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FACULTÉ DE DROIT UFR DE LANGUES ET DES SCIENCES POLITIQUES DEPARTEMENT LEA Site La Roche sur Yon Site La Roche sur Yon MASTER 2 JURISTE TRILINGUE 2011-2012 MEMOIRE DE STAGE Le droit de la séparation des couples mariés en Ontario, en Allemagne et en France Par BROCHARD Lucile Sous la direction de GARREAU Dominique, UFR Droit et sciences politiques PARKINSON Howard, UFR Langues

Le droit de la séparation des couples mariés en Ontario ... · Canada et l’historique juridique français de l’importante province du Québec, limitrophe de l’Ontario,

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FACULTÉ DE DROIT UFR DE LANGUES

ET DES SCIENCES POLITIQUES DEPARTEMENT LEA

Site La Roche sur Yon Site La Roche sur Yon

MASTER 2 JURISTE TRILINGUE

2011-2012

MEMOIRE DE STAGE

Le droit de la séparation des couples mariés en

Ontario, en Allemagne et en France

Par BROCHARD Lucile Sous la direction de GARREAU Dominique, UFR Droit et sciences

politiques PARKINSON Howard, UFR Langues

a

Stage du 19 Mars 2012 au 6 Juillet 2012

Chez :

Polten & Associates

Adelaide Place, DBRS Tower

181 University Avenue, Suite 2200

Toronto, Ontario M5H 3M7,

CANADA

Encadré par: Mr. E. P. Polten, avocat sénior chez Polten & Associates en Ontario, Canada

Mme D. Garreau, référente en Droit et Sciences Politiques de l’Université de

Nantes

M. H. Parkinson, référent en Langue de l’Université de Nantes

Travail rédigé en langue française et anglaise.

Soutenance fin Septembre 2012.

b

Résumé en français

Ce mémoire est le résultat de mon expérience pratique au cabinet d’avocats Polten & Associates

à Toronto, Ontario, et de mes recherches et réflexions juridiques qui ont suivi.

La pratique juridique dans ce cabinet m’a montré que de nombreux couples mariés en Ontario

souhaitent se séparer sans divorcer, car ils veulent à la fois cesser de vivre ensemble et rester

mariés, dans l’espoir d’une réconciliation. Ce cabinet est spécialisé dans les contentieux

transfrontaliers entre l’Allemagne et l’Ontario et cette expérience a montré que les couples dans

une telle situation internationale essaient souvent de découvrir quelle réglementation leur est le

plus favorable dans le but de l’appliquer à leur cas. Cependant, le droit international privé

interdit aux parties de choisir elles-mêmes la loi qu’ils souhaitent appliquer mais impose plutôt

des règles pour déterminer la loi applicable. Néanmoins, la pratique et mes recherches ont

démontré le manque de précision de ces règles qui ne peuvent pas prévoir toutes les situations

possibles et donc n’empêchent pas toujours les parties de choisir leurs propres règles.

J’ai choisi d’étudier le concept de séparation et ses conséquences en Ontario, en Allemagne et en

France pour souligner les différences et similitudes entre ces systèmes juridiques, ainsi que leurs

points forts et points faibles.

La séparation de corps, dite separation en Ontario et Trennung en Allemagne, est une étape

spéciale durant le mariage. Les époux restent mariés mais sont légalement séparés à l’égard des

tiers. Ceci a de nombreuses conséquences, telles que la fin du devoir de cohabitation, qui est

souvent le but recherché lors d’une séparation. Cependant, d’autres devoirs demeurent, tel le

devoir de soutien entre les époux, qui cause autant de conflits que lors d’un divorce. De plus, la

séparation a des conséquences pour la famille entière ; c'est-à-dire pour les enfants issus du

mariage.

Cette étude va montrer que certaines situations ont intérêt à être résolues selon les règles de

l’Ontario, de la France ou de l’Allemagne, mais il n’y a pas de solution commune qui comprend

tous les avantages d’un système et rejette ses défauts.

c

Résumé en anglais

This dissertation is the result of my practical experience at the law firm Polten & Associates in

Toronto, Ontario and my following legal research and reflections.

The legal practice in this law firm showed me that many married couples in Ontario want to be

separated without being divorced, because they simultaneously want to cease living together and

to remain married, in case of a reconciliation. This law firm has more than two decades of

experience in conducting Ontario court actions on behalf of German-speaking clients and in

arranging the conduct of legal actions on behalf of Ontario residents against private individuals,

business enterprises and institutions in Germany. The cases on which I worked reflected the fact

that couples in such international situation often try to discover which regulation is the most

advantageous in order to let this regulation apply to them. However, international private law

forbids that the parties choose the law they want to apply and rather imposes some rules to

determine the law which should apply. Nevertheless, the practice and my research reflect the

lack of precision of these rules which cannot foresee every situation and therefore do not always

prevent the parties from choosing their own rules.

I chose to study the concept of separation and its consequences in Ontario, Germany and France,

to outline the differences and commonalities between them, as well as their strong and weak

points.

The legal separation, called séparation de corps in France and Trennung in Germany, is a

specific stage during the marriage. The spouses remain married but are legally separated toward

third parties. This has many consequences, such as the end of the duty of cohabitation, which is

often the aim of the separation. However, other duties remain, such as the duty of support

between the spouses, which generates as much conflicts in separation as it does in divorce.

Moreover, the separation has consequences for the entire family; that is, for the children of the

marriage.

This study will show that some situations are preferable to be solved under the German, the

Ontarian or the French rules, but there is no common solution which encompasses all advantages

of one system and rejects its defects.

d

Résumé en allemand

Diese Masterarbeit ist das Ergebnis meiner praktischen Erfahrung bei der Anwaltskanzlei Polten

& Associates in Toronto, Ontario und meinen folgenden juristischen Recherchen und

Überlegungen.

Die juristische Praxis in dieser Kanzlei hat mir gezeigt, dass manche Ehepaare in Ontario

getrennt werden wollen, ohne sich scheiden zu lassen, weil sie gleichzeitig wünschen, das

Zusammenleben zu beenden und verheiratet zu bleiben, für den Fall dass sie sich aussöhnen.

Diese Kanzlei ist in grenzüberschreitenden Rechtsstreitigkeiten zwischen Ontario und

Deutschland spezialisiert und die Erfahrung hat gezeigt, dass Ehepaare in solchen internationalen

Situationen oft versuchen, die vorteilhafteste Regelung zu finden, um sie auf ihre Situation

anwenden zu lassen. Allerdings verbietet das internationale Privatrecht, dass die Parteien das

Recht wählen, das sie anwenden wollen, und erlegt einige Regeln auf, um das anwendbare Recht

zu bestimmen. Nichtdestotrotz zeigen die Praxis und meine Recherchen den Mangel an

Genauigkeit dieser Regeln, die nicht alle Situationen vorsehen können und die Parteien also

nicht immer verhindern, ihre eigenen Regeln zu wählen.

Ich habe entschieden, den Begriff der Trennung und ihre Folgen in Ontario, Frankreich und

Deutschland zu studieren, um die Unterschiede und Ähnlichkeiten der Rechte, sowie ihre Vor-

und Nachteile zu betonen.

Die juristische Trennung, in Frankreich séparation de corps und in Ontario legal separation

genannt, ist eine spezielle Phase einer Ehe. Die Ehegatten bleiben verheiratet, sind aber juristisch

gegenüber Dritten getrennt. Dies hat manche Konsequenzen, wie das Ende der

Zusammenlebenspflicht, was oft das Ziel der Trennung darstellt. Allerdings bleiben andere

Pflichten bestehen, wie die Unterhaltspflicht zwischen den Ehegatten, die genauso viele

Konflikte wie eine Scheidung verursacht. Außerdem hat die Trennung Konsequenzen für die

gesamte Familie; das heißt, für die Kinder der Ehe.

Diese Studie zeigt, dass einige Situationen am besten nach dem Recht von Deutschland,

Frankreich oder Ontario gelöst werden. Es gibt aber keine gemeinsame Lösung, die alle Vorteile

eines Systems enthält und seine Nachteile vermeidet.

e

Sommaire

Introduction ............................................................................................................................ - 1 -

CHAPITRE I Le fonctionnement de la séparation ................................................................ - 7 -

Articulation avec le divorce et procédure ............................................................. - 7 - Section 1.

§ 1 Existence de l’articulation entre la séparation et le divorce dans les trois systèmes - 7 -

§ 2 Tribunal compétent et Loi applicable................................................................... - 11 -

§ 3 La reconnaissance de la séparation ...................................................................... - 19 -

Les différentes causes de séparation .................................................................. - 21 - Section 2.

§ 1 L’échec du mariage, élément central de la séparation .......................................... - 22 -

§ 2 Divergences dans les trois législations quant aux autres causes possibles ............. - 27 -

Cessation de la séparation.................................................................................. - 29 - Section 3.

§ 1 Reprise de la vie commune .................................................................................. - 30 -

§ 2 Le divorce, évolution de la séparation ................................................................. - 31 -

CHAPITRE II Les conséquences de la séparation ............................................................ - 33 -

Droit de garde et de visite .................................................................................. - 33 - Section 1.

§ 1 Priorité au bien-être de l’enfant, commune aux trois réglementations .................. - 34 -

§ 2 L’autorité parentale partagée : la solution par défaut en Allemagne et en France . - 36 -

§ 3 La priorité donnée à l’accord entre les parents en Ontario .................................... - 39 -

Pensions alimentaires ........................................................................................ - 41 - Section 2.

§ 1 Le concept de devoir de soutien........................................................................... - 42 -

§ 2 Vis-à-vis des enfants ........................................................................................... - 44 -

§ 3 Entre les époux .................................................................................................... - 47 -

Les conséquences en matière de biens ............................................................... - 53 - Section 3.

§ 1 Le logement familial ........................................................................................... - 54 -

§ 2 Les autres biens ................................................................................................... - 57 -

- 1 -

INTRODUCTION

Aujourd’hui, 40% des mariages ne durent pas plus de trois ans1. Ainsi, on pense souvent que

ces échecs de mariages se soldent par des divorces. Pourtant, ce n’est pas tout à fait exact.

1,2% des mariages se terminent en réalité par des séparations2.

Le terme de séparation peut avoir deux sens :

- Ce peut être la fin d’une relation entre deux partenaires qui n’ont jamais été mariés.

- Ce peut aussi être une étape d’un mariage qui symbolise une brèche dans la relation

entre deux époux qui ne veulent pas divorcer pour des raisons religieuses ou parce

qu’ils espèrent pouvoir se réconcilier.

La présente étude est la conclusion de mon stage dans le cabinet d’avocats Polten &

Associates au Canada, car cette expérience pratique m’a permis de traiter de différents cas de

séparation de couples mariés. Pour cette raison, cette étude va porter sur la séparation des

couples mariés et non la fin des partenariats pour les couples non mariés. Le terme de

séparation sera donc utilisé au sens de cette étape particulière au cours du mariage tout au

long de cette étude.

Mon expérience pratique dans ce cabinet de Toronto, Ontario, appuiera cette étude et limitera

la comparaison aux pays et régions concernés par les cas que j’ai traités durant ce stage.

Le Canada est un état fédéral, ce qui signifie que certains domaines du droit sont réglementés

par l’état fédéral, et d’autres par les provinces (les dix provinces sont l'Alberta, la Colombie-

Britannique, l'Île-du-Prince-Édouard, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-

Écosse, l'Ontario, le Québec, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador ; les trois

territoires sont les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et le Yukon) ; et ces

réglementations s’appliquent uniquement sur le territoire géographique concerné. Par

exemple, c’est la raison pour laquelle les avocats de l’Ontario ne sont pas autorisés à exercer

dans les autres provinces. Alors que le divorce appartient au domaine de compétence de l’état

fédéral canadien, les dispositions concernant la séparation varient selon les provinces.

1 En France métropolitaine, en 2005. Source Insee, Bilan démographique. 2 http://www.parlonsdivorce.fr/divorce/par-consentement-mutuel/la-separation-de-corps - Jean Piétrois - La

séparation de corps (30/8/12) ; en 2000, source Insee.

- 2 -

Puisque mon stage s’est déroulé en Ontario, cette étude se concentrera sur les règles

applicables à la séparation dans cette province du Canada.

Mon entreprise d’accueil, Polten & Associates, ayant une expérience extensive dans les

contentieux transfrontaliers impliquant l’Allemagne et l’Ontario, il est pertinent d’inclure les

règles allemandes de séparation à cette étude. La population allemande atteint en effet 2,4%

en Ontario3 et le nombre de cas de droit de la famille concernant l’Ontario et l’Allemagne est

par conséquent non négligeable. Bien que l’Allemagne soit également un état fédéral, les

compétences législatives et réglementaires ne sont pas réparties comme au Canada, de sorte

que le divorce et la séparation, en tant que domaines du droit de la famille, appartiennent tous

deux à la compétence de l’Etat fédéral d’Allemagne. Pour cette raison, cette étude s’étendra à

l’intégralité du territoire allemand.

Considérant mon parcours d’études juridiques en France, ainsi que le caractère bilingue du

Canada et l’historique juridique français de l’importante province du Québec, limitrophe de

l’Ontario, une comparaison avec les règles françaises de séparation apparait également

pertinente. La France étant un Etat centralisé, la réglementation sur la séparation s’applique à

l’intégralité du territoire français.

Par conséquent, cette étude se concentrera sur la séparation des époux en Ontario, en

Allemagne et en France.

Comme vu précédemment, la séparation peut être considérée par des époux qui ne veulent

plus être liés l’un à l’autre et n’acceptent pas non plus le concept du divorce pour des raisons

religieuses. Ils peuvent alors décider d’être légalement séparés, pour que leurs intérêts

familiaux et financiers soient officiellement distincts.

La séparation peut également être perçue comme une situation provisoire pour des époux qui

traversent une période délicate et espèrent que ceci n’est que temporaire. Ils peuvent avoir de

bonnes raisons de penser que leurs intérêts devraient être séparés pendant cette période, afin

de préserver la famille de troubles émotionnels ou de conflits financiers. Ils choisiraient donc

d’être légalement séparés pendant une courte période de temps, plutôt que de commencer une

3 En 2006, 80 100 immigrants d'origine allemande vivaient en Ontario. Source :

http://www.sse.gov.on.ca/medt/investinontario/fr/Pages/imc_germany.aspx - Ontario Canada - Allemagne

(30/8/12).

- 3 -

procédure de divorce qui viendrait officialiser la rupture de leur mariage et générer des coûts

procéduraux ainsi que les conflits financiers qui en découlent.

Le coût moyen d’une séparation s’élève en effet à environ 4000€, alors que celui d’un

divorce peut aller jusqu’à 15000€4. En revanche, la durée d’une procédure de séparation

avoisine celle du divorce.

Néanmoins, le pourcentage d’époux séparés qui se réconcilient et vivent à nouveau ensemble

est relativement bas.

Ainsi qu’il a été mentionné plus haut, cette étude se concentrera sur la séparation des couples

mariés. Le sens du terme de séparation reste à définir.

En Ontario, la séparation5 implique le fait d’être reconnu juridiquement séparés. Cela signifie

que deux époux qui décident de ne plus vivre ensemble durant une certaine période peuvent

être séparés au sens propre mais pas au sens juridique du terme, s’ils ne remplissent pas

toutes les conditions. L’objectif de ce changement de situation juridique est la plupart du

temps la suppression officielle du devoir de cohabitation. Grace à cela, les époux ne seront

plus contraints de partager les besoins quotidiens, tels que partager les repas, faire les

courses, entretenir le foyer, faire les lessives, recevoir le courrier, partager une chambre...

Cependant, certains devoirs et liens du mariage subsistent, même si les époux sont

officiellement juridiquement séparés.

La définition de la séparation6 en Allemagne est largement similaire à celle de l’Ontario.

A l’inverse, il y a différents types de séparation en France. La séparation de fait n’existe ni

en Ontario ni en Allemagne et est la désignation juridique d’une situation de fait sans

changement juridique. La séparation de fait s’applique aux époux qui ne vivent plus

ensemble mais pour une courte période de temps. Ils demeurent mariés et il n’y a absolument

aucune modification de leur situation ou de leurs devoirs l’un envers l’autre. Cette séparation

représente uniquement la cessation factuelle de leur communauté de vie. Puisque tous les

devoirs issus du mariage subsistent, le fait d’abandonner le foyer conjugal peut être retenu

comme une violation des obligations et reproché lors d’une procédure de divorce. A

4 http://www.famillesrurales.org/droits_separation-166-145.html - Familles rurales - les différentes formes de

séparation (30/8/12) 5 Separation en droit de l’Ontario. 6 Trennung en droit allemand.

- 4 -

l’inverse, la séparation de corps a un sens similaire à celui de la séparation en Ontario. Les

époux veulent être légalement séparés mais pas divorcés afin d’éviter le partage de certaines

taches domestiques. Ce type de séparation entraine également un changement de situation

juridique pour les époux et met fin au devoir de cohabitation. Cela signifie qu’un époux peut

abandonner le domicile conjugal sans craindre que ceci lui soit reproché lors d’une future

procédure de divorce. Comme en Ontario et en Allemagne, d’autres obligations du mariage

sont maintenues, puisque le mariage n’est pas rompu par la séparation.

Dans les trois systèmes, un accord entre les époux est possible afin d’éviter la durée et les

coûts d’une procédure judiciaire. Les époux se mettent d’accord sur chacun des contentieux

potentiels concernant l’ensemble de leur situation et les fixent par écrit. En France et en

Ontario, ils vont ensuite soumettre leur convention à un juge qui pourra l’homologuer et ainsi

lui conférer la force contraignante, rapidement et à moindre coût. Le juge doit vérifier que les

consentements des époux sont libres et éclairés. Toutefois, les conventions de séparation

n’ont pas le même rôle et la même importance en Allemagne et en France qu’en Ontario.

En France, la séparation est toujours soumise à un juge, comme le divorce. Si les époux

s’accordent sur la majorité des points, la procédure sera plus courte mais leur accord, en lui-

même, n’aura pas force contraignante. La seule décision contraignante sera celle du juge.

Les juges de l’Ontario ont également le pouvoir de conférer la force contraignante à toute

convention de séparation préparée par les époux. Les accords verbaux sont acceptés mais les

juges promeuvent les accords écrits pour éviter tout conflit. La seule contrainte procédurale

est la présence obligatoire d’un témoin lors de l’accord entre les époux. Les époux peuvent

s’accorder sur la répartition des biens, ou le montant d’une pension alimentaire, par exemple.

Ces conventions suivent les règles du droit des contrats, et peuvent donc être modifiées selon

la volonté des parties ou annulées pour vice de consentement, pour cause de violence par

exemple.

En Allemagne, toute convention par laquelle les époux aménagent le régime légal applicable

à leur mariage doit être faite devant un notaire.

Le principe de la convention de séparation semble plus développé et encouragé au Canada

qu’en Europe. Ceci peut s’expliquer par le fait que les honoraires des avocats sont plus élevés

en Amérique du Nord qu’en Europe et que les justiciables ont donc tendance à s’accorder

plutôt que de saisir les tribunaux. La seconde explication pourrait être l’importance donnée à

la liberté de contracter en Amérique du Nord en comparaison avec l’Europe. C’est pourquoi

- 5 -

le système de l’Ontario encourage les parties à s’accorder par elles-mêmes et évite de

s’immiscer dans les relations privées.

Mon expérience pratique au cabinet Polten & Associates m’a permis de traiter de nombreux

cas de séparations transfrontalières.

Par exemple, l’un de nos clients était citoyen Canadien, ainsi que sa femme et leurs deux

enfants. Ils s’étaient mariés en Ontario et y avaient vécu pendant douze ans. En 2008, ils ont

décidé de s’installer en Allemagne en raison du travail du mari. Toute la famille a habité dans

l’immeuble qu’ils y avaient acheté, pendant quatre ans, avant que le mariage ne commence à

battre de l’aile. L’épouse n’était pas heureuse en Allemagne et voulait rentrer en Ontario.

L’une des enfants voulait rester en Allemagne avec son père tandis que l’autre projetait de

retourner en Ontario pour ses études. La première question de notre client était de savoir quel

pays avait la compétence pour officialiser la séparation, entre l’Allemagne et l’Ontario. La

seconde question était de savoir quelle loi le juge compétent allait appliquer à la séparation.

