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Le défi de l’intérioritémonastère de moniales soit précédée par celle d’un couvent de Pères21. Le 25 octobre 1586, Brétigny écrit une lettre pleine d’enthousiasme à

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Ledéfidel’intériorité

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SousladirectiondeJean-BaptisteLecuit

Ledéfidel’intériorité

LeCarmelréforméenFrance,1611-2011

AveclaparticipationdeJacquesARÈNES,ChristianBELIN,Jean-Louis

CHRÉTIEN,JacquesGAGEY,FabienneHENRYOT,Bernard

HOURS,Jean-BaptisteLECUIT,Stéphane-MarieMORGAIN,

OlivierROUSSEAU,GillesSINICROPI

DescléedeBrouwer

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qualitédevicairegénéral deGênes11 d’implanter des couventsen Italie, était sans aucune valeur12. L’aide de la Républiquegénoise et celle des ambassadeurs espagnols à Gênes serontnécessaires pour obtenir du pape l’autorisation d’établir unemaisonle10décembre158413.

En conclusion du chapitre provincial de Lisbonne de mai1585, lepèreJérômeGratienaffirmeradanssonApologia,quela fondation de ce couvent avait été la réalisation la plusimportante de son triennat parce qu’elle fortifiait l’Ordre,rendait possible les négociations pour l’édification d’unemaison à Rome et ouvrait la voie à des vocations pour lesFlandresetlaFrance14.Devenuprovincialenmai1585,NicolasDoria s’empressera d’élever la résidence génoise au rang deprieuré,ledotantd’unnombresuffisantdefrères15.Ilyétabliraunnoviciatpuisunstudiumdephilosophieetdethéologiesurle modèle de ceux que possédaient les déchaux à Alcalá deHenares et Salamanque. La même année commençait laconstructionducouventetdel’égliseactuellegrâceàunlegsdugénois Baldassarre Cattaneo récemment décédé en Espagne16.Lacommunautéaugmentadeplusieurséléments,dontFerdinanddeSainte-Marie(Martinez,1558-1631)17etplustard,Pierredela Mère de Dieu (Pierre Jérôme de Villagrasa, 1565-1608)18,tous deux destinés à être les protagonistes de l’expansion desdéchauxetdel’érectiondelacongrégationd’Italie.En1586,lacommunauté comptera déjà douze membres, plus quelquesnovices19.

Soulignons que c’est au cours du chapitre provincial dePastrana (octobre 1585) qui faisait immédiatement suite à laceluideLisbonne,que leRouennais JeandeBrétigny,dont lenom est tellement attaché à l’histoire du Carmel, formule

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officiellement la demande d’une fondation de carmélites enFrance. Loin d’y être opposés, les Pères le nomment« procurador » pour l’introduction du Carmel déchaussé enFrance20. Ils émettent cependant deux conditions à cetteréalisation : l’autorisationd’Henri IVetque la fondationd’unmonastèredemoniales soitprécédéeparcelled’uncouventdePères21.

Le 25 octobre 1586, Brétigny écrit une lettre pleined’enthousiasmeàDonPedroCerezoPardopourluifaitpartdelabonnenouvelle:

« J’ai traité avec le Pere Provincial [NicolasDoria] et les principauxPerescarmes dechaussez, gens veritablement saints qui imitent la pauvreté deJesus-Christ, afin qu’ils passassent en France où par l’exemple de leur viefussent maîtres de la vraie vertu et de l’ancienne religion de l’Egliseprimitive.Ilsm’ontdonnéparoled’exposerleurviepourcela22…»

Danslamêmeveine,BrétignylanceunevibranteexhortationauxcarmesdeSéville:

«Hé!mesPeres,quiest-cequiveutfairelavolontédeDieu?Quiest-cequileveuthonorer?Quiest-cequileveutsuivreetendurerpourlui?Quiest-cequiveutvenirenFrancemenerunevieapostoliqueàlagloiredeJesus-Christ,àl’honneuretexaltationdelasainteEgliseetàservird’exempleauxfidelles ? qui veut venir vivre et mourir pour Jesus-Christ et en Jesus-Christ?Nonàsereposer,nonàdeshonneurs,desbeauxpallaisdorezniàdes tables bien couvertes,mais à endurer, vivre en pauvreté, en nécessité,êtrepersécuté,injurié,abhorré,àtravaillerdesmainspoursanourriture?Jesçai bien,mesPeres, que je nevous fais point depeur envousdisant ceschoses.Ilsembleplutôtvousvoir tousembrassezetenvieuxdejouirdecebonheur. […] Enfin, mes Peres, demandez misericorde pour ce royaume.Qu’ilenouvrelecheminetensoitleguide23!»

Ainsi, comme l’avait prédit Jérôme Gratien dans sonApologia, l’inauguration du couvent Sainte-Anne deGênes en

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1584 et l’intervention de Jean de Brétigny au chapitre dePastrana l’année suivante confirmaient la volontémissionnairedel’Ordreetannonçaientlafulguranteexpansiondesdéchauxàtraversl’Europe,laPerse,etc.

Parailleurs,JérômeGratienvoyaitjusteenaffirmant,danscemême discours, l’importance pour les déchaux de posséder uncouventàRome«têtedetoutelachrétienté».«Sanscemoyen,disait-il,toutenotreCongrégationestuncorpssanstête24.»Laconservationdel’Ordreetlaviedesesmembresdépendaientdecettecondition.L’histoiremontreralajustessed’uneintuitionàlaquellesainteThérèseaurait,cettefois-ci,volontierssouscrit.

LesCarmesdéchauxàRome

La fondation romaine des déchaux jouit de la volonté deClémentVIIIde réformer lesordres religieux, spécialement lesmendiants. Durant tout son pontificat, le pape examinera laqualitédel’observancechezlesreligieuxetformuleratouteunesériededécretsréformateurs25.

Deplus, lamésaventureduprieurgénéraldescarmes,Jean-Stéphane Chizzola, va indirectement jouer en faveur del’implantation des déchaux dans la Ville Éternelle. En 1594,Chizzola entreprend la visite canonique des couvents de lapéninsuleibérique.Lesproblèmescommencentl’annéesuivantelors de sa visite enAndalousie.Le25 août 1595 le provincialJérôme Ferrer, Ildefonse de Salinas et d’autres frères, seprésententdevantlenonceàMadridpourluiformulerdegravesaccusations contre le prieur général, notamment celles d’avoircommisunadultèreetd’avoiracceptédesdonscontrevenantàune récente constitution romaine du 19 juin 1594. LesmêmesdélitssontdénoncésparlettreauSouverainPontife.DeretouràRome en juin 1596, Chizzola est suspendu de son office et

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limitent pas au commerce de vins. Comme la plupart desmarchands de la Rouselle, où ils avaient eux-mêmes, nonseulement leurs chais, mais encore leurs saumentaria(saumoneries), ils se livreront au trafic du poisson salé, desépices, du pastel, du sel et du salpêtre. Ils feront fortune auxcôtésdeRamonAyquem,bisaïeuldeMontaigne, sanscomptermaints autres marchands dont, un siècle plus tard, lesdescendants compteront parmi les premiers magistrats duParlement. Bien que commerçants affairés et spéculateurs, lesMaknam sauront prendre part aux affaires publiques. Troisbranches sont issues de la même souche : les seigneursd’Angludet,lesseigneursdelaSalledeBruges,lesseigneursdeSalagourde,à laquelleappartient le futur fondateurducouventdeParis65.

Jean Machanam de Salagourde est né à Bordeauxvraisemblablement en 1584 de Jacques de Machanam et deMariedeLaMotte.Versdix-huitans,ilserendàRome«afinde seperfectionnerdans les artsqu’ony enseignait alorsdansles académies destinées à l’éducation de la noblesse66 ».Emporté par « l’attrait des plaisirs et des divertissements dumonde », il y mène une vie dissolue, jusqu’au moment de saconversion.Après une retraite chez les pères de laCompagniede Jésus, il découvre les œuvres de Thérèse de Jésus, sedétermine à entrer dans la Réforme et demande l’habit aunoviciat des carmes du couvent de la Scala en 1600. Il feraprofession sous le nom de Denys de la Mère de Dieu, aucouvent Saint-Anne de Gênes le 18 octobre 1601, entre lesmains du père Ferdinand de Saint-Marie, alors prieur de cemonastère. En 1608, il est envoyé en Avignon avec le pèreCésaire de Saint-Joseph (César Regard, 1581-1642), pour yfonderuncouvent67.PresqueaussitôtaprèssonretouràGênes

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etunbrefséjouràRome,ilpartpourLyonetParis.En1617,ilsera élu second définiteur provincial, et provincial le 19 avril1619. En 1622, il est envoyé en Avignon où il meurt le 21novembre de cette même année. Le père Denys, dont lessupérieurs avaient reconnu«unevivacitéd’esprit, une soliditédejugementetunevertuhorsducommun68»,estsurtoutconnupour son opposition farouche à Pierre de Bérulle dans laquestiondugouvernementdescarmélitesdeFrance69.

EnrouteversParis

Aux premiers jours de décembre 1609, Bernard de Saint-Joseph etDenys de laMère deDieu quittent doncGênes. IlsarriventenAvignonunpeuavantNoël.LepèreDenysretrouvelecouventetl’égliseNotre-DamedeNazarethfondésunanplustôt.Lesvoyageurssontfraternellementaccueillisparleprieur,lepère Agathange de Jésus-Marie (Jean-Auguste Spinola, 1579-1641) et par le père Césaire de Saint-Joseph, sous-prieur etmaîtredesnovices.Le13janvier1610,ilsquittentAvignonpourLyonoù ilsarrivent le22 janvier.C’estaucouventdescarmeschaussés où ils étaient logés qu’ils reçurent le 9 février 1610l’ordre de Ferdinand de Sainte-Marie, préposé général depuis1605,d’alleràParis70.

Verslafindumoisdemai,lepèreThomasdeJésus,quiavaitquittéRomeavecsescompagnonsle24avril1610,arriveàLyonmunid’unecollectiondebrefs:lepremierHocunosolatioétaitadresséàHenriIV,ledeuxièmeaucardinalFrançoisdeJoyeuse,le troisième aux archiducs pour les fondations en Flandre, ledernier pour l’évêque d’Anvers. Tous sont datés du XII descalendesdemai1610,soitdu20avril1610.LebrefdePaulVadressé aux archiducs désigne Thomas de Jésus et sescompagnons pour introduire en Flandres leCarmel déchaussé.

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L’Ordreestprésentécomme leplusapteàdéfendre la religioncatholique«desorteque, tantpar lavieexemplairequepar ladoctrineet laprédication, lescarmesconduisentetguident leshommessurlechemindusalut71».

C’est à Lyon que la petite troupe enfin réunie au complet,apprendlamortd’HenriIV.Aprèsavoirpatientéquelquetempsetbeaucoupprié, ilsdécidentdequitterlacapitaledesGaules.IlssontàParisauxalentoursdu26mai.Peudetempsaprès,lespères Louis de l’Assomption, François de Sainte-Marie,HilariondeSaint-AugustinetlefrèreSimonduCarmelpartirentpour les Flandres. Thomas de Jésus et Sébastien de Saint-François restèrentencorequelque tempspourconduireà termeles négociations pour la fondation du couvent de Paris. Lesaffairestraînantenlongueur,ilspartirentàleurtouretarrivèrentàBruxellesle20août.LespèresBernardetDenysdemeuraientseuls pour achever les démarches nécessaires à la fondation.Ellesdurèrentplusieursmoisavantd’aboutirfinalementl’annéesuivante.

ConclusionLescarmesdéchauxsontenfinàParisprêtsàérigerlecouventSaint-Joseph et ouvrir une page de l’histoire de l’Ordre. Pourparvenir à cette conclusion, nous avons parcouru un très vastepériple et survolé une longue période de trente ans. Notrepropos n’avait pas seulement pour objectif d’exhiber lafulgurante vitalité de la congrégation d’Italie pendant les dixpremièresannéesduXVIIesiècle,nil’excellenteréputationdelaviemenée par les frères, mais demettre en lumière un aspectimportantdecetteépoque.

