodes ne devraient pas avoir le
temps de se répercuter sur les stocks de scolarité. Une spécification minutieuse d'autres aspects du modèle
est également importante puisque le problème de la causalité inversée surgit lorsque le terme résiduel de
l'équation de productivité ou de croissance n'est pas une perturbation aléatoire "propre" mais contient des
composantes systématiques du revenu ou du taux de croissance qui vont entrer dans l'équation de
scolarisation décrivant la demande en matière d'éducation, dans la mesure où celles-ci peuvent être
anticipées par des individus. Si une telle contamination peut être évitée en contrôlant la totalité ou la
plupart des facteurs pertinents, le modèle devrait produire des estimations plus précises des effets de la
scolarité sur la productivité.
La discussion qui précède laisse à penser que le choix de la spécification suppose un compromis
complexe entre différents problèmes économétriques, puisque certaines des mesures qui peuvent être
prises pour réduire le biais lié à la causalité inversée sont susceptibles d'accroître les erreurs de mesure et
vice versa. Une autre considération concerne l'aptitude des différentes spécifications à rendre compte des
effets indirects du capital humain sur la productivité qui impliquent des délais incertains et éventuellement
longs. Il est peu probable que les spécifications qui recourent aux taux de croissance calculés sur des
périodes relativement courtes saisissent ce que nous avons appelé les effets de taux, à moins que ceux-ci
ne commencent à opérer quasi immédiatement, ce qui semble assez peu plausible. Pour estimer ces effets
indirects, il peut être préférable de travailler à l'aide de taux de croissance moyens sur de plus longues
périodes ou à l'aide des données exprimées en niveaux, mais on peut difficilement être sûr que les
coefficients de capital humains plus élevés généralement générés par ces spécifications14 ne sont pas le
résultat d'un biais lié à la causalité inversée. 14 Voir par exemple Topel (1999) et Krueger et Lindhal (2001).
33
iv. Bref passage en revue du constat empirique
La partie 3 de l'annexe de ce rapport contient une étude détaillée de la littérature macro-économique
consacrée à la croissance et au capital humain. L'image qui ressort de cet examen du constat empirique est
quelque peu mitigée mais, en définitive, encourageante. Comme nous l'avons vu, les économistes
universitaires ont traditionnellement été enclins à considérer les dépenses éducatives comme un élément
essentiel de l'investissement national, aux résultats substantiels en termes de croissance de la production,
et ont souvent assigné à l'accumulation de capital humain un rôle central dans les modèles formels, en
particulier dans la littérature récente relative à la croissance endogène. Cet optimisme semblait confirmé
par une première série d'études empiriques internationales des déterminants de la croissance, dans
lesquelles on constatait de façon concordante que divers indicateurs de l'éducation avaient l'effet positif
attendu.15 Une deuxième série d'études de ce type a cependant produit des résultats quelque peu décevants
en recourant à des techniques économétriques plus sophistiquées, ce qui a même conduit certains
chercheurs à remettre explicitement en question le rapport entre éducation et croissance.16 Ces dernières
années, tout semble montrer que ces résultats négatifs étaient en grande partie dus à des données de
médiocre qualité ainsi qu'à divers problèmes économétriques.17 Des études récentes qui recourent à des
séries de données améliorées ou qui tiennent compte d'erreurs de mesure suggèrent fortement que
l'investissement dans l'éducation a effectivement un impact substantiel sur la croissance de la
productivité.18
Notre examen de la littérature empirique montre qu'il s'est avéré étonnament difficile de distinguer les
effets de niveau des effets de taux, différentes études parvenant à des conclusions opposées quant à leur
importance respective. Il peut s'agir en partie d'un problème d'estimation, dans la mesure où l'étroite
corrélation entre niveaux d'études et taux de croissance ainsi qu'entre ces variables et d'autres variables
indépendantes peut faire qu'il est difficile de distinguer leurs effets propres dans une régression de la
croissance.19 Mais il existe également des spécifications théoriques plausibles dans lesquelles les deux
effets peuvent être difficiles à identifier de façon distincte. La distinction a notamment tendance à devenir
floue lorsque l'on tient compte de la diffusion technologique. Dans ce contexte, une augmentation du
capital humain contribue effectivement à une évolution technologique plus rapide, mais cet effet s'épuise
15 Voir entre autres Landau (1983), Baumol et al (1989), Barro (1991) et Mankiw, Romer et Weil (1992).16 Les études qui rendent compte de résultats largement négatifs sont notamment celles de Kyriacou (1991),Benhabib et Spiegel (1994), Pritchett (1999, dont la première version est de 1995), Islam (1995) et Caselli et al(1996).17 L'un de ces problèmes est que les spécifications des effets fixes utilisées dans la plupart de ces études perdenttoutes les informations contenues dans la variation transversale des données. Voir partie 3 de l'annexe.18 Voir par exemple de la Fuente et Doménech (2000), Krueger et Lindhal (2001), Cohen et Soto (2001) etBassanini et Scarpetta (2001).19 Par exemple, la corrélation entre le log et le taux de croissance des années d'études est de -0,6 dans la série dedonnées de de la Fuente et Doménech (2001). En utilisant des données régionales espagnoles, de la Fuente (2002b)constate à la fois des effets de niveau et des effets de taux dans une spécification en différences qui tient compte de ladiffusion technologique; les effets de taux perdent cependant leur importance lorsque des effets fixes régionaux sontintroduits. L' auteur attribue ce résultat à l'étroite corrélation (0,92) entre la variable du capital humain en niveauxutilisée dans cette spécification et une série de variables fictives régionales .
34
lui-même progressivement au fur et à mesure que le pays se rapproche de la frontière technologique
mondiale et que la croissance de la PTF se stabilise. En conséquence, l'effet de taux devient un effet de
niveau à moyen ou long terme et, si la convergence vers "l'équilibre technologique" est suffisamment
rapide, les deux effets ne peuvent être séparés.
Comme le suggère la discussion précédente, il subsiste une incertitude de taille quant à l'ampleur des
coefficients macro-économiques du capital humain pertinents et quant à l'importance respective des effets
de niveau et de taux. L'éventail des estimations existantes est extrêmement large, même si nous nous
limitons aux études récentes qui utilisent les dernières séries de données disponibles et constatent des
effets positifs sur la croissance. Dans la partie 5a, nous nous appuierons sur notre examen des questions
relatives aux problèmes économétriques et aux spécifications ainsi que sur le passage en revue détaillé de
la littérature contenu dans l'annexe pour tenter d'identifier une fourchette plausible de valeurs des
paramètres. Les estimations que nous considérons comme les plus plausibles dans la littérature indiquent
que, toutes choses égales par ailleurs, une année supplémentaire dans la scolarité moyenne augmente le
niveau de productivité agrégée d'environ 5% à court terme et de 5% supplémentaires à long terme. Ce
deuxième effet reflète la contribution du capital humain au progrès technologique, c'est-à-dire au
développement et à l'adoption de nouvelles technologies et à l'amélioration constante des processus de
production existants.
Nous nous sommes jusqu'ici concentrés sur des études qui cherchaient à mesurer la contribution des
augmentations quantitatives de la scolarité sur la croissance de la productivité. Certaines recherches
récentes intéressantes démontrent cependant que la qualité de la scolarité peut être tout aussi importante
pour la croissance que sa quantité, si ce n'est plus. Ces études utilisent des résultats nationaux moyens
obtenus lors de tests de rendement standardisés comme variables explicatives dans des équations de
croissance standard et constatent des effets considérables sur la productivité. Certaines de ces études ont
également analysé la relation entre le rendement des élèves et les dépenses scolaires, avec des résultats
mitigés. On constate que les mesures des ressources scolaires telles que les ratios élèves-enseignants et les
salaires moyens des enseignants ont un effet positif significatif sur les résultats dans certaines études, mais
pas dans d'autres.20 Un autre constat récent d'importance est que la plupart des pays dans lesquels les
résultats moyens des élèves approchant la fin de la scolarité obligatoire sont élevés parviennent également
très bien à accroître les résultats des élèves issus des milieux les plus défavorisés (OCDE (2001c)). Par
conséquent, il est possible de concevoir des politiques de l'éducation qui à la fois augmentent la qualité
moyenne du capital humain et améliorent la cohésion sociale.
v. Externalités au niveau de la ville et de la région
Comme nous l'avons mentionné plus haut, les comparaisons entre les estimations micro et macro-
économiques des rendements de la scolarité selon Mincer peuvent être un moyen de voir s'il existe des
externalités associées à l'accumulation de capital humain. L'un des problèmes de ces comparaisons, outre
ceux indiqués ci-dessus, est que les deux types d'études utilisent généralement des sources de données
20 Voir Lee et Lee (1995), Barro (2000), Hanushek et Kimko (2000) et Lee et Barro (2001).
35
assez différentes. Une série d'études récentes contourne ce problème en utilisant la même source de
données pour estimer les rendements de la scolarité dans un pays donné tant au plan individuel qu'au
niveau des villes et des régions. (Voir par exemple Acemoglu et Angrist (2000) et Rudd (2000) à l'échelle
régionale, et Rauch (1993), Ciccone et Peri (2000) et Moretti (2000) au niveau de la ville).
