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UNIVERSITE DE LOME UNIVERSITE DU MAINE FACULTE DE DROIT UFR- DROIT ET SCIENCES ECONOMIQUES LOME-TOGO LE MANS-FRANCE Laboratoire de Recherche Laboratoire de Recherche Centre du Droit des Affaires Groupe de Recherche en Droit des Affaires LE CAUTIONNEMENT A L’EPREUVE DES PROCEDURES COLLECTIVES Cotutelle de thèse pour l’obtention du diplôme de Doctorat Option : Droit Privé Présentée et soutenue publiquement le 28 novembre 2008 par : Koffi Mawunyo AGBENOTO Composition du Jury : Filiga Michel SAWADOGO, Professeur titulaire à l’Université de Ouagadougou, Président Akuété SANTOS, Professeur agrégé, Doyen de la Faculté de Droit, Université de Lomé, Directeur des recherches Philippe DUPICHOT, Professeur agrégé, Université du Maine, Co-directeur Augustin AYNES, Professeur agrégé, Université de Bourgogne (Dijon), Membre François Kuassi DECKON, Professeur agrégé, Université de Lomé, Membre

LE CAUTIONNEMENT A L’EPREUVE DES …data.over-blog-kiwi.com/0/57/30/82/20160411/ob_ff89ce_these-prof... · RDC Revue de droit des contrats RD ... Côte-d’Ivoire, Gabon, Guinée

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  • UNIVERSITE DE LOME UNIVERSITE DU MAINE FACULTE DE DROIT UFR- DROIT ET SCIENCES ECONOMIQUES

    LOME-TOGO LE MANS-FRANCE

    Laboratoire de Recherche Laboratoire de RechercheCentre du Droit des Affaires Groupe de Recherche en Droit des Affaires

    LLEE CCAAUUTTIIOONNNNEEMMEENNTT AA LLEEPPRREEUUVVEE

    DDEESS PPRROOCCEEDDUURREESS CCOOLLLLEECCTTIIVVEESS

    Cotutelle de thse pour lobtention du diplme de Doctorat

    Option : Droit Priv

    Prsente et soutenue publiquement le 28 novembre 2008 par :

    Koffi Mawunyo AGBENOTO

    Composition du Jury :

    Filiga Michel SAWADOGO, Professeur titulaire lUniversit de Ouagadougou, Prsident

    Akut SANTOS, Professeur agrg, Doyen de la Facult de Droit, Universit de Lom, Directeur des recherches

    Philippe DUPICHOT, Professeur agrg, Universit du Maine, Co-directeur

    Augustin AYNES, Professeur agrg, Universit de Bourgogne (Dijon), Membre

    Franois Kuassi DECKON, Professeur agrg, Universit de Lom, Membre

  • DEDICACE

    A mon papa qui a connu les affres du droit de la faillite !

    A mes enseignants pour leur soutien et leurs conseils clairs.

  • Avertissement

    Les facults nentendent donner aucune approbation ni improbation aux opinions mises dans cette thse.

    Ces opinions doivent tre considres comme propres leur auteur .

  • 1

    ABREVIATIONS

    Act. lg. Dalloz. Actualit lgislative Dalloz

    Act. proc. coll. Actualit des procdures collectives

    Adde Ajouter

    AJ Actualit de jurisprudence

    AJDA Actualit juridique de droit administratif

    Al. Alina

    AOF Afrique occidentale franaise

    APD Archives de philosophie du droit

    Art. Article

    AU Acte uniforme de lOHADA

    AUDCG Acte uniforme relatif au droit commercial gnral

    AUSCGIE Acte uniforme relatif au droit des socits commerciales et du

    groupement dintrt conomique

    AUPC Acte uniforme portant organisation des procdures collectives

    dapurement du passif

    AUS Acte uniforme portant organisation des srets

    AUVE Acte uniforme portant organisation des procdures simplifies de

    recouvrement et des voies dexcution

    Banque Revue Banque

    Banque et Droit Revue Banque et Droit

    BCEAO Banque Centrale des Etats de lAfrique de lOuest

    BGB Brgerliches Gezetzbuch (Code civil allemand)

    Bibl. dr. pr. Collection Bibliothque de droit priv

    BRDA Bulletin Rapide de Droit des Affaires (F. Lefebvre)

    Bull. civ. Bulletin des arrts de la Cour de cassation franaise, chambre civile

    CA Cour dappel

    Cah. dr. entr. Cahier de droit de lentreprise

    Cass. Ass. pln. Assemble plnire de la Cour de cassation franaise

    Cass. civ. (1re, 2e, 3e) Cour de cassation franaise, premire, deuxime ou troisime

    chambre civile

    Cass. com. Chambre commerciale de la Cour de cassation franaise

    Cass. crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation

    Cass. soc. Chambre sociale de la Cour de cassation

  • 2

    Cass. ch. mixte Chambre mixte de la Cour de cassation

    CCJA Cour Commune de Justice et dArbitrage

    CE Conseil dEtat franais

    CECA Caisse dpargne et de crdit aux artisans

    CCI Chambre de commerce internationale

    Chron. Chronique

    CJCE Cour de Justice des Communaut Europennes

    C. civ. Code civil

    C. com. Code de commerce

    Coll. Collection

    Com. Commentaires

    Comp. Comparer

    Concl. Conclusions

    Cf. Confrer

    Cons. Cons. Conseil constitutionnel

    Contr. En sens contraire

    Cont. conc. cons. Revue Contrat, concurrence et consommation

    D. Aff. Recueil Dalloz affaires

    D. Recueil Dalloz

    D H Recueil Dalloz hebdomadaire

    D P Recueil priodique Dalloz

    Doc. AN Documentation de lAssemble nationale franaise

    Doctr. Doctrine

    d. Edition

    Ex. Exemple

    Fasc. Fascicule

    F. CFA Franc de la Communaut Financire Africaine

    FF Franc franais

    Gaz. Pal. Gazette du Palais

    Ibidem Au mme endroit

    In Dans

    IR Informations Rapides (Dalloz)

    Infra Plus bas

    J.-Cl. civ. Juris-classeur civil

    J.-Cl. com. Juris-classeur commercial

  • 3

    JCP E Juris-classeur priodique, dition Entreprise

    JCP G Juris-classeur priodique, dition Gnrale

    JCP N Juris-classeur priodique, dition Notariale

    JO Journal Officiel

    JORF Journal Officiel de la Rpublique Franaise

    Joly Bulletin Joly socits

    Jur. Jurisprudence

    L. Loi

    LGDJ Librairie gnrale de droit et de jurisprudence

    M. Monsieur

    n Numro

    NCPC Nouveau code de procdure civile

    OHADA Organisation pour lHarmonisation en Afrique de Droit des Affaires

    Obs. Observations

    op. cit. Dans louvrage prcit

    Ord. Ordonnance

    p. Page

    pan. Panorama

    prc. Prcit

    prf. Prface

    PUAM Presses universitaires dAix-Marseille

    PUF Presses universitaires de France

    Quot. Jur. Quotidien juridique

    Rapp. Rapport

    Rappr. Rapprocher

    RCCM Registre de Commerce et de Crdit Mobilier

    Rev. crit. Revue critique de lgislation et de jurisprudence

    RDAI Revue de droit des affaires internationales

    RD bancaire et bours. Revue de droit bancaire et de la bourse

    RD bancaire et fin. Revue de droit bancaire et financier

    RDC Revue de droit des contrats

    RD imm. Revue de droit immobilier

    RGDA Revue gnrale de droit des assurances

    Rev. huiss. Revue des huissiers

    RIDC Revue internationale de droit compar

  • 4

    RJ com. Revue de jurisprudence commerciale

    RJDA Revue de jurisprudence de droit des affaires

    Rev. proc. coll. Revue des procdures collectives

    RRJ Revue de recherche juridique

    RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil

    RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial

    Rev. soc. Revue des socits

    S Sirey

    s. Suivant (e) s

    Somm. Sommaire

    Somm. com. Sommaire comment

    Spc. Spcialement

    Suppl. Supplment

    Supra Plus haut

    T. Tome

    TGI Tribunal de grande instance

    TPI Tribunal de premire instance

    TRHC Tribunal rgional hors classe

    UEMOA Union conomique et montaire ouest-africaine

    UMOA Union montaire ouest-africaine

    UNIDA Association pour lUnification du Droit en Afrique

    UNIDROIT Institut international pour lunification du droit priv

    V. Voir

    V Verbo (mot)

    Vol. Volume

  • 5

    SOMMAIRE

    INTRODUCTION GENERALE ..............................................................................................6

    PREMIERE PARTIE ...........................................................................................................24

    LALTERATION DU CARACTERE ACCESSOIRE DU CAUTIONNEMENT PAR LES

    PROCEDURES DE SAUVETAGE DU DEBITEUR PRINCIPAL ........................................24

    TITRE I LALTERATION DU CARACTERE ACCESSOIRE DU CAUTIONNEMENT PAR LAPREVENTION DES DIFFICULTES DU DEBITEUR PRINCIPAL........................................................................ 26

    CHAPITRE I- LALTERATION DU DROIT DU CAUTIONNEMENT PAR LADOPTION DESMESURES PREVENT IVES ........................................................................................................30

    CHAPITRE II - LALTERATION DU DROIT DU CAUTIONNEMENT PAR LA MISE ENUVRE DES MESURES PREVENTIVES..................................................................................70

    TITRE II LALTERATION DU CARACTERE ACCESSOIRE DU CAUTIONNEMENT PAR LEREDRESSEMENT JUDICIAIRE DU DEBITEUR PRINCIPAL ........................................................................... 103

    CHAPITRE I - LALTERATION DU DROIT DU CAUTIONNEMENT A LOUVERTURE DELA PROCEDURE DE REDRESSEMENT JUDICIAIRE ............................................................105

    CHAPITRE II- LALTERATION DU DROIT DU CAUTIONNEMENT PAR LE TRAITEMENTJUDICIAIRE DES DIFFICULTES DU DEBITEUR PRINCIPAL ................................................155

    SECONDE PARTIE ..........................................................................................................198

    LA SURVIE DU CAUTIONNEMENT DANS LES PROCEDURES COLLECTIVES .........198

    TITRE I LE MAINTIEN DES REGLES DU DROIT COMMUN DE PROTECTION DE LA CAUTIONCONTRE LE RISQUE INHERENT AU CREDIT.................................................................................................. 200

    CHAPITRE I - LE MAINTIEN DES REGLES DU DROIT COMMUN RELATIVES ALEXISTENCE ET LETENDUE DE LA CREANCE ..................................................................202

    CHAPITRE II - LE MAINTIEN DES DEVOIRS LEGAUX A LA CHARGE DU CREANC IER.....253

    TITRE II - LE MAINTIEN DU DROIT DU CAUTIONNEMENT DANS LA PROCEDURE DE

    LIQUIDATION DES BIENS ................................................................................................................................... 308

    CHAPITRE I - LA COMPATIBILITE DE LA NATURE DU CAUTIONNEMENT AVEC LADEFAILLANCE DEFINITIVE DU DEBITEUR ...........................................................................310

    CHAPITRE II LE MAINTIEN DU MECANISME DE LA SUBROGATION DANS LALIQUIDATION DES BIENS ......................................................................................................354

    CONCLUSION GENERALE .............................................................................................397

  • 6

    INTRODUCTION GENERALE

    1. On chasse le naturel (laccessoire) et il revient au galop ! Cet adage exprime bien quil

    existe entre la sret de cautionnement et les procdures collectives quelque chose de la vieille

    rivalit entre le canon et la muraille1. Or, les enjeux conomiques et les exigences de la socit

    de consommation, hier comme aujourdhui, et, notamment dans lespace OHADA2 trouvent leur

    force dans le crdit. Seulement, les tablissements financiers ou les particuliers sollicits exigent

    toujours un certain nombre de garanties avant la mise en place de leur concours financier afin de

    se prmunir contre la faillite ventuelle de lemprunteur. Le cautionnement est lune des

    garanties les plus souvent usites parmi les srets personnelles ou relles et lassurance crdit.