Si les carmes de la congrégation d’Italie ont essaimé si

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ChapitreII

LescarmesdéchauxetlecouventSaint-JosephdeParis.Repères

chronologiquesetbibliographiquesGillesSinicropi

PremièremoitiéduXVIIesiècleJuin1610 : arrivée àParis d’ungroupede carmesdéchaux

parmilesquelslesFrançaisDenisdelaMèredeDieuetBernarddeSaint-Joseph.14mai1611 : dondeNicolasVivien,maître à laChambre

desComptes,debâtimentssituésrueCassette-ruedeVaugirard.20mai1611 :demandedéposéeauprèsde l’abbédeSaint-

Germainpourobtenirunechapelleprovisoire.22 mai 1611 : autorisation d’installation délivrée par

l’évêquedeParis,HenrideGondi.22mai 1611 : bénédiction de la chapelle provisoire par le

nonceUbaldini.15 juin 1611 : enregistrement au Parlement des lettres

patentes.6novembre1611:consécrationd’unepremièreégliseédifiée

parJeanduTilletdelaBussière,greffierenchefduParlement.7février1613 :cérémoniedeposedelapremièrepierredu

couvent,parNicolasVivien.20juillet1613:cérémoniedeposedelapremièrepierrede

l’église,parMariedeMédicis.11août1615:achatd’unterrain,ruedeVaugirard.19 mars 1620 : bénédiction de l’église Saint-Joseph par

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CharlesdeLorraine,évêquedeVerdun.19 août 1620 : concession de la chapelle Sainte-Anne à

PierreBrûlart,vicomtedePuisieux,conseillerduroi.25août1620:achatdeplusieursterrainsauxmarguilliersde

Saint-PierredesArcis.24 novembre 1620 : achat d’une propriété attenante à ces

terrains.10 avril 1621 : concession de la chapelle Saint-Louis à

LouisBarrat,conseillerduroi.11 septembre 1621 : don d’un terrain rue Cassette par

NicolasVivien.4mai1622 :dond’unterrainsituéau lieu-dit la«Fosseà

l’Aumônier».25juin1622:achatd’unterrainsituéaulieu-ditla«Fosseà

l’Aumônier».21décembre1625:consécrationdel’égliseSaint-Josephpar

Charlesd’ÉtampesdeValençay,évêquedeChartres.1er février 1627 : concession de la chapelle dite de Saint-

Élie à René de Rieux, lieutenant-général du roi en Basse-Bretagne.22 mars 1627 : achat d’un terrain proche de l’enclos

conventuel.mai 1627 : permission accordée aux carmes déchaux

d’exposeràlavénérationdesfidèleslesreliquesdeThérèsedeJésus.1628:concessiondelachapelledeSaint-Jean-Baptisteetde

Saint-Albert à Jean-BaptisteMoronato, conseiller ordinaire duroi.1629/1630:achèvementdel’église.1630 : don d’une toile de Quentin Varin (Présentation de

l’EnfantJésusauTemple)parAnned’Autriche.

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1630 : concession de la chapelle Saint-Jean-Baptiste àNicolasVivien.28avril1633:achatd’unterrainsituérueduCherche-Midi.14 novembre 1633 : achat d’un terrain situé au lieu-dit la

«Fosseàl’Aumônier».1633-1635 : édification du maître-autel aux frais du

chancelierSéguier.23avril1635:achatd’unterrainsituéaulieu-ditla«Fosse

àl’Aumônier».29novembre1635:concessiondelachapelleSaint-Jacques

àJacquesd’Étampes,seigneurdeValençay,conseillerduroi.26 février 1640 : concession de la chapelle de Saint-Jean-

Baptiste et de Saint-Albert àDenis LeBouthilliers, conseillerd’État.26avril1640 :bénédictionde l’ermitageducouventpar le

visiteurgénéraldel’ordre.1642 :réalisationdudevantd’autelreprésentantThérèsede

Jésusenfant,partantévangéliserlesMauresavecsonfrère.1647 : réalisationdespeinturesde la coupoleparWalthère

Damery.2 avril 1650 : construction de l’autel Sainte-Thérèse aux

fraisdeGabrieldeCassaigne,seigneurdeTilladet,conseillerduroi.

DeuxièmemoitiéduXVIIesiècle24mars1655:élévationdel’auteldelaViergeauxfraisde

GuillaumedeLubert(LucdesAngesenreligion).1656 : réalisation des peintures décorant le chœur des

religieuxparlefrèreconversGeorgesdeSainte-Thérèse.8 septembre1663 : bénédiction de la statue de laVierge à

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Laprojectioncartographiquedecetteimplantationdéfinitivedes carmes déchaux en France révèle une géographieconventuelle aux variations régionalesmarquées. Comme pourd’autrescongrégationsreligieuses,ellereflèteàlafoisl’histoireetl’identitédesdisciplesfrançaisdeThérèsedeJésusetdeJeandelaCroix.

*

Lestroisquartsenvirondesétablissementsdel’ordresonteneffet implantés dans une large moitié est du royaume,successivement délimitée par la Seine, la Loire, et le Rhône(Fig.6).Auseindecevasteensemble, les régions frontalièresduNord,del’EstetduSud,laFlandre,laLorraine,laFranche-ComtéetlaProvence,concentrentl’essentieldesfondationsdesdéchaux.Ailleurs, lemaillagese faitplus lâche, laplupartdescouventsneconstituantquedesîlotsdispersés.Quellequesoitlarégion,leurlocalisationrévèleuneprédilectioncertainepourles zones relativement peuplées et urbanisées, les villesmoyennesetgrandes,plutôtquelesbourgsdetaillemodeste.Siles textes normatifs des carmes déchaux, contrairement à ceuxd’autresordresreligieux,n’abordentquedesconsidérationstrèsgénérales20, les différentes archives conservées permettent, enrevanche, d’expliquer cette géographie conventuelle, dedistinguercequirelèved’uneréelletentativedequadrillage,decequin’estquelefruitdesollicitationsfortuites.Dansl’unetl’autrecas,soutiensetoppositionsconditionnentlaréussitedel’implantation.

À la lecture des différentes chroniques, les autoritéscarmélitainessemblentprocéderparétapes.Lapremièreconsisteà s’installer dans les principales capitales, qu’elles soient

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religieuses,politiques,culturelles,économiquesouprovinciales.L’exemple du couvent de Lyon est à ce titre tout à faitcaractéristique. À l’origine, Philibert de Nerestang, GrandMaîtredel’OrdredeNotre-DameduMont-Carmel,depassageàRome, visite les religieux déchaux et s’engage à fonder unemaisondeleurordre,nonloindel’unedesespropriétés,dansleForez.Leprojetn’aboutitqueprèsd’unedizained’annéesplustard, au terme de plusieurs tentatives, et non sans avoir étémodifiéàlademandedesreligieuxeux-mêmes.

«L’an1617,rapportenteneffetlesAnnales,N.R.P.BernarddesaintJosephProvincialrevenantduChapitreGeneral[…],vintàLyon,ety trouvaleditseigneur deNerestang, qu’il tascha de porter à faire son establissement enladitte ville de Lyon, lui remontrant qu’en cette grande Ville, Dieu seroitdavantage glorifié, et qu’il s’y feroit plus de Religieux, qu’au lieu par luydésigné⊠.»

L’exemple de la fondation de Marseille est également trèsintéressant car il illustre la transition vers une seconde étape.Parsonstatutetsalocalisation,cettevillecomplèteeneffet lequadrillage en cours, mais surtout, assure le relais avec lesdifférentesprovincesétrangèresdel’ordre.

«C’estunlieudegrandpassage,écritencoreLouisdeSainte-Thérèse, tantpournosChapitresGeneraux,quid’ordinairesetiennentenItalie,quepournosMissionsduLevant,veuquetouslesConsulsdesEscheles,etPortsoùtrafiquentnosFrançoisdanslesPaïsdesTurcs,sontordinairementdecetteville21.»

Plus généralement, il s’agit pour l’ordre de compléter lemaillageexistantauseinmêmeduroyaume.C’estcequisembleavoirmotivél’érectionducouventd’Orléans.

« Une Fondation en cette grande ville, justifie l’historien de l’ordre, nousestoit absolument necessaire pour le grand abord d’icelle, et pour la

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commoditédesConventsquenousavonsaudessus,commeNevers,Lyon,l’Auvergne,etaudessous,commeceuxdelaBretagne22.»

Parfois,ilarrivequeleprojetdesreligieuxrencontreceluidegénéreux donateurs ou fondateurs, souvent très proches del’ordre. Jean Morin, par exemple, président du Présidial deVannes,estlepèrededeuxcarmesdéchaux23.C’estégalementlecasdestroisfondateursdudésertd’Aquitaine,membresdelafamille deGourgues, proche duCarmel bordelais24. Adrien etMarie Le Ricque instituent les carmes déchaux légatairesuniversels afin de fonder un couvent àArras, « pour la bonneaffection qu’ils portoient à l’Ordre, et au respect etconsideration du […] Pere de Jean de Jesus-Maria », leurfrère25. Dans quelques régions très spécifiques, rattachéestardivementauroyaumedeFranceoudépendantd’uneprovincefrançaise, le Comtat, la Lorraine, ou la Flandre, ce sont desmembresde labranchefémininede la réforme thérésiennequi,déjà installées, sollicitent l’établissement de leurs frères enreligion, à qui elles reconnaissent exclusivement les fonctionsde directeurs spirituels et de visiteurs.Ce que Joseph Forneryprésente comme une véritable stratégie d’implantation descarmes déchaux26 est attesté dans quelques cas comme àCarpentras27. Il arrive même, bien que très rarement, que desfondations masculines soient financées par une religieuse del’ordre.C’estlecas,enparticulier,àChambéry,oùMarie-Liessede Luxembourg, Marie-Liesse de Sainte-Thérèse en religion,épouseduDucdeVentadour,fondatriceduCarmeldelaville28,décide également, en 1639, de devenir celle de l’établissementdescarmesdéchaux29.Certaines sœursdu royaumedeFrance,quinesontdoncpas«sousl’ordre»,ontpuégalementorienterle choix d’un fondateur potentiel vers la branche masculine.

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entreprendre sans argent ny credit, d’achepter des places pour bastir desConvents, et des Eglises, fournir desOfficines, et faire des despences quedespersonnespuissantesetrichesn’oseroiententreprendre?PartantondoitbiendirequeledoigtdeDieuyest75.»

Figure1

LescarmesdéchauxenFrancesousl’AncienRégime:listedescouvents

(horsfondationséphémèresouavortées)

Couvents fondés avant leur rattachement à une provincefrançaiseCouvent français régulièrement affilié à une province

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étrangère

Figure2

LescarmesdéchauxenFrancesousl’AncienRégimeRépartitionchronologiquedescouvents

(horsfondationséphémèresouavortées)

Figure3

L’installationdescarmesdéchauxenFrance:jusqu’en1629

(limitesactuelles)

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(horsfondationséphémèresouavortées)

Figure4

L’installationdescarmesdéchauxenFrance:de1630à1659

(limitesactuelles)

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ObservanceetRégularité»(p.308).55. Ibid., p. 749 ; Bibliothèque du couvent des carmes

déchaux de Montpellier, registre cité, p. 19-20 ; A.G.O.C.D.,plut102g.

56. Ibid. Les termes de ces permissions sont repris, motspourmots,dansLOUISDESAINTE-THÉRÈSE,op.cit.,p.750.

57.LOUISDESAINTE-THÉRÈSE,op.cit.,p.323-325 ;A.M.d’Aix-en-Provence,BB102etBB112;A.D.desBouches-du-Rhône, 14 H 2 ; Jean-Scholastique PITTON, Annales de lasainteEglised’Aix,Lyon1668,p.279.

58.Lescinqautresprovincesquivoient le jour sontcellesdeGênes,deRome,dePologne,deLombardieetdeFlandre,àlaquellesontrattachéslescouventsdeDouaietdeLille.

59.LOUISDESAINTE-THÉRÈSE,op.cit.,p.269.60. Le premier ensemble se compose des couvents

d’Avignon,deLyon,deToulouse,deLimoges,deBordeaux,deMarseille et deClermont.Le secondcomprend lesmaisonsdeParis,deNancy,deCharenton,deMeaux,dePont-à-Mousson,de Gerbéviller, de Rouen, de Nevers, de Vannes et de Bar-le-Duc.

61. La nouvelle province ne compte en 1641 que sixcouvents,ceuxdeBlayeetdeCahorss’ajoutantauxquatredéjàcités.

62. A.D. du Nord, B 19 698. Les autres couvents serontregroupésauseind’uneprovincedite«wallo-belge»,dédiéeàsaintCharlesBorromée.