Ces études estiment les externalités du capital humain en deux étapes. La première consiste à estimer
le différentiel salarial entre individus identiques travaillant dans des villes ou des régions différentes. Ceci
est fait en utilisant des regressions salariales de Mincer standard. La seconde étape met en rapport les
différentiels salariaux estimés entre individus identiques dans des villes ou des régions différentes et les
différences de niveau moyen du capital humain entre villes ou régions. Si les différentiels salariaux
peuvent en partie être expliqués par des différences de niveau moyen de capital humain, ces études
concluent alors qu'il existe des externalités de capital humain. Par manque de données appropriées,
aucune de ces études n'est réalisée à l'échelle nationale.
Les conclusions de cette littérature vont de l'absence d'externalités de capital humain à des externalités
modérées et importantes. Rauch (1993), par exemple, constate qu'une augmentation d'un an de la durée
moyenne de la scolarité au niveau de la ville est associée à un effet externe de 3% sur la productivité de la
ville. Il se peut cependant que ce constat soit lié au fait qu'il s'agit de villes à productivité élevée, attirant
des travailleurs très qualifiés, et non à des externalités de capital humain. En fait, Acemoglu et Angrist
(2000), Ciccone et Peri (2000) et Rudd (2000) ne trouvent aucune externalité lorsqu'ils prennent en
compte cette possibilité. Moretti (2000) affirme cependant que d'importantes externalités sont associées à
la proportion de travailleurs titulaires d'un diplôme d'enseignement supérieur dans les villes américaines.
Pourtant, la force de l'évidence suggère qu'il est peu vraisemblable que les externalités du capital humain
expliquent une part importante des différences de productivité régionales.
L'ensemble de ces études étant réalisé à l'échelle de la ville ou de la région, celles-ci risquent de ne pas
voir des externalités qui opèrent au niveau national. Par exemple, supposons qu'il existe des externalités
du capital humain au niveau national liées au fait qu'une offre plus importante en travailleurs à capital
humain élevé accroît la demande en nouvelles technologies et donc les incitations à investir dans la R&D.
Ces externalités ne seront pas saisies au niveau des villes ou des régions du fait que les nouvelles
technologies sont développées pour des marchés plus larges. Les externalités de capital humain au niveau
national doivent par conséquent être évaluées en comparant des estimations de l'effet du capital humain
sur les salaires individuels à des estimations de ses effets sur la productivité nationale.
4. Capital social et croissance
Le capital social en tant que déterminant de la croissance économique a suscité un vif intérêt au cours
des dix dernières années. Il est toutefois important de comprendre d'entrée de jeu que la recherche relative
au capital social n'en est qu'à ses débuts et qu'elle devrait être vue comme un ensemble d'idées destinées à
alimenter la discussion et d'évidences empiriques plutôt que comme une série de conclusions qui peuvent
être directement utilisables dans la formulation de politiques économiques.
36
Le terme de capital social a été rendu populaire par les contributions de Coleman (1988, 1990) et
Putnam (1993, 1995) et, actuellement, la Banque mondiale (2002) a, sur son site Internet, toute une
bibliothèque électronique consacrée à ce sujet. De nombreux aspects subtils interviennent dans la
définition du capital social. Pour ce qui nous intéresse, il suffit de voir le capital social comme les normes
et les relations sociales inhérentes à la structure sociale d'un groupe de personnes et qui permettent au
groupe ou aux individus qui y participent d'atteindre les objectifs souhaités. Cette définition laisse de côté
ce que l'on appelle parfois le capital social individuel, c'est-à-dire les compétences (sociales) qui
permettent à un individu de recueillir des rendements marchands et non marchands de l'interaction avec
d'autres personnes. Ces compétences pourraient opportunément être considérées comme faisant partie du
capital humain de l'individu.
Knack et Keefer (1997) examinent différentes variables de remplacement empiriques possibles pour le
capital social et évaluent leur impact sur la croissance économique au niveau national. Ils étudient deux
relations essentielles: entre confiance et normes civiques d'un côté et croissance économique de l'autre, et
entre activité associative et croissance. La confiance au niveau national est essentiellement mesurée
comme le pourcentage de personnes répondant par l'affirmative à la question suivante de la World Value
Survey: "En général, diriez-vous que l'on peut faire confiance à la plupart des gens, ou qu'on ne saurait
être trop prudent dans les relations avec les autres?" Pour rendre compte de la force des normes de
coopération civique, ils construisent une variable qui s'appuie sur les réponses à différentes questions sur
la façon dont les individus évaluent les comportements inciviques. Leur principale conclusion est que la
confiance et la coopération civique sont associées à de bons résultats économiques, mais que l'activité
associative n'est pas liée à la croissance économique. Ce résultat est assez marqué dans l'échantillon
utilisé, mais la question de savoir s'il se maintient également dans les pays de l'OCDE reste peu claire
(voir Helliwell (1996), Zak et Knack (2001)). Temple et Johnson (1998) montrent que les indices d'
"aptitude sociale" du début des années 1960, adaptés des travaux de Adelman et Morris (1967), sont à
même de prévoir de façon satisfaisante la croissance à long terme d'un large éventail de pays en
développement. La Porta et al. (1999) constatent que le capital social améliore les performances des
pouvoirs publics, notamment la qualité de la bureaucratie et le système judiciaire. Dans une étude sur
l'évolution de l'enseignement secondaire aux États-Unis, Goldin et Katz (1999) affirment que le capital
social affecte et est affecté par l'accumulation de capital humain. Guiso, Sapienza et Zingales (2000)
utilisent des données sur les régions italiennes pour montrer que le capital social accroît le développement
financier et l'accès au crédit.21
Qu'est-ce qui détermine le capital social (ou comment est-il accumulé)? Il n'est pas de réponse
complète à cette question, mais nous disposons d'indices. Par exemple, DiPasquale et Glaeser (1999)
affirment que la mobilité géographique réduit les incitations individuelles à participer à l'accumulation de
capital social, et Alesina et La Ferrara (2000a) constatent que la participation à des activités associatives
21 Outre la contribution essentielle de Putnam (Putnam 1993a), ce sont les deux seules études empiriques relatives aurôle du capital social au niveau régional dont nous ayons connaissance. La rareté des travaux dans ce domaine est dueau fait qu'il existe très peu de données sur la qualité des institutions au niveau régional.
37
comme des groupes religieux, des équipes sportives, des clubs de hobbies, etc. est d'autant plus élevée que
les inégalités de revenus et la segmentation raciale sont faibles. Alesina, Baqir et Easterly (1999) montrent
que les juridictions possédant la plus grande diversité ethnique aux États-Unis consacrent une part moins
importante de leurs dépenses aux biens publics essentiels comme l'éducation et le réseau routier, ce qui
confirme l'idée selon laquelle la diversité ethnique se traduit par un capital social moins important. Il
existe également quelques études sur les déterminants de la confiance. Knack et Keefer (1997) constatent
que la confiance et les normes de coopération civique sont plus fortes dans les pays possédant des
institutions officielles qui protègent efficacement la propriété et les droits contractuels, ainsi que dans les
pays qui sont moins polarisés selon des critères de classe ou d'appartenance ethnique. Helliwell et Putnam
(1999) démontrent qu'un niveau moyen d'éducation plus élevé accroît la confiance. Alesina et La Ferrara
(2000b) ébauchent cinq grands facteurs influençant la confiance des individus dans les autres: 1) la
culture, les traditions et la religion individuelles; 2) la durée pendant laquelle un individu a vécu dans une
communauté de composition stable; 3) les expériences personnelles malheureuses récentes; 4) le
sentiment de faire partie d'un groupe victime de discrimination; 5) plusieurs caractéristiques de la
composition de la communauté de la personne, y compris son hétérogénéité du point de vue de la race et
des revenus. Glaeser et al. (2000) combinent étude et données expérimentales pour identifier de façon
distincte les déterminants de la confiance et de la loyauté. Deux de leurs conclusions sont qu'une distance
sociale réduite entre les individus, par exemple du fait de l'appartenance à un même groupe ou à une
même "race" ou nationalité, accroît à la fois la confiance et la loyauté.
La combinaison de l'effet positif du capital social sur la qualité des institutions et la croissance
économique et des déterminants du capital social suggère que les politiques de capital humain réduisant
les inégalités ex-ante de même que la distance sociale entre les individus, et donc qui augmentent la
cohésion sociale, sont susceptibles d'améliorer les résultats économiques.
