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Jean-Patrice BROSSE Le Clavecin du Roi Soleil collection horizons ouvrage publié avec le concours du Centre national du Livre

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Jean-Patrice BROSSE

Le Clavecindu Roi Soleil

collection horizonsouvrage publié avec le concours du

Centre national du Livre

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Coll Part. - Photo DR.

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Prologue

Le clavecin français est né sous le règne du Roi Soleil ets’est éteint sous les Lumières.

Peu après la mort du souverain, Voltaire écrivait, au cha-pitre vingt-trois de son Siècle de Louis XIV 1 : A l’égard desarts qui ne dépendent pas uniquement de l’esprit, comme lamusique, la peinture, la sculpture, l’architecture, ils n’a-vaient fait que de faibles progrès en France, avant le tempsqu’on nomme le siècle de Louis XIV. La musique était auberceau : quelques chansons languissantes, quelques airs deviolon, de guitare, et de téorbe, la plupart même composésen Espagne, était tout ce qu’on connaissait. Lulli étonna parson goût et par sa science. Il fut le premier en France qui fitdes basses, des milieux, et des fugues. On avait d’abordquelque peine à exécuter ses compositions, qui paraissentaujourd’hui si simples et si aisées.

Jugement hâtif, certes, n’évoquant pas même les cla-viers ; mais, les œuvres auraient-elles disparu, que représen-te en effet dans les années 1600 la France de Chabanceau,Champion ou Mézangeau face à l’Italie de Frescobaldi,l’Angleterre de Byrd, l’Espagne de Correa, la Flandre deSweelinck ou l’Allemagne de Scheidt ?

Il ne fait pas de doute que l’arrivée au pouvoir de LouisXIV va donner l’élan à un éblouissant classicisme nourri dubaroque italien auquel tous les arts vont s’abreuver, celui del’intimité abandonnant le luth aux ruelles obscures des pré-cieuses, au bénéfice du somptueux clavecin qui devientl’emblème de l’Ancien Régime. La brillante galerie de por-traits de cette école française naissante, foncièrement impré-gnée du jeu des luthistes, voit ainsi se dérouler, à la suite desprécurseurs Chambonnières et Louis Couperin, les noms de

1 S’il devait faireparaître sonouvrage en pleinmilieu du siècledes Lumières,Voltaire avaitvingt-et-un ans à la mort du RoiSoleil, et ne commença à concevoir sonœuvre que quinzeans plus tard. De vingt ans sonainé, l’autre impor-tant mémorialistedu règne, Saint-Simon, recueilledes informationssur la Cour à latoute fin du siècle,qu’il ne rassem-blera définitive-ment qu’au milieudu XVIIIème.

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Lebègue, d’Anglebert, Marchand, Dieupart, Clérambault,Dandrieu, Le Roux, Jacquet, Siret et bien sûr les grandsCouperin et Rameau qui éditeront l’essentiel de leur œuvreaprès la mort du roi. La continuité sera assurée durant unepartie du XVIIIème siècle avec Dornel, d’Agincourt, Daquin,Corrette, de Bury, Duphly, Royer, Forqueray, la familleCouperin toujours, Balbastre, Simon et bien d’autres petitsmaîtres au grand talent2, puis le pianoforte de la bourgeoisieprendra peu à peu la place du royal instrument à partir de1760, longtemps avant la Révolution.

Le jeune Louis XIV fut bercé dès sa naissance par le sondes cordes pincées : l’on sait que si son grand-père Henri IVavait des goûts plutôt rustiques en matière de musique, sonpère Louis XIII était en revanche un véritable artiste, dontHéroard, son médecin, révèle la sensibilité tout au long deses premières années. Il n’a pas quatre ans lorsqu’à dîner ils’amuse, en mangeant, à faire jouer du luth le sieur deHauteribe ; M. de Saint-Géran lui parle d’une épinette, iln’a point patience tant que l’on l’aie apportée. M. de Saint-Géran en fait jouer son page, Hauteribe joue du luth etBoileau du violon ; il les écoute avec ravissement. Plus tard,dans les froids et immenses appartements du Louvre ou deSaint-Germain, le soir il envoie quérir la musique de M. deBouillon ; c’étoit un luth, un clavecin et une viole. Tandisqu’il pince la guitare, toujours selon Héroard en 1627,comme le fera plus tard son fils, il est difficile de penser qu’ilne touche pas de cette épinette dont joue si bien pour lui lepère de Chambonnières: Amusé pour l’empêcher de dormir,il prie Dieu, fait jouer de l’épinette La Chapelle, excellentjoueur qui étoit à lui… Mis au lit, il s’endort au jeu de l’épi-nette par le sieur de La Chapelle. Encore adolescent, en1614 Il va au jeu de paume de Grenelle, puis voir le cabinetdu sieur de La Chapelle, son joueur d’épinette, et toute sa vieil pratiquera assidûment la musique et certes le clavecin.Quatre ans après sa mort, sa veuve Anne d’Autriche offre àleur fils Louis Dieudonné son premier instrument qu’oninstalle au Palais-Royal, puis un autre au Louvre et deux ita-