Mais sa question principale concernait en réalité la détermination de la loi qui aurait les

meilleures conséquences pour lui et ses enfants, ainsi que le moyen d’appliquer cette loi

avantageuse.

En m’appuyant sur ce type de cas, j’ai décidé de concentrer mon étude sur le potentiel forum

shopping* utilisé par de nombreux couples dans une telle situation et leurs possibles

questions. J’ai donc comparé les différentes lois, réglementations et mesures en Ontario,

Allemagne et France, leurs principes et leurs conséquences.

Au Canada, certaines provinces ont adopté des lois qui prévoient la séparation des couples

mariés (telles que l’Alberta, la Colombie Britannique, le Saskatchewan et les Territoires du

Nord-Ouest). Cependant, ceci ne s’est pas produit en Ontario, où l’on appliquait la loi sur le

divorce de 19857 (qui était seulement prévue pour les cas de divorces) et où l’on a continué

d’appliquer le système britannique : la loi sur les affaires matrimoniales de 1973

simultanément pour s’adapter aux cas de séparations. A cause de ce manque de cohérence

juridique, les tribunaux de l’Ontario ont souvent prétendu ne pas être compétents pour traiter

7 Divorce Act (R.S.C. 1985 c. 3 (2nd supp.)).

- 6 -

des demandes de séparation. En 1990 a été adoptée la loi sur le droit de la famille8qui a pour

but de conclure la séparation des époux par une convention de séparation, qui vise de

nouveau à écarter la compétence des juges de l’Ontario vis-à-vis de la séparation.

Dans ce vaste éventail de réglementations et de réformes, il y a un besoin évident de conseil

juridique pour les époux qui souhaitent mettre fin à certains effets de leur mariage, en

particulier si leur situation présente un élément d’extranéité. De plus, les différences entre les

systèmes juridiques de common law*, tel qu’en Ontario, et des systèmes juridiques codifiés,

tels qu’en France ou en Allemagne, sont si vastes et nombreuses qu’on ne peut pas attendre

de la grande majorité des justiciables qu’ils résolvent le problème sans assistance juridique.

Cette étude va révéler que le droit international privé ne couvre pas toujours toutes les

situations potentielles, et crée donc une certaine insécurité juridique qui peut être utilisée par

les parties pour choisir d’appliquer la loi qui leur est le plus favorable. Ce forum shopping

n’est pas seulement contraire aux principes de justice naturelle, mais est aussi la source de

nombreux conflits dans une situation telle que la séparation, puisque chaque époux souhaite

protéger ses propres intérêts et parfois ceux de ses enfants, au détriment de l’autre époux.

Toutefois, il appartient aux devoirs des avocats de protéger les intérêts de leur client aussi

correctement que possible ; c'est-à-dire, d’utiliser les lacunes du droit international privé pour

chercher à appliquer la loi la plus favorable.

Pour ces raisons, la principale question qui s’est posée à moi durant cette expérience pratique

sera celle dont je traiterai durant au long de cette étude.

Des dispositions sur la séparation en Ontario, en Allemagne et en France,

lesquelles présentent le plus d’avantages pour un couple marié?

Pour répondre à cette question, les bases et les principes de la séparation doivent être

examinés en premier lieu, puis comparés au sein de trois systèmes juridiques qui sont :

l’Ontario, l’Allemagne et la France (Chapitre I). Seulement après, les conséquences pour la

famille et sur les biens peuvent être étudiées et comparées à leur tour, afin de déterminer s’il

y a des avantages à être séparés dans un pays ou dans l’autre (Chapitre II).

8 Family Law Act (R.S.O. 1990 c. F. 3).

- 7 -

CHAPITRE I LE FONCTIONNEMENT DE

LA SEPARATION

Comme nous l’avons vu précédemment, la séparation peut facilement être confondue avec le

divorce et lui est similaire sur bien des points. Toutefois, il y a aussi de nombreuses

différences qui justifient l’existence de deux procédures différentes. Dans le cadre d’une

étude du fonctionnement de la séparation, il est donc essentiel de comprendre sa procédure et

particulièrement son articulation avec la procédure de divorce. (Section 1). Ensuite, il est

pertinent d’étudier le commencement et la fin de la séparation, c'est-à-dire, les différentes

causes (Section 2) et les différents moyens de mettre fin à la séparation (Section 3).

Articulation avec le divorce et Section 1.procédure

Nous noterons que cette articulation avec le divorce n’est pas seulement logique mais aussi

indispensable à l’objectif de la séparation qui est de mettre fin à la vie conjugale. Ceci

démontre la volonté de mettre fin à certains effets du mariage, ce qui pourrait faire penser à

un divorce, bien que la séparation évite le divorce. Pour cette raison, il n’est pas surprenant

que cette articulation soit présente dans les trois systèmes (§1). Bien que cette étude soit

fondée sur une comparaison de plusieurs systèmes juridiques différents afin de déterminer

celui qui présente le plus d’avantages, il convient de garder en mémoire que les justiciables

ne sont théoriquement pas autorisés à choisir le système juridique qu’ils souhaitent voir

appliquer à leur situation. L’examen du droit international privé en la matière est donc

indispensable (§2). Enfin, nous nous intéresserons à la principale distinction procédurale

entre l’Ontario, l’Allemagne et la France, qui est la reconnaissance juridique de la situation

de séparation (§3).

§ 1 EXISTENCE DE L’ARTICULATION ENTRE LA SEPARATION ET LE

DIVORCE DANS LES TROIS SYSTEMES

Chacun des trois systèmes étudiés reconnait le lien indéniable entre la séparation et le

divorce, et les dispositions écrites de chaque système sont mêlées, voire identiques.

- 8 -

Cependant, chaque système a aussi des dispositions spécifiques qui ne s’appliquent qu’à la

séparation. Toutefois, ces dispositions ne se rapportent pas aux mêmes branches de la

séparation. Le Bürgerliches Gesetzbuch (BGB)9* allemand se concentre uniquement sur le

devoir de soutien et le droit de garde (A), tandis que le Code civil français détaille les

conséquences de la séparation, séparément de la procédure de divorce (B). Enfin, la

réglementation en Ontario a sa propre organisation due au caractère fédéral et au système de

common law du pays (C).

A. Mise en exergue du devoir de soutien en Allemagne

La séparation est mentionnée en premier lieu dans le BGB aux §§1361, 1361a et 1361b10.

Ces trois paragraphes appartiennent à la partie des Effets généraux du mariage11 et se

rapportent au soutien alimentaire, à la répartition des biens meubles et immeubles lors d’une

séparation. Ces paragraphes suivent la partie concernant le devoir obligatoire de soutien entre

époux, qui est défini au §135912.

A la suite de cela, la séparation est mentionnée dans la partie nommée Garde parentale13 au

§§1671, 1672 et 1687. Ces paragraphes traitent des cas où les parents séparés partagent la

garde de l’enfant et prévoient que chaque parent est autorisé à demander au tribunal allemand

pour la famille14 le droit d’avoir la garde d’un enfant issu du mariage.

Enfin, la séparation est définie au §1567 (1) : « Les époux vivent séparés, lorsqu’il n’y a pas

de cohabitation domestique entre eux et que l’un d’eux ne veut objectivement pas la

construire, parce qu’il/elle refuse la communauté de vie conjugale »15. Le §1567 est inclus

9 Pourrait être traduit littéralement par Livre civil de lois et est l’équivalent allemand du Code civil français.

BGB1. I S. 42, ber. S. 2909 and BGB1. I 2003 S. 738.

* Les mots marqués d’un astérisque sont définis dans le glossaire multilingue. 10 Le BGB est construit par des paragraphes (§) et non par des articles. 11 Wirkungen der Ehe im Allgemein en droit allemand 12 Sorgfaltspflicht en droit allemand. 13 Elterliche Sorge en droit allemand. 14 Familiengericht en droit allemand. 15 „Die Ehegatten leben getrennt, wenn zwischen ihnen keine häusliche Gemeinschaft besteht und ein Ehegatte

sie erkennbar nicht herstellen will, weil er die eheliche Lebensgemeinschaft ablehnt.“ (§1567 I BGB)

- 9 -

dans la partie sur le divorce dans le BGB16. L’absence de disposition particulière hors de la

partie sur le divorce implique que la séparation est en majeure partie réglée comme le

divorce.

Cette définition claire et distincte de la séparation est une spécificité allemande et n’existe

pas en France.

B. Mise en exergue de la procédure, de certaines conséquences et

de la cessation en France

Le Code civil inclut le chapitre sur la séparation sous le titre nommé Divorce, mais ne définit

pas ce qu’est la séparation. Le chapitre sur la séparation est le dernier du titre du divorce et

traite de la procédure, de certaines conséquences et de la cessation de la séparation dans trois

sections distinctes.

La section procédurale ne traite que de l’articulation du divorce et de la séparation. L’article

297-1 indique qu’une demande en divorce est prioritaire sur une demande en séparation, si

les deux sont présentées simultanément au juge. Celui-ci examinera la demande en divorce

en premier et la validera si les conditions sont remplies. Sinon, le juge examinera la demande

de séparation. L’article 298 renvoie au chapitre procédural précédent concernant le divorce

pour les autres problèmes procéduraux de la séparation.

De même, la dernière section sur la cessation de la séparation est clairement articulée avec le

divorce, ainsi que le montrent les articles 306 à 309 du Code17 qui traitent de la conversion en

divorce.

Concernant les conséquences, le Code civil précise certaines d’entre elles mais renvoie aux

conséquences du divorce pour les autres, en vertu de l’article 304. Ces précisions diffèrent du

système allemand. La différence majeure par rapport au divorce est que la séparation ne met

pas fin au mariage, selon l’article 299. Le Code civil donne également des précisions quant à

l’usage du nom (article 300), les droits de l’époux survivant (article 301), la division des

16 Scheidung der Ehe en droit allemand. 17 C.f. Chapitre I, Section 3, §2.

- 10 -

biens (article 302)18 et le devoir de soutien (article 303)19. Cependant, le droit de garde n’est

pas précisé en tant que distinction du divorce, à l’inverse des mesures allemandes.

Il ressort de la rédaction du Code que l’objectif principal de la séparation est d’être convertie

en divorce. Il semble que les deux procédures et les conséquences soient en majorité

similaires et que ceci soit précisément le but des rédacteurs. Il semble aussi que le législateur

a souhaité que la séparation soit la première étape du divorce et que les articles dédiés à la

séparation visent à réguler une période délicate mais transitoire qui n’est pas censée durer

plus de deux ans mais plutôt simplifier la conversion en divorce, selon l’article 306.

Cet objectif ne semblait pas présent en Allemagne, alors qu’il est partagé par l’Ontario.

C. La spécificité de l’Ontario en tant que pays fédéral au système

de Common Law

Les praticiens du droit en Ontario encouragent en effet à engager une procédure de séparation

avant d’engager une procédure de divorce. Le mot divorce peut parfois être effrayant pour de

nombreux couples dans une situation tendue et sensible et il peut paraitre positif de

commencer par une séparation, même si elle se termine par une conversion en divorce.

La théorie est cependant plus complexe à cause du caractère fédéral du Canada. La

séparation est en principe réglementée par les provinces, ce que fait l’Ontario dans la loi sur

le droit de la famille de 1990. Toutefois la loi fédérale sur le divorce de 1985 fournit aux

provinces des dispositions qu’elles doivent suivre lorsqu’elles rédigent les lois provinciales.

La loi sur le divorce ne définit pas la séparation mais définit en revanche le fait de vivre

séparés, qui est un concept clé de la définition de la séparation20. L’article 8 de la loi sur le

divorce précise également la manière dont la période de séparation doit être calculée.

L’article 11 mentionne aussi la séparation dans un cas de tolérance, et renvoie encore au

calcul de la période de séparation. Ainsi la loi sur le divorce ne donne pas de détail sur la

séparation mais ne vise qu’à encadrer les réglementations provinciales.

18 C.f. Chapitre II, Section 3, §2. 19 C.f. Chapitre II, Section 2, §1. 20 C.f. Chapitre I, Section 2, §1, A.

- 11 -

Pour cette raison, la loi sur le droit de la famille de l’Ontario fournit de nombreux détails. Les

articles 18, 19 et 21 traitent rapidement de la séparation sur un plan procédural mais les

informations principales sont fournies aux articles 51 à 56 de la loi de 1990. Ils renvoient

tous à la convention de séparation en tant que contrat familial (article 51). Ceci confirme que

l’Ontario, à l’inverse de la France et de l’Allemagne, soutient sans limite les accords libres

entre les époux dans les cas de séparation, au lieu de prévoir des procédures et de les

conduire devant les tribunaux. L’inconvénient de cette stratégie est qu’il n’y a absolument

aucune disposition écrite applicable par un juge au cas où l’accord des époux serait annulé ou

inexistant. Tous les principes, conséquences et procédures sont fixées par la jurisprudence ce

qui crée certes une grande flexibilité mais aussi une absence de sécurité juridique. La

séparation en Ontario est donc très proche du divorce en principe, à cause de la loi sur le

divorce, mais son application peut être considérablement différente, en raison de la flexibilité

de la liberté de contracter et de la jurisprudence de l’Ontario.

Pour conclure, il est évident que séparation et divorce ne peuvent être clairement distingués

en raison de leurs objectifs et principes communs. Aucun des systèmes juridiques étudiés n’a

essayé de nier ce fait. Pourtant la pratique de la séparation tend à diverger de la pratique du

divorce dans les trois systèmes. Le législateur allemand semble avoir essayé de mêler les

deux procédures, si bien que leur application est aussi similaire que possible. Le législateur

français a suivi le même objectif mais a choisi d’être plus précis dans les détails, ce qui

conduit les deux procédures à être plus différentes l’une de l’autre qu’en Allemagne. A

l’inverse, en Ontario le législateur a choisi de laisser le plus d’espace possible aux parties

pour déterminer elles-mêmes la direction qu’elles veulent donner à leur séparation.

Cette dernière solution peut paraitre plus attirante pour les parties qui souhaitent s’arranger

elles-mêmes. Cependant, elles ne sont pas autorisées à choisir elles-mêmes quel droit elles

appliqueront mais doivent se référer au droit international privé.

§ 2 TRIBUNAL COMPETENT ET LOI APPLICABLE

Afin d’éviter l’insécurité juridique, les trois systèmes étudiés ont adopté des règles de droit

international privé. Ces règles sont censées déterminer clairement le tribunal compétent pour

juger une affaire comprenant un ou plusieurs élément(s) d’extranéité (A), ainsi que la loi qui

doit être appliquée par le tribunal retenu (B). Cependant, ces règles ne sont pas toujours

univoques et ne correspondent pas parfaitement aux réglementations des autres pays. Les

justiciables et leurs avocats disposent donc d’une certaine marge de manœuvre pour décider

- 12 -

quelle loi ils veulent voir appliquer à leur affaire, en fonction de leurs intérêts et du tribunal

compétent, qu’ils peuvent également essayer de choisir via le système dit du forum shopping.

A. Compétence juridictionnelle

En Ontario, ainsi qu’en Allemagne et en France, le tribunal compétent est celui dans le

ressort duquel se trouve le lieu où vivent les époux. Ce critère semble vraiment simple et

clair mais de nombreuses complications peuvent survenir ; par exemple lorsque les époux ne

vivent plus ensemble. Pour cette raison, les législateurs ont tous décidé de préciser la notion

en la nommant le « lieu de résidence* des époux » (1). Cependant cette expression n’est pas

univoque et peut parfois être confondue avec le « domicile des époux » (2) et les définitions

juridiques et les différences entre ces concepts ne sont ni claires ni identiques dans les trois

systèmes étudiés.

L’IMPORTANCE DU LIEU DE RESIDENCE DES EPOUX 1.

L’article 3(1) de la loi sur le divorce dispose qu’ « un tribunal dans une province est

compétente pour entendre un divorce si l’un des époux a résidé habituellement dans la

province pendant au moins un an précédent directement le début de la procédure »21.

Cependant, ceci se rapporte uniquement au divorce et pourrait ne pas être applicable à la

séparation. Nous pouvons donc chercher dans le Canadian Conflict of Laws22 et noter que la

présence du défendeur sur le territoire du for a été retenue comme un critère suffisant pour

établir la compétence23. Ceci est justifié par le fait que le défendeur est souvent résident sur

le territoire du for lorsqu’il/elle y est régulièrement présent. Ceci entraine la détermination de

la compétence sur la base de la résidence du défendeur. Cependant, le texte précise que le

défendeur peut n’être présent que temporairement, et le critère de sa présence pour

déterminer la compétence de plein droit n’est alors plus pertinente. Pour cette raison, la

présence du défendeur est souvent interprétée comme la « résidence habituelle » qui

21 “A court in a province has jurisdiction to hear and determine a divorce proceeding if either spouse has been

ordinarily resident in the province for at least one year immediately preceding the commencement of the

proceeding”. Section 3(1) of the Divorce Act. 22 Conflit de Lois Canadien en français. CASTEL J. and WALKER J., Canadian Conflict of Laws:

Butterworths, Lexis Nexis, 6th edition 2005. 23 §4.1, CASTEL J. and WALKER J., Canadian Conflict of Laws: Butterworths, Lexis Nexis, 6th edition 2005.

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représente « le lieu où un individu vit normalement, régulièrement et habituellement pour ses

activités quotidiennes »24. Toutefois, ce critère de détermination aboutit à créer de forts liens

entre le défendeur et le for, mais cette stratégie perd de sa pertinence pour des affaires de

droit de la famille puisque les parties ne sont, en principe, pas aussi opposées que dans les

autres matières civiles.

C’est pourquoi la solution de la loi sur le divorce semble plus appropriée. Le Canadian

Conflict of Laws précise en effet que « le tribunal compétent pour entendre une action en

séparation est celui dans le ressort duquel les deux époux sont domiciliés au début de l’action

[…] ou celui dans le ressort duquel les parties résident »25. A nouveau, ceci montre que le

domicile et la résidence ont des sens différents mais semblent être utilisés comme étant

similaires dans une telle situation.

Un problème survient quand les deux procédures sont soumises dans deux tribunaux

différents qui seraient compétents au sens de l’article 3(1), parce que chaque époux a le droit

de faire une action. L’article 3(2) précise que dans ce cas, la demande qui a été soumise en

premier est valide et la seconde sera considérée comme abandonnée.

En France et en Allemagne, le règlement européen n°2201/200326 s’applique aux situations à

l’intérieur de l’Union Européenne. Ce règlement donne la priorité au lieu où les époux

résident habituellement dans la mesure où l’un d’eux y réside toujours. Ensuite, vient le lieu

où le défendeur réside. Et enfin celui du demandeur, s’il/elle y réside depuis au moins un an

directement avant que la demande soit faite.

Si la situation contient des éléments extérieurs aux frontières de l’Union, l’article 1070 du

Code de procédure civile prévoit que le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel se

trouve la résidence de la famille. Si les époux vivent déjà séparément, le tribunal compétent

est celui du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants

mineurs, qu’il soit le demandeur ou le défendeur. Seulement dans le cas d’époux séparés sans

enfant mineur, le principe s’applique : le tribunal compétent est celui du lieu de résidence du

défendeur.

24 §4.1, CASTEL J. and WALKER J., Canadian Conflict of Laws: Butterworths, Lexis Nexis, 6th edition 2005. 25 §17.3, CASTEL J. and WALKER J., Canadian Conflict of Laws: Butterworths, Lexis Nexis, 6th edition 2005. 26 Règlement du Conseil (CE) N° 2201/2003 du 27 Novembre 2003.

- 14 -

Anna Ineke Schmitz précise dans son ouvrage sur le divorce et la séparation au Canada et en

Allemagne27 que selon la loi allemande les époux doivent avoir été « wohnhaft » sur le

territoire du for pendant au moins un an avant la demande de séparation. Mais à nouveau le

concept de wohnhaft n’est pas assez précis puisqu’il signifie à la fois domicilié et résident.

Le § 98 de la loi de procédure en matière familiale allemande28 emploie l’expression de

« résidence habituelle »29 comme synonyme de wohnhaft. La loi allemande ne fait pas de

distinction entre les deux termes.