5. Quelques conclusions provisoires
La littérature étudiée dans la partie 3 et dans l'annexe à ce rapport offre un large éventail d'estimations
des coefficients qui mesurent la contribution du capital humain aux revenus individuels et à la productivité
agrégée. Dans cette partie, nous essayons de réduire cet éventail en identifiant une fourchette de valeurs
plausibles pour les paramètres micro et macro-économiques pertinents. Ces chiffres sont ensuite utilisés
pour examiner la contribution du capital humain à la croissance et aux disparités de revenus entre les pays
dans un échantillon de pays industriels, et pour construire des estimations des taux de rendement de la
scolarité privés et sociaux, à partir desquelles des tentatives de conclusions politiques sont élaborées.
a. Un éventail plausible d'estimations des paramètres
Dans l'ensemble, le registre de variation des estimations existantes des rendements de la scolarité selon
Mincer est considérablement plus réduit au niveau micro-économique qu'au niveau macro-économique. Si
les résultats varient de façon significative selon les pays et les périodes pour des raisons qui ont déjà été
abordées, l'incertitude est moins grande dans la littérature micro-économique quant à l'ampleur des biais
38
vers le haut ou vers le bas affectant les estimations pour un échantillon donné du fait de différents
problèmes économétriques. Il existe par exemple un large consensus autour de l'idée que l'erreur de
mesure et les biais relatifs à l'aptitude se compensent grossièrement, et que la causalité inversée ne devrait
pas constituer un problème majeur dans la mesure où les salaires élevés sont davantage susceptibles
d'accroître la demande d'éducation des enfants des travailleurs actuellement en activité que des travailleurs
eux-mêmes.
Une étude récente de Harmon, Walker et Westergaard-Nielsen (HW&W, 2001) fournit une estimation
du paramètre (�) des rendements individuels de la scolarité selon Mincer dans quinze pays d'Europe (pour
la plupart membres de l'UE) fondée sur une méta-analyse d'un grand nombre d'estimations au travers
d'équations salariales entreprises ou collectées dans le cadre d'un vaste projet de recherche sur les
rendements de l'éducation en Europe. Ces auteurs rapportent que la valeur moyenne de � en Europe est de
6,5%22 et que les moyennes nationales vont d'environ 4,5% à 10%, les pays scandinaves et l'Italie figurant
en bas de l'échelle et le Royaume-Uni et l'Irlande en haut.
Comme nous l'avons déjà noté, les coefficients de l'équation salariale doivent être traités avec
certaines précautions lorsqu'ils sont interprétés comme des estimations du paramètre technique qui mesure
la contribution de la scolarité à la productivité, car il est probable que les échelles des salaires sont
fonction des institutions du marché du travail et des normes sociales ainsi que des productivités relatives.
En tenant compte des distortions créées par les pratiques de fixation des salaires, on peut s'attendre à ce
que la véritable valeur du paramètre de Mincer se situe quelque part entre l'estimation centrale de 6,5% de
HW&W et leur estimation moyenne de 9% pour les pays anglo-saxons, qui semblent avoir les marchés du
travail les plus flexibles en Europe. Le tableau 1 rassemble ces deux estimations de référence des
rendements individuels "bruts" de la scolarité (�) et les valeurs qui résultent de la correction au titre du
capital physique requise pour les rendre comparables aux coefficients correspondants des rendements
macro-économiques de la scolarité ().23
Tableau 1: Estimations de référence du paramètre des rendements individuels selon Mincer (����)et valeurs corrigées pour la comparaison avec les estimations macro-économiques (����)
____________________________________________brutes
�
corrigées
min (moyenne) 6,50% 4,33%max (pays anglo-saxons) 9,00% 6,00%____________________________________________
Au niveau macro-économique, identifier un registre plausible de valeurs pour les paramètres pertinents
est une tâche beaucoup plus difficile dans la mesure où les estimations disponibles varient de valeurs
négatives à des valeurs positives très élevées. En s'appuyant sur notre examen de la littérature, nous
affirmerons qu'on peut s'attendre à ce que l'élasticité de la production par rapport à la durée moyenne de la
22 Ceci est très similaire à l'estimation moyenne de 6,8% pour les pays de l'OCDE rapportée par Psacharopoulos(1994).23 Nous estimons � comme (1-�k)���ù �k = 1/3. Voir partie 3 la discussion relative à la nature de l'ajustement.
39
scolarité (�YS) se situe entre 0,394 et 0,535 et que le coefficient des effets de taux (�YS) se situe entre 0,0%
et 0,9%. La première série de chiffres suppose qu'on peut s'attendre à ce que le paramètre des effets de
niveau selon Mincer () se situe entre 3,98% et 5,41% pour ce qui concerne le pays moyen de l'UE en
1990, comme le montre le tableau 2.24
Tableau 2: Estimations de référence des paramètres macro-économiques de niveau et de taux___________________________
effets deniveau
effets de taux�YS
min 3,98% 0,00%max 5,41% 0,90%___________________________
Un examen détaillé de la façon dont ces chiffres sont obtenus à partir de différentes estimations
puisées dans la littérature figure dans la partie 3f de l'annexe. Pour parvenir à ce registre de valeurs, nous
ne tenons pas compte des résultats les plus pessimistes de la littérature, que nous considérons comme étant
le résultat de données de qualité médiocre. Notre estimation la plus basse vient d'une version mise à jour
de de la Fuente et de Doménech (2000) qui utilise une série de données récemment élaborée qui semble
avoir un rapport signal-bruit relativement élevé. Ce document estime une fonction de production utilisant
des taux de croissance calculés à intervalle de cinq ans et contient une spécification relativement complète
de la fonction de progrès technique qui tient compte de la diffusion technologique et des effets fixes par
pays, qui devraient aider à contrôler les variables omises telles que l'investissement en R&D. Compte tenu
à la fois de la fréquence élevée des observations et de la spécification utilisée, il est très peu probable que
ces estimations souffrent d'un biais significatif vers le haut lié à la causalité inversée. Il est plus probable
qu'elles sous-estimeront les véritables rendements de la scolarité à cause d'une erreur de mesure résiduelle
et parce que la brieveté de la période sur laquelle les taux de croissance sont calculés peut rendre difficile
la détection d'effets sur la productivité qui peuvent intervenir avec des décalages considérables - comme
c'est probablement le cas des effets de taux liés à la technologie.
Une correction modérée de l'erreur de mesure porte l'estimation de de la Fuente et Doménech de la
valeur de �dans l'UE à 5,41%.25 Ce chiffre se situant bien dans le registre des estimations micro-
économétriques (corrigées) présentées dans le tableau 1, nous l'utiliserons comme limite supérieure pour
24 Ce calcul suppose que la fonction de production agrégée est de Cobb-Douglas en années de scolarité, c'est-à-direque H = YS. La valeur de ��est obtenue en divisant l'estimation pertinente de �YS par le niveau moyen de scolarité de1990 en années dans l'échantillon de 14 pays de l'UE (tous sauf le Luxembourg) pour lesquels de la Fuente etDoménech (2001) fournissent des données.25 La correction est modérée parce qu'elle est basée sur le rapport de fiabilité estimé pour cette série relative à lascolarité (0,736) sans prendre en compte l'ajustement supplémentaire qui serait nécessaire du fait de la corrélationentre la scolarité et d'autres variables indépendantes comprises dans l'équation. La correction complète abaisserait lefacteur d'atténuation à 0,2 et multiplierait par cinq l'estimation originale du paramètre. D'autre part, il est trèsprobable que cette procédure conduise à surestimer le véritable paramètre, puisque l'erreur de mesure contenue parles autres variables indépendantes est susceptible de compenser en partie le biais vers le bas qui affecte la scolarité.
40
la valeur probable des effets de niveau.26 Par conséquent, les coefficients des variables de la scolarité
dans les équations de croissance qui impliquent des valeurs supérieures de doivent refléter autre chose
que la productivité directe ou des effets de niveau susceptibles de se traduire par des salaires plus élevés.
Il existe essentiellement deux possibilités: l'une est le biais vers le haut lié à la causalité inversée, et
l'autre ce que nous avons appelé des effets de taux, c'est-à-dire la contribution indirecte du capital humain
à la croissance via un progrès technique plus rapide qui constitue la source la plus plausible d'externalités
en rapport avec l'éducation.27 La structure des résultats des études qui débouchent sur des estimations
élevées de donnent à penser que les deux facteurs sont à l'œuvre. Les coefficients de scolarité sont
généralement plus élevés lorsqu'ils proviennent d'équations de stabilité (dans lesquelles la causalité
inversée peut constituer un sérieux problème si nous ne contrôlons pas les différences de PTF à travers les
pays) ou de spécifications différenciées utilisant des taux de croissance calculés sur de longues périodes
(dans lesquelles il existe aussi un risque plus important de biais lié à la causalité inversée puisque les
modifications de la scolarisation ont le temps d'affecter les stocks de scolarité). D'autre part, ces
spécifications sont également plus à même d'exprimer les effets sur la productivité impliquant de longs
délais de gestation, et nous avons des raisons de penser que l'augmentation des coefficients observée n'est
pas entièrement due à la causalité inversée. En particulier, certaines des études pertinentes qui estiment
des équations de stabilité incluent des variables de remplacement de la PTF ou d'autres variables de
contrôle qui devraient au moins réduire le biais d'endogénéité (voir Cohen et Soto (2001) et Barro
(2000)), et l'une d'entre elles (Bassanini et Scarpetta (2001)) estime des coefficients de scolarité très
élevés à l'aide de données annuelles en utilisant une spécification de correction d'erreur qui permet
probablement une meilleure caractérisation des relations à long terme en tolérant des déviations à court
terme de ces relations.
