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Le Cercle Galien RAPPORT ANNUEL 2020 Le magazine des décideurs de la Santé En partenariat avec DES LEÇONS À TIRER DE LA CRISE SANITAIRE DE LA COVID-19

Le Cercle - Semaine du Galien

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Le Cercle Galien

RAPPORT ANNUEL 2020

Le magazine des décideurs de la SantéEn partenariat avec

DES LEÇONS À TIRER DE LA CRISE SANITAIRE DE LA COVID-19

Un groupe de réflexion œuvrant sous la bannièredu prix Galien.

Le rapport du Cercle Galien est le fruit d’un travail collectif qui n’engage aucun de ses membres individuellement.

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AVANT-PROPOSLe Cercle Galien

Des leçons à tirer de la crise sanitaire de la COVID-19

D’abord en s’interrogeant sur les spécificités ou non de cette crise. Est-ce seulement une nouvelle épidémie, d’ailleurs annoncée par les épidémiologistes, simplement plus virulente que les autres ? Comment cette épidémie s’inscrit-elle au sein des maladies émergentes ? Signe-t-elle pour autant l’An 1 imposant une révision déchirante de nos modes de vie et des prises en charge en santé ?Le mode de gestion de l’épidémie doit également être interrogé. A-t-elle permis une mise en œuvre in vivo du concept d’agilité, appliquée à tous les échelons, depuis le politique jusqu’aux acteurs de terrain ? Pour la première fois, ont été déployées des initiatives qui illustrent des ruptures avec les réponses adoptées dans le passé. Quelles ont donc été ces expérimentations, ces idées venues du terrain, sans aussi omettre les échecs, les ratés ?

Enfin, le SARS-CoV-2 met en lumière les points aveugles d’une politique de santé minée par le court-termisme. Encore récemment, une vision d’abord comptable du soin s’imposait à tous. Mais en réponse aux déficits budgétaires qui exploseront dans les prochains mois, quelle peut être la juste part consacrée par la nation à la santé ? La solution est-elle seulement budgétaire ou repose-t-elle sur les nouveaux modes d’organisation ? Les financements de type forfaitaire, envisagés notamment par les recommandations 2019 du Cercle Galien, sont-ils toujours d’actualité ?

Au-delà de l’empathie nécessaire qu’il a manifestée aux soignants, ces soldats en première ligne, le politique aura la lourde charge d’arbitrer entre plusieurs urgences. Mais au sein même de l’écosystème de santé, l’urgence sera aussi de retrouver un discours commun entre soignants et gestionnaires, comme l’a illustré la longue crise qui a miné l’hôpital avant l’arrivée de la COVID-19.

Le SARS-CoV-2 a permis de retisser les liens entre professionnels et d’affronter unis la menace virale. Comment préserver cette union sacrée à l’épreuve du temps ? Au Cercle Galien de nourrir le débat public par ses recommandations en cette année si particulière...

Une fois l’épidémie de COVID-19 surmontée, la grande transformation sera-t-elle opérée ? Ou bien les promesses d’hier seront-elles effacées ? Le Ségur de la santé a octroyé des revalorisations salariales historiques aux soignants. Reste à transformer l’essai en promulguant une nouvelle gouvernance. Mais une crise chassant l’autre, l’État aura à gérer demain les conséquences d’une récession économique sévère. Dans ce contexte, comment le Cercle Galien peut-il contribuer au débat ?

« Le système de santé français ne sera plus jamais comme avant ! »

Concilier créativité et convivialité en temps de crise sanitaire. Exemples de moments saisis sur le vif.

3 AVANT-PROPOS

6 LES 6 RECOMMANDATIONS DU CERCLE GALIEN

8 LE TRAITEMENT DE LA CRISE DANS LES TERRITOIRES EUROPÉENS

8 ANALYSE DE LA SITUATION EUROPÉENNE Fruit des discussions et analyses des membres du Cercle Galien

12 BENCHMARK DES EXPÉRIENCES ALLEMANDES, ITALIENNES, SUÉDOISES ET BRITANNIQUES Fruit des discussions et analyses des membres du Cercle Galien

21 LA FRANCE ET LES SOIGNANTS 21 L’IMPACT DE LA CRISE SANITAIRE SUR L’ORGANISATION DU SYSTÈME DE SOINS EN FRANCE : ANALYSE D’HENRI BERGERON ET DE PATRICK CASTEL, COAUTEURS DE « COVID-19, UNE CRISE ORGANISATIONNELLE » Fruit des discussions et analyses des membres du Cercle Galien

26 LE RÔLE DES PARAMÉDICAUX DANS LA PREMIÈRE VAGUE DE LA PANDÉMIE EN FRANCE : TÉMOIGNAGES ET RETOURS D’EXPÉRIENCES Fruit des discussions et analyses des membres du Cercle Galien

32 LES POINTS DE VUE DE... 32 SANOFI (SE RÉINVENTER POUR UNE AUTE SANTÉ) 33 TAKEDA (L’INFLUENCE JAPONAISE PAR TAKEDA DANS LA CRISE)

34 nehs (L’ENGAGEMENT ET LA RÉSILIENCE DES SOIGNANTS)

35 BIBLIOGRAPHIE

36 LISTE DES MEMBRES

SOMMAIRELe Cercle Galien

L’INNOVATION

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LES 6 RECOMMANDATIONSDU CERCLE GALIEN

Le Cercle Galien

Les recommandations issues des travaux du Cercle Galien ont pour vocation de tirer des enseignements de la première vague de la COVID-19 afin de mieux affronter les crises sanitaires futures et de contribuer à l’amélioration du système de santé dans sa globalité.

Afficher une transparence totale sur les moyens disponibles en cas de crise sanitaire et développer l’implication citoyenne dans la mise en place des plans d’urgence.

Élaborer une nouvelle méthode pour la mise en place des plans d’urgence en cas de crise sanitaire.

Disposer, pour la constitution des comités scientifiques, d’une liste de professionnels appartenant à différents corps de métiers afin d’améliorer la diversité des points de vue dans les prises de décision.

Favoriser l’acceptabilité sociale des mesures sanitaires en améliorant l’implication citoyenne (ex. : mise en place de consultations citoyennes).

Ériger la santé publique, la recherche sur les maladies émergentes et la prévention au titre des priorités nationales avec la mise en place d’un ONDAM de santé publique.

Dépasser la simple déclaration d’intention et investir massivement en santé publique avec la mise en place d’un ONDAM dédié.

Renforcer l’autonomie et les compétences des soignants dans le champ de la prévention, de l’éducation à la santé et du dépistage.

Faciliter la coopération en matière de recherche pour mener des projets interdisciplinaires permettant de répondre rapidement aux questions sanitaires urgentes actuelles et futures.

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Évaluer les innovations organisationnelles mises en place pendant la crise pour favoriser l’agilité entre les acteurs.

Analyser et pérenniser les expériences organisationnelles réussies, notamment la coopération entre le public et le privé, pour favoriser la continuité des prises en charge.

Renforcer l’interministérialité dans la gestion de crise et mettre en place des stratégies de retours d’expériences (« Test and Learn ») des régions les plus touchées initialement pour mieux anticiper la prise en charge des patients.

Faire évoluer certaines procédures administratives lourdes qui ont été assouplies pendant la crise sanitaire (ex. : délivrance d’autorisations dérogatoires) pour simplifier le système et gagner en agilité entre les différents acteurs (hôpital, tutelle…).

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DES LEÇONS À TIRER DE LA CRISE SANITAIRE DE LA COVID-19

Transformer le système de santé en décloisonnant les formations et les métiers des professionnels de santé, et inciter aux coopérations (ville/hôpital, sanitaire/social, mais aussi trans-secteurs).

Impliquer la médecine libérale dans la gestion des crises sanitaires futures dès le départ afin de soulager le système de santé et, en particulier, l’hôpital.

Promouvoir les professions paramédicales et accompagner le développement de nouvelles compétences en leur sein (ex. : infirmières de pratique avancée [IPA]).

Favoriser les protocoles de coopération (ex. : pharmaciens).

Revoir le maillage territorial des services de soins critiques et en moderniser les outils logistiques.

S’inspirer de pays comme l’Allemagne où les services de réanimation sont déconcentrés et répartis plus uniformément entre acteurs publics et privés, et entre grandes et petites structures.

Faire émerger un pilotage unifié des données de santé, fondé sur des données fiables, homogènes et partagées par l’ensemble des acteurs.

Mettre en place des outils fiables d’estimation en temps réel des capacités d’accueil pour dépasser l’archaïsme actuel des outils à la disposition des hôpitaux, avec une véritable coordination des ARS.

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Mettre en œuvre la construction d’une Europe de la santé qui respecte le principe de souveraineté nationale.

Engager une réflexion sur la mise en place d’une instance sanitaire européenne supranationale.

Favoriser la coordination des États en matière de veille, de prévention et de plan d’action dans la gestion des crises sanitaires.

Mettre en place une véritable coopération au niveau européen des moyens humains et matériels (ex. : « réserve sanitaire européenne » mobilisable en urgence).

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L’INNOVATION

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LE TRAITEMENT DE LA CRISE DANS LES TERRITOIRES EUROPÉENS

Le Cercle Galien

Analyse de la situation européenneFruit des discussions et analyses des membres du Cercle Galien

COVID-19, L’EUROPE DE LA SANTÉ EXISTE-T-ELLE ?

Avant d’analyser les gestions de la crise sanitaire opérées par les États (Allemagne, Italie, Royaume-Uni et Suède), nous allons changer d’échelle en procédant à un audit de l’UE, de ses échecs et de ses réussites dans la prise en charge de la pandémie.

En premier lieu, rappelons que la santé publique relève de la compétence des États membres. Mais l’UE peut compléter ces politiques nationales.

L’article 168 du traité sur le fonctionnement de l’UE précise les domaines d’interventions possibles. La rédaction, imprécise, signale des domaines très larges comme la coopération entre États, la coordination, notamment en cas de lutte contre les grands fléaux. La lutte contre la COVID-19 s’inscrit dans cette stratégie. L’Europe peut toutefois se révéler plus contraignante. En témoignent les réglementations nationales sur le tabac qui s’appuient sur une norme européenne et imposent les avertissements sur les paquets de cigarettes.

Pour mettre en œuvre cette politique européenne, l’UE dispose d’acteurs spécialisés comme la Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire. La politique est mise en œuvre par l’Agence exécutive pour les consommateurs, la santé, l’agriculture et l’alimentation (CHAFEA). Le dispositif est complété par des organismes spécialisés comme l’Observatoire européen des drogues et toxicomanies créé en 1993 et qui siège à Lisbonne (Portugal). Citons également l’Agence européenne des médicaments – qui délivre les autorisations de mise sur

le marché des médicaments valables dans tous les États membres – installée à Amsterdam (Pays-Bas) depuis le Brexit. D’autres acteurs sont moins connus comme la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDPC) sur lequel nous reviendrons plus loin.

L’ensemble de ces agences et centres contribuent à la définition d’une programmation pluriannuelle déclinée par la CHAFEA pour la période 2014-2020. Quatre objectifs spécifiques dans 23 domaines prioritaires ont été mis en avant, à savoir « prévenir les maladies et favoriser des modes de vie sains, protéger les citoyens des menaces transfrontières graves, contribuer à des systèmes de santé innovants, efficaces et viables, faciliter l’accès à des soins de santé sûrs et de qualité ».

En dépit de l’ambition affichée, l’UE a failli dans l’exercice pratique qu’a constitué la pandémie.La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a d’ailleurs reconnu, dans une lettre adressée aux Italiens le 2 avril dernier, la responsabilité de l’Europe dans l’absence de solidarité manifestée à l’égard de l’Italie au début de la crise.

Si l’on se réfère à la chronologie, c’est le 28 janvier 2020 que l’UE a activé son dispositif de crise. On peut toutefois douter qu’il ait été immédiatement opérationnel. Il faut plutôt retenir le jour du 12 mars 2020 où certains membres ont commencé à fermer leurs frontières et à confiner leur population dans une absence totale de coordination. Des leaders populistes comme en Hongrie ont saisi l’opportunité de la crise pour renforcer leur arsenal répressif. Il aura fallu attendre le 31 mars 2020 avant que l’Europe ne réagisse.

La pandémie a frappé l’Europe en se moquant des frontières érigées par chaque pays. En réponse, lors de la première vague, l’Union européenne (UE) a failli. Elle s’est peu à peu remobilisée en prenant pour la première fois l’initiative d’achats groupés de vaccins, puis de médicaments. La crise a, par ailleurs, mis en relief les stratégies différentes adoptées par les pays voisins de la France avant et pendant la crise sanitaire. Un benchmarking riche d’enseignements.

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L’Europe ne s’est pas davantage ressaisie au moment du déconfinement. La Commission européenne avait pourtant élaboré un plan qui n’a guère été repris par les États membres.

Enfin, cette absence de solidarité s’illustre aussi sur le plan économique par l’initiative franco-allemande pour une relance européenne dévoilée le 18 mai 2020. C’est le 27 mai 2020 que la Commission européenne présente son propre plan devant le Parlement. Bref, le rappel des faits met en lumière les retards et l’absence de coordination de l’UE tout au long de la gestion de la crise en dépit des efforts de communication déployés par la Commission pour convaincre du contraire.

Si l’on prend pour exemple la politique menée pour limiter la propagation du virus, les mesures prises par chaque État manifestent, on l’a déjà dit, une absence de coordination. Même un instrument scientifique comme le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, créé dans l’objectif de rivaliser avec le CDC d’Atlanta (États-Unis), a pour le moins été peu présent au quotidien. Les politiques européens et les journalistes se sont davantage référés aux chiffres communiqués par l’université Johns-Hopkins (États-Unis).

Le chacun pour soi s’est illustré au plus fort de la crise dans la gestion des fournitures d’équipements médicaux. La France et la Suède se sont affrontées dans une guerre des masques. La France avait saisi quatre millions de masques destinés au marché espagnol et italien. Dans ce moment de crise, le business as usual a été dénoncé en Italie lorsque une société privée a écoulé sa production d’écouvillons aux États-Unis alors que l’Europe connaissait une pénurie. Bref, le confinement n’a pas touché seulement les populations, mais aussi le projet européen.

Le même constat peut être dressé sur le dossier de la recherche. L’Europe de la recherche clinique s’est révélée inopérante et se conclut par un échec cuisant. Au lieu de recruter des patients pour l’essai européen Discovery, des médecins en Europe ont opté pour un essai piloté par l’OMS. Les accords conclus en ordre dispersé sur les précommandes de vaccins renforcent l’idée d’absence de coordination. La France, l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas signent un accord avec AstraZeneca pour une livraison en cas de succès du développement clinique. La Belgique qui n’aurait pas été associée aux négociations exprime son mécontentement face à cette initiative unilatérale.

Sur le soutien à l’économie, le débat n’est pas encore tranché. Après des débuts chaotiques, le sommet européen des 17 et 18 juillet 2020 à Bruxelles (Belgique) consacré à un plan de relance devait clarifier les positions entre les pays du Nord, défenseurs d’une orthodoxie budgétaire, et ceux du Sud en attente d’aides urgentes. Un point peut toutefois être mis au crédit de l’Europe. Au début de la crise, l’UE a participé au rapatriement de 68 000 citoyens de l’UE bloqués à l’étranger. L’Autriche a ainsi contribué à faire revenir des ressortissants de 25 États membres et la Belgique des citoyens de 20 pays. L’Allemagne et le Luxembourg ont manifesté leur solidarité en accueillant dans des services de réanimation des patients originaires d’autres pays.