63.LettrepubliéedansRené-FrançoisFLAHAULT,«Noticesur lecouventdesCarmesdéchaussésdeDunkerqueet sur lesdévotionsquiyétaientenhonneur»,dansAnnalesduComitéFlamanddeFrance,1892,p.251-430,particulièrementp.360-

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362.64.BibliothèquenationaledeFrance(B.N.F.),4LD19-38,

Mémoire instructif des différents des religieux CarmesdechaussezdelaProvincedeParis,sanslieunidate[1683],p.15.

65. Lors des premiers débats relatifs à l’autonomie descouvents bretons, normands et picards, en 1649-1650, lesopposantsauprojetavancentdéjàdesarguments«nationaux»(A.N., L 766, Mémoire sur les differens des CarmesDechaussez, de la Province de Paris. Touchant la resistancequefontquelquesReligieuxauxDecretsduChapitreGeneral,sanslieunidate,p.17).

66.A.G.O.C.D.,plut102g.67. A.N., 4 AP 17, p. 400. Les Annales de LOUIS DE

SAINTE-THÉRÈSE apportent une information contradictoire.D’après les listes publiées en fin de volume, le couvent deDunkerque,en1665,demeureaffiliéàlaprovinceflamande(op.cit.,p.793et795).

68.A.N.,4AP17,p.400.69. Voir en particulier A.D. du Nord, B 19 698, lettres

datéesdu13août1680;lettresdatéesde«1677ou1680»etdu 27 juin 1681, publiées dansRené-François FLAHAULT, art.cit., p. 359-362 ; actes capitulaires de 1686 (Acta capituligeneralis O.C.D. Congregationis S. Eliae, Paravit et ediditAntonius Fortes O.C.D. archivarius generalis, 5 vol., Rome,1990-1996,vol.2,p.559),etde1689(Ibid.,p.580).

70.Actacapituligeneralis…,op.cit.,vol.3,p.37.71.Voircitationintroductiveduprésentchapitre.72. Voir G.M. CROCE, « Un courant érémitique à travers

l’Europemoderne:lescongrégationsdeCamaldulesduXVIeau

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XVIIIe siècle », dansNaissance et fonctionnement des réseauxmonastiques et canoniaux, Saint-Étienne, 1991, p. 647-686,particulièrementp.662.

73.VoirPhilippePEYRON,«FrançoisedeNérestang(1591-1652) : une abbesse réformatrice au XVIIe siècle », dans Lesreligieuses dans le cloître et dans le monde, Saint-Étienne,1994,p.573-595.

74. CHÉRUBIN DE MARCIGNY, Eloge funèbre de MessireJeanClaudeMarquisdeNerestang,Lyon,1639,p.11.

75.LOUISDESAINTE-THÉRÈSE,op.cit.,p.3.

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àlafoismarqual’apogéeetsonnaleglasdu«despotisme»deHyacintedeSainte-Marguerite:ilréussitàfaireélireprovincialBénignedeSainte-Euphrosine,neveudupèreAnastase.Maisilomit de lire une lettre du roi qui rappelait l’obligation del’intersticedetroisanspourl’électionauxchargesetdénonçaitla pratique des élections « postiches », et une autre del’archevêquequiproposaittroisnomspourlechoixduprieurdeLyon.Audébutde l’automne, lasanction tomba :par lettredecachetHyacintedeSainte-MargueritefutenferméaucouventdeCarpentrasd’oùilfutensuitetransféréàGrenoble,etHilairedelaMèredeDieuàAvignon.Exiletenfermementn’apportèrentpas l’apaisementà laprovincequis’enfonçadansunedivisionencore plus profonde, chaque partie inondant de mémoires etsuppliques le secrétaire d’État et la commission. Il fallutl’intervention directe du pouvoir royal dans les chapitres de1776 et celui, anticipé, de 1778 pour établir la paix entre lesdeux camps. Le dernier, présidé au nom du roi par l’évêqued’Alès,MgrCortoisdeBalore,opéralaréconciliationenfaisantélireprovincialunvieuxreligieuxquis’étaittenuàl’écartdelapolémique,Joseph-MariedeSaint-Antoine,etenpartageantleschargesentre les tenantsdesdeuxcamps.Lechapitrede1781confirmal’apaisement.

On distingue mal, dans cette querelle, quelles motivationslégitimespouvaientanimerlepèreHyacinte,sionnelametpasen relation avec le débat que suscita à l’échelle de l’ordre, larédactiondesnouvellesconstitutionsdemandéesparlepouvoirroyal. Celui-ci convoqua un chapitre national pour lemois demai 1770, ce qui constituait une nouveauté à l’échelle del’ordre,chapitrequieutàexaminerleprojetderéformesoumispar le président de la commission, Mgr Loménie de Brienne,archevêque de Toulouse. Les modifications adoptées par lechapitre portèrent plus sur le régime que sur l’observance. Il

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fallaitêtreâgédequaranteanspourêtreéluprovincial,detrenteans pour être prieur. L’obligation de la vacance sexennale detroisannéesétaitrappeléeetlesdeuxtiersdessuffragesétaientindispensablespour ledeuxième triennatconsécutif tandisquelapluralitédessuffragessuffisaitpourêtreéluprieurdansuneautre maison. Quelques points d’observance étaient précisés :lesmatinesétaientfixéesàminuit,uneheured’oraisonmentaleétait retranchée sur lesdeux initialementprévues, ladisciplinecommunautairetroisfoisparsemainen’étaitplusobligatoire,demêmequelejeûnerégulierpourlesjoursdeprofessionetpourmardi-gras, l’usage des chaussures et des mouchoirs étaitautorisé, on ne pouvait sortir sans permission écrite du prieur.Enfin le chapitre maintenait une maison de récollection parprovince mais le séjour n’y durait plus obligatoirement uneannéeentière.

SollicitéàlademandedeLoméniedeBrienne,legénéraldescarmes, Eusèbe de Sainte-Marie, différa sa réponse avant derenvoyer un texte qui comportait de nombreusesmodificationssur l’observance d’une part (il désapprouvait la plupart desmitigations mentionnées ci-dessus), sur le régime de l’autre :notammentilproposaitderenforcerlesprérogativesdesanciensprovinciaux en leur attribuant voix délibérative aux chapitresconventuels et provinciaux dans lesquels ils siégeraient à uneplace honorifique. Ce qui nous importe ici, n’est pas d’abordl’enlisement des discussions jusqu’à l’élection en 1779 d’unnouveaugénéral,HilariondeTouslesSaints,ancienprovincialde Paris, qui fit adopter par le chapitre général les nouvellesconstitutions pour les maisons françaises de l’ordre, sans lesmodifications apportées par son prédécesseur. Le texte futexpédié aux provinciaux, mais il n’est pas sûr qu’il soiteffectivement entré en vigueur, à l’instar de la suppression detrois maisons dans la province d’Avignon malgré les lettres

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patentesquil’avaientdécidée.Ilnousintéresseplusdereleverlaréactionetladivisionquesuscital’attituded’EusèbedeSainte-Marie.Laplupartdessupérieursfrançaisprotestèrentcontrelesmodifications qu’il avait apportées aux propositions issues duchapitrenationalde1770.Leseulprovincialànepasrallierlafronde fut justement Hyacinte de Sainte-Marguerite.Opportunismeouconvictionsincère, ilestdifficilede trancherentre lesdeuxvisionsdesonattitude.Forceestdereconnaîtreque le renforcementde l’influencedesprovinciaux,voulueparlegénéral,allaitdanslesensdelapolitiquequ’ilavaitconduitedans sa province.Dès lors, il est tentant de poser l’hypothèsequelaquerellesoulevéedanslaprovinced’Avignonnerésultaitpas du seul appétit de pouvoir d’un homme, mais plusprofondément d’une divergence de conception sur lagouvernance et le régime de l’autorité au sein de l’ordre.À laconception traditionnelle qui reposait sur la collégialité,s’opposaitunevisionplusautoritaire,prônantuneplusgrandeconcentration des pouvoirs entre les mains des supérieurs.D’une certaine manière se rejouait au sein de l’ordrel’affrontement entre la conception traditionnelle de l’exercicedélégué de l’autorité souveraine dans les juridictions royalescollégiales,etcelleplusmoderned’unautoritéincarnéedanslescommissairesroyauxdégagésducontrôledesces instances.Ledébat sur les constitutionsouvertpar la commission, révéla enquelquesorteunepolitisationdespositionsauseindel’ordre.

Lafaiblessedumouvementréformateur

IlfournitégalementàunauthentiquedésirderéformeportéparleprieurducouventdeCharenton,HilairedeSaint-JeandelaCroix, l’occasiondes’exprimeraugrandjour.Soninitiativeparut d’abord se confondre avec le débat sur la rédaction des

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faudraitreprendredeplusprèsl’étudedesouvragesscolastiquesécrits par les carmes, car le thomisme a été au cœur de laquerelle théologique et du partage des camps, cf. Sylvio deFRANCESCHI,LaPuissanceetlaGloire.L’orthodoxiethomisteau péril du jansénisme (1663-174) : le zénith français de laquerelledelagrâce,mémoireinéditpourl’habilitationàdirigerdesrecherches,universitéParis-IV-Sorbonne,2010,àparaître.

6.http://www.frantext.fr/7.Voltaire s’enprendnotammentà la richesse immobilière

descarmesparisiens,depuisétudiéeparPrestonPERLUSS,Lescommunautés régulières d’hommes de la rive gauche dansl’universurbainparisienduXVIIIesiècle,Lille,Ateliernationalde reproduction des thèses, 2004 ; « Deux exemples defonctionnementurbain:lescouventsdecarmesdelarivegaucheparisienne au XVIIIe siècle », dans Carmes et carmélites enFranceduXVIIesiècleànosjours,Paris,Cerf,2001,p.19-50.

8.Claude-AdrienHELVÉTIUS,De l’homme, de ses facultésintellectuellesetdesonéducation,ÀLondres,chez laSociététypographique,MDCCCLXXIII,sectionXIX,ch.18.

9. Pierre CHEVALLIER, op. cit. ; Suzanne LEMAIRE, Lacommissiondesréguliers1766-1780,Paris,L.Tenin,1926.

10.Ibid.,p.82.11.Ibid.,p.219.12. En avril 1769, un certain Rustou avait dénoncé à la

commission l’inutilité de deux établissements du même ordredanslaville,lesagissementsautoritairesetpartisansdel’undesdeuxprieurs, la richessedes religieux, laconduitescandaleusedecertainsd’entreeuxetlaconcurrencedéloyalequeconstituepour la profession des apothicaires la présence d’une officinedans l’enceinte du couvent. Pour l’archevêque, il s’agissait

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probablement « d’un apothicaire du faubourg duChartron quiestfâchédeperdre,ouquicroitqu’ilseroitdeplusgrandprofitsi ces Religieux n’avaient pas une apothicairerie, et que cetapothicaireaeuquelque relationavecquelque frèremécontentqui se sont plaints [sic] à luy », lettre du 20 juin 1769 àl’archevêquedeToulouse,citéeparGillesSINICROPI,op.cit.,p.582-583, n. 1006. L’apothicairerie du couvent des ChartronsrendaitdetelsservicesquelapopulationapportasonappuiauxreligieuxaudébutdelaRévolution,etlefrèreapothicaire,unefois sécularisé, se vit offrir un local par la municipalité pourcontinuersonactivité.

13.LettreaucomtedeSaint-Florentin,10février1768,citéeparGillesSINICROPI,op.cit.,p.583n.1006.

14. Tout ce paragraphe est étroitement tributaire descomptagesminutieuxeffectuésparGillesSINICROPI,op.cit.,p.613-624,annexes347-362.

15. Philippe GOUJARD, L’Europe catholique au XVIIIesiècle.Entreintégrismeetlaïcisation,Rennes,PUR,2004.

16.Nousfaisonsunesimplementiondelatensionentrelespères choristes et les frères convers qui se fait jour à cetteoccasion d’abord puis surgit de nouveau au moment de laRévolutiondanslesdemandesadresséesàl’Assemblée,maisquitraverse l’ensembledesordres religieuxetn’estpas spécifiqueauCarmel,cf.GillesSINICROPI,op.cit.,notammentp.29-630.

17.L’éditdu3mars1768,inspiréparlacommission,allaitfixerlaconventualitéminimumàdixreligieuxpourlescarmes.

18.LettreduP.Anastaseà l’archevêquedeReims,26 juin1767,Arch.nat.,4AP16,citéeparGillesSINICROPI,op.cit.,p.583.