Le registre de valeurs présenté dans le tableau 2 pour le paramètre des effets de taux, �YS, est obtenu en
imposant l'hypothèse �YS�= 0,535 et en trouvant la valeur de �YS qui correspond aux coefficients de
scolarité obtenus dans différentes études, lorsque ces coefficients sont interprétés dans le contexte d'un
modèle tenant compte de la diffusion technologique (voir encadré 4 ci-dessous et partie 3f de l'annexe).
Les estimations de coefficients que nous utilisons sont tirées des études citées ci-dessus et d'un document
de Jones (1996) qui tente d'estimer directement les effets de taux (essentiellement en supposant qu'il n'y a 26 Une autre raison expliquant ce choix est que, à supposer que la fonction de production dans sa forme réduite soitde Cobb-Douglas pour la scolarité (c'est-à-dire que H = YS), l'elasticité de la production qui correspond à cetteestimation (�YS = 0,535) suppose que les rendements de la scolarité représentent 82% du revenu du travail. Danscette même hypothèse, toute estimation nettement plus élevée de ��impliquerait un coefficient négatif pour le travailbrut dans la fonction de production agrégée et une part négative de ce facteur dans la rémunération du travail.L'hypothèse de Cobb-Douglas est cependant essentielle pour cet argument car elle suppose que �YS = �h (voirencadré 2). Avec une spécification de Mincer (H = Exp (�YS)), la part des compétences dans la rémunération totaledu travail ne peut être déduite des paramètres de la fonction de production dans sa forme réduite mettant en rapport laproduction et la scolarité. La raison en est que, si cette part dépend toujours de �h, ce paramètre est à présentdifférent de �YS et ne peut être identifié séparément car il entre dans la forme réduite de la fonction de productioncomme multiplicateur de ��27 Une troisième possibilité est que la scolarité peut agir comme une variable de remplacement pour l'investissementen R&D, à forte intensité de compétences. Même si ce n'est pas exactement l'idée qui sous-tend les effets de taux, uncoefficient positif résultant de ce mécanisme serait également en accord avec l'idée selon laquelle le capital humaincontribue à la création de connaissances utiles.
41
pas d'effets de niveau). Les valeurs de �YS ainsi obtenues vont de 0,24% pour Cohen et Soto (2001) à
0,87% pour Barro (2000).
b. Conséquences sur la croissance et les disparités entre les pays de l'OCDE
Quelle est l'importance du capital humain comme source de croissance et de disparités en matière de
productivité entre les pays? Dans cette partie, nous apporterons une esquisse de réponse à cette question
pour un échantillon de 21 pays industriels. En particulier, nous calculerons la contribution du capital
humain i) à la croissance de la productivité observée (mesurée en rendement par travailleur employé) sur
la période 1960-1990 et ii) au différentiel de productivité avec la moyenne de l'échantillon en 1990, en
travaillant dans les deux cas avec une économie "typique" de l'OCDE.
Encadré 4: Mesure de la contribution de la scolarité à la croissance et aux disparités entre pays______________________________________________________________________
La contribution du capital humain à la croissance dans le pays i (chi) est calculée en utilisant unefonction de production agrégée (qui est supposée de Cobb-Douglas en durée moyenne de scolarité, YS) etune fonction de progrès technique qui tient compte d'effets de taux générés par le capital humain et ladiffusion technologique. Par conséquent, chi aura en général deux composantes. La première rend compted'effets de niveau et est obtenue par
(1) chli = �YS�ysioù �YS est l'élasticité du rendement en ce qui concerne la scolarité moyenne et �ysi le taux de croissancede la durée moyenne de la scolarité observé dans le pays i sur la période d'échantillon. La deuxièmecomposante rend compte de la contribution des effets de taux et est calculée en utilisant une fonction deprogrès technique de la forme
(2) �xit = �io - xit + �YSYSitoù xit est le niveau de PTF du log du pays i au moment t, mesuré en fraction de la frontière technologiquemondiale. Pour ce calcul, nous supposons que'en 1960, tous les pays étaient dans des situations destabilité technologique (par rapport à la frontière mondiale) correspondant à leurs niveaux de scolaritéestimés en 1955. Ceux-ci sont obtenus en projetant en arrière la valeur de YS en 1960 en utilisant le tauxde croissance de cette variable entre 1960 et 1965. Ces valeurs initiales sont ensuites projetées en avantjusqu'en 1990 en utilisant l'équation (3) et les valeurs de YS observées au cours de la période de référence.Enfin, la différence annualisée entre les valeurs initiale et finale de xit est utilisée comme estimation de lacontribution des effets de taux à la croissance dans le pays i.
La part du capital humain dans la croissance dans le pays i est ensuite obtenue par le rapport ai=chi/�qi où �qi est la valeur observée du taux de croissance du rendement par travailleur sur la période1960-90. Pour réduire le poids des cas atypiques, plutôt que de calculer la simple moyenne de cettequantité à travers les pays, nous estimons une régression de la forme
(3) chi = a�qi + eioù ei est un terme de perturbation. Le coefficient a ��chi/�qi mesure la fraction de croissance observée quipeut être attribuée au capital humain dans le cas d'un pays typique de l'échantillon.
Pour mesurer la contribution du capital humain aux différentiels de productivité en 1990, nousprocédons d'une façon similaire. Nous définissons la productivité relative du pays i (qreli) comme ladifférence entre le log de la production par travailleur employé du pays i en 1990 et la valeur moyenne dela même variable dans l'échantillon et effectuons une régression de la contribution estimée du capitalhumain à qreli sur qreli elle-même pour obtenir un coefficient, analogue à a dans l'équation (3), quimesure la fraction du différentiel de productivité qui peut être attribuée au capital humain dans un paystypique de l'échantillon. Comme auparavant, la contribution du capital humain à la productivité relativecomportera deux composantes reflétant respectivement les effets de niveau et de taux. La premièrecomposante est calculée en multipliant �YS par le niveau de scolarité relatif du pays (mesuré en différenceslogarithmiques par rapport à la moyenne (géométrique) de l'échantillon) et la seconde est obtenue pardifférence entre la valeur de 1990 de xi estimée ci-dessus et la moyenne de l'échantillon de la mêmevariable.
42
______________________________________________________________________
Cette économie typique fictive est construite en faisant la moyenne, à travers les pays, des contributions
du capital humain aux variables qui nous intéressent, en utilisant des pondérations fondées sur une
régression de façon à réduire l'impact des cas atypiques (voir encadré 4). L'exercice sera répété pour la
fourchette de valeurs des coefficients de la scolarité identifiée dans la partie précédente. Cela nous
permettra d'illustrer les implications des différentes estimations des paramètres disponibles dans la
littérature en termes de grandeurs faciles à interpréter, et pourra servir à vérifier la plausibilité de ces
estimations. Tous nos calculs sont faits à partir de la série de données utilisée dans la version actualisée de
de la Fuente et Doménech (2000) et des estimations fournies par ces auteurs des paramètres des fonctions
de production et de progrès technique (excepté dans le cas des coefficients de la scolarité, qui peuvent
varier sur l'ensemble de la gamme de valeurs examinée plus haut).
Graphique 3: Pourcentage de croissance du rendement par travailleur au cours des années 1960-90expliqué par le capital humain dans un pays typique de l'OCDE
comme fonction du paramètre des effets de taux
0%
10%
20%
30%
40%
0,0% 0,1% 0,2% 0,3% 0,4% 0,5% 0,6% 0,7% 0,8% 0,9%
paramètre effets de taux
Graphique 4: Pourcentage des disparités du rendement par travailleur en 1990expliqué par le capital humain dans un pays typique de l'OCDE
comme fonction du paramètre des effets des taux
43
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
0,0% 0,1% 0,2% 0,3% 0,4% 0,5% 0,6% 0,7% 0,8% 0,9%
paramètre effets de taux
Les graphiques 3 et 4 montrent la part du capital humain dans la croissance observée et dans le
différentiel de productivité par rapport à la moyenne de l'échantillon ("productivité relative," à partir de
maintenant) dans le cas d'un pays typique de l'OCDE. Ces deux parts sont présentées sous forme de
fonctions de la valeur supposée du paramètre des effets de taux, �YS. Le segment vertical de chaque
courbe, tracé le long de l'axe vertical, correspond à l'éventail de valeurs résultant de nos estimations
maximales et minimales du paramètre des effets de taux. Si nous considérons uniquement les effets de
niveau, le capital humain représente entre 11,31% et 15,36% de la croissance de la productivité sur la
période 1960-90 et entre 19,52% et 26,51% du différentiel de productivité par rapport à la moyenne de
l'échantillon en 1990. Ce sont des chiffres respectables, et ils augmentent rapidement lorsqu'on ajoute la
contribution des effets de taux, pour atteindre 33,71% de la croissance et 79,10% de la productivité
relative pour �YS = 0,9%. Ces résultats indiquent que le capital humain joue un rôle relativement plus
important dans la justification des disparités qui subsistent en matière de productivité que dans
l'explication de la croissance passée. La raison en est que le stock de capital physique a augmenté plus
rapidement que la durée moyenne de la scolarité et a convergé à un rythme plus soutenu dans les
différents pays, réduisant ainsi la contribution de ce facteur aux disparités observées dans la productivité.