Les trois réglementations convergent uniquement sur le fait que la résidence familiale doit

déterminer la compétence. Toutefois, la signification juridique semble rester vague mais doit

être précisée pour résoudre les contentieux transfrontaliers.

DISTINCTION ENTRE DOMICILE ET RESIDENCE 2.

Selon le Canadian Conflict of Laws30, le terme domicile est l’unité légale où un individu a

son foyer permanent31. Le concept de domicile est différent du concept de résidence qui

correspond plutôt à la réalité quotidienne d’une situation. La residence est liée aux réalités

économiques alors que le domicile se rapporte plutôt au lieu d’origine d’un individu.

Le problème suivant est que les tribunaux canadiens déterminent habituellement le domicile

suivant la loi, c'est-à-dire par seule référence à la lex fori*. Or, déterminer le forum est

précisément ce que nous cherchons.

Puisque le BGB allemand ne fait pas de distinction entre les deux termes, nous pouvons

comparer l’interprétation canadienne uniquement avec la française. Selon G. Cornu dans

Vocabulaire Juridique32, le domicile est le lieu où la personne a son principal établissement

et sert en particulier à déterminer la compétence territoriale d’une autorité. L’établissement

principal est défini dans le même ouvrage comme « le plus important » et est illustré par

27 SCHMITZ A. I., Die Ehescheidung und ihre Folgen nach deutschem und kanadischem Bundesrecht sowie

ausgewählte Verfahrensfragen: Schaker Verlag, 2008. 28 Gesetz über das Verfahren in Familiensachen und in den Angelegenheiten der freiwilligen Gerichtsbarkeit;

FamFG en allemand. 29 Gewöhnlicher Aufenthalt en droit allemand. 30 §4.1, CASTEL J. and WALKER J., Canadian Conflict of Laws: Butterworths, Lexis Nexis, 6th edition 2005. 31 Winans v. A.G. [1904] A.C. 287 at 288, 90 L.T. (H.L.) 32 CORNU G., Vocabulaire Juridique: Quadrige/Puf, 8ème édition, 2007.

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l’exemple du domicile. A l’inverse, cet ouvrage considère la résidence comme « le lieu où

une personne physique demeure effectivement de façon assez stable, mais qui peut n’être pas

son domicile (ex. résidence secondaire)».

Les lois françaises et canadiennes semblent s’accorder sur le fait que le domicile est plus

stable et permanent dans le temps que la résidence.

Avoir déterminé le tribunal compétent peut s’avérer très utile lors de la détermination de la

loi applicable.

B. Loi applicable

A la différence du tribunal compétent, il n’y a pas de réponse unique à la question de la loi

applicable (1). D’une part, parce que les juges des différents pays ne peuvent pas toujours

trouver de solution harmonisée, d’autre part parce que chaque aspect juridique de la

séparation a un contexte spécifique et mérite donc d’être traité par une régulation spécifique.

Afin de comprendre les complications d’une séparation transfrontalière, nous étudierons un

exemple simple entre l’Ontario et l’Allemagne (2).

DISTINCTION ENTRE LES DIFFERENTS ASPECTS JURIDIQUES DE LA 1.

SEPARATION

Ni la loi canadienne sur le divorce, ni la loi sur le droit de la famille en Ontario, ne contient

de règle générale sur le conflit de loi. Le Canadian Conflict of Law prévoit clairement que les

juges canadiens « appliquent la loi du for aux séparations »33. De même, le Code civil

dispose que la loi française s’applique dans trois cas distincts : les deux époux sont Français,

ils sont tous deux domiciliés en France, ou la lex fori s’applique lorsqu’aucune autre loi

étrangère ne s’applique. Pareillement, l’article 17 de la Loi allemande d’Introduction au

BGB34 donne la priorité à la nationalité des époux, puis à leur dernière résidence habituelle,

et enfin à la loi avec laquelle les époux ont les liens les plus étroits.

33 §17.3 (b), CASTEL J. and WALKER J., Canadian Conflict of Laws: Butterworths, Lexis Nexis, 6th edition

2005. 34 Einführungsgesetz zum Bürgerlichen Gesetzbuche en allemand.

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La différence entre les trois systèmes est que les lois françaises et allemandes donnent la

priorité à la nationalité des parties, puis leur domicile et enfin le for, mais seulement après

avoir vérifié qu’aucune autre loi étrangère ne s’applique ou qu’il y a une loi plus proche des

parties. Les solutions françaises et allemandes semblent être plus respectueuses des systèmes

étrangers que les règles en Ontario.

Néanmoins, il y a une similitude entre les trois réglementations : elles ne précisent pas que

ces règles de conflit s’appliquent uniquement à la séparation elle-même ; c'est-à-dire la date

ou les causes de la séparation par exemple. Elles ne précisent pas non plus que, en vertu du

principe de la liberté de contracter, tout accord entre les parties concernant la loi applicable

est prioritaire, pour autant que l’accord ne porte pas atteinte aux règles de justice naturelle.

Beaucoup d’autres conventions bilatérales (ex. la Convention Franco-Polonaise du 5 avril

196735) déterminent la loi applicable à une séparation dans une situation impliquant les deux

pays signataires. Malheureusement, une telle convention n’existe pas entre la France,

l’Allemagne et l’Ontario.

Toutefois, une harmonisation est apparue dans l’Union Européenne, donc il n’y a pas besoin

de convention bilatérale entre la France et l’Allemagne. Le règlement n° 1259/201036 précise

son champ d’application dans l’article 1 : il s’applique au divorce et à la séparation mais pas

aux questions de l’existence du mariage, du nom des époux, des effets patrimoniaux et des

pensions, entre autres. A nouveau, ce règlement renvoie à la loi de la résidence habituelle (ou

la dernière résidence habituelle) des parties, ou à la loi de la nationalité des parties, ou à la

lex fori.

Concernant la loi applicable aux autres effets de la séparation, des conventions

internationales existent, telles que la Convention de la Haye sur les obligations alimentaires37

(dite convention de la Haye ou protocole de la Haye) par exemple. Cette convention est une

convention indépendante de droit international avec un effet universel ; c'est-à-dire qu’elle a

force obligatoire dans tous les pays du monde, comme indiqué à l’article 3.

35 Convention franco-polonaise du 5 avril 1967 relative à la loi applicable, la compétence et l’exequatur dans

le droit des personnes et de la famille. Ce texte ne s’applique plus à tous les domaines couverts par les règles

juridiques de l’Union Européenne, puisque la Pologne a rejoins l’Union en 2004. 36 Règlement (UE) n ° 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en œuvre une coopération renforcée

dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps. 37 Convention du 2 Octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires.

- 17 -

D’autres conventions peuvent s’appliquer aux effets juridiques de la séparation (comme le

nom des époux, les effets patrimoniaux…) et les juges du tribunal compétent doivent alors

appliquer les différentes lois désignées à chaque question juridique de la séparation. Par

exemple, la loi sur le droit de la famille en Ontario prévoit à l’article 15 que « les droits de

propriété des époux provenant de la relation conjugale sont régis par la loi interne du lieu où

les deux époux ont eu leur dernière résidence habituelle commune ou, s’ils n’en ont jamais

eu, la loi de l’Ontario ».

Ce type de règle peut conduire à des situations très complexes qui obligent souvent les

parties à consulter des avocats qui les aident à connaitre la (les) loi(s) applicables à l’affaire.

EXEMPLE DE SITUATION TRANSFRONTALIERE COMPLEXE 2.

Un bon exemple de situation transfrontalière complexe est celle dans laquelle les époux

déménagent d’un pays à l’autre, même s’ils ont la même nationalité. Par exemple, imaginons

un couple de Canadiens de l’Ontario, sans enfant à charge, qui ont vécu 20 ans au Canada, et

on déménagé en Allemagne 4 ans avant leur séparation. Les époux ont déménagé à cause du

travail du mari, qui était plus fructueux que celui de sa femme. Le mari souhaite rester en

Allemagne, mais sa femme veut rentrer en Ontario dans l’année à venir. Puisqu’ils vivent

tous deux en Allemagne, les tribunaux allemands sont compétents grâce au critère de la

résidence. Ils vont devoir déterminer la loi applicable.

Selon l’article 17 de la Loi d’introduction au BGB, la loi de la nationalité commune des

parties s’applique à leur séparation. Dans notre cas, les juges allemands doivent donc

appliquer la loi de l’Ontario. Toutefois, l’article 4 (1) de la Loi d’introduction précise que « si

la loi applicable renvoie à la réglementation d’un pays étranger, le droit international privé de

ce pays de renvoi doit également être appliqué, à moins que cela ne contredise l’objectif du

renvoi. Si la loi du pays étranger renvoie elle-même à la loi allemande, le droit substantiel

allemand doit alors être appliqué. »

Dans notre cas, nous devons consulter les règles de conflit de loi de l’Ontario. Comme nous

l’avons vu dans la sous-section précédente, la loi applicable à la séparation en elle-même est

la lex fori selon la jurisprudence de l’Ontario38. Ainsi les juges allemands doivent appliquer

38 §17.3 (b), CASTEL J. and WALKER J., Canadian Conflict of Laws: Butterworths, Lexis Nexis, 6th edition

2005.

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la loi allemande à la séparation elle-même. Grace au second alinéa de l’article 4 (1) de la Loi

d’introduction au BGB, il n’est pas besoin d’appliquer l’intégralité du droit allemand mais

seulement le droit substantiel.

Concernant la répartition des biens, nous savons que l’article 15 de la Loi sur le droit de la

Famille en Ontario renvoie à la dernière résidence commune des époux. En ce qui concerne

les obligations alimentaires, nous devons consulter la Convention de la Haye. Son article 4

(1) dispose que « la loi interne de la résidence habituelle du créancier d'aliments régit les

obligations alimentaires […] ». Ainsi la répartition des biens et les obligations alimentaires

sont régies par la loi de la résidence habituelle (du créancier ou des époux).

On pourrait aisément conclure que cette loi est la loi allemande puisque les deux époux

vivent encore en Allemagne. Cependant, les règles de droit international privé de l’Ontario

nous imposent de vérifier la signification juridique de la « résidence habituelle ».

Le rapport explicatif de la Convention de la Haye39 permet de trouver le sens de la résidence

habituelle. Le §19 de ce rapport établit qu’une résidence temporaire n’est pas suffisante.

L’auteur donne l’exemple d’un séjour de 3 mois ou d’une activité temporaire. Dans notre cas,

la famille est restée 4 ans en Allemagne et a plus qu’une activité temporaire. Néanmoins,

nous ne savons pas si 4 ans sont suffisants selon l’interprétation des juges allemands. Le §19

du rapport précise également que les juges compétent sont tenus de chercher un concept

uniforme fondé par l’objectif du protocole. Le §17 du rapport apporte la raison du choix de la

loi de la résidence habituelle, c'est-à-dire l’objectif de cette règle.

Elle permet de déterminer l’existence et le montant de l’obligation alimentaire en tenant

compte des conditions juridiques et de fait, de l'environnement social du pays où le créancier vit et exerce l’essentiel de ses activités. « c’est pour vivre que [le créancier] utilisera sa pension alimentaire » « […] il est judicieux d’apprécier le problème concret qui se pose par rapport à une société concrète : celle où le demandeur d’aliments vit et vivra ».

Cela signifie que la résidence habituelle du créancier de l’obligation alimentaire est plus

importante que celle du débiteur, selon l’objectif du protocole. Dans notre cas, la résidence

habituelle retenue sera celle de la femme puisqu’il semble que son mari soit plus prospère : il

sera donc le débiteur de l’obligation.

39 Rapport explicatif du protocole du 23 Novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires, établi

par Andrea Bonomi.

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On peut supposer que les juges allemands vont considérer que la femme va

« exercer l’essentiel de ses activités » en Ontario puisque c’est là qu’elle souhaite vivre et

donc le lieu où elle va recevoir la pension alimentaire. Cette interprétation peut être étendue à

la répartition des biens, sachant que les juges tendent à favoriser la « partie faible » au sens

financier, qui serait la femme dans notre cas.

Les époux doivent saisir les tribunaux pour que tous les effets de leur séparation soient

juridiquement réglés. Cependant, doivent-ils forcément rencontrer un juge pour que leur

statut d’époux séparés soit officiellement reconnu ?

§ 3 LA RECONNAISSANCE DE LA SEPARATION

De nouveau, les différences entre le système Nord Américain de common law en Ontario et

les systèmes codifiés européens de France et d’Allemagne sont illustrées par cette question.

La spécificité de l’Ontario est qu’il n’y a aucune obligation de reconnaissance légale (A),

alors que les règles procédurales de demande de séparation en France et en Allemagne

peuvent se heurter à l’absence de reconnaissance en Ontario (B).

A. Spécificité de l’Ontario : absence de nécessité de

reconnaissance

Comme il est précisé à l’article 296 du Code civil français, la séparation peut être accordée à

la demande de l’un des époux. Ceci signifie implicitement qu’il n’y a pas de séparation sans

demande d’un époux. Les époux français doivent suivre les règles procédurales du divorce ;

c'est-à-dire soumettre une demande au tribunal de grande instance du lieu où résident les

époux. Le système allemand suit la même règle. Les deux pays adoptent des règles

procédurales pour coordonner les demandes de divorce avec les demandes de séparation40.

A l’inverse en Ontario, un couple est officiellement séparé devant la loi lorsque les deux

époux ont vécu séparés41 pendant au moins un an, conformément à l’article 8(2) de la loi sur

le divorce. Il n’est pas besoin de soumettre une demande de séparation puisque les conditions

40 C.f. Chapitre I, Section 1, §1, B., p. 9. 41 Separate and apart en droit de l’Ontario.

- 20 -

à satisfaire pour être légalement séparés appartiennent au fait et non au droit. En ce sens, la

séparation en Ontario est assimilable à la séparation de fait française. Toutefois, les effets de

la séparation en Ontario sons similaires à ceux de la séparation de corps française ; c'est-à-

dire que la séparation en Ontario a force contraignante et a des conséquences, ce qui n’est pas

le cas de la séparation de fait. Ainsi on pourrait penser que la séparation en Ontario est un

composite des deux types de séparations françaises. Néanmoins, cette similitude avec la

séparation de fait est la seule, ce qui nous conduit à poursuivre notre comparaison avec la

séparation de corps en France.

L’avantage du système de l’Ontario est qu’il n’y a pas de conflits de demandes avec le

divorce, à l’inverse de la France. Cependant, des problèmes surviennent lorsqu’il s’agit d’une

séparation transfrontalière entre deux pays avec et sans procédure de demande.

B. Problèmes issus des différences de procédure

Imaginons une situation dans laquelle deux époux sans enfants souhaitent se séparer. Ils ont

vécu séparés pendant plus d’un an. L’un est français et vit en France ; l’autre est canadien et

vit en Ontario. La loi applicable est la lex fori selon le droit de l’Ontario. Selon la loi

française, ce peut être la loi des parties, ou de leur résidence commune, ou du for ; ce qui

serait le cas en l’espèce puisque les époux n’ont ni nationalité ni résidence commune.

L’article 3(1) de la loi sur le divorce dispose que le tribunal d’une province est compétent si

l’un des époux y réside habituellement depuis un an avant le début de la procédure. Puisque

chaque époux vit dans un pays différent depuis qu’ils sont séparés, les deux pays peuvent être

retenus comme for selon la loi de l’Ontario. La jurisprudence est relativement évasive sur le

sujet et conseille souvent de regarder le droit international privé de l’autre pays impliqué.

Il est donc pertinent d’examiner les règles françaises. Selon l’article 1070 du Code de

procédure civile, le tribunal compétent est celui du lieu où réside la famille. Ce lieu n’existe

pas dans notre cas. Si les époux vivent séparés, on retient le lieu où réside l’époux qui a la

garde des enfants. Il n’y a pas d’enfant dans cette famille. Enfin, il s’agit du lieu où réside

l’époux qui n’a pas pris l’initiative de la procédure. Or, dans notre cas, il n’y a de procédure à

suivre que si la loi française s’applique à la séparation ; c'est-à-dire seulement si les tribunaux

français sont compétents, ce qui est précisément ce que nous cherchons à déterminer.

- 21 -

Dans une situation si complexe, il arrive que les juges de l’Ontario acceptent d’examiner les

règles de droit européen, tel le règlement n° 2201/200342 sur ce sujet. Selon ce règlement, est

compétent le tribunal du lieu où les époux ont eu leur dernière résidence habituelle,

uniquement si un des époux y vit encore. Ce pourrait être une solution acceptée par les juges.

Mais imaginons qu’aucun des époux n’y vive encore. Dans une telle situation, il devient

réellement délicat de trouver un rattachement et les juges peuvent décider que la loi

applicable est celle avec laquelle les parties ont les liens les plus étroits. Si aucun lien

n’apparait, les juges peuvent appliquer la loi du pays qui régit les autres domaines de la

séparation, comme les obligations alimentaires par exemple.

Ils vont donc appliquer la loi du pays dans lequel réside habituellement l’époux dans le

besoin, pour déterminer quel pays est compétent et ensuite, quelle loi est applicable à la

séparation elle-même. Ils peuvent enfin décider si une demande de séparation doit être

soumise ou non.

Bien sûr, cette situation complexe n’est absolument pas unique et de nombreuses autres

contradictions peuvent naître des différences entre chaque système procédural. Une fois que

la compétence et la loi applicable sont déterminées, d’autres problèmes substantiels peuvent

apparaitre pour les justiciables qui ne sont pas toujours familiers avec la loi qui leur est

appliquée. Ils peuvent avoir des difficultés à accepter une séparation qui n’aurait pas été

reconnue dans leur pays d’origine, puisque les causes de la séparation sont nombreuses et

non harmonisées entre les pays.

Les différentes causes de Section 2.séparation

Comme vu précédemment43, les raisons qui justifient juridiquement une séparation sont

étroitement mêlées à celles du divorce. En Ontario, la séparation est en effet régie par la loi

sur le divorce, et suit donc les règles du divorce. L’article 8(1) de cette loi affirme qu’un

divorce – et implicitement une séparation – ne peut être accordé que sur le fondement de

42 Règlement du Conseil (CE) n° 2201/2003 du 27 Novembre 2003. 43 C.f. Chapitre I, Section 1, §1.

- 22 -

l’échec du mariage44. L’article 8(2) fait la distinction entre deux causes de l’échec du

mariage. La première est le fait de vivre séparés45 et la seconde renvoie à la faute telle que

l’adultère ou le traitement cruel46.

Le Code civil renvoie plus clairement aux causes du divorce dans l’article 296 : « La

séparation de corps peut être prononcée […] dans les mêmes cas et aux mêmes conditions

que le divorce ». Selon l’article 229 du Code, le divorce peut être demandé par consentement

mutuel, pour acceptation du principe de la rupture du mariage, altération définitive du lien

conjugal ou faute.

Conformément au §1564 du BGB, le divorce est accordé lorsque le mariage a échoué47. Selon

le §1566 du BGB une présomption irréfragable pèse sur l’échec du mariage lorsque les époux

vivent séparés pendant un certain temps48.

On peut observer dans les trois systèmes l’importance évidente de l’échec du mariage pour

reconnaitre juridiquement la séparation (§1). A l’inverse, les autres causes légales de la

séparation diffèrent dans les trois systèmes (§2).

§ 1 L’ECHEC DU MARIAGE, ELEMENT CENTRAL DE LA SEPARATION

Le breakdown of marriage de l’Ontario a des similarités avec l’altération définitive du lien

conjugal* en France et le Scheitern der Ehe en Allemagne. Pour constater ces concepts, les

juges doivent vérifier l’existence de deux conditions : une cessation de la communauté de vie

(A) pendant une certaine période de temps (B). Dans certains cas, une condition

intentionnelle peut être exigée (C).