Même en matière de désinformation scientifique, l’Europe n’a pas présenté un front uni. Faut-il invoquer l’obstacle de la langue pour expliquer l’absence de leader européen qui aurait émergé à la faveur de la crise ? Le Pr Christian Drosten (hôpital de la Charité, Allemagne) aurait été un bon candidat.

Et au milieu de ce tableau plutôt sombre, même quand un espoir apparaît, il est rapidement déçu. En effet, le 28 mai dernier, la Commission européenne a présenté une feuille de route ambitieuse dotée d’un budget de 9,4 milliards d’euros pour la période 2021-2027, soit un montant 25 fois plus élevé que les crédits de 450 millions d’euros accordés pour la période 2014-2020. Les enjeux étaient de renforcer la résilience des systèmes de santé et la promotion de l’innovation. L’objectif était également de combler les lacunes mises en évidence lors de la crise et de renforcer la capacité de l’UE à réagir de manière plus efficiente à de nouvelles menaces sanitaires.

Mais quelques mois plus tard, après un vote du budget européen particulièrement houleux et sous l’influence des pays dits frugaux, ce budget a fondu. Ainsi, le budget pour la santé n’atteint plus désormais que 1,7 milliard d’euros, soit 0,16 % du budget global. Bien loin donc des 9,4 milliards d’euros évoqués en mai.

DES LEÇONS À TIRER DE LA CRISE SANITAIRE DE LA COVID-19

L’INNOVATION

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Faut-il, par exemple, renforcer les pouvoirs de l’UE en cas de crise ? Et si la réponse est positive, dans quels domaines ? Selon quelles modalités ? La santé doit-elle, en revanche, être traitée seulement dans le cadre du territoire national ?

Les pénuries de médicaments essentiels ont révélé la dépendance européenne envers des pays tiers. Comment procéder à une relocalisation de la production ?

L’Europe du médicament est à mi-chemin. La fixation des prix des médicaments et leur remboursement doivent-ils relever de la seule compétence des États, comme l’exigent de nombreux États dont la France ?

Enfin, faut-il mettre en place à l’échelle de l’Europe des stocks stratégiques et instituer une réserve sanitaire ?

Bref, faut-il plus ou moins d’Europe pour la santé, alors que les gouvernements nationaux ont surtout œuvré à défendre leurs prérogatives et l’intérêt de leurs concitoyens ? La réponse, on le sait, dépasse les simples clivages politiques.

Le Cercle Galien

LE TRAITEMENT DE LA CRISE DANS LES TERRITOIRES EUROPÉENS

...SUR LA SITUATION EUROPÉENNE

Au-delà de la question budgétaire certes cruciale, des pistes de travail doivent être soulevées :

Avant d’envisager une réserve sanitaire européenne, il faudrait en amont partager des pratiques et disposer au minimum d’une définition européenne des métiers du soin. Les compétences des infirmiers varient d’un pays à l’autre. Certains métiers n’existent pas, comme celui d’aide-soignant. Bref, cela serait un énorme chantier de partager, au moins dans un premier temps, les pratiques.

La crise récente a confirmé que le bon niveau de prise de décision est celui du territoire.

À l’échelle européenne, comment repérer et contacter l’interlocuteur compétent ? Le niveau européen devrait générer de nouvelles difficultés. De plus, comment gérer les éventuelles pénuries dans le monde réel ? Qui disposerait de la légitimité nécessaire pour imposer les contraintes ?

Dans le cadre du plan de relance économique, l’évaluation médico-économique des médicaments revêt une importance stratégique. Elle doit contribuer à reconquérir une souveraineté à l’échelle européenne.

Le mot est à la mode. Face à la Chine et aux États-Unis, la seule réponse doit être cherchée au niveau européen. Le médicament a ouvert la voie avec les autorisations de mises sur le marché accordées à l’échelle européenne. Il faut sûrement aller plus loin. Si l’on prend l’exemple de la relocalisation de la production de médicaments, le niveau national n’est pas adapté. Il faut tout de suite viser l’Europe.

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LES RÉACTIONS des membres du Cercle Galien

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La France, lors de la crise, a mis sur la table la question des stocks de médicaments indispensables. Si l’on prend l’exemple des produits dérivés du sang, le territoire national n’est pas pertinent. D’emblée, il faut ici envisager le niveau européen, comme d’ailleurs pour les vaccins. Il ne s’agit pas là seulement de constituer des stocks afin de peser sur le rapport de force avec les producteurs, mais aussi de lutter contre la défiance des populations. Enfin, la question écologique n’est pas un obstacle. La création d’usines vertes est désormais un concept qui s’impose au sein même de l’industrie pharmaceutique. Il existe déjà en Europe des capacités de production qui devraient être développées afin de contribuer à notre indépendance.

Pour autant, l’Europe doit regagner en crédibilité et en confiance des citoyens. Ce combat est loin d’être gagné. On peut être pessimiste pour l’avenir de l’Europe de la santé. L’opinion publique exprime une telle défiance. Respecterait-elle les recommandations édictées par la Commission européenne ? Rien n’est moins sûr. La COVID-19 a été un marqueur des dysfonctionnements de l’Europe. L’hyperspécialisation de la médecine et de la recherche a démontré ses limites, sans parler de la gabegie observée dans les essais cliniques. À l’avenir, il ne peut y avoir de demi-mesures.

Alors que les États doivent gérer leurs urgences au quotidien, ne peut-on pas envisager une Europe de la prévention ?

Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDPC) était l’instrument idéal pour assumer ce type de missions. Il n’a pour le moins guère répondu aux attentes.

En matière de pandémie, l’essentiel n’est pas la prévention, mais davantage la préparation. Par ailleurs, si l’on avait mené à bien les travaux de biologie intégrative, des solutions thérapeutiques auraient pu être trouvées en recourant à des molécules déjà disponibles. Ce qui exige de comprendre les mécanismes de la maladie.

Le retard à la prise de décision s’explique-t-il par la judiciarisation accélérée de l’action politique ?

L’Europe de la santé peut être une réponse. Pour autant, l’Europe s’est construite au fil du temps sur l’addition des intérêts nationaux et non pas sur un concept de supranationalité afin de dépasser l’esprit de chapelle.

Au-delà de l’Europe de la santé, il y a aussi l’OMS. Comment également l’intégrer ?

Il y a aussi un lien entre l’Europe et la thématique de l’année dernière. Si l’on évoque l’Europe, ne faut-il pas également parler des régions ?

Ce qui est opérationnel doit relever du territoire. L’Europe, en revanche, devrait jouer un rôle moteur dans l’élaboration de la stratégie, même si l’on peut être triste de sa gestion dans la crise de la COVID-19. A minima, elle devrait contribuer à diffuser les bonnes pratiques cliniques et impulser une politique de prévention au niveau du continent.

En ce qui concerne la prévention à l’échelle européenne, on peut retenir la lutte contre la sédentarité, l’alcool, le tabac,la promotion de l’activité physique et la mise en œuvre d’une Europe de l’alimentation.

Il a peut-être manqué une force européenne d’intervention rapide de prise en charge. Lorsqu’un foyer se déclare, l’Europe serait alors en capacité de dépêcher des moyens significatifs, des équipes de réanimation, par exemple, pour répondre à l’urgence. Au lieu de transférer les patients, les soignants seraient acheminés sur les lieux d’intervention. En ce qui concerne la recherche, la compréhension du système immunitaire est à reconstruire, notamment dans le domaine de l’inflammation, avec des retombées majeures dans un grand nombre de domaines thérapeutiques. La COVID-19 est une opportunité pour lancer ces chantiers.

La création d’un haut commandement au niveau européen permettrait de réagir plus rapidement et de mobiliser des équipes en provenance de plusieurs pays.

Il ne faut pas oublier que l’Europe est en déficit de légitimité dans plusieurs pays. Quant à la souveraineté, elle est, par définition, nationale. On peut s’étonner de la faiblesse de l’ECDPC après vingt-cinq ans d’existence. A minima, l’Europe devrait être une force de coordination et de propositions en termes d’alerte. Dans tous les cas, l’Europe doit être modeste et intervenir en matière de stocks, de surveillance et de recherche.

La recherche de pragmatisme doit nous guider vers une Europe par thématique.

Au-delà de la recherche fondamentale, l’Europe peut ouvrir la voie à une recherche sur les soins infirmiers. Le nursing en soins de réanimation revêt une importance capitale en clinique.

DES LEÇONS À TIRER DE LA CRISE SANITAIRE DE LA COVID-19

L’INNOVATION

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La crise de la COVID-19 a permis de se livrer in vivo à des comparaisons, notamment dans la prise en charge des malades en réanimation. L’Allemagne a souvent été citée par sa capacité à accueillir des patients étrangers. Elle a été moins frappée que ses proches voisins en nombre de victimes, alors que le nombre de sujets contaminés est assez proche. Le pic a été atteint fin avril 2020 avec 147 000 cas en Allemagne et 150 000 cas en France. Mais avant d’aller plus loin, on doit procéder à une distinction plus fine de lits de réanimation en lits de soins continus, de soins intensifs et de lits de réanimation, à l’image de l’organisation de l’obstétrique en trois niveaux. La prise en charge dans les services de réanimation exige une surveillance 24 heures sur 24. D’où une présence infirmière exigeante dans ces unités, à savoir deux infirmières pour cinq patients en réanimation et une infirmière pour quatre patients en soins continus. En ce qui concerne les équipes médicales, les patients en soins continus sont plutôt pris en charge par des anesthésistes, par des cardiologues ou des neurologues en soins intensifs et par des réanimateurs en réanimation. Cette division rend la comparaison avec d’autres pays plus complexe. Pour autant, la France dispose de 5 000 lits de réanimation, 5 800 lits de soins intensifs et 8 000 lits de soins continus. Ces chiffres sont stables depuis quinze ans. Ils n’ont pas été touchés par la fermeture de lits. Ils doivent être comparés avec les 28 000 lits allemands qui englobent donc tous les types de lits. De plus, le système allemand est très décentralisé, géré par les Länder qui fixent leurs objectifs de santé. D’où la difficulté à disposer d’une vision globale. Afin de pallier cette absence, un registre national de soins intensifs a été mis en place parl’Association interdisciplinaire allemande pour les soins intensifs et la médecine d’urgence (DIVI), l’Institut Robert-

Koch et la Société hospitalière allemande en mars 2020. Avant la crise de la COVID-19, 28 000 lits de soins intensifs ont été recensés, dont 20 000 disposaient d’un système de ventilation. Le taux d’occupation était compris entre 50 % et 70 %. D’où l’existence d’une marge de manœuvre en cas de crise pour accueillir des nouveaux patients. Trois types de lits ont été recensés : les lits sans ventilation invasive, les lits permettant une ventilation invasive et les lits équipés d’ECMO (circulation extracorporelle). Autre atout, le pays disposait d’un maillage très serré de lits dispersés sur tout le territoire.

Cette capacité a été fortement accrue lors de la crise avec un nombre de lits de soins intensifs porté à 40 000, dont 30 000 équipés de dispositifs de ventilation. Cet effort a été possible grâce au versement de subventions octroyées par le gouvernement fédéral. Cinq cent soixante euros étaient versés chaque jour pour chaque lit vacant gardé pour un patient potentiel COVID-19. En outre, 50 000 euros ont été versés pour la création d’un nouveau lit de soins intensifs. En dépit des méthodes de recensement différentes, l’écart indéniable sur le critère des lits de réanimation ne peut être nié, comme l’a témoigné le transfert de patients français de l’autre côté du Rhin. Cette différence est confirmée si l’on se réfère au critère du nombre de lits de réanimation par habitant. L’Allemagne se classe au second rang au niveau mondial avec 34 lits de réanimation pour 100 000 habitants, loin devant l’Italie (12,5) et la France (11,6).

Cette surcapacité en lits de réanimation n’est pourtant pas corrélée au montant des dépenses de santé, comme l’illustre le pourcentage du PIB consacré à la santé quasi équivalent entre les deux pays. Au-delà des lits de réanimation, le même écart est retrouvé si l’on prend pour référence le nombre de lits hospitaliers. Là encore, l’Allemagne fait la course en tête. En revanche, le nombre d’hôpitaux rapporté au nombre d’habitants est plus élevé en France avec, d’autre part, une place très importante occupée par le secteur public.

Benchmark des expériences allemandes, italiennes, suédoises et britanniquesFruit des discussions et analyses des membres du Cercle Galien

Le Cercle Galien

LE TRAITEMENT DE LA CRISE DANS LES TERRITOIRES EUROPÉENS

POURQUOI L’ALLEMAGNE A-T-ELLE MIEUX RÉSISTÉ QUE LA FRANCE À LA COVID-19 ?

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En Allemagne, moins d’un tiers des hôpitaux sont sous statut public. Les autres établissements appartiennent à des groupes privés ou sont gérés par des congrégations religieuses très présentes dans le pays. Enfin, les emplois médicaux sont nettement plus nombreux en Allemagne. Selon les chiffres de l’OCDE, 35,22 % des emplois hospitaliers en France ne sont pas occupés par des soignants en France, à comparer avec le taux de 24,3 % en Allemagne.

Ces atouts allemands ont, bien sûr, été reconnus par les acteurs hospitaliers. Le Dr Uwe Janssens à la tête de la société savante de réanimation et de médecine d’urgence a ainsi mis en avant la plus forte densité de lits de réanimation en Allemagne comparée à l’Italie, l’Espagne et la France. Les patients ont été pris en charge à la fois dans de grandes structures et dans les 840 hôpitaux de moins de 200 lits qui représentent 14 % de l’offre de lits intensifs. Or, cette catégorie de structure hospitalière avait été particulièrement visée par un rapport de la fondation Bertelsmann en 2019 qui recommandait leur fermeture.

La crise de la COVID-19 devrait, à cet égard, modifier les discours et les recommandations.

Bref, la comparaison entre pays concernant le nombre de lits de réanimation ne se réduit pas au seul comptage de lits disponibles. Elle doit prendre également en compte la définition d’un lit qui peut varier lorsque l’on franchit les frontières. D’autres critères sont également essentiels comme la part du PIB consacrée à la santé, la population âgée de 65 ans ou plus (21,1 % en Allemagne, 18,9 % en France), la structuration des hôpitaux, les équipements médicaux disponibles, le nombre de personnel formé. L’Allemagne se distingue par un nombre très élevé d’infirmières (12,9 pour 1 000 habitants, 10,8 en France) et de médecins (4,3 pour 1 000 habitants, 2,3 en France). Enfin, l’analyse doit être menée au niveau de la région, voire à celui du bassin de vie.