Tableau 3: Sources directes de croissance de la productivitéet de différentiels de productivité entre les pays
________________________________________
contribution:
taux decroissance1960-90
niveaux relatifs1990
du capital physique 49,39% 38,02%de la scolarité (effet deniveau)
15,36% 26,51%
niveau total k + ys 64,75% 64,53%reste = dû à la PTF 35,25% 35,47%________________________________________
- Note: parts des différents facteurs dans la croissance observée et la productivité relative dans un pays typique del'OCDE telles que définies dans l'encadré 4.
44
Selon Bils et Klenow (2000), le calcul suivant peut être utile en ce qu'il réduit l'éventail plausible des
valeurs du paramètre des effets de taux. En soustrayant de la croissance de la productivité observée et de
la productivité relative la contribution du capital physique et les effets de niveau (limite haute) du capital
humain, nous obtenons la part de productivité totale des facteurs (PTF) de ces variables qui, comme le
montre le tableau 3, représente environ un tiers dans les deux cas. Le graphique 5 montre ensuite la
contribution des effets de taux à la croissance et à la productivité relative en fraction de la part estimée de
la PTF. Une valeur "élevée" de l'un ou l'autre de ces ratios rendra suspects les effets de taux sous-jacents.
Par exemple, des effets de taux supérieurs à la croissance totale observée de la PTF impliqueraient que
d'autres composantes de cette variable (qui rendraient compte entre autres de la contribution de
l'investissement en R&D) aient décliné avec le temps, ce qui semble plutôt improbable. Un résultat
similaire dans la dimension transversale supposerait que la composante des niveaux de PTF non liée au
capital humain devrait être en corrélation négative avec la productivité du travail ce qui, là encore, semble
improbable. Si l'on passe au graphique 5, la décomposition de la croissance n'aide pas à réduire l'éventail
des valeurs de �YS puisque même les estimations les plus pessimistes de la littérature impliquent que le
capital humain représente moins de la moitié de la croissance en PTF observée. Par ailleurs, la
comparaison de la productivité transversale relative suggère que nous devrions exclure les estimations de
�YS supérieures à 0,6%, et que les valeurs de ce paramètre supérieures à 0,3-0,4% sont improbables car
elles supposeraient que plus de la moitié des différentiels de PTF observés entre les pays soient induits par
le capital humain.28
28 Il convient de noter que tous les analystes ne seraient pas d'accord avec ce critère. Wössman (2000), par exemple,réalise un exercice de comptabilité de niveaux similaire à l'aide de la mesure de Mincer du stock de capital humainqui corrige les différences qualitatives en utilisant un indicateur construit par Hanushek et Kimko sur la base derésultats de tests internationaux (voir partie 3.e de l'annexe). Il conclut que pratiquement toutes les différences derendement par travailleur entre les pays de l'OCDE s'expliquent par le capital humain (en laissant pour la PTF unepart négative qui compense à peu près la part de capital physique). Alors que Wössman affirme que ce résultat doitêtre pris au pied de la lettre, nous pensons qu'il est trop "optimiste" dans la mesure où il ne laisse pratiquement pas deplace aux autres facteurs susceptibles d'être des sources importantes de disparités dans la productivité. Il conviendrait également de noter qu'une valeur de �k légèrement inférieure à celle utilisée dans nos calculsresterait cohérente avec les données des comptes nationaux sur les parts de facteurs (en particulier lorsque le revenudes capitaux est corrigé pour les gains des travailleurs non salariés). Une valeur plus basse de ce paramètre réduira lapart du capital physique dans la croissance et les différentiels de productivité et relèvera celle de la PTF, laissant ainsiplus de place pour le capital humain. Pour les valeurs plausibles de �k, cela ne modifierait toutefois pas énormémentnos conclusions.
45
Graphique 5: Impact des effets de taux du capital humainen % de la contribution totale de la PTF à la croissance et à la productivité relative
0%
25%
50%
75%
100%
125%
150%
0,1% 0,2% 0,3% 0,4% 0,5% 0,6% 0,7% 0,8% 0.9%
taux de croissance niveaux relatifs paramètre effets de taux
c. Taux de rendement de la scolarité et implications politiques
Dans cette section, nous calculerons les "véritables" taux de rendement de la scolarité impliqués par
les estimations micro et macro-économiques des paramètres examinées ci-dessus. Ce calcul est nécessaire
pour transformer nos estimations de paramètres techniques en mesures des bénéfices économiques privés
et sociaux nets de la scolarité qui soient comparables entre elles (en combinant effets de niveau et effets
de taux en un unique indicateur) ainsi qu'avec les rendements d'autres avoirs. Comme nous l'avons déjà
noté, de telles comparaisons peuvent produire des informations qui présenteront un intérêt pour la
formulation de politiques dans la mesure où elles peuvent nous sensibiliser au sous-investissement ou au
surinvestissement dans l'éducation, ou à l'existence d'externalités qui peuvent nécessiter une action
corrective.
L'encadré 5 examine la méthodologie utilisée pour le calcul de ces taux de rendement. Nous calculons
le taux de rendement interne de la scolarité, défini comme le taux d'actualisation qui fait que la valeur
actuelle nette de l'augmentation des revenus est générée par une modification marginale de la scolarité
égale à la valeur actuelle du flux de coûts concerné. Nous établissons une distinction entre taux de
rendement brut et net. Les taux de rendement bruts sont obtenus en ignorant les coûts directs de la
scolarité (mais pas ses coûts d'opportunité en termes de revenus prévisibles), cependant que les taux de
rendement nets tiennent compte des coûts directs impliqués (soit ceux directement payés par l'individu
soit la somme de ces derniers et des dépenses des pouvoirs publics en faveur de l'éducation). Nos
estimations des coûts directs sont basées sur des données récentes relatives aux dépenses totales et
publiques au profit de l'enseignement secondaire et supérieur dans le pays moyen de l'UE, et tentent de se
rapprocher du coût d'une augmentation marginale des effectifs, qui devrait se produire au niveau du
deuxième cycle du secondaire et au niveau de l'université puisque la fréquentation des niveaux inférieurs
est déjà obligatoire dans ces pays.
46
Encadré 5: Le taux de rendement de la scolarité______________________________________________________________________
Considérons un individu qui va à l'école les premières années S de sa vie d'adulte et prend sa retraiteau moment T. Si chaque année de scolarité a un coût direct c, la valeur actuelle nette (au moment zéro) deses revenus sur l'ensemble de sa vie professionnelle est rendue par
(1) V(S) =
A(t )f (S)e�rtS
T� dt
� c(t )e�rt
0
S� dt
où le revenu du travail au moment t est obtenu par le produit d'un indice d'efficacité technique A(t) etd'une fonction f(S) qui augmente avec la scolarité. La valeur marginale nette de la scolarité sera obtenuepar la dérivée de cette fonction, V'(S). En fixant cette dérivée égale à zéro et en résolvant l'équation qui enrésulte pour la valeur du taux d'actualisation, r, nous obtiendrons une estimation du véritable taux derendement de l'éducation.
Nous recourrons à cette approche pour calculer les taux de rendement individuels et sociaux de lascolarité en distinguant taux de rendement brut et net tels que définis dans le texte. Lorsque nousappliquerons cette procédure à un individu pour calculer le taux de rendement privé, nous considèreronsle progrès technique comme étant exogène (c'est-à-dire que nous supposerons que l'évolution de A(t) n'estpas affectée par le choix de l'individu en matière de scolarité). Pour calculer le taux de rendement social,nous appliquerons la même procédure à un individu moyen hypothétique. Ceci doit être considéré commeune approximation dans la mesure où le calcul suppose implicitement qu'une augmentation d’un an duniveau moyen d'instruction sera obtenue en envoyant directement l'ensemble de la main-d'œuvre à l'écolependant un an (plutôt qu'en augmentant progressivement le niveau d'études des cohortes plus jeunes).Lorsque nous calculerons les taux de rendement sociaux, nous tiendrons compte d'effets de taux (c'est-à-dire que nous supposerons que la valeur moyenne de S dans l'agrégat peut avoir un effet sur le progrèstechnique). Dans ce cas, un terme supplémentaire doit également être ajouté à V(S) dans l'équation (1) ci-dessus pour rendre compte de l'impact de la scolarité actuelle sur la PTF au-delà de la vie professionnelledes cohortes actuellement en activité. La fonction de progrès technique spécifique qui sous-tend noscalculs est la même que celle utilisée dans l'encadré 4, à savoir
(2) �xit = �io - xit + �YSSitoù -xit mesure la distance par rapport à la frontière technologique mondiale, qui est supposée évoluer avecle temps à un taux constant g, et où peut être interprété comme la vitesse de diffusion technologique.