19. Lettre du P. Anastase à l’archevêque de Reims, 8

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septembre1766,ibid.,p.581.20. Lettre du P. Amable à l’archevêque de Reims, 21

septembre1766,ibid.,p.581-582.21.Lettredu11juin1767,ibid.,p.584.22.Lettredu8mai1767,ibid.,p584.23.Id.,MémoireduprovincialdeFranche-Comté,p.193-

197.24. Ce paragraphe doit l’essentiel de son information au

travaildeStéphaneGUYON,LecouventdescarmesdéchaussésdeLyondesafondationàlaRévolutionfrançaise,mémoiredemaîtrise,universitéJeanMoulin-Lyon-III,1997,p.108-126.

25.Unconventuelestunreligieuxdechœur,prêtre,ayantaumoinstroisansdeprofession.

26.BernardHOURS,MadameLouise,princesseauCarmel,Paris,Cerf,1987,p.324-329.

27. Arch. nat., LL 1495, Liber secundus Actum capituliconventualis Conventus Sti Josephi Parisiensis CarmelitarumDiscalceatorumabanno1652usqueadannum1778,p.335.

28.«Quantauxpèresduchapitre,ilsontétébienétonnésetunpeumortifiésàlavuedubrefdeVotresaintetéetdeslettrespatentes dont il était revêtu ; leurs délibérations sur cetévénement ont abouti à un acte qu’ils ont tous signé et faitsigner par tous les religieux de leur maison de Paris. Ils yprotestent : qu’ils veulent vivre et mourir dans la plus étroiteobservanceaussibienqueceuxdeCharenton,d’autantplusquecelan’étaitimpossibleàpersonnedansl’unionqu’onarompue,et que l’impossibilité alléguée pour obtenir une séparationn’existaitnullepart.CetacterépandudanslaprovincedeParisn’en imposera pas sur le passé, il pourra peut-être seulementdonnerdesespérancespourl’avenir,etparlàretarderunpeule

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l’ordre.Ellefaitaussil’objetd’unevie«enimages»etenverspubliée en 1670 et à nouveau en 167817. Les odes sont de laplumedeLéondesaintAndré,carmedéchausséfrançaismorten1676, les réflexions et commentaires, de Hyacinthe del’Assomption (mort en 1691) et les gravures, du burin deClaudineBrunant.Quoiqueconçudanslesmilieuxcarmélitains,l’ouvragemontreunnet retrait, enmatièrede lecture,entre lespratiquesdesainteThérèse tellesqu’ellessontrapportéesdanssonautobiographie,et lanarrationsurlemodevisuelproposéedanscetouvrage.Sur55planchesetsonnets,sixsontconsacrésauxexpériencesdelecturedelasainte.

Danscetouvrage,lalecture«façonThérèse»estravaléeauxprescriptions touchant la lecture dévote telles qu’elles sonténoncées, au mêmemoment, dans les livres de piété pour leslaïcs18. La lecture est essentiellement pédagogique. Elletransmet un enseignement, le livre étant un « mentor », unsubstitut de professeur.La gravure 4montreThérèse lisant lesécrits de saint Jérôme (ill. 119), et concevant alors un profondméprispourlemonde.LesonnetprésentesaintJérôme,àtraversles signes typographiquesde l’ouvrage, commeun rhéteur à la« rare éloquence20 ». La narration qui suit met en contextel’image, rappelant que Thérèse, qui a quelque tendance auxamusements vains, est en séjour dans un monastère. En faitd’amusements vains, l’auteur se garde de rappeler le plaisiréprouvé par la sainte dans la lecture des romans. « Dans saretraiteelles’occupeàlalecturedesEpîtresdeSaintHierosme,elleapprenddecefameuxHabitantduDésertàs’entretenirdelatriste pensée du Jugement universel21… » Les textes en verspuislecommentaireenprose,enfinl’imagemettentenscènecequ’est une lecture spirituelle réussie : une lecture d’un « bonlivre»,puisuneméditationparanalogiede sentimentsavec le

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proposlu:«àl’exempledecetillustrePénitentelleconçoitdessentimentsdehaine&deméprispourlemonde,&serésoutdefaireunéterneldivorceavecluy22…».Lelecteurdecetouvrageapprenddonc,àl’instardeThérèse,commentpratiquersûrementunelecturedévote.ÀtraverslesMoralesdesaintGrégoire(ill.2), la sainte trouve«unPèrequi la console,&unMaîtrequil’exhorte à la poursuite de ce grand dessein »⊠ ; avec lesConfessionsdesaintAugustin(ill.3),elleentreprend lamêmedémarchedeconversionquesaintévêqued’Hippone23.Thérèseestdoncl’exempleparfait,danscesannées1670,d’unelectriceréceptive aux enseignements des livres, lisant pour sonédificationetespérantdesalectureunamendementetunevoiede perfection.La lecture n’ouvre pas à la contemplation, ainsique les « arts de lire » produits dans tous les milieuxecclésiastiques et dévots, le recommandent, craignant quecertains lecteurs s’abîment dans unemystique incontrôlable24.Du reste, aumoment où se déroulent ces événements, Thérèseest elle-même encore une laïque et l’auteur adapte sonpersonnage, pour favoriser les processus d’identification, auxlaïcsdelasecondemoitiéduXVIIesiècle.

CetouvragetémoignedelanécessaireadaptationdelaviedeThérèse, forcément inimitable, aux exigences spirituelles dutemps,beaucoupplusmesuréesetprudentesquenelepermettaitla mystique du siècle d’or. Au même moment paraît unCatéchismedesainteThérèse,adaptationdelaviedelasaintesous forme de dialogue entre une certaine Agathe et Thérèseelle-même, qui rend compte de ses diverses expériences25. Lalecture y est largement évoquée. Thérèse enseigne un « art delire»quicorrespondànouveauauxprescriptionsdutempsetsedécritelle-mêmeendévotecaractéristiqueduXVIIe siècle.Elleinsisteàplusieursreprisessurlesvertusthérapeutiquesdulivre,

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selonunchamp lexicaldevenuclassiqueencesmêmesannéesdans les traités sur la lecture pieuse : le livre est présenté àplusieurs reprises comme un « remède26 ». Elle ramèneprudemment les effets attendus de la lecture à la direction del’esprit, qui sans le livre, tend à s’éparpiller en de multiplespensées.Quand surviennent des « pensées de traverse », il estpossible de ramener la concentration « par quelque bonnelecture27 ». Enfin, elle rappelle que la lecture a le pouvoir defixer dans l’esprit la doctrine, de donner à méditer sur lesvertus…elleestdoncpurementdidactiqueetnemènepasà lacontemplation. Cette adaptation aux exigences duXVIIe siècleest d’autant plus anachronique qu’au temps de Thérèse, le«mythe»de l’éducationpar la lecture commence seulement àémerger.

Cesdeuxouvragesmontrent comment les carmesduGrandSiècleontpréféré,prudemment, évacuer les leçonsessentiellesdel’artdelirethérésienlivréparleLivredelavie:d’unepart,la création tout intime et personnelle d’itinéraires singuliersdans les textes, ceux-ci favorisant la prise de conscience d’undésir non encore perçu de perfection spirituelle, et offrant unespacede résonnanceàundialogueavecDieu28.D’autre part,ces catéchismes et vies illustrées passent sous silence l’étapeultime de la contemplation qui s’abstrait du livre, et qui fait,finalement,laspécificitédeslecturesdesainteThérèse.

Lesbiographiescarmélitaines

Ceprocessusdesimplificationestencoreàl’œuvredanslesbiographiesédifiantesconcernant leCarmel,dans lesquelles lalecturetientuneplacevariable.Lescarmesdéchauxfrançaisontconsacréd’importantseffortsàl’écriturehagiographiqueouauxbiographies de pieux personnages (20 % de la production

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rejoignentalorslechampdeslecturesdescarmesdeLyon.La norme prescrite a donc été largement relayée par les

gardiensdecouventsetlesbibliothécaires,selondesmodalitésqui restent toutefois à éclaircir et qui, quand elles nous sontconnues, minimisent le rôle des supérieurs locaux dans laconstitution de ces fonds. À Chambéry, par exemple, larédaction du catalogue inclut un don important, celui d’unchanoinedelaTarentaise,consistanten53volumesrelevantdegenres divers. Ce chanoine appartient à une famille debienfaiteurs du couvent ; son frère, notamment, a fait réaliserpour le cloître des carmes un tableau représentant Jean de laCroix.Lui-même,parcedon, fait rentreraucouventune fouled’ouvrages de spiritualité carmélitaine et c’est doncpartiellementdel’extérieurquecettenormes’estconstruite.Ontrouve par exemple dans ce don, un volume in-4° d’œuvresspirituellesdeJeandelaCroix,l’AdresseàlacontemplationdeMaximindesainteMarie-Madeleine,leReligieuxenretraitedePierrede saintAndré, lesConférences deCassien en français,lesœuvresspirituellesdeJeanClimaqueendeuxvolumesin-8°… C’est donc parfois le monde séculier qui a indiqué auxcarmes la voie à suivre, que ces laïcs ou prêtres s’étaientpréalablement appropriée. Des cas semblables sont visibles àNancy, où le couvent, fondé en 1611, est le centre de gravitéd’unréseaudévotassezdensedanslapremièremoitiéduXVIIe

siècle71.Ceréseauestformédelaïcsoudeclercsdontlepointcommun est une culture hispanisante, la participation auxdévotions urbaines, enfin un fort ancrage dans l’entourage desducsdeLorraineHenriIIpuisCharlesIV.Parmilesbienfaiteursducouvent et lesdonateursde livres,on trouvePierreSéguin,ermite reclus aux portes de Nancy, ancien proche des Guise,conseilleroccasionneldesducsettraducteurdediversesœuvres

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spirituellesespagnolesenfrançais;JeanReboursel,descendantd’unprochedeladuchesserégenteChristinedeDanemark;etsurtout Jean Garnier, médecin de Charles IV et époux de laveuve du graveur Jacques Callot, qui donne à lui seul 507volumesauxcarmesàsamorten1643.Lesparentsdesnovicesoffrentégalementdes livres, telsceuxdeJeanChrysostomedesaint Albert, qui confient en 1689 au couvent de Nancy laPratique de la perfection chrétienne du jésuite AlfonsoRodriguez,paruel’annéeprécédenteentroisvolumesin-4°.Cetouvrage, l’un des principaux supports de la lecture spirituelledes carmes d’après Jean de Jésus Maria ou Eustache de laConception,apudoncarriverentrelesmainsdescarmesparlebiaisdelaïcs.Lanormeapudoncparfoisfaireunlongdétourparlesiècle,cequepermetlaformedeceslivres,etnotammentl’emploi de la langue vulgaire, favorisant la formation d’unecommunautédelecteurstranscendantleslimitesducloître.

Du fait de ce paradoxe, l’appropriation concrète de cettenorme par les religieux, selon les rituels et modes de lectureexposés par les directoires, n’est guère facile à apprécier. Onmanque de témoignages non hagiographiques, de notes delecture,decahierspersonnels,pourévaluerlapratiqueeffectivede cette lecture, ce qui est d’autant plus regrettable que cettepratique de la lecture plume à lamain était recommandée auxcarmesdéchaussés.

Conclusion

Ainsi, au XVIIe siècle, l’univers carmélitain, tant féminin quemasculin,sedotedecadresdelecturepuisantdanslaréférenceàl’expérience de sainteThérèse et, dans unemoindremesure, àcelle de Jean de la Croix. L’héritage reste revendiqué tout au

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long du siècle, mais sa spécificité s’estompe, quand elle nedisparaît pas tout à fait. La mystique de Thérèse estprogressivementédulcoréedesorteàfairerentrersespréceptesdansceuxquis’élaborentparallèlementdanslemondedévotetrégulier du XVIIe siècle. Malgré la disparité quantitative etqualitativedessourcesdocumentantlesnormesetlespratiquesdelecturedescarmesetdescarmélites, ilsemblebienqu’ilnesoit resté de cet héritage que l’assiduité à la lecture et unecertaine générosité dans le choix des lectures, ailleurs souventplusétroit,particulièrementchezlesfemmes.Lereligieuxoulareligieuse ne doit pas lire comme Thérèse, mais comme toutlecteur de son temps. L’ambition de la contemplation a étéprudemment ramenée à celle de laméditation, étape inférieuredans lesdifférentsdegrésde l’oraisonmentale.Lereligieuxnedoitpasquitterlasphèredelarationalité.Sonlivre,simplementd’abordparcequ’ilestunobjetconcretetensuiteparlesleçonsqu’ildélivre,«leste72»l’oraisonetlamaintientdanslescadresstrictsd’uneprièretrèscontrôlée.L’inventivitérevendiquéeparThérèsedans samanièrede lire et d’emprunterdans les texteslescheminsd’unerencontreavecledivin,n’existeplusàlafindusiècle.