    Contrat par lequel une personne, la caution, sengage envers le crancier, excuter lobligation

    du dbiteur si celui-ci ny satisfait pas lui-mme3 , le cautionnement, a-t-on pu crire, est

    incontestablement lune des garanties les meilleures quon puisse donner une banque, si ce

    nest pas toujours la plus sre, en tout cas la plus pratique dans le domaine de la prvention et

    du recouvrement des impays 4. Cependant, lessor du cautionnement a entran un contentieux

    abondant qui tmoigne tant de sa vitalit que des difficults que suscite sa mise en uvre.

    2. Le paiement de la dette dautrui : au commencement tait la rivalit familiale. Sous

    lempire du droit romain, le cautionnement trouve son origine dans la solidarit familiale et se

    ralise au moyen dun contrat verbal, la sponsio pour les citoyens romains et la

    fidepromissio pour les prgrins 5 . Primitivement, les cautions, au lieu de promettre,

    conformment lide moderne de garantie, le fait dautrui, promettaient leur propre fait ;

    autrement dit, elles acceptaient purement et simplement la responsabilit de la dette du dbiteur

    principal et non conditionnellement de la payer au cas o celui-ci nexcuterait pas son

    1 C. SAINT-ALARY-HOUIN, Rapport de synthse sur le colloque intitul : Srets et procdures collectives :morceaux choisis , Petites affiches, 2000, n 188, p. 41.2 K. MBAYE ( Lhistoire et les objectifs de lOHADA ) a pu prciser que lOHADA est un outil juridiqueimagin et ralis par lAfrique pour servir lintgration conomique et la croissance , Petites affiches, 13 oct.2004, n spc. du colloque du 22 nov. 2002 Paris, centre Panthon, Universit Paris II par lAssociation HenriCapitant, sur OHADA : LOrganisation pour lHarmonisation en Afrique du Droit des Affaires , p. 4.LOHADA est un espace juridique qui regroupe les pays suivants : Bnin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique,Comores, Congo (Brazza), Cte-dIvoire, Gabon, Guine (Conakry), Guine Bissau, Guine Equatoriale, Mali,Niger, Sngal, Tchad, Togo et RDC (la Rpublique Dmocratique du Congo, en cours dadhsion). Sur lapparitiondu droit OHADA en gnral, voir, www. OHADA.com ; B. MARTOR, N. PILKINGTON, D. SELLERS, S.THOUVENOT, Le droit uniforme africain des affaires issu de lOHADA, avec la participation de P. ANCEL, B. LEBARS et R. MASAMBA, Litec, 2004 ; J. LOHOUES-OBLE, Lapparition dun droit international des affaires enAfrique , RIDC, 1999, p. 543 et s.3 Article 3, al. 1er, de lActe uniforme de lOHADA portant organisation des srets.4 F. TOTSI et A. CROSTO, Limpay et lentreprise, d. Administrative, Paris, 1978, 53.5 J. MACQUERON, Le cautionnement, moyen de pression dans la pratique contemporaine de Cicron, Annales dela Facult de droit dAix-en-Provence, nouvelle srie, 1958, t. L, p.101 132, n 50 ; du mme auteur, Lecautionnement, Cours des Pandectes, Aix-en-Provence, 1950-1951, p. 42.

  • 7

    engagement. Ainsi, les dbiteurs noffraient que la garantie de leurs proches et puisquil existait

    entre les membres dune famille un patrimoine commun, les garants faisaient figure de dbiteurs

    principaux, limage des codbiteurs solidaires en raison de lintrt commun qui les liait. Si tel

    ntait pas le cas, la caution, limage du plge de lpoque fodale, doit tre un personnage

    influent, capable de contraindre moralement, sinon matriellement, le dbiteur agir comme il

    la promis, ou alors, elle sera une sorte dotage dont le crancier pourra semparer, le cas chant

    et le garder emprisonn jusqu lexcution par le dbiteur de la promesse cautionne6. De la

    sorte, la caution, bien que tenue plus svrement que le dbiteur principal, est rarement force

    lexcution ; son engagement steint sa mort. La prsence de lotage exercerait une contrainte

    morale sur le dbiteur et linciterait sacquitter de son engagement.

    3. La rigueur du cautionnement de cette poque serait lie aux murs et usages du moment. Il y

    va donc de lhonneur du dbiteur principal de ne pas laisser poursuivre ceux qui, amis et parents,

    taient intervenus pour lui. Lexistence dune caution ainsi rigoureusement tenue aurait alors

    pour but dexercer une pression sur le dbiteur principal pour linciter excuter lui-mme ses

    engagements7. Les prceptes bibliques expriment mieux cette ide en ces termes : Mon fils, si

    tu as donn un gage pour autrui, si tu as rpondu pour un tranger, si tu es li par des paroles

    de tes lvres, si tu es captif des paroles de ta bouche, fais donc ceci, mon fils: dgage-toi,

    puisque tu es entre les mains de ton prochain ; va, hte-toi, et presse-le avec insistance, point de

    sommeil tes yeux, point de repos tes paupires. Dgage-toi comme la gazelle du filet, et

    comme loiseau de la main de loiseleur 8.

    4. En droit traditionnel africain, sans voquer expressment la notion de cautionnement, il est

    admis que la famille est partie dans tout contrat conclu par un de ses membres, mme si elle ny

    est pas partie et que son intervention ny est pas voque. Lexistence de cette solidarit

    familiale est trs souvent atteste. Le mal suprme tant la honte, aucune famille nacceptera de

    laisser impaye une dette dun de ses membres : aprs le respect d aux anctres, le second

    fondement des obligations dans la tradition africaine tait lhonneur et la dignit du groupe. Ce

    serait livrer tout le clan la mdisance et la honte que de contourner une obligation par un

    6 Pour une tude particulirement riche des modes primitifs de cautionnement, J. COUDERT, Recherches sur lesstipulations et les promesses pour autrui en droit romain, thse Nancy, 1957, p. 17 et s. ; J. MACQUERON, Lecautionnement. Cours des Pandectes, prc., p. 42 ; R. FEENSTRA, Le caractre accessoire des diffrents types decautionnements verbis en droit romain classique , Etudes J. MACQUERON, Editions de la Facult de droit dAix-en-Provence, 1970, p. 383 et s.7 J. MACQUERON, Le cautionnement, moyen de pression dans la pratique contemporaine de Cicron, prc., p.101 132, n 50..8 La Sainte Bible, ancien Testament, Proverbes 6, 1-5.

  • 8

    artifice, car on aurait vite fait de dclarer dans les contres avoisinantes quil faut se mfier

    comme de la peste des membres de tel clan9 . Dans la hirarchie des sanctions pour dfaut

    dexcution du contrat, une des premires places revient au discrdit jet par le crancier impay

    sur la famille de son dbiteur. Gnralement, cet effet, le crancier mcontent va au march

    dfaire la rputation de son cocontractant malhonnte. Pour viter ce dshonneur public, les

    autres membres de la famille acceptent de se sacrifier pour rembourser la dette de leur parent.

    Cette solidarit familiale connat dailleurs diffrents degrs dans la spontanit : elle est parfois

    subie. Ainsi, par exemple, en Pays Dagari, au sud du Burkina Faso, pour rcuprer sa crance,

    le crancier avertit le dbiteur quil emploiera tous les moyens. Avec lappui de sa propre

    famille et lautorisation de son chef, le crancier peut enlever un parent cher au dbiteur. La

    personne enleve est enterre jusquau cou prs de la maison du crancier ; la famille du

    crancier monte avec arcs, flches et lances sur la terrasse et attend que la famille du dbiteur

    vienne acquitter la dette 10.

    5. Ce rappel montre ainsi combien, en matire dobligation, les membres dune mme famille

    sont lis entre eux pour le meilleur mais aussi pour le pire car, par exemple, le dnouement de

    cette procdure ci-dessus dcrite nest toujours pas heureux : si les membres de la famille

    du dbiteur se sentent suffisamment forts pour dlivrer leur membre sans rembourser largent,

    laffaire peut se terminer par des morts (). Mais en gnral, ils considrent lenlvement

    comme un dshonneur, et ils sefforcent de rembourser la dette 11. On ne saurait mieux dire

    quen droit traditionnel africain, la priode de remboursement du dbiteur dfaillant cre toujours

    une situation conflictuelle et dmontre aussi que conclure un contrat est toujours le fait dune

    famille et que lexcuter nest pas tant sacquitter dune obligation promise lautre que rgler

    en cette prestation mme une dette contracte envers et par le propre groupe familial : il y va de

    la dignit de la famille et cest ce qui explique la solidarit dans lexcution du contrat entre les

    membres dune mme famille.

    6. Cependant, la mutation de la socit a entran une volution de la sret : avec lapparition de

    la notion deffort individuel, la famille devient moins unie quautrefois ; son extension infinie

    9 X. DIJON, Elments de droit compar pour une thorie gnrale des contrats coutumiers au Burkina , RevueBurkinab de Droit, n 7, janv. 1985, p. 17 et s., spc. p. 30.10 En droit traditionnel africain, dune manire gnrale, la famille est partie au contrat ds le moment o un deses membres y est partie, mme si cela nest pas expressment dit. Cest ds lors un devoir dhonneur que dassisterle membre engag si celui-ci se trouve dfaillant , tmoignage Mossi (Burkina Faso) recueilli par X. DIJON, art.prc., p. 30.11 X. DIJON, art. prc., p. 36 ; voir galement, N. DJIMASNA, De la solidarit du cautionnement issu du Trait delOHADA , Revue juridique tchadienne, en ligne (www. cefod.org/Droit_au_Tchad).

  • 9

    ruine tout sens de solidarit entre ses membres. De la famille comme lieu dobligation, on passe

    lindividu comme sujet de droit ; la recherche du profit a remplac la bienveillance mutuelle, et

    la rationalit judiciaire moderne prend la place du jugement des vieux et des anctres. Il ny a

    plus forcment entre le dbiteur et ses garants des liens de parent, damiti mais souvent des

    relations daffaires. Il devient par consquent trs difficile de trouver des cautions prtes se

    soumettre ce rgime trs rigoureux relev ci-dessus.