Si l'on suppose que les coûts directs de la scolarité sont une fraction donnée � du rendement parsalarié, le taux de rendement social net de l'éducation sera obtenu par29
(3) r = R + goù g est le taux de progrès technologique mondial et R résout l'équation suivante
(4) R �
1 � e�RU
1� �� �
� YSR � �
��
����
��
��.
______________________________________________________________________
Encadré 5 (suite)______________________________________________________________________Dans cette expression, �= f'(S)/f(S) représente le paramètre des rendements agrégés de la scolarité selonMincer (pour l'UE), U = T-S la durée en années de la vie active de l'individu représentatif, et les autrestermes ont été définis plus haut. Cette formule peut être appliquée avec les modifications appropriées auxautres cas qui nous intéressent. Pour obtenir le taux de rendement social brut, nous posons ��= 0 en (4);pour calculer les rendements privés, nous posons �YS = 0 et remplaçons ��par le paramètre individuel deMincer pertinent (corrigé ou non) (�).
Pour les calculs rapportés dans cette partie, nous supposons que g = 0,015, �= 0,074, et U = 42. Lapremière estimation est tirée de Jones (2002), la deuxième d'une version actualisée de de la Fuente etDoménech (2000) et la troisième est choisie comme une valeur plausible pour les pays industriels, danslesquels les cohortes jeunes quittent souvent l'école alors qu'ils ont une vingtaine d'années et où lestravailleurs prennent généralement leur retraite avant 65 ans.
Les valeurs de ��utilisées dans le calcul des rendements sociaux et privés sont respectivement de12,45% et 0,93%. Le premier chiffre est dérivé: il s'agit d'une moyenne pondérée des dépenses totales enfaveur de l'enseignement secondaire et universitaire (avec des pondérations de respectivement 2/3 et 1/3) 29Voir de la Fuente (2002a) pour une dérivation de ce résultat.
47
dans le pays moyen de l'UE (à l'exclusion du Luxembourg) telles qu'elles sont consignées dans l'édition2000 de Regards sur l'éducation de l'OCDE. Cette source présente les dépenses sous forme de fraction duPIB par habitant en 1997. Nous estimons ��en fraction du rendement par travailleur en multipliant lechiffre initial par le rapport emploi sur population totale en 1990, tiré d'une version actualisée deDoménech et Boscá (1996). La valeur de � pertinente pour le calcul des rendements privés est estimée enmultipliant le chiffre précédent par la part des dépenses en faveur de l'éducation financée par le secteurprivé dans le même échantillon de pays, qui est tirée de la même publication de l'OCDE. L'OCDErapporte ces données séparément pour les études supérieures et pour tous les autres niveaux d'éducationcombinés, si bien que nous reprenons une moyenne pondérée avec une pondération de 1/3 pourl'enseignement supérieur.
Nos calculs des rendements privés se fondent sur les estimations de Mincer qui rendent compte durendement moyen d'une année supplémentaire de scolarité tous niveaux confondus et qui ne peuvent doncêtre comparées à des estimations qui s'appuient sur la prime de salaire pour des niveaux d'étudesspécifiques. Ils peuvent également différer des rendements réalisés sur des périodes spécifiques dans lamesure où les tendances salariales pour différentes catégories d'enseignement peuvent dévier du tauxglobal de progrès technique supposé ici.______________________________________________________________________
Il convient de noter que les taux de rendement que nous calculons n'incluent pas les rendements non
marchands de la scolarité dans la production domestique et les loisirs (voir partie 3a.xi) et ne peuvent
prendre en compte la valeur de consommation directe de l'éducation et son impact sur la participation à la
main-d'œuvre et les probabilités d'emploi. En conséquence, ils sous-estimeront les véritables rendements
de la scolarité dans une proportion qui peut être importante mais qui est extrêmement difficile à mesure
avec précision.
La formule présentée dans l'équation (4) de l'encadré 5 montre que le paramètre technique que nous
avons nommé rendements de la scolarité selon Mincer n'est un véritable taux de rendement que dans
certaines hypothèses très particulières qui ne tiennent pas dans la pratique. Pour obtenir de véritables taux
de rendement, les coefficients de Mincer estimés doivent être corrigés des coûts directs de l'éducation, du
caractère fini de la vie active des individus, du progrès technique et des effets de taux, lorsque ceux-ci
sont pertinents.
Le tableau 4 montre les véritables taux de rendement bruts et nets correspondant à la fourchette de
valeurs des paramètres figurant dans les tableaux 1 et 2 ci-dessus pour le pays moyen de l'UE14 en 1990.
Au niveau individuel, nous livrons des taux de rendement fondés à la fois sur les paramètres de Mincer
non corrigés et corrigés. La première série de valeurs mesure les incitations privées à l'investissement dans
l'éducation formelle et la seconde peut être comparée à des estimations macro-économiques en vue de
quantifier l'importance des externalités. La dernière série du tableau contient des estimations du taux de
rendement d'autres avoirs. Les rendements des actions et des obligations d'État américaines sont tirés de
Arias et McMahon (2001) et sont des valeurs moyennes sur la période 1975-95.30 Le taux de rendementdu capital physique est calculé de la façon suivante: rk = MPk - ��+ g où MPk est le produit marginal de
ce facteur, � le taux d'amortissement et g le taux de progrès technique.31 Notre estimation de MPk (=
30 Nous utilisons des données relatives aux États-Unis car nous n'avons pas trouvé de données comparables pourl'UE, mais nous ne pensons pas que les différences existantes seront suffisamment importantes pour affecter nosconclusions.31 Cette formule est issue d'un calcul analogue à celui décrit dans l'encadré 5, mais beaucoup plus simple dans le casdu capital physique du fait de l'absence de délais et d'effets de taux.
48
13,1%) est la valeur moyenne du produit marginal du capital en 1990 dans un échantillon de 14 pays de
l'UE, calculée en recourant à la fonction de production estimée dans la version actualisée de de la Fuente
et Doménech (2000) ainsi qu'aux données utilisées par ces auteurs et qui incluent une estimation du stock
de capital physique. Nous supposons un taux d'amortissement de 5% et une valeur de g de 1,5% (de
même que dans les calculs du taux de rendement de l'éducation). Ceci correspond globalement à
l'estimation de 15% pour les États-Unis donnée par McMahon (1991) pour le produit marginal du capital
(non résidentiel) sur la base de données relatives au revenu du capital et au stock de capital du Bureau of
Economic Analysis.
Tableau 4: Taux de rendement de la scolarité et de certains autres avoirs__________________________________________
brut netrendements privés non corrigés: min (��= 6,5%) 5,97% 5,90% max (��= 9%) 8,77% 8,68%
rendements privés corrigés: min (�= 4,33%) 4,71% 4,65% max (�= 6,00%) 6,87% 6,80%
rendements sociaux: min (�= 3,98%, �YS = 0) 4,20% 3,53% interm (�= 5,41%, �YS = 0) 6,15% 5,36% max (�= 5,41%, �YS = 0,90%) 11,85% 10,89%
rendements d'autres avoirs: capital-actions des grandesentreprises (États-Unis)
7,70%
obligations d'État américaines 2,60% capital physique 9,60%__________________________________________
- Note: Sauf mention contraire, ces chiffres se réfèrent à un pays moyen de l'UE autour de 1990.
De nombreuses comparaisons par paires entre ces différents taux de rendements peuvent s'avérer
instructives. Le graphique 6 présente les taux de rendement bruts social et privé (corrigé) de la scolarité,le
premier apparaissant sous la forme d'une fonction du paramètre des effets de taux, �YS. Le graphique
illustre les implications de la grande disparité d'estimations du paramètre constatée dans la littérature
concernant l'importance des externalités. Nos estimations macroéconomiques les plus basses du paramètre
sont en cohérence avec leurs équivalents microéconométriques et suggèrent que les effets du capital
humain sur la productivité, quoique assez considérables, se reflètent pleinement dans les salaires. Les
estimations les plus hautes supposent cependant que les externalités liées à la technologie sont
extrêmement importantes, et représentent jusqu'à la moitié du rendement social de l'éducation. Si l'on
considère les estimations moyennes plus plausibles du paramètre des effets de taux (0,3 à 0,4%), les
externalités technologiques augmentent de 2,5 à 3 points le rendement social de l'éducation.