Enfin, l’Allemagne a bénéficié d’un avantage compétitif majeur, à savoir la densité de son tissu industriel. Les entreprises de dispositifs médicaux ont ainsi pu répondre rapidement à un accroissement de la demande de respirateurs. La société Dräger a reçu une commande du gouvernement de 10 000 appareils, soit plusieurs fois sa production annuelle. Cet ancrage industriel s’est illustré également dans la production rapide de tests de dépistage, avec une moyenne de 30,4 habitants sur 1 000 testés en Allemagne versus 11,1 dans l’Hexagone.

Cette réussite allemande a autorisé une sortie du confinement plus rapide. Il s’est produit le 20 avril 2020 en Allemagne. Il a fallu attendre le 11 mai en France. Il a, par ailleurs, été moins sévère de l’autre côté du Rhin.

Au final, l’Allemagne, grâce à un nombre de lits de soins intensifs nettement supérieur à la France, s’est révélée mieux préparée pour affronter le tsunami COVID-19. Son système de soins n’a jamais été saturé à la différence de la situation française. Et a pu multiplier ses capacités d’accueil. Son tissu industriel dense a su répondre aux demandes accrues de dispositifs médicaux et de tests de dépistage.

Le pilotage politique au niveau des Länder a permis une gestion au plus près du terrain en accord

avec les recommandations du Cercle Galien 2019.

DES LEÇONS À TIRER DE LA CRISE SANITAIRE DE LA COVID-19

L’INNOVATION

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Le Cercle Galien

LE TRAITEMENT DE LA CRISE DANS LES TERRITOIRES EUROPÉENS

...SUR LA SITUATION ALLEMANDE

L’Allemagne a bénéficié d’un appareil hospitalier de base plus optimal qu’en France, même s’il a connu une rationalisation au fil des ans tant en termes de lits qu’en nombre d’hôpitaux. La puissance et la souveraineté des Länder en termes de soins expliquent aussi la performance allemande. En France, certaines ARS traduisent ce phénomène et ont témoigné d’une réactivité plus ou moins grande selon les cas.

Il faut également souligner l’importance du secteur privé en Allemagne. Ce qui nous engage à être plus collaboratifs entre public et privé. Cette plasticité de la collaboration entre public et privé explique comment le système a tenu en Île-de-France grâce, notamment, à la coopération entre médecins.

La reprise en main par les professionnels de santé de leur organisation est un vrai sujet avec, notamment, la mise à l’écart de l’administration et de ses logiques comptables pour se concentrer sur le soin. Cela est-il viable dans une gestion du quotidien ? C’est une autre question.

Il faut toujours relativiser les comparaisons. Il faut également évoquer les facteurs culturels. Un senior italien bénéficie d’un plus grand nombre de contacts sociaux qu’un senior français. L’Allemagne a été percutée par l’épidémie avec un retard de 8 à 10 jours par rapport à la France. Elle a aussi connu une pénurie de masques. Pour autant, il faut, bien sûr, souligner l’organisation des Länder. Si l’on prend l’exemple des équipements de protection,

le mode de distribution en France s’est révélé extrêmement tatillon, bureaucratique. La gestion en France a été pour le moins rigide, pesante. L’État, il est vrai, n’est pas logisticien. C’est une fonction qui exige des compétences dédiées.

Si l’on évoque la coopération public-privé, les débuts dans le Grand Est ont été laborieux. Mais très vite face à l’urgence, les acteurs de terrain ont très rapidement collaboré. Et en Île-de-France, cette coopération a été exemplaire. Vingt-six pour cent des lits de réanimation de secteur privé ont ainsi été libérés. Ce qui est considérable. Autre point fort de ce moment, grâce à l’ARS Île-de-France, les données ont été partagées. Nous disposions tous d’une vision claire, transparente de la situation à un temps t. C’est ce qui fait défaut habituellement à notre système de santé. Et c’est un enseignement majeur de cette crise sur lequel il faudra capitaliser pour demain.

Il faut aussi noter dans le Grand Est le décalage entre l’épuisement des acteurs pour éclairer la DGOS et son incapacité à procéder avec l’ARS à une réallocation des ressources. Le temps de la crise étant incompatible avec celui du réajustement. D’où la vague qui a asphyxié un certain nombre d’opérateurs. A contrario, la comparaison avec l’Île-de-France est éclairante. Grâce à un instrument simple comme le téléphone, le recensement du nombre de lits était effectué en direct. Il faut trouver les leviers incitatifs afin de préserver les liens qui se sont noués à l’occasion de cette crise.

Même s’il faut se garder des comparaisons, l’épidémie a été moins violente en Allemagne. Mais au-delà, en cas d’épidémie, le soin est un enjeu important mais seulement parmi d’autres enjeux. Il doit être articulé avec la question de la prévention. Quant à la question culturelle, elle ne se pose pas seulement entre pays, mais au sein d’un même pays. On peut distinguer une Allemagne catholique et une Allemagne protestante, une ancienne Allemagne de l’Est et une autre de l’Ouest avec des comportements au quotidien qui ne se recoupent pas toujours. Le secteur privé en Allemagne est aussi très différent de celui que l’on rencontre en France avec, notamment, l’existence d’un secteur confessionnel qui n’a pas d’équivalent de ce côté du Rhin. On peut, par exemple, déclarer sa religion au moment de payer ses impôts. Sur la délivrance du soin, le nombre de personnels disponibles est important. Mais il faudrait aussi évoquer la division du travail, la délégation de tâches entre médecins et paramédicaux. Une fois la crise passée, la prise en charge entre secteur public et privé des maladies chroniques sera une nouvelle fois posée. On ne peut dissocier la crise des questions habituelles, de routine. Il ne faut pas les déconnecter. En témoigne le fait que les pays les plus gravement atteints présentaient des facteurs de comorbidités comme le diabète et l’obésité. La crise, enfin, a illustré l’absence de performance qu’a apporté le processus de déconcentration de l’État par la création d’agences diverses. Mais est-ce une absence de moyens insuffisants ou de définition de missions ?

LES RÉACTIONS des membres du Cercle Galien

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DES LEÇONS À TIRER DE LA CRISE SANITAIRE DE LA COVID-19

Les protocoles de prise en charge de réanimation entre les deux pays étaient-ils comparables ?

La contracture des lits avant la crise était corrélée à la baisse continue de l’Ondam. L’augmentation programmée en 2021 va dans le bon sens. On distingue toutefois l’augmentation des moyens de celle des besoins, alors que la fréquence des pathologies chroniques augmente. La taille des établissements est un autre point important. Or, se pose la question du maillage territorial avec le maintien des petits établissements faute de personnels disponibles. Les maternités sont souvent fermées du fait du manque d’obstétriciens. Le besoin de renforcement très ponctuel dans les services hospitaliers lors des périodes épidémiques peut être résolu par le recours à des équipes spécialisées qui, le reste du temps, seraient mobilisées pour délivrer au plus près des populations concernées des messages de prévention. Enfin, la crise a mis entre parenthèses la concurrence entre public et privé. Il serait essentiel de pérenniser cet état d’esprit, délétère au quotidien.

Y a-t-il entre les deux pays des modalités de prise en charge différentes concernant les personnes âgées ? La rupture de prise en charge des autres pathologies a-t-elle été aussi nette en Allemagne qu’en France, caractérisée par des conduites de renoncement et d’évitement ? Enfin, l’Allemagne a-t-elle vécu la même rationalisation autour des médicaments d’urgence ?

Une étude menée par Viavoice pour la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) a montré qu’un tiers des Français a renoncé à des soins au cours de cette période, alors qu’ils en auraient eu besoin. Trente-six pour cent des patients appréhendent, à la faveur du déconfinement, le retour dans les cabinets, du fait d’une peur de la contamination. Cela serait pertinent de disposer, sur cette réalité, de comparaisons avec d’autres pays.

La situation des patients diabétiques illustre cette rupture dans le parcours de soins, notamment avec les pédicures-podologues dont les cabinets ont été fermés pour la plupart.

Le système de santé tout au long de la crise a dû gérer la pénurie, depuis le manque de lits jusqu’aux médicaments de la sédation, en passant par les respirateurs. Toutefois, la gestion de crise grâce aux ARS a permis d’éviter la catastrophe grâce à la collaboration public-privé si l’on excepte les dix premiers jours dans le Grand Est. Rappelons, cependant, que si le système de santé français a tenu le choc, c’est peut-être dû à la consigne de ne pas transférer en réanimation les patients hébergés dans les EHPAD. Quant au renoncement aux soins, rappelons que faute de masques ou de gel hydro-alcoolique, les cabinets libéraux ont été fermés. Les médecins généralistes ont, par ailleurs, payé un lourd tribut. Quatre-vingt pour cent d’entre eux dans le Grand Est ont été contaminés par la COVID. Certes, les soins aigus ont tenu mais au prix de nombreux sacrifices.

Au moment de tirer les leçons de la crise, outre le système hospitalier, il faudra aussi intégrer les réactions des médecins libéraux. La question des urgences ne peut être résolue sans la participation des médecins généralistes. Et cette crise a dû raviver leur méfiance à l’égard de l’État qui n’a pas su leur apporter, dans les premiers temps, des masques en nombre suffisant.

La perte de revenus des médecins libéraux devrait générer une crispation.

L’exemple allemand est certes pertinent, mais l’Italie soulève de nombreuses interrogations. Pourquoi, dans ce pays, la Lombardie a été si durement frappée ? Le seul événement marquant aurait été, au cours des mois précédents, le lancement d’une campagne de vaccination contre la grippe et la méningite. Quel aurait été, par ailleurs, le patient zéro ? En Italie, on évoque octobre 2019, en France ce serait en décembre dernier. Enfin, on peut interroger l’impact de cette crise sur le développement psychique des enfants.

La comparaison entre les deux pays se révèle toujours délicate du fait d’une histoire évidemment très différente. Par ailleurs, cette idée de renoncement aux soins est très choquante. Les officines ont été ouvertes en permanence. Le renouvellement des ordonnances a été réalisé et la surveillance des patients maintenue. Enfin, il faudra conserver les réflexes acquis pendant la pandémie en matière de prévention qui débute dès l’enfance. La prévention, il est vrai, est d’un coût élevé. Il faudra y mettre le prix.

L’INNOVATION

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Après l’Allemagne, qui peut être érigée en modèle dans la crise de la COVID-19, l’Italie ouvre un nouveau champ de réflexion. Elle a certes été fortement impactée avec 38 cas pour 10 000 habitants, à comparer avec l’Allemagne (22 cas pour 10 000) et le Royaume-Uni (43 cas pour 10 000 habitants). À ce critère, on préfère désormais regarder l’excès de mortalité recensé d’une année à l’autre. L’Italie a enregistré un excès de mortalité de 46 %, l’Allemagne 6 % et la France 30 %. La situation est encore plus saisissante dans les zones urbaines. À Bergame, l’épicentre de l’épidémie, ce taux de mortalité a augmenté de 500 %.

Mais avant d’aller plus loin dans l’observation, comment le système de santé italien est-il organisé ? On distingue trois strates distinctes. Il y a, bien sûr, un service national (Servizio Sanitario Nazionale) dont les missions sont fixées par le ministère de la Santé qui précise le panier de soins de base remboursable dans tout le pays. Il assure, par ailleurs, la planification avec la rédaction d’un plan triennal de santé et la gouvernance des institutions de recherche. Des fonds sont alloués aux régions, seconde strate, qui bénéficient d’une réelle autonomie dans l’organisation des soins. Elles bénéficient de toute latitude pour adapter les dispositifs aux particularités régionales, en termes démographiques, par exemple. Les régions rédigent un programme régional de santé, plus précis que le plan national qui prend en compte toutes les spécificités, fixe le nombre de lits hospitaliers, les capacités d’accueil des services d’urgence, la taille et l’emplacement des établissements de soins. Et assure la coordination avec les services médico-sociaux. Enfin, au niveau local, dans le cadre de districts, les autorités sanitaires assurent la distribution des soins primaires et des soins spécialisés soit directement, soit par le biais d’hôpitaux publics ou de prestataires privés conventionnés. Il n’y a pas là de modèle unique. Selon les particularités locales, ils réalisent une triple mission d’assureur, d’acheteur et de fournisseur des soins de manière très délocalisée.

Avant l’arrivée de la pandémie, quelles étaient les forces et les faiblesses du système de santé italien ? L’Italie était en deçà de la moyenne si l’on s’intéresse à la part du PIB consacrée à la santé. Elle est l’un des pays européens où les citoyens de plus de 65 ans sont les plus nombreux (22 %). La densité médicale est importante.

En revanche, le nombre d’infirmières est faible. Si l’on s’intéresse au nombre de lits hospitaliers, l’Italie est en dessous de la moyenne européenne (331 lits pour 100 000 habitants en 2014), très loin de la France (621 lits) et, bien sûr, de l’Allemagne, le premier de la classe avec 823 lits. Par ailleurs, les disparités régionales sont très fortes avec le Mezzogiorno très mal doté par rapport au Nord. Des indicateurs illustrent ces inégalités. L’IPS a été créé par l’institut de recherche Demoskopika. Huit critères ont été retenus depuis la satisfaction des usagers jusqu’à l’évaluation de la démocratie sanitaire, de l’espérance de vie, sans oublier les résultats d’exploitation, le reste à charge et les frais de justice en cas de condamnation. Les résultats témoignent d’une Italie fracturée en trois, le Nord, le Centre et le Sud.

Quant à l’index Meridiano, il consacre l’Émilie-Romagne et la Lombardie avec un score respectif de 7,3 et 7. Elles sont suivies par la Toscane et le Trentin-Haut-Adige (6,9). En revanche, les régions du Sud obtiennent des scores inférieurs à la moyenne nationale. Ces résultats s’expliquent notamment par la réforme du titre X de la constitution menée dans les années 2000. Certes, elle a permis aux régions de gagner en autonomie et de répondre ainsi aux besoins spécifiques des populations. En revanche, elle a accru les disparités régionales en réduisant le rôle de l’État. Ces tensions ont, de plus, été exacerbées par les contraintes budgétaires qui ont sapé les capacités des acteurs à protéger les plus fragiles et à instaurer une équité entre citoyens.

Si l’on aborde maintenant la crise COVID-19, le Nord, sans appel, a été très fortement impacté et notamment la Lombardie. Comment expliquer ce différentiel alors que la région était en théorie la mieux préparée ? Les liens économiques avec la Chine du Nord, dans le secteur du textile, ont été rappelés. Cette région est riche, interconnectée avec l’international. La densité de la population très forte est un autre facteur possible. Le match de football entre Bergame et Valence joué le 19 février 2020 dans le stade de Milan a lourdement pesé dans l’accélération de l’épidémie. La densité de la population est très marquée dans les régions du Nord. Elle est d’ailleurs plus élevée en Italie qu’en Allemagne. Milan compte 19 000 habitants par km², le double de Berlin, par exemple. Enfin, la mise en place de la quarantaine a contribué à limiter la diffusion du virus dans le Sud avec la possibilité de s’organiser en amont.

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LE TRAITEMENT DE LA CRISE DANS LES TERRITOIRES EUROPÉENS

BENCHMARK SUR LA SITUATION EN LOMBARDIE

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Au cours de la prise en charge, la Lombardie a-t-elle souffert d’un déficit de lits en réanimation ?