Il n’en reste pas moins, au XVIIe siècle comme au sièclesuivant,laconscientenetted’unespécificitérégulière,adosséeàl’héritage de Jean et de Thérèse. En 1791 encore, Le pèreJacques, religieux du couvent de Saint-Mihiel en Lorraine,n’oubliepasderéclameràlaMunicipalitéuneViedeJeandelaCroix prélevée dans la bibliothèque de son ancien couvent,parmi 70 autres volumes, signifiant par ce geste que l’ouvragefaitpartie,depuislongtemps,deseslecturesquotidiennes73.

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unsetlesautressontd’ailleursétroitementconfondus.AnnedeSaint-Barthélémy etAnne de Jésus, filles de laMèreThérèse,sont les têtesd’escadrond’unnouveauCarmel,quiestdéjàunpeumoinsespagnolqu’iln’yparaît,etdéjàpleinementgallican(Bérulle seranommévisiteurperpétuel en1614).Tout au longdu siècle, certaines vêtures solennelles créeront l’événementmondain : Mlle de la Vallière deviendra sœur Louise de laMiséricorde ;Anne-Marie Louise d’Epernon, cousine deMlledeMontpensier,deviendraAnne-MariedeJésus,entrelesmursd’unCarmelsoushauteprotectionroyale.

Paradoxeétonnant:lesfilsetlesfillesspirituelsd’Elie,quis’efforcent de vivre en toute rigueur un semi-érémitisme assezaustère,séduisentlesmondains,certesparmilesplus«dévots»,mais qui n’en demeurent pas moins des personnes dévotesparfaitement rompues auxusagesde la civilité galante.Malgrélesréservesquel’onpourraitémettre,àvraidireanachroniques,aucune incompatibilité culturelle ne sépare deux universpourtant radicalementopposés.Uneétrangeosmose lesmetaucontraireenrelation.LeCloîtreet leSalonpartagentunmêmeengouement pour la vraie dévotion. En cette effervescence del’«humanismedévot»oudela«conquêtemystique»,l’heuren’estplusàladevotiomodernamaisàlamodernitédévote.Lagrande Mademoiselle confiera un jour qu’elle futirrésistiblement fascinée par « ce grand silence et cette grandesolitude1 ». LeCarmel fut en l’occurrence un grand initiateur.Unmêmeengouementsevérifieraàproposdesaffinitésoudesaccointances qui rapprocheront, quelques années plus tard,l’éliteintellectuelleetl’universdePort-Royal,où,làencore,seretrouventdes religieusesd’exception.MadamedeLonguevilleseferaainsibâtirunhôtelàPort-Royal-des-Champs.

Sans doute Thérèse d’Avila avait-elle précédé dans les

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esprits l’arrivéedesespropres fillesenprovenanced’Espagne.Ses œuvres sont déjà largement diffusées, en espagnol ou enfrançais. Jean de Quintanadoine de Brétigny avait permis ladiffusiondu texte thérésienauprèsdeFrançoisdeSalesoudeBérulle (avec l’aide des Chartreux de Bourgfontaine, dansl’édition desŒuvres en 1601). En sens inverse, pourrait-ondire, l’implantation des carmélites relance l’intérêt pour lapersonne et la personnalité de la grande Réformatrice duCarmel. Arnauld d’Andilly livre une nouvelle traduction desŒuvres (1670 ; réédition en 1696), après les Confessions(1649), lesViesdessaintsPèresduDésert (1647-1653)et lesMéditationsdeThérèse(1649).Ondevinel’attraitduDésertsurles Solitaires, en constatant une sorte de continuité éditoriale.Arnauld rappelled’ailleursqueThérèse futunegrande lectricedes Confessions. La famille port-royaliste s’était en quelquesorte spécialisée dans la traduction de la littérature étrangère,dontonsaitl’importancequ’elleeutenFrance,surtoutdanslapremièremoitiédusiècle.

La traduction d’Arnauld se veut élégante, et sans douteméfianteàl’égarddes«Bellesinfidèles».L’ouvrageconnutunelarge diffusion. Arnauld avoue avoir été bouleversé par lesrelectures des œuvres de la Réformatrice. Il l’a relue pour sa«propreédification»,etilcélèbredanslapréfacel’«éminencede l’esprit de sainte Thérèse2 ». Dans un souci didactique, letraducteur souligne l’intérêt spirituel de chacun des ouvrages,renonçantàlesrésumer,maisoffrantunaperçufortprécisdansla Table des matières, chapitre après chapitre. Il se montresensible à la spontanéité de Thérèse, notant par exemple, àpropos des Fondations, qu’« il y a peu d’histoires plusdivertissantes3 ». Le dispositif éditorial de l’ouvrage méritel’attention : les paroles de la sainte sont marquées par une

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double virgule dans la marge, alors que sont transcrites enitaliques les réponses de l’Époux céleste. Arnauld d’Andillypose judicieusement l’épineuse question de la traduction d’untextemystique.Ilnes’agitpasseulementd’éditeroud’adaptermais d’abord de comprendre. Il aurait souhaité « éclaircir lestermes » dont la Sainte « est contrainte d’user pours’expliquer4 »,mais finalement il se résout à rédigerune tabledes matières détaillée. Enfin, le traducteur manifeste sesscrupules à l’égard d’une expérience mystique. En effet, « cequ’ellerapportepeutpasserpourdesnouvellesdel’autremondeet pour un langage tout nouveau », et l’écrivain reste trèsconscientdeladifficultéposéeparles«phrases»delasciencedes saints. Sans doute d’Andilly cherche-t-il également àprévenir lescritiquesou les réticences :« Iln’yapassujetdes’étonnerquepresque tousceuxqui lisentsesœuvres trouventdel’obscuritédanslesendroitsoùelletraitedecesmatièressisublimes. » En particulier, Arnauld d’Andilly multiplie lesprécautions à propos du Château de l’âme, « à cause de laprévention presque générale » qui caractérise sa réception enFrance.N’a-t-ilpas laréputationd’êtreun«ouvragesiobscurqu’ilestinutiledelelire5»?Aufond,Arnaudd’Andillyposeimplicitement,avec lemaximumde lucidité, lavraiequestion :Thérèseest-elleintelligibleouinintelligible?

TraduireThérèsenécessitedel’inscriredansunetradition,cequi s’avère indispensable pour consacrer un texte. AussiArnauld exprime-t-il son émotion lorsqu’il confesse avoirretrouvésaintAugustinsousletextethérésien.Or,enunsens,ilrecommandedelireThérèseàtraverssaintAugustin,notammentàproposdeleurcommuneexpressivité.LaSainten’est-ellepashabitée par le « feu » de l’amour, qui lui fait interrompre sondiscourspour« jeterdes flammes»,commeAugustindans les

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1965,p.450.21.«Variété»,op.cit.,p.447.22.ParaphrasesduCantiquedescantiques,Paris,Thomas

Blaise,1644.23.«ApprobationdeGondon,docteurenthéologie,1664»,

dansCantiquesspirituels…,op.cit.,nonpaginé.24.«Perteen l’amour»(sur l’air«Desenfarinés»),dans

Cantiquesspirituels…,op.cit.,p.140-141.25. « Au-delà du principe du plaisir », dans Œuvres

complètes,Psychanalyse,vol.XV,Paris,PUF,1996,p.293.26. «Abîme d’amour » (sur l’air «Des enfarinés »), dans

Cantiquesspirituels…,op.cit.,p.143.27. Le catalogue des œuvres de J. de Saint-Samson est

donné par Suzanne-Marie BOUCHEREAUX, La Réforme desCarmesenFranceetJeandeSaint-Samson,Paris,Vrin,1950,p.9-16.

28.LaFablemystique,Paris,Gallimard,1982,p.24.29. Cantique inaugural deLaMontée du Carmel de saint

JeandelaCroix(strophe1).

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Deuxièmepartie

LarelationpersonnelleàDieu,quiestaucœur

delavoiecarmélitaine

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Introduction

IntérioritéetfoichrétienneJean-BaptisteLecuit

Comment comprendre aujourd’hui la relation personnelle àDieu, qui est au cœur de la voie carmélitaine ? Cette relationn’est pas simple affaire d’intériorité.Mais c’est à l’intérioritéqu’uneattentionspécialeesticiaccordée,enconsonanceaveclaspiritualité du Carmel. Les grands auteurs chrétiens, et enparticulier carmélitains, ont donné une grande importance à laprésence intérieure du Dieu Trinité, à la recherche de Dieuprésent au cœur de tout homme et désirant l’habiterpersonnellement dans l’amour mutuel. Il y a là un véritabletrésor, qui sembled’autant plus cachéque lemessage chrétiensouffreaujourd’huid’uneperted’audiencemanifeste.

Compte tenu de ce profond changement de contexte, quiconstitueunvéritabledéfipourl’intérioritéchrétienne,commentpenser aujourd’hui cette intériorité, en tenant compte de latraditioncarmélitaine?

L’intérioritédansleNouveauTestament

Le XVIIe siècle a représenté un « sommet de la culture del’intériorité religieuse1 ». On ne peut pas en dire autant del’époqueprésente:laquêted’intérioritéymobiliseunemoindrepartdelapopulation,etelles’éloignesouventdetouteréférenceau message chrétien. Or ce message accorde une importanceessentielleàlavieintérieuredel’êtrehumain.Dansl’articleduDictionnaire de spiritualité sur l’intériorité dans la Bible –

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L’abandon de notre volonté à celle deDieu peut donc toutaussibiens’acquérirpeuàpeumoyennantuneffortpersévéranten vue de vouloir ce queDieu veut. Thérèse estime cette voieordinaire plusméritoire que la voie extraordinaire par laquelleelle a été elle-même conduite.Mais travailler à renoncer à savolonté propre est exigeant, car nous tolérons en général desattachements subtils à notre amour-propre, attachements quisontautantd’entravesàlalibertéd’aimer.OrlavolontédeDieun’est autre que son commandement d’amour. Dieu veut pournous cette perfection qui consiste à l’aimer et à aimer sonprochain.Nousn’avonsbesoinde riend’autrepouryparvenirquedecroireenlagrâcequinousenaétéfaiteenJésus-Christ:«C’estànotreportée,sinouslevoulons7!»

Parvenusàcetétatd’union,desrésistancesspontanées,descraintespassagèresdemeurentnéanmoins,maissansentraverledésir essentiel d’accomplir en toute chose ce que nouscomprenonsêtrelavolontédeDieu.Lesignedecetteunionestune paix intérieure profonde que les contrariétés de la vie neparviennent pas à troubler. Cependant, rien ne semble plusdifficile que d’évaluer une telle adhésion de volonté puisquecelle-ciconsisteàaimercommeDieuleveut.Seuleunevéritabledroiture d’intention fondée sur le détachement, l’humilité, lalibertéintérieurepeut laisserpressentirqu’unetellegrâcenousestfaite.Ilnenousappartientpasdemesurerlaqualitédenotreamour,mais de chercher à préférerDieu en toutes choses afind’aimer notre prochain avec sa grâce et pour sa gloire. Cettepureté de cœur est le gage le plus sûr de ce que notre libertén’estpasillusoire:

« De là il suit clairement que le moyen pour l’âme de parvenir à l’uniondivineneconsistepasdanssespensées,danssesgoûts,danssessentimentsoudanssonimaginationquichercheàsereprésenterDieud’aprèsunmode

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naturel ou dans un procédé quelconque,mais il consiste dans la pureté etl’amour,c’est-à-diredansledépouillementetl’abnégationdetoutenvuedeDieuseul8.»