A. Définition de la cessation de la vie conjugale

Le fait de vivre separate and apart* n’est pas défini dans la loi sur le divorce mais a été

interprété par la jurisprudence. Dans Greaves v. Greaves49 la Cour a indiqué cinq points à

44 Breakdown of marriage en droit de l’Ontario. 45 Separate and apart en droit de l’Ontario. Article 8(2)a de la loi sur le divorce. 46 Adultery et intolerable treatment en droit de l’Ontario. Article 8(2)B (i) et (ii) de la loi sur le divorce. 47 Scheitern der Ehe en droit allemand. 48 Getrenntleben en droit allemand. 49 Greaves v. Greaves, [2004] O.J. No. 2522, 4 R.F.L. (6th) 1 (Ont. S.C.J.).

- 23 -

observer pour constater le fait de vivre séparés. D’abord, il doit y avoir une séparation

physique. Ensuite, il doit y avoir un retrait d’au moins l’un des époux des obligations

matrimoniales. Troisièmement, l’absence de relation sexuelle n’est pas déterminante mais

peut être considérée. Quatrièmement, la présence ou l’absence d’activités sociales communes

(telles que les repas) ou la discussion de problèmes familiaux doit être prise en compte. Et

cinquièmement, la réalisation des tâches ménagères est aussi un facteur50.

Les conditions de la cessation de la vie conjugale en Allemagne sont données au §1567 du

BGB. Le fait de vivre séparés51 survient lorsqu’il n’existe plus entre les époux de

communauté domestique52 et qu’un époux refuse objectivement de la recréer car il/elle rejette

la cohabitation conjugale. L’expression de häusliche Gemeinschaft n’est pas définie dans le

BGB mais par la jurisprudence allemande qui a développé les mêmes critères que les

tribunaux de l’Ontario.

Le Code civil définit l’altération définitive du lien conjugal dans l’article 238 comme le fait

que les époux aient cessé la communauté de vie lorsqu’ils vivent séparés. De même, le Code

ne définit pas la cessation de la communauté de vie mais les juges ont établi qu’il s’agit de la

communauté de vie tant matérielle qu’affective53. Les autres critères sont similaires à ceux de

l’Allemagne et de l’Ontario.

Une question subsiste dans les trois systèmes lorsque les époux vivent encore sous le même

toit. Selon la jurisprudence de l’Ontario, ceci ne contredit pas le fait que les époux vivent

séparés. Les juges vérifient toutefois que les raisons de cette vie sous le même toit sont

majoritairement économiques54. Ils vérifient également les critères suivants : (1) les époux

occupent des chambres séparées ; (2) ils vérifient l’absence de relation sexuelle ; (3) il doit y

avoir peu, voire aucune, communication entre les époux ; (4) ils ne doivent réaliser aucun

service domestique l’un pour l’autre ; (5) ils ne doivent pas partager leurs repas ; et (6) ils

n’ont pas d’activité sociale ensemble55.

50 STEINBERG D. M., PERKINS C., LENKINSKI E. L. and JAMES A., Ontario Family Law Practice: Lexis

Nexis, 2012. 51 Getrenntleben en droit allemand. 52 Häusliche Gemeinschaft en droit allemand. 53 Civ. 2e, 30 janv. 1980. 54 Greaves v. Greaves, op. cit. 55 Buller v. Buller, [1979] O.J. No. 4370, 26 O.R. (2nd) 92 (Ont. Co. Ct.).

- 24 -

Cette situation est prévue au §1567 (1) du BGB dans la deuxième phrase : « La communauté

domestique n’existe plus non plus, lorsque les époux vivent séparés dans le foyer conjugal ».

La jurisprudence allemande suit les mêmes critères qu’en Ontario. De même en France, la

communauté de vie est distincte de la simple cohabitation ; c'est-à-dire que les époux peuvent

vivre sous le même toit tout en cessant la communauté de vie, pour autant qu’ils ne partagent

pas de repas, de chambres, d’activité sociale, et de décision familiale.

La condition de cessation de la vie commune semble être partagée par les trois systèmes avec

les mêmes critères. Cependant, la seconde condition de l’échec du mariage, la durée, fait

naitre plus de variations.

B. Condition de durée : une exception française

En Ontario, l’article 8(2)a de la loi sur le divorce continue la définition de l’échec du mariage

en ajoutant une condition de durée. « Les époux ont vécu séparément pendant au moins un an

avant le prononcé de la décision sur l’action en divorce et vivaient séparément à la date

d’introduction de l’instance ». Puisqu’il n’y a pas de procédure de demande pour la

séparation, l’introduction de l’instance peut être traduite par le moment où ils sont

officiellement séparés.

De même, le §1566 du BGB dispose qu’une présomption irréfragable pèse sur l’échec du

mariage lorsque les époux ont vécu séparés pendant un an, avec une condition d’intention

commune56, ou trois ans si l’intention commune fait défaut ; c'est-à-dire si l’un des époux

refuse la séparation.

A l’inverse en France, l’article 238 du Code civil dispose que le lien conjugal est

définitivement altéré lorsque les époux vivent séparés depuis deux ans. Cette extension de la

condition de durée est la principale exception française en comparaison avec l’Allemagne et

l’Ontario. Mais cette spécificité française va pouvoir s’expliquer par la prochaine et dernière

condition de l’échec du mariage57.

Le principal problème dans l’application de cette condition de durée est le mode de calcul de

la période de séparation. Que se passe-t-il si les époux se réconcilient pendant un temps ?

56 C.f. Chapter I, Section 2, §1, C. 57 C.f. ibid.

- 25 -

Les rédacteurs de la loi canadienne sur le divorce ont anticipé ce problème et écrit un 3e

alinéa à l’article 8 expressément dédié à l’application de l’article 8(2)a, appelé « calcul de la

période de séparation ». L’article 8(3)a dispose que les époux sont réputés vivre séparés dès

lors qu’ils ont tous deux l’intention de vivre séparés58. De plus, l’article 8(3)b(i) prévoit le

cas où un époux n’est plus capable de former l’intention de vivre séparé de l’autre : si les

juges estiment que la volonté de cet époux, de vivre séparé, se serait maintenue si il/elle

n’était pas devenu incapable, la période de séparation n’est ni interrompue ni suspendue.

Enfin, si les époux reprennent la vie commune durant une ou plusieurs période(s) totalisant

moins de quatre-vingt-dix jours dans le but de se réconcilier, la période de séparation n’est ni

suspendue ni interrompue, selon l’article 8(3)b(ii).

Conformément au §1567 (2) du BGB, une cohabitation de courte durée qui vise à la

réconciliation des époux n’interrompt ni ne suspend la période du §1566. Cette période a été

établie par la jurisprudence à trois mois.

Le Code civil ne contient aucune disposition de ce genre. La jurisprudence prévoit que la

période de cessation de communauté de vie peut être interrompue par toute réconciliation des

époux qui implique une communauté de vie au sens matériel comme affectif. Le seul

évènement qui peut troubler la période de séparation est l’interruption, qui sera suivie d’un

nouveau départ pour une nouvelle période. La suspension de la période n’existe pas. Toute

réconciliation impliquant des effets matériels et affectifs contraint les époux à compter une

nouvelle période59. Ce point est également une spécificité française et suit la même direction

que l’autre spécificité: la durée de deux ans de cessation de communauté de vie.

Il semble que les rédacteurs de la réglementation française aient décidé d’utiliser la durée de

vie séparée pour s’assurer que la séparation est effective, alors que les législateurs

d’Allemagne et d’Ontario ont privilégié l’expression de l’intention des époux de se séparer.

58 C.f. ibid. 59 http://www.cabinetaci.com/divorce-pour-alteration-definitive-du-lien-conjugal.html, Divorce pour altération

définitive du lien conjugal (1/8/12).

- 26 -

C. Condition de l’intention de cesser la vie commune

L’autre critère de calcul de la période de vie séparée est l’intention des parties, selon l’article

8(3)a de la loi sur le divorce. Tant que les époux vivent séparés, et qu’ils forment tous deux

l’intention de vivre séparés, ils sont réputés être séparés et la période peut commencer. Dans

Greaves v. Greaves60, la Cour précise que les juges sont tenus de vérifier que les époux ont

l’intention de détruire le consortium matrimonial ou de rejeter la relation conjugale. Le juge

doit considérer l’intention réelle d’un époux, par opposition à l’intention exprimée. Un autre

critère pour déterminer l’intention réelle peut être de savoir si l’époux a rempli sa déclaration

d’impôts en tant que « séparé » ou « marié »61.

Le BGB considère également l’intention des époux comme une condition essentielle pour

établir l’échec du mariage. Selon le §1566 du BGB, l’échec est présumé uniquement si les

époux on vécu séparés pendant un an et si les deux époux ont demandé le divorce, ou si l’un

d’eux accepte la demande de l’autre. La condition d’intention est supprimée si les époux ont

vécu séparés pendant trois ans. L’intention est également sous-entendue au §1567 dans la

définition de la vie séparée : un époux doit refuser de manière perceptible62 de maintenir la

communauté domestique car il/elle refuse la cohabitation conjugale.

A l’inverse une telle intention des époux n’est pas requise par le Code civil, ni par la

jurisprudence. Le fait que les époux vivent séparés est apprécié in concreto par les juges. Ils

vérifient seulement l’absence de communauté matérielle et affective entre eux mais pas la

présence de l’intention de rompre63. Pour cette raison, la capacité mentale n’est pas prise en

compte par les tribunaux français.

Cette spécificité française peut s’expliquer par une autre. Le législateur français semble faire

en effet plus confiance au temps qu’à la volonté des parties. Puisque l’intention n’est pas

requise, le rédacteur du Code civil a choisi de mettre l’accent sur la durée de la séparation.

Cette solution n’est pas vraiment satisfaisante car elle manque de flexibilité. Un mariage

étant fondé sur une relation conjugale, il peut évoluer bien plus vite qu’une autre situation

juridique ; et il aurait été sage de prévoir un moyen d’évolution plus adaptable. Le principal

60 Op. cit. 61 STEINBERG D. M., Ontario Family Law Practice, op. cit. 62 Erkennbar en droit allemand. 63 Civ. 2e, 2 oct. 1980.

- 27 -

objectif de la séparation est l’absence du devoir de cohabitation, qui permet aux époux de

vivre dans différents foyers sans encourir de responsabilité légale. Cet avantage important

peut être gâché par la condition temporelle française, par opposition à la condition

intentionnelle d’Allemagne et d’Ontario, car en France, les époux vont devoir continuer à

vivre sous le même toit pendant deux ans même s’ils ne le veulent pas et que leur vie

quotidienne devient difficile. Pour compenser ce défaut dans la séparation pour altération

définitive du lien conjugal, le Code civil prévoit à l’article 229 deux autres causes de

séparation qui impliquent l’intention : le consentement mutuel et l’acceptation du principe de

la rupture du mariage. Dans ces cas, les juges doivent vérifier la volonté réelle des époux

d’être séparés64.

Bien que le fait de vivre séparés semble être la cause de séparation la plus simple et évidente,

les trois systèmes permettent aux époux de se séparer pour d’autres raisons qui peuvent

pallier les défauts dans les dispositions de cette première cause.

§ 2 DIVERGENCES DANS LES TROIS LEGISLATIONS QUANT AUX

AUTRES CAUSES POSSIBLES

Selon l’article 8(2)b de la loi canadienne sur le divorce, il y a deux autres causes d’échec du

mariage : l’adultère (i) ou les traitements cruels qui rendent intolérables la cohabitation (ii).

Le Code civil prévoit également à l’article 229 une quatrième cause de séparation : la faute,

qui comprend l’adultère (A) et d’autres raisons considérées intolérables (B). La séparation

fondée sur la faute est souvent utilisée pour éviter d’avoir à attendre les deux ans de cessation

de vie commune. De son côté, le BGB ne contient pas de telle disposition et considère

seulement ces causes comme des motifs d’échec du mariage.

A. Adultère

La conception de l’adultère en Ontario est large. Dans George v. George65, les juges ont

décidé que la norme de preuve pour l’adultère serait la « prépondérance de preuve66 » ; c'est-

64 Civ. 2e, 29 sept. 1982. 65 George v. George, [1950] O.J. No. 484, [1950] O.R. 787 (Ont. C.A.).

- 28 -

à-dire que le demandeur doit prouver que la présence d’un adultère est plus probable que son

absence, en fonction des circonstances. Les juges doivent conclure des faits de l’espèce qu’il

n’y a pas d’autre explication raisonnable possible67. Dans Orford v. Orford68, les juges ont

même admis un cas d’adultère de la femme, car elle s’était autorisé une insémination

artificielle, aboutissant à la conception d’un enfant, sans que le mari en soit informé69.

Cette vaste conception de l’adultère n’est pas partagée par la France. L’article 242 du Code

civil définit la faute comme « des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des

devoirs et obligations du mariage » qui « rendent intolérable le maintien de la vie

commune ». L’adultère correspond à l’un de ces faits, entre autre, et n’est pas défini par le

Code mais par la jurisprudence. L’adultère en lui-même constitue une violation des

obligations du mariage, suffisamment grave pour rendre intolérable le maintien de la vie

commune70. Cependant, certaines circonstances, dans lesquelles l’adultère survient, peuvent

suspendre le caractère grave de l’adultère et donc empêcher ce fait d’être une cause de

séparation71. Néanmoins, les juges ne sont pas censés vérifier eux-mêmes si l’autre époux a

commis des actes susceptibles de supprimer le caractère grave de l’adultère72.

Le fait que l’Ontario distingue l’adultère en tant que cause spécifique de séparation, et

apprécie le concept de manière large, semble indiquer que la société canadienne le considère

comme une faute réelle et grave, par opposition au système allemand qui ne considère pas

l’adultère du tout, ou au système français qui le considère entre autres violations intolérables

des obligations du mariage.

B. Autres causes considérées intolérables

Conformément à l’article 8(2)b(ii) de la loi sur le divorce, le fait de traiter l’autre époux avec

une cruauté physique ou mentale qui rend intolérable le maintien de la cohabitation des

66 Preponderance of evidence en droit de l’Ontario. 67 STEINBERG D. M., Ontario Family Law Practice, op. cit. 68 Orford v. Orford, [1921] O.J. No. 103, 49 O.L.R. 15 (Ont. H.J.C.). 69 STEINBERG D. M., Ontario Family Law Practice, op. cit. 70 Civ. 2e, 23 avr. 1980. 71 Civ. 1re, 28 janv. 2009. 72 Civ. 2e, 23 avr. 1980.

- 29 -

époux est constitutif d’une cause de séparation. La conduite requise doit être « lourde et

sérieuse »73, et non pas seulement indiquer une incompatibilité entre les tempéraments des

époux74 (telle que des reproches, des plaintes, des accusations ou des critiques). Le

demandeur doit prétendre que la conduite de l’autre époux a causé des dommages et des

douleurs et non pas qu’elle lui a seulement déplu. La conduite sera appréciée in concreto par

les juges et il n’y a pas d’exemple spécifique donné par la loi, par opposition à l’adultère.

En France, la jurisprudence distingue différents cas, tels que les insultes verbales, le manque

de respect, la violation du devoir de loyauté, un absentéisme prolongé et insupportable, le

transsexualisme ou le fait de se travestir. Ainsi qu’en Ontario, ces violations des devoirs et

obligations du mariage doivent rendre intolérable le maintien de la vie commune,

conformément à l’article 242 du Code civil. Comme pour l’adultère, le caractère sérieux de la

violation peut être tempéré par les fautes commises par l’autre époux (article 245 du Code).

Dans les deux réglementations, si la victime tolère ou accepte la violation des devoirs du

mariage, elle ne sera pas considérée intolérable et donc ne pourra être cause de séparation,

selon l’article 11 (1)c de la loi sur le divorce. L’élément intentionnel doit être vérifié par le

juge.

Toutefois, la reprise de la cohabitation pendant une période inférieure à trois mois ne doit pas

être vue comme une acceptation par la victime d’une cohabitation intolérable, selon l’article

11(3). Comme vu précédemment, la reprise de la vie commune pour une si courte période ne

cause pas non plus le départ d’une nouvelle période de vie séparée. Au contraire, une longue

cohabitation peut être perçue comme une réconciliation et supprimer les conditions requises

pour la séparation. Parmi d’autres circonstances, ceci conduirait à la cessation de la

séparation.

Cessation de la séparation Section 3.Il peut en effet arriver que la séparation se termine sans la volonté des époux ; par exemple

s’ils se réconcilient et vivent ensemble pendant plus de trois mois. Cela arrive aussi à la mort

73 Knoll v. Knoll, [1970] O.J. No. 1443, 1 R.F.L. 141 (Ont. C.A.) 74 STEINBERG D. M., Ontario Family Law Practice, op. cit.

- 30 -

d’un des époux. Le mariage est alors dissous par le décès d’une partie. Enfin, la perte

soudaine de la capacité pour un époux de former l’intention de vivre séparés peut causer la

cessation de la séparation en Ontario et en Allemagne, s’il apparait que l’intention de l’époux

incapable aurait fait défaut, même si cette incapacité n’avait pas eu lieu ; c'est-à-dire si la

relation s’était dégradée avant l’apparition de l’incapacité.

Cependant, la cessation de la séparation survient le plus souvent selon le souhait des époux.

Qu’ils souhaitent se réconcilier ou au contraire divorcer, ils ont le droit de faire modifier leur

situation juridique. Puisque l’objectif principal de la séparation est de leur permettre de

prendre du recul sur une relation temporairement difficile sur le plan émotionnel, il est

normal de leur permettre de réinstaurer leur mariage facilement par la reprise de la vie

commune (§1). Malheureusement, la séparation est souvent utilisée par les couples pour

lesquels le lien conjugal est irrémédiablement rompu. Certains d’entre eux souhaitent rester

mariés pour des motifs religieux et n’utiliseront pas la séparation comme une solution

transitoire mais plutôt comme une situation définitive. D’autres choisissent la séparation dans

l’espoir d’une réconciliation qui n’arrive jamais, et préfèrent alors dissoudre le mariage

définitivement par le divorce (§2).

§ 1 REPRISE DE LA VIE COMMUNE

Ni la loi canadienne sur le divorce, ni la loi de l’Ontario sur le droit de la famille, ni le BGB

ne contient de disposition sur la cessation de la séparation. Néanmoins, le BGB et la loi

canadienne sur le divorce prévoient que le fait de vivre ensemble dans le but de se réconcilier

pendant plus de trois mois met fin à la séparation (Article 8(3)b(ii) de la loi sur le divorce et

§1567(2) du BGB).

De son côté le Code civil contient cinq articles (du 305 au 309) concernant la fin de la

séparation. L’article 305 dispose que la reprise volontaire de la vie commune met fin à la

séparation de corps. Il n’y a aucune condition spécifique. Le seul accord des époux de

reprendre la vie commune est suffisant mais nécessaire car la reprise de la vie commune est

qualifiée de volontaire. Il y a une procédure spéciale à suivre : selon le 2e alinéa de l’article

305, la reprise de la vie commune doit être constatée par acte notariée ou déclarée à l’officier

d’état civil. Mention doit être faite sur l’acte de mariage des époux ainsi que sur leurs actes

de naissance. Ceci va officialiser le changement de situation juridique pour les époux et

réinstaurer leurs droits, devoirs et obligations du contrat de mariage initial, ainsi que les

conséquences du mariage. Le fait de prendre l’initiative d’officialiser la reprise de la vie

commune atteste que les époux sont d’accord pour réinstaurer les effets du mariage. La

- 31 -

mention sur l’acte de mariage et les actes de naissance vise à être opposable aux tiers,

particulièrement en ce qui concerne le régime de propriété75.

Les pratiques juridiques en Ontario et en Allemagne suivent les mêmes règles et procédures

qu’en France. Dans les trois pays, le divorce est malheureusement l’évolution la plus

fréquente de la séparation.

§ 2 LE DIVORCE, EVOLUTION DE LA SEPARATION

Comme vu précédemment, la séparation a été créée après le divorce dans les trois systèmes

étudiés. La séparation suit donc les règles du divorce. Il est donc logique que cette

articulation entre les deux situations juridiques implique qu’elles aient les mêmes procédures,

causes et conditions. C’est pourquoi la transition de l’une à l’autre est très simple et

représente une évolution normale. Pourtant les conséquences sont différentes : la séparation

maintient l’existence du mariage alors que le divorce le dissout irrémédiablement. Il n’y a

donc qu’une seule direction pour la transition : la séparation évolue en divorce.