    7. Evidemment, dans les systmes juridiques romano-germaniques, la rigueur lencontre de la

    caution sest adoucie par une srie de lois depuis lpoque rpublicaine en France qui accorde

    successivement la caution un recours contre le dbiteur (lex publilia), contre les autres

    cautions lorsquelle a pay plus que sa part (lex appuleia), le bnfice de division et la libration

    du garant deux ans aprs lchance (lex furia )12. Ces lois, juges trop favorables la caution,

    ont conduit la cration de nouveaux procds. Ds la fin de la Rpublique et au dbut de

    lEmpire se dveloppent deux techniques dont la fusion est lorigine du contrat actuel de

    cautionnement : la fidejussio , contrat formaliste, vritable sret but conomique,

    prsentant un caractre accessoire, par lequel la caution garantit lexcution pour le dbiteur

    principal, et le mandat , contrat par lequel la caution donne lordre au crancier de faire crdit

    au dbiteur. Le Code civil, hritier de ces rgles, rglemente un cautionnement de bienfaisance,

    caractre familial, avant de devenir un vritable mcanisme du droit des affaires. Tenant compte

    de la mutation de la socit africaine, le droit uniforme issu du Trait de Port-Louis du 17

    octobre 1993, entr en vigueur le 18 septembre 1995, a repens le cautionnement13 dans le sens

    12 Sur lensemble de cette question, voir A. E. GIRARD, Prcis de droit romain, 2e d., 1936, n 510 et s.13 Au lendemain de lindpendance des pays africains de la zone franc, le droit des srets tait hrit du droitfranais tel que le Code civil (anc. art. 2011 et s.), le code de commerce et, ventuellement des textes spciaux leleur avait lgu. Les dispositions relatives aux srets immobilires (hypothques, privilges immobiliers spciaux,antichrse) avaient t abroges et remplaces par les textes coloniaux de droit foncier : voir, Dcret du 26 juill.1932 portant rorganisation de la proprit foncire en Afrique occidentale franaise promulgu par arrt du 12 avr.1933, J. O. AOF du 20 avr. 1933, p. 426 ; deux dcrets du 21 juill. 1932 pour le Cameroun, J. O. Cameroun, 1934,p. 230, J. O. R. F., 24 juill. 1932 et rectificatif, p. 8720 ; J. O. C., 1932, p. 618 et J. O. C., 1934, p. 230. Sur laquestion, G. J. BOUVENET et R. BOURDIN, Codes et Lois du Cameroun, tome IV, Economie gnrale et financespubliques, 1958, p. 45 et 57. De plus, voir galement, le Dcret du 23 sept. 1922 promulgu par arrt du 31 janv.1923 rendant applicable au Togo, les dispositions du Dcret du 24 juill. 1906, Bull. officiel des colonies, 1906, p.681 ; J. O. du Territoire du Togo, n 29 du 1er fvr. 1923, p. 46 ; J. O. R. F, 28 dc. 1922 ; Dcret du 28 mars 1899applicable au Congo modifi par le Dcret du 12 dc. 1920 et tendu aux pays de lAfrique quatoriale franaise,Bulletin officiel des colonies, 1899, p. 346. Par ailleurs, part le Sngal (Loi 76-60 du 1er juin 1976 portanttroisime partie du code des obligations civiles et commerciales concernant les garanties des cranciers (art. 827 ets. concernant les srets et art. 927 et s. concernant les mesures collectives et les sanctions relatives la dfaillancedu dbiteur) et le Mali ( Loi n 86-13 du 21 mars 1986 portant code de commerce malien : art. 151 et s. relatifs auprivilge du vendeur et au nantissement du fonds de commerce), aucun pays africain de la zone franc navaitentrepris la rforme des srets, si bien que ce droit, bien que vieilli et ncessitait une reprise presque complte (F.ANOUKAHA, A. CISSE-NIANG, M. FOLI, J. ISSA-SAYEGH, I. Y. NDIAYE et M. SAMB, OHADA. Srets,Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 3, n 6). Cest alors que lOHADA, dans un Acte uniforme adopt le 17 avr. 1997 parle Conseil des ministres de cette organisation procder cette rforme. Sur la question, F. ANOUKAHA, Le droitdes srets dans lActe uniforme OHADA, Presses universitaires africaines, Yaound, 1998 ; J. ISSA-SAYEGH,

  • 10

    de lamnagement du sort de la caution, en reprenant les solutions pertinentes du droit franais,

    protectrices de la caution en droit commun14.

    8. Mais alors, le cautionnement et les procdures collectives font-ils bon mnage ? Le dbiteur

    principal tant en difficult, le crancier va vouloir lgitimement obtenir paiement de sa crance,

    lencontre de la caution, indpendamment de toute poursuite contre le dbiteur principal. Il se

    pose alors la question des rpercussions dune procdure collective du dbiteur principal sur

    lexistence, ltendue, lexigibilit et lextinction de la dette garantie par la caution.

    Seulement, la procdure collective est la crance ce que le cas fortuit est la chose ; ainsi, si le

    cas fortuit peut entraner la disparition de la chose, la procdure collective peut entraner

    laltration, voire lextinction, du droit de crance.

    9. Protection de la caution et procdures collectives : un contraste permanent dadaptation

    du Droit aux ralits conomiques et sociales. Le droit apparat comme une technique

    subordonne, un instrument de ralisation du but conomique15 qui essaye, en raison de la

    multitude des intrts en jeu, dtre en harmonie avec la situation quil rgit, afin dassurer la

    survie en priorit de son potentiel conomique16. Ainsi, le traitement des difficults du dbiteur

    apparat comme une pure technique dintervention des autorits publiques ou judiciaires dans

    Organisation des srets , Cahiers juridiques et fiscaux, CFCE, 1998, n 2, p. 35 ; J. ISSA-SAYEGH, Commentaire de lActe uniforme portant organisation des srets , in Trait et Actes uniformes comments etannots, Juriscope, 2008, p. 619 et s. ; J. ISSA-SAYEGH, Acte uniforme portant organisation des srets ,Commentaires, EDICEF/Editions FFA, 2000 ; A. SAKHO et I. NDIAYE, Pratique des garanties du crdit,OHADA, Acte uniforme portant organisation des srets , Revue africaine des banques, oct. 1998 ; D. WAR, Harmonisation du droit des affaires : ouragan sur le superprivilge des travailleurs , Revue EDJA, oct.-dc. 1995,n 27, p. 47 ; J. LOHOUES-OBLE, Lapparition dun droit international des affaires en Afrique , prc., 543 ets. ; N. DJIMASNA, Rflexions sur lefficacit des srets personnelles dans le droit uniforme issu du Trait de lO.H. A. D. A., thse, Orlans, 2006.14 M. GRIMALDI, LActe uniforme portant organisation des srets , Petites affiches, 13 oct. 2004, n 205, p.31, o lauteur affirme, avec raison que lActe uniforme se trouve, pour lessentiel, dans le droit franais ; F.ANOUKAHA, A. CISSE-NIANG, M. FOLI, J. ISSA-SAYEGH, I. Y. NDIAYE et M. SAMB, OHADA. Srets,prc., p. 3, n 6. Dans le mme sens, F. M. SAWADOGO, OHADA. Entreprises en difficult, Bruylant, Bruxelles,2002, p. 6, o lauteur prcise que lvolution du droit des entreprises en difficult en France est clairante plusdun titre : tous les Etats francophones dAfrique, soit avaient conserv la lgislation franaise lgue pendant lacolonisation, soit sinspiraient plus ou moins fidlement des rformes qui ont t introduites en France aprs lesindpendances ; adde, Ph. TIGER, Les procdures collectives aprs cessation des paiements en droit harmonisde lOHADA , Petites affiches, 13 oct. 2004, n 205, p. 35.15 K. MBAYE ( Lhistoire et les objectifs de lOHADA , art. prc., p. 7) a soulign que lOHADA est un outiljuridique imagin et ralis () pour servir lintgration conomique et la croissance ; J. R. GOMEZ, OHADA.Entreprises en difficult. Lecture de lActe uniforme de lOHADA portant organisation des procdures collectivesdapurement du passif la lumire du droit franais, prf. Ph. DELEBECQUE, Bajag-Meri, Revue dAnalyses etde Perspectives africaines, 2003, p. 13 et s.16 Sur ladaptation du droit la ralit des faits conomiques : Ch. ATIAS et D. LINOTTE, Le mythe deladaptation du droit au fait , D. 1977, chron. p. 251 et s. ; E. DU PONTAVICE, La part du droit dans la vieconomique , RJ com. 1975, p. 213 ; B. OPPETIT, Dveloppement conomique et dveloppement juridique ,Mlanges A. SAYAG, Litec, 1997, p. 71 ; G. VEDEL, Le droit conomique existe-t-il ? , Mlanges VIGREUX, p.766.

  • 11

    la vie conomique et de gestion de leurs entreprises par les agents conomiques 17 . Cette

    intervention, qui est marque par une adaptation aux bouleversements conomiques et sociaux,

    est caractrise par la volont de traduire ltat de rgle, le but qui a t entrevu par la

    politique juridique 18. Toute la structure dune science dpend en effet de lide que lon se fait

    de sa finalit : le droit ne constitue pas un systme ferm, statique, mais un moyen permettant

    datteindre certains buts, de promouvoir certaines valeurs 19. Cette ambition concerne le droit

    objectif dans son ensemble mais plus particulirement le droit des procdures collectives qui est

    le premier des droits conomiques qui se dfinit par un rapport dinstrumentalisation par

    rapport la ralit 20. Cette ralit conomique et sociale est perceptible en la matire depuis le

    code de commerce et na cess dvoluer.

    10. En fait, la faillite tait une voie dexcution collective des biens du commerant dfaillant

    qui consistait, pour protger les cranciers, saisir et vendre les biens du failli frapp de

    dessaisissement total, pour rpartir le produit entre les cranciers munis de srets et les

    cranciers chirographaires selon la rgle de lgalit, autrement dit, proportionnellement au

    montant de la crance. Le caractre collectif de la procdure est traduit par la masse qui unit les

    cranciers. Le droit de la faillite tait domin par son caractre rpressif, puis moral21.

    11. A lorigine, si la finalit traditionnelle de la faillite tait conue pour protger le

    crancier, elle a depuis laiss place une lgislation dune moindre rigueur envers le dbiteur,

    tout en affirmant limportance de lentreprise et en valorisant son sauvetage. Ainsi, le droit de la

    faillite, devenu rcemment, le droit des entreprises en difficult, rend compte dune volution qui

    sest opre au dtriment des prrogatives discrtionnaires des cranciers au profit des intrts de

    17 B. OPPETIT, Philosophie du droit, Prcis Dalloz, 1999, n 87, p. 105.18 P. ROUBIER, Thorie gnrale du droit. Histoire des doctrines juridiques et philosophiques des valeurs sociales,Sirey, 1946, n 9, p. 75.19 B. SOINNE, Bilan de la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaires : Mythes ouralits. Propositions de modification , Rev. proc. coll. 1993, p. 355 et s.20 M. A. FRISON-ROCHE, Le lgislateur des procdures collectives et ses checs , Mlanges A. HONORAT, p.113 et s.21 Lvolution historique de la faillite montre que trois finalits se sont succde. Dans un premier temps, lelgislateur a voulu punir le commerant qui nhonorait pas ses engagements. Puis, il a voulu protger les cranciersimpays. Enfin, une poque beaucoup plus rcente, il sest proccup dassurer la survie des entreprises quimritaient dtre sauves : voir dans ce sens, J. PAILLUSSEAU, Du droit de la faillite au droit des entreprises endifficult , Mlanges R. HOUIN, Dalloz/Sirey, 1985, p. 109 et s. Sur lensemble de la question, E. THALLER,Trait gnral thorique et pratique de droit commercial, Des faillites et des banqueroutes et des liquidationsjudiciaires, par J. PERCEROU, t. 1, Rousseau diteur, 1907, n 5 et s., p. 4 et s. ; R. ITHURBIDE, Histoire critiquede la faillite, LGDJ, 1973, p. 3 et s. ; J. HILAIRE, Introduction historique au droit commercial, PUF, 1986, n 187et s., p. 305 et s. ; G. RIPERT et R. ROBLOT, par Ph. DELEBECQUE et M. GERMAIN, Trait de droitcommercial, t. 2, 16e d., LGDJ, 2000, n 2794 ; Y. GUYON, Droit des affaires, t. 2, Entreprises en difficult,Redressement judiciaire, Faillite, 9e d., Economica, 2003, n 1007 et s. ; B. SOINNE, Trait des procdurescollectives, 2e d., Litec, 1995, n 1 et s. ; J. FOYER, De lexcution collective des biens du dbiteur lamdecine des entreprises , Mlanges AZARD, Cujas, 1980, p. 54.