Avec ce critère, l’Italie est plutôt bien classée dans le palmarès européen. Comme on l’a vu, l’Allemagne occupe, là aussi, la première place avec 29,2 lits pour 100 000 habitants, l’Italie en recensait 12,5, devant la France avec 11,6 lits. Au sein de l’Italie, la Lombardie n’est pas sur la première marche du podium. Mais elle est bien dotée, comparée aux régions du Sud.

Alors, comment au final expliquer ce différentiel entre l’Italie et ses voisins européens ? Selon une étude de recherche, l’efficacité administrative ou, plutôt, la bureaucratie est la clé principale. L’optimisme de rigueur, au début de l’épidémie et des considérations du type « L’Europe n’est pas la Chine », a retardé également la prise de conscience avant que la vague ne submerge les services de réanimation. L’explosion du système de santé serait bien à l’origine de la mortalité importante observée dans la région. Le même phénomène s’est produit dans d’autres pays et, notamment à New-York, par exemple.

Mais l’analyse doit être menée de façon plus précise. L’Italie du Nord n’est pas homogène. La situation en Vénétie a été différente de celle de la Lombardie. La Vénétie a même été érigée en modèle. Le mode opératoire emprunte de nombreux éléments à la politique menée en Allemagne ou en Corée du Sud. Le testing de la population a été réalisé de manière extensive en testant les patients symptomatiques, mais aussi asymptomatiques. Le repérage des cas positifs a été mis en œuvre de façon proactive. Le personnel soignant a fait l’objet d’une attention soutenue. Enfin, les patients, lorsque leur état le permettait, bénéficiaient à domicile d’un suivi très strict. D’où un nombre de cas et une mortalité plus faibles en Vénétie comparée à la Lombardie.

Au-delà de cette comparaison entre les deux régions, l’Italie a été un pays proactif en matière de tests. Elle se classe en tête pour le nombre de tests réalisés (34,9 pour 1 000 habitants), devant l’Allemagne (30,4) et très loin devant la France (11,1).

Enfin, d’autres facteurs ont été avancés pour expliquer la situation italienne. La mortalité de la grippe en 2020 aurait été très faible comparée aux autres années.

Cette disparité régionale n’est pas l’apanage de l’Italie. Faut-il évoquer la situation en France dans le Grand Est ? New-York, aux États-Unis, a été particulièrement frappée au début de la crise. En Espagne, Madrid et la Catalogne, ouvertes sur l’extérieur, ont été durement touchées.

Dernier point, les régions du Nord de l’Italie n’ont

pas mené la même politique. La mise en perspective de ces

différences peut contribuer sans nul doute à nourrir le débat en France.

DES LEÇONS À TIRER DE LA CRISE SANITAIRE DE LA COVID-19

En conclusion, l’Italie a été fortement impactée par l’épidémie de coronavirus. Mais le bilan aurait été encore plus lourd si les régions du Sud avaient dû affronter l’épidémie avant le Nord. Le facteur économique, les échanges et l’interconnexion avec le reste du monde sont les facteurs principaux pour expliquer les différences régionales. Le facteur temps a, par ailleurs, été déterminant. Il a permis aux régions du Sud de se préparer en amont et de prendre les mesures de façon précoce. Enfin, le système de santé était fragilisé par la crise économique et les réformes successives menées dans le pays. Il est donc essentiel de distinguer, comme en France d’ailleurs, ce qui relève des déficiences observées dans la crise du coronavirus et ce qui doit être imputé à la situation antérieure à l’arrivée du virus, afin d’éviter de tirer des conclusions hâtives.

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LE TRAITEMENT DE LA CRISE DANS LES TERRITOIRES EUROPÉENS

...SUR LA SITUATION ITALIENNE

Les comparaisons sont toujours réalisées entre pays. Pourquoi ne pas mener ce type d’études entre régions qui présenteraient des caractéristiques comparables sur le plan économique, des interconnexions avec le monde et de la densité des populations ? Ce qui permettrait de mieux mesurer l’impact des organisations entre un land (région adminis-trative) en Allemagne et la Nouvelle-Aquitaine, même si les organisations diffèrent d’un pays à l’autre.

En matière de tests, l’Italie a bénéficié de la présence d’un producteur local d’écouvillons qui a d’ailleurs vendu une partie de la production aux États-Unis. Cela a été à l’origine de nombreuses polémiques.

Outre la comparaison sur les capacités, le nombre des professionnels de santé est un paramètre important à prendre en compte. Un système de santé est-il plus performant s’il compte davantage d’infirmières ou de médecins ?

Faut-il évaluer des stocks ou plutôt des flux ? Les premières régions touchées par le virus ont été les plus impactées dans tous les pays. Pour comprendre, préciser la chronologie est un élément essentiel. D’autant que les premiers à faire face au virus se défendent et apprennent pour les autres. En France, l’Île-de-France a beaucoup appris du Grand Est. D’où l’importance de la coordination afin de diffuser l’information. Qui en a la responsabilité ? Il y a eu dans l’Hexagone un problème de

partage d’expériences. La Vénétie a pu développer une politique de testing, soit une réponse de santé à une pathologie infectieuse parce qu’elle a été frappée moins vite. Dans une crise, la vitesse de réaction est importante.

À l’hôpital Bichat (AP-HP) où j’exerce, pendant la crise de la COVID-19, le ratio en réanimation a pu être porté à 1,5 infirmière par patient au lieu de 2,5. Dans les services, il a été de 1 infirmière pour 6 patients. Aujourd’hui, on revient en arrière. On a pu alors en apprécier les impacts positifs. Au-delà, quel est le rôle des infirmières libérales dans le système de santé italien ?

En Lombardie, les patients ont plutôt été accueillis à l’hôpital. En Vénétie, ils ont été pris en charge au domicile.

Dans les EHPAD, le ratio est de 1 infirmière pour 80 résidents. La montée en charge a été très complexe pendant la crise.

Les ratios de professionnels de santé sont essentiels. Mais leur formation en situation de crise revêt une importance capitale.

Quel a été leur impact sur la gestion de la crise ?

La coopération public-privé a-t-elle mieux fonctionné en Italie qu’en France ? Le principal CHU à Milan est en effet privé.

La présentation montre la complexité des équilibres entre des rôles respectifs, c’est-à-dire la régulation nationale entre

des lignes directrices clairement identifiées, un État stratège avec une unité d’action et, d’autre part, une latitude d’action laissée aux acteurs de terrain. Se profile une ligne de crête au cœur des débats autour de la gouvernance. Comme l’a établi un rapport d’étape, les ARS ne doivent pas être le bouc émissaire idéal pour tous ceux qui auraient des velléités de repréfectoralisation de la santé. Il y a toutefois matière à revisiter le rôle des ARS et à faire émerger des leviers politiques, c’est l’enjeu de nos débats l’année dernière avec une montée en puissance de la démocratie territoriale de santé qui associerait davantage les élus et le citoyen-patient. Ce qui m’interroge, au-delà des multiples facteurs que l’on peut invoquer, c’est mieux appréhender le point de bascule, le collapse où l’on ne maîtrise plus la situation. Ce point est d’autant plus important à connaître en cas de seconde vague plus virulente, plus longue. Que faudrait-il travailler par anticipation dans le domaine de la santé pour éviter cette bascule ?

L’un des problèmes majeurs est l’hyperspécialisation de la médecine, voire sa taylorisation. Une structure s’est d’autant plus adaptée qu’elle n’avait pas été façonnée de manière rigide. La crise a révélé un manque criant, à savoir le médecin interniste. Notre système de santé doit travailler sur cette approche globale avec des experts capables de comprendre et de prendre le temps de lire. Il faut regarder le mode de fonctionnement, la flexibilité et la capacité d’adaptation.

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DES LEÇONS À TIRER DE LA CRISE SANITAIRE DE LA COVID-19

Cette crise a marqué le grand retour des soignants. La technologie la plus sophistiquée ne remplace pas les masques et le gel hydro-alcoolique.

J’ai vécu la canicule de 2003 comme gériatre. Là aussi, tout avait été écrit. Comme dans toute crise s’entrechoquent le curatif, le sanitaire, le médico-social et la prévention qui n’est pas opérante dans notre pays et devrait bénéficier d’investissements massifs. Si les épidémiologistes et les médecins de santé publique avaient davantage été consultés, on aurait pu réduire les conséquences de la crise économique. La santé est un maillon essentiel dans l’économie du pays. La prévention devrait être gérée au niveau des territoires et sûrement pas depuis Paris.

Il faudrait davantage préciser les facteurs critiques et réduire peut-être le champ d’observation. Par ailleurs, quelle était l’origine des tests pratiqués en Italie ? Provenaient-ils de Chine ? Dans ce cas, leur qualité a été jugée très médiocre. Une étude réalisée dans une ville italienne a montré que dans 50 % des tests positifs, les patients étaient asymptomatiques. Des facteurs génétiques ont également pu intervenir. Des sociétés qui pratiquent des tests génétiques devraient fournir des informations. Enfin, 50 % des plus de 65 ans ont été vaccinés contre la grippe en Lombardie. C’est la plus forte couverture vaccinale jamais observée dans la région. Ce qui soulève le problème d’interférence virale. D’autant que des cas de méningite ont été observés.

Les professionnels paramédicaux devraient bénéficier de plus d’autonomie et de compétences, notamment dans le champ de la prévention et de la promotion de la santé. Il faudrait densifier les soins primaires. Force est de constater le différentiel dans ce domaine entre l’Italie et l’Allemagne. Cette montée en puissance est une des armes efficaces à mettre en jeu en cas de nouvelle crise.

En ce qui concerne les tests, la tension a été très forte dans les établissements. Les écouvillons étaient produits en Chine et les tests en Chine et aux États-Unis.

Nous avons incorporé rapidement dans nos vies quotidiennes de nouveaux gestes. Ce qui permet de rappeler l’importance du concept du nudge qui incite à changer de comportement sans contrainte ou obligation. C’est en rupture avec un mode punitif, avec les politiques classiques de prévention qui génèrent pathos et culpabilisation. Bref, cette expérience doit nous inciter à promouvoir une dynamique de prévention construite avec les publics et pas seulement par contrainte.

À ce jour, nous n’avons aucun élément d’information pour prévoir la suite. Je regarde avec inquiétude les rebonds signalés ici et là. Pourquoi alors ne pas réaliser des campagnes de prélèvements d’échantillons afin de mieux préciser la circulation du virus ?

Nous avons appris des crises précédentes, mais nous avons aussi dû gérer au jour le jour. En témoigne comment a émergé peu à peu l’importance de la tempête inflammatoire. Dans ce cadre, des prises en charge thérapeutiques ont-elles été différentes selon les régions et les pays ? Ont-elles généré des taux de mortalité différents ? Par ailleurs, les antivax sont peu nombreux. Dominent plutôt les hésitants. On connaît les recettes pour faire bouger les lignes. Manque la volonté pour les mettre en place.

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LE TRAITEMENT DE LA CRISE DANS LES TERRITOIRES EUROPÉENS

Royaume-UniL’un des premiers pays qui a défendu cette théorie est le Royaume-Uni. En effet, début mars 2020, alors que de nombreux pays prennent des mesures de confinement à la suite de la dégradation sanitaire en Italie, le Royaume-Uni décide de faire cavalier seul. Sous l’impulsion de Sir Patrick Vallance, le chef du SAGE (Scientific Advisory Group for Emergencies), le gouvernement britannique décide d’appliquer des consignes sanitaires visant à développer l’« immunité de groupe ».

Mais la pression internationale et la publication d’un rapport de l’Imperial College, qui prédisait la survenue de 250 000 décès en cas de poursuite de cette stratégie, ont fait reconsidérer cette position initiale.

D’autant que le Premier ministre lui-même, Boris Johnson, a été infecté par le virus. Et, finalement, à partir du 20 mars, le gouvernement renonce à cette stratégie et durcit sa politique avec, notamment, les premières annonces concernant la fermeture des établissements non essentiels.

Au total, le Royaume-Uni, avec ses mesures tardives de confinement, est à ce jour le pays européen le plus touché avec plus de 50 000 décès liés à la COVID-19.

ROYAUME-UNI ET SUÈDE : RETOUR SUR LA STRATÉGIE DE L’IMMUNITÉ COLLECTIVEParmi les stratégies contre la COVID-19, celle de l’immunité collective a fait particulièrement parler d’elle.Cette stratégie repose sur une théorie épidémiologique selon laquelle lorsqu’un certain pourcentage de la population contracte un virus, les autres seront immunisés puisque le virus ne trouvera plus suffisamment d’hôtes pour circuler.

SuèdeSi le Royaume-Uni a renoncé rapidement à cette stratégie, la Suède, en revanche, est devenue pour le monde entier le symbole de la stratégie de l’immunité collective contre le coronavirus.

En effet, même à l’issue de la première vague, le pays affichait des résultats encourageants. Le gouvernement suédois défendait face au virus une stratégie basée sur la responsabilité individuelle. Et l’épidémiologiste en chef Anders Tegnell avait déclaré au Financial Times, en mai, qu’à l’automne il y aurait une seconde vague. Mais la Suède aurait alors un haut niveau d’immunité avec un nombre de cas probablement assez bas.

Cependant, à l’automne, le nombre de cas a plus que doublé avec 196 446 cas le 17 novembre contre 94 468 cas le 1er octobre. Et le 16 novembre, face à l’augmentation des contaminations et des cas graves, les autorités ont finalement dû prendre des mesures restrictives. Les autorités locales ont par exemple annoncé, pour la première fois, une limitation des rassemblements à huit personnes face au rebond des contaminations.

Devant ces annonces, la question de la fin du « modèle suédois » se pose donc pour les observateurs. Et une tribune a encore été publiée par des scientifiques dans The Lancet pour remettre en cause la stratégie de l’immunité collective qui est, selon eux, « une dangereuse erreur non étayée par des preuves scientifiques ».

Pour défendre sa stratégie, Anders Tegnell a affirmé que la Suède n’avait finalement pas suivi de stratégie en vue d’une immunité collective. Simplement, les Suédois avaient mis en place un confinement virtuel en changeant d’eux-mêmes grandement leurs habitudes et en cessant, par exemple, de voyager.

Mais toujours est-il que contrairement aux autres pays, la Suède n’a jamais mis en place un confinement total. Et s’il est trop tôt pour analyser cette stratégie, il sera intéressant de regarder les chiffres de mortalité à l’issue de la deuxième vague pour pouvoir évaluer le choix des autorités suédoises.

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L’impact de la crise sanitaire sur l’organisation du système de soins en France Analyse d’Henri Bergeron et de Patrick Castel, coauteurs de « COVID-19, une crise organisationnelle »

Le Cercle Galien LA FRANCE ET LES SOIGNANTS

La crise sanitaire a été rythmée, en France, par de nombreuses polémiques depuis le déficit en masques jusqu’au déploiement tardif des tests PCR. Mais au-delà des controverses qui s’épuisent au fil du temps, le Cercle Galien s’est plutôt interrogé sur la manière dont ont été prises des décisions hors normes par le pouvoir en temps de paix. Cette pandémie interroge, par ailleurs, les liens entre équipes de soignants hospitaliers. Depuis les délégations de tâches jusqu’aux nouveaux modes de coopération, le SARS-CoV-2 a bousculé les hiérarchies. Et accéléré l’innovation organisationnelle. Retours d’expériences.