La procédure est simple. Puisque les conditions du divorce sont identiques à celles de la

séparation, elles sont déjà remplies : les époux doivent vivre séparés pendant un an en

Ontario et en Allemagne et deux ans en France. Les époux doivent seulement remplir une

demande de divorce conformément aux règles procédurales qui s’appliquent à la séparation.

Selon l’article 307 du Code civil, une fois que les époux sont séparés de corps, ils peuvent

demander que la séparation soit convertie en divorce par consentement mutuel à tout

moment. Ainsi que pour la demande de divorce par consentement mutuel, le juge doit vérifier

que le consentement des parties est libre et éclairé76, selon l’article 230 du Code. Même si la

séparation a été accordée par consentement mutuel, une nouvelle demande est nécessaire

pour la conversion en divorce par consentement mutuel.

L’article 306 du Code dispose que la transition, appelée conversion, est accordée sans

condition à la demande de l’un des époux s’ils sont séparés de corps depuis deux ans. Si

aucun d’eux ne remplit de demande de divorce, ils restent séparés de corps jusqu’à ce que

l’un d’eux ne décède.

75 C.f. Chapitre II, Section 3. 76 Civ. 2e, 29 sept. 1982.

- 32 -

Dans tous les cas, la cause de la séparation devient la cause du divorce et l’attribution des

torts n’est pas modifiée, conformément à l’article 308 du Code civil.

Les pratiques juridiques allemandes suivent les mêmes règles, bien que le BGB ne contienne

pas de disposition encadrant la conversion. Selon le §1566 (1) du BGB, le divorce peut

survenir après un an de vie séparée, si les deux époux en font la demande, ou l’un d’eux

consent à la demande de l’autre. Ainsi qu’en France, la condition d’intention est supprimée

après trois ans de séparation, selon le §1566 (2) du BGB. Les pratiques juridiques en Ontario

en font de même, bien qu’il n’y ait de disposition concernant la conversion ni dans la loi sur

le divorce, ni dans la loi sur le droit de la famille.

Il apparait que la plupart des cas de séparation évoluent en divorce ou en réconciliation. La

séparation de corps semble être une situation transitoire puisque peu de couples décident de

rester mariés mais séparés de corps, et beaucoup d’entre eux le font pour des motifs

religieux. Ceci soulève la question de savoir si la séparation de corps présente des avantages

sur le divorce ou la séparation de fait. Nous avons vu que l’effet le plus recherché de la

séparation de corps sur la séparation de fait est la suppression du devoir de cohabitation,

c'est-à-dire que l’époux qui quitte le domicile conjugale ne se verra pas reprocher sa conduite

dans une éventuelle procédure de divorce, si les époux sont séparés de corps, par opposition à

ce qui adviendrait si les époux étaient seulement séparés de fait. Néanmoins, la suppression

du devoir de cohabitation n’est pas le seul effet de la séparation qui a de nombreuses autres

conséquences importantes pour les époux.

- 33 -

CHAPITRE II LES CONSEQUENCES

DE LA SEPARATION

Nous avons aperçu dans le Chapitre I à quelles conditions les époux peuvent se séparer de

corps. Ces conditions et circonstances dépendent uniquement des époux, de même que les

objectifs qu’ils poursuivent. Les effets qu’ils veulent atteindre doivent donc également rester

leur décision et leurs choix. Cependant, les conséquences de la séparation s’appliquent aux

époux non seulement en tant que couple mais aussi en tant que membres d’une famille et

s’étendent donc aux autres membres du cercle familial. La séparation des parents a en effet

des incidences sur les droits d’accès et de garde des enfants issus du mariage (Section 1).

Bien sûr, l’application de ces droits aura un impact émotionnel sur la famille tandis que les

autres conséquences de la séparation auront des effets tant matériels qu’affectifs quand des

conflits surviennent. Dans les trois systèmes juridiques, le devoir de cohabitation cesse, mais

puisque le mariage survit, beaucoup d’autres obligations du mariage demeurent, tel le devoir

de soutien. Cette obligation est la source de nombreux conflits financiers entre les époux car

elle force l’un d’eux à payer une ou plusieurs pension(s) à l’autre (Section 2). Enfin, les

époux doivent diviser les biens meubles et immeubles qu’ils ont acquis au long de la durée de

leur mariage car le régime matrimonial est modifié par la séparation de corps (Section 3).

Droit de garde et de visite Section 1.Dans les trois pays, il a été reconnu que la séparation des époux endommage le lien familial

au sein d’une famille, au moins entre les époux et surtout lorsqu’il y a des enfants issus du

mariage. Puisque seuls les parents peuvent décider de se séparer, les enfants sont passifs dans

cette procédure et sont le plus souvent victimes des troubles affectifs. Afin de minimiser

l’impact émotionnel de la séparation sur les enfants, les juges de l’Ontario, de France et

d’Allemagne ont décidé de donner la priorité aux intérêts de l’enfant dans toute décision

(§1). Cependant les trois systèmes n’aboutissent pas à la même conclusion s’agissant de la

priorité des intérêts de l’enfant. En France et en Allemagne, les intérêts de l’enfant ont

poussé le législateur à conclure que la solution par défaut doit être la garde partagée (§2),

alors que les pratiques juridiques en Ontario confient aux parents la charge de trouver un

accord pour protéger les intérêts de l’enfant (§3).

- 34 -

§ 1 PRIORITE AU BIEN-ETRE DE L’ENFANT, COMMUNE AUX TROIS

REGLEMENTATIONS

Les principes suivis par les trois systèmes sont similaires dans ce domaine mais il est

important de s’assurer que le vocabulaire juridique est correctement compris. Alors que la

France parle d’autorité parentale*, l’Ontario utilise en effet le terme « custody », et

l’Allemagne le « soin parental ». Le sens juridique de cette autorité parentale doit donc être

examiné (A). Ces variations de vocabulaire n’empêchent pourtant pas les trois

réglementations de s’accorder sur l’importance des intérêts de l’enfant (B).

A. Sens juridique de l’autorité parentale

Le terme canadien custody77 n’est pas vraiment défini dans la loi sur le divorce et reste

relativement vague. Ce manque de clarté ne correspond pas à la précision de l’autorité

parentale française et du soin parental78 allemand. Le concept de custody* a évolué dans les

50 dernières années. Avant 197079, il y avait une distinction entre la gestion de la propriété

financière et les intérêts de l’enfant, anciennement appelée guardianship80 et la gestion de sa

vie quotidienne et son éducation, anciennement appelée custody. Le concept est délimité par

l’article 2(1) de la loi canadienne sur le divorce et inclut, depuis la décision de 1970, le

concept de guardianship : « Sont assimilés à la garde le soin, l’éducation et tout autre

élément qui s’y rattache ». Au contraire, le soin parental allemand est défini au §1626 du

BGB comme une obligation et un droit (Recht en allemand signifie droit) des deux parents de

prendre soin de leur enfant mineur. Ceci comprend le soin de la personne de l’enfant ainsi

que de ses biens. Le Code civil distingue également entre l’autorité parentale, qui est exercée

par les deux parents en vertu de l’article 372 du Code civil, et le choix de la résidence, le

droit de visite et le droit d’hébergement. L’autorité parentale est définie à l’article 371-1

comme un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. En

application de cela, les deux parents sont tenus de protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé

77 Généralement traduit par « garde » en français. 78 Elterliches Sorgerecht en droit allemand. 79 Hewar v. Bryant, [1970] 1 Q.B. 357 (Eng. C.A.). 80 Aujourd’hui traduit par « tutelle » en français.

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et sa moralité, ainsi que d’assurer son éducation et son développement dans le respect de sa

personne.

Cette notion d’intérêt de l’enfant est incluse dans l’autorité parentale en droit français. Même

si ce n’est pas le cas en Allemagne et en Ontario, l’importance des intérêts de l’enfant est

sous jacente.

B. L’intérêt de l’enfant

Il est intéressant de souligner que l’expression française d’intérêt de l’enfant est proche de

l’expression « meilleurs intérêts de l’enfant »81 en Ontario. L’expression allemande du

« bien-être de l’enfant »82 contraste avec la France et l’Ontario mais les jurisprudences des

trois systèmes aboutissent à la même interprétation, qui suit la direction de l’article 16(8) de

la loi canadienne sur le divorce.

L’article 16 de la loi sur le divorce contient de nombreuses dispositions concernant

l’ordonnance de garde rendue par le juge pour déterminer la garde. L’article 16(8) de la loi

précise qu’ « en rendant une ordonnance conformément au présent article, le tribunal ne tient

compte que de l’intérêt de l’enfant à charge, défini en fonction de ses ressources, de ses

besoins et, d’une façon générale, de sa situation ». La rédaction de cet alinéa énonce

clairement que l’intérêt de l’enfant est le seul critère légal à suivre pour rendre la décision et

détermine aussi les lignes directrices pour interpréter l’intérêt de l’enfant.

En France, la priorité n’est pas aussi claire qu’en Ontario, mais est explicitement précisée par

l’article 373-2-1 du Code civil concernant l’exercice de l’autorité parentale. L’intérêt de

l’enfant est même l’unique objectif de l’autorité parentale, telle que définie à l’article 371-1.

Le BGB énonce le même principe aux §1671 (1) et (2) : « si les parents sont séparés de corps

et partagent le droit au soin de l’enfant83, alors chacun d’eux peut demander au tribunal

d’exercer seul ce droit ». Mais cette demande ne peut être accordée que dans deux cas qui

sont : cette solution représente au mieux le bien-être de l’enfant ; ou l’autre époux y consent,

à moins que l’enfant âgé de plus de 14 ans ne le refuse.

81 Best interest of the child en droit de l’Ontario. 82 Kindeswohl en droit allemand. 83 Elterliche Sorge en droit allemand.

- 36 -

La rédaction des règles allemandes et françaises montrent que l’autorité parentale est

seulement régulée, c'est-à-dire mise menacée, lorsque les époux refusent de la partager. Ceci

conduit à la conclusion que l’autorité partagée est la solution par défaut dans ces deux pays.

§ 2 L’AUTORITE PARENTALE PARTAGEE : LA SOLUTION PAR DEFAUT

EN ALLEMAGNE ET EN FRANCE

Puisque l’Allemagne et la France n’utilisent pas la même expression (soin parental et autorité

parentale) nous utiliserons le terme d’autorité pour ce paragraphe. Les deux systèmes sont

régulés selon les mêmes règles : il y a une obligation pour les parents de passer devant la

justice pour déterminer qui aura l’autorité parentale (A). Si les parents ne veulent pas exercer

l’autorité partagée, qui est la solution par défaut (B), l’un d’eux peut demander d’exercer seul

l’autorité exceptionnellement (C).

A. L’obligation de passer devant la justice

Selon le §1626 du BGB et l’article 371-1 du Code, l’autorité parentale est un droit et un

devoir des deux parents à l’égard de leur enfant. Cela représente non seulement une

obligation pour eux mais aussi une prétention à participer à l’éducation de l’enfant. Ce n’est

pas comparable à un droit de propriété sur une chose mais ce droit présente un caractère

absolu à l’égard des tiers (concernant le choix des relations et visites de l’enfant par

exemple). Depuis la réforme du 1er Juillet 1998, le BGB envisage les parents comme une

unité parentale et non plus comme la mère d’un coté et le père de l’autre. Il en est de même

en France selon l’article 371-1 et 372 du Code civil. L’autorité leur appartient donc à deux.

Même si les parents parviennent à trouver un accord de garde, ils doivent présenter une

demande conjointe devant le tribunal compétent en affaires familiales84 qui est alors lié par

l’accord des parents dans sa décision, conformément au §1671 (2) du BGB et l’article 373-2-

7 du Code. Cette obligation pour les juges est cependant écartée lorsque l’enfant âgé de plus

de 14 ans s’oppose à l’accord des parents (§1671 (2)1. du BGB et article 373-2-7 du Code

civil).

84 Familiengericht en droit allemand.

- 37 -

Puisque dans la majorité des situations les parents ne sont pas en mesure de s’accorder sur

l’exercice de la garde, le tribunal compétent doit souvent appliquer les dispositions de droit

de la famille qui considèrent l’exercice partagé de l’autorité comme la solution ordinaire.

B. Le concept de l’autorité parentale commune

Comme on l’a vu précédemment, l’exercice de l’autorité parentale est partagé par les deux

parents par défaut. Mais qu’est ce que l’autorité parentale commune85 exactement ? Ce doit

être distingué du choix de la résidence pour l’enfant et du droit de visite86 et d’hébergement.

Les deux parents peuvent exercer en commun l’autorité même si seule la résidence de la

mère est choisie comme résidence de l’enfant et que le père a seulement un droit de visite et

d’hébergement.

Selon le §1687 du BGB, en cas d’autorité parentale partagée, les deux parents décident en

concertation pour toutes les questions fondamentales pour l’enfant telle que l’éducation. En

revanche, l’époux chez qui réside l’enfant au moment où une question quotidienne et

inconséquente se pose, peut en décider seul sans consultation de l’autre. Une question

quotidienne et inconséquente se définit comme une question qui peut survenir fréquemment

et n’a pas d’impact de changement sur le développement de l’enfant.

La principale condition pour l’adoption de l’autorité commune est que les deux parents y

consentent. Le §1627 du BGB dispose que les parents ont le devoir d’exercer l’autorité

parentale par consentement mutuel87 pour le bien-être de l’enfant et un devoir d’essayer de

trouver un accord en cas de divergence d’opinions. Cette obligation de tenter de trouver un

accord est également portée par le juge, qui est tenu de tenter de concilier les parties selon

l’article 373-2-10 du Code. En Allemagne, une décision de 198288 du tribunal fédéral

constitutionnel89 a reconnu que le fait de forcer la garde partagée à l’encontre de la volonté

de l’un des parents ne pouvait conduire qu’à des conflits au détriment des intérêts de l’enfant.

85 Gemeinsames Sorgerecht en droit allemand et joint custody en droit de l’Ontario. 86 Umgangsrecht en droit allemand et right of visit en droit de l’Ontario. 87 Gegenseitiges Einvernehmen en droit allemand. 88 BVerfG FamRZ 1982, 1179. 89 Bundesverfassungsgericht en droit allemand.

- 38 -

Par ailleurs, chacun des parents doit avoir la pleine capacité d’éduquer un enfant, et ne pas

représenter un danger pour l’enfant.

L’article 373-2-11 du Code prévoit différents éléments qui doivent être pris en compte par les

juges lors de l’attribution de l’exercice commun ou séparé de l’autorité parentale.

C. L’exception de l’autorité parentale séparée

L’autorité séparée90 n’est pas prévue par les réglementations françaises et allemandes mais

doit être demandée par l’un des parents au juge qui l’accordera exceptionnellement en

considération de plusieurs éléments des circonstances. Cependant, il n’y a pas de

présomption selon laquelle l’autorité parentale commune est la meilleure solution : il s’agit

seulement de la solution par défaut. Un parent peut demander d’exercer seul tout ou partie de

l’autorité, en vertu du §1671 (1) du BGB et de l’article 373-2-1 du Code civil. En application

des §§ 1666 et 1666a du BGB et de l’article 373-2-8 du Code, le juge peut décider de

l’exercice de la garde sans demande parentale si l’intérêt de l’enfant est menacé. Le tribunal

compétent en droit de la famille pourra alors accorder un droit de garde plus important à l’un

de deux parents.

Pour accepter la demande d’un parent, le juge doit vérifier que l’autre y consent, ou que

l’enfant mineur de plus de 14 ans l’accepte aussi, ou alors que cette solution représente au

mieux l’intérêt de l’enfant (L’âge de 14 ans donné par la loi allemande correspond à l’âge

d’un enfant capable de discernement, qui est plutôt considéré autour de 13 ans en France). En

vertu de l’article 373-2-11 du Code, le juge doit prendre en compte les éléments suivants : (1)

les pratiques et accords antérieurs des parents ; (2) les sentiments exprimés par l’enfant ; (3)

l’aptitude de chaque parent à respecter ses devoirs et les droits de l’autre ; (4) le résultat des

enquêtes et expertises éventuellement effectuées. La jurisprudence impose également de

prendre en considération la continuité de l’éducation, les conditions de vie, ainsi que le

regroupement avec les frères et sœurs.

La décision du tribunal concernant la garde peut toutefois être modifiée par la suite en cas

d’évolution. La demande d’un époux est suffisante pour rouvrir la question de l’autorité

90 Beschränktes Sorgerecht en droit allemand et separated custody en droit de l’Ontario.

- 39 -

parentale. Il en est de même pour l’accord des parents que les époux peuvent trouver et faire

homologuer par le juge, selon les articles 373-2-7 et 373-2-13 du Code. Cependant, ce type

d’accord est vraiment rare en France et en Allemagne, par opposition aux pratiques

juridiques en Ontario.

§ 3 LA PRIORITE DONNEE A L’ACCORD ENTRE LES PARENTS EN

ONTARIO

Le terme custody n’ayant pas d’équivalent en français, nous emploierons le mot garde bien

qu’elle ne soit pas assimilable à la seule garde en France. Au Canada, la demande en justice

pour déterminer le droit de garde est également une exception. En revanche, contrairement à

l’Allemagne et la France, la solution par défaut n’est pas la garde partagée mais l’accord

entre les époux, sans délimitation légale particulière (A). Il s’agit souvent d’un contrat établi

par les parents avec l’aide d’un médiateur. Mais cet accord doit encore être homologué par

un juge qui devra suivre les principes juridiques qui s’appliquent également dans les rares cas

où les époux ne peuvent pas trouver d’accord (B).

A. L’intervention des juges comme une exception

En vertu de l’article 16(1) de la loi sur le divorce, le tribunal « peut, sur demande des époux

ou de l’un d’eux ou de toute autre personne, rendre une ordonnance relative soit à la garde

des enfants à charge ou de l’un d’eux, soit à l’accès auprès de ces enfants, soit aux deux. »

Par « tout autre personne », on entend une personne qui justifie avoir construit une relation

sociale stable avec l’enfant, tels les grands-parents ou les frères et sœurs par exemple (un lien

génétique n’est toutefois pas exigé)91 et que cette demande est justifiée par les intérêts de

l’enfant92. Les parents ont cependant en principe priorité sur les tiers quant au droit de garde

de leur enfant. Dans tous les cas, l’application de cette règle est rare et les avocats canadiens

incitent plutôt les époux à trouver un accord. La justice canadienne n’intervient que lorsque

les parents ne parviennent pas à s’accorder sur la garde de l’un ou de plusieurs enfants, ou

91 M. v. W. (1985), 45 R.F.L. (2nd) 337 (B.C. S.C.) 92 Fischer v. Fischer (1985), 70 N.S.R. (2nd) 206 (T.D.)

- 40 -

après que les parents aient trouvé un accord, pour l’homologuer. Les parents doivent donc

garder en tête les dispositions légales qui seront vérifiées par le juge pour l’homologation.

Les juges n’ont pas de lignes directrices à suivre mais peuvent choisir librement entre tous

les types de gardes. En vertu de l’article 16(4) de la loi sur le divorce la garde peut être

attribuée à un seul des deux parents93, ou bien chacun des parents peut avoir la garde d’un

enfant94, auquel cas les enfants sont séparés. Le principe du regroupement des enfants n’a pas

le même poids en Ontario qu’en France et en Allemagne. Les parents peuvent aussi choisir la

garde alternée95 grâce à laquelle l’enfant passe un temps égal avec chacun des parents qui

dispose seul, pendant cette durée, de l’exercice de la garde et de la prise de décisions. Cette

solution est particulièrement appropriée lorsque les parents séparés vivent très loin l’un de

l’autre. Il existe enfin la solution de la garde partagée entre les deux parents96, qui se divise

en deux catégories : la garde légale partagée97 et la garde physique partagée98. Dans le

premier cas, les deux parents prennent en charge en concertation l’éducation et les décisions

fondamentales pour l’enfant. Dans le second cas, ils prennent en charge en commun

seulement les visites et l’entourage de l’enfant, ainsi que son lieu d’habitation mais la garde

légale (décisions et éducation) n’est attribuée qu’à l’un des deux parents.

Dans tous les cas, chaque parent séparé est tenu d’informer l’autre de tout éventuel

déménagement afin de maintenir le statut quo de l’enfant.