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    lentreprise. En effet, le lgislateur franais de 1967, inspir par les impratifs conomiques,

    dissocie le sort de lentreprise de celui de la personne de son dirigeant.

    12. Le redressement de lentreprise devient une ncessit mais il repose inluctablement sur des

    sacrifices de la part des cranciers puisque sa sauvegarde doit primer sur les intrts privs. De

    plus, ladoption de lordonnance du 23 septembre 1967 sur la procdure de suspension provisoire

    des poursuites et de la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement judiciaire a dmontr dune

    faon claire une ide force fonde sur la situation conomique du dbiteur dautant plus que

    lentreprise qui peut tre sauve doit ltre afin dviter les dsordres conomiques et sociaux

    quentranerait sa disparition. A cet gard, la dfaillance du dbiteur principal, personne

    physique ou personne morale, est devenue un des risques majeurs pouvant entraner une raction

    en chane lourde de consquences conomiques et sociales auxquelles lon a tent de remdier

    par divers moyens22. Les plus extrmes se situent au niveau du traitement des difficults par le

    sursis de paiement, la gestion contrle, les remises concordataires, larrt du cours des intrts

    et dautres mesures dapurement du passif, aussi bien pour les entreprises que pour les

    particuliers commerants23. Le droit uniforme est dans ce sillage lgislatif et prvoit trois sortes

    de procdures : le rglement prventif, le redressement judicaire et la liquidation des biens24.

    13. Face la particularit de la situation des entreprises en difficult, les rgles traditionnelles

    mises la disposition des cranciers pour contraindre un dbiteur qui vient ne pas tenir ses

    engagements se rvlent inoprantes25. Il ne fait aucun doute quil faut payer les cranciers en

    respectant la parole donne, mais la politique lgislative telle quenvisage par le lgislateur de

    nos jours, confre au dbiteur le droit de ne pas payer ses dettes momentanment ou

    durablement26. Dans un tel contexte, la dfaillance des entreprises nest pas seulement laffaire

    du crancier : elle intresse galement lEtat en raison des consquences dordre conomique et

    dordre social pouvant en dcouler. Guyon affirmait, ce sujet, que la collectivit tout entire

    ne peut se dsintresser du sort dune entreprise dont la disparition augmentera le chmage,

    dgradera lenvironnement conomique dune rgion et fera parfois cesser une production

    nationale, obligeant recourir limportation 27.

    22 F. M. SAWADOGO, OHADA, Droit des entreprises en difficult, prc., p. 3.23 Art. 77 Acte Uniforme de lOHADA portant organisation des procdures collectives dapurement du passif.24 Larticle 2 AUPC dfinit les trois types de procdures collectives.25 Suspension des poursuites individuelles.26 G. RIPERT, Le droit de ne pas payer ses dettes , D. 1936, chron. p. 37.27 Y. GUYON, op. cit., n 1005, p. 6 et s.

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    14. Il sensuit que la sauvegarde de lentreprise devient une priorit au dtriment des partenaires

    conomiques. Dans ce cas, le crancier bnficiaire du cautionnement se tournera vers la caution

    car, la sret a pour fonction essentielle dassurer le paiement de la dette lorsque le dbiteur ny

    satisfait pas. Louverture dune procdure collective constitue donc, dans une large mesure,

    lultime moment pour raliser la garantie28. Certains ont pu soutenir que rien ne peut jouer contre

    le crancier29. Dautres estiment que le droit des procdures collectives est ainsi comparable

    ltat durgence, qui suspend lapplication des lois habituelles jusquau rtablissement de

    lordre rpublicain 30.

    15. Or, dun point de vue conceptuel, depuis Pothier, il est enseign que lengagement de la

    caution est accessoire par rapport lengagement du dbiteur principal 31 . Revtant une

    dimension toute particulire, le caractre accessoire attach au cautionnement est devenu un

    guide de la pense juridique en matire de cautionnement, tantt peru comme une norme32,

    tantt rig en un dogme33 ou, encore, une hypothse thorique communment reue partir de

    laquelle sont chafaudes des problmatiques et des solutions. La Cour de cassation franaise,

    depuis un arrt du 19 fvrier 1908, a pris le soin de prciser que le cautionnement nest que

    laccessoire de la dette principale, et il importe peu quil sagisse dun cautionnement solidaire,

    puisque cette solidarit ne change pas la nature du cautionnement 34 . Selon la doctrine

    classique, le principe de laccessoire, vritable cl de vote de tout systme des srets

    personnelles 35, figure indiscutablement au cur de toute thorie gnrale des srets et les

    spare en deux catgories antinomiques : les srets accessoires et les srets indpendantes36.

    28 J. ISSA-SAYEGH, Commentaires de lActe uniforme portant organisation des srets, in Trait et Actesuniformes de lOHADA comments et annots, sous la direction de J. ISSA-SAYEGH, P.-G. POUGOUE, F. M.SAWADOGO, Juriscope, 3e d., 2008 ; sur la situation exorbitante de protection du crancier, A. A. DE SAMBA,OHADA. La protection du crancier dans la procdure simplifie de recouvrement des crances civiles etcommerciales, Les ditions de la rose bleue, Lom, 2005, p. 83 et s.29 F. M. SAWADOGO, op. cit., n 217 et 271.30 Y. GUYON, Le droit des contrats lpreuve du droit des procdures collectives , Mlanges J. GHESTIN, Le contrat au dbut du XXI e sicle , LGDJ, 2001, p. 405.31 M. STORCK, Cautionnement et procdures collectives , Petites affiches, 2000, n 188, p. 33.32 G. GOUBEAUX, La rgle de laccessoire en droit priv, prf. D. TALLON, LGDJ, Bibl. droit priv, Tome 166,1980.33 Sur lexistence exagre du dogme de laccessoire, D. GRIMAUD, Le caractre accessoire du cautionnement,prf. D. LEGEAIS, Presses universitaires dAix-Marseille, 2001, p. 35 et s.34 Req. , 19 fvrier 1908, S. 1911, p. 529. Pour une critique de lassimilation du cautionnement la rgle de lasolidarit : D. VEAUX et P. VEAUX-FOURNERIE, La reprsentation mutuelle de coobligs , in Mlanges A.Weill, Dalloz/Litec, 1983, p. 547 qui estiment que ce principe de reprsentation mutuelle quaucun texte naffirme,fait partie du folklore juridique que les auteurs se transmettent de gnration en gnration, aurol de quelquesformules de mauvais latin, crant, la longue, un rflexe si puissant que, mme lorsquon ny croit pas, on noseplus sy attaquer () ; M. CABRILLAC et Ch. MOULY, Droit des srets, 6e d., Paris, Litec, 2002, p. 251, n331.35 T. R. ROSSI, La garantie bancaire premire demande, thse Lausanne, Mta-Editions, 1989, p. 97, n 264 et s.36 W. WIEGAND, Akzessoriett und Spezialitt. Zum Verhltnis Zwischen Forderung und Sicherungsgegenstand,in Probleme der Kreditsicherung, Berner Tage fr die juristische Praxis 1881, Berne 1982, p. 43.

  • 14

    16. Le cautionnement appartiendrait la premire catgorie et les autres garanties personnelles

    relveraient de la seconde. On considre cet effet que la caution est tenue la mme dette que

    le dbiteur tant dans son tendue que dans son exigibilit, lui ouvrant la voie au bnfice des

    exceptions, tandis que le garant fournit une prestation et, par voie de consquence, est priv des

    exceptions du dbiteur37. A la suite du droit franais, la doctrine suisse sen est fait cho : daprs

    M. Scyboz, le cautionnement ne peut tre quaccessoire, et cen est llment essentiel () 38.

    En revanche, le garant sengage fournir autre chose que lexcution de la dette garantie,

    savoir une indemnit ou un succdan spcial qui tous deux restituent au crancier son intrt

    lexcution, le satisfont mais ne le payent pas 39. Ainsi, dans leur structure juridique, les figures

    contractuelles de garantie indpendante ou du cautionnement divergent tel point quon ne peut

    se trouver en prsence que dun contrat de garantie autonome ou dun contrat de cautionnement,

    observable partir de la rgle de laccessoire. Il est dailleurs soutenu que lantinomie entre le

    cautionnement et la lettre de garantie prcde la rglementation juridique 40. Elle puiserait ses

    racines dans la logique des catgories gnrales de pense et non dans les dfinitions du droit

    positif 41. M. Kleiner a pu affirmer mme que lantinomie fondamentale entre la garantie et le

    cautionnement apparat comme un concept juridique pr-positif. Aussi lon peut parler avec

    Radbauch des concepts de droit aporioristes, car, lindpendance de la garantie oppose aux

    rapports juridiques accessoires appartient aux catgories indispensables de la pense juridique

    qui sont les instruments et non les rsultats de la science du droit 42.

    17. Prolongeant cette culture juridique et au nom de ce principe selon lequel lengagement de la

    caution doit se mesurer en fonction de celui du dbiteur principal ou, encore, laccessoire doit

    suivre le sort du principal, lActe uniforme de lOHADA portant organisation des srets dispose

    que la caution ne peut pas tre tenue dune faon plus onreuse que le dbiteur principal ; son

    engagement ne peut excder ce qui est d par le dbiteur principal au moment des poursuites43.

    De plus, le crancier ne peut poursuivre la caution sans mettre pralablement en cause le dbiteur

    37 M. CONTAMINE-RAYNAUD, Les rapports entre la garantie premire demande et le contrat de base en droitfranais , Mlanges ROBLOT, 1984, p. 421 et s. ; P. LE MAX-PLANCK, Le cautionnement dans le droit des Etatsmembres des communauts europennes, Institut fr auslndisches und internationales Privatrecht de Hambourg,Bruxelles 1971, p. 56.38 G. SCYBOZ, Trait de droit priv suisse, Tome VII, Le cautionnement Le contrat de garantie, 1re d. Fribourg,1977, p. 47.39 G. SCYBOZ, op. cit., p. 72: selon cet auteur, la caution ne peut renoncer au droit dopposer au crancier toutesles exceptions appartenant au dbiteur; elle sobligera alors comme un porte-fort ou par une reprise cumulative de ladette.40 G. SCYBOZ, op. cit. p. 71; P. A. GILLIERON, Les garanties personnelles en matire bancaire, thse Genve,1958, p. 158.41 B. KLEINER, Bankgarantie (traduction), p. 19, cit par SCYBOZ, op. cit. p. 71 et s.42 B. KLEINER, op. cit., p. 19.43 Article 7, alina 3 AUS.