2 L’école françaisedu clavecin auXVIIIème siècle a été traitée dansmon ouvrage Le Clavecin desLumières, chez lemême éditeur.

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liens aux Tuileries. Elle-même est bien entourée:Chabanceau de La Barre, joueur d’épinette en titre, l’amiChambonnières, l’organiste voisin Richard qui initie l’enfantroi au clavecin et, venu d’Espagne, Jourdan de la Salle à laguitare. Jusqu’à la fin de ses jours on verra Louis XIV entre-tenir une affectueuse familiarité avec ses musiciens, lesd’Anglebert, Delalande, Marin Marais ou FrançoisCouperin.

Clavecin signé des initiales D.F.fin du XVII° siècle, collection particulière,

un des rares clavecins de l’époque de Louis XIV aujourd’hui conservés.Photo tous droits réservés.

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Clavecin par Mersenne, gravure ancienne dans L’Harmonie Universelle, 1636.Photo DR.

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Chapitre ILes facteurs de clavecins

Les originesLe terme de clavecin1 n’apparaît tardivement en France

qu’au début des années 1600, dans l’inventaire après décèsde Pierre I Chabanceau de la Barre, organiste de St Eustacheet de Notre-Dame :

Item ung clavesin couvert de bazanne rouge non ferré ni garnyItem ung petit manicordyon de boys blancItem une espinette couverte de bazanne rouge à une serrure non fer-mant garny de deux tresteauxItem une autre petite espinette couvert en cuir noir a une serrure fer-mant a clefItem une autre espinette couvert de cuir noir doublé de satin deBurgos vert a une serrure fermant garnye de ses tresteaux de boysde chesne.

Le plus ancien clavecin de facture française qui nous soitparvenu date de 1648, œuvre de Jean II Denis2. Pourtant lesluthiers sont très nombreux, et depuis longtemps, à progres-sivement se spécialiser dans la fabrication d’épinettes et declavicordes, selon des critères typiquement nationaux. SiParis, nous le verrons, est le centre principal de cet artisanat,il n’est pas pour autant le seul: la Cour de Bourgogne depuisle XVème siècle par exemple est un creuset musical dontArnaud de Zwolle décrit avec précision un instrumentariumextrêmement raffiné et complexe. Mais c’est généralementdans les villes à la fois fortunées et desservies par des voiesd’eau favorables à leur transport que l’on va rencontrer cescoûteux et délicats instruments durant deux siècles : à Lyon etdans la vallée du Rhône avec Pierre et Honoré Delœuvre auXVIème, Claude Dufour au XVIIème, et plus tard au XVIIIème

1 Furetière(Dictionnaire uni-versel-1690): “Leclavessin est uneespece d’espinettedans une autredisposition declavier. Ce nomluy a ete donné, a cause de cespetites pointes deplumes qui tirentle son des cordes,qui ressemblent àdes epines.”

2 Conservé au Musée del’Hospice Saint-Roch à Issoudun.

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Collesse, Le Tourneur, Bas et Kroll. Originaire de Bruges,François Donzelague est installé à Aix-en-Provence dans lesannées 1650, et ses fils Pierre et Martin-François perpétuentses activités à Lyon, où, sans approcher jamais la Cour roya-le, ils seront tous deux en contact avec Jean-PhilippeRameau dans les deux dernières années du règne3. AToulouse travaille Vincent Tibaut4, à Tours Victor Cothon,qui livre en 1696 une espinète à la comtesse d’Angoulême, àPoitiers un certain Montazeau, à Reims Gosset dont un cla-vecin de 1721 est répertorié, et à la Cour ducale de LorraineJean Renault, Claude Legros et M. Marchal. Quelquesluthiers provinciaux fabriquent à l’occasion desclavecins comme Gairaud à Nantes, mais aussi des religieuxanonymes comme ce cordelier d’Avignon ou ce dominicainde Toulouse. Le facteur d’orgue Antoine Lefebvre, originai-re de Saint-Omer, travaillera successivement à Rouen,Toulouse, Bordeaux et Bagnères-de-Bigorre et construiraplusieurs instruments à cordes pincées dont un clavecin, uneépinette et un virginal nous sont connus.