Henri Bergeron Directeur de l’axe Politiques éducatives au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP). Codirecteur du domaine Santé aux Presses de Sciences Po et coordinateur scientifique de la chaire Santé de Sciences Po-FNSP.

Patrick Castel Chargé de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques.

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L’INNOVATION

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Pourquoi s’intéresser au mécanisme de prise décision ? Patrick Castel. Notre idée dans cet ouvrage n’est pas de dénoncer les décisions des responsables politiques à la manière d’un ouvrage tristement célèbre « Y a-t-il une erreur qu’ils n’ont pas commise ? » Notre démarche est plutôt compréhensive, celle de sociologues attentifs à la décision et retracer le processus qui la guide. Ce qui nous a frappés dans les transformations actuelles des politiques de santé, c’est plutôt la profusion d’instruments d’organisation qui souvent s’empilent les uns sur les autres. La coordination devient une norme contemporaine, une injonction, à savoir créer de nouvelles règles. Quant à la technologie, elle doit suffire à régler le problème de coopération. Or, l’expérience montre que cela ne suffit pas. Il faut plutôt comprendre comment les acteurs échangent non seulement des informations, mais aussi des ressources. Ce que l’on appelle, en fait, des relations de pouvoir. Deux écueils doivent être évités, à savoir retracer les événements et les contester à travers les seules enquêtes parlementaires, même si leur rôle est essentiel et celui de l’écriture d’une histoire officielle au cours de laquelle les experts, impliqués dans la gestion de crise, justifient leur action. Ce qui entrave un apprentissage collectif. Cette démarche permet de comprendre pourquoi le gouvernement n’a pas activé d’emblée la cellule interministérielle de crise. Ce qui aurait été logique dans le contexte de l’époque. Dans la même perspective, on peut s’interroger sur le recours au plan Blanc et non pas au plan Pandémie grippale. Le plan Blanc a été activé le 6 mars 2020. Mais pourquoi ne pas activer ce qui a été préparé ? Et inversement, pourquoi créer des nouvelles instances comme le conseil scientifique, puis Care. Tout au long de la crise, les pouvoirs publics ont procédé à des réorganisations dans l’appareil d’État. Des « task forces » interministérielles ont ainsi été créées dont la durée de vie ne s’est pas prolongée au-delà de quelques jours.

Henri Bergeron. Pourquoi s’interroger sur le fonction-nement des organisations ? Tout simplement parce que notre vie quotidienne est rythmée par des actions collectives organisées. Dès lors, il faut une sociologie des organisations qui étudie les déterminants particuliers du comportement des individus dans les organisations. Dans le public comme dans le privé, on se réorganise en permanence du sommet jusqu’à la base. Appliqué à la crise actuelle, il y avait un besoin de donner du sens à une succession de décisions majeures, jamais vues depuis la Seconde Guerre mondiale, avec des conséquences durables, prises de manière élitaire autour du président de la République, du Premier ministre, du ministre des Solidarités et de la Santé et du conseil scientifique. Et si l’on utilisait les recherches menées dans les grandes crises comme celle des missiles installés à Cuba pour comprendre ce mécanisme de décision ?

Selon notre hypothèse, le gouvernement s’est octroyé des marges de manœuvre relativement autonomes. Lorsque l’on appuie sur le bouton d’un plan, cela déclenche la présence d’acteurs nombreux qui rapatrient leurs systèmes de pensée, leurs solutions toutes faites, leurs ambitions, leurs conflits, un processus sur lesquels vous n’avez pas nécessairement prise. La mise en œuvre vous échappe. Car elle est sous la responsabilité des administrations. Le président de la République et son gouvernement, pour conserver leur autonomie, ont alors préféré ne pas activer ces différents plans qui, au final, auraient corseté leur action et exigé de subtiles négociations.

Patrick Castel. La gestion de la tempête Irma en 1999 avait été très mal vécue au sein des cabinets ministériels. En 2015, Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur au moment des attentats de 2015, a également court-circuité ses propres services pour créer sa propre cellule. La méfiance entre le gouvernement et sa propre administration n’est donc pas nouvelle. Ce n’est pas une spécificité française comme l’illustre un article récent dans The Lancet qui établit une comparaison des politiques menées dans différents pays au cours de la crise COVID-19. La France ne fait pas partie du panel. Certains pays comme l’Allemagne, la Corée du Sud et Singapour se sont appuyés sur leur administration. D’autres, en revanche, ont créé des comités ad hoc, la palme revenant au Royaume-Uni ou à l’Espagne avec la création de sept comités.

Les soignants ne seraient pas les héros qu’ont applaudis les Français à 20 heures ? Henri Bergeron. On a applaudi le dévouement des soignants et, notamment, des médecins. Avec comme idée sous-jacente, c’est l’éthos des soignants qui a permis cette formidable coopération. Or, nos enquêtes précédentes ont plutôt révélé un milieu professionnel conflictuel. Qu’est ce qui permet d’expliquer, lors de la crise, une véritable coopération qui n’existait pas avant ? On peut faire l’hypothèse que la foi dans l’importance du soin est présente tout au long du déroulé de carrière des soignants. On ne met cette motivation de côté. Simplement, elle a trouvé des conditions d’organisation spécifiques pour davantage s’épanouir. Nous avons identifié quatre conditions. En premier lieu, les hiérarchies ont systématiquement entériné les conditions d’organisation prises par les soignants. En second lieu, l’activation du plan Blanc a suspendu les activités professionnelles habituelles avec, pour conséquence, la suspension des enjeux professionnels et, par ricochet, des querelles entre anesthésistes et réanimateurs, par exemple. Troisième condition, les contraintes financières ont été, au cours de cette période, assouplies.

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Enfin, dans les conditions normales, règne une compétition pour la captation des bons patients. Le déferlement de patients gravement atteints a arrêté net toute concurrence entre soignants. Lorsque ces quatre conditions sont réunies, on observe, quel que soit le milieu professionnel, une coopération. Si l’on y ajoute en plus l’éthos des soignants, cela permet de comprendre le tableau observé au printemps dernier.En haut et en bas, les mêmes éléments expliquent les mécanismes de la chaîne de décision. Le gouvernement a souhaité conserver une autonomie et ne pas se lier dans des relations d’interdépendance. Sur le terrain, en revanche, ont été créées des relations propices à l’interdépendance et de coopération.

Pourquoi les énarques sont-ils mal formés ? Dans votre ouvrage, vous rappelez comment l’élite de la nation est formée à la certitude et non à l’incertitude.

Henri Bergeron. La formation des élites ou des élites intermédiaires à la mise en œuvre des politiques publiques est un exercice difficile. Quelles ressources pédagogiques faudrait-il mobiliser pour susciter la compréhension de la complexité et l’acceptation de l’incertitude afin d’augmenter la capacité à comprendre le monde qui vient ? L’une des réponses serait de créer de la tension en premier lieu entre les disciplines. Lorsque l’on confronte les étudiants à des regards disciplinaires contrastés sur le même objet, cela crée de la tension. Les réponses ne sont, en effet, pas toujours compatibles. Et cette tension se révèle bénéfique pour les étudiants. On produit également de la tension entre temps long et temps court. Et c’est une formation à l’incertitude là où il nous paraît que l’on enseigne dans les écoles d’élite une confiance trop forte dans les outils.

Vous décrivez comment les élites en mars dernier ont été victimes d’une panique. Est-ce le résultat de cette formation initiale déficiente ? Patrick Castel. Nous avons conduit près de 50 entretiens. Même les experts français en charge de repérer les premiers signes d’une épidémie n’ont pas cru à la gravité de la situation. Certes, dès janvier des dispositifs ont

été enclenchés. La crainte a commencé à émerger en février lorsque l’Italie a été frappée. Des réanimateurs avaient noué des liens très forts avec des équipes italiennes. Lorsque les services italiens ont été submergés par la vague, les médecins français ont compris qu’ils n’échapperaient pas à de grosses difficultés. Un séminaire tenu à l’hôpital Bichat le 26 février annonce ce qui va se passer.La vague arrive dans l’Hexagone la première semaine de mars, juste après la promulgation du plan Blanc. Le conseil scientifique est formé le 10 mars. Une première réunion est organisée le 12 mars. À la sortie, les participants affichent encore un sourire. Une graduation se produit entre le 12 mars (fermeture des écoles) et le 17 mars, annonce du confinement. Selon notre hypothèse, se produit une sidération, une panique déjà décrite dans la littérature sociologique. Le temps s’accélère. Prenant conscience très tardivement de la gravité de la situation, le pouvoir prend la décision d’un confinement généralisé qui sera décalé dans le temps en plusieurs étapes.Concernant le maintien des élections, il faudra faire une étude précise. Simplement, on sort d’une longue séquence marquée par les Gilets jaunes, puis les grèves autour des retraites qui avait conduit à l’adoption du 49-3 critiqué comme un passage en force, l’idée de faire un confinement immédiat s’opposait à celle de faire vivre la démocratie. L’opposition s’est, par ailleurs, vivement opposée à ce report. Enfin, une fois que la machinerie est en route, elle ne s’arrête pas aisément. Henri Bergeron. Ce gouvernement s’est vu reprocher de ne pas établir de liens avec les corps intermédiaires au moment où il doit prendre des décisions majeures, sans aucune visibilité sur les conséquences. Il était important d’envoyer des messages du type, la démocratie ne s’arrête pas. Ce qui est intéressant, c’est la position du conseil scientifique sur ce point. Comment interpréter cette différence entre un avis assez tendre et pas forcément élaboré sur ce premier tour des élections à un moment où l’urgence sanitaire paraissait triompher de toutes les autres urgences et, d’un autre côté, un avis beaucoup plus réservé sur la question de la réouverture des écoles ? Notre hypothèse, une fois de plus, repose sur les relations de pouvoir. À la mi-mars, l’interdépendance est forte. Elle est alors fortement asymétrique entre le conseil scientifique et les trois membres du pouvoir politique. Elle commence ensuite à s’effriter avec l’entrée en jeu d’autres organisations opérationnelles, d’organisations et de sociétés savantes, expertes. Sans surprise, ce sont les relations de pouvoir qui modulent la parole, la rendent ou non autonome.

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Patrick Castel. Nous n’avons pas abordé cette question qui est centrale. Il faudra y répondre de manière empirique. À ce stade, on peut noter une forte disparité entre les régions. Les relations nouées entre le préfet, le directeur d’ARS et les élus ont également connu de grandes différences. L’ARS a généré un effet structurant en déprogrammant les activités chirurgicales et en régulant les flux de patients sur les territoires. Pour autant, leur pouvoir de restructuration aurait été limité. Mais cela doit être confirmé, notamment sur la question des masques. Comment, sur cette question, se sont coordonnés les opérateurs régionaux ? Dans certaines régions, les ARS avaient, par exemple, réquisitionné tous les masques disponibles. Précisions enfin que les ARS n’ont pas été créées pour régler ce type de problèmes.

INTERVENTIONS DES MEMBRES DU CERCLE GALIEN

Je pourrais parler de la gestion opérée par un laboratoire pharmaceutique japonais. Notre culture asiatique nous a beaucoup aidés dans la gestion interne de cette crise. Pour la première fois, on a vu s’entrechoquer un problème sanitaire massif avec l’économie. On a démontré qu’au cœur de l’économie, la santé est un élément crucial. Dans cette perspective, avez-vous analysé, dans la prise de décision, les arbitrages entre la santé et l’économie ? Quel est également le poids des relations internationales ? La décision politique est-elle prise à travers le seul prisme de l’intérêt national ? Enfin, se pose la question du choix des experts. Pourquoi ceux-là et pas d’autres ? Sans oublier la question de la médiatisation.

Henri Bergeron. On a troqué un phénomène d’isomor-phisme par un autre phénomène d’isomorphisme. On est passé à une forme de mimétisme beaucoup plus recroquevillé. Chacun prend des décisions indépendamment des autres pays. Et, en même temps, on regarde ce que fait l’autre. La gestion de cette crise a été particulièrement innervée par la peur des conséquences politiques et juridiques. On retrouve le même phénomène à l’hôpital. Des réanimateurs nous ont ainsi confié qu’ils avaient conservé dès le début, sur leur ordinateur, l’ensemble des courriels. Cela contribue au phénomène de panique. Il ne fallait pas se démarquer. La position de la Suède sur le plan international était difficile à maintenir. Cette crise est

aussi une vraie faillite de la coordination européenne. Enfin, on nous pose souvent la question. Aurait-on pu faire autrement ? Des contraintes sur lesquelles le gouvernement n’a pas de prise pèsent sur la décision. C’est la question des masques et des tests. C’est ce que l’on appelle la dérive organisationnelle, à savoir comment une cascade de résolutions précédentes provoque à un instant t des contraintes sur La décision. Il y a également des dynamiques propres qui renvoient à l’énigme du virus. Enfin, d’autres contraintes ont été créées par leur propre action, notamment celle d’agir dans une formation unitaire ou avec la création du conseil scientifique, très hospitalo-centré, en connexion directe avec deux établissements de référence à Paris. Sont ainsi remontées des informations en provenance de l’hôpital à partir d’échantillons partiels. En réponse, le cadrage a été très médical et non pas élaboré à partir de références de santé publique. On ne trouve pas de traces de santé publique dans les premières décisions. Le fait que les premiers déterminants des états de santé d’une population soient les conditions socioéconomiques a émergé relativement tard dans la chronologie. Que se serait-il produit si on avait inclus, dans ce comité scientifique, des spécialistes de la pauvreté, par exemple, des psychiatres, des spécialistes de l’emploi ? Aurait-on eu alors un confinement plus sélectif ? On peut se poser ce type de questions.

Dans les prises de décision, il y a eu l’effet Bachelot, à savoir, ne pas en faire trop, ne pas faire du catastrophisme. L’autre phénomène qui a irrigué les prises de décisions a été l’évidence de devoir rendre des comptes. Par ailleurs, je vous rejoins sur ce que vous appelez les formations d’élite. Nous sommes formés à faire de la programmation, de la planification, alors que l’on se trouve à gérer en permanence de l’incertitude.Quel est le degré de confiance que l’État accorde à ses fonctionnaires lorsqu’ils tirent en amont les sonnettes d’alarme ? La mise sous tension est beaucoup trop forte, notamment sur les aspects économiques versus organisationnels, versus enjeux éthiques. L’autre aspect important est celui du lien ARS/préfecture. Le rôle dévolu à chaque organisation n’est pour le moins pas clair. Enfin, pourquoi avoir créé un conseil scientifique alors que l’on disposait d’un Haut Conseil de la santé publique ? Les deux structures n’ont pas d’élus. Ce qui les rend indépendants à toute pression.

Henri Bergeron. Vous avez raison, à condition que la séparation entre décision et science soit étanche. En pratique, elle ne l’est pas. On en veut pour preuve le fait que le conseil scientifique ne s’est pas exprimé clairement sur la prise de risque au moment du premier tour des élections municipales. Cette séparation est une fiction démontrée depuis longtemps par les sciences politiques et la sociologie.

Aurait-il fallu régionaliser davantage la prise de décision ? Quel regard portez-vous sur les ARS ?