Lesdegrésdel’unionàDieu

Noustraitonsicitoutd’aborddelagrâcedel’unionàDieudans sa dimension proprement mystique. Dans sesmanifestations les plus typiques, elle est vécue comme uneexpérience intense, brève et décisive de l’amour deDieu.Unetelle faveur porte lamarquede l’imprévisible et le sceaude lagratuité. Elle procure une sensation de suavité et de douceur,voirededélicesspirituels.Touslesdegréssontpossiblesquantà cette perception de la présence agissante de Dieu, depuisl’envahissement complet du champ de la conscience excluanttoute relation aumonde, jusqu’à des grâces vécues au sein del’accomplissementdestâchesquotidiennes.Lagrâcepeutainsi,selonsonintensité,netoucherquelavolontéoususpendreavecelletoutefacultédemémoireetderéflexionconcernantd’autresréalitésquelaprésenceduDieuvivant.ThérèsedeJésusutilisealors l’image du sommeil pour évoquer cette inhibitionparadoxale des facultés mentales, soulignant combien l’esprit,comme endormi au regard des réalités extérieures, est aucontrairepleinementéveilléàlaprésenceintérieuredeDieu.Lesujetéprouveunsentimentdepassivité,quipeutaller,danslescas les plus extrêmes, jusqu’à l’impossibilité de résister à lagrâce ou plutôt à ses effets psychosomatiques. C’est unepassivité paradoxale puisqu’en fait l’esprit témoigne d’uneactivitéintense,d’unéveildesesfacultésàlavie,àlajoie,àlagratitude moyennant une illumination de l’intelligence et unembrasementdelavolonté:

« Ici, bien que toutes nos puissances soient endormies, et bien endormies

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aux choses dumonde et à nous-mêmes […] il n’est pas nécessaire d’userd’artifices pour suspendre la pensée. Pour ce qui est d’aimer, elle ne saitcomment,niquielleaime,nicequ’elleaimerait.Enfin,elleestcommetouteentièremorteaumondepourmieuxvivreenDieu9.»

Cet élan irrésistible est ressenti comme un exaucementgracieuxdelaquêtespirituelle.Laseulecollaborationpossibleest un consentement à la présence de Dieu. Cette unionmystique des puissances est cependant toujours passagère encette vie, tandis que l’union des libertés tend à devenirpermanente:

« Je ne veux, pour lemoment, parler que de l’union totale et permanente,selonlasubstancede l’âmeetsespuissancesquantà l’habitudeobscuredel’union,parcequequantàl’acte,[…]nousverronscommentnousn’avonsetnepouvonsavoird’unionpermanentedansnospuissancessurcetteterre,maisseulementuneuniontransitoire10.»

Il convient en effet de distinguer entre un état permanentd’unionàDieuetlaconsciencenécessairementfluctuantequelesujet a de cette union. Les expériences mystiques de lacommunion avec Dieu peuvent préparer ou révéler un étatd’unionquiconstituequantàluiunaboutissementstabledelavie spirituelle. Tandis que la grâce mystique a un caractèreéphémère, l’état d’union est permanent comme en témoigne lasymboliquedumariagespirituelutiliséepourenrendrecompte.

L’état d’union connaît ainsi des degrés de réalisationdifférents.Cequiimporten’estpastantl’expérienceelle-mêmeque les fruits qui en résultent, principalement celui d’uneauthentique liberté intérieure.Chacun est appelé à atteindre ledegréd’unionconformeàsescapacités:

«Sansdouteuneâmearriveàl’uniond’aprèsledegréplusoumoinsgranddesesaptitudes,etcedegrén’estpas lemêmepour toutes.IldépenddelagrâcequeDieuaccordeàchacune.[…]Demêmequenousrencontronssur

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constituerait et prolongerait ainsi l’action divine » (HenriBERGSON «Lesdeux sourcesde lamorale et de la religion»,dansŒuvres,Paris,PUF,1959,p.1162).

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ChapitreVIII

L’espaceintérieurdanslapenséedesainteThérèsed’AvilaJean-LouisChrétien

C’estunegrâce irrésiliableduDieucréateurqu’iln’yaitpournouspasd’autre langagequeceluidumondeetdeschosesdumonde, et que laparole seproposantdedécrire l’intériorité lapluspure,etenelle-mêmelaplusrecueillie,nepuisseenforgerunquiluisoitpropre.Grâce,etnonpasmalédiction,cardecefait il n’est pas d’expérience si secrète ni si solitaire qui nedoivesedire,fût-ceenmoi-même,parcequinousesttoujoursdéjàcommun,etsur lesoldecedontnousfaisonsensembleàchaqueinstantl’épreuve.Mais,certes,ilyademultiplesmodesde l’usage de cette parole commune et cosmique pour direl’intériorité.Encetordre,unschèmeuniverselconsisteàfigurerle temps par l’espace, et les transformations de l’âme ou del’espritpardespassagesd’unlieuàunautre:chemin,voyage,itinéraire,ascensionsontdestitresgénériquespourlerécitouladescriptiondes«grandesépreuvesdel’esprit»,pouremprunterles mots d’Henri Michaux. Tel est le cas aussi pour les«demeuresduchâteauintérieur»desainteThérèsed’Avila.

Celanevapassansunchiasme:carceluiquivoyagedanslemonde est altéré et transformé par les lieux, les choses, lesévénements et les personnes qu’il rencontre à mesure qu’ilchemine,tandisquedanslevoyageintérieur,cesontàl’inversemesproprestransformationsspirituellesquisontfiguréesparunchangement de lieu. Le mouvement de l’esprit ou de laconscience est un mouvement sur place, un « mouvementimmobile » – rigoureux oxymore qui n’a rien d’un paradoxe

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gratuit, et qui a reçu, en particulier dans ce qu’on appelle lenéoplatonisme, aussi bien chrétien que païen, un sensconceptueltrèsprécis.Laparoledel’intérioritévadoncdepairavecunetopique(figurationdelaviedel’espritparunlieuouun ensemble de lieux), et il y a en effet une riche topiquechrétienne mise en œuvre dès les Pères de l’Église (dont jem’efforcedansunouvrageencoursderetracerl’histoire).Maiscette topique peut prendre des formes diverses : elle peut êtresimple ou complexe, et statique ou dynamique. Ces deuxdistinctionsserecoupentengrandepartie.

Simple signifie que l’intérieur est posé comme un lieuunique, l’essentielétantd’ypénétreretd’ydemeurer,mêmesi,auseindecelieu,jemetransformeprofondément.Unexemplecapital en est la « chambre du cœur » (cubiculum cordis) desPères latins, saintAmbroise et saintAugustin notamment, où,commedanslechâteaudesainteThérèse,onentreparlaprière.Statiqueoudynamiqueseréfèrentaufaitquelatransformationest pensée comme impliquant, ou n’impliquant pas, undéplacement,lepassaged’unlieuàunautre.(Maisonpourraitposer que je passe d’un lieu à l’autre en y exerçant des actesdistincts, tout en restant foncièrement le même, auquel cas latopiqueseraitàlafoiscomplexeetstatique.)

Mais,assurément, ilnes’agirait làqued’un livred’images,qui ne saurait nous retenir longtemps, s’il n’y allait aussi etsurtout,danscettespatialisationduspirituel,deméditersurleslois de ce qui est susceptible de se produire en un tel espace,commesurlanaturedesforcesquis’ymanifestentetyagissent,sur les ressources où elles puisent pour se maintenir ou serenouvelerets’accroître,endeuxmotssurleuréconomieetleurénergétique.C’est cette énergétique qui sépare radicalement latopiquechrétiennede la topiquepsychologique,car lagrâceetlapuissancedeDieusontunélémentconstitutifdelapremière.

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momentsansavoirbesoindepermissiondesessupérieurs.C’estencesens-làaussiqu’ilyvad’unespacedeliberté.

Àcelas’ajoute,commeiladéjàéténoté,qu’audébut, toutaumoins, le franchissement des seuils n’est pas décrit commeunévénementdramatiqueclairementsaisissable,maiscommelechangement global de l’économie intérieure. Sainte Thérèseaffirme(VI,4)qu’iln’yapasdeporteferméeentrelasixièmeetla septièmedemeures, ce qui laisserait supposer qu’auparavanttelétaitlecas,maisladiscontinuitélaplusfermementénoncéese situe à l’entrée des quatrièmes demeures, où il est dit que« les choses surnaturelles » commencent (non pas la grâceévidemment, qui est là depuis le début, mais la dimensionproprementmystique).

En quoi consiste au juste la dramatique de cet itinéraireintime ? Il semble tout d’abord qu’elle réside dansl’affrontementdelatransparenceetdel’opacité,delalumièreetdesténèbres.Lapremièrechosequinoussoitditeduchâteaudel’âmeestqu’ilestfaitd’ununiquediamantoucristaltrèsclair(I,1),etqu’ilaensoncentreunsoleil(I,2):latransparenceetl’éclat lumineux lecaractérisentdoncendroit.Dieu resplenditensonimage,commenullepartailleursdanslacréation.(C’estcettesplendeurdel’âmequiconduiraMalebrancheàpenserqueDieu nous a refusé la connaissance de son essence, à ladifférence de celle de lamatière, pour que nous n’en fussionspas éblouis ni préoccupés, et détournés de nos tâches, laconnaissance de notre âme étant dès lors expérimentale, etrenouvelée d’instant en instant de façon imprévisible, aucunesciencedéductivenenouspermettantdesavoirparavance toutcequ’elleestsusceptibled’éprouver.)Maisàcettetransparenceendroitréponduneopacitédefait,parlaconditionpécheressedel’homme.Lesoleil intérieurestpournouséclipsé, lecristalest recouvert d’un lingenoir (ici, le soleil est extérieur), notre

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source intérieure ne produit que des eaux ténébreuses, la poixdu péché recouvre le cristal de l’âme (I, 2), et nous apportonsavecnouscettemassegrouillantedereptilesetdebêtesdetoutesortequiobscurcitnotrevision(I,1et2).Lefilconducteurdela dramatique semble bien être, donc, celui d’une réductionprogressivedel’opacitéintérieureetd’unecroissance,oud’unelibération graduelle, de la transparence, par l’effort de laconnaissanceetdelamaîtrisedesoiquelagrâcedeDieunousrend possible. Et de fait, sainte Thérèse affirmera (V, 1) quedanslesquatrièmesdemeures,cesbêtesnuisiblesontdumalàpénétrer,mêmesilafinessedespetitslézardsleurpermetdes’yglisser, alors que dans les cinquièmes demeures, il n’y a plusd’interstice qui leur permette d’y accéder. (La nature de cettefaune est claire en gros,mais obscure en détail : les biens dumonde et leurs plaisirs [II, 1]. Thérèse ne construit pas unbestiairedifférenciécommelesPèresdel’Église.EdithSteinyvoyait, non les passions comme telles, mais les tentationsintérieures8.) Si l’on s’en tenait là, nous devrions donc, nousétantdéfaitsdecetteopacitéquenousapportionsavecnousenentrant dans le château de cristal, être alors dans la puretransparence.

Maisc’estalorsqu’apparaîtuneautreopacité,etunnouveauressortdeladramatique,avecl’entréedansunenouvellerégionde phénomènes intérieurs, qui sont d’ordre proprementmystique.Etc’estalorsaussiquelapsychologie,avecsonprojetde maîtrise de l’homme par l’homme (au moins cognitive)devientmuette,ouneparlequ’enétantsourdeàlaspécificitédecetordre,eten le rabattant surcequi leprécédait.Car ilyvadésormaisdelathéopathie,dupâtirDieu:laprésencedeDieuàl’âmeetenelleestexcessive,l’enveloppeetladébordedetoutepart, une présence que d’aucune manière nous ne pouvons

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maîtrisernisurplombernicirconscrire.Onn’yvoitgouttedansles ténèbres, mais le grand fleuve de la divine lumière nouséblouitetnousaveugleaussi(selonunedistinctionquiremonteàlaRépubliquedePlaton,VII,518A).Etc’estalorsquedanslaparole de sainte Thérèse apparaissent des événements, au sensfort et non trivial du terme, inoubliables et qui font époque,qu’elledécrit commeellepeut, c’est-à-dire imparfaitement, caricilaperfectiondelaparoleestd’êtreimparfaitepourdemeurerfidèle à ce qu’elle a à dire, d’avoir un tremblement de voixdevant lecaractèreexcessifdecequi seproduitennous,maisnon par nous. Il y a une différence entre ne pas savoir ce quinousarrive,c’est-à-diren’avoirnulleaperceptiondesanaturenide son sens, et ne pas comprendre ce qui nous arrive, c’est-à-direnepouvoirenfaireletour,nil’embrassercommeunobjet.L’improvisation descriptive de Thérèse donne à sa langue uneplus grande ductilité aux choses mêmes, c’est-à-dire ici auxévénements mêmes, qu’un langage marqué par l’aristotélismescolastiquenepouvaitenatteindre. (Je laissedecôté ici, fautedetemps,ladescriptiondel’appel,etdesappels,deDieudanslelivredesDemeures,laquelleréclameraitàelleseuleuneétudespéciale.)