Il n’empêche que la France accuse un sérieux retard faceà ses voisins étrangers : l’eschequier que mentionne Jean 1erd’Aragon en 1387, le clavicimbalum de Hermann Poll àPadoue en 1397, celui d’Arnaud de Zwolle en 1440, le cla-vecin d’Albariel en Espagne en 1469, le clavicytherium alle-mand de 1480, sont les plus anciens témoignages qui noussoient parvenus de la haute époque. Le XVIème siècle estextrêmement riche, en Italie avec Trasuntino, Baffo,Celestini, Padovano, comme en Flandre avec les premiersRuckers, Karest et Bost. Et le XVIIème voit dans toutel’Europe une éclosion considérable de la facture de clavecin,toujours en Italie (Vincentus de Prato et Poggi de 1610,Bolcioni de 1627, Albana de 1628, Fabbri de 1636, Zenti de1637, Migliais de 1680), en Espagne (Berganos de 1629,Risueno de 1664, Jovernadi de 1676), et en Europe centrale(Mayer, Zeiss, Herz, Miklis). Paradoxalement, alors qu’àcette époque l’Angleterre connaissait l’âge d’or de son écri-ture pour clavier, il semble, à en croire la description desinstruments que possédait Henry VIII, que la plupart étaient

3 Il existe aujour-d’hui plusieursmagnifiquesclavecins desDonzelague: l’unse trouve à la VillaMédicis, un autreau Musée des Artsdécoratifs deLyon, et huit sontrépertoriés dansdes collectionsprivées. 4 Trois instrumentsde Tibaut sontaujourd’hui conservés : enFrance dans lacollection YannickGuillou (1681) et à la Cité de laMusique (1691), à Bruxelles auMusée instrumen-tal (1679).

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importés de Flandre ou d’Italie.Alors que rien n’a hélas subsisté de la production d’épi-

nettes et de clavicordes français de la Renaissance, on peutcependant se faire une idée de la facture des instrumentsconstruits par les nombreux luthiers parisiens du XVIème siè-cle, influencés à la fois par l’Italie et par les Flandres, bienque les archives des communautés de maîtres faiseurs aienttoutes disparu. Comme dans la facture italienne, clavecin etépinette pouvaient comporter une caisse extérieure tendue detissus ou d’un cuir appelé basane5, et comme dans la factureflamande, du papier imprimé recouvrait l’entourage des cla-viers. Si les plus petites épinettes étaient souvent montées encordes de quatre pieds, sonnant donc à l’octave supérieure(c’est l’ottavino italien), les clavecins possédaient un oudeux claviers, le clavier supérieur étant parfois dévolu auseul quatre pieds quand l’inférieur pouvait avoir deux huitpieds, répartition qui sera plus tard modifiée6, l'accouple-ment des claviers se faisant au moyen du pied de biche7.Lessautereaux français sont munis de plectres en plume et deressorts en soie de sanglier tandis que les becs des italienssont de cuir et les ressorts de laiton. La facture françaiseapparaît donc au XVIIème siècle dans toute sa perfection,synthèse d’une ancestrale école nationale d’épinétiers et descourants italiens et flamands, représentés par Ruckers en par-ticulier, et dans toute sa splendeur comme le révèle cetteannonce parue en 1704 dans la Liste des avis : Un tres-beau& bon Clavessin à deux claviers, de beau bois de Grenoble,le pied de mesme bois, & le dedans enrichi de belles peintu-res en mignature, qu’on donnera pour un prix raisonnable…Le bois de Grenoble étant bien sûr du noyer.

InventionsMalgré les exigences des communautés d’artisans restrei-

gnant les velléités d’inventions, les facteurs français du siè-cle du Roi Soleil ne se contentent pas d’une facture unifor-me, et semblent avoir grandement sollicité leur imagination.Il n’est rien resté des clavecins organisés, ni des clavecins àpédaliers que l’on trouve régulièrement mentionnés dans les

5 Dictionnaire deRichelet: “Basane:Peau de moutontannée, & travail-lée par le peau-cier, de laquelleon se sert pourcouvrir les Livres.”