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Vous êtes-vous interrogés sur les biais cognitifs retrouvés sur les manières de penser des personnes confrontées à des situations imprévues ?

Patrick Castel. Nous sommes en vérité critiques sur ce nouveau comportementalisme. Nous avons écrit un livre sur ce biais comportementaliste. Certes, on est convaincu depuis l’après-guerre de l’importance des biais de rationalité. Pour autant, on ne peut étudier de manière abstraite la manière dont les personnes agissent. On ne peut accepter en tant que sociologue la posture de surplomb. À la fin, les comportementalistes ont toujours raison car ils jugent après-coup. Il faut une analyse fine des processus cognitifs qui soit intégrée dans un contexte organisationnel.

Peut-on aller plus loin sur la place du conseil scientifique auprès d’Emmanuel Macron ? L’invisibilité de Santé publique France était, au départ, impressionnante. Surtout, ne bougeons pas une oreille. On ne sait pas pourquoi. Quant au conseil scientifique, il y a eu des jeux de pouvoir dès le début. J’ai, par ailleurs, participé à un autre groupe autour des échanges entre sciences et société. Nous avions mis en avant, pour le moment du déconfinement, le risque exposé par les travailleurs agricoles qui vivent en dortoir et où le respect des gestes barrières s’avère impossible, situation jamais évoquée dans les textes officiels. La suite nous a donné raison avec de nombreux clusters apparus dans ces milieux professionnels. Pour autant, il y a eu une fin de non-recevoir, un désintérêt manifeste de la part du gouvernement.

Patrick Castel. La composition du conseil scientifique reste une question ouverte. Il y avait d’autres personnalités possibles à la tête du conseil. L’Institut Pasteur ne pouvait pas ne pas être représenté. L’hôpital Bichat, certes, était un des trois hôpitaux de référence. Mais comment expliquer l’absence de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière ou de l’hôpital Bégin ? Dans la composition de ce conseil, il n’y a pas beaucoup de voix discordantes. Il s’est révélé très homogène. Un sociologue américain a pourtant mis en évidence que le risque d’erreurs est corrélé à cette homogénéité. Ce n’est pas pour autant que le conseil scientifique ait commis des erreurs.Quant au comité de liaison, il témoigne de la difficulté à inclure les problématiques de santé publique et les associations de patients dans les moments de crise.Pour revenir sur la tension entre santé et économie, nous avons travaillé avec Henri Bergeron sur ces liens lorsque nous avons abordé l’obésité. La politique de santé publique vise à responsabiliser les individus, alors que dans ce domaine les inégalités sont criantes. La sensibilisation à cette problématique touche davantage les classes moyennes et aisées, alors que les classes populaires sont principalement les plus exposées. Dans le même temps, on est très frileux

pour s’attaquer à l’offre alimentaire. Les représentants industriels mettent en avant le bassin d’emplois menacés en cas de mesures efficaces.En revanche, pour la COVID-19, les mesures sanitaires ont écrasé toutes les autres urgences. Au moment du déconfinement, l’économie a opéré son retour. Emmanuel Macron impose le déconfinement plus tôt que d’autres l’auraient souhaité. C’est là que le conseil scientifique publie un avis très négatif sur la réouverture des établissements scolaires. Aujourd’hui, on ne sait toujours pas si s’opère une intégration de la décision ou si, en revanche, chacun creuse son sillon dans son coin.

La sous-estimation initiale (effet Bachelot) peut expliquer la sous-réaction initiale, mais la considération du risque juridique généralement plus perçue par les administrations peut vraisemblablement expliquer le passage à la sur-réaction.

On défend en partie cette opinion en des termes différents. Les administrations centrales ont été shuntées dans un premier temps. Différentes hypothèses ont été évoquées. Le gouvernement n’avait pas confiance dans ces institutions. Mais, peut-être, elles étaient frileuses pour intervenir du fait du risque juridique. Les précédentes crises, comme la tempête Irma, ont pu jouer dans la méfiance de l’État envers ces organisations.

Quelle serait l’erreur à ne pas commettre de nouveau ?

Patrick Castel. Si l’on relit le plan Pandémie grippale 2011, en l’activant dès janvier, ce qui aurait pu être le cas, il comportait de précieuses recommandations propres à guider les décideurs d’aujourd’hui. L’autre constat est la dérive organisationnelle déjà mentionnée à plusieurs reprises. L’État était sans moyens. L’État était nu. Enfin, les territoires où une articulation entre médecine de ville et hôpitaux s’est révélée efficace ont été moins submergés par la vague. La médecine de ville devait être une première digue.

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Le rôle des paramédicaux dans la première vague de la pandémie en France : témoignages et retours d’expériencesFruit des discussions et analyses des membres du Cercle Galien

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Sciences infirmièresLa recherche infirmière existe de longue date. Il y a, à ce jour, 123 revues de nursing indexées dans la seule base du WOS avec un impact factor médian corrigé à peine deux fois moindre que les maladies infectieuses. Les grands enjeux de la recherche infirmière dans le monde concernent les domaines suivants : la clinique (notamment les personnes âgées, les maladies chroniques et l’observance, les facteurs prédictifs, la prévention et le dépistage, la prévention pri-maire, la lutte contre les infections), la gestion, la formation, la méthodologie et le développement de la profession. Mais la recherche infirmière est pénalisée par un problème d’image qui peut se résumer par le « paradoxe de la coccinelle ». En effet, à l’instar des coccinelles, tout le monde apprécie les in-firmières, mais tout comme on ignore, par exemple, que les coccinelles sont capables de voler à 2 000 mètres d’altitude, très peu connaissent véritablement les différents métiers des infirmières et encore moins l’existence d’une recherche infir-mière. Et l’un des grands enjeux est donc de réussir à changer les représentations sociales du grand public.

Les infirmières et la pandémie La profession infirmière est exposée à des facteurs de stress déjà connus avec des scores de stress très élevés (Yuanyuan Mo, 2020) qui sont accentués par des pénuries de personnel et de matériel, la navigation dans un milieu ou un système de soins inconnus, le manque de soutien organisationnel (Kim, 2018 ; O’Boyle, 2006 ; Shih, 2009) et des conflits moraux (Bridget, 2013 ; Greenberg, 2020 ; Morley, 2019). Il faut donc apprendre des autres crises et donner la priorité au bien-être des infirmières autant que possible, que ce soit au travail ou en dehors. Quant aux décès, chiffres officiels, on recensait en juin 2020 plus de 600 décès chez les infirmières, même si ce chiffre est

probablement sous-estimé. Le conseil international infirmier a d’ailleurs émis des recommandations parmi lesquelles on retrouve, notamment, l’accès à des équipements de protection individuelle, l’accès à des formations, ou encore la protection de la santé et du bien-être des infirmières, ainsi que la mise en œuvre d’une stratégie de santé publique globale et coordonnée contre la COVID-19, avec la participation active des infirmières. Une étude française a d’ailleurs été réalisée à la chaire Recherche Sciences Infirmières pour comprendre la perception de cette crise par les infirmières en première ligne avec la réalisation d’entretiens semi-directifs (97 entretiens de 48 dyades) dont les résultats montrent que les infirmières sont victimes à deux niveaux : d’une part, à cause du silence (notamment des peurs ou des émotions que les professionnels gardent pour eux) et, d’autre part, à cause du vol (notamment du temps personnel passé en famille). Si la pandémie a été révélatrice de dysfonctionnements, elle a également mis en évidence de la solidarité et de la fierté pour leur profession. Avec le « paradoxe du héros » entre la vision des professionnels, qui considéraient que ce qu’ils avaient fait était normal, et celle de leurs proches, qui les considéraient, au contraire, comme des héros.

Recherche infirmière et pandémieUn autre travail a été entrepris pour chercher à comprendre l’implication des infirmières dans la recherche sur la CO-VID-19 afin, notamment, de quantifier la recherche infirmière sur la COVID-19 pendant la pandémie. Entre le 1er janvier 2020 et le 24 juillet 2020, il a ainsi été recensé 669 publications sur la COVID-19 dans les revues de nursing indexées (36 fois moins que les publications médicales) principalement aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et, bien sûr, en Chine, avec une majorité d’avis d’experts.

COVID-19 : Retours d’expériences des professionnels paramédicaux. Pistes et enjeux pour l’avenir. (Propos recueillis par Arnaud Bayle lors de la séance du 8 septembre)

Analyse de la littérature et projets de recherche de l’équipe du Pr Monique Rothan-Tondeur, titulaire de la chaire Recherche Sciences Infirmières, en collaboration avec Alexis Bataille, étudiant en soins infirmiers, aide-soignant D.E., auteur de l’ouvrage « Vous avez mal où ? – Chroniques d’un aide-soignant à l’hôpital » (City Éditions, 2019).

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Enjeux et données chiffrées de la première vagueL’enjeu sanitaire majeur de la pandémie de la COVID-19 a été la prise en charge des formes graves requérant des soins de réanimation engendrant des risques de saturation de ces services de soins avec des contraintes fortes sur les ressources humaines, matérielles et les médicaments. Quatre mesures essentielles ont été prises : le renforcement en professionnels de santé, l’évacuation sanitaire des patients, l’envoi du matériel et l’envoi des médicaments nécessaires.Les données chiffrées de la première vague révèlent que les renforts professionnels ont impliqué 2 500 professionnels du secteur sanitaire et 1 250 du secteur médico-social, soit 3 750 recensés au niveau du centre de crise sanitaire (CCS). Les régions les plus touchées ont été l’Île-de-France (plus de 2 000 affectations entre mars et avril) et la région Grand Est (688 affectations), mais d’autres régions ont également bénéficié de ces renforts comme, par exemple, les Hauts-de-France avec 229 réservistes sanitaires. La durée moyenne d’une mission de renfort a été de 10 à 15 jours.

Crise sanitaire COVID-19 et EVASAN Le CCS, au sein du ministère de la Santé, a assuré le suivi quotidien au niveau national des tensions dans les services de réanimation. Ce suivi était basé sur les remontées des ARS et des établissements de santé publics et privés sur leurs capacités en lits.L’évacuation sanitaire des patients a impliqué différents vecteurs : ferroviaire (TGV médicalisés), maritime (porte-hélicoptères), aérien (Dragon, Morphée, avions privés…) et terrestre (SMUR, ambulance). Ces transferts ont été réalisés sur un grand nombre de régions, mais le plus grand nombre de transferts a concerné les régions Nouvelle-Aquitaine et Bretagne.

Transferts sanitaires ferroviairesMais ce qui a vraiment été une première, ce sont les transferts sanitaires ferroviaires de patients de soins critiques. Une opération en train pour 24 patients nécessite 32 professionnels de santé, des associatifs mais aussi le personnel SNCF (conducteurs, personnels techniques).

À titre de comparaison, pour une opération en HéliSMUR (1 hélicoptère pour 1 patient), 2 professionnels de santé sont nécessaires (médecin et infirmier) et 1 pilote. Le choix du vecteur est donc essentiel dans la gestion des ressources humaines. L’organisation et le rôle du SAMU concernaient la coordination avec le briefing des équipes en gare avant l’installation des patients et le débriefing au retour.Concernant les professionnels : ils étaient issus du SMUR ou de réanimation. Avec notamment des binômes IADE et IDE (qui étaient très complémentaires en termes de compétences) et un chef de train médical en lien avec la SNCF. Concernant le matériel : cela a nécessité une préparation en amont indispensable ainsi que la vérification à bord avant l’installation des patients. Les listings de matériel ont été élaborés pour répondre aux besoins de patients de réanimation (ventilation, sédation…) avec une uniformisation et une validation par le ministère pour l’ensemble des équipes au niveau national et une adaptation selon les distances et les temps de trajet (transfert hôpital-train-hôpital). Quelques retours d’expériences ont déjà eu lieu. En ressort une expérience très enrichissante pour les professionnels qui ont été amenés à travailler en équipe, mais avec une nécessité d’adaptation liée à un espace de travail contraint et un effort de coordination indispensable. Un point important concernait l’accord de la famille des patients avec un certain nombre de refus, notamment en Île-de-France.

Perspectives Se posent la question d’une deuxième vague ou de la continuité de la première ainsi que des questions concernant l’organisation future et du choix à faire entre avoir, de nouveau, recours à des EVASAN ou, au contraire, privilégier des renforts en compétences au sein des réanimations. Avec la mise en place de dispositifs de formation rapide, comme cela a été fait à l’AP-HP par exemple. Par ailleurs, pour l’avenir, doit-on envisager l’intégration d’un module de formation aux crises sanitaires dans les études paramédicales ? Autant de questions qui concernent la gestion des crises futures, mais qui ne doivent pas faire oublier la prise en charge des patients chroniques et la problématique du plan de continuité des activités lors de ces crises aiguës.

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RETOURS d’expériences

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Malika Brotfeld Conseillère paramédicale DGOS

Barbara Mantz Conseillère paramédicale DGOS

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Les cadres de santé et leurs actions durant la crise sanitaire Le rôle des cadres a été d’organiser, d’informer et de former. Mais aussi de permettre à chacun de récupérer. Les cadres ont dû faire preuve d’agilité et de créativité, créativité organisationnelle, parfois transgressive, afin d’adapter les procédures pour retranscrire les consignes nationales au niveau local et permettre une mise en œuvre la plus efficace possible et la plus acceptable pour l’ensemble des professionnels. La transparence de la communication s’est avérée essentielle, notamment en créant des espaces de parole pour les personnels (échanges réguliers, réunions de concertations, cellules de crise…). Travail parfois invisible des cadres mais indispensable, en partenariat avec les chefs de service, pour faire fonctionner les services dans les situations de crise, mais également pour l’après-crise et la reprise de l’activité normale, notamment pour

reprendre en charge les patients qui avaient renoncé aux soins. Enfin, il faut reconnaître le rôle du management de proximité pour trois composantes : « La force d’un travail en équipe, le développement d’un climat organisationnel serein et la stabilité d’un pilotage partagé et autonome 1 ».

Organisation des tests RT-PCR Pendant la crise et après le déconfinement, les cadres ont été en première ligne pour la mise en place des structures de dépistage massif avec la recherche des locaux, la constitution des équipes fixes et mobiles, la mise en place des drives et l’élaboration des procédures. Un point important concerne la tension sur les équipements (notamment de protection individuelle, mais aussi les écouvillons, les réactifs…) ainsi que le recrutement des personnels (ex. : recrutement de biologistes…).

Guillaume Gontard Président de la Fédération nationale des associations d’aides-soignants

Retours d’expériences des aides-soignants confrontés à la crise sanitaire À la Fédération nationale des associations d’aides-soignants, une étude est en cours auprès des aides-soignants qui englobe tous les services. Concernant les résultats préliminaires, il ressort que 29 % ont répondu qu’ils n’avaient pas travaillé avec les équipements de protection individuelle adéquats. Concernant les masques, 35 % ont répondu qu’ils n’avaient pas travaillé avec des masques FFP2 lors de la prise en charge de patients COVID et 47 % ont répondu qu’ils avaient manqué de masques chirurgicaux. À la question de savoir s’ils pensaient que l’on était mieux préparé aux futures situations de crise, 51 % ont répondu oui, mais 39 % ont répondu non.