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    principal44. Par ailleurs, la caution peut soulever toutes les exceptions inhrentes la dette et qui

    appartiennent au dbiteur principal 45 . Ds lors, les multiples manifestations de la rgle de

    laccessoire inhrente au cautionnement, telle que dcrite, sont-elles respectes par le droit des

    procdures collectives ? Les solutions protectrices de la caution dgages de la rgle de

    laccessoire de la garantie sont-elles maintenues dans le cadre des procdures collectives ? Sil

    ne fait aucun doute que le crancier va, dans tous les cas, souhaiter tre pay, la caution peut-elle

    se prvaloir des remises consenties au dbiteur principal dans le cadre des procdures de

    rglement prventif et de redressement judiciaire du dbiteur dfaillant ? La rponse toutes ces

    questions nest pas aise, cest pourquoi, en labsence dune disposition prcise en droit franais,

    la jurisprudence tait hsitante, lvolution des pisodes en la matire tant caractrise tantt

    par un big crunch jurisprudentiel , annonant le retour de la svrit46, tantt par une sorte

    de big bang favorable aux intrts de la caution47, tant donn qu une ligne de conduite

    affirme reste impossible 48 . Or, le droit uniforme a choisi une politique rigoureusement

    tranche et svre pour la caution lorsquil prvoit que la caution simple ou solidaire ne peut se

    44 Article 13, alina 2, de lAUS.45 Article 18 AUS.46 Cass. civ. 1re, 13 nov. 1996, D. 1997, 141, note T. MOUSSA: cest la premire fois que la Cour de cassationrpond la question, fort importante, de savoir si les remises consenties par le crancier au dbiteur principal, dansle cadre dun plan conventionnel de rglement ou de redressement, labor dans le cadre dune procdure judiciaire,bnficient ou non la caution. La cour rpond ngativement, en affirmant que malgr leur caractre volontaire,les mesures consenties par les cranciers dans le plan conventionnel de rglement ne constituent pas, eu gard lafinalit dun tel plan, une remise de dette au sens de larticle 1287 du Code civil . La chambre commerciale avaitdj jug (Com., 17 nov. 1992, Bull. civ. IV, n 355 ; D. 1993, p. 41, note D. VIDAL ; JCP G 1993, I, n 3680, n7, obs. Ph. SIMLER ; Defrnois 1993, n 8, p. 527, obs. SENECHAL) que, malgr leur caractre volontaire, lesremises acceptes par les cranciers dans les conditions prvues aux 2e et 3e alinas de lart. 24 de la loi n 85-98 du25 janvier 1985, pour llaboration du plan de redressement dune entreprise en redressement judiciaire ne peuventtre assimiles aux remises conventionnelles de dette prvues par lart. 1287 c. civ. . Mais elle a justifi cetteexclusion en retenant que les remises consenties peuvent tre rduites par le tribunal, quelles participent de lanature judiciaire des dispositions du plan arrt pour permettre la continuation de lentreprise et quen vertu de lart.64, al. 2, de la loi du 25 janv. 1985, les cautions solidaires ne peuvent sen prvaloir.47 Cass. com., 5 mai 2004, D. 2004, 1594, obs. A. LIENHARD. Comme a pu le souligner le commentateur, plusnovateur est lapport de cette dcision quant au sort de la caution ou du garant : les remises ou dlais accords par uncrancier dans le cadre dun rglement amiable bnficient la caution. Jamais encore, la cour de cassation navaitt amene prendre position sur ce point. La solution correspond lopinion doctrinale dominante de lpoque.Dans ce sens, P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procdures collectives, Dalloz/Action, 2003/2004, n 13.42 ; F. PEROCHON et R. BONHOMME, Entreprises en difficult, Instruments de crdit, 6e d., LGDJ, 2003, n73 ; ces auteurs la fondent gnralement sur lart. 1287 du Code civil, sagissant des remises. En vertu de cettedisposition, la remise ou dcharge conventionnelle accorde au dbiteur principal libre les cautions . Et, en cequi concerne les dlais, sur la rgle de laccessoire et lanc. art. 2013 du Code civil, selon lequel le cautionnementne peut excder ce qui est d par le dbiteur . Ce qui suppose, bien entendu, que lintervention judiciaire dans laprocdure de rglement amiable ne soit pas de nature lui faire perdre son caractre contractuel ; et de seconvaincre, ce sujet, pour faire taire le doute suscit par la jurisprudence contraire en matire de planconventionnel de redressement des particuliers surendetts (Civ. 1re, 13 nov. 1996, D. 1997, p. 141, concl. J.SAINTE-ROSE ; note T. MOUSSA et somm. p. 178, obs. D. MAZEAUD, et p. 200, obs. P.-L. CHATAIN et F.FERRIERE ; RTD civ. 1997, p. 1997, p. 190, obs. P. CROCQ) que lanalogie nest pas due (Ph. SIMLER,Cautionnement et garanties autonomes, 3e d., Litec, 2000, n 478).48 P. CROCQ, RTD civ. 2003, p. 122.

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    prvaloir des remises consenties au dbiteur principal dans le cadre des procdures

    collectives 49, sans distinguer selon que la procdure est essentiellement prventive ou curative.

    18. Cette solution du droit uniforme ne rgle donc pas dune faon intressante et juste la

    question du sort de la caution lorsquune procdure de rglement prventif ou de redressement

    judiciaire souvre contre le dbiteur principal car, la question essentielle reste de savoir sil

    existe, en droit OHADA, des rgles selon que la sret de cautionnement mane dune banque,

    dun consommateur caution profane, dun dirigeant de socit caution avertie, dune socit

    civile ou commerciale. En effet, aucune distinction nest faite entre la caution quelle soit une

    personne physique ou une personne morale50. Or, en droit franais, la situation de la caution a

    considrablement volu dans le sens de sa protection.

    19. Si la lgislation de lOHADA nignore pas certaines spcificits nationales, son

    particularisme ne doit pas tre exagr, dautant plus quelle reprend pour lessentiel les notions,

    principes et mcanismes du droit franais et que, pour une grande part, elle ne fait que saligner

    sur lvolution du droit franais depuis les indpendances ou anticiper sur les rformes en cours

    en France et les propositions doctrinales 51 . Or, depuis la loi franaise de sauvegarde des

    entreprises du 26 juillet 2005, la caution personne physique et le garant autonome peuvent se

    prvaloir des mesures de prvention et de sauvegarde prvues par la loi et accordes au dbiteur

    principal par le juge.

    20. Dans ces circonstances, il faut comprendre que lintrt de lanalyse, les raisons

    fondamentales et concrtes des rapports conflictuels du cautionnement et des procdures

    collectives en droit uniforme issu du Trait de lOHADA sont beaucoup plus profondes : pour

    lessentiel, la caution dans le cadre des entreprises est trs souvent le dirigeant social ou une

    tierce personne en relation avec le dbiteur en difficult52, ce qui pose un problme dimbrication

    des intrts protger et une mise en uvre contraste des rgles du droit commun, du droit des

    socits, du droit des entreprises en difficult et du droit du cautionnement53. En consquence,

    49 Article 18 AUS.50Article 18 AUS parle de toute caution ou certificateur de caution .51 P. BOUREL, A propos de lOHADA : libres opinions sur lharmonisation du droit des affaires en Afrique , D.2007, chron. p. 969 et s. spc. p. 972.52 F. K. DECKON, Le conjoint du dbiteur soumis une procdure collective en droit uniforme de lOHADA ,(premire partie), Petites affiches, 14 janv. 2008, p. 6 et s. 53 Parce que la caution est souvent le dirigeant de la socit commerciale, linterfrence des diverses rglesjuridiques sobserve dans les procdures collectives, qui sont une discipline carrefour entre le droit des socits (J.PAILLUSSEAU, LActe uniforme sur le droit des socits , Petites affiches, 13 oct. 2004, p. 19 et s.), le droit

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    cette prise de position de lActe uniforme, qui est une innovation en la matire, cre une rigueur

    inexplique lgard de la caution surtout personne physique.

    21. Lobjet de ltude. La mise en oeuvre du droit du cautionnement lorsquune procdure

    collective souvre contre le dbiteur principal cre encore aujourdhui, dans le droit africain, une

    situation conflictuelle trs dfavorable la caution. En effet, la rgle de laccessoire inhrente

    la conception classique du cautionnement et les intrts lgitimes de la caution, dune part, et la

    finalit du cautionnement, dautre part, semblent se manifester simultanment soulevant ainsi la

    difficult de linfluence prcise des impratifs du droit des procdures collectives sur lquilibre

    des prestations contractuelles dans lopration du cautionnement. Il est imprieux denvisager les

    rapports entre le rgime du cautionnement et le rgime des procdures collectives en les

    confrontant afin de percer les mystres des insolubles conflits de frontires entre ces deux corps

    de rgles du droit priv.

    22. Pour dterminer quelles doivent tre les consquences de louverture dune procdure

    judiciaire sur le cautionnement, deux positions sont possibles. La premire consiste faire

    application de la rgle de laccessoire du cautionnement et, dans ce cas, la caution bnficie de

    toutes les mesures de faveur consenties au dbiteur garanti. Cette position est contestable en

    raison de la survenance dans une certaine mesure du risque pour lequel le crancier a voulu se

    protger, notamment dans lhypothse dune situation irrmdiablement compromise. La

    seconde position consiste considrer que la rgle de laccessoire na pas jouer du tout quand

    survient une procdure de prvention ou de traitement des difficults contre le dbiteur principal

    et que, dans ce cas, la caution doit tre poursuivie comme un garant autonome ds la constatation

    du non-paiement dune crance devenue exigible. Le droit OHADA a emprunt cette seconde

    voie et est regard comme un droit partisan54. Cest un facteur defficacit absolue de la garantie

    car, la solution est trs favorable au crancier qui jouit de lindpendance du droit de poursuite

    contre la caution.

    commercial gnral (J. LOHOUES-OBLE, Innovation dans le droit commercial gnral , Petites affiches, 13 oct.2004, p. 8 et s.), du droit des srets (M. GRIMALDI, LActe uniforme portant organisation des srets ,prc., p.30 et s.), mais du droit priv en gnral.54 P. BOUREL ( A propos de lOHADA : libres opinions sur lharmonisation du droit des affaires en Afrique ,prc., p. 970) exprime, dune faon xagre, cette ide, en qualifiant le droit uniforme africain d un droit impos,venu den haut , ou d un droit import, venu dailleurs , ou encore, lorsquil souligne que limage donne deldifice du droit OHADA, pour sduisante quelle soit en apparence, est trompeuse, car y regarder de prs, ellelaisse entrevoir des failles. Pour cet auteur averti, A la construction, il manque des pices matresses. Cest que,pour reprendre le titre du roman de Paul Morand, le lgislateur africain est un homme press. Sous la contraintedes groupes de pression, bailleurs de fonds, lobbies, hommes daffaires internationaux, lOHADA, vritable arsenal

    fabriquer du droit, a prfr, pour ne pas freiner les travaux, contourner les obstacles au lieu de les affronter .

  • 18

    23. Cependant, il faut rappeler que la procdure prventive peut tre ouverte mme si le dbiteur

    est in bonis dautant plus que le critre de louverture de la procdure de rglement prventif

    nest pas la cessation des paiements mais lexistence des difficults conomiques ou financires.

    Il se cre donc une conception de la dfaillance du dbiteur, en lespce, largement protectrice du

    dbiteur principal et du crancier. Or, la caution aussi est une personne digne de protection

    surtout que la dfinition du cautionnement subordonne le recours contre la caution la

    dfaillance du dbiteur principal, qui ne doit pas tre perue comme le simple non-paiement de

    la dette arrive lchance dans le cadre prcis du droit des entreprises en difficult.