Écartons d’emblée un malentendu possible sur cettedramatiquedestroisdernièresdemeures:ilnes’agitpasdedirequ’auparavant il ne se passait rien, ou rien d’important ni dedécisif, mais seulement de prendre acte du fait que cettepurification et ce progrès ne prenaient pas la formed’événements au sens fort (ainsi de l’entrée même dans lechâteau,évoquéeaprèscoup,commeilaétévu).L’inoubliablefait fortement son apparition avec le pâtir, et avec le soudain,l’exaïphnès,qui,depuisPlatonetsesdisciples,formeunthèmecapitaldelaméditationsurletempsetsurl’être.Dansl’épreuveunitive qu’elle décrit au début des Cinquièmes demeures,

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réfléchitpas.Enraisondecettequalitémerveilleuse,c’estavecunegrandedéférencequel’oncontinuedechuchoterlemotdemystique.

Maissionparledes«sièclesdelamystique»c’estqu’ilyaune suite. L’intériorité consiste dans un rapport entre l’âme etsonmonde,quilestransformetouslesdeux,c’estpourquoielleaunehistoire.Elleposesasingularitéenrapportavecunmondequi lui en donne la possibilité. Dans la liturgie, Dieu nousprésentenotremonde:«lemondeettousseshabitants».Dieunousyfaitpenser,carDieuneparlepasbeaucoupdelui-même,etc’estenabsorbantcequeDieunousmontrequenotreâmeseretrouve du côté de Dieu. Les chrétiens viennent se retrouverautour de Dieu pour lui présenter leur monde comme ils levoient, et pour qu’il le leur montre différemment. C’est laliturgie.

Au début, la montée de l’intériorité est un geste d’amitiéenvers le monde de chrétienté : elle se présente elle-même àDieu,elleestcellequivientdecemondeetsaconfianceenelleest confiance enDieu pour cemonde. Enmême temps, en sedistinguantdanscemonde,elles’enécarte.EllelaisselemondedevenircequeDieuvoudra.Etparconséquent,elleenrépondramêmequandilchange.Ici,êtreintérioritén’estpasparlerdesoi.L’intérioriténes’abstraitdumondecommeelle leconnaît,quepourentrerenrésonanceaveclavolontédeDieuinconnuesurlemonde.Ainsi,l’intérioritén’estjamaisunévitementdumonde.Même la«peurde la créature», l’« éloignementdumonde»,thème récurrent de la littérature spirituelle, n’est quel’expressionencreuxd’uneréceptivitédevenueforte.Lemondeest,etilestcraintjustementpourlasensibilitéqu’ilobtientenréponse et dont la conscience intérieure est alors ledéveloppement.Autant la personne intérieure craint lemonde,

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autantellesecraint.Doncle«retraitdumonde»exprimequ’unchangementd’intuitiondumondecommede soi-mêmeacceptedesefaire.Pourparleravecuneforcedesynthèsequiauramistrois siècles à se produire : «Ce que je chercherais dans toutautre chose, celame cherche incessamment et se donne àmoipartouteslescréatures2.»Dèslors,l’intérioritécherchemoinsàvoirDieuentouteschoses,qu’àvivredeDieuentouteschoses.

Ici,leouidel’intérioritéestunouiàtoutcequeDieuveutetqui se fait. L’intériorité est ce surcroît d’être en réponse à laréalitéqueDieunousapporte.Leprésentestlaliaisonentrelaconscience immédiate de soi et la réalité qui suscite cetteconscience : le présent est ce que Dieu a de meilleur à nousdonner. Il est l’expression de sa volonté en notre faveur, leprésent est la visite de Dieu. L’intériorité véritable estl’installation résolue de l’âme dans le présent. L’hommeintérieur est alors le monde de Dieu qui fait irruption par lededans.

Ainsi, l’intériorité est devenue une bonne disposition à larévélationd’unmonde,unoui à cequeDieuest en traind’enfaire. L’intériorité est maintenant une disposition sensible àtoutealtérité,quiaccueillepotentiellement lemondeentier.Lemondeesttoutentieraltérité,ilestle«mondealtérisé»,ilestdonc lemondedesmissions.Rienn’est indifférentdecequ’ilest.Lacontemplativeleportedanssoncœur.«Jeseraivraimentheureusedetravailleravecvousausalutdesâmes.C’estdanscebutquejemesuisfaitecarmélite»(sainteThérèse,lettreaupèreRoulland,23juin1896).

Àpartirdecette clarification, lemondedéferledans l’âme.L’intérioritéaaffaireàtoutcequifaitl’homme,àtouslestempsetàtousleslieux.Lemondeentierseprésenteaufondducœurcommeunchampd’action.L’âmes’ensaisitetl’offreàlaraison

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quilareçoitavecunsentimentenivrantdeliberté.Ausommetdecette expérience, au XXe siècle, le monde est pour l’âme unchamp entièrement ouvert dont la raison cherche à prendre laresponsabilité.

Enmêmetemps,parsanature,l’intérioritéaaffaireàtoutcequi est autre, et par conséquent : la différence se multipliedevantelle,commeunappel.Lesautresreligions,lesautresartsde vivre, sont beaux. Leur importance ne provient pas du faitqu’on devrait les assimiler, adopter leurs mœurs. Mais ilsdemandentàl’âmed’enrépondre.Pourcela,ilsluidemandentànouveaud’être.Celarenvoiel’intérioritéàsavocationinitiale.

Aujourd’hui,lemondedontDieunousparle,lemondequ’ilnousdemanded’envisagerc’estlemondemultiple.Aujourd’hui,« au sortir de la messe », les chemins ouverts sont tropnombreux!Lamessenousmontrecequ’undiscourssolidenepeut pas embrasser, ce qu’on ne peut pas prendre enmain, cedont la raisonnepeutpas fairesesaffaires.Ellenedonnepasdes indications claires qui ouvrent le monde aux initiativesexaltantesdenotreliberté,commeauXXesiècle.Pourainsidire,l’ambition socialeneconduitplus à lamesse.Quiveut être leprêtredesapetiteville?–peudevocations.Prêtredumonde,oui.Comme elle est impérieuse, la revendication de cemondeluxuriant!

Ici, l’intériorité est devenue en excès. Elle est le pointd’accumulationdecequiesttropnombreux.Elleestuneattentetrop profonde nourrie par le monde entièrement altérisé. Enmême temps, l’intériorité est le point de référence, celle quiréponddel’humanitéplurielleenacceptantd’yêtrenoyée.Danslesyeuxde l’intériorité, lemondeestunmystèred’unité,dontellerépondparsonêtreauprésentdumonde.Danssesyeux,lemondesaitqu’ilestd’unseulEsprit.Notreintérioritéestalors

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dudevenirpourendiscernerlasourcelumineuse.Latemporalitéde laprière est constituéed’un«enavant».Unepersonneenpsychanalyse affirme : « Ma prière est de ne pas me laisserenfermer dansma prière. »Comme leDasein heideggérien, laprièreseconstruitàpartirdel’avenir.Elleestlamanièredontlesujet,notammentdanslesmomentsdramatiquesdel’existence,affirme la force de la vie. Elle est alors vœu d’ouverture del’avenir, et sa forme originelle serait l’intercession. Certainespersonnes agnostiques affirment connaître ces mouvements deprière jaculatoire dans les moments de détresse, face auxdivinités imprécises du destin : la prière a alors un parfummagique,maiselleconstitueunopérateurd’ouverturedufutur.Àpartir de l’avenir, elle fait écloreunprésent.Elleprendunevaleur particulière dans les périodes de la vie hantées par unetemporalitépostfestum,quiseraitcelledeladépression27.

La prière serait « l’intériorisation totale vécue377 » où lesujet se recueille et s’extraie de l’ambiance, pour tenterd’atteindrelefonddesonêtre.Cetteintériorisations’allieàune« extrospection totale » où le sujet parcourt l’univers. Letotalement extérieur rejoint en quelque sorte le totalementintérieur.Larechercheduplusprofonddesoiestaussiaventurehors de soi. Dans la pensée de Minkowski, les catégoriesd’introspectionetd’extrospectionsontancréesdans ledevenir.Ellesnesontpasau-dedansouau-dehorsd’unmoidéfiniensafrontière, mais constituent des événements. L’événement de laprièreauraitcommeéquivalent intellectuel« leproblème».Laprière serait la mise en forme expérientielle, plongée dans letemps,dudéficitdusens,sansqueceproblèmedonnelieuàunesolutionmaisdemandeà«êtrevécucommetel378».

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Accèsàl’autoréférenceetdialogueintérieurLedéfidel’intérioritéestaujourd’huilepremier«problème»àtraiter.

L’intérioritéestdevenueundéfienelle-même,commeaccèsà la continuité de l’autoréférence. Elle recèle des aspectsvertigineuxpourceluiquipeineàcontenirl’angoissed’êtresoi.

L’autreversantdecedéfiestceluid’uneintérioritéquiseraitouverte sur un Autre. La dimension personnelle de la prière,éloignée des codifications collectives prend actuellement uneplace marquée. Il existe une évolution de la signification desprièresduregistreméditatifquiconsisteraitplus,danslaculturecontemporaine,endesactesdecontemplation,deméditationetderéflexion,oùlesujetnes’adresseraitpasnécessairementàunêtre surnaturel, mais serait centré sur les profondeurs quil’habitent30.

Unerelationparadoxale

L’accès aux profondeurs de soi se veut, dans certains cas,désir de relation. Garder un point de vue de neutralitéaxiologique sur la prière n’est alors pas simple pour unpsychanalyste.Iln’estpasaiséderendrecomptedel’impactdel’undesprotagonistesde laprière–si l’onconsidère laprièrechrétienne –, c’est-à-dire Dieu, dont l’action est considéréecomme essentielle par le croyant, tout en faisant comme si lecroyantdemeuraitseuldansl’histoire.

L’approche la plus adéquate de la « relation » particulièresupposée par la prière nous semble être du côté de lapsychanalysede la relationd’objet.Celle-ci considèrequ’il sepasse quelque chose dans la relation, dans son aspect« concret », avec l’objet – avec ce que Winnicott appelle

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« l’environnement » –, qui est essentiel pour la maturationpsychiquedusujet.Lathéoriewinnicottiennemetenplaceunetopique qui prend tout son sens quand la relationpsyché/environnement a été défectueuse31 : cette topiqueconfigure, dans un travail temporel, la position relative desdifférentsespacesinternes,externesetintermédiaires.Lavisionwinnicottienneduself–termepeutsouventtraduit,l’équivalentseraitle«soi»–,enfaitainsiuneinstanceàpartentière,agentplus que représentation, rendant compte de toutes lesexpériencesoùlafragilitéidentitairenécessiteunecréativité.

La prière serait une expérience « illusoire », au sens oùl’entend Winnicott. L’illusion est, dans ce cas, créatrice.L’illusionn’estpas,selonWinnicott,entachéed’undésaveudela réalité. Elle se déploie à travers la capacité du sujet às’investirdansunmonded’expérience,capacitéqui trouvesonexpression finale dans la créativité humaine àmettre en formeunenvironnementporteurdesens.Ladialectiquedel’illusionetdeladésillusion,quiest leressortde lamaturationpsychique,jouedoncàtraverstoutel’expériencehumaine.

Le« trouver-créer»winnicottien signifieque,par le jeudel’illusion,l’enfant«trouve»danslaréalité,puisquesamèreluiprésente, l’objet du désir qu’il avait « créé » dans sa sphèred’illusion. La réalité permet, dans une certaine mesure, dedécouvrir l’objet consolant que l’on avait ardemment souhaité.Lagood-enoughmotherpermetàl’enfantdeconstituerunmoiqui rassemblesonexpérience fragmentée.Ellecréeunmomentd’illusionenprésentantl’objetaumomentoùl’enfants’apprêteà l’halluciner, comme s’il était sa création. Ce sentimentd’omnipotence est le fondement du sentiment interne deconfiance en soi. Il est nécessaireque cet environnement idéaldécline, et que la mère « rate » quelquefois cette adaptation

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desesphénomènessubjectifs.Ibid.,p.24.35.Ibid.,p.18.36.Ibid.,p.23.37.Ibid.,p.13.38.Ana-MariaRIZZUTO,TheBirthoflivingGod,Chicago,

UniversityofChicagoPress,1979.39.GilbertROSE,«Thecreativityofeverydaylife»,dans

Betweenfantasyandreality:Thetransitionalobject/sousladir.de Simon Grolnick et Léonard Barkin, New York, Aronson,1978,p.345-362.