Propositions pour se préparer aux situations de crise en amont et en aval avec les aides-soignantsEn France, il existe le Haut conseil des professions paramédicales et celui-ci n’a pas été du tout sollicité. Il faudrait donc, à l’avenir, y faire appel en amont. Et, en aval, beaucoup d’aides-soignants ont été redéployés dans des services, comme la réanimation, sans avoir les compétences nécessaires. Il faudrait donc permettre aux aides-soignants d’être formés aux spécificités de la réanimation.

1. Dumez H, Minvielle E. Le système hospitalier français dans la crise Covid-19. Institut interdisciplinaire de l’innovation et Centre de recherche en gestion. Juillet 2020.

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Fréderic Soler Vice-président de l’ANCIM

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Coordination ville-hôpital En 2012, la DGOS a défini ce qu’était la coordination des soins, c’est-à-dire une action conjointe des professionnels de santé et des structures de soins en vue d’organiser la meilleure prise en charge des patients en situation complexe. La coordination des parcours de santé est essentielle, notamment dans une crise comme la COVID-19 où l’on s’est focalisé très rapidement sur l’hôpital, alors qu’il était demandé à la population de rester à domicile. Donc, le travail réalisé par les professionnels en ville et à domicile, dont les IDE libérales, n’a pas du tout été mis en exergue. Alors même que, face à des contraintes notamment de matériel et d’équipements, ces professionnels ont fait preuve d’une très grande créativité en s’appuyant sur la société dite « civile » comme, par exemple, pour les masques en tissu fournis par des couturières.

Ce qui doit ressortir de cette crise, c’est la nécessité de sortir de l’hospitalo-centrisme en mettant en valeur tout ce qui peut être mis en œuvre au domicile, notamment pour les patients chroniques. Et en favorisant la porosité entre ces deux mondes, notamment grâce à de nouveaux postes d’infirmière coordinatrice, pour fluidifier les parcours.

Un autre point important que l’on a remarqué est la montée en puissance des outils de télémédecine (avec la téléconsultation et la télésurveillance) dans le sillage de start-up très créatives qui ont créé des applications. Comme, par exemple, celle créée par un IDE libéral, en Seine-Saint-Denis, pour communiquer sur les bons gestes barrières à adopter avec une traduction en différentes langues.

Cette crise a enfin souligné que nous devons nous recentrer sur la personne et les patients, et a également permis de mettre en lumière les infirmières, toutes les infirmières. Même s’il faut encore aujourd’hui aller plus loin, comme l’écrit Michel Nadeau (infirmier suisse), et s’appuyer encore plus sur ce métier.

Marion Cavayé IDE coordination hôpital Forcilles

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Sophie Chrétien Présidente de l’Association nationale française des infirmiers(ères) en pratique avancée

IPA et COVID : expérience personnelle en Équipe mobile de soins palliatifsComment poursuivre notre mission et soutenir les équipes ? On a dû réajuster l’organisation et on a scindé l’équipe en deux avec une partie de l’équipe qui assurait le suivi classique et une autre partie qui assurait la prise en charge des patients COVID, mais aussi des professionnels. Car ceux-ci se retrouvaient dans un nouvel environnement et étaient confrontés à une nouvelle pathologie, donc à de nouvelles difficultés. Ce qui est ressorti : la lourdeur du matériel avec une charge mentale très importante (notamment pour entrer et sortir d’une chambre), mais également une lourdeur physique (lunette, masque, charlotte, surblouse, etc.). Donc, il a fallu mettre en place un soutien logistique pour le matériel et permettre aux infirmières d’être centrées uniquement sur les soins. Par ailleurs, pour les patients en fin de vie, il a fallu adapter nos méthodes à cette pathologie si particulière qu’est le COVID, mais également aux risques de pénurie de médicament.Un autre exemple intéressant est celui d’une IPA dans un service de pneumologie. Pendant la période de la COVID, le suivi des patients chroniques atteints de fibrose a été dévolu à l’IPA, ce qui a permis un véritable bond en avant de sa place au sein du service dans la prise en charge des patients. Cette collègue a pu mettre en place un vrai suivi en développant, bien sûr, les CR à destination des médecins traitants, mais également à destination des IDE libérales qui prenaient en charge ces patients au domicile. Ce qui se fait très peu en règle générale. Alors que cela a permis de créer du lien et de s’intéresser à l’environnement du patient et aux problèmes spécifiques du domicile, avec un regard nouveau. Une vraie complémentarité, sans concurrence, a ainsi été mise en évidence entre la prise en charge médicale et la prise en charge infirmière.

IPA et rôle dans le futur système de santéIPA : le décret est sorti en 2018, donc il s’agit d’un nouveau métier. Mais qui s’appuie sur une réflexion qui a commencé dans les années 1980 sur la nécessité d’un métier intermédiaire entre IDE et médecin, avec un renforcement des connaissances liées aux sciences infirmières et un renforcement des connaissances médicales.En 2019, seulement 62 IPA diplômées, mais en 2020, 240 IPA diplômées vont arriver, puis 650 en 2021. Il y a une vraie volonté du gouvernement, réaffirmée lors du Ségur avec un objectif de 5 000 IPA en 2024, et un engouement de la profession pour ce nouveau métier.Mais cette crise a également mis en exergue certaines limites du cadre actuel, notamment pour les soins primaires (avec la problématique de l’accès direct aux IPA alors, qu’actuellement, il faut que le suivi soit initié par un médecin) ou les prescriptions (avec la problématique des primo-prescriptions dans le cadre des compétences de l’IPA, alors qu’aujourd’hui il ne s’agit que de renouvellement de prescription).

RETOURS d’expériences

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DES LEÇONS À TIRER DE LA CRISE SANITAIRE DE LA COVID-19

... SUR LE RÔLE DES PARAMÉDICAUX PENDANT LA PREMIÈRE VAGUE DE LA PANDÉMIE EN FRANCE

LES RÉACTIONS des membres du Cercle Galien

Concernant la télémédecine, le télésoin a été autorisé pendant la crise pour certaines professions qui n’y avaient pas accès (comme, par exemple, les diététiciens et les pédicures-podologues), ce qui a permis de limiter les ruptures dans le parcours de soins des patients chroniques. Et un débat doit être soulevé pour envisager leur prolongation car, actuellement, il s’agit de mesures dérogatoires.

Retour d’expérience sur les EVASAN Quelles étaient les raisons des refus des familles et quelle stratégie sera adoptée pour le futur ?

Concernant les refus des proches, ils étaient souvent liés à la difficulté d’envisager qu’il ne serait pas possible de rendre visite aux malades. Mais également en Île-de-France, certaines familles pensaient que leur proche serait moins pris en charge hors de Paris. Il a été également soulevé par un membre du Cercle que la question sociologique était plutôt : pourquoi les familles ne s’opposent pas ?

Concernant la doctrine future, il y a effectivement un débat entre externalisation (avec transfert des patients vers d’autres structures) ou, au contraire, internalisation (avec formation et redéploiement des personnels soignants entre services/hôpitaux).

Mais cela dépend aussi de la circulation du virus. S’il circule partout de manière uniforme ou si, au contraire, il y a des régions qui connaissent un pic avec une saturation des services d’urgence et de réanimation, la réponse ne sera pas la même. La question se pose de la même façon pour les transferts transfrontaliers. Parmi les recommandations du Cercle Galien, il avait été d’ailleurs évoqué, plutôt que de déplacer les patients, d’au contraire mobiliser des équipes de soignants pluridisciplinaires d’un pays pour aider d’autres pays en difficulté. En tout état de cause, les connaissances sur la COVID évoluent et vont permettre une standardisation des prises en charge quel que soit le lieu de prise en charge.

Enfin, il a été souligné que le principe même de l’évacuation fait référence à la médecine de guerre et que l’on peut se poser la question, pour reprendre le champ lexical militaire, de savoir s’il n’est pas plus logique et plus efficient de faire monter au front des soignants, plutôt que de rapatrier les patients dans les lignes arrières. Toujours est-il que dans l’avenir, il faudra introduire des modules spécifiques dans la formation des professionnels paramédicaux, même si cela ne pourra pas porter ses fruits avant au moins trois ans en raison de la longueur des études.

Télémédecine et COVID Enjeux pour une éventuelle deuxième vague COVID

Si le principal enjeu de la première vague a été celui du matériel, le principal enjeu d’une éventuelle deuxième vague est celui de la mobilisation du personnel, car il y a une fatigue accumulée et une certaine forme d’ennui et de lassitude avec des prises en charge assez répétitives.

L’INNOVATION

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La pandémie de COVID-19 représente une crise sanitaire mondiale sans précédent. Parallèlement, elle est intervenue comme un véritable accélérateur non seulement des pratiques de soins, mais également de la recherche et développement de vaccins innovants pour lutter contre l’infection à SARS-CoV-2. Confronté à des enjeux majeurs, Sanofi relève mois après mois les défis.

Sanofi s’est mobilisé dès le début de l’épidémie pour accompagner les patients, les professionnels de santé et les responsables de la santé publique pour répondre à l’urgence sanitaire et contribuer à préparer l’après-crise, en France et dans le monde. De nombreuses initiatives ont vu le jour dans l’intérêt des malades et au plus proche des soignants. Une culture de l’engagement sans faille s’est renforcée.

• Pour éviter les ruptures dans le parcours de soins de patients chroniques dans le contexte de la pandémie de COVID-19, Sanofi s’est engagé avec les professionnels de santé et les patients pour assurer au mieux leur prise en charge et garantir l’accès à l’information médicale dans ce contexte si particulier. Ainsi, les infirmiers de Sanofi Genzyme, l’entité mondiale de médecine de spécialités de Sanofi, ont été en première ligne pour favoriser la continuité des soins à domicile, en formant notamment les équipes soignantes libérales et hospitalières aux gestes techniques d’administration des traitements contre les maladies rares. Sanofi Genzyme a également favorisé de nouvelles pratiques adaptées à la situation en ayant recours à des solutions numériques, notamment au travers de la télémédecine.

• Confrontées à la fermeture de nombreux services de dermatologie hospitaliers et pour répondre aux difficultés des patients en détresse, les équipes se sont mobilisées pour accompagner RESO (réseau de dermatologues) dans le lancement de Doctoderm, une plateforme téléphonique d’écoute et d’adressage des patients souffrant de dermatoses inflammatoires.

• Face à cette crise, les collaborateurs Sanofi, comme tous les Français, ont été impactés directement dans leur quotidien, mais également dans leur travail. Il a fallu s’adapter pour augmenter la production face à la demande accrue de certains médicaments essentiels, tout en assurant le télétravail des personnes pouvant réaliser leurs missions à leur domicile.

En tant que première industrie de santé en France, le rôle de Sanofi est prépondérant et engagé dans la voix du changement. L’organisation et les pratiques ont été bouleversées. Les collaborateurs ont relevé des défis inconcevables peu de temps auparavant. S’appuyant sur les forces et les expertises du collectif, il a fallu réinventer une autre santé et surmonter parfois les doutes.

Au-delà de toutes ces initiatives, Sanofi apporte son expertise en matière de vaccins pour aider à juguler la pandémie de COVID-19. Sanofi Pasteur, l’entité mondiale vaccins de Sanofi, travaille actuellement sur deux candidats vaccins contre le SARS-CoV-2, en s’appuyant sur deux approches technologiques différentes : un vaccin à base de protéine recombinante en collaboration avec GlaxoSmithKline et un vaccin à base d’ARNm en partenariat avec TranslateBio. Sanofi Pasteur et ses partenaires s’engagent à travailler avec les gouvernements et les organismes internationaux pour faire en sorte que leurs vaccins contre la COVID-19, s’ils sont validés, soient disponibles dans le monde entier.

Chez Sanofi, la sécurité et le bien-être des personnes vaccinées est une priorité absolue dans le développement des premiers vaccins contre la COVID-19. Cette culture de l’engagement est une raison d’être qui va au-delà de la recherche de traitements innovants, elle englobe la qualité de vie des patients et la qualité des soins.

Le Cercle Galien LES POINTS DE VUE DE…

Sanofi : se réinventer pour une autre santé

Olivier BogillotPrésident de Sanofi France

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Face à une crise sanitaire sans précédent, Takeda s’est engagé sur tous les fronts. Cette mobilisation démontre comment une entreprise biopharmaceutique de rang mondial peut jouer son rôle d’acteur de santé et d’employeur responsable. Dans le top 10 mondial, premier laboratoire japonais au monde, la culture nippone nous imprègne et l’Asie a fait, nous le savons, référence dans la crise mondiale. Cette position de Takeda prise extrêmement tôt dans la pandémie, renforce l’incarnation des quatre priorités qui guident nos décisions : patient, confiance, réputation, activités.

Premier enjeu : assurer la sécurité et la santé des personnes. Avec deux priorités : protéger nos collaborateurs, pour assurer dans les mêmes standards notre mission de santé dans une continuité ; s’effacer sur le terrain pour donner l’exclusivité aux malades, tout en restant à l’écoute active des soignants. En période de saturation des hôpitaux et de télétravail, les modes d’interaction ont dû être réinventés. Si la digitalisation devient une « norme », conserver une relation éthique et de qualité est le défi de tous. Takeda avait, dès le mois de mars 2020, envisagé une sortie de crise au mieux vers l’été 2021 et toutes nos opérations ont été « reformatées » en fonction de ces échéances dès mars 2020.

Deuxième enjeu : s’engager dans la recherche. Participer à la lutte contre le virus est une priorité pour Takeda. Elle s’est traduite dans la création, unique, de l’alliance CoVIg-19 Plasma qui regroupe les grands acteurs des médicaments dérivés du plasma, pour partager leurs efforts sur le développement d’une globuline hyperimmune (H-Ig). Notre participation au consortium européen CARE et les efforts de nos équipes de R&D sont l’illustration concrète de cette persévérance ancrée dans notre culture japonaise, Takeda venant, à cet égard, de fêter son 239e

anniversaire.

Troisième enjeu : assurer la continuité des traitements et le suivi à domicile des malades dont les besoins médicaux s’amplifiaient en période de confinement. Éviter la visite à l’hôpital et recevoir leur traitement chez eux : ce souhait d’hier est devenu une exigence pour des patients souffrant de maladies rares ou de maladies chroniques graves. Takeda a su s’adapter dans l’urgence pour accélérer le virage ambulatoire en soutenant des associations de patients et en étant membre fondateur de la Coalition Innovation Santé. La crise de la COVID-19 oblige tous les acteurs à réinventer leurs façons de collaborer pour trouver le meilleur système de prise en charge pour les patients et soutenable pour le système de santé.

Enfin, cette crise confirme l’engagement humain et la mobilisation individuelle de nos collaborateurs. Qu’il s’agisse de donner leur sang, faire du bénévolat ou de s’engager dans la réserve sanitaire, comme j’ai eu l’honneur et le bonheur de le faire à l’EFS, aucune des 270 personnes de Takeda France n’a compté son temps. C’est, bien sûr, ce que nous permet une entreprise comme la nôtre.

Le Japon est l’alliance de la tradition et de l’hyper-modernité, du respect et de l’innovation. La pandémie de COVID-19 nous montre que ces valeurs sont plus que jamais celles qui doivent prévaloir pour construire notre futur écosystème de santé. Sachons nous en inspirer !