Graphique 6: Rendements sociaux bruts et rendements privés corrigés de la scolarité sous forme defonction de ����YS
49
2%
4%
6%
8%
10%
12%
0,0% 0,2% 0,4% 0,6% 0,8% 1,0%
social
privé (max)
privé (min)
paramètre effets de taux
En l'absence d'intervention des pouvoirs publics, l'existence d'externalités du type de celles dont les
estimations macroéconométriques semblent rendre compte génèrerait une tendance au sous-investissement
privé dans la scolarité. La plupart des gouvernements subventionnent cependant largement l'éducation et
ont promulgué des législations relatives à la scolarité obligatoire. Dans la mesure où ces deux types de
mesures tendront à augmenter l'investissement dans l'éducation, compensant ainsi les effets des
externalités, le niveau de scolarité observé pourra être soit trop élevé soit trop bas par rapport à l'optimum
social. Une comparaison des rendements de la scolarité avec ceux obtenus au moyen d'autres avoirs
productifs est susceptible de nous apporter des informations sur le caractère optimal des résultats observés
dans le pays moyen de l'UE.
En principe, la comparaison appropriée devrait être faite entre les rendements sociaux nets de
l'éducation et les rendements du capital physique. Dans la pratique, il subsiste une incertitude considérable
quant aux valeurs des taux de rendement correspondants. Outre l'incertitude existant quant à l'ampleur des
effets externes de l'éducation mis en évidence dans le présent rapport, deux éléments doivent être pris en
considération. Le premier est que, comme nous l'avons déjà noté, il se peut que nos estimations
minimisent le taux de rendement social de l'éducation dans la mesure où elles ne tiennent compte que des
effets directs sur la productivité. Le second est que la façon dont il convient de mesurer le rendement du
capital physique n'est pas parfaitement claire. Notre estimation de cette grandeur, fondée sur une fonction
de production, est considérablement plus élevée que les rendements des actions observés (qui incluent
d'ailleurs les rendements de tous les actifs de l'entreprise et pas seulement du capital physique). Une des
raisons possibles est que nous sous-estimons peut-être le taux d'amortissement correspondant ousurestimons le coefficient de capital physique dans la fonction de production, �k, ou que les rendements
des actions sont nets de coûts d'intermédiation qui peuvent être considérables et ne devraient
probablement pas être pris en compte dans le rendement net du capital. En tout état de cause, on peut
s'attendre à ce que le taux de rendement du capital physique approprié se situe entre ces deux grandeurs.
50
Graphique 7: Rendements sociaux nets de la scolarité et rendements du capital physique
4%
5%
6%
7%
8%
9%
10%
11%
12%
0,0% 0,2% 0,4% 0,6% 0,8% 1,0%
rendement social net de la scolarité
rendement du capital physique (max)
rendement du capital physique (min)
paramètre effets de taux
Le graphique 7 présente les rendements sociaux nets de la scolarité sous la forme d'une fonction du
paramètre des effets de taux (�YS) ainsi que l'éventail plausible des taux de rendement du capital physique.
Les valeurs de �YS qui se situent dans la moyenne des estimations existantes suggèrent que les rendements
économiques directs de la scolarité correspondent probablement à ceux retirés de l'investissement dans le
capital physique. Notre mesure des rendements sociaux de l'éducation ne comprenant pas ses bénéfices
non marchands, ou ceux dérivés de sa contribution à la cohésion sociale, on peut considérer une
augmentation de l'investissement dans le capital humain comme justifiée. Cet argument repose cependant
sur l'existence d'effets de taux importants ou d'autres rendements non marchands de l'éducation, puisque
les effets de niveau directs qui se répercutent sur les salaires impliquent des taux de rendement de la
scolarité sensiblement inférieurs à ceux retirés des autres avoirs.
Il est également intéressant d'effectuer une comparaison entre rendements nets privés et sociaux pour
déterminer à quel point les incitations privées et sociales peuvent être mal alignées en Europe. Mais,
encore une fois, la nature des taux de rendement spécifiques à utiliser pour la comparaison n'est pas
totalement claire. Ce sont les taux de rendement nets privés non corrigés (5,90 à 8,68%) présentés dans la
partie supérieure du tableau 4 qui rendent compte le plus précisément des incitations privées, puisqu'ils
reflètent les bénéfices attendus pour les individus via des salaires plus élevés. Comme il est indiqué plus
haut, ces taux de rendement privés non corrigés ne correspondent pas à un capital physique constant, ce
qui est le cas des taux de rendement sociaux que nous avons calculés. Pour les rendre comparables, nous
devons formuler une hypothèse sur la façon dont le stock agrégé de capital physique réagira à un
accroissement de l'investissement dans l'éducation puisque, compte tenu de la complémentarité entre les
deux types de capital, une augmentation du stock de capital physique augmentera les rendements de la
scolarité.
51
L'hypothèse la plus simple consiste à supposer que le pays est caractérisé par une petite économie
ouverte qui possède un accès illimité aux capitaux au taux d'intérêt en vigueur dans le monde. Cette
hypothèse étant essentiellement celle que nous avons utilisée au niveau microéconomique, la correction
requise impliquerait de multiplier le taux de rendement social présenté dans le tableau 4 par l'inverse du
coefficient que nous avons utilisé ci-dessus pour corriger les taux de rendement privés vers le bas, et
placerait le taux de rendement social au-dessus du rendement privé (même en tenant compte des
subventions) en commençant par des valeurs relativement faibles du paramètre des effets de taux. Au
niveau régional, niveau auquel l'hypothèse de la petite économie ouverte est probablement une bonne
approximation, ce résultat suggère qu'il peut exister des raisons de déplacer les priorités d'investissement
du capital physique vers le capital humain. En effet, l'augmentation des subventions à la formation de
capital humain dans les régions en retard peut être une composante efficace des politiques de cohésion,
mais il convient de garder à l'esprit deux restrictions à cette conclusion. La première est que nous sommes
en présence d'un élément de jeu à somme nulle, dans la mesure où l'afflux de ressources mobiles
susceptibles de suivre l'augmentation de l'investissement dans le capital humain se fera au détriment
d'autres régions. La seconde est que, comme nous l'avons suggéré dans notre examen des externalités
régionales dans la partie 3b.v, il est très probable que les externalités liées à la technologie agissent au
niveau national plutôt qu'au niveau régional. Par conséquent, certains des bénéfices d'un investissement
supplémentaire dans le capital humain dans les régions en retard peuvent déborder sur d'autres plus
avancées, réduisant ainsi l'impact désiré sur la cohésion régionale.
L'argumentation en faveur de subventions supplémentaires est considérablement affaiblie lorsqu'on
l'examine depuis une perspective nationale ou communautaire. À ce niveau d'agrégation, l'hypothèse d'une
parfaite mobilité des capitaux est probablement assez inadéquate, comme le suggère la forte corrélation
observée entre l'épargne nationale et les taux d'investissement. Dans la mesure où il s'agit là de grandes
économies, celles-ci se trouveraient confrontées à une hausse des prix des capitaux et devraient compter
au moins en partie sur la capitalisation nationale pour accroître le stock de capital physique. En
conséquence, il est possible que le rendement social de la scolarité, lorsque nous ne maintenons pas le
capital à un niveau constant, ne soit pas beaucoup plus élevé que l'estimation présentée dans le tableau 4
(car le stock agrégé de ce facteur n'augmentera que progressivement et, peut-être, à un coût plus élevé).
Dans cette situation, il existe un facteur qui compense en partie l'externalité et qui a à voir avec le fait que
les individus et les entreprises (voire les régions) sont mieux placés que les pays pour exploiter les
bénéfices potentiels de l'investissement dans le capital humain dans la mesure où, contrairement aux États,
ils possèdent un accès rapide et illimité à des prix donnés à des intrants complémentaires dont l'utilisation
va augmenter le rendement de l'investissement éducatif.
Enfin, il importe de noter que les rendements privés (non corrigés) de l'investissement dans la scolarité
sont pratiquement équivalents aux rendements de la dette et du capital actions, notamment si l'on tient
compte des rendements non marchands et des effets sur l'emploi. Le capital humain est cependant un actif
à risque, comme en témoigne l'écart considérable entre les salaires de travailleurs possédant le même
niveau d'études. Bien qu'une partie de cet écart reflète des différences d'aptitude et des différentiels de
52
salaire qui compensent diverses caractéristiques des emplois, les individus pourront avoir besoin d'une
prime de risque assez considérable pour investir dans le capital humain. Étant donné que nous manquons
de mesures satisfaisantes du niveau de risque d'un tel investissement, il est difficile de savoir si le schéma
de rendements observé fait de l'éducation une option d'investissement suffisamment attractive d'un point
de vue individuel. La prime observée sur le taux de rendement sans risque (3,2 à 5%) est comparable à
celle du capital actions, voire supérieure, et semble assez importante pour fournir des incitations
raisonnables à l'investissement dans l'éducation. Mais il est également vrai que le rendement attendu du
capital humain est probablement inférieur au taux d'intérêt de prêts personnels non garantis qui peuvent
être utilisés pour financer les dépenses éducatives, lorsque ces prêts existent. Par conséquent, les
problèmes de trésorerie sont davantage susceptibles de poser problème que les faibles rendements en tant
que tels, en particulier dans les pays dans lesquels les systèmes de prêts publics pour étudiants n'existent
pas.