40.Enphysique,ondéfinitlaportancecommeuneforcequis’exerce perpendiculairement à la direction de la vitesse etpermet à unemasse d’être soutenue.C’est ce qui permet à unavionde«se»portersurl’air.Lanotiondeportancepeutêtreélargie à la portance psychique (Jean-Michel QUINODOZ, Lasolitude apprivoisée, Paris, PUF, 2002). Le sentiment deportancedonneàl’individulemoyendecomposeravecladurée,afin de créer un équilibre dynamique dans les relationsobjectales,etdanslacapacitédumoidefairefaceàl’angoissedeperted’objet.

41. Cet « effort » de création réciproque où le créés’applique à « donner » de l’être au créateur est décrit avecsubtilité par le Talmud : «Quand vousme confessez, alors jesuis.Aumomentoùl’âmefaitsonaveudevantlafacedeDieuetoùellereconnaîtetattesteainsil’êtredeDieu,àcemoment-làseulement Dieu acquiert aussi de l’être. » (Cité par NorthropFRYE,Laparolesouveraine.LaBibleet la littérature, II, trad.C.Malamoud,Paris,Seuil,1994,p.10.)

42. WilliamW. MEISSNER,Psychoanalysis and Religiousexperience,NewHaven,YaleUniversityPress,1984,p.177.

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43.JeanSEGOND,op.cit.,p.12-13.44. THÉRÈSE D’AVILA, « Autobiographie », § 6,Œuvres

complètes,op.cit.,p.61-62.45. La prise de conscience de la précaritématérielle,mais

aussiontologique,estaucœurdelaprière(AntoineVERGOTE,Religion,foi,incroyance,op.cit.,p.261).L’adjectif«précaire»qualifieétymologiquementcequiestobtenuparprière.

46.JeanSEGOND,op.cit.,p.164-165.47. Jean-François CHIANTARETTO, Le témoin interne.

Trouverensoilaforcederésister,Paris,Aubier,2005.48. Richard SCHAEFFLER, Le langage de la prière, Paris,

Cerf,2003.49.WilliamJAMES,Lavolontéde croire, trad. F.Abauzit,

Paris,LesEmpêcheursdepenserenrond,2005(1916),p.64.50. Etty HILLESUM, Les écrits. Journaux et lettres 1941-

1943,trad.P.Nobleetal.,Paris,Seuil,2009(2002),p.103-104(dimanche8juin1941).

51.Ibid.,p.674(11juillet1942).52.Thérèsed’Aviladécrit,dans lespremièresdemeuresdu

«châteauintérieur»,quisontcellesdelaconnaissancedesoi,l’obscurcissement du regard provoqué par l’intrusion dans cesdemeuresdela«vermine»etdes«bêtes»habitantautourduchâteau (« Le château intérieur », op. cit., § 6, p. 873). Cesengeances grouillantes sont en relation, entre autres, avec lessoucis du monde. La version contemporaine de ces ténèbres,présentée par Etty Hillesum, est celle des broussailles del’angoisse. L’image intègre un degré de complexitésupplémentaire, où l’élément obscurcissant vient aussi del’intérieur.L’angoissenaîtduface-à-facede«l’âme»avecelle-même. La recherche narcissique d’Etty est cependant en écho

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avecl’intérêt«mondain»,dénoncéparThérèsebienavantelle.Lesbêtesdel’extérieurentrentquandonleslaissefaire.

53.EttyHILLESUM,Lesécrits,op.cit.,p.103(dimanche8juin1941).

54.SarahBÄNZIGERetal.,op.cit.55. Etty HILLESUM, op. cit., p. 687 (mercredi 15 juillet

1942).56.Ibid.,p149(mardi26août1941).57.Ibid.,p.563(mercredi10juin1942).58.Ibid.,p.596(vendredi19juin1942).59.JamesBissettPRATT,TheReligiousConsciousness :A

PsychologicalStudy,NewYork,Macmillan,1920.60.AntoineVERGOTE,op.cit.,p.283.61.AndréGODIN,Psychologiedesexpériencesreligieuses,

Paris,LeCenturion,1981,p.42.62. EttyHILLESUM,Les écrits, op. cit., p. 607 (samedi 20

juin1942).63.Ibid.,p.726(dimanche20septembre1942).

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qu’il est appelé à chercher. Mais la relation de confianceaimante,entretenuedansl’actedeparoleadresséàDieu,lefaitparticiperàl’acteintérieurparlequelleFils,ParoleéternelledeDieu, dit en lui « Abba ! Père ! » Vivre de l’inhabitationtrinitaire, c’est donc laisser le Verbe de Dieu naître en soi :comme Parole en laquelle le Père se donne, mais aussi,inséparablement, comme Parole adressée en retour au Père,parole filiale que l’Esprit intériorise en nous (voir Rm 8,14 :«tousceuxqu’animel’EspritdeDieusontfilsdeDieu»).

Où et comment la Trinité demeurant en nous est-elle àchercher, si cen’estpasdansunsentimentouunétatd’âme?Est-ce dans la négation de toute chose ? Faut-il vraiment,comme on le dit parfois, tout dépasser : les sentiments, lesimages,lespensées,lesparoles?Certes,sinousnousarrêtonsàune réalité finie, en y accrochant notre liberté comme s’ils’agissaitdenotreplusgrandbien,nousmanquonsDieu.Maissi,pourlechercher,nousnouspassionsdelafoietdel’amour,nous lemanquerions tout autant.Ainsi, le « je crois enToi »,l’actedeparoleparlequelnousdonnonsàDieunotreconfiancenedoit pas êtredépassé.Même si nousn’en reproduisonspasindéfinimentlaformulation,larelationje-tuqu’ilmetenœuvreest indépassable, au sein de la foi chrétienne. Remarquonsd’ailleurs que le « tu » n’est pas une représentation finie etimparfaite de Dieu, puisque qu’il ne s’agit précisément pasd’une représentation : « tu » renvoie en acte à celui à qui jeparle,sansenêtreunconceptouunereprésentation29.

On ne saurait bien entendu réduire la relation àDieu à sadimension de dialogue.L’expérience affective et contemplativedesaprésenceintérieuren’estaucunementdisqualifiée.Maisilimporte de souligner que cette expérience n’est signe del’inhabitationquedanslamesureoùelleestorientée,qualifiée,

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transformée par la relation dialogale au Dieu de Jésus-Christ.Comme le dit Jean-Louis Chrétien : la rencontre avec Dieu,même silencieuse, « demeure toujours pensée, éprouvée etdécritecommeunerencontredeparole,commen’ayantlieuqueparuneparoleplushauteque laprofération,etpourelle30 » ;« s’il est au-delà des mots, [ce silence] n’est pas au-delà duVerbe,puisquec’estLuiqu’ils’agitderencontrercœuràcœur.Cesilencedonneetredonnelaparole,soussaformelaplusnue,laplushaute31».

L’expériencedel’inhabitationtrinitaire,àlalumièredelafoi

Bienconcrètement,voicicequis’offreàl’expériencedetoutcroyant, fût-il dominé par le sentiment de l’absence de Dieu.Pour commencer, considérons une expérience accessible àchacun, en toutes circonstances : celle de la présence à soi-même, comme être vivant, comme chair. Ici, ce n’est passimplement l’extérieur qui m’affecte, mais moi-même, en tantqu’êtrevivant:jeressens,j’éprouveenmoilavie;enmoilavies’éprouveelle-même32. Jepuisainsimesentirmoi-même,dansle contact intime d’une auto-affection. Chacun peut en fairel’expérience, indépendamment de toute foi. Beaucoup deméthodes de recueillement, ou simplement de relaxation,supposent d’ailleurs de tourner ainsi l’attention sur laperceptiondesonproprecorps,etnotammentdesarespiration.Celan’arienàvoiraveclaprésencedeDieu,sedira-t-onpeut-être. Mais à y regarder de plus près, la foi jette une lumièresingulièresurcetteexpérienced’auto-affection:ellemeditquecettevieque j’éprouveeten laquelle jem’éprouveestcréationcontinuelle de Dieu. Ma vie est la manifestation première etpermanentede l’actepar lequelDieumeveutenvieetme fait

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vivre,danslapleinegratuitédel’amour.Ainsi,àlalumièredelafoi,lorsquejem’éprouvemoi-mêmecommevivant,j’éprouvelefruit direct et permanent de l’action créatrice de l’amour deDieu:moi-même,commeêtrepuisantlaviedanslaVieinfiniedeDieu.La lumièrede lafoi,mêmesiellen’estpasressentie,transformecequejepeuxtoujourséprouver–moi-mêmecommeêtrevivant – enmanifestation tangiblede la présence créatricedeceluiquimesuscitedans lavieparcequ’ilm’aime,etpourm’aimer.Lafoi,danslamesureoùl’onestattentifàcequ’ellerévèle au sujet de la création continuelle de Dieu, transfigureuneexpériencesimpleetaccessibleenexpériencedelaprésenceaimantedeDieu.

Ce qui vient d’être dit concerne avant tout la présenced’immensité–celleduCréateurentouteschoses–,maistoucheégalement à la présence d’inhabitation. Car la foi, qui rendpossible la transfiguration évoquée, est elle-même l’œuvre duDieu Trinité habitant en nous33. C’est tout l’enseignement duNouveauTestamentetdelaTraditionsurlagrâce,ledongratuitdeDieu.Lafoi,mêmetrèsaride,ettoutledynamismethéologal,même douloureux, prennent continuellement leur source enDieu.Ainsi,lemoindreactedefoi,fût-illaborieux,peutêtrelu,àlalumièredelafoi,commel’œuvredeDieuhabitantennouspar grâce.Quand le sentiment de cette présence deDieu nousfaitdéfaut,uneexpériencenousesttoujourspossible:celledel’acteparlequelnousnoustournonsversDieu,nouscrionsverslui ; ou plus simplement encore, l’expérience de l’actevolontaire de demeurer en position de prière, alors même quenoussommessubmergésdedistractions,outaraudésparl’enviedefuir.CetacteaccessibleàtousestdéjàuneparoleexprimantàDieu le « je te cherche » que nous peinons à vivre. Et à lalumière de la foi, nous pouvons reconnaître dans cet acte la

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Danslamêmecollection

GenevièveMédevielle(dir.),Lesfinsdernières,2008.LucDubrulle,MgrRodhainetleSecourscatholique.Unefiguresocialedelacharité,2008.BèdeUkwuije,Trinitéetinculturation,2008.OlivierArtus(dir.),Eschatologieetmorale,2009.François Cassingéna-Trévédy, Les Pères de l’Église et laliturgie,2009.François Bousquet et Henri de La Hougue (dir.), Ledialogueinterreligieux,2009.François-MarieHumann et Jacques-Noël Pérès (dir.), LesApocrypheschrétiensdespremierssiècles,2009.ClaudeTassin,L’apôtresaintPaul.Unautoportrait,2009.Denis Villepelet, Les défis de la transmission dans unmondecomplexe,2009.MauriceVidal(dir.),Jean-JacquesOlier.Hommedetalent,serviteurdel’Évangile(1608-1657),2010.Jacques-NoëlPérès(dir.),L’avenirdelaterre,undéfipourlesÉglises,2010.Philippe Bordeyne, Éthique du mariage. La vocationsocialedel’amour,2010.François-Xavier Nguyen Tien Dung, La foi au Dieu deschrétiens,gaged’unauthentiquehumanisme,2010.François Moog, La participation des laïcs à la chargepastorale. Une évaluation théologique du canon 517 § 2,2010.JoëlMolinario, JosephColombet l’affairedu catéchismeprogressif.Untournantpourlacatéchèse,2010.Catherine Fino, L’hospitalité, figure sociale de la charité.DeuxfondationshospitalièresàQuébec,2010.RenéTabard,Lavieaveclesmorts.Expérienceshumaines

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etfoichrétienne,2010.HenrideLaHougue,L’estimedelafoidesautres,2011.DominiqueBarnérias,Laparoisseenmouvement.L’apportdessynodesdiocésainsfrançaisde1983à2004,2011.GermainJin-SangKwak,Lafoicommeviecommuniquée.LerapportentrelafidesquaetlafidesquaechezHenrideLubac,2011.Jacques-NoëlPérès(dir.),Famillesenmutation,approchesœcuméniques,2011.FrançoisMoogetJoëlMolinario(dir.),Lacatéchèseet lecontenudelafoi,2011.Jean-Baptiste Lecuit (dir.), Le défi de l’intériorité. LeCarmelréforméenFrance,1611-2011,2012.

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CompositionetmiseenpagesréaliséesparCompo66–Perpignan

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