Pour homologuer l’accord des parties, le juge doit vérifier que certains principes de droit de

la famille sont respectés par les parents.

B. Les principes gouvernant la décision

Comme vu précédemment, l’élément principal et le plus important de la décision des juges

est l’intérêt de l’enfant, « défini en fonction de ses ressources, de ses besoins et, d’une façon

93 Sole custody en droit canadien. 94 Split custody en droit canadien. 95 Divided custody en droit canadien. 96 Joint custody en droit canadien. 97 Joint legal custody en droit canadien. 98 Joint physical custody en droit canadien.

- 41 -

générale, de sa situation », en application de l’article 16(8) de la loi canadienne sur le

divorce.

A l’inverse du Code civil, la loi sur le divorce interdit de prendre en compte la conduite

antérieure des parents, à moins que celle-ci soit liée à l’aptitude du parent à exercer la garde

(article 16(9) de la loi sur le divorce).

L’article 16(10) de la loi sur le divorce énonce qu’un enfant doit « avoir avec chaque époux

le plus de contact compatible avec son propre intérêt » et ce principe, dit principe du contact

maximal doit être pris en compte lors de la détermination de la garde. La « règle du parent

amical99 » énonce que le parent le plus enclin à maintenir de bonnes relations, ainsi qu’à

privilégier le contact de l’enfant avec son époux séparé, doit être avantagé lors de la

détermination de la garde : le juge « doit prendre en considération la volonté de la personne

qui demande la garde, de faciliter un tel contact ». Ce principe a été étendu par la

jurisprudence : dans Hatton v. Hatton100, les juges de l’Ontario ont créé « l’ordonnance du

nid d’oiseaux »101. Cette ordonnance permet à l’enfant de continuer à vivre dans le foyer

familial en permanence, alors que ses parents y vivent avec lui tour à tour, et exercent le droit

de garde lorsqu’ils résident avec l’enfant. Cette solution semble être réellement difficile à

mettre en œuvre et exige que les deux parents soient capables de vivre sans conflit majeur.

Même si les parents ne partagent pas la garde de l’enfant, ils ont le devoir de l’entretenir sur

le plan financier en fonction de leurs propres ressources. Ceci peut conduire le parent qui n’a

pas la garde à payer une pension à l’autre. De plus, les deux époux ont le devoir de

s’entretenir mutuellement, en tant que membres de la famille, et peuvent devoir payer en plus

une pension entre époux.

Pensions alimentaires Section 2.Le pensions alimentaires au sein de la famille peuvent avoir différents destinataires et

objectifs mais elles ont toutes le même fondement : le devoir de soutien (§1). Ce devoir

99 Friendly parent rule en droit canadien. 100 Hatton v. Hatton [1993] O.J. n° 2621 (QL) (Ont. Gen. Div.) 101 Birdnesting order en droit canadien.

- 42 -

s’applique aux parents à l’égard de leur enfant ainsi qu’aux époux entre eux. Il va de soi

pendant la vie conjugale lorsque tous les membres de la famille vivent ensemble. Néanmoins,

dans les cas de séparation, il arrive qu’un des époux ne puisse pas exécuter son devoir

directement parce qu’il ne vit pas avec l’enfant. Dans ce cas, une pension alimentaire pour

l’enfant sera versée à l’époux qui vit avec l’enfant (§2). Dans tous les cas, le devoir de

soutien entre époux survit à la séparation et l’époux le plus aisé devra exécuter son devoir par

le biais de la pension alimentaire entre époux (§3).

§ 1 LE CONCEPT DE DEVOIR DE SOUTIEN

Le concept de devoir de soutien est avant tout un devoir familial de soutien familial (A). Il

est créé par des nombreux liens familiaux, tels que le lien des époux et le lien des parents

avec l’enfant. Ces liens sont simples lorsque les relations entre les membres de la famille sont

bonnes. Mais si l’une d’elle se dégrade, les autres suivent souvent, même si les liens

survivent. En cas de séparation, la relation conjugale est dégradée et la relation des parents

avec les enfants en souffre. Ceci a des conséquences pour les différents devoirs de soutien

(B). Ce devoir n’est cependant pas illimité mais doit suivre certaines restrictions pour être

accordé par le juge (C).

A. Un soutien familial

Durant la vie conjugale, il existe une obligation de soutien familial entre les époux, selon le

§1360 du BGB. Les époux ont le devoir de soutenir la famille convenablement par leur

travail et leurs biens. Selon le §1601 du BGB, les parents directs dans la famille ont

l’obligation de se soutenir entre eux. L‘article 212 du Code civil dispose que les époux se

doivent mutuellement secours et assistance. L’article 203 prévoit également que les époux

s’obligent à nourrir, entretenir et élever leurs enfants par le seul fait du mariage. En Ontario,

il n’y a pas de devoir fédéral de soutien mais une prétention a été développée par la

jurisprudence. Toutefois, il existe un devoir provincial de soutien prévu par l’article 30 de la

loi sur le droit de la famille : « Chaque conjoint est tenu de subvenir à ses propres besoins et

à ceux de son conjoint ». Ce devoir concerne également les enfants, selon l’article 31(1) de

cette loi : « Le père et la mère sont tenus de fournir des aliments à leur enfant non marié qui

est mineur ou qui suit un programme d’études à temps plein ».

Ces devoirs sont modifiés par le changement de situation juridique causé par la séparation.

- 43 -

B. Le cas de la séparation

Dans un cas de séparation, seul de devoir de cohabitation est supprimé ; les autres devoirs du

mariage survivent. C’est le cas du devoir de soutien. Le §1361 du BGB dispose que dans un

cas de séparation, un époux peut exiger de l’autre un soutien approprié compte tenu des

circonstances de sa vie, ses revenus et ses biens. Le soutien mentionné au §1601 est

indépendant de la situation familiale ; c'est-à-dire un mariage, un divorce ou une séparation.

Tant que les enfants vivent dans le foyer familial avec les deux parents, les parents exécutent

leur devoir en nature (éducation et entretien). Lorsque les parents vivent séparés, celui avec

qui les enfants vivent continue d’exécuter son devoir en nature. Mais l’autre devra payer un

montant spécifique au premier époux. L’article 299 du Code civil dispose que la séparation

ne met fin qu’au devoir de cohabitation mais pas aux autres devoirs du mariage ;

incidemment, le devoir de soutien survit avec le mariage. Ceci est confirmé par l’article 303

du Code qui fixe les conditions de détermination du montant. En Ontario, l’article 15.1 de la

loi sur le divorce prévoit le soutien pour l’enfant qui peut être accordé à « tout les enfants à

charge ou à l’un d’eux ». L’ordonnance de soutien entre époux qui peut être accordée par le

juge dans un cas de séparation est régie par l’article 15.2.

Ces apports ne sont toutefois pas exigés d’un époux sans que le juge ait au préalable vérifié

qu’ils correspondent aux critères restrictifs du soutien.

C. Restrictions du soutien

Dans les trois réglementations, la pension alimentaire n’est pas illimitée mais restreinte selon

les notions de besoin et de capacité. La condition est fixée par le BGB par l’expression « en

fonction des circonstances sa vie, de ses revenus et de ses biens ». Le besoin est aussi régi par

le §1602 du BGB sous le terme de Bedürftigkeit. En France, l’article 208 du Code civil

dispose que « les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les

réclame, et de la fortune de celui qui les doit ». L’article 303 confirme que la prétention est

accordée à l’époux « dans le besoin ». En Ontario, les juges doivent appliquer les lignes

directrices dites d’application102 pour limiter la pension alimentaire. Ils respectent les facteurs

102 Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants du 1er Mai 1997, DORS/97-175.

- 44 -

de la pension définis à l’article 15.2(4) de la loi sur le divorce : « les ressources, les besoins

et, d’une façon générale, la situation de chaque époux ». Les objectifs de l’ordonnance de

l’article 15.2(6) aident également les juges à limiter le soutien. La loi sur le droit de la famille

dispose à l’article 30 que la pension alimentaire est limitée à « son conjoint, dans la mesure

de ses capacités et des besoins ». Il en va de même pour les enfants à l’article 31(1) : « leur

enfant […] dans la mesure de leurs capacités ».

Le concept général est partagé par les trois réglementations qui distinguent entre la pension

due à l’autre époux et la pension due à l’enfant.

§ 2 VIS-A-VIS DES ENFANTS

La pension pour l’enfant nait du fait que les enfants ont besoin d’être assistés pour leur

propre entretien et leur éducation, et que leurs parents sont responsables de ce besoin. Mais le

besoin n’est pas illimité et doit être déterminé par la loi afin de s’assurer qu’il est juste pour

les parents de fournir ce soutien (A). En fonction de l’importance de ce besoin, et d’autres

circonstances de la situation parentale, le montant de la pension peut être déterminé (B).

A. Le besoin de l’enfant

Les personnes pouvant prétendre à la pension sont tous les enfants, selon le §1601 du BGB

puisque le texte utilise l’expression de « descendant direct ». Au contraire, l’article 15(1) de

la loi sur le divorce n’accorde de soutien qu’aux enfants issus du mariage définis à l’article

2(1) comme « l’enfant des deux époux ou ex-époux » qui est mineur ou à leur charge. En

France, chaque parent doit élever et entretenir son enfant, indépendamment de la situation

des parents. Cependant, l’article 203 du Code dispose que le seul fait du mariage oblige les

époux à respecter ce devoir de soutien à l’égard des enfants.

Le besoin est délimité au §1602 du BGB comme la période durant laquelle un enfant ne peut

pas s’entretenir lui-même. Cela dure donc en principe jusqu’à la fin de la formation

professionnelle de l’enfant. Jusqu’à la majorité de l’enfant, les parents peuvent décider de la

durée de la formation puisque cette décision appartient à l’exercice de l’autorité parentale.

Quand l’enfant atteint la majorité, il peut décider de sa formation et donc le soutien parental

ne demeure que si les choix de l’enfant sont prévisibles, appropriés et raisonnables pour les

parents. Le système français suit le même principe : l’article 208 du Code civil précise que la

pension est seulement accordée « dans la proportion du besoin de celui qui la réclame ». Le

- 45 -

besoin a été déterminé par la jurisprudence : cette personne doit prouver qu’elle est dans le

besoin, c'est-à-dire qu’elle n’est pas en mesure d’assurer elle-même sa subsistance

spécialement en exerçant une activité rémunérée103. Les besoins de l’enfant comprennent la

considération de leur âge et de leur mode de vie104.

Il n’y a pas de limite d’âge pour la demande de pension en Allemagne. Par exemple, si un

enfant majeur ne peut pas trouver d’emploi après sa formation, les parents sont tenus de

continuer à le soutenir pendant au moins 3 mois. De même, en France, le devoir de soutien ne

cesse pas quand l’enfant atteint la majorité, selon l’article 371-2 du Code. Les éventuels

revenus ou cadeaux de l’enfant ne doivent pas être pris en considération lors de la

détermination du besoin.

En Ontario, la restriction n’est pas donnée par l’activité de l’enfant mais par son âge ou sa

dépendance. En vertu de l’article 2(1) de la loi sur le divorce, l’enfant doit avoir moins de 18

ans ou ne plus être à la charge de ses parents. Les enfants majeurs sont réputés être en mesure

de subvenir eux-mêmes à leurs besoins. Un enfant majeur peut seulement prétendre à une

pension de ses parents s’il est à leur charge pour cause notamment de maladie, ou

d’invalidité. Afin de savoir si l’enfant est dépendant du soutien parental, les juges canadiens

ont développé la jurisprudence qui varie malheureusement souvent concernant les facteurs

fondamentaux. L’enfant doit être financièrement dépendant mais le terme « notamment »

dans l’article 2(1) est volontairement vague pour inclure de nombreuses situations différentes

telles qu’une formation particulièrement longue. Les juges prennent aussi en considération le

fait que l’enfant demeure sous le contrôle de ses parents ; par exemple s’il vit encore avec ses

parents, l’enfant sera réputé dépendant d’eux.

Le besoin de l’enfant est déterminé in concreto en fonction de chaque circonstance de la

situation familiale. Mais ceci n’est pas suffisant pour déterminer le montant de la pension,

qui doit aussi prendre en compte les capacités financières des parents.

103 Soc. 6 mars 1985. 104 Civ. 1re, 22 Mars 2005.

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B. Le montant de la pension

Selon le §1606 (3) du BGB, si l’enfant vit avec un seul parent, ce dernier exécute son devoir

de soutien en s’occupant et élevant l’enfant et donc n’a pas besoin de fournir de paiement

pour le soutien. En Ontario, l’article 15.1(3) de la loi sur le divorce dispose que les juges

doivent suivre les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants.

Ces lignes directrices visent à « établir des normes équitables en matière de soutien

alimentaire des enfants afin de leur permettre de continuer de bénéficier des ressources

financières des époux après leur séparation » selon l’article 1, ainsi qu’à réduire les conflits

entre les époux, améliorer l’efficacité du processus judiciaire et assurer un traitement

uniforme des enfants. L’article 208 du Code civil dispose que le montant de la pension doit

prendre en compte la fortune de celui qui la doit. En vertu de l’article 373-2-2 du Code, en

cas de séparation de parents, le montant doit être délivré à celui avec qui l’enfant vit.

Selon le §1603 (1) du BGB, si un parent peut prouver qu’il/elle n’est pas en mesure de

subvenir à ses besoins à cause de circonstances particulières, sans menacer sa propre vie, son

devoir de soutien est supprimé. Le parent doit prouver qu’il/elle a tout essayé pour se

soutenir il/elle-même et l’enfant. Par exemple, ceci ne s’applique pas à un père qui prouve

qu’il ne peut pas soutenir son enfant alors qu’il soutient les enfants de son second mariage105.

De même, en Ontario, un époux peut demander au juge d’accorder un autre montant (moins

élevé) que celui attribué normalement selon les tableaux, car sinon il/elle souffrirait de

difficultés excessives, selon l’article 10 des lignes directrices. Les circonstances justifiant

l’application de l’article 10 sont détaillées à l’article 10(2) : des dettes anormales, des frais

anormaux, des obligations légales, liés aux enfants. Cependant, les juges rejetteront la

demande s’il apparait que le demandeur a un niveau de vie plus élevé que l’autre. Il

appartient au débiteur de la pension de prouver qu’il n’est pas en mesure de fournir un tel

montant : les juges doivent déterminer sa situation de vie réelle. Au contraire, le tribunal ne

peut pas exiger du débiteur de changer d’emploi ou de trouver une activité plus lucrative106.

Pour déterminer le montant de la pension, les juges doivent prendre en compte le mode de

vie de l’enfant afin de déterminer un soutien approprié, selon le §1610 du BGB. Ce montant

ne peut être inférieur au montant minimal mentionné dans la loi pour la modification de la

105 BGHZ 75, 272 : BGH FamRZ 1987, 252. 106 Paris, 13 nov. 1962.

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pension107 en fonction du dit « minimum vital »108. Il n’y a pas de montant minimum en

Ontario bien que le concept de « dépense extraordinaire » existe. Il s’applique

majoritairement aux écoles privées pour l’éducation de l’enfant, ou des maladies spéciales de

l’enfant, ou des activités extrascolaires. Un montant pour couvrir ces dépenses peut être

prévu dans la pension accordée par le juge, selon l’article 7(2) des lignes directrices.

Le BGB ne précise pas de montant particulier. Pour cette raison, les Cours d’appel

(Oberlandesgerichte) d’Allemagne, suivant un modèle établi par la Cour d’appel de

Düsseldorf, ont chacune établi un tableau de pensions qui s’applique dans la région de

compétence the chaque Cour d’appel et qui est mis à jour régulièrement109.

Les lignes directrices canadiennes contiennent des tableaux de pensions pour chaque

province du Canada, qui sont adaptés à la taxe sur la valeur ajoutée en vigueur dans chaque

province. Les tableaux fédéraux de la loi sur le divorce sont d’application obligatoire s’il y a

des tensions entre les époux concernant le montant de la pension.

Les tensions entre les époux ne sont en effet pas rares et surviennent en cercle vicieux. C’est

pourquoi les juges, ainsi que les différentes réglementations, s’efforcent d’empêcher tout

conflit. Cependant, les tensions issues de la pension pour l’enfant, qui sont le plus souvent

bien perçues puisqu’elles concernent l’enfant et non les époux eux-mêmes, se développent

souvent lorsque l’on aborde les pensions entre époux, car de nombreux époux refusent

simplement l’idée de verser de l’argent à l’autre.

§ 3 ENTRE LES EPOUX

La pension entre époux doit être distinguée de la pension pour l’enfant même s’il arrive que

les deux soient versées au même époux. Dans une situation où l’enfant réside avec le mari, et

le mari est considéré dans le besoin, la femme devra lui verser les deux pensions, mais les

deux montants n’ont pas les mêmes objectifs et utilisations. Pour cette raison, le fait de savoir

qu’un époux a plus de dépenses que l’autre à cause de l’éducation et l’entretien de l’enfant

n’a pas d’incidence sur la détermination de la pension entre époux. Mais le mari dans notre

107 Gesetz zum Änderung des Unterhalts en droit allemand. 108 Existenzminimum en droit allemand. 109 NJW 1977, 289.

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exemple peut avoir plus de dépenses à cause de l’exercice de la garde, qui ne sont pas

directement des dépenses pour l’enfant. Ces dépenses-ci doivent être prises en compte. La

détermination du besoin est fondée sur différents éléments en France, Allemagne et Ontario,

mais ne suit pas la même procédure. La détermination du besoin suit des dispositions très

précises en Allemagne (A) qui sont comprises par les règles vagues de France et d’Ontario,

où l’on laisse plus de place à la libre appréciation des juges (B).

A. Des dispositions précises en Allemagne

Selon le §1361 du BGB, lorsque les époux sont séparés, l’un peut demander le soutien de

l’autre en considération de son mode de vie, de son emploi et de ses biens. Le BGB définit

explicitement le sens juridique du besoin et de la capacité de paiement qui peuvent

restreindre l’attribution de la pension (1). Conformément à ces définitions, le législateur

allemand a ajouté plusieurs cas précis décrivant les conditions exactes selon lesquelles le

besoin peut être constaté ou non (2).

LE BESOIN ET LA CAPACITE DE PAIEMENT 1.

En Allemagne, la pension est accordée par l’article §1569 du BGB lorsque un époux ne peut

pas subvenir à ses propres besoins. Le soutien est seulement limité à sept cas différents. Ces

cas ne sont néanmoins applicables qu’à un époux dans le besoin110 tel que défini par le

§1577 : lorsqu’un époux ne peut subvenir à ses propres besoins avec ses propres revenus et

biens.

D’autre part, le débiteur de la pension doit être en mesure d’exécuter son obligation selon le

§1581 : si le débiteur ne peut pas exécuter son obligation sans se mettre en danger,

considérant ses revenus, ses biens et ses autres obligations, il ne devra payer que dans la

mesure où cela est équitable compte tenu du besoin de l’époux qui reçoit.

Ce besoin est défini clairement par sept cas précis fournis par le BGB.

110 Bedürftigkeit en droit allemand.

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DIFFERENTS CAS DE BESOIN 2.

Selon le §1570 du BGB, le soin de l’enfant est l’origine du paiement de la pension. L’enfant

doit être issu du mariage et justifier pour le récepteur l’impossibilité d’exercer une activité

économique. Bien sûr, il doit être constaté que l’enfant ne peut pas non plus subvenir à ses

besoins. En principe, le soutien dure au moins les trois premières années de la vie de l’enfant

car d’autres possibilités pour s’occuper de l’enfant sont censées être disponibles après trois

ans. Cependant, cette période est extensible en fonction des principes de l’équité, les

possibilités de revenu, des époux et de la durée du mariage.

En vertu du §1571 du BGB, un époux peut prétendre à une pension s’il/elle est incapable

d’obtenir un emploi à cause de son âge. L’âge doit être avancé lors d’un évènement spécial

dans la vie de l’époux : la séparation des époux, la fin de la garde de l’enfant ou la cessation

des conditions de soutien des §1572 et 1573. Il n’y a pas de limitation d’âge maximal.