    24. En ralit, le droit des procdures collectives est un droit conqurant tendance

    envahissante, qui pntre le droit priv55, en gnral, et le droit du cautionnement, en particulier.

    Cette intrusion pose ainsi des problmes de dlimitation des frontires tnues entre ces corps de

    rgles. Or, le lgislateur contemporain a la fcheuse tendance dnoncer des rgles sans

    soccuper des rapports quelles entretiennent avec le reste du droit 56 . Cest ainsi que le

    lgislateur OHADA sest proccup dune manire parcellaire du rgime du cautionnement dans

    les procdures collectives, souvent envisages comme un droit drogatoire ou spcial, en voulant

    rgler cette question par la distinction simpliste entre les exceptions en temps normal dont la

    caution pourrait se prvaloir et les exceptions consenties au dbiteur dans le cadre des

    procdures collectives que la caution ne peut pas opposer au crancier. Or, dans le mme temps,

    toutes les poursuites individuelles contre le dbiteur garanti sont suspendues dans toutes les

    procdures. De plus, il est interdit au dbiteur de dsintresser la caution qui a pay le crancier.

    25. Il existe donc une ingalit srieuse de traitement des partenaires conomiques en cause57

    dautant plus que la caution qui a pay le crancier ne peut pas exercer ses recours en

    remboursement. Peut-on taper un enfant et lui interdire de pleurer ? Loin dtre une uvre

    dun bon pre de famille , le dispositif ainsi prvu semble tre injuste pour la caution. Ltude

    doit donc explorer les ingalits du dispositif issu du droit uniforme et proposer des solutions

    55 E. CHVIKA, Droit priv et procdures collectives, prface Th. BONNEAU, Defrnois, 2003, p. 1 et s. ; M.-H.MONSERIE, Aperu sur les apports rcents de la confrontation des droits des procdures collectives et du droitdes obligations , Mlanges M. JEANTIN, Perspectives du droit conomique , Dalloz, 1999, p. 429 ; J. F.MONTREDON, La thorie gnrale du contrat lpreuve du nouveau droit des procdures collectives , JCP E1988, II, 15156.56 M. DELMAS-MARTY, Rinventer le droit commun , D. 1995, chron. p. 2.57 K. ASSOGBAVI, Les procdures collectives dapurement du passif dans lespace OHADA , Penant, 2000, n832, p. 55.

  • 19

    visant gouverner la rencontre conflictuelle du droit du cautionnement et du droit des

    procdures collectives.

    26. Certes, le droit des procdures collectives soumet le cautionnement des solutions

    drogatoires qui altrent ou, mieux, dnaturent le concept mme de la sret de cautionnement.

    Mais ce corps de rgles du droit priv peut constituer un banc dessai ou loccasion pour

    explorer les potentialits mconnues du cautionnement en raison du contexte de dtresse du

    dbiteur principal et de la protection dordre public de la caution, pour envisager certaines

    consquences sur le critre de la distinction tablie entre le cautionnement et la lettre de garantie

    (lopposition accessoirit/autonomie)58 ainsi que les impacts sur la prvention des difficults

    des entreprises. A cet gard, le traitement des difficults de lentreprise confre cette sret une

    nouvelle image car entranant, en cas de mconnaissance de son caractre accessoire, un risque

    de confusion de rgime, dmontrant par l mme son aptitude rvler les mystres dune

    garantie dont on pouvait penser que sa mise en uvre ne poserait plus de problme59.

    27. Les axes de la recherche : les rapports daltration et de survie. Le droit, a pu affirmer

    M. Malaurie, nest pas un positivisme arrogant au-dessus de la mle mais il est un conflit

    permanent de valeurs, dintrts et de passions, et une recherche incessante de la justice et de la

    paix 60. A ce titre, les rapports entre les rgles du cautionnement avec celles des procdures

    collectives montrent quil existe un rapport de conflit et quil est ncessaire de trouver un

    quilibre, une conciliation entre les intrts divergents. Cette ambition nest pas aise, surtout

    58 La refonte du droit des srets a t loccasion dintroduire sur le plan lgislatif, afin de lorganiser, une desgaranties autonomes les plus rpandues dans le monde des affaires : la garantie premire demande, que lelgislateur du droit uniforme a appel la lettre de garantie . La rglementation, que certains qualifient de lgre,afin de ne pas la rendre rebutante , notamment, J. ISSA-SAYEGH (Commentaires sous la lettre de garantie,OHADA, Trait et actes uniformes comments et annots, op. cit., p. 636), est emprunte aux rgles suggres parla Chambre de Commerce International de Paris pour la rdaction de telles garanties. Pour les rgles uniformes de laCCI relatives aux garanties sur demande, CCI, 1992, M. VASSEUR, Les nouvelles rgles de la Chambre decommerce international pour les garanties sur demande , RDAI/IBLJ, n 3, 1992, p. 239 et s. De plus, larticle 28,alina 1er AUS dfinit la lettre de garantie comme une convention par laquelle, la requte ou sur instructions dudonneur dordre, le garant sengage payer une somme dtermine au bnficiaire, sur premire demande de la partde ce dernier. Sur la confusion de rgime du cautionnement et de la lettre de garantie : L. BERGEL, Diffrence denature (gale), diffrence de rgime , RTD civ. 1984, p. 255 et s. La confusion de rgime peut conduire vider leprincipe de son contenu . E. BERTRAND, Le rle de la dialectique en droit priv positif , D. 1951, chron. p.151.59 B. MARTOR, N. PILKINGTON, D. SELLERS, S. THOUVENOT, Le droit uniforme des affaires issu delOHADA, prc., p. 222, n 1045 : ces auteurs prcisent utilement que le crancier qui dsire prendre uncautionnement, et qui a lhabitude du droit franais, doit se montrer particulirement prudent, car si globalement larglementation de lActe uniforme ressemble celle des articles du Code civil, telle quelle a t prcise etcomplte par la jurisprudence, sur de nombreux points, le droit OHADA contient des solutions originales, de tellesorte que la porte des diffrentes clauses des contrats de cautionnement sera parfois diffrente de celle laquelle lejuriste franais peut sattendre.60 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Introduction ltude du droit, par Ph. Malaurie, 2e d., 1994, in Prface lintroduction.

  • 20

    lorsquil sagit dun aspect de la vie qui divise toujours pour rgner, plus quil nunit : largent,

    ce Mammon 61. Seulement cette tude est guide par un intrt conomico-juridique62, un

    souci de cohrence et dquit. Aucune tude nest encore faite sur la question en droit OHADA.

    Deux tudes, notre connaissance, avaient t menes, en droit franais, sur le cautionnement

    dans les procdures de rglement du passif du dbiteur dans le cadre de la loi du 10 juin 199463,

    sans prendre en compte dune faon extensive lincidence des procdures collectives sur le

    cautionnement, envisage depuis la phase prventive. De plus, lvolution de la jurisprudence

    franaise et ladoption de la loi du 26 juillet 2005 redonnent une vitalit indite la matire. Par

    ailleurs, la crise du crdit hypothcaire, venue des Etats-Unis et gagnant les tablissements

    financiers sur le plan mondial, peut conduire un dsintrt pour les srets relles, un

    durcissement de la politique bancaire du crdit et un regain dintrt du cautionnement.

    Cependant, avec la mise en place du droit uniforme africain, le cautionnement tend vers le

    durcissement de la situation de la caution dans les diverses dispositions elle consacres dans le

    cadre des procdures de rglement prventif, de redressement judiciaire et de liquidation des

    biens, traduisant, du coup, une actualit vidente du sujet.

    28. Sur un plan thorique, en effet, la valeur dun systme juridique se mesure en fonction de

    lquilibre quil parvient raliser entre les institutions juridiques64 : nul ne doit sy sentir ls,

    sacrifi au profit des autres. Chacun doit ds lors y trouver une limite et chacun doit accepter les

    sacrifices exigs par la vie des affaires et de la socit65. La rgle de droit ne tend-elle pas de nos

    jours protger les parties les plus faibles dans les relations contractuelles ? A ce titre, un droit

    digne de ce nom nest pas partisan ; si ce seuil critique est atteint, loutil nest plus fiable. Il va

    sans dire quun systme juridique se doit de concilier dans llaboration des rgles les impratifs

    divers et les intrts varis. Il ncessite galement dans une certaine mesure pour tre appliqu et

    avoir une audience quil prsente une certaine scurit juridique du point de vue de la

    prvisibilit contractuelle afin de ne pas surprendre dune manire excessive les sujets de droit

    dans leurs engagements, pratiques, prvisions et attentes. Cette vision de la scurit juridique est

    assurment ncessaire et reprsente certainement lun des impratifs ou des intrts lgitimes

    61 Lexpression est utilise par J. CARBONNIER, in Limagerie des monnaies , Flexible droit, 10e d., LGDJ,Paris, 2004, 391.62 B. OPPETIT, Droit et conomie , Archives de philosophie du droit, t. 37, Sirey, Paris, 1992, 17.63 Sur une tude du cautionnement dans le surendettement et le redressement judicaire du dbiteur : E. BROCARD,La place du cautionnement dans les procdures de rglement du passif et de redressement judiciaire du dbiteur,thse Reims, 1996. Sur le cautionnement dans les procdures judiciaires ouvertes aprs la cessation des paiements :A. ARTHOZOUL, Le cautionnement (dans le cadre de la nouvelle loi) dans le redressement et la liquidationjudiciaires, thse Toulouse 1, 2002.64 M. TRIGEAUD et R. SEVE, Le systme juridique , Archives de philosophie du droit, 1997, n 31.65 F. DIESSE, Le devoir de coopration comme principe directeur du contrat , Archives de philosophie du droit,Le droit et limmatriel, t. 43, 1999, 259.

  • 21

    que le lgislateur doit avoir lesprit, lorsquil labore, modifie le droit mais quil met en

    balance avec dautres intrts et besoins ou contraintes66.

    29. A cet gard, le droit des procdures collectives ne doit pas totalement carter la mise en

    uvre du cautionnement, cette opration triangulaire, telle enseigne quon doit le regarder

    encore notre sicle comme une exception telle que lavait envisage Pothier en son temps67. De

    son ct, le droit du cautionnement ne doit pas non plus tre aussi indiffrent louverture dune

    procdure collective, comme la rappel, trs rcemment, le Professeur Crocq68. Ce postulat

    permet davoir une vue densemble plus flexible sur les limites des intrts protger, histoire de

    concilier les exigences propres des deux corps de rgles du droit priv. Le droit des procdures

    collectives a pendant longtemps t un droit de paiement mais, aujourdhui, il est devenu en

    partie un droit de sauvetage mettant ainsi en chec lapplication des rgles classiques du

    paiement immdiat de la dette69. La garantie peut sen sortir affaiblie, dtraque. En Afrique,

    souvent, aucune des trois finalits ne se ralise : ni sauvetage de lentreprise, ni paiement des

    cranciers, ni punition du dbiteur ou des dirigeants fautifs.