Bien qu'il convienne d'être prudent, pour un certain nombre de raisons qui ont déjà abordées (et
notamment l'incertitude de taille qui subsiste quant aux valeurs des paramètres macroéconomiques
concernés et à l'ampleur des bénéfices sociaux du capital humain que ne reflètent pas les estimations
empiriques existantes), nous pensons que la discussion qui précède vient à l'appui des ébauches de
conclusions suivantes:
Premièrement, une augmentation modérée de l'investissement dans le capital humain est
probablement une bonne idée. Les rendements économiques directs de l'investissement dans la scolarité
dont rendent compte les études macro-économétriques sont comparables à ceux de l'investissement dans le
capital physique. Si l'on tient compte de façon raisonnable des rendements non marchands de l'éducation
et de ses avantages en termes de cohésion sociale, le capital humain devient une option d'investissement
assez attractive d'un point de vue social.
Deuxièmement, une augmentation à tous les niveaux des subventions générales à l'éducation formelle
au-delà de la scolarité obligatoire n'est probablement pas nécessaire. Cette conclusion peut sembler
quelque peu surprenante alors que nous mettons l'accent sur l'importance des externalités du capital
humain, mais il faut garder à l'esprit que l'éducation est déjà fortement subventionnée et que la scolarité
obligatoire contribue également à compenser les effets de ces externalités. Par ailleurs, comme nous
l'avons vu, les particuliers et les entreprises sont mieux placés que les pays pour exploiter les bénéfices
potentiels de l'investissement dans le capital humain. Ces facteurs concourent à expliquer notre conclusion
selon laquelle le taux de rendement privé correspondant à des décisions individuelles relatives à la
scolarité est pratiquement équivalent au taux de rendement social de l'éducation et à celui d'avoirs
concurrents accessibles aux ménages.
Par conséquent, les incitations financières destinées à favoriser l'investissement des particuliers dans
l'éducation sont probablement adéquates. Si l'on considère comme souhaitable la poursuite de
l'augmentation des effectifs au-delà de l'enseignement obligatoire, il pourrait être plus important d'éliminer
les obstacles implicites entravant l'accès aux formations supérieures (tels que les contraintes de trésorerie
et des niveaux de compétences de bases inférieurs pour les individus issus de milieux défavorisés) par des
53
politiques spécifiquement axées sur ces problèmes, plutôt que de diminuer encore des frais de scolarité
déjà faibles qui impliquent une importante subvention bénéficiant à des groupes relativement
privilégiés.32 En effet, la combinaison de frais de scolarité plus élevés et d'un programme de prêts bien
conçu ou d'une augmentation des bourses allouées sous conditions de ressources peut être un moyen
efficace de fournir des ressources supplémentaires permettant d'augmenter la qualité de l'éducation post-
secondaire tout en réduisant dans le même temps la régressivité de son financement. Des fonds publics
supplémentaires pourraient cependant s'avérer nécessaires à des niveaux moins élevés de l'enseignement,
ainsi que pour le développement de la formation pour adultes.
Il convient de souligner le fait que nos conclusions sont tirées de l'analyse d'un hypothétique pays
moyen de l'UE et peuvent, par conséquent, devoir être modifiées en fonction du contexte particulier de
pays ou régions spécifiques. D'une façon générale, il sera probablement plus pertinent d'accroître
l'investissement dans les ressources humaines dans les territoires dans lesquels les dépenses sont faibles
et/ou le capital humain limité par rapport à d'autres avoirs productifs. De même, la nécessité de
subventions supplémentaires variera selon les pays en fonction des dispositions financières existantes et
de la façon dont les échelles de salaires fournissent des incitations adéquates à l'investissement privé dans
l'éducation.
6. Conclusions
Notre analyse fournit certaines lignes directrices permettant d'identifier les usages les plus productifs
des ressources supplémentaires allouées à l'éducation et les changements à apporter aux pratiques
actuelles et susceptibles d'améliorer leur rendement. Notre passage en revue de la littérature indique que la
principale source de "rendement excédentaire" de l'investissement dans le capital humain, que ne peut
s'approprier le particulier, est probablement cette complémentarité de facteurs avec la technologie. Cela
nous conduit à énoncer les grands objectifs suivants pour les politiques relatives au capital humain.
Premièrement, chercher à donner des compétences en matière de technologies à un large segment de la
population et assurer l'apport adéquat en personnel technique et scientifique nécessaire à la fois pour le
développement et pour l'adoption de nouvelles technologies. Deuxièmement, soutenir la formation tout au
long de la vie afin de contrer la dépréciation accélérée des compétences en période d'évolution
technologique rapide. Troisièmement, améliorer les conditions d'accumulation de capital humain relatif à
la recherche. Une grande part de ce capital humain est générée sous forme de sous-produit de la recherche
elle-même, et les politiques axées sur le capital humain devraient par conséquent renforcer le lien existant
entre l'enseignement supérieur et la recherche tant privée que publique.
La seconde source de rendements excédentaires agrégés du capital humain vient probablement de sa
contribution à la cohésion sociale et au capital social. Notre examen de la littérature suggère que l'objectif
consistant à améliorer la cohésion sociale et à constituer un capital social n'est pas en contradiction avec
les politiques relatives au capital humain recherchant des complémentarités entre capital humain et
technologie. Donner des compétences technologiques à une grande majorité de la main d'oeuvre
32 Voir par exemple OCDE (2001b).
54
nécessitera des politiques soutenant l'acquisition de ces compétences dans des segments de la population
possédant historiquement des niveaux faibles de capital humain, et offre donc une possibilité d'accroître la
cohésion sociale. La complémentarité entre capital humain de départ et éducation formelle et formation
sur le terrain démontrée dans la littérature laisse cependant à penser que le succès de telles politiques
dépendra essentiellement de la généralisation de l'accès à des possibilités éducatives précoces. La
recherche axée sur les rendements non marchands du capital humain indique que les politiques
d'éducation précoce génèreront également des bénéfices en termes de formation tout au long de la vie. La
complémentarité entre éducation formelle et formation sur le terrain suggère en outre que les politiques de
capital humain devraient améliorer la formation pour adultes, de façon à prévenir la marginalisation
d'individus qui sont passés à côté des possibilités éducatives de la scolarité formelle.
Il ressort également de notre examen de la littérature que la qualité du capital humain pourrait être
essentielle pour la croissance économique. L'accroissement de la qualité de l'éducation devrait donc être
au centre des politiques relatives au capital humain. Les travaux empiriques indiquent certaines mesures
concrètes permettant d'atteindre cet objectif, mais une incertitude considérable subsiste, et il est nécessaire
de poursuivre les recherches pour identifier les déterminants des résultats scolaires et de la réussite des
élèves. Il est cependant d'ores et déjà clair que l'objectif consistant à accroître la qualité moyenne du
capital humain n'est pas en contradiction avec l'objectif de renforcement de la cohésion sociale, puisque
les exercices d'évaluation de l'éducation à l'échelle internationale démontrent que les pays obtenant des
niveaux moyens relativement élevés parviennent également mieux à accroître les résultats des élèves issus
de milieux défavorisés.33
Dans l'ensemble, le constat que nous avons examiné cadre avec l'idée que les mesures visant à
accroître la quantité et la qualité du stock de capital humain devraient représenter une part importante de
tout train de mesures politique destiné à promouvoir la croissance. C'est certainement le cas de la stratégie
de Lisbonne, qui fait écho à bon nombre des recommandations formulées dans la littérature. La mise en
œuvre des politiques relatives au capital humain présentées lors de sommets européens successifs apparaît
comme particulièrement importante pour les régions de l'UE qui sont à la traîne en termes de productivité
et de revenu par habitant. Il importe toutefois de reconnaître qu'une action, pour réussir, requiert une
image claire de la quantité et de la qualité des stocks régionaux de capital humain, de façon à comprendre
les besoins locaux et à identifier les politiques susceptibles d'être les plus efficaces. Il serait notamment
important d'étendre au plan régional des études récentes qui tentaient d'évaluer les niveaux de
compétences des cohortes les plus jeunes et de la main-d'œuvre dans son ensemble, et de soutenir la
poursuite de la recherche sur les déterminants de la performance des systèmes éducatifs. Ces études
peuvent constituer un apport utile pour la formulation d'une politique de ressources humaines
systématique qui devrait constituer un aspect essentiel de l'effort actuel de l'UE en faveur de
l'augmentation de la cohésion régionale.
33 Voir OCDE et Statistics Canada (2000) et OCDE (2001c).
55
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