Le §1572 dispose qu’un époux peut demander un soutien à l’autre s’il/elle est incapable

d’obtenir un emploi pour cause de maladie, handicap ou incapacité. Ceci doit survenir au

moment de la séparation, ou à la fin de la garde de l’enfant, ou à la cessation des conditions

de soutien du §1573.

En vertu du §1573 (1), un époux peut demander une pension alimentaire s’il/elle n’est pas

dans les situations régies par les §§1570 à 1572 du BGB, et tant qu’il/elle n’est pas en mesure

d’obtenir un emploi convenable après la séparation. En principe, la cause de l’impossibilité

de trouver un emploi est indifférente. Néanmoins, la demande ne peut être accordée que si le

demandeur prouve qu’il/elle a fait de réels efforts pour trouver un emploi. Le sens d’un

emploi « convenable » est précisé au §1574 (2) : l’emploi doit correspondre à l’éducation, les

capacités, un précédent emploi, l’âge et l’état de santé de l’époux, et ne doit pas causer de

difficultés excessives après la période de la relation conjugale. Pour constater une difficulté

excessive, les juges prennent en considération la durée du mariage, et la durée de la garde de

l’enfant. Le §1573 (1) couvre non seulement le chômage directement après la séparation,

mais aussi le chômage qui survient plus tard si l’époux ne peut subvenir à ses besoins. Il n’y

a pas de limite dans le temps.

D’après le §15753 (2), un époux peut faire une demande de pension, même s’il/elle a des

revenus, pour autant que ce revenu n’atteint pas le dit « besoin vital »111 du §1578. Le

111 Lebensbedarf en droit allemand.

- 50 -

demandeur ne doit pas être dans l’une des situations des §§1570 à 1572. La pension sera

fondée sur la différence entre les revenus et les besoins vitaux. En vertu du §1578, les

besoins vitaux sont déterminés en fonction du mode de vie durant le mariage et déterminent

le montant de la pension. Les besoins vitaux comprennent les coûts de l’assurance en cas de

maladie et de nécessité de soins, ainsi que les coûts de l’éducation ou de la formation. En

pratique, cette règle signifie que l’époux qui gagne le plus doit couvrir la différence des

revenus de l’autre pour maintenir le niveau de vie durant le mariage.

D’après le §1575, un époux qui a interrompu ou renoncé à une formation ou un apprentissage

à cause du mariage peut demander à l’autre une pension s’il/elle effectue une formation ou

un apprentissage pour obtenir un emploi. L’emploi en question doit être raisonnablement

accessible en fonction des capacités et des emplois précédents. La demande ne sera pas

accordée si la réalisation de cet objectif est improbable.

Selon le §1576 du BGB, un époux peut éventuellement demander une pension s’il/elle n’est

pas en mesure de trouver un emploi pour des raisons graves et si le refus de la pension est

manifestement injuste en fonction des intérêts des époux. Les raisons qui conduisent à

l’échec du mariage ne sont pas considérées comme des raisons graves. Le §1576 ne

s’applique que si l’époux n’est pas dans les situations des §§1570 à 1575. Par exemple, le

§1576 s’applique à l’époux qui a eu la garde d’un enfant d’un premier mariage pendant le

mariage actuel, si l’autre époux a accepté cette garde et si la garde est maintenue après la

séparation112.

Ces cas précis sont une spécificité allemande. Les réglementations en France et en Ontario ne

définissent le besoin et les ressources que grossièrement. Il appartient au juge de décider si la

situation est réellement un cas de besoin.

B. Une décision à la libre appréciation des juges en Ontario et en

France

Le Code civil et la loi sur le divorce ne sont pas construits sur le même schéma. Les

législateurs français et canadien ont en effet préféré définir les objectifs de la réglementation

112 SCHMITZ A. I., Die Ehescheidung und ihre Folgen nach deutschem und kanadischem Bundesrecht sowie

ausgewählte Verfahrensfragen, op. cit.

- 51 -

des pensions (1) et laissé aux juges la charge de définir les éléments fondamentaux pour

accorder les pensions par la jurisprudence (2).

DETERMINATION JURIDIQUE VAGUE DES OBJECTIFS 1.

D’après l’article 15.2(1) de la loi canadienne sur le divorce, les juges peuvent décider, à la

demande d’un époux, qu’un époux peut verser une somme forfaitaire pour soutenir l’autre.

De même, l’article 255, 6° du Code civil dispose que le juge peut fixer la pension alimentaire

qu’un époux devra verser à l’autre.

L’article 15.2(6) de la loi sur le divorce précise les objectifs d’un tel soutien. Le soutien est

fondé sur la reconnaissance des changements économiques issus du mariage ou de son échec.

La pension alimentaire vise donc à prendre en compte les conséquences financières de la

garde d’un enfant, en plus de toute obligation de soutien de l’enfant. L’ordonnance doit

prévenir toute difficulté économique causée par la séparation ainsi que générer

l’indépendance économique des époux durant une période raisonnable. Afin d’atteindre ces

objectifs, les juges doivent déterminer le montant de la pension en prenant en compte « les

ressources, les besoins et, d’une façon générale, la situation de chaque époux », d’après

l’article 15.2(4). Ils considèrent la durée de la vie conjugale, ainsi que les fonctions exécutées

par les époux durant cette vie et tout accord passé entre eux. Les juges ne s’intéressent pas

aux éventuelles fautes des époux.

Tout comme en France, la pension113 est accordée en proportion du besoin du demandeur et

de la fortune du débiteur, d’après l’article 208 du Code civil.

La formulation de la loi sur le divorce est assez vague et laisse possible de nombreuses

interprétations différentes. Les deux termes majeurs sont le « besoin » et la « fortune ».

DEFINITION JURISPRUDENTIELLE DES RESSOURCES ET DU BESOIN 2.

La signification traditionnelle du terme canadien évoquant les ressources114 a été donnée dans

Leskun v. Leskun115 et comprend les ressources pécuniaires, les immobilisations, les revenus

113 Egalement appelés aliments. 114 Means en droit de l’Ontario. 115 Leskun v. Leskun, [2006] S.C.J. No. 25, 2006 SCC 25 (S.C.C.)

- 52 -

du travail, la capacité de revenu, et toute autre source de gains ou de bénéfices, y compris

l’argent qu’une personne ne possède pas mais qui est disponible116.

Le juge peut imputer un revenu à un époux qui a pris sa retraite pour éviter d’avoir à payer

une pension, bien que le montant imputé puisse être inférieur à ce que gagnait l’époux

lorsqu’il/elle a pris sa retraite (Teeple v. Teeple117)118. De même, en France, bien que la

pension ne soit pas saisissable, elle peut être prise en compte lors de l’examen des revenus du

débiteur119.

Les ressources ne comprennent pas seulement ce que les parties gagnent mais aussi ce à quoi

elles peuvent raisonnablement prétendre, en fonction de leur âge, état de santé, qualifications

et des perspectives d’emploi dans leur secteur (Muirhead v. Muirhead120)121. Cependant, en

France les juges ne peuvent exiger du débiteur qu’il trouve une autre activité plus

lucrative122.

Selon Bracklow v. Bracklow123, le besoin est le facteur plus important pour déterminer le

montant de la pension mais il n’y a pas de disposition dans la loi sur le divorce qui interdît

d’attribuer un montant qui ne représente qu’une partie du besoin124. En France, la pension est

accordée en proportion du besoin du demandeur et les juges ne peuvent se contenter du seul

examen des ressources du débiteur125.

Depuis Verscheure v. Verscheure126, l’implication du demandeur est importante : le juge peut

attribuer par fiction des revenus au bénéficiaire qui n’a rien fait pour subvenir à ses besoins

après cinq ans de séparation127. Le besoin doit être prouvé et revendiqué par le bénéficiaire,

116 STEINBERG D. M., Ontario Family Law Practice, op. cit. 117 Teeple v. Teeple, [1999] O.J. No. 3565, 2 R.F.L. (5th) 464 (Ont. C.A.) 118 STEINBERG D. M., Ontario Family Law Practice, op. cit. 119 Civ. 1re, 5 fév. 1991. 120 Muirhead v. Muirhead, [1995] B.C.J. No. 1088, 14 R.F.L. (4th) 276 (B.C.C.A.) 121 STEINBERG D. M., Ontario Family Law Practice, op. cit. 122 Paris, 13 nov. 1962. 123 Bracklow v. Bracklow, [1999] S.C.J. No. 14, 169 D.L.R. (4th) 577 (S.C.C.) 124 STEINBERG D. M., Ontario Family Law Practice, op. cit. 125 Civ. 1re, 6 mars 1990. 126 Verscheure v. Verscheure, [2006] O.J. No. 595 (Ont. S.C.J.) 127 STEINBERG D. M., Ontario Family Law Practice, op. cit.

- 53 -

sinon le juge pourra considérer que le besoin n’est pas un facteur légitime à prendre en

compte. De même, dans une décision de 1985128, le juge français énonce que le demandeur

doit prouver qu’il/elle est dans le besoin et n’est donc pas capable de subvenir à ses besoins

en exerçant une activité rémunérée.

Le besoin prend également en considération les maladies morales ou corporelles de chaque

époux (Bracklow v. Bracklow129). En France, le besoin comprend toutes les nécessités de la

vie, y compris les soins médicaux130.

Par ailleurs, les juges doivent prendre en compte le mode de vie auquel les époux étaient

habitués durant la vie conjugale, comme dans Moge v. Moge131. Il en va de même en France :

les juges prennent en compte le mode de vie auquel l’époux peut prétendre, en fonction des

capacités de l’autre époux132. De plus, l’époux peut prétendre à une augmentation du mode

de vie tel qu’il se serait produit durant le cours normal de la vie conjugale133.

Même si les moyens pour déterminer le montant de la pension varient entre les trois

systèmes, les objectifs et les résultats sont identiques. Ceci peut permettre d’éviter des

conflits entre les époux dans une situation transfrontalière, puisque la répartition des biens

financiers a son importance dans une séparation. Deux époux qui partageaient tout sont en

effet réticents à abandonner un bien dans une telle situation, car la séparation a des

conséquences considérables sur leur biens.

Les conséquences en matière de Section 3.biens

Indépendamment du régime matrimonial qui s’applique aux époux en fonction de leur choix

ou de la réglementation locale, ils sont tenus de partager leurs biens. Dans les trois systèmes,

128 Soc. 6 mars 1895. 129 Bracklow v. Bracklow, op. cit. 130 Civ. 28 fév. 1938. 131 Moge v. Moge, [1992] S.C.J. No. 107, 43 R.F.L. (3d) 345. 132 Civ. 2e, 7 mai 1980. 133 STEINBERG D. M., Ontario Family Law Practice, op. cit.

- 54 -

les époux ont en effet un devoir de cohabitation qui les conduit à partager un foyer conjugal.

Après une séparation, qui implique la fin de ce devoir comme conséquence principale, ils

doivent décider lequel d’entre eux pourra garder le logement familial comme résidence (§1).

La cohabitation passée les a aussi conduits à partager les biens de la vie quotidienne, dont la

propriété est régie par le régime matrimonial. Dans tous les cas, ces biens doivent être

séparés entre les deux époux à la fin de la séparation (§2).

§ 1 LE LOGEMENT FAMILIAL

D’après l’article 215 du Code civil, les époux s’obligent à une communauté de vie. Ils

décident ensemble du lieu où cette communauté se tiendra. Ce lieu est appelé le foyer

conjugal134 en Ontario et le foyer matrimonial135 en Allemagne. Il comprend toutes les pièces

habitées par les époux. A la fin de cette communauté, il est souvent difficile pour eux de

décider ensemble du sort de ce lieu. Le BGB attribue le logement familial dans le respect des

intérêts des époux (A), alors que le Code civil donne la priorité aux intérêts des enfants (B).

A l’inverse, la régulation en Ontario confie aux époux le soin de trouver un accord (C).

A. Les intérêts des époux en Allemagne

Le sort du foyer conjugal est réglementé par le §1361b du BGB qui dispose que « si les

époux sont séparés, l’un d’eux peut exiger de l’autre l’usage seul de tout ou partie du foyer

conjugal, à condition que cela soit nécessaire au regard des intérêts de l’autre époux pour

éviter des difficultés excessives ». Lorsque les époux se séparent, il pèse sur celui qui

abandonne le foyer familial une présomption irrévocable de son consentement à laisser à

l’autre l’usage seul du foyer, si il/elle n’exprime pas d’intention de revenir dans les six mois

qui suivent le départ, selon le §1361b (4).

Le deuxième alinéa du §1361b ajoute que cette demande est en principe accordée s’il y a un

cas de violence de la part de l’autre époux. Si l’époux contre qui est dirigée la demande a

porté atteinte intentionnellement au corps, à la santé ou la liberté de l’autre, ou menacé de le

faire, ou porté atteinte à la vie de l’autre, l’intégralité du foyer conjugal est attribué à l’usage

seul de l’époux victime. Cependant, ceci ne s’applique pas s’il est improbable que la violence

134 Partie II de la loi sur le droit de la famille. 135 Ehewohnung en droit allemand.

- 55 -

ou les menaces surviennent de nouveau, à moins que la gravité de ces actes rende

déraisonnable la cohabitation pour l’époux victime.

Dans tous les cas, si l’usage seul du foyer conjugal est accordé à un époux, l’autre doit

s’abstenir de rendre difficile ou d’entraver l’exercice de ce droit d’usage. En retour, l’époux

qui bénéficie du droit doit verser une indemnité à l’autre, tant que cette indemnité est juste

compte tenu des principes de l’équité.

L’expression de difficultés excessives136 du §1361b (1) a fait naitre de nombreuses

interprétations des juges allemands sur les intérêts des époux. Cependant, le législateur

allemand a donné une unique précision qui corrobore les mesures françaises.

B. Les intérêts des enfants en France et en Allemagne

Le deuxième phrase du §1361b (1) définit en effet un cas de difficulté excessive comme la

situation où le bien-être de l’enfant qui vit dans le foyer familial est menacé par l’attribution

de l’usage seul du foyer. Cette précision est la seule donnée par le législateur sur la

signification des difficultés excessives, et cela démontre l’importance accordée au bien-être

de l’enfant.

Suivant la même idée, l’article 285-1 du Code civil dispose que le juge peut concéder un

droit de bail sur le logement familial à l’époux qui exerce l’autorité parentale sur un ou

plusieurs des enfants, si ces enfants résident habituellement dans ce logement et si leurs

intérêts le justifient. La priorité est donnée à l’intérêt de l’enfant et donc à l’époux qui exerce

l’autorité parentale dans le logement familial.

Ce droit de bail s’applique aussi longtemps que l’époux en question le demande et que l’un

des enfants est mineur. A l’inverse, le juge peut mettre fin à ce droit de bail si certaines

circonstances le justifient ; par exemple si l’autorité parentale est retirée à l’époux concerné.

La règle de l’article 285-1 part du principe que seul un époux est le propriétaire du logement

familial. Il en va de même pour les époux copropriétaires. Si les deux époux sont preneurs à

bail, le contrat de bail doit également être prolongé avec l’époux qui exerce l’autorité

parentale. Mais s’il n’y a pas d’enfant issu du mariage, l’un des époux peut demander l’usage

seul à l’autre mais devra payer une indemnité si les époux sont copropriétaires du logement.

136 Unbillige Härte en droit allemand.

- 56 -

Bien sûr, ces règles ne s’appliquent que si les époux ne peuvent s’accorder sur cette question.

Mais il semble que les systèmes français et allemands ne comptent pas autant sur l’accord

des époux que ce n’est le cas en Ontario.

C. L’accord entre les époux en Ontario

En Ontario, le foyer conjugal est défini à l’article 18(1) de la loi sur le droit de la famille

comme « Le bien sur lequel une personne a un droit et qui est où, si les conjoints sont

séparés, était ordinairement occupé au moment de la séparation par cette personne et son

conjoint à titre de résidence familiale ». C’est l’immeuble dans lequel les époux résidaient

lorsqu’ils se sont séparés.

En principe, les deux époux ont une égale prétention à la possession du foyer conjugal, tant

qu’ils sont mariés, d’après l’article 19(1) de cette loi. Si un seul des époux est le propriétaire

du foyer, l’autre peut faire valoir un droit personnel de possession contre lui/elle. Cependant,

d’après l’article 19(2), ce droit personnel de possession cesse lorsque le mariage est dissous.

La séparation ne met pas fin au mariage et les époux demeurent époux. Pour cette raison, le

droit de possession demeure. Néanmoins, un époux peut renoncer à ses droits sur le foyer

conjugal par une convention de séparation, en vertu de l’article 21(1).

Les conventions de séparations sont des contrats familiaux selon l’article 51 de la loi sur le

droit de la famille. Ils sont définis à l’article 54 de cette loi comme un accord entre deux

personnes qui cohabitaient et qui vivent séparés de corps, dans lequel ils s’accordent sur leurs

droits et obligations respectifs. La convention de séparation peut en effet régir la propriété et

la répartition des biens. Il doit être fait par écrit et signé par les deux parties en présence de

témoins. Les conventions de séparation sont fortement recommandées par les avocats de

l’Ontario et plus généralement au Canada car elles aident les époux à s’entendre sur de

nombreux points avant de débuter une instance de divorce. Les conventions de séparation

diminuent la période de conciliation lors d’une procédure de divorce et donc les coûts de la

procédure. Pour cette raison, les avocats de l’Ontario ont le devoir de proposer à leurs clients

de s’accorder et d’essayer de rédiger une convention en collaboration avec l’autre partie, afin

de réduire les coûts et l’engorgement des tribunaux. Ce procédé est bien plus encouragé en

Ontario qu’en France et en Allemagne, ce qui peut poser des problèmes pour une séparation

transfrontalière car l’avocat d’une partie allemande va se heurter aux pratiques juridiques de

la convention qu’il/elle ne connait pas et ne peut pas expliquer à son client. Pour cette raison,

la période de conciliation peut s’avérer plus difficile que prévue.

- 57 -

De plus, la conciliation peut également permettre de résoudre d’autres conflits concernant les

biens des époux, que le seul problème du logement familial.

§ 2 LES AUTRES BIENS

Dans les trois systèmes, il y a une différence entre les biens appartenant seulement à un

époux et les biens en copropriété des époux. Le principe général est que le propriétaire a le

droit de conserver ses biens après la séparation (A). Mais la copropriété des époux va causer

des problèmes concernant les autres biens. Les trois systèmes créent donc des solutions

suivant les principes de l’équité (B) et dans l’espoir d’un accord entre les époux (C).

A. La priorité au propriétaire

En France, les biens des époux sont régis par le Code civil que si les époux n’ont pas conclu

de contrat de mariage, en vertu de l’article 1387. En l’absence d’un tel contrat, les articles

1400 et 1401 disposent que les époux forment une communauté de biens, dite communauté

de biens réduite aux acquêts ; c'est-à-dire que tous les biens qu’ils acquièrent durant le

mariage leur appartiennent en tant que communauté. La séparation met fin à cette

communauté en vertu de l’article 1444, 4° du Code civil. D’après l’article 302, le régime

matrimonial de la communauté est remplacé par le régime de la séparation des biens. Ce

régime implique que chaque époux est l’unique propriétaire de chaque bien acquis par

lui/elle avant et après le mariage, d’après les articles 1536 et suivants.

Le majeur problème après la séparation sera de liquider les biens des époux ; c'est-à-dire de

déterminer quel bien appartient à qui. Dans ce but, le code civil distingue entre les biens

propres et les biens communs. Un bien propre est un bien acquis par un époux avant la

conclusion du mariage ou qui lui a été donné ou légué, ou qui a un caractère personnel et est

exclusivement rattaché à cette personne, d’après les articles 1402 et suivants. D’autre part,

les biens communs sont tous les biens acquis durant le mariage qui ne sont pas des biens

personnels. Pour la séparation des biens, la règles de l’article 1536 est simple : chaque époux

- 58 -

conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition des ses biens personnels. Pour

les biens communs, le notaire retenu par les époux essaiera de les concilier137.

De même, en Allemagne le §1361a du BGB dispose que le propriétaire initial d’un bien a la

priorité pour le posséder après la séparation. Si les époux sont séparés, chaque époux peut

demander à l’autre les objets domestiques qui lui appartiennent. Cet époux doit néanmoins

prouver qu’il est l’unique propriétaire des biens considérés. En dépit de cette règle, le

propriétaire d’un bien doit prendre en compte les liens entre l’autre époux et les biens

considérés, ainsi que les règles de l’équité.