    30. Laspect contractuel ne doit pas tre mconnu du point de vue de lopration du

    cautionnement et de la rciprocit dans lexcution des devoirs lgaux. Lorsque la caution limite

    son engagement un montant prfix ou la valeur de ralisation dun bien, contenu dans un

    acte crit, il est impossible de lengager au-del de ltendue de sa garantie. De plus, certains

    mcanismes, notamment les devoirs lgaux mis la charge du crancier, que certains appellent

    les dix commandements du crancier 70 , sont plus favorables la caution, personne

    physique71. Ainsi, grce au devoir de bonne foi dans la conclusion et lexcution du contrat de

    cautionnement, les devoirs mis la charge du crancier peuvent tre maintenus dans le cadre des

    procdures collectives. Il en va ainsi de linterdiction du soutien abusif au dbiteur en priode

    suspecte, du devoir dinformation et de mise en garde de la caution dans loctroi dun crdit

    excdant les facults du dbiteur et du devoir de sauvegarder les intrts de la caution par la

    66 F. POLLAUD-DULIAN, A propos de la scurit juridique , RTD civ. 2001, p. 491.67 Ph. ROUSSEL GALLE, OHADA et les difficults des entreprises : Etude critique des conditions et effets delouverture de la procdure de rglement prventif , RJ com., 2001, p. 21 ; M. POCANAM, Rflexions surquelques aspects du droit de la faillite au Togo , Penant, n 812, mai septembre 1993, 189 230 ; Du mmeauteur, Le concordat prventif, remde aux difficults des entreprises au Togo ? , Annales de luniversit duBnin, Tome XII, Presses de lUB, Lom, 1994, p. 207 et s.68 P. CROCQ, Le droit des procdures collectives et le caractre accessoire du cautionnement , Mlanges Ph.Malaurie, Defrnois, 2005, p. 171 et s.; Com., 5 mai 2004 D. 2004, 1594 et 23 nov. 2004, D. 2004, AJ, p. 3220.69 J. LOHOUES-OBLE, Lapparition dun droit international des affaires en Afrique , prc., p. 543 et s.70 Ph. DUPICHOT, Le pouvoir des volonts individuelles en droit des srets, Prface M. GRIMALDI, d. PanthonAssas, 2005, p. 150 et s.71 G. MORRIS-BECQUET, Surendettement , Lamy droit des srets, 2002, Etude 175.

  • 22

    production de la crance la procdure collective. Il en va galement ainsi des diverses actions

    susceptibles dtre transmises la caution par le jeu de la subrogation. En consquence, la

    compatibilit du droit du cautionnement et celui des procdures collectives peut sobserver dans

    la liquidation des biens qui est lexpression de la dfaillance dfinitive du dbiteur et o on peut

    observer la reprise des poursuites individuelles contre le dbiteur la clture de la procdure.

    Cette solution tranche avec le droit antrieur, ce qui dmontre que la dfaillance dfinitive du

    dbiteur constitue plutt la phase de paiement collectif des cranciers et lultime moment de

    conciliation entre les deux corps de rgles du droit priv. A ce stade, le crancier peut agir

    contre le dbiteur principal ou la caution. De son ct, la caution peut exercer ses recours

    personnels en remboursement avant ou aprs paiement ou, encore, son recours subrogatoire, pour

    viter de contribuer de manire dfinitive la dette garantie.

    31. Sur un plan conomique et pratique, le refus dtendre les remises consenties au dbiteur la

    caution en droit OHADA est une mdaille revers susceptible de remettre en cause la

    sauvegarde de lentreprise. La tentation est donc forte de plaider pour lextension des remises

    consenties la caution personne physique : cest un modus vivendi pour viter que la prsence de

    la caution ne constitue un frein louverture de la procdure anticipe. En effet, la caution

    dirigeante sociale honnte mais malheureuse exclue du bnfice des mesures consenties son

    entreprise ne pourra point dclencher louverture de la procdure collective72.

    32. Lexplication, mme si elle reste discutable sur le plan du raisonnement juridique en

    fonction des discriminations opres, du manque de principes directeurs ou de la confusion et

    source daffaiblissement de la garantie, relve tout de mme de la politique prventive73. Telle

    semble tre la politique choisie par le lgislateur OHADA mais lissue nest pas heureuse parce

    que non conciliante et, par voie de consquence, manquant de flexibilit 74 . De lapproche

    conflictuelle, lanalyse peut se rvler fructueuse et enrichissante et permettre de restaurer la

    cohrence tant attendue.

    72 Dans les affaires opposant respectivement BIA-TOGO et les cautions dirigeantes sociales des socitsCOTONFIL SARL et LOMETEX SA, rien nest fait pour sauver les entreprises si bien que le Tribunal de premireinstance de Lom, dans les dcisions des 21 dc. 2001 et 20 dc. 2002 ( jugement n 1857/2001 et n 1941/2002),navait dautres choix que de prononcer la liquidation des biens.73 Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE, Droit civil, Les srets et la publicit foncire, 4e d., Dalloz, Paris, 2004,151.74 Pour une sociologie du droit sans rigueur, J. CARBONNIER, Flexible droit, LGDJ, 2001, p. 393.

  • 23

    33. Plan. Le droit des procdures collectives se prsente donc comme un laboratoire

    dexprimentation dans lequel le droit du cautionnement subit une crise 75 ou une

    dfiguration76. Il en rsulte que le caractre accessoire de la garantie est cart par les procdures

    de sauvetage du dbiteur principal (Premire partie). Cependant, le droit du cautionnement fait

    preuve de survie dans les procdures collectives. Certains aspects du cautionnement favorables

    la caution sont maintenus dans le droit des procdures collectives (Seconde partie).

    75 D. GRIMAUD, Le caractre accessoire du cautionnement, thse prc., 238 et s.76 C. SAINT-ALARY-HOUIN, Rapport de synthse , colloque sur Srets et procdures collectives : morceauxchoisis , prc., n 188, 40.

  • 24

    PREMIERE PARTIE

    LALTERATION DU CARACTERE ACCESSOIRE DU CAUTIONNEMENT PAR LES

    PROCEDURES DE SAUVETAGE DU DEBITEUR PRINCIPAL

    34. Difficult de la question. Le caractre accessoire du cautionnement est cette qualit qui

    place lobligation de la caution dans une relation de dpendance unilatrale lgard de la

    crance dont elle garantit la satisfaction. Les manifestations de cette qualification du

    cautionnement oprent autour de deux ples : sa fonction normative et sa fonction de

    catgorisation. Devenu un guide de la pense juridique en matire de cautionnement, une

    hypothse thorique communment reue partir de laquelle sont chafaudes des

    problmatiques et des solutions, le caractre accessoire rattach au cautionnement revt une

    dimension toute particulire ; car, nanti dune porte que lon peut qualifier de paradigmatique,

    permettant de justifier lextension des mesures consenties au dbiteur principal la caution. A

    lvidence, ni lexistence, ni le dynamisme du principe de laccessoire, en droit positif, ne

    sauraient tre contests77. Est-ce dire quil soit possible den donner une vision sereine dans le

    cadre des procdures collectives ?

    35. Lviction de la rgle de laccessoire au profit du crancier et du sauvetage du

    dbiteur. La conception accessoire du cautionnement est branle par les attaques que subit la

    thorie de laccessoire dans sa fonction traditionnelle de norme. Envahi par un afflux de

    solutions drogatoires, dune faon imprative et lgale, un tel mouvement prend toute sa

    consistance dans le traitement juridique des situations dendettement, manant de deux sphres

    que constituent, dune part, la procdure de prvention des difficults, et, dautre part, la

    procdure de redressement judicaire du dbiteur principal. En effet, lavnement irrversible de

    lconomie dendettement constitue un phnomne social contemporain que ne pouvaient pas

    avoir lesprit les rdacteurs du Code civil78 , lorsquils imitrent Pothier et faonnrent le

    principe qui veut que lobligation de garantie de la caution trouve constamment sa mesure dans

    la crance couverte. M. Oppetit soulignait, cet effet, qu une conomie

    dendettement provoque inluctablement un affaiblissement des notions de force obligatoire, de

    terme, dexigibilit et dexcution des engagements, voire un travestissement de la situation

    77 Sur une tude globale de la question, D. GRIMAUD, Le caractre accessoire du cautionnement, thse prc., n97 et s..78 Sur cette volution, D. MAZEAUD, Rapport franais sur lendettement des particuliers , in Lendettement,Travaux de lassociation Henri Capitant, 1995, LGDJ, Tome XLVI, 1997, p. 127 et s. ; L. AYNES, Criseconomique et rapports de droit priv , in La crise et le droit, Journe R. Savatier, 1995, p. 57 et s. ; S. GJIDARA,Lendettement et le droit priv, prf. A. GHOZI, Bibl. dr. pr., Tome 316, 1999.

  • 25

    dendettement dun dbiteur 79. Ainsi, le droit des procdures collectives nest plus, a priori, un

    droit de recouvrement des crances. Le souci dassurer la survie ou la rdemption conomique de

    lentreprise innerve lensemble des dispositions dans lesquelles des mesures de faveur sont

    accordes au dbiteur principal pour sauver son activit.

    36. Reste toutefois pose la question de fond : qui, en dfinitive, supportera la charge

    conomique de lobligation dfaut de celui auquel elle incombe ? Cest ici que la thorie des

    obligations (ou celle du caractre accessoire du cautionnement, pouvons-nous ajouter) va sans

    doute subir son atteinte la plus profonde : alors quelle reposait pour lessentiel, selon les

    postulats du libralisme, sur un principe de justice commutative, elle met dsormais en uvre

    bien davantage une justice distributive, linstar dautres branches du droit, tel le droit fiscal ou

    le droit social, qui connaissent depuis longtemps ces phnomnes de translation et dincidence

    dbouchant, au nom de solidarits nouvelles, sur des transferts sociaux : une partie non

    ngligeable des dbiteurs est aujourdhui en mesure de rsorber sa dette par vaporation ou par

    substitution 80 . Dans cet ordre dides, par son intgration une procdure prventive ou

    curative, le rapport dobligation que garantit la caution se trouvera ainsi fortement affect dans la

    mesure o les sacrifices ncessits par la survie du dbiteur principal, voire, les spoliations dont

    les cranciers risquent de faire lobjet, les rendront logiquement enclins reporter sur les

    cautions tous les espoirs dune satisfaction intgrale. En consquence, la vocation de principe du

    cautionnement suivre le sort de la dette principale est en proie une rosion.

    37. Une telle modification de la porte de la conception du droit du cautionnement est observable

    tant au stade de la dtection prcoce des difficults, autrement dit, dans la procdure de

    rglement prventif (Titre I), quau stade du traitement des difficults, en loccurrence, dans la

    procdure de redressement judiciaire (Titre II).

    79 B. OPPETIT, Lendettement et le droit , Mlanges BRETON-DERRIDA, Dalloz, 1991, p. 310.80 B. OPPETIT, art. prc., p. 310.

  • 26

    TITRE I LALTERATION DU CARACTERE ACCESSOIRE DU CAUTIONNEMENT

    PAR LA PREVENTION DES DIFFICULTES DU DEBITEUR PRINCIPAL

    38. La caution confronte lapprciation de la dfaillance du dbiteur principal.

    Lrosion qui frappe la thorie de laccessoire dans son contenu normatif entretient un lien

    intime avec lvolution du droit des entreprises en difficult, dautant plus quelle en traduit les

    incidences sur celui du droit du cautionnement. Le relchement du lien de dpendance

    unilatrale soudant le contrat de base et la garantie, linsensibilit de celle-ci aux vicissitudes de

    la dette couverte constituent, en effet, la rponse la plus frquente au problme pos par la

    situation des cautions face aux perturbations de la notion dobligation typiques dune conomie

    dendettement 81 . LActe uniforme a ainsi pris soin de prciser, larticle 2 AUS, que le

    cautionnement est un engagement par lequel la caution paie en cas de dfaillance du dbiteur.