6 Praetorius sug-gère de placer unevirginale de 4 piedssur un clavecin de8 pieds.

7 Base dusautereauallongée pouvantrépondre à un ouà deux claviers.

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inventaires d’ateliers, les premiers réunissant dans un mêmecoffre un petit cabinet d’orgue et un clavecin, produisant unmélange savoureux de sons pincés et tenus. On sait quePierre Chabanceau de la Barre, claveciniste de la reine Anned’Autriche, intentait un procès en 1637 au facteur d’orguesValeran de Heman pour la commande non honorée d’unorgue devant être placé sous un clavecin. L’artisan prometd’agencer trois jeux d’orgue (une flûte sonnant huit pieds,une flûte sonnant quatre pieds et une musette de huit pieds)sous le dit clavecin, ouvrage qu’il rende bien et deuementfaict et parfaict au dire d’expers et gens a ce cognois-sans... Les clavecins à pédaliers quant à eux étaient desinstruments comportant un clavier de pédales semblable aupédalier de l’orgue. Les organistes ont très tôt utilisé ces cla-vecins doublés d’un pédalier leur permettant de travailler àdomicile, lorsque l’église leur était difficile d’accès en raisondu calendrier, du froid ou de l’absence de souffleur. Munid’un abrégé, soit le pédalier est simplement relié aux touchesdu clavier par des fils, en tirasses, soit il actionne un vérita-ble clavecin, ayant sa propre mécanique avec ses sautereauxet ses cordes, que l’on place sous le corps du clavecinmanuel. On sait que certains clavecins allemands duXVIIIème siècle ont eu jusqu’à trois claviers8, et il existe à laBibliothèque des Arts décoratifs à Paris deux gravures datéesde 1688 représentant une dame jouant sur un clavecin destyle français qui pourrait bien posséder trois claviers9, maisaucune trace de ce type d’instrument n’est demeurée enFrance, pas plus dans la facture que dans le répertoire10. Cesinstruments possédant trois claviers étaient plus probable-ment des clavecins organisés comme il est question danscette annonce commerciale de la Liste des avis en 1703 : UnClavessin de bois de noyer à trois Claviers avec le pied demême bois tres-propre, & bien conditionné fait par unFlamand, de manière qu’on peut y mettre quelque jeu d’or-gue ; le prix est de vingt-cinq pistoles au dernier mot, il acoûté plus de cinq-cens livres…

Les tracas du voyage, tellement fatal à ces instrumentsaussi fragiles qu’encombrants, inspiraient à un original artisan

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8 Un Hass de1738 à troisclaviers com-prenant trois 8pieds, un 4 pieds,un 2 pieds et un16 pieds estaujourd’hui la pro-priété du claveci-niste RafaëlPuyana.

9 Mersenne en1636 décritl’Eudiharmosteayant comportéplus de trois rangsde cordes surplusieurs claviers:un ou deux 8pieds, un 4 pieds,une quinte et un 2 pieds : “sept ouhuict sortes deieux, & deux outrois clauiersactionnés parplusieurs petitsregistres, cheuilleset ressorts.”

10 Dictionnaire desArts et desSciences (1694):“Il y a desclavessins à unseul clavier.D’autres en ontdeux, quelquefoisjusqu’à trois.”

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un clavecin auquel Louis XIV réservait un accueil chaleureux :Notre bien aimé Jean Marius nous a fait remontrer que parl’expérience qu’il s’est acquis dans les Mathématiques, il ainventé depuis peu un Clavessin brisé et portatif, lequel ayantésté veu et examiné en notre Académie royale des Sciences etpar les quatre organistes de notre chapelle, ils en ont trouvél’invention si ingenieuse et si commode, qu’ils ont persuadé àl’exposant d’en faire faire pour les vendre et debiter au public.Mais craignant qu’apres avoir fait beaucoup de depense pourfaire faire plusieurs de ces clavessins, les ouvriers de Paris etde la campagne ne tachent de les imiter, contrefaire et debiter,ce qui luy causeroit un tres grand prejudice et l’empescheroitde profiter du fruit de son invention et de son travail, il nous atres humblement fait supplier de luy vouloir acorder nosLettres de privileges sur ce necessaires. A ces causes, nous luyavons permis de faire ou faire seul, par tels ouvriers que bonluy semblera, des clavecins brisez portatifs de son invention, aun et a deux claviers et de toutes sortes de grandeurs, de lesperfectionner comme il avisera et suivant la description qu’ilen a laissée a lad. Academie, de les orner de tels ornemensqu’il jugera convenables pour les rendre plus beaux et plusagreables et d’y mettre a chacun uns marque particuliere pour

Clavecin brisé de Marius, Musée du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris.Photo DR.