En Ontario, les époux doivent remplir un formulaire appelé « l’état financier »138, qui liste

tous les biens de chaque époux, qu’ils aient été acquis avant, pendant ou après le mariage,

ainsi que leur revenu respectif et toute autre information financière. Ce document aide

également lors de la détermination des pensions alimentaires. Le remplir est obligatoire

d’après l’article 8 de la loi sur le droit de la famille.

Les avocats des deux époux travaillent en collaboration pour concilier les époux ainsi que

séparer les biens sur la base de cet état financier et des principes de l’équité.

B. L’équité

D’après l’article 5(1) de la loi sur le droit de la famille, « lorsque les conjoints sont séparés et

qu’il n’existe aucune perspective raisonnable qu’ils cohabitent de nouveau, le conjoint qui

possède le moins de biens familiaux nets a droit à la moitié de la différence entre les biens

familiaux nets de son conjoint et les siens. » Ces biens familiaux sont établis par l’état

financier. Une demande à ce sujet peut être faite d’après l’article 7(1) de cette loi dans les six

ans qui suivent la séparation mais seulement six mois après le décès d’un des époux. D’après

l’article 5(7), l’objectif de l’article est de reconnaitre l’égale contribution des époux dans la

relation conjugale et d’autoriser à chacun l’égalisation des biens familiaux nets, sous réserve

de considérations équitables. L’équité est l’idéal visé par le rédacteur de la loi.

Le BGB suit les mêmes objectifs au §1361a (1). La seconde phrase nuance en effet la

première en précisant que le propriétaire d’un bien doit le laisser à la possession et l’usage de

137 C.f. Chapitre II, Section 3, §2, C. 138 Financial statement en droit de l’Ontario. C.f. annexe.

- 59 -

l’autre si ce dernier en a besoin pour la réalisation du foyer séparé et si la concession de ce

bien est la seule solution équitable dans les circonstances de l’espèce. De même, les biens

communs aux deux époux sont séparés selon les principes de l’équité, en vertu du §1361a

(2). Les liens entre un époux et un bien doivent être pris en compte pour la séparation. Dans

un tel cas, les droits de propriété sur les biens demeurent ; c'est-à-dire que le propriétaire

reste le propriétaire du bien (ou les deux époux restent copropriétaires du bien), même si

l’autre époux (ou un seul époux) est autorisé à posséder le bien grâce aux recours d’équité.

Cette règle s’applique, à moins que les époux s’accordent sur une autre solution, d’après le

§1361a (4).

Bin qu’il soit relativement rare que les époux français et allemands décident de conclure une

convention de séparation sur la répartition des biens, c’est une pratique commune en Ontario,

et une solution encouragée par les avocats et les notaires dans chaque système.

C. L’accord des parties

Comme vu précédemment, en France, les époux sont sous le régime de la séparation des

biens lorsqu’ils sont séparés de corps, par opposition à la communauté de biens durant le

mariage, à moins qu’ils n’aient convenu d’un autre régime matrimonial par convention. Ils

doivent retenir un notaire qui constatera l’intégralité des biens de la famille dans un acte

notarié appelé l’état liquidatif. Après avoir appliqué les règles de la propriété139, le notaire est

tenu d’essayer de concilier les parties et de les conduire à un accord concernant leurs biens

communs. En cas d’échec, le notaire transmettra les résultats de ses recherches sur les

origines des biens aux avocats respectifs et les juges décideront de la division des biens.

D’après le §1361a (3) du BGB, les époux sont également censés essayer de s’accorder.

Cependant, s’ils ne peuvent trouver d’accord, le tribunal compétent doit alors trancher ce

litige. Les juges peuvent accorder une indemnité pour l’usage d’un objet en copropriété,

indemnité que devra payer à l’autre, l’époux qui reçoit le droit d’usage du bien. Dans tous les

cas, les droits de propriété demeurent inchangés, en vertu du §1361a (4).

139 C.f. Chapitre II, Section 3, §2, A.

- 60 -

Comme toujours, les avocats de l’Ontario préfèrent essayer de trouver un accord entre les

époux, plutôt que d’appliquer la règle de priorité qui pourrait conduire à des tensions et des

frustrations, et rendre la procédure encore plus longue et délicate.

Dans une situation de séparation où un éventuel forum shopping est possible, deux époux qui

se séparent mais sont toujours en bons termes ont tout intérêt à essayer de se séparer en

Ontario, avec la loi du for. La réglementation en Ontario soutient en effet l’accord des époux

autant que possible et avec peu de restrictions. Bien que la convention de séparation soit

également possible en France et en Allemagne, ce choix reste une exception que ni les

avocats ni les juges ne sont habitués à utiliser autant qu’en Ontario. C’est pourquoi, des

époux amicaux pourraient choisir de se séparer en Ontario. De plus, la condition de temps de

séparation est plus facile à remplir, puisqu’elle ne dure qu’un an comme en Allemagne, alors

qu’elle est de deux ans en France. Cependant, les réglementations en Ontario et en

Allemagne imposent une condition d’intention qui n’existe pas en France. De plus, Le

système de l’Ontario n’est pas approprié aux époux ayant de nombreux conflits et tensions,

car les dispositions des textes sont vagues et comptent sur un accord des époux. La multitude

d’interprétations différentes des textes peut être une autre source de conflit entre les époux et

leurs avocats.

Pour conclure, il semble que l’idéologie libérale de la liberté de contracter a un impact réel

sur le système de common law canadien, qui est principalement fondé sur la volonté et le

consentement des époux. Au contraire, les systèmes codifiés de France et d’Allemagne

reposent plus sur des dispositions précises, en particulier en Allemagne, et laissent des

opportunités aux époux amicaux, qui ne poussent cependant que très rarement la porte de

l’accord entre époux.

I

Bibliographie

- ANTONINI COCHIN L., L’essentiel de la jurisprudence civile – Famille : Gualino, 2009.

- CASTEL J. and WALKER J., Canadian Conflict of Laws: Butterworths, Lexis Nexis, 6th

edition 2005.

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Bundesrecht sowie ausgewählte Verfahrensfragen: Schaker Verlag, 2008.

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II

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Piétrois - La séparation de corps (30/8/12)

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III

Table de jurisprudence

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- Civ. 28 fév. 1938.

- Paris, 13 nov. 1962.

- Civ. 2e, 30 janv. 1980.

- Civ. 2e, 23 avr. 1980.

- Civ. 2e, 7 mai 1980.

- Civ. 2e, 2 oct. 1980.

- Civ. 2e, 29 sept. 1982.

- Soc. 6 mars 1985.

- Civ. 1re, 6 mars 1990.

- Civ. 1re, 5 fév. 1991.

- Civ. 1re, 22 Mars 2005.

- Civ. 1re, 28 janv. 2009.

Allemagne:

- BGH NJW 1977, 289.

- BVerfG FamRZ 1982, 1179.

- BGHZ 75, 272 : BGH FamRZ 1987, 252.

Ontario:

- Winans v. A.G. [1904] A.C. 287 at 288, 90 L.T. (H.L.)

- Orford v. Orford, [1921] O.J. No. 103, 49 O.L.R. 15 (Ont. H.J.C.).

- George v. George, [1950] O.J. No. 484, [1950] O.R. 787 (Ont. C.A.).

- Hewar v. Bryant, [1970] 1 Q.B. 357 (Eng. C.A.).

- Knoll v. Knoll, [1970] O.J. No. 1443, 1 R.F.L. 141 (Ont. C.A.)

- Fischer v. Fischer [1985], 70 N.S.R. (2nd) 206 (T.D.)

- M. v. W. [1985], 45 R.F.L. (2nd) 337 (B.C. S.C.)

- Moge v. Moge, [1992] S.C.J. No. 107, 43 R.F.L. (3d) 345.

- Hatton v. Hatton [1993] O.J. n° 2621 (QL) (Ont. Gen. Div.)

- Muirhead v. Muirhead, [1995] B.C.J. No. 1088, 14 R.F.L. (4th) 276 (B.C.C.A.)

- Bracklow v. Bracklow, [1999] S.C.J. No. 14, 169 D.L.R. (4th) 577 (S.C.C.)

- Teeple v. Teeple, [1999] O.J. No. 3565, 2 R.F.L. (5th) 464 (Ont. C.A.)

IV

- Greaves v. Greaves, [2004] O.J. No. 2522, 4 R.F.L. (6th) 1 (Ont. S.C.J.).

- Leskun v. Leskun, [2006] S.C.J. No. 25, 2006 SCC 25 (S.C.C.)

- Verscheure v. Verscheure, [2006] O.J. No. 595 (Ont. S.C.J.)

V

Glossaire multilingue

Altération définitive du lien conjugal, breakdown of marriage et Scheitern der Ehe

L’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux lorsqu’ils vivent séparés depuis deux ans. Aucune faute ne doit être prise en compte pour établir l’altération. Une réconciliation interrompt la période de séparation et implique le commencement d’une nouvelle période.

Le breakdown of marriage (échec du mariage) en Ontario est établi lorsque les époux ont vécu séparément pendant au moins un an ; ou lorsqu’un époux a, depuis la célébration du mariage, commis l’adultère ou traité l’autre époux avec une cruauté physique ou mentale qui rend intolérable le maintien de la cohabitation. Une réconciliation inférieure à 3 mois n’interrompt pas la période de séparation.

Le Scheitern der Ehe (échec du mariage) en Allemagne est constaté lorsque la communauté de vie des époux n’existe plus et qu’on ne peut attendre des époux qu’ils la reconstruisent. Il existe une présomption irréfragable d’échec lorsque les époux vivent séparés depuis un an et que les deux époux demandent conjointement la séparation de corps ou que l’un accepte la demande de l’autre ; ou lorsque les époux vivent séparés depuis trois ans. La faute n’est pas prise en compte. Une réconciliation de moins de 3 mois n’interrompt pas la période de séparation.

Autorité parentale, custody et elterliches Sorgerecht

L’autorité parentale se définit comme un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. En application de cela, les deux parents sont tenus de protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, ainsi que d’assurer son éducation et son développement dans le respect de sa personne. L’autorité parentale est distincte du choix de la résidence, du droit de visite et du droit d’hébergement.

La custody (garde) en Ontario comprend la gestion de la propriété financière et les intérêts de l’enfant, ainsi que la la gestion de sa vie quotidienne et son éducation. Sont assimilés à la garde le soin, l’éducation et tout autre élément qui s’y rattache.

Le elterliches Sorgerecht (soin parental) allemand se définit comme une obligation et un droit (Recht en allemand signifie droit) des deux parents de prendre soin de leur enfant mineur. Ceci comprend le soin de la personne de l’enfant ainsi que de ses biens.

VI

BGB – Bürgeliches Gesetzbuch

Le BGB est l’équivalent allemand du Code civil français. Adopté en 1896 et entré en vigueur le 1er janvier 1900 après 25 ans d’élaboration, il a été salué comme l’œuvre la plus considérable de son époque, par ses qualités formelles et la technique législative mise en œuvre ainsi qu’une terminologie savante et précise, abstraite et technique.140

Cessation de la communauté de vie, separate and apart, et Getrenntleben

En France, la cessation de la communauté de vie représente le rejet par les époux de la vie commune ; c'est-à-dire l’absence de partage des repas, des tâches quotidiennes et d’activités sociales. Les juges ont établi que la communauté de vie doit être brisée tant sur le plan matériel qu’affectif. Les époux peuvent vivre sous le même toit.

En Ontario, le fait de live

separate and apart (vivre séparément) est caractérisé selon 5 critères : une séparation physique; un retrait d’au moins l’un des époux des obligations matrimoniales; l’absence d’activités sociales communes; la réalisation distincte des tâches ménagères; l’absence de relation sexuelle n’est pas déterminante mais peut être considérée. Les époux peuvent vivre sous le même toit.

En Allemagne, la Getrenntleben (vie séparée) est caractérisée lorsque la communauté domestique entre les époux n’existe plus et qu’un époux ne veut manifestement plus la maintenir parce qu’il refuse la communauté de vie conjugale. Les époux peuvent vivre sous le même toit.

Common law

La common law est un système juridique fondé sur les décisions de justices, la jurisprudence, par opposition aux systèmes de droit codifié. Dans un système de common law, il y a certes des lois écrites, mais la majeure partie de la réglementation se trouve dans les registres jurisprudentiels et non dans des codes de lois. Ce système, adopté par les pays du Commonwealth en général, et notamment par le Royaume Uni, les Etats Unis, et le Canada, permet une plus grande souplesse et adaptabilité mais peut créer une certaine insécurité juridique.

Forum shopping

Le forum shopping, parfois appelé course aux tribunaux en français, est une notion propre au droit international privé. Une personne qui prend l'initiative d'intenter une action en justice peut être tentée de choisir le tribunal en fonction de la loi qu'il devra appliquer. La personne qui entame l'action peut être tentée de choisir un for (un tribunal) non parce qu'il est le for le plus approprié, mais parce que les règles des conflits de lois que ce tribunal utilisera mèneront à l'application de la loi qui lui convient le mieux.141

140 http://www.dalloz-boutique.fr/code-civil-allemand-burgerliches-gesetzbuch-BGB-traduction-commentee.html -

Code civil allemand (31/8/12) 141 http://ec.europa.eu/justice/glossary/forum-shopping_fr.htm - Forum Shopping - Justice (31/8/12)

VII

Lex fori

La lex fori est une notion propre au droit international privé, qui signifie la loi du juge saisi. Lorsqu'un juge est saisi d'une affaire qui présente un caractère international, il doit s'interroger sur la loi applicable à cette affaire. Dans certaines hypothèses, ce sera la lex fori qui s'appliquera.142

Résidence, domicile et gewöhnlicher Aufenthalt

En France comme en Ontario, la résidence habituelle, est lieu où vit un individu et où il a ses intérêts économiques. C'est-à-dire le lieu où il vit lorsqu’il travaille, et lorsqu’il dépense quotidiennement le fruit de son travail. La résidence secondaire n’a pas ce lien avec les intérêts économiques.

En France comme en Ontario, le domicile représente plutôt le lieu d’origine d’un individu, le lieu où il se sent chez lui, même s’il n’y travaille pas. Le domicile et la résidence peuvent être identiques s’il n’existe qu’un seul lieu de ce type pour l’individu.

L’Allemagne ne distingue pas entre domicile et résidence mais utilise le gewöhnlicher

Aufenthalt qui pourrait se traduire par « lieu de séjour habituel » et reprend les caractéristiques de la résidence habituelle.

142 http://ec.europa.eu/justice/glossary/lex-fori_fr.htm - Lex fori - Justice (31/8/12)

VIII

Table des abréviations et acronymes

BGB Bürgerliches Gesetzbuch : équivalent allemand du Code civil.

IX

Annexe : état financier

X

XI

XII

XIII

XIV

XV

XVI

XVII

XVIII

XIX

XX

Table des matières

Stage du 19 Mars 2012 au 6 Juillet 2012 ................................................................. a

Résumé en français ................................................................................................ b

Résumé en anglais .................................................................................................. c

Résumé en allemand .............................................................................................. d

Sommaire ............................................................................................................... e

Introduction .............................................................................................................................. - 1 -

CHAPITRE I Le fonctionnement de la séparation .................................................................. - 7 -

Articulation avec le divorce et procédure ............................................................... - 7 - Section 1.

§ 1 Existence de l’articulation entre la séparation et le divorce dans les trois systèmes - 7 -

A. Mise en exergue du devoir de soutien en Allemagne ............................................. - 8 -

B. Mise en exergue de la procédure, de certaines conséquences et de la cessation en

France ........................................................................................................................... - 9 -

C. La spécificité de l’Ontario en tant que pays fédéral au système de Common Law . - 10 -

§ 2 Tribunal compétent et Loi applicable................................................................... - 11 -

A. Compétence juridictionnelle ................................................................................ - 12 -

L’importance du lieu de résidence des époux ................................................... - 12 - 1.

Distinction entre domicile et résidence ............................................................ - 14 - 2.

B. Loi applicable ..................................................................................................... - 15 -

Distinction entre les différents aspects juridiques de la séparation .................... - 15 - 1.

Exemple de situation transfrontalière complexe ............................................... - 17 - 2.

§ 3 La reconnaissance de la séparation ...................................................................... - 19 -

A. Spécificité de l’Ontario : absence de nécessité de reconnaissance ........................ - 19 -

B. Problèmes issus des différences de procédure ...................................................... - 20 -

Les différentes causes de séparation .................................................................... - 21 - Section 2.

§ 1 L’échec du mariage, élément central de la séparation .......................................... - 22 -

A. Définition de la cessation de la vie conjugale ...................................................... - 22 -

B. Condition de durée : une exception française ....................................................... - 24 -

C. Condition de l’intention de cesser la vie commune .............................................. - 26 -

§ 2 Divergences dans les trois législations quant aux autres causes possibles ............. - 27 -

A. Adultère .............................................................................................................. - 27 -

XXI

B. Autres causes considérées intolérables................................................................. - 28 -

Cessation de la séparation.................................................................................... - 29 - Section 3.

§ 1 Reprise de la vie commune .................................................................................. - 30 -

§ 2 Le divorce, évolution de la séparation ................................................................. - 31 -

CHAPITRE II Les conséquences de la séparation .............................................................. - 33 -

Droit de garde et de visite .................................................................................... - 33 - Section 1.

§ 1 Priorité au bien-être de l’enfant, commune aux trois réglementations .................. - 34 -

A. Sens juridique de l’autorité parentale ................................................................... - 34 -

B. L’intérêt de l’enfant ............................................................................................. - 35 -

§ 2 L’autorité parentale partagée : la solution par défaut en Allemagne et en France . - 36 -

A. L’obligation de passer devant la justice ............................................................... - 36 -

B. Le concept de l’autorité parentale commune ........................................................ - 37 -

C. L’exception de l’autorité parentale séparée .......................................................... - 38 -

§ 3 La priorité donnée à l’accord entre les parents en Ontario .................................... - 39 -

A. L’intervention des juges comme une exception ................................................... - 39 -

B. Les principes gouvernant la décision ................................................................... - 40 -

Pensions alimentaires .......................................................................................... - 41 - Section 2.

§ 1 Le concept de devoir de soutien........................................................................... - 42 -

A. Un soutien familial .............................................................................................. - 42 -

B. Le cas de la séparation......................................................................................... - 43 -

C. Restrictions du soutien ........................................................................................ - 43 -

§ 2 Vis-à-vis des enfants ........................................................................................... - 44 -

A. Le besoin de l’enfant ........................................................................................... - 44 -

B. Le montant de la pension ..................................................................................... - 46 -

§ 3 Entre les époux .................................................................................................... - 47 -

A. Des dispositions précises en Allemagne .............................................................. - 48 -

Le besoin et la capacité de paiement ................................................................ - 48 - 1.

Différents cas de besoin ................................................................................... - 49 - 2.

B. Une décision à la libre appréciation des juges en Ontario et en France ................. - 50 -

Détermination juridique vague des objectifs .................................................... - 51 - 1.

Définition jurisprudentielle des ressources et du besoin ................................... - 51 - 2.

Les conséquences en matière de biens ................................................................. - 53 - Section 3.

XXII

§ 1 Le logement familial ........................................................................................... - 54 -

A. Les intérêts des époux en Allemagne ................................................................... - 54 -

B. Les intérêts des enfants en France et en Allemagne ............................................. - 55 -

C. L’accord entre les époux en Ontario .................................................................... - 56 -

§ 2 Les autres biens ................................................................................................... - 57 -

A. La priorité au propriétaire .................................................................................... - 57 -

B. L’équité............................................................................................................... - 58 -

C. L’accord des parties ............................................................................................ - 59 -

Bibliographie .......................................................................................................... I

Webographie ......................................................................................................... II

Table de jurisprudence......................................................................................... III

Glossaire multilingue............................................................................................ V

Table des abréviations et acronymes .................................................................. VIII

Annexe : état financier ......................................................................................... IX

Table des matières .............................................................................................. XX

mardi 5 mars 2013