    Cependant, cette disposition ne prcise pas si la dfaillance rsulte dun arrt total de paiement

    du dbiteur principal ou seulement des difficults pour pargner le dbiteur principal du

    paiement de sa dette. La rponse vient de louverture de la procdure du rglement prventif

    offerte lentreprise qui connat une situation conomique et financire difficile mais non

    irrmdiablement compromise 82 . Deux conditions se dgagent de ce texte : situation

    conomique et situation financire difficile. A ces deux conditions, on peut ajouter une troisime

    mme si le texte ne le dit pas expressment : lentreprise ne doit pas encore tre en cessation des

    paiements.

    39. A la diffrence de lordonnance franaise de 1967 qui faisait rfrence des difficults

    uniquement financires, le droit uniforme vise une situation conomique et financire difficile.

    Cette formule faisant rfrence aux difficults conomiques est opportune 83, si bien que le

    dbiteur peut se prvaloir des difficults relatives la conjoncture et au contexte conomiques84

    ou de difficults financires qui ne peuvent tre rsolues par des moyens habituels de gestion.

    Tout lesprit de lActe uniforme sur la procdure prventive peut tre rsum par le triptyque

    suivant : il faut anticiper au maximum la crise avant quelle ne devienne irrversible, simplifier

    les procdures judiciaires, stricto sensu, lorsque cette crise irrversible est atteinte et surtout ne

    pas empcher le dirigeant honnte mais malheureux de rebondir.

    81 D. GRIMAUD, thse prc., n 9.82 Article 2-1 al. 2 AUPC.83 Ph. ROUSSEL GALLE, art. prc., p. 14.84 Comparaison avec le rglement amiable, voir P. LE CANNU, J.-M. LUCHEUX, M. PITRON et J.-P.SENECHAL, Entreprises en difficult, GLN Joly, 1994, n 155, p. 80.

  • 27

    40. La dlicate articulation entre la dfaillance et la notion de situation difficile. La

    dfaillance du dbiteur se conoit difficilement avec la notion de situation difficile. En effet,

    viter ou prvenir, cest faire en sorte que le risque ne se ralise pas85. Or, justement, lorsquun

    dbiteur sollicite louverture du rglement prventif, la question qui se pose est celle de savoir si

    lentreprise nprouve pas dj de difficult dont le traitement doit tre ncessairement curatif.

    Le lgislateur prvoit quil doit sagir de situation difficile mais non irrmdiablement

    compromise ; mais le problme rside dans la conception mme de situation difficile ,

    dautant plus que la caution ne sera appele payer quen cas de dfaillance du dbiteur

    principal86. En fait, tout porte croire que le dbiteur in bonis nest pas dfaillant ; or, il ne doit

    pas attendre la ralisation des difficults pour demander louverture de la procdure du rglement

    prventif, autrement, il se verra en cessation de paiements. Comment reconnatre alors le

    dbiteur en difficult ?

    41. Les critres de reconnaissance du dbiteur en difficult. Le rapport de Roux donne des

    prcisions utiles issues de la pratique des tribunaux de commerce franais en la matire en ces

    termes : Ainsi, le vade-mecum de la prvention judiciaire, prsente sous limpulsion de la

    confrence gnrale des tribunaux de commerce en novembre 2002, recense au moins six

    clignotants internes lentreprise, communment utiliss par les greffes dans la dmarche de

    dtection de leurs difficults quils mettent en uvre pour le compte du prsident du tribunal :

    inscription de nantissement et de privilges ; la perte de plus de la moiti du capital social, qui

    contraint en principe les actionnaires la recapitalisation ; les capitaux propres devenus

    ngatifs ; labsence de dpt des comptes sociaux annuels ; les injonctions de payer rptition

    et les assignations en redressement laisses sans suite par paiement la barre ; enfin, les

    demandes de prorogation de la date de lAssemble Gnrale Ordinaire pour adopter les

    comptes 87.

    42. M. Roussel Galle affirme, pour sa part, que les difficults ne doivent pas tre minimes, mais

    au contraire, tre srieuses et traduire une situation telle qu terme la continuation de lactivit

    parat impossible, si les mesures adquates ne sont pas prises88. Il sensuit que la demande ne

    doit pas tre prcoce. Cependant, elle ne doit pas non plus tre trop tardive, auquel cas, le

    85 Ch. LEBEL ( Etre ou ne pas tre en cessation de paiement , Petites affiches, 08 sept. 2005, n 251, p. 14)affirme par ailleurs que les dcisions rendues sous lempire de la loi franaise de 1984 sont pauvres enrenseignements sur la notion de difficults.86 Larticle 3 AUS prvoit que la caution sengage excuter lobligation du dbiteur si celui-ci ny satisfait pas lui-mme.87 De ROUX, in Rapport du Snat, n 2092, Doc. AN, X., fv. 2005, p. 25.88 Ph. ROUSSEL GALLE, art. prc., p. 14.

  • 28

    dbiteur se trouverait en cessation des paiements, situation quil sagit dviter. La dfinition de

    la cessation des paiements ne prcise pas si le passif exigible doit galement avoir t exig par

    les cranciers. Cette absence de prcision laisse une marge dinterprtation de la date de la

    cessation des paiements suivant quest appliqu le principe dies interpellat pro homine

    (lchance du terme valant interpellation) ou celui de lexigence dune mise en demeure

    effective par les cranciers. Larticle 11 AUPC prcise expressment que lentreprise ne doit pas

    se trouver en cessation des paiements. Ce texte complte donc larticle 2 du mme Acte

    uniforme qui dispose que le rglement prventif est destin viter la cessation des

    paiements .

    43. Une prtendue difficult prvisible ! En fait, viter suppose prvenir. A cet gard, suffit-il

    que les difficults soient prvisibles ? Que faut-il alors entendre par difficult prvisible ? La

    prvisibilit des difficults du dbiteur, dans une certaine mesure, peut ressortir dlments

    factuels que le prsident du tribunal comptent apprciera, au cas par cas, lors de sa dcision

    douverture ou non de la procdure de rglement prventif. Mais cette prvisibilit peut rsulter

    aussi dautres lments, tels que la perte dun client important ou des difficults dordre social89.

    Le dbiteur sollicitant louverture de la procdure prventive devra prouver lexistence dune

    difficult prvisible 90 ; mais deux observations simposent sur ce point : tout dabord, la

    prvisibilit, par dfinition, signifie que lvnement en cause nest pas encore ralis, or, la

    perte dun gros client est une donne relle et non pas simplement prvisible. Dans ce cas, le

    risque est dj ralis. Ensuite, les prsidents des juridictions comptentes devront tre vigilants

    quant la justification dune difficult prvisible par des comptes prvisionnels, et, notamment,

    quant aux conditions dlaboration des documents afin dviter tout risque de dtournement de la

    procdure au dtriment des cautions.

    44. La dtermination de la notion de difficult exige pour bnficier de la procdure de

    rglement prventif peut savrer dlicate cerner en raison de la diversit des modes danalyse

    des dfaillances, des stades de gravit de la situation, de la varit des critres permettant de les

    dceler et de lhtrognit de leurs causes. En optant pour les difficults conomiques et

    financires, lapproche prventive retenue par le droit uniforme peut tre opre travers, dun

    ct, la rentabilit et lefficacit de lunit de production ou du dbiteur, et de lautre ct, les

    problmes de trsorerie, limportance des fonds propres et les besoins de crdits. Le sort de la

    caution nest pas tranger aux diverses apprciations des situations en cause.

    89 Rapport n 335 de J. J. HYEST au nom de la commission des lois de lassemble nationale franaise, p. 101.90 idem

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    45. La problmatique de la remise en cause du cautionnement par la prvention des

    difficults du dbiteur. Envisage comme la figure de proue de la prvention des difficults de

    lentreprise, la finalit de la procdure de prvention des difficults est de permettre au dbiteur

    de ngocier avec ses cranciers, sous les auspices dun expert dsign par le prsident de la

    juridiction comptente, les mesures et conditions de redressement adquates et appropries la

    situation en cause. Dans cette perspective, les critres douverture de la procdure et les

    conditions dlaboration du concordat prventif aboutissent au prononc de la suspension des

    poursuites individuelles contre le dbiteur, la rduction de crances et des reports dchance.

    Le contenu de la norme de laccessoire attach au cautionnement selon lequel lengagement de la

    caution a vocation suivre le sort de celui du dbiteur principal est-il respect ? Sur la scne des

    procdures collectives dapurement du passif du dbiteur principal, la rgle du caractre

    accessoire et le souci doptimiser la fonction de garantie du cautionnement saffrontent dans un

    permanent conflit.

    46. Il en rsulte que la question de lincidence des mesures consenties au dbiteur sur

    lobligation de la caution, dune part (Chapitre I), et les garanties de leur mise en uvre, dautre

    part (Chapitre II), se pose avec acuit dans le cadre de la procdure prventive.

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    CHAPITRE I- LALTERATION DU DROIT DU CAUTIONNEMENT PAR LADOPTION

    DES MESURES PREVENTIVES

    47. Ladoption des mesures prventives : une procdure introductive dinstance.

    Laltration du cautionnement sobserve, tout dabord, dans ladoption des mesures prventives

    de rglement des difficults du dbiteur prenant la forme dune requte introductive dinstance.

    La saisine par le dbiteur prend la forme dune requte adresse au Prsident de la juridiction

    comptente. Ainsi, la juridiction comptente est le tribunal de premire instance ou le tribunal de

    grande instance pour la plupart des Etats de lespace OHADA. La requte indique les crances

    pour lesquelles le dbiteur demande la suspension des poursuites individuelles, laissant supposer

    que le dbiteur connat ltendue de son passif et va oprer une discrimination en fonction des

    caractristiques de ses dettes : montant lev ou faible, exigibilit immdiate ou terme,

    existence ou non dune sret, importance du bien servant dassiette la sret91. Parce que cette

    procdure autorise le dbiteur in bonis ne pas payer momentanment ses dettes, des risques

    srieux dabus peuvent tenter certains dbiteurs y recourir titre purement dilatoire au

    dtriment de la caution qui sera actionne ce moment et tenue, en consquence, plus

    svrement que le dbiteur principal. En effet, pour se placer sous le rgime du rglement

    prventif, le dbiteur doit, en adressant la requte au prsident de la juridiction comptente,

    prciser les crances pour lesquelles il sengage prendre des mesures contenues dans une offre

    de concordat prventif. Il est libre dindiquer ou non les crances cautionnes pour voir

    poursuivre la caution trangre lentreprise. Lorsquil sagit du dirigeant caution, il risque de

    sexposer des menaces de poursuites des cranciers. Il en va ainsi pour le conjoint caution du

    dbiteur en difficult, dun ami ou dun parent.

    48. Or, les chefs dentreprise sont comme les autorits publiques dans la mesure o les intrts

    publics obligent ceux qui ont la conduite des Etats les gouverner en sorte quils puissent non

    seulement les garantir de tout le mal qui se peut viter mais encore de lapprhension quils en

    pourraient avoir 92 . A ce titre, ne devraient-ils pas alors, en dehors des garanties quils

    apportent lentreprise lors des engagements, apprhender de mme les difficults auxquelles ils

    pourraient tre confronts pour viter dentrer dans la zone dinscurit aux consquences

    plus drastiques quest la phase du traitement judiciaire, grce lefficacit du service prventif