DES LEÇONS À TIRER DE LA CRISE SANITAIRE DE LA COVID-19

L’influence japonaise de Takeda dans la crise

Dr Thierry MarquetMédecin gériatre, General Manager ad interim, Takeda France

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L’INNOVATION

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Le Cercle Galien LES POINTS DE VUE DE...

Tout a déjà été dit sur la solidarité, la détermination, le professionnalisme et la qualité du travail des acteurs du monde de la santé en général et des professionnels de l’hôpital en particulier, qu’ils soient soignants, techniciens ou administratifs.

Face à la crise de la COVID-19, ces femmes et ces hommes ont mis en lumière les valeurs qui les animent tout autant que leur engagement sans faille au service du bien commun et de l’ensemble de nos concitoyens.

Il faut être conscient que ces comportements altruistes, solidaires et humanistes ont été « extra-ordinaires », au sens premier du terme. Et d’autant plus extraordinaires que le secteur de la santé était depuis plusieurs mois dans une situation difficile, au paroxysme d’un bras de fer avec les pouvoirs publics face aux politiques menées depuis plusieurs années par les gouvernements successifs.

Mais tout aussi hors du commun qu’aient été les actions de ces professionnels et leur engagement, au lendemain de cette crise sans précédent, le statu quo vis-à-vis d’une organisation du monde de la santé à bout de souffle n’est plus envisageable. Des changements profonds doivent être conduits. Ils sont culturels, organisationnels, législatifs, financiers…

C’est ce à quoi entendent participer les travaux du Cercle Galien, que la Mutuelle Nationale des Hospitaliers et nehs ont le plaisir de soutenir.

Et parmi ces changements essentiels, se trouve indubitablement celui de la protection de celles et ceux qui prennent soin des autres, sujet mis trop longtemps au second plan. Cette protection, elle se doit d’être complète et adaptée, notamment aux différents métiers et phases de la vie professionnelle comme personnelle. Elle se doit de ne pas sélectionner les risques ou les personnes, les territoires ou les établissements, et de concerner aussi bien les actifs que les retraités. Face aux difficultés et accidents de la vie, elle se doit d’organiser des mesures et aides sociales personnalisées.

Au-delà de ces dispositifs, les acteurs du monde de la santé ont besoin d’accompagnements spécifiques, inhérents à la nature de leurs professions et à l’impact de cette dernière sur leur vie privée et familiale. Il n’est pas neutre de travailler 12 h de suite ou de travailler de nuit, de côtoyer la souffrance, la mort, la peur et l’incertitude. Cette protection, légitimement due à l’ensemble des professionnels du secteur, se doit de soulager, rassurer, former, informer, accompagner sur des sujets qui contribuent à la meilleure adaptation entre leurs aspirations personnelles et les exigences particulières de leur vie professionnelle.

C’est à l’ensemble de cette protection que s’attellent au quotidien la Mutuelle Nationale des Hospitaliers et nehs, partageant les valeurs, les exigences et la culture de ces femmes et ces hommes qui font partie intégrante de leur histoire.

Cet ADN commun nous engage à construire ces changements, avec eux.

L’engagement et la résilience des soignants

Gérard VuidepotPrésident de la Mutuelle Nationale des Hospitaliers et de nehs

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BIBLIOGRAPHIELe Cercle Galien

Bauquet N. L’action publique face à la crise du Covid-19. Institut Montaigne. https://www.institutmontaigne.org/publications/laction-publique-face-la-crise-du-covid-19#

Bergeron H, Borraz O, Castel P, Dedieu F. Covid-19 : une crise organisationnelle. Les Presses de Sciences-Po. 2020. 136 p. 14 €.

Collectif. À vos masques ! 120 dessins de presse. Gallimard. 2020. 144 p. 19,50 €.

Collectif. Par ici la sortie ! Seuil. 2020. 192 p. 14,90 €.

Collectif. Tracts de crise. Un virus et des hommes – 18 mars/11 mai 2020. Gallimard. 2020. 560 p. 17 €.

Fottorino E, Vial N. Le temps suspendu – 16 mars/24 mai 2020. Gallimard. 160 p. 19,90 €.

Keck F. Les Sentinelles des pandémies – Chasseurs de virus et observateurs d’oiseaux aux frontières de la Chine.

Zones Sensibles. 2020. 240 p. 20 €.

Keck F. Signaux d’alerte – Contagion virale, justice sociale, crises environnementale. Desclée de Brouwer. 2020. 232 p. 17,90 €.

Laignel-Lavastine A. La déraison sanitaire – Le Covid-19 et le culte de la vie par-dessus tout. Le Bord de l’eau. 2020. 120 p. 12 €.

Quammen D. Le grand saut – Quand les virus des animaux s’attaquent à l’homme. Flammarion. 2020. 544 p. 25 €.

Sansonetti P. Tempête parfaite – Chronique d’une épidémie annoncée. Seuil – Les Livres du nouveau monde. 2020. 180 p. 17 €.

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L’INNOVATION

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Martial Fraysse

Docteur en pharmacie, présidentdu conseil régional de l’Ordredes pharmaciens Île-de-France,membre du comité d’expertsde l’Institut des données desanté (IDS), membre du conseilscientifique de l’OMEDIT Île-de-France et du comité de pilotagede l’ETP à l’ARS Île-de-France

Pr Guy Frija

Professeur émérite, université René-Descartes (Paris), professeur à l’université McMaster (Canada), membre du conseil scientifique de l’IRSN, vice-président de la section imagerie de Medicen

Manuel Géa

Cofondateur et P.-D.G . de la première société médicale basée sur les mécanismes, Bio-Modeling Systems, conférencier, consultant et business angel, chairman de Adebiotech

Paris-Dauphine

Lamine Gharbi

Président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP)

Guillaume Gontard

Président de la Fédération nationale des associations d’aides-soignants (FNAAS)

Florence Ambrosino

Infirmière, titulaire d’un master en coordination des parcours complexes

Pascale Augé

Présidente du directoire d’Inserm Transfert

Marie-Josée Augé-Caumon

Pharmacien, membre de la section des affaires sociales du Conseil économique, social et environnemental et de la Commission des pratiques et parcours à la Haute Autorité de santé

Alexis Bataille

Étudiant en soins infirmiers,aide-soignant D.E., auteur del’ouvrage « Vous avez mal où ? -Chroniques d’un aide-soignantà l’hôpital » (City Éditions, 2019),membre du comité de rédaction du site « infirmiers.com », contributeur au club de réflexion sur l’avenir de la protection sociale (CRAPS)

Dr Rachel Bocheré

Présidente de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers

Pr François Bricaire

Professeur de médecine, ancien président du Prix Galien France, ancien chef de service (consultant) des maladies infectieuses et tropicales, groupe hospitalier Pitié- Salpêtrière

Malika Brotfeld

Directrice des soins, conseillèreparamédicale à la Directiongénérale de l’offre de soins

François Buton

Politiste et socio-historien, directeur de recherche au CNRS (Triangle, Lyon), responsable scientifique des programmes NOTISS et DEPOLISS sur la politisation des professionnels de santé (fonds recherche ENS Lyon et MSH-LSE)

Pr Jean Calop

Ancien responsable du pôle pharmacie du centre hospitalier universitaire de Grenoble, professeur émérite de pharmacie clinique UFR de pharmacie de Grenoble, ex-praticien hospitalier – membre de l’Académie nationale de pharmacie – Docteur honoris causa de l’université de Montréal

Victorine Carré

Président du CROP Île-de-France, membre du comité d’experts de l’IDS, membre du conseil scientifique de l’OMEDIT et du comité de pilotage de l’ETP à l’ARS, Île-de-France

Me Charles Casal

Avocat au barreau de Paris, Delvolvé Poniatowski Suay Associés

Marion Cavaye

Infirmière en nutrition complexe coordination hôpital/domicile. Consultante formatrice. Fondation Cognacq-Jay

Guillaume Chesnel

Directeur de l’offre de soins et de la coordination des parcours de santé de la FEHAP

Sophie Chrétien

Présidente de l’Associationnationale française des infirmiers(ères)en pratique avancée

Me Maxence Cormier

Avocat associé Cabinet CORMIER-BADIN France

Dr Christian Deleuze

Sanofi Genzyme & Genzyme Polyclonals General Manager

Dr Philippe Denormandie

Chirurgien orthopédique, conseiller santé du groupe nehs, délégué général de la Fondation nehs Dominique Bénéteau

Le Cercle Galien LISTE DES MEMBRES

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Marie Gougerot

Directrice adjointe de la clinique Arago, Paris 14e

David Gruson

Membre du comité de directionde la chaire Santé de Sciences Po Paris, président de Ethik-IA

Ève Guillaume

Directrice de l’EHPAD Lumières d’Automne

André Guinet

Ancien directeur général de l’hôpital américain de Paris, ancien directeur général de Philips Medical Systems France

François Haffner

Président de l’Association nationale Spina Bifida Handicaps (ASBH), membre du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), expert auprès de l’Union nationale des prestataires de dispositifs médicaux (UNPDM) et au Comité économique des produits de santé (CEPS)

Dr Alexandra Henrion-Caude

Docteur en génétique, directrice de recherche à l’INSERM, université Pierre-et-Marie-Curie

Maryvonne Hiance

Présidente de France Biotech, vice-présidente et directeur de la stratégie de OSE Immunotherapeutics

Catherine Labarre

Head Of Public Affairs, Sanofi Genzyme

Karine Lamiraud

Professeur d’économie de la santé, titulaire de la chaire Innovation thérapeutique, vice-doyenne des professeurs, ESSEC Business School

Dr Sylvie Le Gac

(Membre du comité d’organisation)Directrice scientifique de l’Agence Profession Santé

Jacques Léglise

Directeur général, hôpital Foch (92)

Dr Olivier Le Pennetiere

Praticien hospitalier contractuel,SAMU de Paris, SMUR hôpitalNecker-Enfants malades, membredu conseil scientifique (section X) du Conseil supérieur de laformation et de la recherchestratégique (CSFRS)

Dominique Maigne

Conseiller de la présidente de la HAS, président de l’ANAP

Dr Thierry Marquet

Senior Director, Patient Access Excellence Head, Head of Value Demonstration & Access, Takeda France

Dr Didier Mennecier

Directeur des systèmesd’information et du numérique(DSIN) du Service de santé desarmées, hépato-gastro-entérologueet addictologue, membre du clubDigital Santé et du Lab e-Santé

Alexandra Mekhalfia

(Membre du comité d’organisation)Directrice de l’Agence Profession Santé

Pr Étienne Minvielle

Professeur à l’École Polytechnique, chargé de mission Parcours innovants, Gustave-Roussy

Yannick Miragliotta

Directeur du centre hospitalier de Castelluccio, directeur d’hôpital diplômé de l’EHESP

Robin Mor

Directeur adjoint en charge des relations publiques du groupe nehs

Dr Norbert Nabet

Diplômé de Sciences Po Paris et docteur en médecine, Norbert Nabet a été conseiller technique au sein du cabinet du ministre de la Santé entre 2007 et 2009, puis DGA de l’ARS de PACA et DG de l’ARS de Corse. Il est aujourd’hui directeur des affaires publiques et de la communication du groupe nehs, fondé par la MNH

Béatrice Noellec

Directrice des relations institutionnelles et de la veille sociétale chez Fédération de l’hospitalisation privée (FHP)

Stéphane Pardoux

Directeur général adjoint de l’hôpital Gustave-Roussy à Villejuif (94)

Maud Pilloud

(Membre du comité d’organisation)Responsable de l’opération Innovation & Galien, chef de projets institutionnels, Groupe Profession Santé

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COMITÉ DE RÉDACTION

Le Cercle Galien LISTE DES MEMBRES

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Antoine Poignant

Expert de la la transformationdigitale du secteur santé,cofondateur de ConnectedDoctors et de La Blouse Blanche,médecin urgentiste de formation(SAMU 77), diplômé de l’École deshautes études en sciences sociales(EHESS) en anthropologie médicale

Nicolas Portolan

Directeur général adjoint de l’Institut Bergonié, Bordeaux

Pr Jean-Louis Prugnaud

Président du Prix Galien France, membre de l’Académie nationale de pharmacie, ancien pharmacien chef à l’AP-HP, membre de l’ex-commission d’AMM, ancien président de la commission de thérapie génique et cellulaire

Dr Hélène Rossinot

Médecin spécialiste de santépublique, fondatrice du cabinet deconseil en santé publique ZIBENS,directeur médical et scientifiquede Sharecare Europe, auteure(« Aidants, ces invisibles »,2019 ; « Santé : veut-on encored’un monde hors de l’hôpital ? »,2020, éditions l’Observatoire)et conférencière

Pr Monique Rothan-Tondeur

Professeure associée, titulaire de la chaire Recherche Sciences Infirmières, AP-HP – LEPS, université Paris 13

Pascale Sauvage

Directrice adjointe de l’Agence du Numérique en Santé

Manon Soggiu

Responsable des affaires publiques de la Fédération française des diabétiques

Frédéric Soler

CSDS au CHU de Nîmes et vice-président de l’Associationnationale des cadres infirmiers et médico-techniques (ANCIM)

Christian Seux

Expert auprès de Bpifrance, personne qualifiée de la filière santé dans le cadre de la Médiation Inter-Entreprises, ancien président du SNITEM, ancien P.-D.G. de Becton Dickinson France

Dr Véronique Suissa

Docteur en psychologie,laboratoire de psychopathologie etneuropsychologie, université Paris 8, psychologue clinicienne, GroupeKorian, clinique SSR, Val-de-Marne

Florent Surugue

Directeur PME, ETI & Développementéconomique, SNITEM, Delvolvé Poniatowski Suay Associés

Annabelle Vêques

Directrice de la FNADEPA

Guillaume Wasmer

Directeur général adjoint développement et marketing du groupe nehs

Le Cercle Galien est modéré par le Dr Gilles Noussenbaum, médecin et rédacteur en chef de Décision & Stratégie Santé, avec le soutien du Dr Arnaud Bayle, chef de clinique à l’hôpital Gustave-Roussy, ancien interne à l’OMSet à l’EU en management des politiques, stratégies et programmes.

Dr Gilles Noussenbaum

Dr Arnaud Bayle

Ouvrage réalisé par le comité de pilotage du Prix Galien FranceCorédacteurs : Gilles Noussenbaum, Arnaud Bayle

Secrétaire de rédaction : Slimane Zamoum Conception graphique : Katia Cipoire, Leslie Nadotti

Coordinatrice : Maud Pilloud Impression : Numéricopy – Décembre 2020

© Tous les droits de reproduction sont réservés et strictement limités© Agence Profession Santé

Jean-François Delfraissy Président du conseil scientifique

COVID-19

Philippe Juvin Chef de service des urgencesde l’hôpital européen Georges-Pompidou et maire LR de la Garenne-Colombes

Laure Millet Responsable des projets santé à l’Institut Montaigne

ont commenté au cours d’un débat les six recommandations du Cercle Galien qui sont

présentées dans ce rapport. Cette émission est disponible sur www.prixgalien.fr

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